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Full text of "Pensées de Pascal"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/pensesdepascal02pasc 


PENSÉES 


DE   PASCAL 


PUBLIÉES  DANS  LEUR  TEXTE  AUTHENTIQUE 


UNE    INTRODUCTION,  DES  NOTES  ET  DES  REMARQUES 


PAK 


ERNEST    HAVET 


NOUVELLE   ÉDITION    REVUE   ET   CORRIGEE 

Vendent  opéra  interrupta. 

TOME       SECOND 


PARIS 
LIBRAIRIE     DELAGRAVE 

15,     RUE    SOUK  FLOT,     15 


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A    LA    MÊME    LIBRAIRIE 


ISOCRATE.  Discours  sur  lui-môme,  intitulé  :  Surl'àntidosis, 

traduit  en  français  pour  la  première  fois  par  Aurj.  Cartellier, 
revu  et  publié  avec  le  texte,  une  introduction  et  des  notes, 
par  M.  Ernest  Havet,  professeur  au  Collège  de  France.  Grand 
in-8°  raisin  (Imprimerie  nationale),   1862 8     » 

PASCAL.  Opuscules  philosophiques,  comprenant  :  De  l'auto- 
rité en  matière  de  philosophie;  —  Réflexions  sur  la  géométrie 
en  général  ;  —  De  l'art  de  persuader.  Nouvelle  édition,  avec  une 
notice  sur  Pascal,  des  notes  et  des  remarques,  par  M.  Ernest 
Havet,  professeur  au  Collège  de  France.  1  vol.  in-12.  Prix,  br.     »  75 

PASCAL.  Provinciales  CI,  IV  et  XIII),  nouvelle  édition,  avec 
une  introduction  et  des  notes,  par  M.  Ernest  Havet,  membre 
de  l'Institut.  1  vol.  in-12,  broché,   1880 1  50 


37-2-17.  —  Coulommiers.  Imp.  Paul  BRODARI).  —  ï-18. 


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PENSÉES 


DE  PASCAL 


PUBLIEES  DANS  LEUR  TEXTE  AUTHENTIQUE 


AVEC 


UNE  INTRODUCTION,   DES  NOTES  ET  DES  REMAKQUES 


1'  A  K 

ERNEST    HAVET 

Membre  de  l'Institut 


SEPTIEME      EDITION     REVUE     ET     CORRIGEE 


Pendent  opéra  inierrupta 
(Voir  page  ci.) 


TOME    SECOND 


PARIS 

LIBRAIRIE    DELAGRAYE 

15,      RUE     SOU  FF  LOT,      15 

1918 


Tous  droits  de  reproduction,  de  traduction  et  d'adaptation 
réservés  pour  tous  pays. 


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PENSÉES  DE  PASCAL 


ARTICLE  XVI 


1. 

Il  y  a  des  figures  claires  et  démonstratives  ;  mais  il  y  en  a 
d'autres  qui  semblent  un  peu  tirées  par  les  cheveux,  et  qui  ne 
prouvent  qu'à  ceux  qui  sont  persuadés  d'ailleurs.  Celles-là  sont 
semblables  aux  apocalyptiques l.  Mais  la  différence  qu'il  y  a  est 
qu'ils  n'en  ont  point  d'indubitables.  Tellement  qu'il  n'y  a  rien 
de  si  injuste  que  quand  ils  montrent  que  les  leurs  sont  aussi 
bien  fondées  que  quelques-unes  des  nôtres  ;  car  ils  n'en  ont  pas 
de  démonstratives  comme  quelques-unes  des  nôtres.  La  partie 
n'est  donc  pas  égale.  Il  ne  faut  pas  égaler  et  confondre  ces 
choses  parce  qu'elles  semblent  être  semblables  par  un  bout, 
étant  si  différentes  par  l'autre.  Ce  sont  les  clartés  qui  méritent, 
quand  elles  sont  divines,  qu'on  révère  les  obscurités. 

1  bis. 

Moïse  d'abord  enseigne  la  Trinité,  le  péché  originel,  le 
Messie.  David,  grand  témoin  :  roi,  bon,  pardonnant,  belle 
âme,  bon  esprit,  puissant  ;  il  prophétise,  et  son  miracle  ar- 
rive ;  cela  est  infini.  Il  n'avait  qu'à  dire  qu'il  était  le  Messie,  s'il 
eût  eu  de  la  vanité  ;  car  les  prophéties  sont  plus  claires  de  lui 
que  de  Jésus-Christ.  Et  saint  Jean  de  même  2. 


i.  C'est-à-dire,  à  celles  des  apocalyptiques,  de  ceux,  comme  s'exprime  Port-Royal,  «  qui 
fondent  des  prophéties  sur  l'Apocalypse,  qu'ils  expliquent  à  leur  fantaisie.  » 
î.  Le  premier  Jean,  celui  qu'on  appelle  Jean- Baptiste. 


2  PENSÉES   DE   PASCAL 

2. 

Jésus- Christ,  figuré  par  Joseph,  bien-aimé  de  son  père,  en- 
voyé du  père  pour  voir  ses  frères,  etc.,  innocent,  vendu  par 
ses  frères  vingt  deniers,  et  par  là  devenu  leur  seigneur,  leur 
sauveur,  et  le  sauveur  des  étrangers,  et  le  sauveur  du  monde  ; 
ce  qui  n'eût  point  été  sans  le  dessein  de  le  perdre,  la  vente  et 
réprobation  qu'ils  en  firent. 

Dans  la  prison,  Joseph  innocent  entre  deux  criminels  ;  Jésus- 
Christ  en  la  croix  entre  deux  larrons.  Il  prédit  le  salut  à  l'un, 
et  la  mort  à  l'autre,  sur  les  mêmes  apparences  :  Jésus- Christ 
sauve  les  élus,  et  damne  les  réprouvés,  sur  les  mêmes  crimes1. 
Joseph  ne  fait  que  prédire  :  Jésus-Christ  fait.  Joseph  demande 
à  celui  qui  sera  sauvé  qu'il  se  souvienne  de  lui  quand  il  sera 
venu  en  sa  gloire  ;  et  celui  que  Jésus-Christ  sauve  lui  demande 
qu'il  se  souvienne  de  lui  quand  il  sera  en  son  royaume. 

3. 

La  synagogue  ne  périssait  point,  parce  qu'elle  était  la  figure, 
mais,  parce  qu'elle  n'était  que  la  figure,  elle  est  tombée  dans  la 
servitude.  La  figure  a  subsisté  jusqu'à  la  vérité,  afin  que  l'Église 
fût  toujours  visible,  ou  dans  la  peinture  qui  la  promettait,  ou 
dans  Tenet, 

Pour  prouver  tout  d'un  coup  les  deux,  il  ne  faut  que  voir  si 
les  prophéties  de  l'un  sont  accomplies  en  l'autre.  Pour  exa- 
miner les  prophéties,  il  faut  les  entendre;  car,  si  on  croit 
qu'elles  n'ont  qu'un  sens,  il  est  sûr  que  le  Messie  ne  sera 
point  venu  ;  mais  si  elles  ont  deux  sens,  il  est  sûr  qu'il  sera 
venu  en  Jésus- Christ.  Toute  la  question  est  donc  de  savoir 
si  elles  ont  deux  sens2... 

5. 

Pour  montrer  que  l'ancien  Testament  n'est  que  figuratif,  et 
que  les  prophètes  entendaient  par  les  biens  temporels  d'autres 
biens,  c'est,  premièrement,  que  cela  serait  indigne  de  Dieu  ; 
secondement,  que  leurs  discours  expriment  très-clairement  la 

! ,  Car,  quand  il  y  aurait  un  élu  qui  n'eût  jamais  péché,   il  aurait  encore  à  expier  1* 
crime  commun,  originel. 
2.  En  titre  dans  l'autographe,  Preuve  des  deux  Testaments  à  la  fois. 


ARTICLE   XVI  3 

promesse  des  biens  temporels,  et  qu'ils  disent  néanmoins  que 
leurs  discours  sont  obscurs,  et  que  leur  sens  ne  sera  point 
entendu.  D'où  il  paraît  que  ce  sens  secret  n'était  pas  celui  qu'ils 
exprimaient  à  découvert,  et  que,  par  conséquent,  ils  enten- 
daient parler  d'autres  sacrifices,  d'un  autre  libérateur,  etc.  Ils 
disent  qu'on  ne  l'entendra  qu'à  la  fin  des  temps.  Jer.  xxx.  ult.  f 
La  troisième  preuve  est  que  leurs  discours  sont  contraires  et 
se  détruisent,  de  sorte  que,  si  l'on  pense  qu'ils  n'aient  entend»? 
par  les  mots  de  loi  et  de  sacrifice  autre  chose  que  celle  de 
Moïse,  il  y  a  contradiction  manifeste  et  grossière.  Donc  ils  en- 
tendaient autre  chose,  se  contredisant  quelquefois  dans  un 
même  chapitre  2-  - 

6. 

Si  la  loi  et  les  sacrifices  sont  la  vérité,  il  faut  qu'elle  plaise 
à  Dieu  et  qu'elle  ne  lui  déplaise  point.  S'ils  sont  figures,  il 
faut  qu'ils  plaisent  et  déplaisent.  Or,  dans  toute  l'Ecriture,  ils 
plaisent  et  déplaisent. 

Il  est  dit  que  la  loi  sera  changée  ;  que  le  sacrifice  sera 
changé;  qu'ils  seront  sans  roi,  sans  prince  et  sans  sacrifices; 
qu'il  sera  fait  une  nouvelle  alliance,  que  la  loi  sera  renou- 
velée, que  les  préceptes  qu'ils  ont  reçus  ne  sont  pas  bons  ; 
que  leurs  sacrifices  sont  abominables  ;  que  Dieu  n'en  a  point 
demandé. 

Il  est  dit,  au  contraire,  que  la  loi  durera  éternellement  ;  que 
cette  alliance  sera  éternelle  ;  que  le  sacrifice  sera  éternel  ;  que 
le  sceptre  ne  sortira  jamais  d'avec  eux,  puisqu'il  n'en  doit  point 
sortir  que  le  Roi  éternel  n'arrive.  Tous  ces  passages  mar- 
quent-ils que  ce  soit  réalité  ?  Non.  Marquent-ils  aussi  que  ce 
soit  figure?  Non  :  mais  que  c'est  réalité,  ou  figure.  Mais  les 
premiers,  excluant  la  réalité,  marquent  que  ce  n'est  que  figure. 
Tous  ces  passages  ensemble  ne  peuvent  être  dits  de  la  réa- 
lité ;  tous  peuvent  être  dits  de  la  figure  :  donc  ils  ne  sont  pas 
dits  de  la  réalité,  mais  de  la  figure.  Agnus  occisus  est  ab  ori- 
gine mundi  \ 

1.  C'est-à-dire,  chapitre  xxx,  dernier  verset  :  In  novissimo  dierum  intelligetis  ea. 

2.  En  titre  dans  l'autographe,  Figures. 

3.  «  L'agneau  a  été  tué  dès  le  commencement  du  monde.  »  Ces  paroles,  prises  de  l'A- 
pocalypse, xiii,  8,  répondent  à  la  pensée  de  Pascal,  que  le  sacrifice  des  Juifs  n'était  que 
la  figure  passagère  du  sacrifice  éternel,  qui  est  celui  de  Jésus-Christ.  —  En  titre  dan» 
l'autographe,  Figures, 


k  PENSÉES  DE  PASCAL 

7. 

Un  portrait  porte  absence  et  présence,  plaisir  et  déplaisir. 
La  réalité  exclut  absence  et  déplaisir. 

Pour  savoir  si  la  loi  et  les  sacrifices  sont  réalité  ou  figure,  il 
faut  voir  si  les  prophètes,  en  parlant.de  ces  choses,  y  arrêtaient 
leur  vue  et  leur  pensée,  en  sorte  qu'ils  n'y  vissent  que  cette 
ancienne  alliance  ;  ou  s'ils  y  voient  quelque  autre  chose  dont 
elle  fût  la  peinture  ;  car  dans  un  portrait  on  voit  la  chose  figu- 
rée. Il  ne  faut  pour  cela  qu'examiner  ce  qu'ils  en  disent. 

Quand  ils  disent  qu'elle  sera  éternelle,  entendent-ils  parler 
de  l'alliance  de  laquelle  ils  disent  qu'elle  sera  changée  ;  et  de 
même  des  sacrifices,  etc.  ? 

Le  chiffre  à  deux  sens  *.  —  Quand  on  surprend  une  lettre 
importante  où  l'on  trouve  un  sens  clair  et  où  il  est  dit  néan- 
moins que  le  sens  en  est  voilé  et  obscurci  ;  qu'il  est  caché,  en 
sorte  qu'on  verra  cette  lettre  sans  la  voir  et  qu'on  l'entendra 
sans  l'entendre;  que  doit-on  penser,  sinon  que  c'est  un  chiffre 
à  double  sens  ;  et  d'autant  plus  qu'on  y  trouve  des  contrariétés 
manifestes  dans  le  sens  littéral  ?  Combien  doit-on  donc  estimer 
ceux  qui  nous  découvrent  le  chiffre  et  nous  apprennent  à  con- 
naître le  sens  caché  ;  et  principalement  quand  les  principes 
qu'ils  en  prennent  sont  tout  à  fait  naturels  et  clairs  î  C'est  ce 
qu'a  fait  Jésus-Christ,  et  les  apôtres.  Ils  ont  levé  le  sceau,  il  a 
rompu  le  voile  et  a  découvert  l'esprit.  Ils  nous  ont  appris  pour 
cela  que  les  ennemis  de  l'homme  sont  des  passions  ;  que  le 
Rédempteur  serait  spirituel  et  son  règne  spirituel  ;  qu'il  y  au- 
rait deux  avènements  :  l'un  de  misère,  pour  abaisser  l'homme 
superbe,  l'autre  de  gloire,  pour  élever  l'homme  humilié  ;  que 
Jésus-Christ  serait  Dieu  et  homme.  Les  prophètes  ont  dit  clai- 
rement qu'Israël  serait  toujours  aimé  de  Dieu,  et  que  la  loi  se- 
rait éternelle  ;  et  ils  ont  dit  que  l'on  n'entendrait  point  leur 
sens  et  qu'il  était  voilé  2. 

8. 

Jésus -Christ  n'a  fait  autre  chose  qu'apprendre  aux  hommes 
qu'ils  s'aimaient  eux-mêmes ,  qu'ils   étaient  esclaves ,  aveu- 

i.  Et  non,  le  chiffre  a  deux  sens.  C'est  une  espèce  de  titre   qui  annonce  la  pensée  qui 
suit. 
1    ^u  titre  dans  l'autographe,  Figure?, 


ARTICLE  XVI*  5 

gles,  malades,  malheureux  et  pécheurs;  qu'il  fallait  qu'il  les 
délivrât,  éclairât,  béatifiât  et  guérît;  que  cela  se  ferait  en  se 
haïssant  soi-même,  et  en  le  suivant  par  la  misère  et  la  mort  de 
la  croix. 

8  bis. 
La  lettre  tue.  Tout  arrivait  en  figures.  Voila  le  chiffre  que 
saint  Paul  nous  donne.  Il  fallait  que  le  Christ  souffrît.  Un 
Dieu  humilié.  Circoncision  de  cœur,  vrai  jeûne,  vrai  sacrifice, 
vrai  temple.  Les  prophètes  ont  indiqué  qu'il  fallait  que  tout 
cela  fût  spirituel  '. 

S  ter. 

Double  loi,  doubles  tables  de  la  loi,  double  temple,  double 
captivité*. 

9. 

...  Et  cependant  ce  Testament,  fait  pour  aveugler  les  uns  et 
éclairer  les  autres,  marquait,  en  ceux  mêmes  qu'il  aveuglait, 
la  vérité  qui  devait  être  connue  des  autres.  Car  les  biens  visi- 
bles qu'ils  recevaient  de  Dieu  étaient  si  grands  et  si  divins, 
qu'il  paraissait  bien  qu'il  était  puissant  de  leur  donner  les  in- 
visibles3, et  un  Messie. 

Car  la  nature  est  une  image  de  la  grâce,  et  les  miracles  visi- 
bles sont  image   des  invisibles.  Ut  sciatis,  tibi  dico,  Surge  4 

Isaïe,  li,  dit  que  la  rédemption  sera  comme  le  passage  de  la 

mer  Rouge  5. 

Dieu  a  donc  montré  en  la  sortie  d'Egypte,  de  la  mer,  en  la 
défaite  des  rois6,  en  la  manne,  en  toute  la  généalogie  d'Abra- 
ham 7,  qu'il  était  capable  de  sauver,  de  faire  descendre  le  pain 

1.  En  titre  dans  l'autographe,    Que  la  loi  était  figurative.  Figures, 
ï.  En  titre  dans  l'autographe,  Figures  particulières. 

3.  Latinisme,  pour  dire,  ayant  le  pouvoir  de  leur  donner. 

4.  A  la  page  43  du  manuscrit,  on  trouve  :  Ut  sciatis  quod  Filius  habet  potestatem  re- 
mittendipeccata.  libi  dico,  Surge.  Le  texte  complet  est,  Filius  hominis  habet  potestatem  in 
terra.  Marc,  n,  10,  et  Luc,  v,  20-24.  Jésus  a  dit  au  paralytique  :  «Tes  péchés  te  sont  re- 
mis. »  Et  les  Juifs  s'écriant  que  Dieu  seul  peut  remettre  les  péchés,  Jésus  reprend  : 
«  Quel  est  le  plus  facile  de  dire,  Tes  péchés  te  sont  remis,  ou  de  dire  à  celui  qui  ne  peut 
se  mouvoir,  Lève-toi  et  marche?  Afin  donc  que  vous  sachiez  que  le  Fils  de  l'homme  a  le 
pouvoir  ici-bas  de  remettre  les  péchés,  je  te  l'ordonne,  lève-toi  et  marche.  » 

5.  A  la  page  43  du  manuscrit,  on  trouve  au  contraire  que  la  mer  Rouge,  c'est-à-dire 
la  sortie  de  la  mer  Rouge,  est  l'image  de  la  Rédemption.  Ce  sont  les  versets  10  et  11  du 
chapitre  u  d' Isaïe  que  Pascal  interprète   ainsi. 

6.  Nombres,  xxi. 

7.  A  moins  que  Pascal  n'entende  par  là  simplement  la  postérité  d'Abraham,  je  ne  vois 
pas  bien  ce  qu'il  veut  dire. 


6  PENSÉES  DE  PASCAL 

du  ciel,  etc.  ;  de  sorte  que  le  peuple  ennemi  est  la  figure  et  la 
représentation  du  même  Messie  qu'ils  ignorent,  etc. 

Il  nous  a  donc  appris  eniin  que  toutes  ces  choses  n'étaient 
que  figures,  et  ce  que  c'est  que  vraiment  libre,  vrai  Israélite, 
vraie  circoncision,  vrai  pain  du  ciel,  etc. 

Dans  ces  promesses-là,  chacun  trouve  ce  qu'il  a  dans  le  fond 
de  son  cœur,  les  biens  temporels  ou  les  biens  spirituels,  Dieu 
ou  les  créatures;  mais  avec  cette  différence,  que  ceux  qui  y 
cherchent  les  créatures  les  y  trouvent,  mais  avec  plusieui s 
contradictions,  avec  la  défense  de  les  aimer,  avec  Tordre  de 
n'adorer  que  Dieu  et  de  n'aimer  que  lui,  ce  qui  n'est  qu'une 
même  chose1,  et  qu'enfin  il  n'est  point  venu  Messie  pour  eux; 
au  lieu  que  ceux  qui  y  cherchent  Dieu  le  trouvent,  et  sans  au- 
cune contradiction,  avec  commandement  de  n'aimer  que  lui,  et 
qu'il  est  venu  un  Messie  dans  le  temps  prédit  pour  leur  don- 
ner les  biens  qu'ils  demandent 

Et  ainsi  les  Juifs  avaient  des  miracles,  des  prophéties  qu'ils 
voyaient  accomplir  ;  et  la  doctrine  de  leur  loi  était  de  n'adorer 
et  de  n'aimer  qu'un  Dieu  :  elle  était  aussi  perpétuelle.  Ainsi 
elle  avait  toutes  les  marques  de  la  vraie  religion  :  aussi  elle 
l'était.  Mais  il  faut  distinguer  la  doctrine  des  Juifs  d'avec  la  doc- 
trine de  la  loi  des  Juifs.  Or  la  doctrine  des  Juifs  n'était  pas 
vraie,  quoiqu'elle  eût  les  miracles,  les  prophéties  et  la  perpé- 
tuité, parce  qu'elle  n'avait  pas  cet  autre  point,  de  n'adorer  et 
n'aimer  que  Dieu. 

10. 

Un  Dieu  humilié,  et  jusqu'à  la  mort  de  la  croix  :  un  Messie 
triomphant  de  la  mort  par  sa  mort.  Deux  natures  en  Jésus- 
Christ,  deux  avènements,  deux  états  de  la  nature  de  l'homme2. 

10  bis. 
On  ne  peut  faire  une  bonne  physionomie  qu'en  accordant 

1.  C'est-à-dire,  que  l'ordre  de  n'aimer  que  Dieu  est  la  même  chose  que  la  défense  d'ai- 
mer les  créatures.  Pascal  a  sans  doute  dans  l'esprit  ces  passages  du  Pentateuque  :  «  Tu 
n'adoreras  point  les  créatures.  »  Exod.  xx,  5.  «  Tu  aimeras  le  Seigneur  ton  Dieu  de 
tout  ton  cœur,  de  toute  ton  âme,  et  de  toute  ta  force.  »  Deui.  vi,  5.  a  Tu  craindras  le 
Seigneur  ton  Dieu,  et  tu  ne  serviras  que  lui  seul.  »  lbid.  x,  20.  C.  Malth.  xxn,  37,  etc. 

2.  Avant  et  après  le  péché  d'Adam.  —  En  titre  dans  l'autographe:  Sources  des  contra- 
riétéi, 


ARTICLE   XVI  7 

toutes  nos  contrariétés1,  et  il  ne  suffît  pas  de  suivre  une  suite 
de  qualités  accordantes  sans  accorder  les  contraires.  Pour  en- 
tendre le  sens  d'un  auteur,  il  faut  accorder  tous  les  passages 
contraires. 

Ainsi,  pour  entendre  l'Écriture,  il  faut  avou  un  sens  dans  le- 
quel tous  les  passages  contraires  s'accordent.  Il  ne  suffit  pas 
d'en  avoir  un  qui  convienne  à  plusieurs  passages  accordants, 
mais  d'en  avoir  un  qui  accorde  les  passages  même  contraires. 

Tout  auteur  a  un  sens  auquel  tous  les  passages  contraires 
s'accordent,  ou  il  n'a  point  de  sens  du  tout.  On  ne  peut  pas 
dire  cela  de  l'Écriture  et  des  prophètes  ;  ils  avaient  assurément 
trop  bon  sens.  11  faut  donc  en  chercher  un  qui  accorde  toutes 
les  contrariétés. 

Le  véritable  sens  n'est  donc  pas  celui  des  Juifs;  mais  en 
Jésus-Christ  toutes  les  contradictions  sont  accordées. 

Les  Juifs  ne  sauraient  accorder  la  cessation  de  la  royauté  et 
p  incipauté  prédite  par  Osée  avec  la  prophétie  de  Jacob2. 

Si  on  prend  la  loi,  les  sacrifices,  et  le  royaume,  pour  réali- 
tés, on  ne  peut  accorder  tous  les  passages.  Il  faut  donc  par  né- 
cessité qu'ils  ne  soient  que  figures.  On  ne  saurait  pas  même 
accorder  les  passages  d'un  même  auteur,  ni  d'un  même  livre,  ni 
quelquefois  d'un  même  chapitre.  Ce  qui  marque  trop  quel  était 
le  sens  de  l'auteur3.  Gomme  quand Ézéchiel,  ch.  xx,  dit  qu'or 
vivra  dans  les  commandements  de  Dieu  et  qu'on  n'y  vivra  pas  4. 

il. 

Il  n'était  point  permis  de  sacrifier  hors  de  Jérusalem,  qui 
était  le  lieu  que  le  Seigneur  avait  choisi,  ni  même  de  manger 
ailleurs  les  décimes.  Deut.  xn,  5,  etc.  Deut.  xiv,  23,  etc.  ;  xv, 
20;  xvi,  2,7,11,  15*. 

Osée  a  prédit  qu'ils  seraient  sans  roi,  sans  prince,  sans  sa- 


1.  Port-Royal  :  »  On  ne  peut  bien  faire  le  caractère  d'une  personne,  etc  »  Je  ne 
pense  pas  qu'il  s'agisse  du  caractère,  mais  de  la  figure,  dont  on  ne  peut  bien  rendre 
l'expression  dans  un  portrait,  ce  que  Pascal  appelle  faire  une  bonne  physionomie,  sans 
accorder  les  contraires,  par  exemple  la  sévérité  et  la  douceur,  la  tristesse  et  l'agré- 
ment, etc.  Car  les  expressions  opposées  se  rencontrent  souvent  dans  une  même  fi- 
gure. 

î.  Osée,  m,  4;  Gen.  xlix,   10. 

3.  C'est-à-dire,  plus   même  qu'il  n'est  nécessaire. 

4.  Je  n'aperçois  pas  dans  ce  chapitre  la  contradiction  indiquée  par  Pascal.  Aussi  P.  R. 
a  supprimé  cette  citation.  —  En  titre  dans  l'autographe,   Contradiction. 

5.  Oq  retrouve  dans  tous  ces  passages  la  formule,  in  loco  quem  elegerit  Dominus. 


8  PENSÉES   DE  PASCAL 

crifice  et  sans  idole  ;  ce  qui  est  accompli  aujourd'hui,  ne  pou- 
vant faire  sacrifice  légitime  hors  de  Jérusalem  \ 

12. 

Quand  la  parole  de  Dieu,  qui  est  véritable,  est  fausse  litté- 
ralement, elle  est  vraie  spirituellement.  Sede  a  dextris  meis  2. 
Gela  est  faux  littéralement  ;  donc  cela  est  vrai  spirituellement. 
En  ces  expressions,  il  est  parlé  de  Dieu  à  la  manière  des 
hommes  ;  et  cela  ne  signifie  autre  chose,  sinon  que,  l'intention 
que  les  hommes  ont  en  faisant  asseoir  à  leur  droite,  Dieu  l'aura 
aussi.  C'est  donc  une  marque  de  l'intention  de  Dieu,  non  de 
sa  manière  de  l'exécuter. 

Ainsi  quand  il  dit  :  Dieu  a  reçu  l'odeur  de  vos  parfums  et 
vous  donnera  en  récompense  une  terre  grasse  3,  c'est-à-dire,  la 
même  intention  qu'aurait  un  homme  qui,  agréant  vos  parfums, 
vous  donnerait  en  récompense  une  terre  grasse,  Dieu  aura  la 
même  intention  pour  vous,  parce  que  vous  avez  eu  pour  [lui] 
la  même  intention  qu'un  homme  a  pour  celui  à  qui  il  donne 
des  parfums.  Ainsi  iratus  est,  «  Dieu  jaloux.  »,  etc.  \  Car  les 
choses  de  Dieu  étant  inexprimables,  elles  ne  peuveut  être  dites 
autrement,  et  l'Eglise  aujourd'hui  en  use  encore  :  quia  confor- 
tavit  seras,  etc.  5. 

Il  ne  nous  est  pas  permis  d'attribuer  à  l'écriture  les  sens 
qu'elle  ne  nous  a  pas  révélé  qu'elle  a.  Ainsi,  de  dire  que  le 
mem  fermé  d'Isaïe  signifie  600,  cela  n'est  pas  révélé.  Il  eût  pu 
dire  que  les  tsadê  final  et  les  he  déficientes  signifieraient  des 
mystères.  Il  n'est  donc  pas  permis  de  le  dire,  et  encore  moins 
de  dire  que  c'est  la  manière  de  la  pierre  philcsophale.  Mais 
nous  disons  que  le  sens  littéral  n'est  pas  le  vrai,  parce  que  les 
prophètes  l'ont  dit  eux-mêmes  6 

1.  Et  Jérusalem  n'étant  plus  à  eux.  —  Sans  idoles  n'est  pas  dans  le  texte. 

2.  Ps.  cix.   «  Assieds-toi.  à  ma  droite.  » 

3.  Le  sens  de  ce  que  dit  ici  Pascal  est  partout  dans  les  prophéties,  mais  s'il  y  a  tel 
verset  particulier  dont  cette  phrase  soit  la  traduction,  je  ne  l'ai  pas  trouvé. 

4.  Exod.  xx,  5;  Is.  v,  25,  etc. 

5.  Ps.  cxlvit,  13  :  a  Loue  le  Seigneur,  ô  Jérusalem,  parce  qu'il  a  rendu  tes  portes  im- 
prenables. »  Il  y  a  dans  la  Vulgate  quoniam.  Ce  psaume  se  chante  à  l'office  du  mercredi 
a  Laudes. 

6.  Expliquons  tous  ces  mystères.  On  distingue  en  hébreu  le  mem  ou  m  ouvert,  dont  la 
figure  est  en  effet  ouverte  par  en  bas,  et  qui  s'emploie  au  commencement  ou  au  milieu 
des  mots,  et  le  mem  ou  m  fermé,  qui  ne  s'emploie  qu'à  la  fin.  On  sait  que  la  plus  fa- 
meuse des  prophéties  touchant  le  Messie  est  celle  qu'on  lit  au  chapitre  ix  d'Isaïe,  ver- 
eet  6  :  Parvuhu  enim  nalus  est  nobis,  etc.  Dans  le  texte  hébreu  se  trouvent  les  mots  le' 
marbé  hamisra,  répondant  à  ceux-ci  de  la  Vulgate,  mulliplicabilur  ejus  imperium.  Le  mem 


ARTICLE  XVI  9 

13. 

Tout  ce  qui  ne  va  point  à  la  charité  est  figure. 

L'unique  objet  de  l'Écriture  est  la  charité.  Tout  ce  qui  ne  va 
point  à  l'unique  but  en  est  la  figure  :  car,  puisqu'il  n'y  a  qu'un 
but,  tout  ce  qui  n'y  va  point  en  mots  propres  est  figuré. 

Dieu  diversifie  ainsi  cet  unique  précepte  de  charité  pour  sa- 
tisfaire notre  curiosilé,  qui  recherche  la  diversité,  par  cette  di- 
versité, qui  nous  mène  toujours  à  notre  unique  nécessaire.  Car 
une  seule  chose  est  nécessaire  *,  et  nous  aimons  la  diversité; 
et  Dieu  satisfait  à  l'un  et  à  l'autre  par  ces  diversités,  qui  mè- 
nent au  seul  nécessaire. 

13  bis. 

Changer  de  figure,  à  cause  de  notre  faiblesse. 

du  mot  lemarbé  devrait  être  un  mem  ouvert,  et  au  contraire  les  manuscrits  portent  un  mem 
fermé  ou  final.  Les  rabbins  ont  vu  dans  cette  faute  d'orthographe  toutes  sortes  de  mys- 
tères. Ils  out  dit  que  le  mem  fermé  (mem  clausum)  indiquait  que  le  Messie  devait  naître 
d'une  femme  vierge  (ex  virgine  clausa).  Et  ils  poussent  cette  idée  jusqu'au  détail  le  plus 
indécent.  Ils  se  sont  surtout  attachés  à  la  valeur  numérale  des  lettres,  car  les  lettres  sont 
des  chiffres  en  hébreu  aussi  bien  qu'en  grec.  Or,  tandis  que  le  mem  ouvert  vaut  40,  le  mem 
fermé  vaut  600.  Cette  anomalie  signifie  donc,  suivant  eux,  que  le  Messie  doit  venir  au 
bout  de  600  ans.  Pascal  avait  lu  ces  rêveries  dans  le  Pugio  fidei  adversus  Mauros  et  Ju- 
dœos  de  Raymond  Martin,  un  de  ces  vieux  livres  du  moyen-âge,  qui  semblent  faits  pour 
n'être  ouverts  que  par  les  savants.  Mais  ce  livre,  écrit  en  1278  par  un  moine  de  Cata- 
logne, était  demeuré  inédit  pendant  près  de  quatre  cents  ans,  et  ne  fut  imprimé  qu'eu 
1651.  C'était  donc  encore  un  livre 'nouveau,  et  qui  devait  faire  assez  de  bruit  autour  de 
Pascal  pour  qu'il  s'avisât  d'y  regarder.  Pugio,  c'est  ce  qu'on  appelait  autrefois  Yépée  de 
chevet-  Sous  le  nom  des  Maures,  l'auteur  combat,  nou  pas  le  mahométisme  ni  le  Coran, 
mais  la  philosophie  arabe. 

Le  tsadé  final  diffère  du  tsadé  ordinaire  par  sa  valeur  numérale,  comme  le  mem  fermé 
du  mem  ouvert.  Quant  aux  hé  déficientes,  il  y  a  en  hébreu  certaines  lettres  finales, 
parmi  lesquelles  le  hé  on  h,  qui  ne  se  prononcent  pas,  mais  qui  doivent  s'écrire.  Quand 
elles  ne  sont  pas  écrites,  ce  qui  est  une  faute,  les  hébraïsants  les  appellent  déficientes. 

La  manière  de  la  pierre  philosophale  signifie  sans  doute  la  manière  de  trouver  la  pierre 
philosophale.  Je  ne  sais  si  Pascal  a  ici  en  vue  quelqu'un  en  particulier,  mais  les  rêveries 
des  alchimistes  sur  la  pierre  philosophale  s'étaient  mêlées  de  bonne  heure  à  celles  des 
rabbins  sur  le  Messie.  Et  il  ne  faut  pas  croire  qu'au  temps  de  Pascal  la  cabale  eût  perdu 
tout  crédit.  Au  siècle  même  de  Uescartes,  et  tout  à  côté  de  lui,  florissait  le  célèbre  caba- 
liste  Robert  Fludd,  dont  les  idées  étranges  avaient  encore  assez  de  vogue  pour  que  Gas- 
sendi se  soit  donné  la  peine  d'en  faire  la  critique,  à  la  prière  de  Mersenne.  Or  voici  ce 
qu'écrivait  Robert  Fludd,  dans  sa  Mcdicina  catholica  (Francfort,  1629,  sect.  I,  part.  II, 
livre  I,  ch.  i)  :  «  On  expose  dans  ce  chapitre  que  Dieu  opère  dans  ce  monde  la  maladie 
comme  la  guérison  par  l'intermédiaire  de  créatures  angéliques;  et  que  tous  les  anges, 
ou  autrement  toute  la  nature  angéliqu",  est  renfermée  dans  ce  grand  ange  Miltalron 
que  les  Ecritures  appellent  la  Sagesse.  »  Et  plus  loin  (p.  67),  après  avoir  décrit  cette 
vertu  surnaturelle  répandue  dans  la  création,  et  principe  de  toute  opération  mystérieuse, 
il  ajoute  :  «  Les  cabalistes  l'appellent  Mitlairon,  d'autres  y  reconnaissent  le  Messie..., 
d  où  vient  que  le  Christ  est  appelé  ange  en  plusieurs  endroits  de  la  sainte  Ecriture.  Et 
vocatur  nomen  ejus,  dit  le  prophète,  magni  consilii  angélus.  »  On  remarquera  que  ce  pas- 
sage, qui  est  d'isaie  (ix,  6-7),  est  celui  où  se  trouve  le  fameux  mem,  qui  devait  donc  servir 
à  trouver  le  Mitlatron,  l'agent  du  grand  œuvre,  aussi  bien  que  le  Messie.  —  Dans  le  livre 
de  Reuchlin  De  arte  cabalistica,  on  lit  que  le  mem  ouvert  représente  la  sphère  de  Jupi- 
ter, et  le  mem  fermé  la  sphère  de  Mars  (Hagen,  lb30,  p.  lxxix,  au  verso).  11  distingue 
aussi  les  deux  tsadé.  —  En  titre  dans  l'autographe,  ligures. 

1.  Ce  sont  les  paroles  mêmes  de  l'Evangile   Luc,  m,  42  :  Porro  unum  est  necessarium. 


îî>  PENSÉES  DE  PASCAL 

14, 
Les  rabbins  prennent  pour  figure  les  mamelles  de  l'Epouse  ' 
et  tout  ce  qui  n'exprime  pas  l'unique  bnt  qu'ils  ont,  des  biens 
temporels.  Et  les  Chrétiens  prennent  même  l'Eucharistie  pour 
figure  de  la  gloire  où  ils  tendent. 

15. 

Il  y  en  a  qui  voient  bien  qu'il  n'y  a  pas  d'autre  ennemi  de 
l'homme  que  la  concupiscence,  qui  le  détourne  de  Dieu,  et 
non  pas  Dieu;  ni  d'autre  bien  que  Dieu,  et  non  pas  une  terre 
grasse.  Ceux  qui  croient  que  le  bien  de  l'homme  est  en  la 
chair,  et  le  mal  en  ce  qui  le  détourne  des  plaisirs  des  sens,  qu'il 
s'en  soûle  et  qu'il  y  meure.  Mais  ceux  qui  cherchent  Dieu 
de  tout  leur  cœur,  qui  n'ont  de  déplaisir  que  d'être  privés  de 
sa  vue,  qui  n'ont  de  désir  que  pour  le  posséder  et  d'ennemis 
que  ceux  qui  les  en  détournent,  qui  s'affligent  de  se  voir  environ- 
nés et  dominés  de  tels  ennemis;  qu'ils  se  consolent,  je  leur  an- 
nonce une  heureuse  nouvelle  :  il  y  a  un  libérateur  pour  eux, 
je  le  leur  ferai  voir  ;  je  leur  montrerai  qu'il  y  a  un  Dieu  pour 
eux  ;  jenele  ferai  pas  voir  aux  autres.  Je  ferai  voir  qu'un  Messie 
a  été  promis,  qui  délivrerait  des  ennemis,  et  qu'il  eu  est  venu 
un  pour  délivrer  des  iniquités,  mais  non  des  ennemis. 

16. 

Quand  David  prédit  que  le  Messie  délivrera  son  peuple  de 
ses  ennemis,  on  peut  croire  charnellement  que  ce  sera  des 
Égyptiens  ;  et  alors  je  ne  saurais  montrer  que  la  prophétie  soit 
accomplie*.  Mais  on  peut  bien  croire  aussi  que  ce  sera  des 
iniquités  :  car,  dans  la  vérité,  les  Égyptiens  ne  sont  pas  enne- 
mis, mais  les  iniquités  le  sont.  Ce  mot  d'ennemis  est  donc 
équivoque. 

Mais  s'il  dit  ailleurs,  comme  il  fait,  qu'il  délivrera  son  peu- 
ple de  ses  péchés3,  aussi  bien  qu'Isaïe  et  les  autres4,  l'équivo- 
que est  ôtée,  et  le  sens  double  des  ennemis  réduit  au  sens 

1.  Dans  le  Cantique  des  Cantiques. 

2.  Je  ne  sais  à  quel  passage  des  Psaumes  Pascal  fait  ici  allusion.  Ou  sait  que  l'Eglise 
attribue  les  Psaumes  à  David,  comme  le  Pentateuque  à  Moïse.  Mais  pourquoi  les  Egyp- 
tiens? Est-ce  à  cause  du  verset  :  In  exilu  h-aèl  de  jEgyplo  (Ps.  cxm)?  Ce  n'est  pas  là  une 
prédiction. 

3.  Ps.  cxxix  (c'est  le  De profundis). 

4.  Isaïe,  xliii,  25,  etc. 


ARTICLE  XVI  11 

simple  d'iniquités;  car,  s'il  avait  dans  l'esprit  les  péchés,  il  les 
pouvait  bien  dénoter  par  ennemis;  mais  s'il  pensait  aux  enne- 
mis, il  ne  les  pouvait  pas  désigner  par  iniquités. 

Or,  Moïse,  et  David,  et  Isaïe  usaient  des  mêmes  termes.  Qui 
dira  donc  qu'ils  n'avaient  pas  même  sens,  et  que  le  sens  de 
David,  qui  est  manifestement  d'iniquités  lorsqu'il  parlait  d'en- 
nemis, ne  fut  pas  le  même  que  celui  de  Moïse  en  parlant  d'en- 
nemis? 

Daniel,  ix,  prie  pour  la  délivrance  du  peuple  de  la  captivité 
de  leurs  ennemis  1  ;  mais  il  pensait  aux  péchés  :  et,  pour  le 
montrer,  il  dit  que  Gabriel  lui  vint  dire  qu'il  était  exaucé  et 
qu'il  n'y  avait  plus  que  soixante-dix  semaines  à  attendre;  après 
quoi  le  peuple  serait  délivré  d'iniquité,  le  péché  prendrait  fin; 
et  le  Libérateur,  le  Saint  des  saints,  amènerait  la  justice  éter- 
nelle, non  la  légale,  mais  l'éternelle  2. 

16  bis. 

Dès  qu'une  fois  on  a  ouvert  ce  secret,  il  est  impossible  de  ne 
pas  le  voir.  Qu'on  lise  le  vieil  Testament  en  cette  vue,  et  qu'on 
voie  si  les  sacrifices  étaient  vrais,  si  la  parenté  d'Abraham  était 
la  vraie  cause  de  l'amitié  de  Dieu,  si  la  terre  promise  était  le 
véritable  lieu  de  repos.  Non.  Donc  c'étaient  des  figures.  Qu'on 
voie  de  même  toutes  les  cérémonies  ordonnées,  tous  les  com- 
mandements qui  ne  sont  pas  pour  la  charité,  on  verra  que  c'en 
sont  les  figures  3. 

16  ter. 

Tous  ces  sacrifices  et  cérémonies  étaient  donc  figures  ou  sot- 
tises. Or,  il  y  a  des  choses  claires  trop  hautes,  pour  les  estimer 
des  sottises. 


REMARQUES   SUR    L'ARTICLE    XVI 

Fragment  1.  —  «  11  y  a  des  figures...  qui  semblent  un  peu  tirées 
par  les  cheveux.  »  Port-Royal  a  mis  seulement,  qui  semblent  moins 
naturelles. 

1.  Le  mot  d'ennemis  ne  se  trouve  pas  dans  ce  chapitre,  mais  l'idée  y  est. 

2.  Et  finem  accipiat  peccatum,  et  deleatur  iniquit as...  et  adducatur  justilia  sempiternel.. 
€t  ungatur  sanctus  sanctorum. 

3.  En  titre  dans  l'autographe,   ligures. 


12  PENSÉES  DE  PASCAL 

Fragment  1  bis.  —  Il  faut  bien  de  la  subtilité  pour  trouver  dans  ce 
que  Pascal  appelle  Moïse,  le  Messie,  et  encore  plus  pour  y  découvrir  la 
Trinité. 

«  David...  bon...  belle  âme,  etc.  »  On  sait  que  Bayle,  dans  son  Dic- 
tionnaire, a  fait  de  David  un  portrait  tout  autre,  qui  fit  dans  toute  la 
chrétienté  le  plus  grand  scandale,  et  que  Voltaire  remet  à  chaque 
instant  sous  les  yeux  de  ses  lecteurs. 

«  Les  prophéties  sont  plus  claires  de  lui  que  de  Jésus-Christ.  »  On 
comprend  que  MM.  de  Port- Royal  n'aient  pas  voulu  reproduire  ce  frag- 
ment dans  leur  édition. 

Fragment  2.  —  Pascal  ne  s'avise  même  pas  de  se  demander  si  les 
rapports  qu'il  signale  entre  Joseph  et  Jésus  ne  viennent  pas  de  ce  que 
la  légende  de  Jésus  se  compose  en  grande  partie  de  réminiscences  de 
l'Ancien  Testament,  comme  l'a  montré  le  docteur  Strauss;  si,  par 
exemple,  la  vente  des  trente  deniers  n'est  pas  une  imagination  qui  dé- 
rive de  celle  des  vingt  deniers,  et  l'histoire  des  deux  larrons  de  celle 
des  deux  officiers  du  roi  d'Egypte. 

Le  nom  de  Sauveur  du  monde  donné  à  Joseph  {Gen.  xli,  45),  est 
une  de  ces  rencontres  heureuses  qui  ne  manquent  jamais  à  ceux  qui 
s'adonnent  à  cet  art  des  rapprochements. 

Fragment  6.  —  «  Or  dans  toute  l'Écriture  ils  plaisent  et  déplaisent.» 
La  prétendue  contradiction  que  Pascal  poursuit  ici  dans  la  Bible 
n'existe  pas.  Les  passages  qui  témoignent  pour  la  Loi  sont  les  seuls 
qui  aient  bien  le  sens  qu'il  leur  prête.  Voir  Genèse,  xvm,  13  etc.,  et 
xlix,  10;  Jérémie,  xxxm;  Baruch,  iv,  1.  Mais  ce  serait  par  une  pure 
illusion  qu'on  croirait  trouver  dans  d'autres  passages  le  désaveu  du  ju- 
daïsme, comme  dans  Isdie,  i,  13  ;  Jérémie,  xxxi,  31  ;  Ézéchiel,  xx,  25; 
Osée,  m,  4,  et  vi,  6  ;  Daniel,  ix,  27.  Je  prendrai  pour  exemple  le  pas- 
sage d'Ezéchiel  auquel  se  rapportent  ces  paroles,  que  les  préceptes 
qu'ils  ont  reçus  ne  sont  pas  bons.  «  Ils  avaient  négligé  mes  lois,  rejeté 
mes  préceptes,  violé  mes  sabbats,  et  leurs  yeux  s'étaient  retournés» 
vers  les  idoles  de  leurs  pères.  A  mon  tour,  je  leur  ai  fait  suivre  des 
préceptes  qui  ne  sont  pas  bons,  et  des  lois  sous  lesquelles  ils  ne  pros- 
péreront pas.  Et  je  les  ai  souillés  dans  les  offrandes  qu'ils  faisaient  do 
tous  les  premiers  nés  K  J'ai  fait  cela  à  cause  de  leurs  péchés,  et  ils 
sauront  que  je  suis  le  Seigneur.  »  Il  est  clair  que  Dieu  ne  dit  pas  ici 
que  la  Loi  des  Juifs  ne  soit  pas  bonne,  mais  au  contraire  qu'il  a  livré 
les  Juifs,  pour  les  punir,  à  des  écarts  et  à  des  coutumes  étrangères 

1.  ibié.  31,  et  IV  liais,  xxm,  40. 


àfcTïCtï  XVI.  13 

qui  los  perdront,  jusqu'au  jour  du  repentir  *.  Le  premier  texte  d'Osée 
nvst  qu'une  allusion  à  la  captivité  de  Babylone  ;  celui  de  Daniel  se 
rapporte  à  la  profanation  du  temple  par  Antiochus.  Celui  d'Isaïe  et  le 
second  d'Osée  disent  seulement  que  Dieu  ne  se  soucie  pas  du  culte  que 
lui  rendent  les  méchants.  Celui  de  Jérémie  signifie  que  Dieu  reviendra 
à  son  peuple  quand  son  peuple  reviendra  à  lui.  Il  n'y  a  rien,  dans 
aucun  de  ces  textes,  de  ce  que  Pascal  y  voit  et  veut  y  faire  voir. 

Fragment  9.  —  «  Ce  Testament,  fait  pour  aveugler  les  uns  et  éclairer 
les  autres.  »  Port-Royal  a  corrigé  «  fait  de  telle  sorte  qu'en  éclairant 
les  uns  il  aveugle  les  autres.»  C'est  la  même  chose  moins  franchement 
dite,  car  Dieu  sait  sans  doute  ce  qu'il  fait. 

Fragment  10  bis.  —  «  Les  Juifs  ne  sauraient  accorder  la  cessation 
de  la  royauté  et  principauté  prédite  par  Osée  avec  la  prophétie  de 
Jacob.  » 

Voici  cette  prophétie,  tel  que  Pascal  la  lisait  dans  la  Vulgate,  car  le 
texte  même  est  très-controversé  entre  les  commentateurs  :  «  Le  sceptre 
ne  sera  pas  ôté  de  Juda,  ni  le  chef  ne  sera  pas  pris  hors  de  sa  race, 
jusqu'à  ce  que  vienne  celui  qui  doit  être  envoyé,  et  qui  doit  être  l'at- 
tente des  nations.  »  Or  ce  texte  se  concilie  avec  celui  d'Osée  de  deux 
manières  également  satisfaisantes.  Premièrement,  si  on  le  suppose  an- 
térieur à  la  captivité  de  Babylone,  tandis  que  celui  d'Osée  serait  posté- 
rieur. Secondement,  si  on  entend  simplement  par  ces  paroles,  comme 
c'est  l'interprétation  la  plus  naturelle,  que  la  tribu  de  Juda  restera 
toujours  la  première  en  Israël,  et  que  Jérusalem  demeurera  jusqu'à 
la  fin  capitale  des  Juifs. 

Fragment  12.  —  «  Ainsi  quand  il  dit  :  Dieu  a  reçu  l'odeur  de  vos 
parfums,  et  vous  donnera  en  récompense  une  terre  grasse  ;  c'est-à-dire, 
la  même  intention  qu'aurait  un  homme  qui,  agréant  vos  parfums,  vous 
donnerait  en  récompense  une  terre  grasse,  Dieu  aura  la  même  inten- 
tion pour  vous,  parce  que  vous  avez  eu  pour  [lui]  la  même  intention 
qu'un  homme  a  pour  celui  à  qui  il  donne  des  parfums.  » 

Cette  analyse  est  bien  d'un  mathématicien.  Au  reste,  il  est  vra; 
qu'une  métaphore  consiste  dans  deux  rapports  pareils,  et  par  consé- 
quent dans  une  espèce  de  proportion,  comme  l'a  montré  Aristote  (Poét 
21);  mais  il  est  permis  de  douter  que  ces  expressions  de  la  Bible  ne 
soient  que  des  métaphores,  et  que  Dieu  n'y  promette  pas  réellement 
aux  Juifs  une  terre  fertile. 

i.  Montesquieu  n'a  pas  suffisamment  compris  ce  passage,  faute  de  s'être  reporté  au 
texte.  {Esprit  des  Lois,  XIX,  2i.) 

H.  2 


14  PENSÉES  DE  PASCAL 

Fragment  14.  —  «Et  les  chrétiens  prennent  même  V Eucharistie  pour 
figure  de  la  gloire  où  ils  tendent.  »  Port-Royal  supprime  cette  fin, 
craignant  de  scandaliser  en  appelant  l'Eucharistie  une  figure,  même 
dans  un  sens  très-différent  de  celui  des  protestants.  Les  ennemis  de 
Port-Royal,  entre  autres  calomnies,  l'accusaient  de  ne  pas  croire  le 
mystère  de  la  transsubstantiation,  ni  la  présence  réelle  de  Jésus-Christ 
dans  l'Eucharistie  (xvie  Provinciale). 

Le  raisonnement  de  Pascal  est  celui- ci.  Les  rabbins  eux-mêmes  sont 
obligés  de  reconnaître  de  pures  figures  dans  l'Écriture,  par  exemple 
dans  les  images  d'amour  et  de  volupté  que  présente  le  Cantique  des 
Cantiques;  à  plus  forte  raison  est-il  permis  aux  chrétiens  de  ne  pas 
prendre  les  textes  saints  à  la  lettre.  Et  les  vrais  chrétiens  sont  si  spiri- 
tuels que,  non  contents  de  considérer  la  manne  comme  une  figure  de 
l'Eucharistie,  ils  ne  considèrent  l'Eucharistie  elle-même  que  comme 
figurant  la  possession  de  Dieu  dans  le  ciel.  Pascal  n'en  croit  pas  moins 
à  la  présence  réelle,  comme  il  croit  que  la  manne  est  réellement  tom- 
bée dans  le  désert.  On  lit  dans  la  seizième  Provinciale  :  «  L'état  des 
Chrétiens,  comme  dit  le  cardinal  Du  Perron,  d'après  les  Pères,  tient  le 
milieu  entre  l'état  des  bienheureux  et  l'état  des  Juifs.  Les  bienheureux 
possèdent  Jésus-Christ  réellement,  sans  figure  et  sans  voile.  Les  Juifs 
n'ont  possédé  de  Jésus-Christ  que  les  figures  et  les  voiles,  comme 
étaient  la  manne  et  l'agneau  pascal.  Et  les  Chrétiens  possèdent  Jésus- 
Christ  dans  l'Eucharistie  véritahlement  et  réellement,  mais  encore  cou- 
vert de  voiles...  Et  ainsi  l'Eucharistie  est  parfaitement  proportionnée 
à  notre  état  de  foi,  parce  qu'elle  enferme  véritablement  Jésus-Christ, 
mais  voilé.  De  sorte  que  cet  état  serait  détruit  si  Jésus-Christ  n'était 
pas  réellement  sous  les  espèces  du  pain  et  du  vin,  comme  le  préten- 
dent les  héritiques  ;  et  il  serait  détruit  encore  si  nous  le  recevions  à 
découvert  comme  dans  le  ciel  ;  puisque  ce  serait  confondre  notre  état 
ou  avec  l'état  du  judaïsme,  ou  avec  celui  de  la  gloire.  » 

Fragment  15.  —  «  Qu'il  s'en  soûle  et  qu'il  y  meure.  »  On  croit  être 
au  milieu  d'un  raisonnement  paisible,  et  tout  à  coup  il  part  de  là  un 
coup  qui  ioudroie. 

Puis  après  c'est  un  attendrissement  austère  :  «  Je  leur  montrerai 
qu'il  y  a  un  Dieu  pour  eux,  je  ne  le  ferai  pas  voir  aux  autres.  »  Port- 
Royal  a  réduit  cette  phrase  à  ces  seuls  mots  :  «  Il  y  a  un  Dieu  pour  eux.  » 
Le  rude  et  l'étrange  ont  disparu,  mais  aussi  l'émotion  et  l'éloquence. 

Fragment  16.  —  Quel  raisonnement!  Les  psaumes  disent  que  le 
Messie  délivrera  les  Juifs  de  leurs  ennemis,  mais  il  disent  aussi  ailleurs 
que  le  Messie  délivrera  les  Juifs  de  leurs  péchés;  donc  les  psaumes 


ARTICLE  XVÎt  15 

entendent  par  ennemis  les  péchés,  et  non-seulement  les  psaumes, 
mais  les  livres  attribués  à  Moïse!  Si  on  se  donne  la  peine  de  jeter  seu- 
lement les  yeux  sur  les  principaux  passages  du  Pentateuque  où  se 
trouve  le  mot  d'ennemis,  on  saura  bien  vite  ce  que  vaut  l'idée  de  Pas- 
cal. Voir  Gen.,  xxii,  17;  xlix,  8;  Nombres,  x,  2-9;  Deutéron.,  vi,  19, 
xxni,  14;  et  xxviii,  1-7  :  «  Le  Seigneur  fera  tomber  devant  ta  face  les 
ennemis  qui  s'élèveront  contre  toi  ;  ils  viendront  par  un  chemin,  et  ils 
s'enfuiront  par  sept  routes,  etc.  » 


ARTICLE  XVII 


1. 

La  distance  infinie  des  corps  aux  esprits  figure  la  distance 
infiniment  plus  infinie  des  esprits  à  la  charité,  car  elle  est  sur- 
naturelle1. 

Tout  l'éclat  des  grandeurs  n'a  point  de  lustre  pour  les  gens 
qui  sont  dans  les  recherches  de  l'esprit.  La  grandeur  des  gens 
d'esprit  est  invisible  aux  rois,  aux  riches,  aux  capitaines,  à  tous 
ces  grands  de  chair.  La  grandeur  de  la  Sagesse,  qui  nest  nulle 
sinon  de  Dieu,  est  invisible  aux  charnels  et  aux  gens  d  esprit. 
Ce  sont  trois  ordres  différents  en  genre. 

Les  grands  génies  ont  leur  empire,  leur  éclat,  leur  grandeur, 
leur  victoire  et  leur  lustre,  et  n'ont  nul  besoin  des  grandeurs 
charnelles,  où  elles  n'ont  pas  de  rapport*.  Ils  sont  vus,  non 
des  yeux,  mais  des  esprits;  c'est  assez.  Les  saints  ont  leur 
empire,  leur  éclat,  leur  victoire,  leur  lustre,  et  n'ont  nul  be- 
soin des  grandeurs  charnelles  ou  spirituelles,  où  elles  n'ont 
nul  rapport,  car  elles  n'y  ajoutent  ni  ôtent.  Ils  sont  vus  de 
Dieu  et  des  anges,  et  non  des  corps,  ni  des  esprits  curieux  : 
Dieu  leur  suffit. 

Archimède,  sans  éclat,  serait  en  même  vénération 3.  Il  n'a 

1.  Ce  car  se  rapporte  aux  mots  infininvnt  plus  infinie,  comme  s'il  y  avait  :  fioure  la 
distance  des  esprits  à  la  charité,  d.stauce  infiniment,  plus  infinie,  car  elle  est  surnaturelle. 

2.  C'est-à-dire,  sfins  doute,  où  leurs  grandeurs  à  eux  n'ont  pas  de  rapport.  De  même 
plus  loia  Port-Royal  a  mi3  :  des  grandeurs  charnelles,  qui  n'ont  nul  rapport  av>  c  elles 
qu  ils  cherchent  Et  plus  loin  :  des  grandeurs  charnelles  nu  spirituelles  qui  ne  tout  pas  de 
leur  ordre  et  qui  n'ajou  ent  ni  notent  à  la  grandeur  qu'ils  désirent. 

3.  Pourquoi  ce  conditionnel?  parce  qu'Arcbimède  avait  cet  éclat  terrestre,  il  était 
pc'nce  ;  voir  plus  bas. 


16  PENSÉES  DE  PASCAL 

pas  donné  des  batailles  pour  les  yeux,  mais  il  a  fourni  à  tous 
les  esprits  ses  inventions.  Oh  !  qu'il  a  éclaté  aux  esprits  1  Jé- 
sus-Christ, sans  bien  et  sans  aucune  production  au  dehors  de 
science,  est  dans  son  ordre  de  sainteté.  Il  n'a  point  donné  d'in- 
vention, il  n'a  point  régné  ;  mais  il  a  été  humble,  patient,  saint, 
saint  à  Dieu  4,  terrible  aux  démons,  sans  aucun  péché.  Oh! 
qu'il  est  venu  en  grande  pompe  et  en  une  prodigieuse  magni- 
ficence, aux  yeux  du  cœur,  qui  voient  la  Sagesse  ! 

Il  eût  été  inutile  à  Archimède  de  faire  le  prince  dans  ses  li- 
vres de  géométrie,  quoiqu'il  le  fût 2.  Il  eût  été  inutile  à  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ,  pour  éclater  dans  son  règne  de  sain- 
teté, de  venir  en  roi  :  mais  il  y  est  bien  venu  avec  F  éclat  de  son 

ordre. 

Il  est  bien  ridicule  de  se  scandaliser  de  la  bassesse  de  Jésus- 
Christ,  comme  si  cette  bassesse  est  du  même  ordre  duquel 
est  la  grandeur  qu'il  venait  faire  paraître.  Qu'on  considère 
cette  grandeur-là  dans  sa  vie,  dans  sa  passion,  dans  son  obscu- 
rité, dans  sa  mort,  dans  l'élection  des  siens,  dans  leur  aban- 
don 3,  dans  sa  secrète  résurrection,  et  dans  le  reste ,  on  la  verra 
si  grande,  qu'on  n'aura  pas  sujet  de  se  scandaliser  d'une  bas- 
sesse qui  n'y  est  pas.  Mais  il  y  en  a  qui  ne  peuvent  admirer 
que  les  grandeurs  charnelles,  comme  s'il  n'y  en  avait  pas  de 
spirituelles;  et  d'autres  qui  n'admirent  que  les  spirituelles, 
comme  s'il  n'y  en  avait  pas  d'infiniment  plus  hautes  dans  la 
Sagesse. 

Tous  les  corps,  le  firmament,  les  étoiles,  la  terre  et  ses 
royaumes,  ne  valent  pas  le  moindre  des  esprits  ;  car  il  connaît 
tout  cela,  et  soi;  et  les  corps,  rien.  Tous  les  corps  ensemble, 
et  tous  les  esprits  ensemble,  et  toutes  leurs  productions,  ne 
valent  pas  le  moindre  mouvement  de  charité  ;  cela  est  d'un 
ordre  infiniment  plus  élevé. 

De  tous  les  corps  ensemble,  on  ne  saurait  en  faire  réussir 
une  petite  pensée  :  cela  est  impossible,  et  d'un  autre  ordre.  De 

1.  Cette  répétition  parait  inspirée  par  le  Sanctus,  sanctus,  sanctus,  dans  la  Préface  de 
la  messe  (d'après  Isaïe,  vi,  3). 

2.  Il  était  parent  du  roi  Hiéron,  dit  Plutarque  (Afarcellus,  H).  Mais  cette  parenté  arec 
le  roi  ou  plutôt  le  rvpv.vvoç  d'une  cité  grecque  ne  faisait  pas  ce  que  nous  appelons  un 
prince.  Et  Cicéron  parle  d'Archimède  comme  d'un  homme  obscur,  qui  n'était  rien  en 
dehors  de  sa  géométrie:  Humilem  homunculum  a  puloere  et  radio  excilabo.  (Tascul.V,<23.) 

3.  C'est-à-dire,  lorsqu'ils  l'abandonnent;  Port-Royal  a  mis,  dans  leur  fuite. 


ARTICLE  XVII  17 

tous  1rs  corps  et  esprits,  on  n'en  saurait  tirer  un  mouvement 
de  vraie  charité;  cela  est  impossible,  et  d'un  autre  ordre,  sur- 
naturel. 

2. 

...  Jésus-Chiust  dans  une  obscurité  (selon  ce  que  le  monde 
appelle  obscurité)  telle,  que  les  historiens,  n'écrivant  que  les 
importantes  choses  des  États,  l'ont  à  peine  aperçu. 

Quel  homme  eut  jamais  plus  d'éclat!  Le  peuple  juif  tout  en- 
tier le  prédit,  avant  sa  venue.  Le  peuple  gentil  l'adore,  après 
sa  venue.  Les  deux  peuples  gentil  et  juif  le  regardent  comme 
leur  centre.  Et  cependant  quel  homme  jouit  jamais  moins  de 
cet  éclat  !  De  trente-trois  ans,  il  en  vit  trente  sans  paraître. 
Dans  trois  ans  *,  il  passe  pour  un  imposteur  ;  les  prêtres  et  les 
principaux  le  rejettent;  ses  amis  et  ses  plus  proches  le  mépri- 
sent. Enfin,  il  meurt  trahi  par  un  des  siens,  renié  par  l'autre, 
et  abandonné  par  tous. 

Quelle  part  a-t  il  donc  à  cet  éclat?  Jamais  homme  n'a  eu 
tant  d'éclat;  jamais  homme  n'a  eu  plus  d'ignominie.  Tout  cet 
éclat  n'a  servi  qu'à  nous,  pour  nous  le  rendre  reconnaissable  ; 
et  il  n'en  a  rien  eu  pour  lui. 

4 

Jésus-Christ  a  dit  les  choses  grandes  si  simplement,  qu'il 
semble  qu'il  ne  les  a  pas  pensées  ;  et  si  nettement  néanmoins, 
qu'on  voit  bien  ce  qu'il  en  pensait.  Cette  clarté,  jointe  à  cette 
naïveté,  est  admirable  2. 

5. 

Qui  a  appris  aux  évangélistes  les  qualités  d'une  âme  parfai- 
tement héroïque,  pour  la  peindre  si  parfaitement  en  Jésus- 
Glu  ist?  Pourquoi  le  font-ils  faible  dans  son  agonie?  Ne  sa- 
vent-ils pas  peindre  une  mort  constante?  Oui,  car  le  même 
saint  Luc  peint  celle  de  saint  Etienne  plus  forte  que  celle  de 
Jésus-Christ 3.  Ils  le  font  donc  capable  de  crainte  avant  que  la 
nécessité  de  mourir  soit  arrivée,  et  ensuite  tout  fort.  Mais 

1.  Port-Roy.il  corrige,  dans  les  trois  aiifrrs. 

î.  En  titre  dans  l'autographe,  Preuocs  <l>'  Jf'-svs-Cnrist. 

3.  Dans  les  Actes  des  Apùtres,  vu.  L'auteur  des  Astes  est  le  même  que  celui  du  troi- 
sième évangile,  attribué  à  saint  Luc.  C  est  précisément  cet  évangile  surtout  qui  peint  I* 
Christ  faible  dans  son  agonie,  soutenu  par  un  ange,  et  suant  une  sueur  de  sang  :  xxn,  43, 


18  PENSÉES  DE   PASCAL 

quand  ils  le  font  si  troublé,  c'est  quand  il  se  trouble  lui-même; 
et,  quand  les  hommes  le  troublent,  il  est  tout  fort. 

6. 
L'Église  a  eu  autant  de  peine  à  montrer  que  Jésus-Christ 
Hait  homme,  contre  ceux  qui  le  niaient,  qu'à  montrer  qu'il 
était  Dieu;  et  les  apparences  étaient  aussi  grandes i. 

7. 
Jésus-Christ  est  un  Dieu  dont  on  s'approche  sans  orgueil, 
et  sous  lequel  on  s'abaisse  sans  désespoir. 

8. 
La  conversion  des  Païens  n'était  réservée  qu'à  la  grâce  du 
Messie.  Les  Juifs  ont  été  si  longtemps  à  les  combattre  sans 
succès  ;  tout  ce  qu'en  ont  dit  Salomon  et  les  prophètes  a  été 
inutile.  Les  sages,  comme  Platon  et  Socrate,  n'ont  pu  le  per- 
suader. 

9. 

L'Evangile  ne  parle  de  la  virginité  de  la  Vierge  que  jusques 
à  la  naissance  de  Jésus -Christ.  Tout  par  rapport  à  Jésus- 
Christ. 

10. 

...  Jésus-Christ,  que  les  deux  Testaments  regardent,  l'An- 
cien comme  son  attente,  le  Nouveau  comme  son  modèle  ;  tous 
deux  comme  leur  centre. 

11. 

Les  prophètes  ont  prédit,  et  n'ont  pas  été  prédits.  Les  saints 
ensuite  prédits,  non  prédisants.  Jésus- Christ  prédit  et  pré- 
disant. 

12. 

Jésus-Christ  pour  tous,  Moïse  pour  un  peuple. 

Les  Juifs  bénis  en  Abraham  :  «  Je  bénirai  ceux  qui  te  béni- 
ront [  Gen.,  xn,  3  J.  »  Mais,  a  Toutes  nations  bénies  en  sa  se- 
mence* [Ibid.,  xxii,  18].  » 

Lumen  ad  revelationem  gentium  3. 

Non  fecit  taliter  omni  nationi ,  disait  David  en  parlant  de  la 

1.  C'est  la  fameuse  hérésie  d'Eutychès,  opposée  à  celle  de  Nestorius. 

2.  C'est-à-dire,  suivant  Pascal,  en  .Tésus-Chrtst,  qui  descend  d'Abraham, 
î.  •  Lumière  qui  doit  éclairer  les  Gentils.  »   lue,  u,  32. 


REMARQUES  SUR  L'ARTICLE  XVTI.  19 

Loi1.  Mais,  on  parlant  de  Jésus-Christ,  il  faut  dire  :  Fecit  ta- 
liter  oui  ni  nationi. 

Pamm  est  ut.  etc.  [haïe,  xlix,  G]8.  Aussi  c'est  à  Jésus-Christ 
d'être  universel.  L'Église  même  n'offre  le  sacrifice  que  pour  les 
fidèles;  Jésus-Christ  a  offert  celui  de  la  croix  pour  tous  3. 


REMARQUES    SUR    L  ARTICLE    XVII. 

Fragment  1.  —  Ce  magnifique  portrait  de  Jésus-Christ  a  été 
fort  maltrait é  dans  l'édition  de  Port-Royal.  «  Ils  sont  vus,  non  des 
yeux,  mais  des  esprits  ;  c'est  assez.  »  Port-Royal  met  :  «  Ils  sont  vus 
des  esprits,  non  des  yeux,  mais  c'est  assez.  »  Qui  ne  voit  que  l'inver- 
sion est  maladroite,  que  le  mais  affaiblit  le  trait  final  au  lieu  de  lui 
donner  de  la  force;  que  les  arrangeurs  ont  enlevé  à  la  touche  du  maî- 
tre ce  qu'elle  avait  de  senti,  de  vif  et  de  fier? 

«  Tl  n'a  pas  donné  des  batailles  pour  les  yeux,  mais  il  a  fourni  à  tous 
les  esprits  ses  inventions.»  Port-Royal  :  «  Il  n'a  pas  donné  des  batail- 
les, mais  il  a  laissé  à  tout  l'univers  des  inventions  admirables.»  On 
ne  cesse  de  s'étonner  que  Port-Royal  ait  si  peu  compris  le  style  de 
Pascal.  Comment  a-t-on  pu  effacer  cette  antithèse  des  yeux  et  des 
esprits,  qui  met  la  pensée  en  pleine  lumière  ?  On  a  trouvé  bizarre  des 
batailles  pour  les  yeux,  mais  toutes  les  œuvres  du  monde  sont  pour 
les  yeux,  pour  l'apparence,  suivant  Pascal.  On  a  voulu  enrichir  la  fin 
de  la  phrase,  qui  semblait  pauvre.  Mais  il  s'agit  bien  de  tout  l'univers 
Comme  si  l'espace  ajoutait  quelque  chose  à  la  grandeur  spirituelle.  Et 
que  cette  épithète  à' admirables  est  froide  ici! 

«  Oh  !  qu'il  a  éclaté  aux  esprits  !»  Il  a  fallu  que  Port-Royal  défigurât 
encore  ainsi  cette  exclamation  superbe  :  «  Oh  !  qu'il  est  grand  et  écla- 
tant aux  yeux  de  l'esprit  !  »  Ils  ont  cru  rendre  la  phrase  plus  correcte  ; 
éclater  aux  esprits,  ils  ont  trouvé  que  cela  ne  se  disait  pas.  Mais  l'o 
riginalité  de  ce  langage,  fruit  de  l'originalité  de  la  pensée  est  précisé- 
ment d'avoir  dit,  éclater  aux  esprits,  comme  on  disait  éclater  aux  yeux, 
et  que  cela  paraisse  tout  naturel  et  tout  simple. 

«  Saint,  saint  à   Dieu.  »  Port- Royal   écrit  une  seule   fois,  saint 

i.  •  Il  n'en  a  pas  fait  autant  pour  toute  nation.  »  Ps.    cxlvii,  20. 

2.  Voici  le  texte  entier  :  Parum  est  ut  sis  raihi  serous  ad  suscitandas  tribus  Jacob  et 
fœces  Israël  convertendas.  Ecce  dedi  te  in  lucem  g  n/ium,  ut  sis  salus  mea  usqae  ad  extre- 
mvm  lerrœ.  «  C'est  peu  que  tu  me  serves  à  relever  les  tribus  de  Jacob,  et  à  purifier  la 
fange   d'Israël.   Je   t'établis  pour  être   la  lumière  des  nations,  et   le  salut  que  j'envoie 

usqu'au  bout  de  la  terre.  » 

3.  Dans  la  messe  du  vendredi  saint  seulement,  où  il  n*y  a  pas  de  consécration  et  de 
acriûce,    l'Eglise  pris    pour  les  infidèles  et  pour  les  Juifs,  jjro  perfidis  Judœis. 


20  PENSÉES  DE  PASCAL 

devant  Dieu  Ils  ont  peur  peut-être  que  les  paroles  sacrées,  ainsi  em- 
ployées hors  de  l'église,  n'étonnent  et  ne  fassent  rire  les  mondains. 
Pascal  n'a  pas  tant  de  précautions,  parce  qu'il  n'a  pas  tant  de  sang- 
froid.  Port-Royal  discute,  Pascal  adore. 

Mais  comment  comprendre  que  Condorcet  ait  supprimé  ce  morceau, 
et  l'ait  confondu  dans  la  foule  des  pensées  pieuses  qu'il  retranche 
comme  ne  présentant  pas  d'intérêt  à  ses  lecteurs  !  Voir  les  Remarques 
sur  le  fragment  33  de  l'article  xxiv. 

«  Tout  l'éclat  des  grandeurs  n'a  point  de  lustre  pour  les  gens  qui 
sont  dans  les  recherches  de  l'esprit.  »  Voilà  ce  qui  nous  explique  tant 
de  passages  où  Pascal  s'exprime  sur  les  dignités  du  monde  et  sur  la 
royauté  même  avec  une  liberté  qui  a  effrayé  Port-Royal.  Il  voit  bien 
bas  ces  grands  de  chair,  les  considérant,  non-seulement  des  hauteurs 
de  l'esprit,  mais  de  celles  de  la  sainteté  où  il  aspire. 

«  La  grandeur  de  la  sagesse.  »  Port-Royal  met  de  la  sagessi  qui 
vient  de  Dieu.  Port-Royal  semble  reconnaître  ainsi  deux  espèces  de 
sagesse.  Pour  Pascal  il  n'y  en  a  qu'une,  comme  pour  les  stoïciens  ; 
mais  pour  lui,  elle  n'est  pas  dans  cet  idéal  que  les  stoïciens  appelaient 
le  Sage  ;  elle  est  en  Dieu.  C'est  elle  dont  parle  l'Écriture,  et  qui  se 
nomme  absolument  la  Sagesse. 

a  Tous  les  corps,  le  firmament,  les  étoiles  ...  ne  valent  pas  le  moin- 
dre des  esprits  ;  car  il  connaît  tout  cela,  et  soi,  et  les  corps,  rien.  »  C'est  la 
même  idée  et  le  même  orgueil  qu'on  a  déjà  vu  exprimés  dans  le  frag- 
ment du  Roseau  pensant,  i,  6.  Si  Pascal  est  si  éloquent  et  si  fort,  c'est 
qu'il  ne  dit  que  des  choses  dont  il  est  plein.  Mais  cette  pensée,  qui 
semble  assez  haute  pour  faire  la  conclusion  d'une  philosophie,  n'est  que 
le  point  de  départ  d'où  celle  de  Pascal  va  s'élever. 

«Tous  les  corps  ensemble ne  valent  pas  le  moindre  mouvement 

de  charité.  »  C'est-à-dire  d'amour  de  Dieu.  Que  cette  simplicité  est 
haute,  et  que  cette  sorte  d'élévation  est  touchante  !  L'esprit,  qui  était 
tout,  n'est  plus  rien.  Pour  Aristote,  Dieu  est  la  pensée  pure,  et  la  fin 
de  l'homme,  c'est  de  penser.  Le  Dieu  de  Pascal  n'est  pas  seulement  in- 
telligence, mais  amour.  Un  élan  du  cœur  atteint  à  lui  mieux  que  tout 
l'effort  de  la  science.  C'est  le  Dieu  des  petits,  mais  combien  il  les  fait 
grands  ! 

Je  ne  sais  s'il  y  a  rien  dans  les  Pensées  qui  surpasse  la  beauté  de 
ce  fragment.  Relisez  de  suite  ces  paroles,  pleines  de  négligences,  mais 
si  fermes  et  si  ardentes.  Il  y  règne  un  sublime  qui  étonne  l'esprit  et 
qui  remplit  le  cœur.  Voilà  quelles  méditations  consolaient  Pascal  de 
ses  souffrances,  et  le  soutenaient  contre  les  humiliations  du  dehors. 
Quand,  parmi  tant  de  génies  illustres  en  différents  genres,  sa  pensée 


ÀRTTCT.F  XVIII  21 

va  choisir  le  prince  des  physiciens  et  des  géomètres,  comment  douter 
qu'il  ne  songe  à  lui-même,  et  à  ses  propres  inventions!  Lorsque  Ra- 
cine, à  propos  de  Corneille,  osait  proclamer  que  la  postérité  ferait 
marcher  de  pair  le  çrand  poëte  et  le  grand  monarque,  ce  n'était  t)as 
pour  Corneille  seulement  qu'il  parlait.  Et  lorsque  Pascal  élevait  si 
haut  Archimède,  il  fixait  la  place  de  Pascal.  Mais  tout  à  coup  il  oublie 
cet  orgueil  de  la  pensée  ;  il  se  prosterne,  plein  de  vénération  et  de  ten- 
dresse, devant  Jésus  pauvre  et  humilié,  mais  saint  et  sans  tache.  Il  se 
confond,  il  est  ébloui,  il  le  voit  radieux  et  céleste;  c'est  une  transfigu- 
ration, mais  intérieure  et  spirituelle.  Il  n'a  pas  besoin  du  Thabor; 
trois  mots  suffisent,  sans  aucun  péché!  Et  aussitôt  il  s'écrie:  a  Oh! 
qu'il  est  venu  en  grande  pompe  aux  yeux  du  cœur  i  »  Et  on  le  sent 
ravi  jusqu'au  plus  profond  de  son  être.  L'idée  du  saint  resplendit  dans 
cette  âme,  éclat  voilé,  jouissance  austère,  mais  incomparable.  Rappro- 
chez de  ce  fragment  les  effusions  que  Pascal  a  jetées  ailleurs  sous  ce 
titre  :  Le  Mystère  de  Jésus.  On  les  trouvera  immédiatement  à  la  suite 
des  Pensées. 

Fragment  4.  —  «  Jésus-Christ  a  dit  les  choses  grandes  si  simple- 
ment qu'il  semble  qu'il  ne  les  a  pas  pensées.  »  Croirait-on  que  Port- 
Royal  a  mis,  qu'il  semble  qu'il  n'y  a  pas  pensé? 

Fragment  12.  —  «  Les  Juifs  bénis  en  Abraham  ...  mais,  toutes  na- 
«  tions  bénies  en  sa  semence.  »  Pascal  applique  à  Jésus-Christ  ces 
dernières  paroles,  mais  à  l'endroit  même  de  la  Genèse  qu'il  citait  d'a- 
bord, en  même  temps  que  Dieu  dit  à  Abraham  :  Je  ferai  sortir  de  toi 
une  grande  nation,  et  je  te  bénirai,  et  je  bénirai  ceux  qui  te  béniront; 
le  texte  ajoute  ;  Et  en  toi  seront  bénies  toutes  les  familles  de  la  terre. 


ARTICLE  XVIII 


1. 

La  pins  grande  des  preuves  de  Jésus-Christ  sont  les  prophé- 
ties. C'est  aussi  à  quoi  Dieu  a  le  plus  pourvu  ;  car  l'événement 
qui  les  a  remplies  est  un  miracle  subsistant  depuis  la  nais- 
sance de  l'Église  jusques  à  la  fin.  Aussi  Dieu  a  suscité  des 
prophètes  durant  seize  cents  ans  ;  et  pendant  quatre  cents  ans 
après ,  il  a  dispersé  toutes  ces  prophéties  avec  tous  les 
Juifs,  qui  les  portaient  dans  tous  les  lieux   du  monde.    Voilà 


22  PENSÉES  DE  PASCAL 

quelle  a  été  la  préparation  à  la  naissance  de  Jésus-Christ, 
dont  l'Évangile  devant  être  cru  de  tout  le  monde,  il  a  fallu  non- 
seulement  qu'il  y  ait  eu  des  prophéties  pour  le  faire  croire,  mais 
que  ces  prophéties  fussent  par  tout  le  monde,  pour  le  faire  em- 
brasser par  tout  le  monde. 

2. 

Quand  un  seul  homme  aurait  fait  un  livre  des  prédictions 
de  Jésus-Christ  l,  pour  le  temps  et  pour  la  manière,  et  que 
Jésus-Christ  serait  venu  conformément  à  ces  prophéties,  ce 
serait  une  force  infinie.  Mais  il  y  a  bien  plus  ici.  C'est  une 
suite  d'hommes,  durant  quatre  mille  ans,  qui,  constamment  et 
sans  variation,  viennent,  l'un  ensuite  de  l'autre,  prédire  ce 
même  avènement.  C'est  un  peuple  tout  entier  qui  l'annonce,  et 
qui  subsiste  depuis  quatre  mille  années,  pour  rendre  en  corps 
témoignage  des  assurances  qu'ils  en  ont,  et  dont  ils  ne  peuvent 
être  divertis  par  quelques  menaces  et  persécutions  Qu'on  leur 
fasse  :  ceci  est  tout  autrement  considérable2. 

3. 

Le  temps,  prédit  par  l'état  du  peuple  juif,  par  l'état  du  peu- 
ple païen,  par  l'état  du  temple,  par  le  nombre  des  années.  Il 
faut  être  hardi  pour  prédire  une  même  chose  en  tant  de  ma- 
nières. 

Il  fallait  que  les  quatre  monarchies  idolâtres  ou  païennes,  la 

fin  du  règne  de  Juda,  et  les  soixante-dix  semaines  arrivassent 

en  même  temps,  et  le  tout  avant  que  le  deuxième  temple  fût 

détruit 3. 

4. 

...  Qu'en  la  quatrième  monarchie,  avant  la  destruction  du 
second  temple,  avant  que  la  domination  des  Juifs  fût  ôtée,  en 
la  septantième  semaine  de  Daniel,  pendant  la  durée  du  second 
temple,  les  Païens  seraient  instruits,  et  amenés  à  la  connais- 
sance du  Dieu  adoré  par  les  Juifs  ;  que  ceux  qui  l'aiment  se- 

1.  C'est-à-dire,  des  prédictions  ayant  pour  objet  Jésus-Christ. 

2.  Eu  titre   dans   l'autographe,  Prophéties. 

3.  Chacune  des  parties  de  cette  plir.ise  répond  à  chacune  des  parties  de  la  précédente. 
Les  quatre  monarchies,  c'est  l'état  du  peuple  païen;  la  fin  du  règne  de  Juda,  c'est  l'état 
du  peuple  juif;  les  70  semaines  (semaines  d'années),  c'est  le  nombre  des  années;  avant 
que  le  deuxième  temple  fût  détruit,  c'est  l'état  du  temple.  —  En  titre  dans  l'autographe, 
Prophéties, 


ARTICLE  XVIII  23 

raient  délivrés  de  leurs  ennemis,  remplis  de  sa  crainte  et  de 
son  amour. 

Et  il  est  arrivé  qu'en  la  quatrième  monarchie,  avant  la  des- 
truction du  second  temple,  etc.,  les  Païens  en  foule  adorent 
Dieu  et  mènent  une  vie  angélique  ;  les  filles  consacrent  à  Dieu 
leur  virginité  et  leur  vie  ;  les  hommes  renoncent  à  tous  plaisirs. 
Ce  que  Platon  n'a  pu  persuader  à  quelque  peu  d'hommes 
choisis  et  si  instruits,  une  force  secrète  le  persuade  à  cent  mil- 
lions d'hommes  ignorants,  par  la  vertu  de  peu  de  paroles. 

Les  riches  quittent  leur  bien,  les  enfants  quittent  la  maison 
délicate  de  leurs  pères  pour  aller  dans  l'austérité  d'un  désert, 
etc.  (voyez  Philon  juif)  *.  Qu'est-ce  que  tout  cela?  C'est  ce  qui 
a  été  prédit  si  longtemps  auparavant.  Depuis  deux  mille  années, 
aucun  païen  n'avait  adoré  le  Dieu  des  Juifs 2  ;  et  dans  le  temps 
prédit,  la  foule  des  païens  adore  cet  unique  Dieu.  Les  temples 
sont  détruits,  les  rois  mêmes  se  soumettent  à  la  croix.  Qu'est- 
ce  que  tout  cela?  c'est  l'esprit  de  Dieu  qui  est  répandu  sur  la 
terre.  (Nul  païen  depuis  Moïse  jusqu'à  Jésus-Christ,  selon  les 
rabbins  mêmes.  La  foule  des  païens,  après  Jésus -Christ,  croit 
en  les  livres  de  Moïse  et  en  observe  l'essence  et  l'esprit,  et  n'en 
rejette  que  l'inutile  3.) 

5. 
Effundamspiritum  meum..  Tous  les  peuples  étaient  dans  l' infi- 
délité et  dans  la  concupiscence  ;  toute  la  terre  fut  ardente  de 
charité.  Les  princes  quittent  leurs  grandeurs  ;  les  filles  souffrent 
le  martyre.  D'où  vient  cette  force?  C'est  que  le  Messie  est  ar- 
rivé. Voilà  l'effet  et  les  marques  de  sa  venue  4. 

6. 
...  Il  est  prédit  qu'aux  temps  du  Messie,  il  viendrait B  établir 
une  nouvelle  alliance,  qui  ferait  oublier  la  sortie  d'Egypte 

1.  De  la   Vie  contemplative  :  «  Après  s'être  dégagés  de  leurs   richesses,  n'ayant  plus 
aucun  appât  qui  les  retienne,  ils  fuient  sans  regarder  en  arrière,  ils  abandonnent  frères, 

enfants,  femmes,  pères  et  mères,...  la  patrie  où  ils  sont  venus  au  monde  et  où  ils  ont  été 
nourris;...  ils  s'établissent  en  dehors  des  villes  dans  des  lieux  infréquentés,  poursuivant 
la  solitude.  »  Philon  parle  de  la  secte  juive  des  Thérapeutes,  mais  Pascal  suit  la  pensée 
de  plusieurs  Pères,  qui  ont  soutenu  que  ces  Thérapeutes  étaient  des  Chrétiens.  Voir  le 
texte  au  tome  II,  p.  475  de  l'éd.  de  Mangey. 

2.  C'est-à-dire,  depuis  Abraham. 

3.  En  titre  dans  l'autographe,  Prédictions. 

4.  En  titre  dans  V.mtngraphe,  Sainteté.  Le  texte  est  de  Joël,  n,  Î8. 

5.  C'est-à-dire,  Dieu. 


24  PENSÉES  DE  PASCAL 

[Jérém.  xxm,  5;  Is.  xliii,  16j  ;  qui  mettrait  sa  loi,  non  dans  l'ex- 
térieur, mais  dans  les  cœurs;  que  Jésus-christ  mettrait  sa 
crainte,  qui  n'avait  été  qu'au  dehors,  dans  le  milieu  du  cœur. 
Qui  ne  voit  la  loi  chrétienne  en  tout  cela1? 

7. 

...  Que  les  Juifs  réprouveraient  Jésus-Christ,  et  qu'ils  se- 
raient réprouvés  de  Dieu,  par  cette  raison  que  la  vigne  élue  ne 
donnerait  que  du  verjus  2.  Que  le  peuple  choisi  serait  infidèle, 
ingrat  et  incrédule,  populum  non  credenfem  et  contradicenlem*. 
Que  Dieu  les  frappera  d'aveuglement,  et  qu'ils  tâtonneraient  en 
plein  midi  comme  les  aveugles  ;  qu'un  précurseur  viendrait 
avant  lui 4. 

8. 

...  Que  Jésus-Christ  serait  petit  en  son  commencement  et 
croîtrait  ensuite.  La  petite  pierre  de  Daniel  [n,  35]. 

9. 

...  Qu'alors  l'idolâtrie  serait  renversée;  que  ce  Messie  abat- 
trait toutes  les  idoles  [Ezéch.,  xxx,  13]  et  ferait  entrer  les 
hommes  dans  le  culte  du  vrai  Dieu. 

Que  les  temples  des  idoles  seraient  abattus,  et  que,  parmi 
toutes  les  nations  et  en  tous  les  lieux  du  monde,  lui  serait  of- 
ferte une  hostie  pure  [Malach.,  i,  11],  non  pas  des  animaux. 

10. 
Qu'il  enseignerait  aux  hommes  la  voie  parfaite  [Is.,  il,  3]. 
Et  jamais  il  n'est  venu,  ni  devant  ni  après,  aucun  homme 
qui  ait  enseigné  rien  de  divin  approcbant  de  cela. 

11. 

...  Qu'il  serait  roi  des  Juifs  et  des  Gentils  [Ps.  lxxi,  11].  Et 
voilà  ce  roi  des  Juifs  et  des  Gentils,  opprimé  par  les  uns  et  les 
autres  qui  conspirent  à  sa  mort,  dominateur  des  uns  et  des  au- 
tres, et  détruisant,  et  le  culte  de  Moïse  dans  Jérusalem,  qui  en 
était  le  centre,  dont  il  fait  sa  première  église,  et  le  culte  des 

1.  fsale,  U,  7  ;  Jérémie,  xxxi,  33;  xxxn,  40.  —  En  tilre  dans  l'autographe,  Prédiction. 

2.  Isaîe,  v,  2,  etc. 

3.  Isaïe,  lxv,  2,  où  on  lit  seulement  populum  inrrcduhim.  Mais  Pascal  donne  ici  ce 
verset  d'après  Paul  (Rom.  x,  21J,  et  là  on  lit  dans  le  latin,  non  credentem  et  contrad> 
centem. 

4.  Ueuter.  xxvm,  28,  —  En  titre  dans  l'autographe,  Prophétie. 


ARTICLE  XVIII  25 

idoles  dans  Rome,  qui  en  était  le  centre  et  dont  il  fait  sa  prin- 
cipale église. 

12 

...  Alors  Jésus-Christ  vient  dire  aux  hommes  qu'ils  n'ont 
point  d'autres  ennemis  qu'eux-mêmes;  que  ce  sont  leurs  plis- 
sions qui  les  séparent  de  Dieu;  qu'il  vient  pour  les  détruire, 
et  pour  leur  donner  sa  grâce,  afin  de  faire  d'eux  tous  une  église 
sainte;  qu'il  vient  ramener  dans  cette  église  les  païens  et  les  Juifs; 
qu'il  vient  détruire  les  idoles  des  uns  et  la  superstition  des  autres. 

A  cela  s'opposent  tous  les  hommes,  non-seulement  par  l'op- 
position naturelle  de  la  concupiscence,  mais,  par-dessus  tous, 
les  rois  de  la  terre  s'unissent  pour  abolir  cette  religion  nais- 
sante, comme  cela  avait  été  prédit  :  Quare  fremuerunt  {/entes. 
Reges  terrai  aduer sus  Christum1.  Tout  ce  qu'il  y  a  de  grand  sur 
la  terre  s'unit,  les  savants,  les  sages,  les  rois.  Les  uns  écrivent, 
les  autres  condamnent,  les  autres  tuent.  Et,  nonobstant  toutes 
ces  oppositions,  ces  gens  simples  et  sans  force  résistent  à  toutes 
ces  puissances,  et  se  soumettent  même  ces  rois,  ces  savants, 
ces  sages,  et  ôtent  l'idolâtrie  de  toute  la  terre.  Et  tout  cela  se 
fait  par  la  force  qui  l'avait  prédit  *. 

13. 

...  Les  Juifs,  en  le  tuant  pour  ne  le  point  recevoir  pour  Messie, 
lui  ont  donné  la  dernière  marque  de  Messie.  Et,  en  continuant 
à  le  méconnaître,  ils  se  sont  rendus  témoins  irréprochables  ■  et 
en  le  tuant,  et  continuant  à  le  renier,  ils  ont  accompli  les  pro- 
phéties. Is.  lv  [5],  lx  [4,  etc.],  Ps  lxxi  [11,  18,  etc.]3 

14. 
...JEnigmatis*.  Ezéch.  xvn  [2]. 
Son  précurseur.  Malach.  m  [1]. 
Il  naîtra  enfant.  Is.  ix  [6]. 
Il  naîtra  de  la  ville  de  Bethléem.  Mich.  v  [2].  Il  paraîtra 

1.  Ps.  il,  i.  Et  Act.,  iv,  255. 

2.  Port-Royal,  par  la  force  de  cette  parole.  Mais  Pascal  veut  dire  en  général  la  force 
de  Dieu.  11  semble  qu'il  traduise  ces  derniers  mots  du  chapitre  xvn  d'Ézéchiel  :  Ego 
dominus  locutus  sum  et  feci.  «  J'ai  dit  et  j'ai  fait,  moi  le  Seigneur,  o 

3.  Ces  passages  expriment  plutôt  la  vocation  des  Gentils  que  l'exclusion  des  Juifs, 
mais  aux  yeux  de  Pascal,  c'est  la  même  chose.  Port-Royal  a  supprimé  ces  indications. 

4.  «  En  énigmes.  »  La  forme  œnùjmatis  n'est  nulle  part  dans  la  Vulgate,  mais  on  lit 
dans  la  première  épître  aux  Corinthiens,  xm,  12  :  Videmus  nunc  per  spéculum  in  œnig- 
xnate,  tune  autem  fade  ad  faciem. 


26  PENSÉES    DE  PASCAL 

principalement  en  Jérusalem  *  et  naîtra  de  la  famille  de  Juda 
et  de  David 2. 

Il  doit  aveugler  les  sages  et  les  savants,  Js.,  vi  [10],  vin  [14, 
15,]  xxix  [10,  etc.],  et  annoncer  l'Évangile  aux  petits,  Js.,  xxix 
[18,  19],  ouvrir  les  yeux  des  aveugles,  et  rendre  la  santé  aux 
infirmes,  et  mener  à  la  lumière  ceux  qui  languissent  dans  les 

ténèbres.  Is.,  lxi  [1]  3. 

(Les  prophéties  doivent  être  inintelligibles  aux  impies,  Dan. 
xii  ;  Osée,  ult.  1 0  ;  mais  intelligibles  à  ceux  qui  sont  bien  instruits. 

Les  prophéties  qui  le  représentent  pauvre,  le  représentent 
maître  des  nations,  Is.  lu,  14,  etc.,  lui.  Zach.  ix,  9. 

Les  prophéties  qui  prédisent  le  temps  ne  le  prédisent  que 
maître  des  Gentils,  et  souffrant,  et  non  dans  les  nuées,  ni  juge. 
Et  celles  qui  le  représentent  ainsi  jugeant  et  glorieux  ne  mar- 
quent point  le  temps  4. 

Quand  il  est  parlé  du  Messie  comme  grand  et  glorieux,  il  est 
visible  que  c'est  pour  juger  le  monde,  et  non  pour  le  racheter.) 

Il  doit  enseigner  la  voie  parfaite,  et  être  le  précepteur  des 
Gentils.  Is.  lv  [4],  xlii  [1-7]. 

...  Qu'il  doit  être  la  victime  pour  les  péchés  du  monde.  Is. 
xxxix6  lui  [5],  etc. 

Il  doit  être  la  pierre  fondamentale  précieuse.  Js.,  xxviii  [16]. 

Il  doit  être  la  pierre  d'achoppement  et  de  scandale.  Is .  vin 
[14].  Jérusalem  doit  heurter  contre  cette  pierre. 

Les  édifiants  doivent  réprouver  cette  pierre.  Ps.  cxvn  [22]. 

Dieu  doit  faire  de  cette  pierre  le  chef  du  coin  6. 

Et  cette  pierre  doit  croître  en  une  immense  montagne  et 
doit  remplir  toute  la  terre.  Dan.,  n  [35]. 

Qu'ainsi  il  doit  être  rejeté,  Ps.  cvm  [8]7,  méconnu  [Is.  lui, 2,3], 

i.  Voir  Malach.  m,  1  et  Agg.  n,  10. 

2.  Voir  les  passages  suivants,  Gen.  xlix,   10.  Is.  vu,  13,  14. 

3.  Voir  encore,  ibid.  xxxv,  5,  6;  xlii,  16. 

4.  Maître  des  Nations  est  dans  le  sens  de  dominateur;  maître  des  Gentils  dans  celui 
de  précepteur.  Voir  plus  loin,  il  doit  enseigner,  etc.,  endroit  où  Pascal  cite  deux  textes 
d'isaïe.  Mais  ces  texles  ne  marquent  pas  le  temps. 

5.  Citation  qui  parait  inexacte,  et  qui  n'a  pas  été  reproduite  dans  les  éditions. 

6.  Même  psaume,  même  verset.  Pascal  traduit  mot  à  mot  l'expression  latine,  caput 
anguli,  la  tete  de  l'angle,  la  pierre  angulaire. 

7.  On  ne  voit  pas  que  ce  verset  contienne  précisément  l'équivalent  du  mot  rejeté. 
Aussi  cette  citation  a  été  supprimée  dans  les  éditious.  Cependant  Pascal  peut  très-bien 
appliquer  à  Jésus-Christ  les  malédictions  contre  le  juste  qu'on  lit  dans  ce  psaume.  Lo 
verset  8  est  celui-ci  :  Fiant  dies  ejus  pauci,  et  episcopatum  ejus  accipiat  alter. 


ARTICLE  XVIII  27 

trahi  [Ps.  xl,  10],  vendu,  Zac/t.  xi,  [12];  craché,  souffleté  [Fs. 
l,  6],  moqué,  [Ps.  xxxiv,  16],  affligé  en  une  infinité  de  manières1, 
abreuvé  de  fiel,  Ps.  lxvui  [22],  transpercé,  Zach,  xn  [i0],  les 
pieds  et  les  mains  percés  [Ps.  xxi,  17],  tué  [Dan.  ix,  26],  et  ses 
habits  jetés  au  sort  [Ps.  xxr,  19]. 

Qu'il  ressusciterait,  Ps.  xv  [10],  le  troisième  jour,  Osée,  vi  [3]. 

Qu'il  monterait  au  ciel  pour  s'asseoir  à  la  droite.  Ps.  cix  [-1]. 

Que  les  rois  s'armeraient  contre  lui.  Ps.  n  [2]. 

Qu'étant  à  la  droite  du  Père,  il  serait  victorieux  de  ses  en- 
nemis. 

Que  les  rois  de  la  terre  et  tous  les  peuples  l'adoreraient.  Is. 
Lx[li]2. 

Que  les  Juifs  subsisteront  en  nation.  Jérémie  [xxxi,  36]. 

Qu'ils   seraient   errants    [Amos,  ix,   9],   sans   rois,   etc. 
Osée,  in   [4],  sans  prophètes,  Amos;  attendant  le  salut  et  ne 
le  trouvant  point.  Is.,  lix  [9]  5. 

Vocation  des  Gentils  par  Jésus-Christ,  ls.  lu,  15;  lv  [5],  lx 
[4,  etc.],  Ps.  lxxi  [11,  18,  etc.]4. 

15. 
...  Sauveur,  père,  sacrificateur,  hostie,  nourriture,  roi,  sage, 
législateur,  affligé,  pauvre,  devant  produire  un  peuple,  qu'il 
devait  conduire,  et  nourrir,  et  introduire  dans  sa  terre5... 

16. 

Il  devait  lui  seul  produire  un  grand  peuple,  élu,  saint  et 
choisi;  le  conduire,  le  nourrir,  l'introduire  dans  le  lieu  de  re- 
pos et  de  sainteté;  le  rendre  saint  à  Dieu  ;  en  faire  le  temple  de 
Dieu,  le  réconcilier  à  Dieu,  le  sauver  de  la  colère  de  Dieu,  le 

i.  Les  éditions  renvoient  au  Ps.  lxviii,  27,  c'est-à-dire  san3  doute  à  ces  mots,  et  super 
dolôrem  vulnerum  meorum  addiderunt. 

2.  Cette  indication,  conservée  dans  Port-Royal,  a  été  supprimée  depuis,  sans  doute 
parce  que  dans  ce  verset  il  est  parlé  de  Jérusalem,  et  non  du  Messie.  On  y  a  substitué, 
Ps.  lxxi,  11. 

3.  Les  éditions  suppriment  la  citation  d'Amos,  pensant  qu'elle  n'est  pas  à  sa  place,  et 
qu'elle  se  rapporte  aux  mots,  qu'ils  seront  errants.  Voir  ci-dessus.  Cependant  Pascal  n'a- 
t-il  pas  pu,  pour  les  mots,  sans  prophètes,  renvoyer  à  Amos,  vin,  12?  Circuibunt  quœ- 
rentes  verbum  Domini,  et  non  inventent.  Les  éditions  citent  Ps.  cxxm,  9. 

4.  En  titre  dans  l'autographe,  Pendant  la  durée  du  Messie.  Ce  titre  parait  signifier, 
pendant  l'attente  du  Messie;  signes  r'ïi  ont  été  donnés  de  lui  pendant  qu'il  tardait,  qu'il 
durait  à  venir. 

5.  En  titre  dans  l'autographe.  Figures.  Ce  titre  doit  signifier  que  tous  ces  attributs  de 
Jésus-Christ  existent  en  figures  dans  l'Ancien-Testament.  Ainsi  il  est  figuré  comme  sau- 
veur par  Noé,  ou  Joseph,  ou  Moïse,  comme  père  par  Abraham  etc.,  comme  affligé,  pau- 
vre, par  Job,  eLc 


28  PENSÉES  DE  PASCAL 

délivrer  de  la  servitude  du  péché,  qui  règne  visiblement  dans 
l'homme  ;  donner  des  lois  à  ce  peuple,  graver  ces  lois  dans  leur 
cœur,  s'offrir  à  Dieu  pour  eux,  se  sacrifier  pour  eux,  être  une 
hostie  sans  tache,  et  lui-même  sacrificateur,  devant  s'offrir  lui- 
même,  son  corps  et  son  sang,  et  néanmoins  offrir  pain  et  vin  à 
Dieu1. 

Prophéties  :  Transfixerunt.  Zach.xu,  10*. 

17. 
...  Qu'il  devait  venir  un  libérateur,  qui  écraserait  la  tête  au 
démon,  qui  devait  délivrer  son  peuple  de  ses  péchés,  ex  omni- 
bus iniquitatibus  [Ps.  cxxix,  8]  ;  qu'il  devait  y  avoir  un  Nouveau- 
Testament,  qui  serait  éternel  ;  qu'il  devait  y  avoir  une  autre 
prêtrise,  selon  l'ordre  de  Melchisédech  [Ps.  cix,  4];  que  celle-là 
serait  éternelle  ;  que  le  Christ  devait  être  glorieux,  puissant, 
fort,  et  néanmoins  si  misérable  qu'il  ne  serait  pas  reconnu  ; 
qu  on  ne  le  prendrait  pas  pour  ce  qu'il  est;  qu'on  le  rebuterait, 
quon  le  tuerait;  que  son  peuple,  qui  l'aurait  renié,  ne  serait 
plus  son  peuple;  que  les  idolâtres  le  recevraient,  et  auraient 
recours  a  lui ,  qu'il  quitterait  Sion  pour  régner  au  centre  de 
l'idolâtrie;  que  néanmoins  les  Juifs  subsisteraient  toujours; 
qu'il  devait  être  de  Juda,  et  quand  il  n'y  aurait  plus  de  roi. 

18. 
Qu'on  considère  que,  depuis  le  commencement  du  monde, 
l'attente  ou  l'adoration  du  Messie  subsiste  sans  interruption; 
qu'il  s'est  trouvé  des  hommes  qui  ont  dit  que  Dieu  leur  avait 
révélé  qu'il  devait  naître  un  Rédempteur  qui  sauverait  son 
peuple;  qu'Abraham  est  venu  ensuite  dire  qu'il  avait  eu  révé- 
lation qu'il  naîtrait  de  lui  par  un  iils  qu'il  aurait  ;  que  Jacob  a 
déclaré  que,  de  ses  douze  enfants,  il  naîtrait  de  Juda;  que 
Moïse  et  les  prophètes  sont  venus  ensuite  déclarer  le  temps  et 
la  manière  de  sa  venue  ;  qu'ils  ont  dit  que  la  Loi  qu'ils  avaient 
n'était  qu'en  attendant  celle  du  Messie  ;  que  jusque-là  elle  se- 
rait perpétuelle,  mais  que  l'autre  durerait  éternellement; 
qu'ainsi  leur  Loi,  ou  celle  du  Messie,  dont  elle  était  la  pro- 
messe, seraient  toujours  sur  la  terre  ;  qu'en  effet  elle  a  toujours 

\.  Comme  fait  Melchisédech,  Gen.  xiv,  18. 

2.  En  titre  daDS  l'autographe,  Jésus-Christ,   Offices.   C'est-à-dire  ses  offices,  ses  fonc- 
tions. 


ARTICLE  XVIIi  29 

duré  ;  qu'enfin  est  venu  Jésus-Christ  dans  toutes  les  circons- 
tances prédites.  Gela  est  admirable  ». 

19. 

Si  cela  est  si  clairement,  prédit  aux  Juifs,  comment  ne  l'ont- 
ils  pas  cru?  ou  comment  n'ont-ils  point  été  exterminés2,  de 
résister  à  une  chose  si  claire? 

Je  réponds  :  premièrement  ,  cela  a  été  prédit,  et  qu'ils  ne 
croiraient  point  une  chose  si  claire,  et  qu'ils  ne  seraient  point 
exterminés.  Et  rien  n'est  plus  glorieux  au  Messie  ;  car  il  ne 
suffisait  pas  qu'il  y  eût  des  prophètes;  il  fallait  qu'ils  fussent 
conservés  sans  soupçon.  Or,  etc. 

20. 

Les  prophéties  mêlées  des  choses  particulières,  et  de  celles 
du  Messie,  afin  que  les  prophéties  du  Messie  ne  fussent  pas 
sans  preuves  et  que  les  prophéties  particulières  ne  fussent 
pas  sans  fruit  *. 

21. 

Non  habemus  regem  nisi  Cœsarem 4.  Donc  Jésus-Christ  était 
le  Messie,  puisqu'ils  n'avaient  plus  de  roi  qu'un  étranger,  et 
qu'ils  n'en  voulaient  point  d'autre. 

22. 

Les  70  semaines  de  Daniel  sont  équivoques  pour  le  terme 
du  commencement,  à  cause  des  termes  de  la  prophétie;  et 
pour  le  terme  de  la  lin,  à  cause  des  diversités  des  chronologis- 
tes.  Mais  toute  cette  différence  ne  va  qu'à  200  ans  6. 

1.  En  titre  dans  l'autographe,  Perpétuité. 

î.  Pascal  avait  mis  d'abord  punis.  Voyez  xix,  5. 

3.  Pour  Pascal,  tout  ce  qui  ne  conduit  pas  à  Jkscs-Christ  et  à  la  grâce  est  sans  fruit. 
Mais  ces  prophéties  particulières  ne  sont  plus  sans  fruit  du  moment  qu'elles  donnent 
crédit  à  celles  qui  annoncent   le  Messie. 

4.  C'est  la  réponse  des  Juifs  à  Pilate,  Jean,  xix,  15  :  a  Nous  n'avons  point  de  roi,  si 
ce  n'est  César.  » 

5.  Daniel,  ix,  20.  Voici  la  traduction  que  Pascal  lui-même  avait  faite  de  ce  passage, 
avec  des  notes  que  je  place  entre  parenthèses  : 

«  Comme  je  priais  Dieu  de  tout  mon  cœur,  et  qu'en  confessant  mon  péché  et  celui  de 
tout  mon  peuple,  j'étais  prosterné  devant  mon  Dieu,  voici  que  Gabriel,  lequel  j'avais  vu  en 
vision  dès  le  commencement,  vint  à  moi  et  me  toucha,  au  temps  du  sacrifice  du  vêpre,  et  mo 
donnant  l'intelligence,  me  dit  :  Daniel,  je  suis  venu  à  vous  pour  vous  ouvrir  la  connaissance  des 
choses.  Dès  le  commencement  de  vos  prières,  je  suis  venu  pour  vous  découvir  ce  que 
vous  désirez,  parce  que  vous  êtes  l'homme  de  désirs.  Entendez  donc  la  parole,  et  entrez 
dans  l'intelligence  de  la  vision.  Soixante-dix  semaines  sont  prescrites  et  déterminées  sur 
votre  peuple  et  sur  votre  sainte  cité,  pour  expier  les  crimes,  pour  mettre  tin  aux  péchés, 
et  abolir  l'iniquité,  et  pour  introduire  la  justice  éternelle,  pour  accomplir  les  visions  et  les 
prophéties,  et  pour  oindre  le  saint  des  saints. 

(Après  quoi  ce  peuple  ne  sera  plus  votre  peuple  ni  cette  cité  la  sainte  cité.  Le  temps 
de  colère  sera  passé,  les  ans  de  grâce  viendront  pour  jamaisj 

II.  3 


30  PENSÉES  DE  PASCAL 


REMARQUES   SUR   i/ARTICLE   XVIII 

Fragment  3 .  —  Pascal  avait  écrit,  et  on  trouve  dans  le  cahier  au- 
tographe, la  traduction  d'une  suite  de  passages  de  forme  prophétique 
pris  dans  le  livre  qui  porte  le  nom  de  Daniel,  et  qui  étaient  présenta 
à  sa  pensée  quand  il  écrivait  ce  fragment.  Je  reproduis  ces  traductions» 
avec  les  notes  explicatives  de  Pascal,  que  je  mets  entre  parenthèses. 

«  Daniel,  n.  Tous  vos  devins  et  vos  sages  ne  peuvent  vous  découvrir 
le  mystère  que  vous  demandez. 

»  Mais  il  y  a  un  Dieu  au  ciel,  qui  le  peut,  et  qui  vous  a  révélé 
dans  votre  songe  les  choses  qui  doivent  arriver  dans  les  derniers 
temps.  (Il  fallait  que  ce  songe  lui  tînt  bien  au  cœur.) 

»  Et  ce  n'est  point  par  ma  propre  science  que  j'ai  eu  la  connais- 
sance de  ce  secret,  mais  par  la  révélation  de  ce  même  Dieu,  qui  me 
l'a  découverte  pour  la  rendre  manifeste  en  votre  présence. 

»  Votre  songe  était  donc  de  cette  sorte.  Vous  avez  vu  une  statue 
grande,  haute  et  terrible,  qui  se  tenait  debout  devant  vous  :  la  tête 
en  était  d'or,  la  poitrine  et  les  bras  étaient  d'argent;  le  ventre  et  les 
cuisses  étaient  d'airain,  et  les  jambes  étaient  de  fer,  et  les  pieds  étaient 
mêlés  de  fer  et  de  terre  (argile).  Vous  la  contempliez  toujours  en 
cette  sorte,  jusqu'à  ce  que  la  pierre  taillée  sans  mains  !  a  frappé  la 
statue  par  les  pieds  mêlés  de  fer  et  de  terre  et  les  a  écrasés. 

»  Et  alors  s'en  sont  allés  en  poussière  et  le  fer,  et  la  terre,  et  l'ai- 
rain,  et  l'argent,  et  l'or,  et  se  sont  dissipés  en  l'air  ;  mais  cette  pierre 
qui  a  frappé  la  statue  est  crue  en  une  grande  montagne,  et  elle  a  rem 
pli  toute  la  terre.  Voilà  quel  a  été  votre  songe,  et  maintenant  je  vous 
en   donnerai  l'interprétation. 

•  Sachez  donc  et  entendez.  Depuis  que  la  parole  sortira  pour  rétablir  et  réédifier  Jé- 
rusalem, jusqu'au  prince  Messie,  il  y  aura  sept  semaines  et  soixante-deux  semaines. 

(Les  Hébreux  ont  accoutumé  de  diviser  les  nombres  et  de  mettre  le  petit  le  premier  ; 
ces  7  et  62  font  donc  69  :  de  ces  70  il  en  restera  donc  la  70e,  c'est-à-dire  les  7  dernière» 
années,  dont  il  parlera  ensuite). 

>  Après  que  la  place  et  les  murs  seront  édifiés  dans  un  temps  de-trouble  et  d'affliction, 
et  après  ces  soixante-deux  semaines. 

(Qui  auront  suivi  les  7  premières.  Le  Christ  sera  donc  tué  après  le»  69  semaines,  c'est- 
à-dire  en  la  dernière  semaine.) 

»  Le  Christ  sera  tué,  et  un  peuple  viendra  avec  son  prince,  qui  détruira  la  ville  et  le 
sanctuaire,  et  inondera  tout;  et  la  fin  de  cette  guerre  consommera  la  désolation. 

>  Or  une  semaine  (qui  est  la  70e  qui  reste) 

»  Établira  l'alliance  avec  plusieurs  ;  et  même  la  moitié  de  la  semaine  (c'est-à-dire  les 
derniers  trois  ans  et  demi)  abolira  le  sacriâce  et  l'hostie,  et  rendra  étonnante  l'étendu* 
de  l'abomination,  qui  se  répandra  et  durera  sur  ceux  mêmes  qui  s'en  étonneront  et  du- 
rera jusqu'à  la  consommation.  • 

Il  s'agit  de  semaines  ou  septaines  d'années.  —  En  titre  dans  l'autographe,  Prophéties. 

1.  Le  sens  du  texte  est  :  détaché  sans  main,  qui  se  détache  de  la  montagne  sans  qu'une 
main  la  pousse. 


REMARQUES  SUR   L'ARTICLE  XVIII  31 

»  Vous  qui  êtes  le  plus  grand  des  rois,  et  à  qui  Dieu  a  donné  une 
puissance  si  étendue,  que   vous  êtes  redoutable  à  tous  les  peuples 
vous  êtes  représenté  par  la  tète  d'or  de  la  statue  que  vous  avez  vue. 

»  Mais  un  autre  empire  succédera  au  vôtre,  qui  ne  sera  pas  si  puis- 
sant; et  ensuite  il  en  viendra  un  autre  d'airain,  qui  s'étendra  par 
tout  le  monde. 

»  Mais  le  quatrième  sera  fort  comme  le  fer,  et  de  même  que  le  fer 
brise  et  perce  toutes  choses,  ainsi  cet  empire  brisera  et  écrasera  tout. 

»  Et  ce  que  vous  avez  vu,  que  les  pieds  et  les  extrémités  des  pieds 
rt aient  composés  en  partie  de  terre  et  en  partie  de  fer,  cela  marque 
que  cet  empire  sera  divisé,  et  qu'il  tiendra  en  partie  de  la  fermeté  du 
fer  et  en  partie  de  la  fragilité  de  la  terre. 

»  Mais  comme  le  fer  ne  peut  s'allier  solidement  avec  la  terre,  de 
même  ceux  qui  sont  représentés  par  le  fer  et  par  la  terre,  ne  pour- 
ront faire  d'alliance  durable,  quoiqu'ils  s'unissent  par  des  mariages. 

»  Or  ce  sera  dans  le  temps  de  ces  monarques  que  Dieu  suscitera 
un  royaume  qui  ne  sera  jamais  détruit,  ni  jamais  transporté  à  un 
autre  peuple.  Il  dissipera  et  finira  tous  ces  autres  empires,  mais  pour 
lui  il  subsistera  éternellement,  selon  ce  qui  vous  a  été  révélé  de  cette 
pierre  qui,  n'étant  pas  taillée  de  main,  est  tombée  de  la  montagne, 
et  a  brisé  le  fer,  la  terre,  et  l'argent  et  l'or.  Voilà  ce  que  Dieu  vous 
a  découvert  des  choses  qui  doivent  arriver  dans  la  suite  des  temps. 
Ce  songe  est  véritable,  et  1  interprétation  en  est  fidèle.  —  Lors  Na- 
buchodonosor  tomba  le  visage  contre  terre,  etc.  » 

«  Daniel,  vin,  8.  Daniel  ayant  vu  le  combat  du  bélier  et  du  bouc 
qui  le  vainquit,  et  qui  domina  sur  la  terre  :  duquel  la  principale 
corne  étant  tombée,  quatre  autres  en  étaient  sorties  vers  les  quatre 
vents  du  ciel;  de  l'une  desquelles  étant  sortie  une  petite  corne,  qui 
s  agrandit  vers  le  midi,  vers  l'orient,  et  vers  la  terre  d'Israël,  et  s'é- 
leva contre  l'armée  du  ciel,  en  renversa  des  étoiles,  et  les  foula  aux 
pieds,  et  enfin  abattit  le  Prince,  et  fit  cesser  le  sacrifice  perpétuel,  et 
mit  en  désolation  le  sanctuaire.... 

«  Voilà  ce  que  vit  Daniel.  Il  en  demandait  l'explication,  et  une  voix 
cria  en  cette  sorte  :  Gabriel,  faites-lui  entendre  la  vision  qu'il  a  eue 
Et  Gabriel  lui  dit  : 

»  Le  bélier  que  vous  avez  vu  est  le  roi  des  Mèdes  et  des  Perses,  et 
le  bouc  est  le  roi  des  Grecs,  et  la  grande  corne,  qu'il  avait  entre  les 
yeux,  est  le  premier  roi  de  cette  monarchie. 

»  Et  ce  que,  cette  corne  étant  rompue,  quatre  autres  sont  venues 
en  la  place,  c'est  que  quatre  rois  de  cette  nation  lui  succéderont, 
mais  non  pas   en  la  même  puissance. 


32  PENSÉES  DE  PASCAL 

a  Or,  sur  le  déclin  de  ces  royaumes,  les'  iniquités  étant  accrues,  il 
s'élèvera  un  roi  insolent  et  fort,  mais  d'une  puissance  empruntée, 
auquel  toutes  choses  succéderont  à  son  gré  :  et  il  mettra  en  désola- 
tion le  peuple  saint,  et  réussissant  dans  ses  entreprises  avec  un  esprit 
double  et  trompeur,  il  en  tuera  plusieurs,  et  s'élèvera  enfin  contre  le 
prince  des  princes,  mais  il  périra  malheureusement,  et  non  pas 
néanmoins  par  une  main  violente.  » 

«  Daniel,  ix,  20 '.  » 

«  Daniel,  xi.  L'ange  dit  à  Daniel  : 

»  Il  y  aura  encore  (Après  Gyrus,  sous  lequel  ceci  est  encore)  trois 
rois  de  Perse  (Gambyse,  Smerdis,  Darius),  et  le  quatrième  qui  vien- 
dra ensuite  (Xerxès)  sera  plus  puissant  en  richesses  et  en  forces, 
et  élèvera  tous  ses  peuples  contre  les  Grecs. 

»  Mais  il  s'élèvera  un  puissant  roi  (Alexandre),  dont  l'empire  aura 
une  étendue  extrême,  et  qui  réussira  en  toutes  ses  entreprises  selon 
son  désir.  Mais  quand  sa  monarchie  sera  établie,  elle  périra,  et  sera 
(avisée  en  quatre  parties  vers  les  quatre  vents  du  ciel  (Gomme  il  avait 
dit  auparavant,  vu,  6  ;  vin,  8),  mai9  non  pas  à  des  personnes  de  sa  race  ; 
et  ses  successeurs  n'égaleront  pas  sa  puissance,  car  même  son  royaume 
sera  dispersé  à  d'autres  outre  ceux-ci  (ces  quatre  principaux  succes- 
seurs). 

»  Et  celui  de  ses  successeurs  qui  régnera  vers  le  midi  (Egypte  Pto- 
lémée,  fils  de  Lagus  2)  deviendra  puissant;  mais  un  autre  le  surmon- 
tera (Séleucus,  roi  de  Syrie),  et  son  État  sera  un  grand  État  (Appianus 
dit  que  c'est  le  plus  puissant  des  successeurs  d'Alexandre). 

»  Et  dans  la  suite  des  années,  ils  s'allieront  ;  et  la  fille  du  roi  du 
Midi  (Bérénice,  fille  de  Ptolémée  Philadelphe,  fils  de  l'autre  Ptolémée) 
viendra  au  roi  d'Aquilon  (à  Antiochus  Deus,  roi  de  Syrie  et  d'Asie, 
neveu  de  Séleucus  Lagidas),  pour  établir  la  paix  entre  ces  princes. 

»  Mais  ni  elle  ni  ses  descendants  n'auront  pas  une  longue  autorité  ; 
car  elle,  et  ceux  qui  Favaient  envoyée,  et  ses  enfants,  et  ses  amis, 
seront  livrés  à  la  mort  (Bérénice  et  son  fils  fut  tué  par  Séleucus  Cal- 
linicus). 

»  Mais  il  s'élèvera  un  rejeton  de  ses  racines  (Ptolemeus  Evergetes 
naîtra  du  même  père  que  Bérénice),  qui  viendra  avec  une  puissante 
armée  dans  les  terres  du  roi  d'Aquilon,  où  il  mettra  tout  sous  sa 
sujétion  et  emmènera  en  Egypte  leurs  dieux,  leurs  princes,  leur  or, 
leur  argent  et  toutes  leurs  plus  précieuses  dépouilles  (s'il  n'eût  pas 

t.  On  trouvera  ce  passage  dans  la  note  au  bas  de  la  page  29. 
1.  Pascal  écrit  Ptolomée. 


REMARQUES   SUR  L'ARTICLE  XVIII  33 

été  rappelé  en  Egypte  par  des  raisons  domestiques,  il  aurait  entière- 
ment dépouillé  Séleucus,  dit  Justin)  ;  et  sera  quelques  années  sans 
que  le  roi  d'Aquilon  puisse  rien  contre  lui. 

»  Et  ainsi  il  reviendra  en  son  royaume;  mais  les  enfants  de  l'autre, 
irrités,  assembleront  de  grandes  forces  (Séleucus  Ceraunus,  Antiochus 
Magnus). 

»  Et  leur  armée  viendra  et  ravagera  tout;  dont  le  roi  du  Midi,  étant 
irrité,  formera  aussi  un  grand  corps  d'armée,  et  livrera  bataille  (Pto- 
lomeus  Pbilopator  contre  Antiochus  Magnus,  à  Raphia),  et  vaincra  ;  et 
ses  troupes  en  deviendront  insolentes,  et  son  cœur  s'en  enflera  (ce 
Ptolomeus  profana  le  temple  :  Josèphe)  :  il  vaincra  des  milliers  d'hom- 
mes, mais  sa  victoire  ne  sera  pas  ferme.  Car  le  roi  d'Aquilon  (Antio- 
chus Magnus)  reviendra  avec  encore  plus  de  forces  que  la  première 
fois,  et  alors,  avec  un  grand  nombre  d'ennemis,  s'élèvera  contre  le 
roi  du  midi  (le  jeune  Ptolémée  Epiphanes,  régnant),  et  alors  aussi  un 
grand  nombre  d'ennemis  s'élèveront  contre  le  roi  du  Midi  ;  et  même 
des  hommes  apostats,  violents,  de  ton  peuple,  s'élèveront  afin  que  les 
visions  soient  accomplies,  et  ils  périront  (Ceux  qui  avaient  quitté  leur 
religion  pour  plaire  à  Evergetes  quand  il  envoya  ses  troupes  à  Scopas 
car  Antiochus  reprendra  Scopas  et  les  vaincra).  Et  le  roi  d'Aquilon 
détruira  les  remparts  et  les  villes  les  mieux  fortifiées,  et  toute  la  force 
du  Midi  ne  pourra  lui  résister,  et  tout  cédera  à  sa  volonté;  il  s'arrêtera 
dans  la  terre  d'Israël,  et  elle  lui  cédera.  Et  ainsi  il  pensera  à  se  rendre 
maître  de  tout  l'empire  d'Egypte  (méprisant  la  jeunesse  d'Epiphane, 
dit  Justin).  Et  pour  cela  il  fera  alliance  avec  lui  et  lui  donnera  sa  fille 
(Cléopâtre,  afin  qu'elle  trahît  son  mari  ;  sur  quoi  Appianus  dit  que 
se  défiant  de  pouvoir  se  rendre  maître  d'Egypte  par  force,  à  cause  de 
la  protection  des  Romains,  il  voulut  l'attenter  par  finesse).  Il  la  voudra 
corrompre,  mais  elle  ne  suivra  pas  son  intention  ;  ainsi  il  se  jettera 
à  d'autres  desseins  et  pensera  à  se  rendre  maître  de  quelques  îles 
(c'est-à-dire  lieux  maritimes),  et  il  en  prendra  plusieurs  (comme  dit 
Appianus), 

»  Mais  un  grand  chef  s'opposera  à  ses  conquêtes  (Scipion  l'Africaiiij 
qui  arrêta  les  progrès  d'Antiochus  Magnus,  à  cause  qu'il  offensait  les 
Romains  en  la  personne  de  leurs  alliés)  et  arrêtera  la  honte  qui  lui 
en  reviendrait.  Il  retournera  donc  dans  son  royaume,  et  y  périra  (il 
fut  tué  par  les  siens),  et  ne  sera  plus. 

»  Et  celui  qui  lui  succédera  (Séleucus  Philopator  ou  Soter,  fils 
d'Antiochus  Magnus)  sera  un  tyran,  qui  affligera  d'impôts  la  gloire 
du  royaume  (qui  est  le  peuple)  *  ;  mais,  en  peu  de  temps,  il  mourra, 

1.  Pascal  veut  dire  »:e  c'est  là  une  expression  orientale  pour  dire  le  peuple. 


34  PENSÉES  DE  PASCAL 

et  non  par  sédition  ni  par  guerre.  Et  il  succédera  à  sa  place  un  homme 
méprisable,  et  indigne  des  honneurs  de  la  royauté,  qui  s'y  introduira 
adroitement  et  par  caresses. 

»  Toutes  les  armées  fléchiront  devant  lui;  il  les  vaincra,  et  même  le 
prince  avec  qui  il  avait  fait  alliance;  car,  ayant  renouvelé  l'alliance 
avec  lui,  il  le  trompera,  et  venant  avec  peu  de  troupes  dans  ses  pro- 
vinces calmes  et  sans  crainte,  il  prendra  les  meilleures  places ,  et  fera 
plus  que  ses  pères  n'aient  jamais  fait,  et  ravageant  de  toutes  parts,  il 
formera  de  grands  desseins  pendant  son  temps. 

»  25.  [C'est-à-dire  verset  25.  Pascal  n'a  pas  continué.]  »  L'homme 
méprisable  dont  il  est  parlé  dans  ces  derniers  versets  est  Antiochus 
Epiphane,  le  plus  violent  ennemi  des  Juifs.  Le  prince  qu'il  vaincra 
est  le  roi  d'Egypte,  mari  de  sa  sœur. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  discuter,  ni  la  traduction  de  Pascal  compa- 
rée à  la  Vulgate,  ni  la  Vulgate  elle-même  comparée  au  texte.  Les 
quatre  monarchies  sont  celles  des  Assyriens,  des  Mèdes,  des  Perses 
et  des  Grecs  ou  des  successeurs  d'Alexandre  ;  la  pierre  qui  les  brise, 
est-elle  l'empire  romain  ?  On  voit  assez  que  ce  prétendu  livre  de 
Daniel  a  été  écrit  postérieurement  à  tous  les  événements  auxquels  il 
fait  allusion,  c'est-à-dire  au  temps  d' Antiochus  Epiphane. 

Fragments  4  et  5.  —  Ces  beaux  fragments  ont  été  encore  altérés  et 
gâtés  dans  Port-Royal. 

Fragment  9.  —  «  Lui  serait  offert  une  hostie  pure,  non  pas  des 
animaux.  »  Cette  interprétation,  non  pas  des  animaux,  n'est  pas  dans 
le  texte  de  Malachie.  Au  contraire,  il  est  clair  que  le  prophète  parle  de 
véritables  victimes,  puisqu'au  verset  13  le  Seigneur  se  plaint  qu'on 
ne  réserve  pour  les  lui  offrir  que  les  bêtes  estropiées  ou  malades. 

Fragment  12.  —  «  Les  uns  écrivent,  les  autres  condamnent,  les  au- 
tres tuent.  »  On  sent  qu'une  si  vive  peinture  des  obstacles  où  se  heurte 
la  vérité  dans  le  monde  n'est  pas  faite  d'imagination.  Pascal  avait  vu 
la  doctrine,  qu'il  croyait  sainte,  réfutée  par  les  savants,  censurée  par 
les  sages,  et  les  disciples  fidèles  proscrits,  sinon  tués,  par  les  rois. 
L'indignation  qui  a  fait  les  Provinciales  gronde  encore  ici. 

—  La  merveille  de  l'établissement  du  christianisme  avait  été  expo- 
sée par  Balzac  dans  le  Socrate  chrétien  (premier  et  troisième  discours) 
avec  beaucoup  de  noblesse,  mais  non  pas  avec  cette  vigueur  et  cette 
passion. 


REMARQUES  SUR  L'ARTICLE  XVIII  35 

Fragment  14.  — «  Qu'il  ressusciterait  le  troisième  jour;  qu'il  monte- 
rait au  ciel  pour  s'asseoir  à  la  droite.  » 

Voici  les  passages  où  Pascal  a  cru  lire  cela,  et  auxquels  il  nous  ren- 
voie : 

Ps.  xv,  10  :  «  Tu  ne  laisseras  pas  mon  âme  dans  les  enfers,  tu  ne 
permettras  pas  que  ton  saint  connaisse  la  corruption  du  tombeau.  » 
Osée,  vi,  1-3  :  «  Du  sein  de  leurs  tribulations,  ils  se  lèveront  pour  re« 
venir  à  moi.  Allons,  diront-ils,  retournons  au  Seigneur.  C'est  lui  qui' 
nous  frappe,  c'est  lui  qui  nous  guérira.  Au  bout  de  deux  jours; 
il  nous  rendra  la  vie;  nous  nous  relèverons  le  troisième  jour.  » 
Ps.  cix,  1  :  «  Le  Seigneur  a  dit  à  mon  Seigneur  :  Asseyez- vous  à  ma 
droite,  et  je  vais  réduire  vos  ennemis  à  vous  servir  de  marchepied.  » 
Voilà  où  il  a  vu  prophétisées  la  Résurrection  et  l'Ascension  !  L'étude 
critique  de  tous  les  autres  textes  dont  Pascal  s'autorise  ne  donnerait 
pas  des  résultats  beaucoup  plus  satisfaisants,  mais  je  ne  m'arrêterai 
pas  à  la  poursuivre.  H  suffira  de  dire  en  général  que  parmi  les  traits 
dont  ce  portrait  se  compose,  les  uns  ne  se  rapportent  à  rien,  comme 
ceux  que  je  viens  de  citer;  d'autres  conviennent  dans  tous  les  temps  à 
tous  les  justes  persécutés,  d'autres  au  contraire  à  tout  grand  homm- 
qui  est  l'espoir  d'un  peuple  ;  car  il  faut  remarquer  que  toutes  ces  cir- 
constances ne  sont  nulle  part  réunies  dans  la  Bible  en  un  seul  tableau, 
et  que  rien  n'y  marque  que  tout  cela  doive  s'accomplir  en  un  seul 
temps  et  dans  un  seul  personnage.  Enfin  certains  détails  n'ont  proba- 
blement été  supposés  dans  Jésus  que  parce  qu'on  était  habitué  à  les 
rassembler  dans  l'idéal  du  Messie.  Ainsi  par  exemple  :  «  Il  naîtra  de 
la  ville  de  Bethléem.  Mich.  v.  »  Voici  le  passage  :  «  Et  toi,  Beth- 
léem,... c'est  de  toi  que  je  ferai  sortir  celui  qui  doit  régner  en  Israël.  » 
Ce  qui  peut  s'entendre  en  ce  sens,  que  le  Messie,  sortant  de  la  race 
de  David,  sort  par  conséquent  de  Bethléem,  d'où  David  lui-même  est 
sorti.  Mais  on  avait  fini,  comme  il  arrive  d'ordinaire,  par  prendre  le 
passage  au  sens  littéral  et  par  croire  que  le  Messie  devait  naître  à 
Bethléem.  Or,  la  famille  de  Jésus  était  notoirement  de  Nazareth  et  y 
était  toujours  restée.  On  supposa  donc  une  circonstance  extraordinaire 
qui  avait  conduit  Marie  enceinte  à  Bethléem  (Luc,  n,  4),  de  manière 
que  Jésus  y  était  né  suivant  ce  qui  est  écrit  dans  le  prophète 
(Matth.  ii,  5).  Et  cette  locution,  afin  que  la  prophétie  fut  accomplie,  re- 
vient souvent  dans  les  Evangiles  *. 

Fragment  19.  —  «  Si  cela  est  si  clairement  prédit  aux  Juifs,  com- 
ment n'ont-ils  point  été  exterminés  ?  » 

1.  Voyez  le    ragment  xxui,  16. 


36  PENSÉES  DE  PASCAL 

L'édition  de  MM.  de  Port-Royal  ne  reproduit  pas  cet  odieux  di- 
femme.  Est-ce  parce  qu'il  est  odieux,  ou  parce  qu'il  leur  a  semblé  em- 
barrassant? 

Fragment.  22.  —  «  Les  70  semaines,  etc.  » 

Prenons  une  à  une  toutes  les  parties  de  la  phrase  de  Pascal. 

Il  y  a,  dit-il,  équivoque  pour  le  commencement,  a  cause  des  termes 
de  la  prophétie.  Voici  ces  termes,  suivant  la  Vulgate  :  Ab  exitu  ser- 
monis  ut  iterum  œdificetur  Jérusalem.  Pascal  traduit  :  «  Depuis  que  la 
parole  sortira  pour  rétablir  et  réédifier  Jérusalem.  »  Les  uns  enten- 
dent par  cette  parole  l'édit  donné  par  Gyrus  en  faveur  des  Juifs  et  de 
la  restauration  du  Temple,  dans  la  première  année  de  son  règne  (Es- 
dras,  i)  ;  d'autres,  l'un  ou  l'autre  de  ceux  qu'Artaxerce  accorda,  le 
première  Esdras,  dans  la  septième  année  de  son  règne  (ibid.,  vu)  le 
second  à  Néhémie,  dans  la  vingtième  (Néhém.  n).  Il  en  est  enfin  qui 
traduisent  le  texte  de  la  manière  suivante  :  «  Depuis  qu'est  sortie  la  pa- 
role qui  annonce  le  rétablissement  de  Jérusalem.  »  Et  ils  croient  que 
cette  parole  est  la  prophétie  de  Jérémie  sur  laquelle  Daniel  est  repré- 
senté méditant  au  commencement  du  chapitre,  et  à  propos  de  laquelle 
il  reçoit  la  révélation  des  70  semaines.  Ils  prennent  donc  pour  le  terme 
du  commencement  la  date  de  cette  prophétie  de  Jérémie,  date  marquée 
par  la  Bible  (Jérém.  xxv)  à  la  quatrième  année  du  roi  Joachim.  Il  y  a 
entre  cette  date  et  celle  du  second  édit  d'Artaxerce,  d'après  la  chro- 
nologie, aujourd'hui  reçue,  une  différence  de  plus  de  150  ans. 

Je  dis,  d'après  la  chronologie  aujourd'hui  reçue,  car  ici  viennent, 
selon  Pascal,  ces  diversités  des  chronoiogistes,  à  cause  desquelles,  après 
qu'on  aura  placé  ici  ou  là  le  point  de  départ,  il  y  aura  encore  équi- 
voque pour  le  terme  de  la  fin.  Pascal  ne  veut  pas  parler,  je  pense,  de 
la  petite  difficulté  qui  consiste  à  placer  le  commencement  du  règne 
d'Artaxerce,  huit  ans  plus  tard  ou  huit  ans  plus  tôt,  suivant  qu'on  ne 
le  fait  régner  qu'après  la  mort  de  son  père,  ou  qu'on  le  suppose  asso- 
cié à  Xerxès  encore  vivant,  selon  l'hypothèse  de  ceux  qui  veulent  faire 
ahoutir  examinent  les  70  semaines  à  la  mort  de  Jésus-Christ.  Cette 
difficulté  est  la  seule  que  se  fassent  aujourd'hui  les  chronologistes.  Mais 
les  livres  qui  contiennent  les  traditions  des  Juifs  suivent,  à  ce  qu'il  pa- 
raît, une  chronologie  toute  différente,  d'après  laquelle  la  durée  du  second 
temple  n?est  que  de  420  ans  (au  lieu  d'être  de  plus  de  520);  ils  ne  donnent 
à  la  monarchie  des  Perses  depuis  Cyrus  qu'une  cinquantaine  d'années 
(au  lieu  de  200).  Ils  se  trompent;  cela  ne  mérite  pas  d'être  appelé  une 
chronologie,  ce  n'est  qu'une  grossière  ignorance  ;  mais  dans  les  té- 
nèbres du  moyen  âge,  ceux  mêmes  qui  combattaient  les  Juifs  ne  sa- 


REMARQUES  SUR  L'ARTICLE  XVIII  37 

vaient  pas  s'en  défendre.  Dans  le  Pugio  fidei  (voyez  les  notes  sur 
xvi,  12)  on  trouve,  au  sujet  des  70  semaines,  une  discussion  fondée  tout 
entière  sur  cette  chronologie  des  rabbins.  J'ajoute  qu'à  la  lumière  même 
du  seizième  siècle,  Pierre  Galatin,  que  Pascal  lisait  dans  le  môme  vo- 
lume que  le  Pugio  fidei  et  qui  ne  fait  guère  que  le  copier,  rectifie  bien 
d'abord  ces  erreurs  grossières  par  le  secours  de  la  science  moderne, 
mais  il  n'en  conserve  pas  moins  ensuite  tout  au  long  la  discussion  de 
Raymond  Martin,  comme  devant  servir  dans  l'hypothèse  où  on  ad- 
mettrait la  chronologie  des  livres  juifs.  Tout  cela,  un  peu  confondu 
peut-être  dans  la  tête  de  Pascal,  que  son  génie  ne  portait  pas  à  appro- 
fondir ces  sortes  de  questions,  a  suffi  pour  lui  laisser  cette  impression 
générale,  que  les  diversités  des  chronologistes  s'ajoutaient  ici  à  la  dif- 
ficulté d'expliquer  les  termes  de  la  prophétie  ! 

On  voit  combien  se  sont  trompés  ceux  qui  ont  imaginé  de  corriger 
le  texte  de  Pascal  et  d'écrire  20  ans  au  lieu  de  200  ans.  Mais  comment 
Pascal  a-t-il  pu  dire  :  «  Toute  cette  différence  ne  va  qu'à  200  ans  »  ? 
Est-ce  qu'une  différence  de  200  ans,  sur  un  compte  de  490  ans,  n'est 
pas  énorme?  C'est  que  Pascal  fait  ici  un  argument  ad  hominem,  qui 
n'a  pas  besoin  d'être  bon  en  soi,  mais  seulement  pour  ceux  à  qui  on 
l'adresse.  Il  répond  aux  Juifs,  qui  nient  que  le  Messie  soit  venu  ;  et  il 
leur  oppose  la  prophétie  de  Daniel,  car  cette  prophétie  se  rapporte  au 
Messie,  suivant  la  tradition  juive  elle-même.  Et  comme  ils  se  retran- 
chent dans  l'obscurité  du  texte,  il  consent  qu'ils  l'interprètent  comme 
ils  voudront,  qu'ils  placent  ou  bon  leur  semblera  leur  point  de  départ, 
et  qu'ils  mesurent  l'intervalle  de  telle  façon  ou  de  telle  autre.  Ils  se- 
ront toujours  enfermés  dans  un  espace  qu'il  porte  à  200  ans,  et  il  faudra 
que  le  Messie  ait  paru,  plus  tôt  ou  plus  tard,  entre  ces  limites.  Il  est 
donc  venu  dans  toute  hypothèse,  et  les  Juifs  sont  confondus. 

Il  est  clair  que  Pascal  n'admettait  pas  pour  son  propre  compte  cette 
latitude  dans  l'interprétation  de  la  prophétie,  et  qu'il  la  regardait 
comme  accomplie  en  Jésus-Christ.  Bossuet,  qui  prend  toujours  de  très- 
haut  tout  ce  qui  touche  aux  fondements  de  la  foi,  et  qui  refuse  de 
s'arrêter  aux  embarras  de  détail,  non-seulement  ne  dit  pas  un  mot,  et  il 
a  raison,  de  l'absurde  chronologie  des  rabbins,  mais  ne  s'inquiète  pas 
même  de  l'équivoque  que  Pascal  reconnaît  dans  les  termes  de  la  pro- 
phétie. Il  ne  veut  apercevoir  ici  d'autre  difficulté  que  celle  de  détermi- 
ner exactement  où  tombe  la  vingtième  année  d'Artaxerce;  il  écarte 
tout  le  reste  avec  mépris,  et  dit  de  son  ton  superbe  que  huit  ou  neuf 
ans  au  plus,  dont  on  pourrait  disputer  sur  un  compte  de  490  ans,  ne  se- 

1.  Voyez  sur  Pierre  Galatin  'a  Biographie  universelle  de  Michaud,  tome  65  (Supplé- 
ment), 1838. 


38  PENSÉES  DE  PASCAL 

ront  jamais  une  importante  question.  (Discours  sur  l'histoire  univer- 
selle, H,  îv,  vers  la  fin.) 

Pour  Bossuet  donc,  la  70e  semaine  d'années  doit  être  et  est  celle  au 
milieu  de  laquelle  meurt  Jésus-Christ  ;  ce  milieu  tombe  donc  en  l'an  33 
de  notre  ère,  qui  est  la  date  reçue  pour  cette  mort;  la  semaine  finit  avec 
l'an  36,  et  par  conséquent  les  70  semaines  ou  les  490  ans  commencent 
l'an  454  avant  notre  ère,  qui  est  la  date  où  on  peut  placer  le  second 
édit  d'Artaxerce. 

Mais  pour  ceux  qui  ne  doutent  pas  que  le  livre  de  Daniel  ne  soit 
écrit,  au  plus  tôt,  du  temps  d'Antiochus  Epiphane  et  ne  se  rapporte 
à  l'histoire,  aujourd'hui  si  obscure,  de  ce  que  les  Juifs  ont  alors  souf- 
fert ou  espéré,  les  70  semaines  finissent  nécessairement  vers  l'an  160 
avant  notre  ère,  quel  que  soit  le  temps  où  l'écrivain  ait  prétendu  les 
faire  commencer,  et  quel  que  soit  le  sens  de  chacun  des  détails  de  la 
prophétie.  Car  elle  ne  contient  pas  un  mot  qui  n'ait  ses  difficultés,  à 
commencer  par  le  mot  que  Pascal  traduit  par  le  Christ. 


ARTICLE  XTX 


1. 

Les  apôtres  ont  été  trompés,  ou  trompeurs.  L'un  ou  Vautre 
est  difficile.  Car  il  n'est  pas  possible  de  prendre  un  homme 
pour  être  ressuscité... 

Tandis  que  Jésus-Christ  était  avec  eux,  il  les  pouvait  soute- 
nir; mais  après  cela,  s'il  ne  leur  est  apparu,  qui  les  a  fait  agir? 

1  bis. 
L'hypothèse  des  apôtres  fourhes  est  bien  absurde.  Qu'on  la 
suive  tout  au  long  ;  qu'on  s'imagine  ces  douze  hommes,  assem- 
blés après  la  mort  de  Jésus-Christ,  faisant  le  complot  de  dire 
qu'il  est  ressuscité  :  ils  attaquent  par  là  toutes  les  puissances. 
Le  cœur  des  hommes  est  étrangement  r"  chant  à  la  légèreté, 
au  changement  ,  aux  promesses,  aux  biens.  Si  peu  qu'un  de 
ceux-là  se  fût  démenti  par  tous  ces  attraits,  et,  qui  plus  est,  par 
les  prisons,  par  les  tortures  et  par  la  mort,  ils  étaient  perdus. 
Qu'on  suive  cela  \ 

t.  En  titre  dans  l'autographe,  Preuve  de  Jksus-Chkist. 


ARTICLE  XIX  39 


Le  stylo  de  l'Évangile  est  admirable  en  tant  de  manières,  et 
entre  autres  en  ne  mettant  jamais  aucune  invective  contre  les 
bourreaux  et  ennemis  de  Jésus-Christ.  Car  il  n'y  en  a  aucune 
des  historiens  contre  Judas,  Pilate,  ni  aucun  des  Juifs. 

Si  cette  modestie  des  historiens  évangéliques  avait  été  affec- 
tée, aussi  bien  que  tant  d'autres  traits  d'un  si  beau  caractère, 
et  qu'ils  ne  l'eussent  affectée  que  pour  la  faire  remarquer;  s'ils 
n'avaient  osé  le  remarquer  eux-mêmes,  ils  n'auraient  pas  man- 
qué de  se  procurer  des  amis,  qui  eussent  fait  ces  remarques  à 
leur  avantage.  Mais  comme  ils  ont  agi  de  la  sorte  sans  affecta- 
tion, et  par  un  mouvement  désintéressé,  ils  ne  l'ont  fait  re- 
marquer à  personne.  Et  je  crois  que  plusieurs  de  ces  choses 
n'ont  point  été  remarquées  ;  et  c'est  ce  qui  témoigne  la  froi- 
deur avec  laquelle  la  chose  a  été  faite. 

1  bis. 

Un  artisan  qui  parle  des  richesses,  un  procureur  qui  parle 
de  la  guerre,  de  la  royauté,  etc.  Mais  le  riche  parle  bien  des 
richesses  ;  le  roi  parle  froidement  d'un  grand  don  qu'il  vient 
de  faire,  et  Dieu  parle  bien  de  Dieu  4. 

3. 

Jésus-Christ  a  fait  des  miracles,  et  les  apôtres  ensuite,  et  les 
premiers  saints  en  grand  nombre;  parce  que,  les  prophéties 
n'étant  pas  encore  accomplies  et  s'accomplissant  par  eux,  rien 
ne  témoignait,  que  les  miracles.  11  était  prédit  que  le  Messie 
convertirait  les  nations.  Comment  cette  prophétie  se  fût- elle 
accomplie,  sans  la  conversion  des  nations?  Et  comment  les  na- 
tions se  fussent-elles  converties  au  Messie,  ne  voyant  pas  ce 
dernier  effet  des  prophéties  qui  le  prouvent8?  Avant  donc 
qu'il  ait  été  mort,  ressuscité,  et  converti  les  nations,  tout  n'é- 
tait pas  accompli;  et  ainsi  il  a  fallu  des  miracles  pendant  tout 
ce  temps.  Maintenant  il  n'en  faut  plus  contre  les  Juifs,  car  les 
prophéties  accomplies  sont  un  miracle  subsistant... 


1.  Voir  la  Préface  de  Port-Royal,  dans  l'Introduction,  page  lvi. 

2.  C'est-à-dire  la  conversion  même  des  nations,  ce   qui  fait  un  cercle  vicieux.  On  en 
■ort  par  les  miracles. 


40  PENSÉES   DE  PASCAL 

4. 

C'est  une  chose  étonnante  et  digne  d'une  étrange  attention, 
de  voir  ce  peuple  juif  subsister  depuis  tant  d'années  et  de  le 
voir  toujours  misérable  :  étant  nécessaire,  pour  la  preuve  de 
Jésus-Christ,  et  qu'il  subsiste,  pour  le  prouver,  et  qu'il  soit 
misérable,  puisqu'ils  l'ont  crucifié  ;  et,  quoiqu'il  soit  contraire 
d'être  misérable  et  de  subsister,  il  subsiste  néanmoins  toujours 
malgré  sa  misère. 

4  bis. 
Quand  Nabuchodonosor  emmena  le  peuple,  de  peur  qu'on 
ne  crût  que  le  sceptre  fût  ôté  de  Juda,  il  leur  fut  dit  aupara- 
vant qu'ils  y  seraient  peu  l,  et  qu'ils  seraient  rétablis.  Ils  fu- 
rent toujours  consolés  par  les  prophètes;  leurs  rois  continuè- 
rent. Mais  la  seconde  destruction  est  sans  promesse  de  rétablis- 
sement, sans  prophètes,  sans  rois,  sans  consolation,  sans  espé- 
rance, parce  que  le  sceptre  est  ôté  pour  jamais. 

4  ter. 

Ce  n'est  pas  avoir  été  captif  que  de  l'avoir  été  avec  assurance 
d'être  délivré  dans  70  ans.  Mais  maintenant  ils  le  sont  sans  au- 
cun espoir. 

Dieu  leur  a  promis  qu'encore  qu'il  les  disperserait  aux  bouts 
du  monde,  néanmoins,  s'ils  étaient  fidèles  à  sa  loi,  il  les  ras- 
semblerait. Ils  y  sont  très-lidèles ,  et  demeurent  opprimés»  ... 

5. 
Si  les  Juifs  eussent  été  tous  convertis  par  Jésus-Christ,  nous 
n'aurions  plus  que  des  témoins  suspects  ;  et  s'ils  avaient  été 
exterminés,  nous  n'en  aurions  point  du  tout  3. 

5  bis. 

Les  Juifs  le  refusent,  mais  non  pas  tous  :  les  saints  le  reçoi- 
vent, et  non  les  charnels.  Et  tant  s'en  faut  que  cela  soit  contre 
sa  gloire,  que  c'est  le  dernier  trait  qui  l'achève.  Comme  la  rai- 
son qu'ils  en  ont,  et  la  seule  qui  se  trouve  dans  tous  leurs  écrits, 

1.  Dans  la  captivité,  à  Babylone. 

2.  Le  raisonnement  est  resté  inachevé.  Pescal  veut  dire  que  Dieu  parlait  donc  d'une 
autre  loi  que  celle  qu'ils  appellent  la  loi.  —  En  titre  dans  l'autographe,  Preuves  de  Jb- 
sos-Christ. 

3.  Voyez  xvni,  19. 


ARTICLE  XIX  41 

dans  le  Talmud  et  dans  les  rabbins  i,  n'est  que  parce  que  Jé- 
sus-Christ n'a  pas  dompté  les  nations  en  main  armée,  gladium 
tuum,  potentissime  K  N'ont-ils  que  cela  à  dire?  Jésus-Christ  a 
été  tué,  disent-ils,  il  a  succombé  ;  il  n'a  pas  dompté  les  Païens 
par  sa  force  ;  il  ne  nous  a  pas  donné  leurs  dépouilles  ;  il  ne 
donne  point  de  richesses.  N'ont-ils  que  cela  à  dire?  C'est  en 
cela  qu'il  m'est  aimable.  Je  ne  voudrais  pas  celui  qu'ils  se  fi- 
gurent. Il  est  visible  que  ce  n'est  que  sa  vie  qui  les  a  empê- 
chés de  le  recevoir  8;  et  par  ce  refus,  ils  sont  des  témoins  sans 
reproche  4,  et  qui  plus  est,  par  là,  ils  accomplissent  les  pro- 
phéties. 

6. 
Qu'il  est  beau  de  voir,  par  les  yeux  de  la  foi,  Darius  et  Cy- 
rus,  Alexandre,  les  Romains,  Pompée  et  Hérode  agir,  sans  le 
savoir,  pour  la  gloire  de  l'Évangile! 

7. 

La  religion  païenne  est  sans  fondement  *. 

La  religion  mahométane  a  pour  fondement  l'Alcoran  et  Ma- 
homet •.  Mais  ce  prophète,  qui  devait  être  la  dernière  attente 
du  monde,  a-t-il  été  prédit?  Quelle  marque  a-t-il,  que  n'ait 
aussi  tout  homme  qui  se  voudra  dire  prophète?  Quels  mira- 
cles dit-il  lui-même  avoir  faits?  Quel  mystère  a-t-il  enseigné, 
selon  sa  tradition  même?  Quelle  morale  et  quelle  félicité? 

La  religion  juive  doit  être  regardée  différemment  dans  la 
tradition  des  livres  saints  et  dans  la  tradition  du  peuple  (et 
toute  religion  est  de  même  ;  car  la  chrétienne  est  bien  diffé- 
rente dans  les  livres  saints  et  dans  les  casuistes).  La  morale 
et  la  félicité  en  est  ridicule,  dans  la  tradition  du  peuple,  mais 
elle  est  admirable,  dans  celle  de  leurs  saints.  Le  fondement  en 

I.  Le  Talmud  est  le  recueil  des  traditions  sacrées  des  Juifs,  regardé  par  eux  comme  un 
complément  do  la  Bible.  Voyez  le  fragment  144  de  l'article  xxv. 

î.  Ps.  iuv,  4  :  Accingere  gladio  tuo  super  fémur  tuum,  polentissimc  :  ■  Ceins  ton  épca 
sur  ta  cuisse.,  puissant  guerrier.  • 

3.  C'est-à-dire,  l'obscurité,  l'humilité  de  sa  vie. 

4.  En  termes  de  palais,  qu'on  ne  peut  reprocher,  récuser,  comme  dans  les  Plaideurs  i 

Nous  en  avons  pourtant,  et  qui  sont  sans  reproche. 
C'est  dans  ce  même  sens  que  Pascal  avait  dit  ailleurs,  des  témoins  irréprochables. 

5.  Pascal  avait  écrit  d'abord  :  «  sans  fondement  aujourd'hui.  On  dit  qu'autrefois  elle 
en  a  eu,  par  les  oracles  qui  ont  parlé.  Mais  quels  sont  les  livres  qui  nous  en  assuient? 
Sont-ils  si  dignes  de  foi  par  la  vertu  de  leurs  auteurs?  Sont-ils  conservés  avec  tant 
de  soin  qu'on  ne  puisse  s'assurer  qu'ils  ne  sont  point  corrompus?  • 

*.  On  sait  qu'il  faut  dire  le  Coran  :  al  n'est  que  l'article  arabe. 


42  PENSÉES  DE  PASCAL 

est  admirable  .  c'est  le  plus  ancien  livre  du  monde,  et  le  plus 
authentique  ;  et  au  lieu  que  Mahomet,  pour  faire  subsister  le 
sien,  a  défendu  de  le  lire l,  Moïse,  pour  faire  subsister  le  sien, 
a  ordonné  à  tout  ie  monde  de  le  lire  *. 

Notre  religion  est  si  divine ,  qu'une  autre  religion  divine 
n'en  a  été  que  le  fondement. 

7  bis. 
Mahomet,  sans  autorité 3.  Il  faudrait  donc  que  ses  raisons  fus 
sent  bien  puissantes,  n'ayant  que  leur  propre  force.  Que  dit-il 
donc?  Qu'il  faut  le  croire! 

8. 

De  deux  personnes  qui  disent  de  sots  contes,  l'un  qui  a  dou- 
ble sen-,  entendu  dans  la  cabale,  l'autre  qui  n'a  que  ce  sens,  si 
quelqu'un,  n'étant  pas  du  secret,  entend  discourir  les  deux  en 
cette  sorte,  il  en  fera  même  jugement.  Mais  si  ensuite,  dans  le 
reste  du  discours,  l'un  dit  des  choses  angél*ques,  et  l'autre  tou- 
jours des  choses  plates  et  communes,  il  jugera  que  l'un  parlait 
avec  mystère,  et  non  pas  l'autre  :  l'un  ayant  assez  montré  qu'il 
est  incapable  de  telle  sottise ,  et  capable  d'être  mystérieux  ; 
l'autre,  quil  est  incapable  de  mystère,  et  capable  de  sottise. 

9. 

Ce  n'est  pas  par  ce  qu'il  y  a  d'obscur  dans  Mahomet,  et  qu'on 
peut  faire  passer  pour  un  sens  mystérieux,  que  je  veux  qu'on 
en  juge,  mais  par  ce  qu'il  y  a  de  clair,  par  son  paradis,  et  par 
le  reste.  C'est  en  cela  qu'il  est  ridicule.  Et  c'est  pourquoi  il 
n'est  pas  juste  de  prendre  ses  obscurités  pour  des  mystères,  vu 
que  ses  clartés  sont  ridicules.  Il  n'en  est  pas  de  même  de  l'É- 
criture. Je  veux  qu'il  y  ait  des  obscurités  qui  soient  aussi  bi- 
zarres que  celles  de  Mahomet  ;  mais  il  y  a  des  clartés  admira- 
bles, et  des  prophéties  manifestes  accomplies.  La  partie  n'est 
donc  pas  égale.  Il  ne  faut  pas  confondre  et  égaler  les  chose? 
qui  ne  se  ressemblent  que  par  l'obscurité,  et  non  pas  par  la 
clarté,qui  mérite  qu'on  révère  les  obscurités. 

1.  Voir  plus  loin,  fragment  10  bis. 

2.  Deutéron.  xx.xi,  11. 

3.  C'est-à-dire,  qu'il   n'est  pas  autorisé,  qu'il  n'a  pas  de  tradition  qui  l'autorise,  qu'il 

n'a  pas  été  prédit. 


ARTICLE   XiX  43 

9  bis. 

L'Alcoran  n'est  pas  plus  de  Mahomet,  que  l'évangile,  de  saint 
Matthieu,  car  il  est  cité  de  plusieurs  auteurs  de  siècle  en  siè- 
cle *.  Les  ennemis  mêmes,  Gelse  et  Porphyre,  ne  l'ont  jamais 
désavoué  a. 

L'Alcoran  dit  que  saint  Matthieu  était  homme  de  bien. 
Donc,  Mahomet  était  faux  prophète,  ou  en  appelant  gens  de 
bien  des  méchants,  ou  en  ne  demeurant  pas  d'accord  de  ce 
qu'ils  ont  dit  de  Jésus-Christ  3. 

10. 

Tout  homme  peut  faire  ce  qu'a  fait  Mahomet  ;  car  il  n'a 
point  fait  de  miracles,  il  n'a  point  été  prédit.  Nul  homme  ne 
peut  faire  ce  qu'a  fait  Jésus-Christ. 

\0bis. 

Mahomet,  non  prédit;  Jésus-Christ,  prédit.  Mahomet,  en 
tuant;  Jésus-Christ,  en  faisant  tuer  les  siens.  Mahomet,  en 
défendant  de  lire  ;  les  apôtres,  en  ordonnant  de  lire  4.  Enfin, 
cela  est  si  contraire,  que,  si  Mahomet  a  pris  la  voie  de  réussir 
humainement,  Jésus-Christ  a  pris  celle  de  périr  humainement 
Et  qu'au  lieu  de  conclure  que,  puisque  Mahomet  a  réussi,  Jé- 
sus-Christ a  bien  pu  réussir,  il  faut  dire  que,  puisque  Maho- 
met a  réussi,  Jésus-Christ  devait  périr. 

1.  Le  tour  employé  par  Pascal  dans  cette  phrase  est  un  latinisme.  Nous  dirions  plutôt, 
ce  oui  d'ailleurs  revient  au  même  :  L'évangile  de  saint  Matthieu  n'est  pas  moins  de 
saint  Matthieu,  que  l'Alcoran  n'est  de  Mahomet;  car  il  est  cité,  etc. 

î.  Grotius.  de  Xerilate  relig.  III,  2,  dit  en  termes  généraux  que  ni  les  Juifs  ni  les  Païens 
n'ont  jamais  contesté  l'authenticité  des  Evangiles.  Il  ajoute  que  Julien  en  particulier 
l'admet  formellement;  et  cela  est  vrai,  mais  il  ne  s'est  conservé  aucun  témoignage  sem- 
blable de  Celse  ou  de  Porphyre. 

3.  Je  ne  crois  pas  que  le  Coran  nomme  saint  Matthieu.  Grotius  (VI,  3)  dit  seulement 
en  termes  généraux  que  Mahomet  reconnaît  pour  de  saints  personnages  les  apôtres  de 
Jésus,  et  cela  est  vrai.  Voir  à  la  fin  du  chapitre  de  la  lable  (v),  etc.  Mais  Mahomet 
soutient  que  tes  apôtres  reconnaissaient  Jésus  comme  envoyé  de  Dieu,  et  non  comme 
Dieu  {ibidA  —  En  titre  dans  l'autographe,  Contre  Mahomet. 

4.  Montaigne,  Apol.,  p.  117  :  «  Manomet  qui,  comme  j'ay  entendu,  iuterdict  la  science 
«  ses  hommes.  ■  Grotius  (VI,  2)  dit  en  effet  que  le  mahométi'*«we  repousse  l'esprit 
d'examen .  et  que  la  lecture  du  Coran  est  interdite  à  la  multitude,  mais  il  ne  cite  aucun 
texte  à  l'appui  de  cette  dernière  assertion.  —  Paul,  Lettre  à  limolhée,  iv,  13  :  •  Appli- 
que-toi à  la  lecture,  »  attente  lectioni.  —  En  titre,  dans  l'autographe  :  Différence  entre 
Jési;  Zkriji  *>'  Maksxat. 


44  PENSÉES  DE  PASCAL 

REMARQUES    SUR    L'ARTICLE    XIX 

Fragments  1  et  1  bis.  —  «  Les  apôtres  ont  été  trompés  ou  trom- 
peurs, etc.»  Pascal  n'examine  pas  si  les  évangiles  ont  été  réellement 
écrits  par  les  apôtres,  et  s'ils  peuvent  être  regardés  comme  des  témoi- 
gnages. Quant  à  Pauî .  qui  n'est  devenu  chrétien  que  long-temps 
après  la  mort  de  Jésus,  il  n'a  pas  été  témoin  de  la  résurrection,  et  il  ne 
dit  pas  qu'aucun  des  témoins  lui  ait  certifié  ce  qu'on  en  raconte.  Il  a 
seulement  ouï  dire  que  Jésus  est  apparu  à  plusieurs  et  il  ajoute  en 
passant,  et  en  un  seul  mot  :  il  m'est  apparu  une  fois  aussi,  sans  dire 
d'ailleurs  ni  où,  ni  quand,  ni  comment,  et  sans  s'expliquer  sur  les 
circonstances  de  cette  apparition. 

Aucun  vrai  critique  ne  supposera  que  les  Douze  aient  fait  le  complot 
de  dire  que  Jésus  était  ressuscité.  Ces  sortes  de  croyances  se  répandent 
de  l'un  à  l'autre  sans  complot.  Ils  n'ont  pas  eu  à  se  démentir  par  la 
crainte  des  tortures  ou  de  la  mort,  car  aucun  pouvoir  n'a  jamais  pré- 
tendu les  contraindre,  sous  aucune  peine,  à  avouer  que  Jésus  n'était 
pas  ressuscité.  Jamais  il  n'a  été  fait  sur  cette  résurrection  aucune  en- 
quête; il  n'y  a  jamais  eu  ni  rapport,  ni  procès- verbal.  Pascal  trans- 
porte les  habitudes  de  son  temps  et  du  nôtre  dans  des  temps  pro- 
fondément différents. 

Fragment  2.  —  «  Le  style  de  l'Évangile  est  admirable  en  tant  de 
manières,  et  entre  autres  en  ne  mettant  jamais  aucune  invective  contre 
les  bourreaux  et  ennemis  de  Jésus-Christ.  » 

Il  est  vrai  qu'il  n'y  a  jamais  d'invectives  dans  les  Évangélistes,  parce 
qu'ils  n'ont  jamais  le  ton  oratoire  sur  aucun  sujet.  Ils  racontent  tout 
aussi  simplement  le  meurtre  de  Jean,  sans  apprécier  ni  la  conduite  de 
Salomé  ni  celle  d'Hérode.  Ils  racontent  de  même  la  légende  de  ce 
qu'on  appelle  le  massacre  des  innocents,  et  n'en  ont  pas  même  l'air 
étonnés. 

Quant  à  Pilate,  je  ne  crois  pas  que  les  auteurs  des  Évangiles  pen- 
sent sur  lui  comme  on  a  pensé  plus  tard.  Ils  songent  moins  à  le  con- 
damner pour  avoir  livré  Jésus  qu'à  le  représenter  comme  témoignant 
pour  lui  et  cornue  désavouant  les  Juifs.  Ils  tiennent  à  faire  entendre 
que  ce  sont  les  Juifs  qui  sont  les  ennemis  du  Christ  et  des  siens,  et  non 
l'autorité  romaine,  qu'ils  paraissent  bien  aises  de  ménager  et  de  main- 
tenir dans  une  neutralité  bienveillante. 

Fragment  3.  —  «  Et  aussi  il  a  fallu  des  miracles   pendant  tout  ce 


REMARQUES    SUR   L'ARTICLE    XIX  45 

temps  ;  maintenant  il  n'en  faut  plus  contre  les  Juifs.  »  Pascal  sous- 
entend  qu'il  en  faut  encore  contre  les  Jésuites.  II  pense  au  miracle  de 
Port-Royal,  au  miracle  de  la  Sainte-Epine.  Voyez  sa  Vie  et  tout  l'ar- 
ticle XXIII. 

Fragment  4.  —  J'ai  relevé  ce  fragment  dans  l'Étude  sur  les  Pensées, 
page  xxvi. 

Fragment  6.  —  m  Qu'il  est  beau  de  voir,  par  les  yeux  de  la  foi, 
Darius  et  Cyrus,  Alexandre,  les  Romains,  Pompée  et  Hérode  agir, 
sans  le  savoir,  pour  la  gloire  de  l'Évangile!  »  M.  Sainte-Beuve  (Port- 
Royal,  lre  édit.,  t.  m,  p.  364)  :  «Quand  Pascal  interprète  les  Prophé- 
ties, et  lève  les  sceaux  du  Vieux-Testament,  quand  il  explique  le  rôle 
des  apôtres  parmi  les  Gentils,  et  l'économie  merveilleuse  des  desseins 
de  Dieu,  il  devance  visiblement  Bossuet,  le  Bossuet  de  Y  Histoire  uni- 
verselle; il  ouvre  bien  des  perspectives  que  l'autre  parcourra  et  rem- 
plira. »  —  Et  plus  loin  :  «  Bossuet  avait  lu  les  Pensées,  il  y  avait  ren- 
contré celle-ci  :  Qu'il  est  beau  de  voir,  etc.  C'était  tout  un  programme, 
que  son  génie  impétueux  dut  à  l'instant  embrasser,  comme  l'oeil  d'aigle 
du  grand  Gondé  parcourait  l'étendue  des  batailles.  » 

Fragment  7.  —  «La  religion  païenne  est  sans  fondement.  »  On  a  vu 
quil  y  a  là  quelques  lignes  barrées  sur  les  oracles.  Peut-être  que  Pas- 
cal, qui,  dans  ce  passage,  paraît  nier  les  oracles  païens,  a  hésité  sur 
cette  question.  L'opinion  qu'il  y  avait  eu  chez  les  Païens  de  vrais  ora- 
cles, rendus  par  les  démons  avec  la  permission  de  Dieu,  était  encore 
générale  parmi  les  croyants  à  cette  époque;  Fontenelle  a  l'honneur, 
par  son  Histoire  des  Oracles,  de  l'avoir  fait  abandonner. 

«  Quels  miracles  dit- il  lui-même  avoir  faits  !  »  On  lit  dans  le  Coran, 
au  chapitre  du  Voyage  de  nuit  (xvn)  :  «  La  plus  grande  partie  du  peuple 
s'éloigne  de  la  vérité  et  dit  :  Nous  ne  te  croirons  pas,  que  tu  ne  nous 
fasses  sortir  des  fontaines  de  dessous  la  terre,  et  que  tu  ne  fasses  en  ce 
lieu  un  jardin  orné  de  palmiers  et  de  vignes,  avec  des  ruisseaux  qui 
coulent  au  milieu,  ou  que  nous  ne  voyions  descendre  du  ciel  une  par- 
tie des  peines  que  tu  nous  prêches  :  nous  ne  te  croirons  pas  que  Dieu 
et  les  Anges  ne  te  viennent  secourir,  que  ta  maison  ne  soit  de  fin  or, 
et  que  nous  ne  voyions  le  livre  de  vérité  envoyé  du  ciel...  Dis  leur 
[c'est  Dieu  qui  parle  au  prophète]  :  Loué  soit  mon  Seigneur  !  Suis-je 
autre  chose  qu'un  homme  envoyé  de  sa  part?  »  Et  plus  haut  (c'est  tou- 
jours Dieu  qui  parle)  :  «  Rien  ne  nous  a  empêché  de  faire  paraître  les 
miracles  que  désirent  voir  les  habitants  de  la  Mecque,  que  le  mépris 

que  leurs  prédécesseurs  en  ont  eu.  »  Traduction  de  Du  Ryer,  1647.  — 

h.  4 


46  PENSÉES  DE  PASCAL 

Mahomet  ne  dit  donc  pas  lui-même  avoir  fait  des  miracles,  mais  les 
siens  n'ont  pas  manqué  de  lui  en  attribuer.  Voir  Grotius,  de  Verit. 
relig.  VI,  5.  —  Le  complément  de  la  pensée  de  Pascal  est  que  Moïse, 
au  contraire,  s'est  attribué  à  lui-même  des  miracles,  puisque  le  Penta- 
teuque  lui  en  attribue,  et  que  Pascal  ne  met  pas  en  doute  que  le  Pen- 
tateuque  n'ait  été  écrit  par  Moïse. 

Quant  à  Jésus,  ce  sont  ses  disciples  qui  racontent  ses  miracles 
dans  les  Évangiles,  mais  ils  le  représentent  comme  les  avouant  lui- 
même  et  faisant  profession  d'une  puissance  supérieure.  Matth.  xi,  4,  etc. 

«  Quelle  morale  !  »  Voir  Grotius,  VI,  8.  —  Le  mahométisme  pèche 
contre  la  morale  en  autorisant  le  divorce,  la  polygamie,  et  l'esprit  de 
guerre  et  d'extermination.  Tout  cela  se  trouve  aussi  chez  les  Juifs,  et 
semble  consacré  par  leur  religion.  Mais  Pascal  va  nous  dire  ce  qu'il 
pense  de  la  religion  juive.  Ces  points  graves  mis  à  part,  la  morale  du 
Coran  est  d'ailleurs  charitable,  pure  et  sévère. 

Port- Royal  a  supprimé  ce  qui  suit,  ne  voulant  pas  sans  doute  avouer 
cette  étrange  pensée,  que  la  morale  de  la  Bible,  prise  à  la  lettre,  est 
ridicule. 

Fragment  8.  —  «  De  deux  personnes  qui  disent  de  sots  contes.  » 
Port-Royal  met,  des  choses  qui  paraissent  basses,  «  L'un  qui  a  double 
sens,  entendu  dans  la  cabale.  »  Port-Royal,  entendu  par  ceux  qui  le 
suivent.  On  comprend  que  ces  deux  personnages,  c'est  Mahomet  et 
l'Esprit  saint  ;  ces  sots  contes  apparents,  c'est  le  Coran  et  la  Bible.  Il 
faut  être  dans  la  cabale  pour  les  entendre.  C'est  mystère  ou  sottise  (il 
dit  ailleurs,  figure  ou  sottise,  xvi,  16,  à  la  fin)  ;  mais  dans  la  Bible  c'est 
mystère,  c'est  sottise  dans  le  Coran.  Hasardeux  parallèle,  dont  Port- 
Royal  ne  pouvait  trop  atténuer  les  expressions.  Le  monde  n'aurait  pu 
porter  la  pensée  toute  nue,  telle  qu'elle  sortait  de  cette  tête  géométri- 
que et  ardente,  amoureuse  des  chiffres  (xvi,  7)  et  des  curiosités. 

De  même,  dans  cette  phrase  du  fragm.  9  :  «  Je  veux  qu'il  y  ait  des 
obscurités  qui  soient  aussi  bizarres  que  celles  de  Mahomet  »,  Port- 
Royal  supprime  les  mots  soulignés. 

Fragment  9  bis.  —  a  Car  il  est  cité  de  plusieurs  auteurs  de  siècle  en 
siècle.  »  Le  plus  ancien  de  ces  témoignages  est  celui  de  Papias,  qui 
ne  nous  est  pas  arrivé  directement,  mais  qui  est  allégué  dans  Y  Histoire 
ecclésiastique  d'Eusèbe,  III,  36.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  discuter  ce 

passage. 

Fragment  10  bis.  —  «  Les  apôtres  en  ordonnant  de  lire.  »  Malgré  la 
recommandation  de  Pau)  à  Timothée,  l'esprit  de  l'Eglise  catholique 


ARTICLE  XX  47 

est  plutôt  do  défendre  de  lire ,  et  Montaigne  l'approuve  (I,  56,  t.  n. 
p.  285).  —  Nous  avons  une  Lettre  de  Fénelon  à  levèque  d'Arras  sur 
la  lecture  de  V Écriture  sainte  en  langue  vulgaire.  Il  examine  s'il  est  à 
propos  d'autoriser  les  laïques  à  lire  l'Ecriture,  et  il  se  prononce  néga- 
tivement. Il  va  jusqu'à  dire  :  «  Il  faut  avouer  que,  si  un  livre  de  piété, 
tel  que  l'Imitation  de  Jèsus-Ghrist,  ou  le  Combat  spirituel,  ou  le  Guide 
des  pécheurs,  contenait  la  centième  partie  des  difficultés  qu'on  trouve 
dans  l'Ecriture,  vous  croiriez  en  devoir  défendre  la  lecture  dans  votre 
diocèse.  »  Mais  répandre  et  faire  lire  l'Ecriture  est  un  besoin  pour 
toute  secte  indépendante,  et  tout  Port-Royal  en  soutenait  le  droit  et 
le  devoir.  Cf.  Sainte-Beuve,  Port-Royal,  lre  édit.  t.  n,  p.  348. 


ARTICLE  X:£ 


1. 

Dieu  a  voulu  racheter  les  hommes,  et  ouvrir  le  salut  à  ceux 
qui  le  chercheraient.  Mais  les  hommes  s'en  rendent  si  indignes, 
qu'il  est  juste  que  Dieu  refuse  à  quelques-uns,  à  cause  de  leur 
endurcissement,  ce  qu'il  accorde  aux  autres  par  une  miséri- 
corde qui  ne  leur  est  pas  due.  S'il  eût  voulu  surmonter  l'obsti- 
nation des  plus  endurcis,  il  l'eût  pu,  en  se  découvrant  si  ma- 
nifestement à  eux,  qu'ils  n'eussent  pu  douter  de  la  vérité  de 
son  essence;  comme  il  paraîtra  au  dernier  jour,  avec  un  tel 
éclat  de  foudres,  et  un  tel  renversement  de  la  nature,  que  les 
morts  ressusciteront,  et  les  plus  aveugles  le  verront. 

Ce  n'est  pas  en  cette  sorte  qu'il  a  voulu  paraître  dans  son  avè- 
nement de  douceur  ;  parce  que  tant  d'hommes  se  rendant  in- 
dignes de  sa  clémence,  il  a  voulu  les  laisser  dans  la  privation 
du  bien  qu'ils  ne  veulent  pas.  Il  n'était  donc  pas  juste  qu'il 
parût  d'une  manière  manifestement  divine,  et  absolument  ca- 
pable de  convaincre  tous  les  hommes  ;  mais  il  n'était  pas  juste 
aussi  qu'il  vînt  d'une  manière  si  cachée,  qu'il  ne  pût  être  re- 
connu de  ceux  qui  le  chercheraient  sincèrement.  Il  a  voulu  se  ^ 
rendre  parfaitement  connaissable  à  ceux-là;  et  ainsi,  voulan 
paraître  à  découvert  à  ceux  qui  le  cherchent  de  tout  leur  cœur, 
et  caché  à  ceux  qui  le  fuient  de  tout  leur  cœur,  il  tempère  sa 


4$  PENSÉES   DE  PASCAL 

connaissance,  en  sorte  qu'il  a  donné  des  marques  de  soi  visi- 
bles à  ceux  qui  le  cherchent  et  non  à  ceux  qui  ne  le  cherchent 
pas.  Il  y  a  assez  de  lumière  pour  ceux  qui  ne  désirent  que 
de  voir  et  assez  d'obscurité  pour  ceux  qui  ont  une  disposition 
contraire.  Il  y  a  assez  de  clarté  pour  éclairer  les  élus  et  assez 
d'obscurité  pour  les  humilier.  Il  y  a  assez  d'obscurité  pour 
aveugler  les  réprouvés  et  assez  de  clarté  pour  les  con- 
damner et  les  rendre  inexcusables.  (Saint  Augustin,  Montai- 
gne, Sebonde  '.) 

2. 

Si  le  monde  subsistait  pour  instruire  l'homme  de  Dieu,  sa 
divinité  reluirait  de  toutes  parts  d'une  manière  incontestable  ; 
mais,  comme  il  ne  subsiste  que  par  Jésus-Christ  et  pour  Jésus- 
Christ,  et  pour  instruire  les  hommes  et  de  leur  corruption  et 
de  leur  rédemption,  tout  y  éclate  des  preuves  de  ces  deux  vé- 
rités. Ce  qui  y  paraît  ne  marque  ni  une  exclusion  totale,  ni 
une  présence  manifeste  de  divinité,  mais  la  présence  d'un 
Dieu  qui  se  cache  :  tout  porte  ce  caractère. 

S'il  n'avait  jamais  rien  paru  de  Dieu,  cette  privation  éternelle 
serait  équivoque,  et  pourrait  aussi  bien  se  rappoiter  à  l'ab- 
sence de  toute  divinité,  ou  à  l'indignité  où  seraient  les  hom- 
mes de  la  connaître.  Mais  de  ce  qu'il  paraît  quelquefois,  et  non 
pas  toujours,  cela  ôte  l'équivoque.  S'il  paraît  une  fois,  il  est 
toujours;  et  ainsi  on  n'en  peut  conclure,  sinon  qu'il  y  a  un 
Dieu,  et  que  les  hommes  en  sont  indignes. 

3. 

Dieu  veut  plus  disposer  la  volonté  que  l'esprit.  La  clarté 
parfaite  servirait  à  l'esprit  et  nuirait  à  la  volonté.  Abaisser  la 
superbe. 

3  bis. 

S'il  n'y  avait  point  d'obscurité,  l'homme  ne  sentirait  point 
sa  corruption;  s'il  n'y  avait  point  de  lumière,  l'homme  n'espé- 
rerait point  de  remède.  Ainsi,  il  est  non  seulement  juste,  mais 

1 .  Je  pense  que  Pascal  renvoie  à  ce  passage  de  Montaigne  dans  l'Apologie  de  Sebonde 
(p.  231)  :  «  Ce  sainct  m'a  faict  grand  plaisir  :  Ipsa  veritatis  occultatio  aut  humilitatis 
exercitatio  est,  aut  elationis  attritio  [Aug.  de  Civ.  Dei,  XI,  22].  •  Montaigne  dit 
tncore  (p.  120)  :  «  Melius  seilur  Deus  nesciendo,  dict  sainct  Augustin  [de  Ordine,  il,  16].  • 


ARTICLE  XX  49 

utile  pour  nous,  que  Dieu  soit  caché  en  partie,  et  découvert  en 
partie,  puisqu'il  est  également  dangereux  à  l'homme  de  con- 
naître Dieu  sans  connaître  sa  misère,  et  de  connaître  sa  mi- 
sère sans  connaître  Dieu. 

4. 

...  Il  est  donc  vrai  que  tout  instruit  l'homme  de  sa  condi- 
tion, mais  il  le  faut  bien  entendre  :  car  il  n'est  pas  vrai  que 
tout  découvre  Dieu,  et  il  n'est  pas  vrai  que  tout  cache  Dieu. 
Mais  il  est  vrai  tout  ensemble  qu'il  se  cache  à  ceux  qui  le  ten- 
tent, et  qu'il  se  découvre  à  ceux  qui  le  cherchent,  parce  que 
les  hommes  sont  tout  ensemble  indignes  de  Dieu,  et  capables 
de  Dieu  ;  indignes  par  leur  corruption,  capables  par  leur  pre- 
mière nature. 

5. 

Il  n'y  a  rien  sur  la  terre  qui  ne  montre,  ou  la  misère  de 
l'homme,  ou  la  miséricorde  de  Dieu;  ou  l'impuissance  de 
l'homme  sans  Dieu,  ou  la  puissance  de  l'homme  avec  Dieu. 

5  bis, 

...  Ainsi,  tout  l'univers  apprend  à  l'homme,  ou  qu'il  est  cor- 
rompu, ou  qu'il  est  racheté;  tout  lui  apprend  sa  grandeur 
ou  sa  misère.  L'abandon  de  Dieu  paraît  dans  les  Païens  ;  la 
protection  de  Dieu  paraît  dans  les  Juifs. 

6. 

Tout  tourne  en  bien  pour  les  élus,  jusqu'aux  obscurités  de 
l'Écriture ,  car  ils  les  honorent,  à  cause  des  clartés  divines  ;  et 
tout  tourne  en  mal  pour  les  autres,  jusqu'aux  clartés;  car  ils 
les  blasphèment,  à  cause  des  obscurités  qu'ils  n'entendent  pas. 

7. 

Si  Jésus-Christ  n'était  venu  que  pour  sanctifier,  toute  l'Écri- 
ture et  toutes  choses  y  tendraient,  et  il  serait  bien  aisé  de  con- 
vaincre les  infidèles.  Si  Jésus-Christ  n'était  venu  que  pour  aveu- 
gler, toute  sa  conduite  serait  confuse,  et  nous  n'aurions  aucun 
moyen  de  convaincre  les  infidèles.  Mais  comme  il  est  venu  in 
sanctificationem  et  in  scandalum,  comme  dit  Isaïe1,  nous  ne  pou- 

I.  It.  vin,  14.  Ce  ne  sont  pas  tout  à  fait  les  mots  du  texte. 


50  PENSÉES   DE  PASCAL 

vons  convaincre  les  infidèles,  et  ils  ne  peuvent  nous  con- 
vaincre ;  mais,  par  là  même,  nous  les  convainquons,  puisque 
nous  disons  qu'il  n'y  a  point  de  conviction  dans  toute  sa  con- 
duite de  part  ni  d'autre. 

8. 

Jésus-Christ  est  venu  aveugler  ceux  qui  voyaient  clair,  et 
donner  la  vue  aux  aveugles  ;  guérir  les  malades  et  laisser  mou- 
rir les  sains;  appeler  à  la  pénitence  et  justifier  les  pécheurs,  et 
laisser  les  justes  dans  leurs  péchés  ;  remplir  les  indigents,  et 
laisser  les  riches  vides. 

9. 

Que  disent  les  prophètes  de  Jésus-Christ?  Qu'il  sera  évi- 
demment Dieu?  Non  :  mais  qu'il  est  un  Dieu  véritablement 
caché;  qu'il  sera  méconnu;  qu'on  ne  pensera  point  que  ce 
soit  lui  ;  qu'il  sera  une  pierre  d'achoppement,  à  laquelle  plu- 
sieurs heurteront,  etc.  Qu'on  ne  nous  reproche  donc  plus  le 
manque  de  clarté,  puisque  nous  en  faisons  profession. 

10. 

...  Mais,  dit-on,  il  y  a  des  obscurités.  —  Et  sans  cela,  on  ne 
serait  pas  aheurté  à  Jésus-Christ,  et  c'est  un  des  desseins 
formels  des  prophètes  :  Excœca...  [Isaïe,  vi,  10.] 

11. 

Dieu,  pour  rendre  le  Messie  connaissable  aux  bons  et  mé- 
connaissable aux  méchants,  l'a  fait  prédire  en  cette  sorte.  Si  la 
manière  du  Messie  eût  été  prédite  clairement,  il  n'y  eût  point 
eu  d'obscurité,  même  pour  les  méchants.  Si  le  temps  eût  été  pré- 
dit obscurément,  il  y  eût  eu  obscurité,  même  pour  les  bons;  car 
la  bonté  de  leur  cœur  ne  leur  eût  pas  fait  entendre  que,  par 
exemple,  le  mem  fermé  signifie  six  cents  ans.  Mais  le  temps  a 
été  prédit  clairement,  et  la  manière  en  figures  '• 

Par  ce  moyen,  les  méchants,  prenant  les  biens  promis  pou? 
matériels,  s'égarent  malgré  le  temps  prédit  clairement,  et  les 
bons  ne  s'égarent  pas;  car  l'intelligence  des  biens  promis 
dépend  du  cœur,  qui  appelle  bien  ce  qu'il  aime  ;  mais  l'intelli- 

I.  Sur  le  mem,  voyez  le  fragment  12  de  l'article  xvi. 


ARTICLE  XX  51 

gence  du  temps  promis  ne  dépend  point  du  cœur;  et  ainsi  la 
prédiction  claire  du  temps,  et  obscure  des  biens,  ne  déçoit  que 
les  seuls  méchants. 

12. 

Gomment  fallait-il  que  fût  le  Messie,  puisque  par  lui  le  scep- 
tre devait  être  éternellement  en  Juda,  et  qu'à  son  arrivée  le 
sceptre  devait  être  ôté  de  Juda? 

...  Pour  faire  qu'en  voyant  ils  ne  voient  point,  et  qu'en  en- 
tendant ils  n'entendent  point,  rien  ne  pouvait  être  mieux  fait. 

13. 

La  généalogie  de  Jésus-Christ  dans  l'ancien  Testament  est 
mêlée  parmi  tant  d'autres  inutiles,  qu'elle  ne  peut  être  dis- 
cernée. Si  Moïse  n'eût  tenu  registre  que  des  ancêtres  de  Jésus- 
Christ,  cela  eût  été  trop  visible.  S'il  n'eût  pas  marqué  celle  de 
Jésus-Christ,  cela  n'eût  pas  été  assez  visible.  Mais,  après  tout, 
qui  y  regarde  de  près  voit  celle  de  Jésus-Christ  bien  dis- 
cernée par  Thamar,  Ruth,  etc  *. 

14. 

...  Mais  que  l'on  connaisse  la  vérité  de  la  religion  dans  l'ob- 
scurité même  de  la  religion,  dans  le  peu  de  lumière  que  nous 
en  avons,  dans  l'indifférence  que  nous  avons  de  la  connaître. 

15. 

Jésus-Christ  ne  dit  pas  qu'il  n'est  pas  de  Nazareth,  pour 
laisser  les  méchants  dans  l'aveuglement,  ni  qu'il  n'est  pas  fils 
de  Joseph. 

16. 

Comme  Jésus-Christ  est  demeuré  inconnu  parmi  lea  hom- 
mes, ainsi  sa  vérité  demeure  parmi  les  opinions  communes, 
sans  différence  à  l'extérieur3  :  ainsi  l'Eucharistie  parmi  le  pain 
commun. 

17. 

Que  si  la  miséricorde  de  Dieu  est  si  grande,  qu'il  nous  instruit 
salutai rement,  même  lorsqu'il  se  cache,  quelle  lumière  n'en 
devons  nous  pas  attendre  lorsqu'il  se  découvre  8  ? 

I.  Voir  la  Genèse,  xxxvm,  29,  et  Ruth,  iv,  17-22. 

i.  Cette  vérité  est  sans  doute  le  jansénisme. 

3.  Comme  il  a  fait  à  Port-Royal  ©ar  le  miracle  de  la  sainte  Epine. 


52  PENSÉES  DE  PASCAL 

18. 

Obj.  Visiblement  l'Écriture  pleine  de  choses  non  dictées  du 
Saint-Esprit.  —  R.  Elles  ne  nuisent  donc  point  à  la  foi.  —  Ob. 
Mais  l'Église  a  décidé  que  tout  est  du  Saint-Esprit.  —  R.  Je  ré- 
ponds deux  choses  ;  1,  que  l'Église  n'a  pas  décidé  cela;  l'autre, 
que  quand  elle  l'aurait  décidé,  cela  se  pourrait  soutenir. 

Les  prophéties  citées  dans  l'Évangile,  vous  croyez  qu'elles 
sont  rapportées  pour  vous  faire  croire.  Non;  c'est  pour  vous 
éloigner  de  croire. 

19. 

On  n'entend  rien  aux  ouvrages  de  Dieu,  si  on  ne  prend  pour 
principe  qu'il  a  voulu  aveugler  les  uns  et  éclairer  les  autres. 


REMARQUES    SUR    L'ARTICLE    XX 

Tous  les  fragments  compris  dans  cet  article  peuvent  se  résumer  en 
celui-ci,  qui  est  le  dernier.  «On n'entend  rien  aux  ouvrages  de  Dieu,  si 
on  ne  prend  pour  principe  qu'il  a  voulu  aveugler  les  uns  et  éclairer 
les  autres.  »  C'est  là,  en  effet,  comme  je  l'ai  montré  dans  l'Étude  sut- 
les  Pensées,  la  clef  de  l'argumentation  de  Pascal.  Port-Royal  a  ims,  qu'il 
aveugle  les  uns  et  éclaire  les  autres,  correction  timide  et  peu  franche, 
car  si  Dieu  l'a  fait,  c'est  sans  doute  qu'il  Ta  voulu. 

Pascal  lui-même  renvoie  (Frag.  10)  à  un  passage  d'Isaïe,  où  cette  idée* 
peut  être  saisie  comme  à  sa  source.  Je  le  citerai  tout  entier  :  «  Et 
j'entendis  la  voix  du  Seigneur  disant  :  Quienverrai-je?et  qui  est-ce  qui 
ira  de  ma  part?  Et  je  dis,  Me  voici,  envoie-moi.  Et  il  dit,  Va,  et  tu 
diras  à  ce  peuple  :  Ecoutez  pour  n'entendre  point,  et  voyez  pour  ne 
reconnaître  point.  Aveugle  l'esprit  de  ce  peuple,  bouche  ses  oreilles  et 
ferme  ses  yeux  ;  il  ne  faut  pas  que  ses  yeux  voient,  que  ses  oreilles 
entendent,  que  son  esprit  comprenne,  qu'il  revienne  à  moi  et  que  je 
le  sauve.  Et  je  dis,  Jusqu'à  quand,  Seigneur?  Et  il  dit,  Jusqu'à  ce  que 
les  villes  soient  dépeuplées  d'habitants,  que  toute  maison  soit  vide  et 

toute  terre  dévastée Et  ce  qui  reste  reviendra  à  moi,  et  repoussera 

comme  le  térébinthe  et  comme  le  chêne.  » 

Ce  n'est-là,  comme  on  voit,  qu'un  mouvement  lyrique,  l'impatience 
d'un  prophète  qui  pousse  jusqu'à  l'excès  sa  mordante  hyperbole,  qui  dit  : 
Vous  ne  croirez  pas  avant  que  le  malheur  soit  venu,  et  avec  le  malheur 
le  repentir.  Mais  ce  qu'il  disait  aux  Juifs  avec  un  zèle  plein  d'amour 


REMARQUES  SUR  L'ARTICLE  XX  53 

sous  l'&preté  du  langage,  leur  fut  répété  dans  une  pensée  d'amertume 
et  de  hnine  parles  premiers  chrétiens  qui  se  détachaient  du  judaïsme  et 
que  le  judaïsme  persécutait.  Quels  aveugles  que  ceux  qui  avaient  tué 
le  Christ  !  Et  s'ils  l'avaient  tué  en  vertu  de  la  Loi  et  de  la  parole  de  Dieu, 
n'était-ce  pas  que  Dieu  avait  voulu  les  perdre  par  cette  Loi  môme  mal 
comprise,  qui  devenait  leur  condamnation?  Voyez  Marc,  iv,  11  ; 
Jean,  xii,  40,  et  surtout  Paul,  II  Cor.  iv,  4;  Rom.,  xi,  8,  etc.  C'est 
Paul  qui  a  transformé  en  un  dogme  théologique  un  cri  de  colère.  Les 
calvinistes  et  les  jansénistes  ont  adopté  ce  dogme  avec  passion,  pour  le 
tourner  contre  l'Église  régnante,  qu'il  regardaient  comme  la  synago- 
gue de  leur  temps.  Pascal  lui-même  l'avait  déjà  développé  dans  la 
quatrième  Provinciale.  Parmi  les  Pensées  diverses  de  Nicole,  on  en 
trouve  une,  la  trente-septième,  où  la  doctrine  du  Deus  absconditus  est 
résumée  dans  un  style  digne  de  Pascal  par  la  fermeté  et  la  précision, 
et  inspirée  sans  doute  du  souvenir  de  ses  entretiens  :  «  Dieu  cache  sa 
vérité.  —  Dieu  a  caché  la  connaissance  de  l'immortalité  de  notre  âme 
dans  la  ressemblance  de  la  naissance  et  de  la  mort  des  animaux  :  Idem 
interitus  hominis  et  jumentorum  :  L'homme  paraît  et  il  disparaît  dans 
le  monde  comme  les  chevaux.  Il  a  caché  la  véritable  religion  dans  la 
multitude  des  fausses  religions,  les  véritables  prophéties  dans  la  mul- 
titude des  fausses  prophéties,  les  véritables  miracles  dans  la  multitude 
des  faux  miracles,  la  véritable  piété  dans  la  multitude  des  fausses  pié- 
tés, la  voie  du  ciel  dans  la  multitude  des  voies  qui  conduisent  en 
enfer.  » 

Enfin,  Louis  Racine  s'écriait,  dans  la  poëme  janséniste  de  la  Reli- 
gion : 

Oui,  c'est  un  Dieu  caché  que  le  Dieu  qu'il  faut  croire. 

D'un  autre  côté,  voici  comment  Saurin  parlait  dans  la  chaire  pro- 
testante : 

«  C'est  que  le  Saint-Esprit  se  retire;  c'est  qu'il  cesse  de  frapper  à  la 
porte  de  nos  cœurs,  c'est  qu'il  nous  abandonne  à  nous-mêmes  quand 
nous  persistons  à  lui  résister.  Ce  sont  là  ces  consciences  cautérisées  ;  ce 
sont  ces  esprits  fascinés,  ce  sont  ces  hommes  livrés  h  un  esprit  dépourvu 
dépens  ;  ce  sont  ces  cœurs  engraissés  ;  ce  sont  ces  yeux  qui  voient  et  qui 
n'aperçoivent  point,  ces  intelligences  qui  entendent  et  qui  ne  compren- 
nent point,  selon  le  style  de  l'Écriture.  Et  si  les  raisonnements  que  nous 
avons  pressés  dans  nos  discours  précédents  ont  été  incapables  de  vous 
convaincre,  ne  nous  contestez  pas  du  moins  ce  que  vous  voyez  tous  les 
jours,  et  qui  se  passe  sous  vos  yeux.  Après  cela,  prédicateurs,  éton- 
nez-vous si  vos  raisonnements,  si  vos  preuves,  si  vos  démonstrations, 
si  vos  exhortations,  si  vos  instances  les  plus  pathétiques  et  les  plus 


54  PENSÉES  DE  PASCAL 

tendres  ont  souvent  si  peu  de  succès.  Dieu  combat  lui-même  contre 
vous.  Vous  démontrez,  et  Dieu  aveugle  les  yeux;  vous  exhortez, 
et  Dieu  endurcit  le  cœur;  et  cet  Esprit,  cet  Esprit  qui,  par  sa  puissance 
victorieuse,  travaille  avec  nous  pour  illuminer  les  simples,  et  pour  faire 
entendre  son  secret  h  ceux  qui  le  craignent,  cet  Esprit,  par  une  puissance 
vengeresse,  affermit  les  autres  dans  leur  insensibilité  volontaire.  » 

Et  il  parlait  comme  avait  parlé  Calvin  dans  son  Institution  chrétienne  : 
Ecce  vocem  ad  eos  dirigit,  sed utmagis obsurdescant;  lumen  accendit,  sed 
ut  reddanlur  cœciores  ;  doctrinam  profert,  sed  qua  magis  obstupescant  ; 
remedium  adhibet,  sed  ne  sanentur,  III,  24,  n°  13,  cité  par  M.  Audin 
dans  sa  Vie  de  Calvin.  C'est  avec  ces  pensées  qu'on  arrive  à  être  sans 
pitié  pour  ceux  qui  se  trompent  ;  on  ne  les  condamne  qu'à  la  suite  de 
Dieu. 

Pascal  en  était  venu  à  écrire  ces  paroles,  que  MM.  de  Port-Royal 
ont  supprimées  dans  leur  édition  : 

«  Les  prophéties  citées  dans  l'Évangile,  vous  croyez  qu'elles  sont 
rapportées  pour  vous  faire  croire.  Non,  c'est  pour  vous  éloigner  de 
croire  »  {fragment  18). 

Il  est  difficile,  dit  M.  Faugère,  de  comprendre  le  sens  de  cette  réflexion 
de  Pascal.  Je  crois  que  cela  est  devenu  facile  ;  Pascal  devait  nécessai- 
rement aller  jusque  là.  Et  Fénelon  lui-même,  d'ailleurs  si  peu  sym- 
pathique au  jansénisme,  est-il  donc  si  loin  de  Pascal,  quand  il  dit,  dans 
sa  Lettre  à  l'évêque  d'Arras  :  «  L'Écriture  est  comme  Jésus-Christ, 
qui  a  été  établi  pour  la  chute  et  pour  la  résurrection  de  la  multitude 
[Luc,  II,  34]...  La  même  parole  est  un  pain  qui  nourrit  les  uns,  et 
un  glaive  qui  perce  les  autres...  Dieu  a  tellement  tempéré  la  lumière 
et  les  ombres  dans  sa  parole,  que  ceux  qui  sont  humbles  et  dociles  n'y 
trouvent  que  vérité  et  consolation,  et  que  ceux  qui  sont  indociles  et  pré- 
somptueux n'y  trouvent  qu'erreur  et  incrédulité.  »  Seulement  il  ne 
croyait  pas  qu'on  fût  du  nombre  des  humbles  et  des  croyants  en  vertu 
de  la  grâce  nécessitante  des  jansénistes  (voir  la  même  Lettre).  Nul  n'a 
eu  plus  d'antipathie  pour  le  jansénisme  que  Fénelon. 

On  trouvera  ailleurs  un  fragment  (xxm,  18),  où  Pascal  semble 
avoir  voulu  conjurer  le  péril  d'une  pareille  doctrine. 

Fragment  1.  —  «  Dieu  refuse  à  quelques-uns,  à  cause  de  leur 
endurcissement,  etc.  »  Il  semble  que  Pascal,  épouvanté  lui-même  du 
mystère  qu'il  annonce,  cherche  à  l'atténuer  en  réduisant,  au  moins 
dans  l'expression,  le  nombre  de  ceux  à  qui  Dieu  s'est  refusé.  Le  jan- 
sénisme est  plus  franc  dans  ce  passage  de  Saint-Cyran  :  a  Quand  je 
considère  que  les  Chrétiens  ne  sont,  pour  parler  ainsi,  qu'une  poignée 


REMARQUES   si'R    I, 'ARTICLE  XX  55 

de  gens,  en  comparaison  des  autres  hommes  répandus  dans  toutes  les 
nations  du  monde,  et  dont  il  se  perd  un  nombre  infini  hors  de  l'Église; 
et  que  dans  ce  peu  d'hommes  qui  sont  entrés,  par  une  vocation 
de  Dieu,  dans  sa  maison  pour  y  faire  leur  salut,  il  y  en  a  peu  qui  se 
sauvent,  etc.  »  (Cité  par  M.  Sainte-Beuve,  Port-Royal,  t.  III,  p.  290, 
1™  édition.) 

■  S'il  eût  voulu  surmonter  l'obstination  des  plus  endurcis,  il  l'eût 
pu  en  se  découvrant  si  manifestement  à  eux,  qu'ils  n'eussent  pu  douter 
delà  vérité  de  son  essence.  »  Port-Royal  met,  de  son  existence.  Ce  n'est 
pas  cela.  Il  ne  s'agit  pas  de  l'existence  de  Dieu  en  général,  mais  de 
l'avènement  de  Dieu  chez  les  Juifs  en  la  personne  de  Jésus- Christ  (voir 
plus  bas).  Or  les  Juifs  ne  méconnaissaient  pas  l'existence  de  Jésus- 
Christ,  mais  son  essence  ;  ils  ne  niaient  pas  qu'il  fût,  mais  qu'il  fût  Dieu. 

«  Il  y  a  assez  de  clarté  pour  éclairer  les  élus,  et  assez  d'obscurité 
pour  les  humilier.  » 

Voilà  bien  l'impression  que  devait  ressentir  cet  esprit  avide  de  clarté, 
enveloppé  de  ces  ténèbres. 

Fragment  7.  — «Puisque nous  disons  qu'il  n'y  a  point  de  conviction 
dans  toute  sa  conduite  de  part  ni  d'autre.  »  Port-Royal  n'a  pas  voulu 
dire  cela,  et  a  mis  :  «  qu'il  n'y  a  point  de  conviction  pour  les  esprits 
opiniâtres,  et  qui  ne  cherchent  pas  sincèrement  la  vérité.  » 

Fragment  13.  —  Les  passages  de  la  Bible  indiquées  dans  ce  frag- 
ment ne  contiennent  que  la  généalogie  de  David,  mais,  aux  yeux  de 
Pascal,  c'est  la  même  que  celle  de  Jésus-Christ. 

Fragment  15.  —  «  Jésus-Christ  ne  dit  pas  qu'il  n'est  pas  de  Na- 
zareth. »  La  famille  de  Jésus  était  de  Nazareth,  et  lui-même  y  avait 
toujours  vécu  ;  les  Evangiles  même  appellent  Nazareth  sa  patrie 
{Matth.  xiii,  54,  etc.).  Mais  on  croyait  que  le  Messie  devait  naître  à 
Bethléem  ;  on  voulut  donc  que  Jésus  y  fût  né  en  effet.  (Voir  les  re- 
marques sur  le  fragment  14  de  l'article  xvm). 

Cependant  quand  les  Juifs  l'appellent  Jésus  de  Nazareth,  il  ne  les 
contredit  pas  :  Dixit  eis,  Quem  quœritis?  Responderunt  ei,  Jesum 
Nazarenum.  Dixit  eis  Jésus,  Ego  sum  :  «  Il  leur  dit  :  Qui  cherchez- 
vous?  Ils  répondirent  :  Jésus  de  Nazareth.  Jésus  leur  dit  :  C'est 
moi.  »  Jean,  xvm,  4,  et  vu,  40. 

«  Ni  qu'il  n'est  pas  fils  de  Joseph.  »  Matthieu,  ibidem  :  Nonne  hic 
est  fabri  filius?  Nonne  mater  ejus  dicitur  Maria?...  et  scandalizabantur 
in  eo.  Jésus  autem  dixit  eis  :  Non  estpropheta  sine  honore  nisi  in  pa- 


56  PENSÉES  DE  PASCAL 

tria  sua  :  «  N'est-ce  pas  le  fils  du  charpentier?  Sa  mère  ne  s'appelle- 
t-elle  pas  Marie?  Et  il  leur  était  un  objet  de  scandale.  Jésus  leur  dit  : 
Un  prophète  n'est  nulle  part  si  peu  en  honneur  que  dans  sa  patrie.  » 
Or,  on  croyait  que  le  Messie  devait  être  le  fils  d'une  vierge.  (Matth.,  i, 
22,  etc.)  Jésus  laissait  donc  les  Juifs  dans  l'aveuglement,  en  laissant 
dire  de  lui  ce  qui  ne  pouvait  être  dit  du  Messie. 


ARTICLE   XXI 


La  religion  des  Juifs  semblait  consister  essentiellement  en  la 
paternité  d'Abraham,  en  la  circoncision,  aux  sacrifices,  aux  cé- 
rémonies, en  l'arche,  au  temple,  en  Hiérusalem,  et  enfin  en  la 
Loi  et  en  l'Alliance  de  Moïse. 

Je  dis  qu'elle  ne  consistait  en  aucune  de  ces  choses,  mais 
seulement  en  l'amour  de  Dieu,  et  que  Dieu  réprouvait  toutes 
les  autres  choses. 

Que  Dieu  n'acceptait   pas  la  postérité  d'Abraham1. 

Que  les  Juifs  seront  punis  de  Dieu  comme  les  étrangers, 
s'ils  l'offensent.  Deut.  vin,  19  :  «  Si  vous  oubliez  Dieu,  et  que 
vous  suiviez  des  dieux  étrangers,  je  vous  prédis  que  vous 
périrez  de  la  même  manière  que  les  nations  que  Dieu  a  exter- 
minées devant  vous.  » 

Que  les  étrangers  seront  reçus  de  Dieu  comme  les  Juifs, 
s'ils  l'aiment.  Is.  lvi,  3  :  «  Que  l'étranger  ne  dise  pas  :  Le  Sei- 
gneur ne  me  recevra  pas.  Les  étrangers  qui  s'attachent  à  Dieu 
seront  pour  le  servir  et  l'aimer  :  je  les  mènerai  en  ma  sainte 
montagne,  et  recevrai  d'eux  des  sacrifices;  car  ma  maison 
est  la  maison  d'oraison.  » 

Que  les  vrais  Juifs  ne  considéraient  leur  mérite  que  de  Dieu, 
et  non  d'Abraham.  Is.  lxiii,  16  :  a  Vous  êtes  véritablement 
notre  père,  et  Abraham  ne  nous  a  pas  connus,  et  Israël  n'a 
pas  eu  de  connaissance  de  nous;  mais  c'est  vous  qui  êtes 
notre  père  et  notre  rédempteur.  » 

i.  C'est-à-dire,  qu'il  n'en  faisait  point  acception. 


ARTICLE  XXI  57 

Moïse  même  leur  a  dit  que  Dieu  n'accepterait  pas  les  per- 
sonnes. Deut.  x,  17  :  Dieu,  dit-il,  «  n'accepte  pas  les  person- 
nes, ni  les  sacrifices.  (Le  sabbat  n'était  qu'un  signe,  Ex.  xxxi, 
13,  et  en  mémoire  de  la  sortie  d'Egypte,  Deut.  v,  15.  Donc  il 
n'est  plus  nécessaire,  puisqu'il  faut  oublier  l'Egypte.  La  cir- 
concision n'était  qu'un  signe,  Gen.  xvn,  11.  Et  de  là  vient 
qu'étant  dans  le  désert  ils  ne  furent  pas  circoncis,  parce  qu'ils 
ne  pouvaient  se  confondre  avec  les  autres  peuples.  Et  qu'après 
que  Jésus-Christ  est  venu,  elle  n'est  plus  nécessaire.) 

Que  la  circoncision  du  cœur  est  ordonnée.  Deut.  x,  16;  Jé- 
rém.  iv,  1  :  «  Soyez  circoncis  de  cœur,  retranchez  les  super- 
fluités  de  votre  cœur,  et  ne  vous  endurcissez  plus  ;  car  votre 
Dieu  est  un  Dieu  grand,  puissant  et  terrible,  qui  n'accepte  pas 
les  personnes.  » 

Que  Dieu  dit  qu'il  le  ferait  un  jour.  Deut.  xxx,  6  :  «  Dieu 
te  circoncira  le  cœur,  et  à  tes  enfants,  afin  que  tu  l'aimes  de 
tout  ton  cœur.  » 

Que  les  incirconcis  de  cœur  seront  jugés.  Jér.  ix,  26.  Car 
Dieu  jugera  les  peuples  incirconcis,  et  tout  le  peuple  d'Israël, 
parce  qu'il  est  «  incirconcis  de  cœur.  » 

Que  l'extérieur  ne  sert  à  rien  sans  l'intérieur.  Joël,  n,  13  : 
Scindite  corda  vestra  i,  etc.  Is.  lviii,  3,  4,  etc. 

L'amour  de  Dieu  est  recommandé  en  tout  le  Deutéronome, 
Deut.  xxx,  19  :  «  Je  prends  à  témoin  le  ciel  et  la  terre  que  j'ai 
mis  devant  vous  la  mort  et  la  vie,  afin  que  vous  choisissiez 
la  vie,  et  que  vous  aimiez  Dieu  et  que  vous  lui  obéissiez;  car 
c'est  Dieu  qui  est  votre  vie.  » 

Que  les  Juifs,  manque  de  cet  amour,  seraient  réprouvés  pour 
leurs  crimes,  et  les  Païens  élus  en  leur  place.  Os.  i  [10].  Deut. 
zxxii,  20  :  a  Je  me  cacherai  d'eux,  dans  la  vue  de  leurs  derniers 
crimes  :  car  c'est  une  nation  méchante  et  infidèle.  Ils  m'ont 
provoqué  à  courroux  par  les  choses  qui  ne  sont  point  des 
dieux  ;  et  je  les  provoquerai  à  jalousie  par  un  peuple  qui 
n'est  pas  mon  peuple,  et  par  une  nation  sans  science  et  sans 
intelligence.  »  Is.  lxv  [1]  * 

1.    •  Déchires  vos  cœurs,  et  non  vos  vêtements.  • 

1.  Le  passage  d'Osée  (i,  10)  est  cité  par  Paul  (Rom.  a,  25),  de  même  que  le  verset 
d'isaïe  cité  à  la  fin.  (Rom.,  x,  20.)  Le  passage  traduit  est  celui  du  Deutéronome,  cité 
aussi  par  Paul  (Rom.  x,  19). 


58  PENSÉES  DE  PASCAL 

Que  les  biens  temporels  sont  taux,  et  que  le  vrai  bien  est  d'ê- 
tre uni  à  Dieu.  Ps.  gxliii,  15. 

Que  leurs  fêtes  déplaisent  à  Dieu.  Amos,  v,  21. 

Que  les  sacrifices  des  Juifs  déplaisent  à  Dieu.  /*.  lxvi  [1-3]; 
j,  H1.  Jérém.  vi,  20.  David,  Miserere  [18]  *.  —  Même  de  la 
part  des  bons,  Exspectavi*.  Ps.  xlix,  8-14.  Qu'il  ne  les  a  éta- 
blis que  pour  leur  dureté.  Michée,  admirablement,  vi  [6-8]  4.  J. 
R. B  xv,  22  ;  Osée,  vi,  6. 

Que  les  sacrifices  des  Païens  seront  reçus  de  Dieu,  et  que 
Dieu  retirera  sa  volonté  des  sacrifices  des  Juifs.  Malach.  i,  11. 

Que  Dieu  fera  une  nouvelle  alliance  par  le  Messie,  et  que 
l'ancienne  sera  rejetée.  Jérém.  xxxi,  31.  Mandata  non  bona. 
Ezéch.  [xx,  25.] 

Que  les  anciennes  choses  seront  oubliées.  Is.  xliii,  18,  19; 
lxv,  17,  18. 

Qu'on  ne  se  souviendra  plus  de  l'arche.  Jérém.  m,  15,  16. 

Que  le  temple  serait  rejeté.  Jér.  vu,  12-14. 

Que  les  sacrifices  seraient  rejetés,  et  d'autres  sacrifices  purs 
établis.  Malach.  i,  11. 

Que  l'ordre  de  la  sacrificature  d'Aaron  sera  réprouvé,  et 
celle  de  Melchisédech  introduite  par  le  Messie.  Dixit  Do- 
minus  6. 

Que  cette  sacrificature  serait  éternelle.  Ibid. 

Que    Hiérusalem  serait  réprouvée ,    et  Rome  admise.   Que 

i.  Le  second  passage  d'Isaïe  est  celui  dont  s'est  inspiré  Racine  :  Quo  mihi  multUu- 
dinem  victimarum  vestrarum  ?  dicit  Dominus,  etc. 

Quel  fruit  me  revient-il  de  tous  vos  sacrifices? 
Ai-je  besoin  du  sang  des  boucs  et  des  génisses? 

2.  Cest-à-dire,  David,  dans  le  psaume  qu'on  appelle  Miserere,  parce  qu'il  commence 
par  ce  mot.  C'est  le  psaume  l,  l'un  des  sept  psaumes  de  la  pénitence. 

3.  Ce  mot  désigne  le  Ps.  xxxix.  commençant  par  ceE  mots  :  Exspectans  exspectavi. 

4.  «  Qu'ofirirai-je  au  Seigneur  qui  soit  digne  de  lui?  Lui  offrirai-je  des  holocaustes,  et 
le  veau  d'un  an?  Le  Seigneur  sera-t-il  donc  apaisé  par  tous  les  béliers  de  la  terre, 
par  des  milliers  de  boucs  engraissés?  Donnerai-je  mon  premier  né  pour  l'expiation  de 
mon  crime?  le  fruit  de  mes  entrailles  pour  le  péché  que  j'ai  commis?  0  homme ,  je 
vais  te  dire  ce  qu'il  y  a  à  faire  et  ce  que  le  Seigneur  demande  de  toi  :  c'est  de  prati- 
quer la  justice,  d'aimer  la  miséricorde  et  de  marcher  avec  zèle  dans  la  voie  où  est  ton 
Dieu.  »  On  comprend  l'admiration  de  Pascal  pour  ce  passage  si  peu  juif  et  si  chré- 
tien. Toute  cette  argumentation  sur  les  sacrifices  se  trouve  dans  Grotius,  de  Veritata 
relig.  V,  3. 

5.  C'est-à-dire,  premier  livre  des  Rois. 

6.  Ce  sont  les  premiers  mots  du  psaume  cix.  Pascal  a  dans  la  pensée  le  verset  4  de  ce 
psaume  :  Tu  es  sacerdos  in  œternum  secundum  ordinem  Melchisédech. 


ARTICLE  XXII  59 

le  nom  des  Juifs  serait  réprouvé,  et  un  nouveau  nom  donné. 

ls .,  LXV,  15. 

Que  ce  dernier  nom  serait  meilleur  que  celui  de  Juifs,  et 
éternel.  Is.,  lvi,  5. 

Que  les  Juifs  devaient  être  sans  prophètes  (Amos),  sans  roi, 
sans  princes,  sans  sacrifice,  sans  idole. 

Que  les  Juifs  subsisteraient  toujours  néanmoins  en  peuple. 
Jérém.  xxxi,  36 â. 


REMARQUES   SUR    L'ARTICLE   XXI. 

«  ls.  lvi,  3  :  Que  l'étranger  ne  dise  pas  :  «  Le  Seigneur  ne  me  recevra 
pas.  »  Port-Royal  a  retranché  cette  citation,  probablement  parce  qu'il 
n'est  parlé  dans  ce  passage  que  des  étrangers  qui  suivront  la  loi  juive  : 
qui  custodierint  sabbata  mea  et  tenuerint  fœdus  meum  ;  et  non  de  ceux 
qui  seront  les  chrétiens. 

«  Que  vous  aimiez  Dieu  et  que  vous  lui  obéissiez,  car  c'est  Dieu  qui 
est  votre  vie.  »  Pascal  ne  traduit  pas  la  fin  du  verset,  où  les  promesses 
temporelles  reparaissent  :  Ipse  est  enim  vita  tua,  et  longitudo  dierurn 
tuorum,  ut  habites  in  terra  pro  qua  juravit  Dominus  patribus  tuis, 
Abraham,  Isaac  et  Jacob,  ut  daret  eam  Mis  :  «  Afin  que  tu  habites  la 
terre  que  le  Seigneur  a  promise  par  serment  à  tes  pères,  Abraham, 
Isaac  et  Jacob.  » 

«  Que  les  sacrifices  des  Juifs  déplaisent  à  Dieu...  Même  de  lapart  des 
bons.  Exspectans.  Ps.  xlix,  8-14.  »  Dans  le  psaume  Exspectans,  voir 
le  verset  :  Sacrificium  etoblationemnoluisti.  G' est  le  prophète  qui  parle 
de  ses  propres  offrandes;  Dieu  ne  veut  donc  pas  des  sacrifices,  même 
des  bons.  Quant  au  Ps.  xlix,  Port- Royal  fait  remarquer  que  Dieu  y 
parle  de  même,  avant  que  d'adresser  son  discours  aux  méchants  par  ces 
paroles,  Peccatori  autem  dixit  Deus.  Il  est  facile  néanmoins  de  voir 
uue  ces  passages  n'impliquent  en  aucune  façon  le  désaveu  de  la  loi 
juive,  malgré  toutes  les  subtilités  de  Pascal  et  de  Port-Royal. 

1 .  En  titre  dans  l'autographe.  Pour  montrer  que  les  vrais  Juifs  et  les  vrais  Chrétiens 
%'ont  qu'une  même  religion. 


60  PENSÉES  DE  PASCAL 

ARTICLE   XXII 


1. 

Première  partie  :  Misère  de  l'homme  sans  Dieu. 
Seconde  partie  :  Félicité  de  l'homme  avec  Dieu. 
Autrement.   Première  partie  :  Que  la  nature  est  corrompue. 
Par  la  nature  même. 
Seconde  partie  :  Qu'il  y  a  un  réparateur.  Par  l'Écriture1. 

2. 

Préface  de  la  seconde  partie  :  Parler  de  ceux  qui  ont  traité 
de  cette  matière  2. 

J'admire  avec  quelle  hardiesse  ces  personnes  entreprennent 
de  parler  de  Dieu,  en  adressant  leurs  discours  aux  impies. 
Leur  premier  chapitre  est  de  prouver  la  divinité  par  les  ouvra- 
ges de  la  nature. 

Je  ne  m'étonnerais  pas  de  leur  entreprise  s'ils  adressaient 
leurs  discours  aux  fidèles,  car  il  est  certain  [que  ceux]  qui  ont 
la  foi  vive  dedans  le  cœur  voient  incontinent  que  tout  ce  qui 
est  n'est  autre  chose  que  l'ouvrage  du  Dieu  qu'ils  adorent.  Mais 
pour  ceux  en  qui  cette  lumière  s'est  éteinte  et  dans  lesquels 
on  a  dessein  de  la  faire  revivre,  ces  personnes  destituées  de  foi 
et  de  grâce,  qui,  recherchant  de  toute  leur  lumière  tout  ce 
qu'ils  voient  dans  la  nature  qui  les  peut  mènera  cette  connais- 
sance, ne  trouvent  qu'obscurité  et  ténèbres  :  dire  à  ceux-là 
qu'ils  n'ont  qu'à  voir  la  moindre  des  choses  qui  les  environ- 
nent, et  qu'ils  y  verront  Dieu  à  découvert,  et  leur  donner, 
pour  toute  preuve  de  ce  grand  et  important  sujet,  le  cours  C> 
la  lune  et  des  planètes  3,  et  prétendre  avoir  achevé  sa  preuve 
avec  un  tel  discours,  c'est  leur  donner  sujet  de  croire  que  les 
preuves  de  notre  religion  sont  bien  faibles,  et  je  vois  par  rai- 

1.  •  Parla  nnture  même,  »  c'est-à-dire,  cela  prouvé  par  la  nature  même.  De  même 
par  l'Écriture,  c'est-à-dire,  cela  prouvé  par  l'Ecriture. 

2.  C'est  ainsi  que  la  préface  de  la  première  partie,  sur  la  nature  humaine  (vi,  33), 
commence  par  ces  mots  :  Parler  de  ceux  qui  ont  traité  de  la  connaissance  de  soi-même. 

3.  Comme  fait  Grotius,  de  Veril.  relig.  christ.  I,  7. 


ARTICLE   XXIT  61 

son  et  par  expérience  que  rien  n'est  plus  propre  à  leur  en  faire 
naître  le  mépris. 

Ce  n'est  pas  de  cette  sorte  que  l'Écriture,  qui  connaît  mieux 
les  choses  qui  sont  de  Dieu,  en  parle.  Elle  dit  au  contraire  que 
Dieu  est  un  Dieu  caché;  et  que,  depuis  la  corruption  de  la 
nature,  il  lésa  laissés  dans  un  aveuglement  dont  ils  ne  peuvent 
sortir  que  par  Jésus-Christ,  hors  duquel  toute  communication 
avec  Dieu  est  ôtée  :  Nemo  novit  Patrem,  nisi  FUius,  et  cui  volue- 
rit  Filius  revelare  i. 

C'est  ce  que  l'Écriture  nous  marque,  quand  elle  dit  en  tant 
d'endroits  que  ceux  qui  cherchent  Dieu  le  trouvent 2.  Ce  n'est 
point  de  cette  lumière  qu'on  parle,  comme  le  jour  en  plein  midi. 
On  ne  dit  point  que  ceux  qui  cherchent  le  jour  en  plein  midi, 
ou  de  l'eau  dans  la  mer,  en  trouveront;  et  ainsi  il  faut  bien 
que  l'évidence  de  Dieu  ne  soit  pas  telle  dans  la  nature.  Aussi 
elle  nous  dit  ailleurs  :  Vere  tu  es  Deus  absconditus. 

3. 

Le  Dieu  des  chrétiens  ne  consiste  pas  en  un  Dieu  simple- 
ment auteur  des  vérités  géométriques  et  de  l'ordre  des  élé- 
ments ;  c'est  la  part  des  païens  et  des  épicuriens.  Il  ne  consiste 
pas  seulement  en  un  Dieu  qui  exerce  sa  providence  sur  la  vie 
et  sur  les  biens  des  hommes,  pour  donner  une  heureuse  suite 
d'années  à  ceux  qui  l'adorent  ;  c'est  la  portion  des  Juifs.  Mais 
le  Dieu  d'Abraham,  le  Dieu  dlsaac,  le  Dieu  de  Jacob,  le  Dieu 
des  chrétiens,  est  un  Dieu  d'amour  et  de  consolation  :  c'est  un 
Dieu  qui  remplit  l'âme  et  le  cœur  de  ceux  qu'il  possède  :  c'est 
un  Dieu  qui  leur  fait  sentir  intérieurement  leur  misère,  et  sa 
miséricorde  infinie;  qui  s'unit  au  fond  de  leur  âme;  qui  la 
remplit  d'humilité,  de  joie,  de  confiance,  d'amour  ;  qui  les  rend 
incapables  d'autre  fin  que  de  lui-même. 

4. 

Le  Dieu  des  chrétiens  est  un  Dieu  qui  fait  sentir  à  l'âme 
qu'il  est  son  unique  bien  ;  que  tout  son  repos  est  en  lui,  et 
qu'elle  n'aura  de  joie  qu'à  l'aimer;  et  qui  lui  fait  en   même 

1.  Matth.  xi,  27.  Le  texte  est,  neque  Pairem  quis  novit  :   «  Nul  ne  connaît  le  Père  que 
le  Fils,  et  celui  à  qui  le  Fils  aura  voulu  le  révéler,  d 
1  J'ai  déjà  cité  Matthieu,  vu,  7  :  Quœrite  et  invenietis.  Cf.  Luc,  xi,  9,  etc. 

II.  5 


62  PENSÉES  DE  PASCAL 

temps  abhorrer  les  obstacles  qui  la  retiennent,  et  l'empêchent 
d'aimer  Dieu  de  toutes  ses  forces.  L'amour-propre  et  la  concu- 
piscence, qui  l'arrêtent,  lui  sont  insupportables.  Ce  Dieu  lui  fait 
sentir  qu'elle  a  ce  fond  d'amour-propre  qui  la  perd,  et  que  lui 
seul  la  peut  guérir. 

5. 

La  connaissance  de  Dieu  sans  celle  de  sa  misère  fait  l'or- 
gueil. La  connaissance  de  sa  misère  sans  celle  de  Dieu  fait  le 
désespoir.  La  connaissance  de  Jésus-Christ  fait  le  milieu,  parce 
que  nous  y  trouvons  et  Dieu  et  notre  misère. 

6. 

Tous  ceux  qui  cherchent  Dieu  hors  de  Jésus-Christ,  et  qui 
s'arrêtent  dans  la  nature,  ou  ils  ne  trouvent  aucune  lumière 
qui  les  satisfasse,  ou  ils  arrivent  à  se  former  un  moyen  de  con- 
naître Dieu  et  de  le  servir  sans  médiateur  :  et  par  là  ils  tom- 
bent, ou  dans  l'athéisme,  ou  dans  le  déisme,  qui  sont  deux 
choses  que  la  religion  chrétienne  abhorre  presque  également. 

7. 

...  Nous  ne  connaissons  Dieu  que  par  Jésus-Christ.  Sans  ce 
médiateur,  est  ôtée  toute  communication  avec  Dieu  ;  par  Jésus- 
Christ,  nous  connaissons  Dieu.  Tous  ceux  qui  ont  prétendu 
connaître  Dieu  et  le  prouver  sans  Jésus-Christ  n'avaient  que 
des  preuves  impuissantes.  Mais,  pour  prouver  Jésus-Christ, 
nous  avons  les  prophéties,  qui  sont  des  preuves  solides  et  pal- 
pables. Et  ces  prophéties,  étant  accomplies,  et  prouvées  véri- 
tables par  l'événement,  marquent  la  certitude  de  ces  vérités, 
et  partant  la  preuve  de  la  divinité  de  Jésus-Christ.  En  lui  et 
par  lui  nous  connaissons  donc  Dieu.  Hors  de  là  et  sans  l'Écri- 
ture, sans  le  péché  originel,  sans  médiateur  nécessaire  promis 
et  arrivé,  on  ne  peut  prouver  absolument  Dieu,  ni  enseigner 
une  bonne  doctrine  ni  une  bonne  morale.  Mais  par  Jésus- 
Christ  et  en  Jésus-Christ,  on  prouve  Dieu,  et  on  enseigne  la 
morale  et  la  doctrine.  Jésus-Christ  est  donc  le  véritable  Dieu 
des  hommes. 

Mais  nous  connaissons  en  même  temps  notre  misère,  car  ce 
Dieu  n'est  autre  chose  que  lé  réparateur  de  notre  misère. 


REMARQUES  SUR   L'ARTICLE  XXII  63 

Ainsi  nous  ne  pouvons  bien  connaître  Dieu  qu'en  connaissant 
nos  iniquités. 

Aussi  ceux  qui  ont  connu  Dieu  sans  connaître  leur  misère 
ne  l'ont  pas  glorifié,  mais  s'en  sont  glorifiés.  Quia  non  cognovit 
per  sapientiam,  placuit  Deo  per  stultitiam  prœdicationis  salvos 
facere  '. 

8. 

Non-seulement  nous  ne  connaissons  Dieu  que  par  Jésus- 
Christ,  mais  nous  ne  nous  connaissons  nous-mêmes  que  par 
Jésus-Christ.  Nous  ne  connaissons  la  vie,  la  mort,  que  par 
Jésus-Christ.  Hors  de  Jésus-Christ,  nous  ne  savons  ce  que 
c'est  que  notre  vie,  ni  que  notre  mort,  ni  que  Dieu,  ni  que 
nous-mêmes. 

Ainsi,  sans  l'Écriture,  qui  n'a  que  Jésus-Christ  pour  objet, 
nous  ne  connaissons  rien,  et  ne  voyons  qu'obscurité  et  confu- 
sion dans  la  nature  de  Dieu  et  dans  la  propre  nature. 

9. 

Sans  Jésus-Christ,  il  faut  que  l'homme  soit  dans  le  vice  et 
dans  la  misère;  avec  Jésus-Christ,  l'homme  est  exempt  de 
vice  et  de  misère.  En  lui  est  toute  notre  vertu  et  toute  notre 
félicité.  Hors  de  lui,  il  n'y  a  que  vice,  misère,  erreurs,  ténèbres, 
mort,  désespoir. 

10. 

Sans  Jésus-Christ,  le  monde  ne  subsisterait  pas  ;  car  il  fau- 
drait, ou  qu'il  fût  détruit,  ou  qu'il  fût  comme  un  enfer. 


REMARQUES    SUR    L  ARTICLE    XXII 

Fragment  2.  — «  J'admire  avec  quelle  hardiesse  ces  personnes  entre- 
prennent de  parler  de  Dieu,  en  adressant  leurs  discours  aux  impies. 
Leur  premier  chapitre  est  de  prouver  la  divinité  par  les  ouvrages  de 
la  nature. 

I.  I  Cor.  î,  21.  Le  texte  est  :  Nam  quia  in  Dei  sapientia  non  cognovit  mundus  per  sap. 
Deum,  pi.  Deo  ver  stult.  prœd.  salv.  fac.  credentes.  «  Le  monde,  avec  sa  sagesse,  ayant 
méconnu  Dieu  dans  sa  sagesse  divine,  il  a  plu  à  Dieu  de  sauver  par  la  folie  de  la 
prédication  ceux  qui  croiront.  •  J'ai  cité  ailleurs  la  traduction  de  ce  passage  par 
Montaigne  (notes  sur  x,  1).  —  En  titre  dans  l'autographe,  Dieu  par  Jésus-Christ. 


64 


PENSÉES   DE  PASCAL 


»  Je  ne  m'étonnerais  pas  de  leur  entreprise  s'ils  adressaient  leurs  dis- 
cours aux  fidèles,  car  il  est  certain  [que  ceux]  qui  ont  la  foi  vive  de- 
dans le  cœur  voient  incontinent  que  tout  ce  qui  est  n'est  autre  chose 
que  l'ouvrage  du  Dieu  qu'ils  adorent.  » 

L'édition  de  Port-Royal  transforme  ainsi  ce  commencement  : 
«  La  plupart  de  ceux  qui  entreprennent  de  prouver  la  divinité  aux  im- 
pies commencent  d'ordinaire  par  les  ouvrages  de  la  nature,  et  ils  y 
réussissent  rarement.  Je  n'attaque  pas  la  solidité  de  ces  preuves,  consa- 
crées par  l'Écriture  sainte;  elles  sont  conformes  a  la  raison;  mais  sou- 
vent elles  ne  sont  pas  assez  conformes  et  assez  proportionnées  à  la 
disposition  de  l'esprit  de  ceux  pou  qui  elles  sont  destinées.  Car  il  faut 
remarquer  qu'on  n'adresse  pas  ce  discours  à  ceux  qui  ont  la  foi  vive 
dans  le  cœur,  et  qui  voient  incontinent  que  tout  ce  qui  est  n'est  autre 
chose  que  l'ouvrage  du  Dieu  qu'ils  adorent.  C'est  à  eux  que  toute  la 
nature  parle  pour  son  auteur  et  que  les  deux  annoncent  la  gloire  de 
Dieu.  Mais  pour  ceux,  etc.  »  Rien  de  plus  infidèle  que  ces  additions  au 
texte  de  Pascal.  C'était  bien  attaquer  la  solidité  de  ces  preuves  que  de 
déclarer  qu'elles  ne  convainquent  que  ceux  qui  sont  déjà  persuadés.  Et 
en  effet  il  les  attaque,  non-seulement  ici,  mais  dans  d'autres  fragments 
qui  appartenaient  sans  doute  à  la  même  préface  (x,  5,  6  ;  et  plus  loin). 
Au  lieu  de  les  croire  consacrées  par  l'Ecriture  sainte,  il  soutenait  con- 
tre les  philosophes  que  l'Écriture  ne  les  a  jamais  employées.  Loin  de 
les  juger  conformes  a  la  raison,  il  dit  plus  bas  qu'il  voit  par  raison 
que  rien  n'est  plus  propre  à  rendre  la  religion  méprisable.  Port-Royal, 
sous  l'influence  de  la  philosophie  de  Descartes,  fait  parler  Pascal  en 
cartésien. 

Ce  n'est  pas  non  plus  la  nature  qui  parle  de  Dieu  à  Pascal,  c'est 
lui,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi,  qui  en  parle  à  la  nature,  qui  rapporte 
la  nature  au  Dieu  qu'il  trouve  dans  son  cœur.  La  nature  elle-même 
est  muette,  ou  tout  au  moins  équivoque  (xiv,  2,  xx,  2;  etc.). 

«  Mais  pour  ceux  en  qui  cette  lumière  est  éteinte,  et  dans  lesquels 
on  a  dessein  de  la  faire  revivre,  ces  personnes  destituées  de  foi  et  de 
grâce,  qui,  recherchant  de  toute  leur  lumière  tout  ce  qu'ils  voient  dans  la 
nature  qui  les  peut  mener  à  cette  connaissance,  ne  trouvent  qu'obscu- 
rité et  ténèbres  :  dire  à  ceux-là  qu'ils  n'ont  qu'à  voir  la  moindre  des 
choses  qui  les  environnent,  et  qu'ils  verront  Dieu  à  découvert,  et  leur 
donner,  pour  toute  preuve  de  ce  grand  et  important  sujet,  le  cours  de 
la  lune  «et  des  planètes,  et  prétendre  avoir  achevé  sa  preuve  avec  un 
tel  discours,  c'est  leur  donner  sujet  de  croire  que  les  preuves  de  notre 
religion  sont  bien  faibles,  et  je  vois  par  raison  et  par  expérience  que 
rien  n'est  plus  propre  à  leur  en  faire  naître  le  mépris.  »  Port-Royal 


REMARQUES  SUR  L'ARTICLE  XXII  65 

donne  :  «  Mais  pour  ceux  en  qui  cette  lumière  est  éteinte,  et  dans  les- 
quels on  a  dessein  de  la  faire  revivre,  ces  personnes  destituées  de  foi 
et  de  charité,  qui  ne  trouvent  que  ténèbres  et  obscurité  dans  toute  la 
nature,  il  semble  que  ce  ne  soit  pas  le  moyen  de  les  ramener,  que  de 
ne  leur  donner  pour  preuve  de  ce  grand  et  important  sujet  que  le  cours 
de  la  lune  ou  des  planètes,  ou  des  raisonnements  communs,  et  contre 
lesquels  ils  se  sont  continuellement  raidis.  L'endurcissement  de  leur 
esprit  les  a  rendus  sourds  à  cette  voix  de  la  nature  qui  a  retenti  conti- 
nuellement a  leurs  oreilles  :  et  l'expérience  fait  voir,  que  bien  loin 
qu'on  les  emporte  par  ce  moyen,  rien  n'est  plus  capable  au  contraire 
de  les  rebuter,  et  de  leur  ôter  l'espérance  de  trouver  la  vérité,  que  de 
prétendre  les  en  convaincre  seulement  par  ces  sortes  de  raisonne- 
ments, et  de  leur  dire  qu'ils  y  doivent  voir  la  vérité  à  découvert.  » 
En  supprimant  ces  mots,  destitués  de  grâce.  Port- Royal  ôtait  à  ce  mor- 
ceau la  marque  essentielle  du  jansénisme.  Les  jansénistes  seuls  soute- 
naient que  la  grâce  pouvait  manquer  à  quelqu'un,  et  on  se  serait  cho- 
qué de  l'entendre  répéter  dans  les  Pensées.  Le  monde  disait  alors  vo- 
lontiers comme  Anne  d'Autriche  à  une  autre  époque  :  Fi9  fi  de  la 
grâce  !  Cette  autre  phrase,  recherchant  de  toute  leur  lumière,  a  paru 
aussi  trop  contraire  au  mot  de  l'Evangile  :  Cherchez  et  vous  trouverez 
(Math,  vu,  7).  Dans  le  reste,  Pascal  est  également  désavoué,  ou,  tout 
au  moins,  adouci  et,  comme  dirait  Montaigne,  assagi.  On  n'y  voit  plus 
cette  fougue  d'un  grand  logicien,  plein  de  dédain  pour  la  logique  et 
pour  les  systèmes  des  autres,  et  tellement  emporté  qu'il  ne  prend  plus 
garde  si  ses  paroles  indiscrètes  ne  découvrent  pas  ce  qu'il  défend. 

Ainsi  dans  Pascal  :  «  La  moindre  des  choses...  Dieu  a  découvert  :  » 
Port- Royal  fait  disparaître  le  sarcasme  qui  est  dans  cette  antithèse. 

«  Elle  dit  au  contraire  que  Dieu  est  un  Dieu  caché.  »  Port-Royal  a 
cru  que  ces  paroles  avaient  encore  besoin  d'explication  et  de  correctifs  : 
«  Elle  nous  dit  bien  que  la  beauté  des  créatures  fait  connaître  celui  qui 
en  est  l'auteur,  mais  elle  ne  nous  dit  pas  qu'elles  fassent  cet  effet  dans 
tout  le  monde.  Elle  nous  avertit  au  contraire,  que  quand  elles  le  font, 
ce  n'est  pas  par  elles-mêmes,  mais  par  la  lumière  que  Dieu  répand  en 
même  temps  dans  l'esprit  de  ceux  à  qui  il  se  découvre  par  ce  moyen. 
Quod  notum  est  Dei,  manifestum  est  in  illis.  Deus  enim  illis  manifesta- 
vit  (Rom.  i,  19).  Elle  nous  dit  généralement  que  Dieu  est  un  Dieu  ca- 
ché, Vere  tu  es  Deus  abscondttus.  »  On  voit  que  Port- Royal  essaie  ha- 
bilement de  concilier  Pascal  avec  l'Écriture,  et  de  Vautoriser  d'elle  ; 
mais  Pascal  en  est  réellement  bien  loin. 

Dans  un  article  sur  les  Pensées  de  Pascal,  publié  à  l'occasion  de 
mon  édition  dans  le  Constitutionnel  du  29  mars  1852,  M.  Sainte-Beuve, 


66  PENSÉES  DE  PASCAL. 

après  avoir  cité  le  début  de  ce  fragment,  ajoutait  ce  qui  suit  :  a  II  est 
curieux  de  remarquer  que  la  phrase  un  peu  méprisante  de  Pascal,  J'ad- 
mire,etc.,  avait  d'abord  été  imprimée  dans  la  première  édition  de  ses 
Pensées,  et  la  Bibliothèque  nationale  possède  depuis  peu  un  exemplaire 
unique,  daté  de  1669,  où  on  lit  textuellement  cette  proposition  (page 
150).  Mais  bientôt  les  amis,  ou  les  examinateurs  et  les  approbateurs 
du  livre,  etc.  »  "Voici  le  texte  entier  de  ce  passage  dans  l'édition  de 
1669  :  «  J'admire  avec  quelle  hardiesse  quelques  personnes  entrepren- 
nent de  parler  de  Dieu  en  adressant  leurs  discours  aux  impies.  Leur 
premier  chapitre  est  de  prouver  la  divinité  par  les  ouvrages  de  la 
nature.  Je  n'attaque  pas  la  solidité  de  ces  preuves,  mais  je  doute 
beaucoup  de  l'utilité  et  du  fruit  qu'on  en  peut  tirer  ;  et,  si  elles  me 
paraissent  assez  conformes  h  la  raison,  elles  ne  me  paraissent  pas  as- 
sez conformes  et  assez  proportionnées  à  la  disposition  de  l'esprit  de 
ceux  pour  qui  elles  sont  destinées.  »  On  voit  que  ce  texte  de  1669, 
qui  a  paru  devoir  encore  être  corrigé,  était  pourtant  bien  éloigné  déjà 
delà  pensée  véritable  de  Pascal.  En  général,  le  travail  d'épuration  en- 
trepris par  MM.  de  Port  Royal  était  déjà  entièrement  accompli  dans 
le  texte  de  1669,  comme  je  m'en  suis  assuré  en  le  parcourant. 

Fragment  3.  —  «  Mais  le  Dieu  d'Abraham,  le  Dieu  d'Isaac,  le  Dieu 
de  Jacob,  le  Dieu  des  chrétiens.  »  Port-Royal  met  seulement  :  Mais  le 
Dieu  d'Abraham  et  de  Jacob,  le  Dieu  des  chrétiens.  Il  y  a  un  bien  autre 
élan  dans  les  invocations  répétées  du  texte.  Le  meilleur  commen- 
taire ici  est  le  fameux  papier  touvé  dans  l'habit  de  Pascal. 

Fragment  6.  —  «  Ou  dans  l'athéisme  ou  dans  le  déisme,  qui  sont 
deux  choses  que  la  religion  chrétienne  abhorre  presque  également.  » 
Là  est  le  fond  de  l'irritation  de  Pascal  contre  Descartes  et  la  philoso- 
phie. 11  semble  que  dans  le  déisme,  de  Descartes  Pascal  ait  pressenti 
celui  de  Voltaire. 


ARTICLE   XXIII 


1. 

...  Les  miracles  discernent  la  doctrine,  et  la  doctrine  dis- 
cerne les  miracles. 


ARTICLE  XXIII  67 

Il  y  a  de  faux  et  de  vrais.  Il  faut  une  marque  pour  les  con- 
naître ;  autrement,  ils  seraient  inutiles.  Or,  ils  ne  sont  pas  inu- 
tiles, et  sont  au  contraire  fondement.  Or,  il  faut  que  la  règle 
qu'il  nous  donne  soit  telle,  qu'elle  ne  détruise  pas  la  preuve 
que  les  vrais  miracles  donnent  de  la  vérité,  qui  est  la  lin  prin- 
cipale des  miracles1. 

Moïse  en  a  donné  deux  :  que  la  prédiction  n'arrive  pns, 
Deut.  xviii  [22],  ei  qu'ils  ne  mènent  point  à  l'idolâtrie,  Deut. 
xiii  [4]  ;  et  Jésus-Christ  une  2. 

Si  la  doctrine  règle  les  miracles,  les  miracles  sont  inutiles 
pour  la  doctrine.  Si  les  miracles  règlent3... 

1  bis. 

Si  les  miracles  sont  vrais,  pourra  t-on  persuader  toute  doc- 
trine? Non,  car  cela  n'arrivera  pas.  Si  angélus  4... 

4  ter. 

Règle.  Il  faut  juger  de  la  doctrine  par  les  miracles,  il  faut 
juger  des  miracles  par  la  doctrine.  Tout  cela  est  vrai,  mais 
cela  ne  se  contredit  pas.  Car  il  faut  distinguer  les  temps. 

2. 

...  Dans  le  Vieux  Testament,  quand  on  vous  détournera  da 
Dieu.  Dans  le  Nouveau,  quand  on  vous  détournera  de  Jésus- 
Christ.  Voilà  les  occasions  d'exclusion  à  la  foi  des  miracles 
marquées.  Il  ne  faut  pas  y  donner  d'autres  exclusions. 

...  S'ensuit-il  de  là  5  qu'ils  avaient  droit  d'exclure  tous  les 
prophètes  qui  leur  sont  venus?  Non.  Ils  eussent  péché  en 
n'excluant  pas  ceux  qui  niaient  Dieu,  et  aussi  péché  d'exclure 
ceux  qui  ne  niaient  pas  Dieu. 

D'abord  donc  qu'on  voit  un  miracle,  il  faut,  ou  se  soumettre, 
ou  avoir  d'étranges  marques  du  contraire.  Il  faut  voir  s'il  nie 
un  Dieu,  ou  Jésus- Christ,  ou  l'Église. 

i.  Qu'il  nous  donne;  qui,  i7?  Pascal  parle-t-il  de  Dieu,  ou  bien  de  quelque  adversaire 
qu'il  réfute? 

2.  Voir  Marc,  ix,  38  :  •  Il  n'est  pas  possible  quun  homme  fasse  un  miracle  en  mon 
nom,  et  qu'en  même  temps  il  parle  mal  de  moi.  » 

3.  En  titre  dans  l'autographe,  Commencement. 

4.  Paul,  Gai.  i,  8  :  Sed  licet  nos,  aut  angélus  de  cœlo,  etc.  •  Quand  un  ange  du  ciel 
tous  annoncerait  un  autre  Évangile,  qu'il  soit  anathème.  • 

5.  C'est-à-dire,  de  la  recommandation  que  Moïse  fait  aux  Juifs  de  ne  pas  croire  les 
faux  prophètes.  Leur  disait-il  par  là  qu'ils  auraient  droit  d'exclure,  etc.? 


68 


PENSÉES  DE  PASCAL 

3. 


S'il  n'y  avait  point  de  faux  miracles,  il  y  aurait  certitude. 
S'il  n'y  avait  point  de  règle  pour  les  discerner,  les  miracles  se- 
raient inutiles,  et  il  n'y  aurait  pas  de  raison  de  croire.  Or,  il  n'y 
a  pas  humainement  de  certitude  humaine,  mais  raison  K 

4. 

Toute  religion  est  fausse,  qui,  dans  sa  foi,  n'adore  pas  un 
Dieu  comme  principe  de  toutes  choses,  et  qui,  dans  sa  mo- 
rale, n'aime  pas  un  seul  Dieu  comme  objet  de  toutes  choses. 

5. 

Les  Juifs  avaient  une  doctrine  de  Dieu  comme  nous  en  avons 
une  de  Jésus-Christ,  et  confirmée  par  miracles  ;  et  défense  de 
croire  à  tous  faiseurs  de  miracles,  et,  de  plus,  ordre  de  re- 
courir aux  grands-prêtres  et  de  s'en  tenir  à  eux  2.  Et  ainsi 
toutes  les  raisons  que  nous  avons  pour  refuser  de  croire  les 
faiseurs  de  miracles,  ils  les  avaient  à  l'égard  de  leurs  pro- 
phètes. Et  cependant  ils  étaient  très  coupables  de  refuser  les 
prophètes,  à  cause  de  leurs  miracles,  et  n'eussent  pas  été  cou- 
pables s'ils  n'eussent  point  vu  les  miracles  :  Nisi  fecissem, 
peccatum  non  haberent  3.  Donc  toute  la  créance  est  sur  les 
miracles. 

5  bis. 

La  prophétie  n'est  point  appelée  miracle. 

6. 

Les  preuves  que  Jésus-Christ  et  les  apôtres  tirent  de  l'Écri- 
ture ne  sont  pas  démonstratives  ;  car  ils  disent  seulement  que 


1.  Cette  fin,  retranchée  dans  Port-Royal  comme  obscure,  paraît  se  rapporter  encore 
au  miracle  de  la  Sainte-Épiue.  C'est  un  miracle  où  il  n'y  a  pas  la  certitude  qu'il  y  aurait 
s'il  n'existait  pas  de  faux  miracles,  mais  où  il  y  a  raison  de  croire,  d'après  la  règle  qui 
sert  à  discerner.  Mais  pourquoi  ces  mots,  humainement,  certitude  humaine?  Probable- 
ment parce  que  Pascal  et  les  siens  se  croyaient  assurés  du  miracle  par  une  espèce  de 
révélation  supérieure  à  la  certitude  humaine. 

2.  Deutér.  xvn,  12.  Malach.  il,  7. 

3.  Le  texte  est  :  Si  opéra  non  fecissem  in  eis  quœ  nemo  alius  fecit,  peccatum  non  hâ- 
tèrent. Jean,  xv,  24  :  «  Si  je  n'avais  pas  fait  parmi  eux  des  œuvres  que  personne  u'a 
faites,  ils  ne  seraient  pas  en  péché.  » 


ARTICLE   XXIII  69 

Moïse  a  dit  qu'un  prophète  viendrait,  mais  ils  ne  prouvent  pas 
par  là  que  ce  soit  Celui-là,  et  c'était  toute  la  question.  Ces 
passages  ne  servent  donc  qu'à  montrer  qu'on  n'est  pas  con- 
traire à  l'Écriture,  et  qu'il  n'y  paraît  point  de  répugnance, 
mais  non  pas  qu'il  y  ait  accord.  Or  cela  sullit,  exclusion  de  ré- 
pugnance, avec  miracles. 

7. 

Jésus-Christ  dit  que  les  Écritures  témoignent  de  lui,  mais 
il  ne  montre  pas  en  quoi. 

Même  les  prophéties  ne  pouvaient  pas  prouver  Jésus-Christ 
pendant  sa  vie  l.  Et  ainsi  on  n'eût  pas  été  coupable  de  ne  pas 
croire  en  lui  avant  sa  mort,  si  les  miracles  n'eussent  pas  suffi 
sans  la  doctrine.  Or  ceux  qui  ne  croyaient  pas  en  lui  encore 
vivant  étaient  pécheurs,  comme  il  le  dit  lui-même,  et  sans  ex- 
cuse*. Donc  il  fallait  qu'ils  eussent  une  démonstration  à  la- 
quelle ils  résistassent.  Or  ils  n  avaient  pas  la  nôtre,  mais  seu- 
lement les  miracles  ;  donc  ils  suffisent,  quand  la  doctrine  n'est 
pas  contraire,  et  on  doit  y  croire. 

8. 

Jésus-Christ  a  vérifié  qu'il  était  le  Messie,  jamais  en  véri- 
fiant sa  doctrine  sur  l'Écriture  et  les  prophéties,  et  toujours 
par  ses  miracles.  Il  prouve  qu'il  remet  les  péchés,  par  un  mi- 
racle *. 

Nicodème  reconnaît,  par  ses  miracles,  que  sa  doctrine  est 
de  Dieu  :  Scimus  quia  venisti  a  Deo  magister;  nemo  enim 
potest  facere  quse  tu  facis,  nisi  fuerit  Deus  cum  Mo  4.  Il  ne 
juge  pas  des  miracles  par  la  doctrine,  mais  de  la  doctrine  par 
les  miracles. 

9. 
Il  y  a  un  devoir  réciproque  entre  Dieu  et  les  hommes.  H  faut 


I.  Cela  a  été  expliqué  ailleurs  (xix,  3). 

I.  Dans  un  passage  déjà  cité,  Jean,  xv,  22  :  Nunc  autem  excmationem  non  habent  de 

peccato  suo. 

3.  Pascal  fait  allusion  à  un  passage  qu'il  a  cité  ailleurs  (xvr,  9)  :   Ut  sciatis,  etc. 

4.  Jean,  m,  î  :  «  Nous  savons  que  tu  es  venu  comme  un  maître  envoyé  de  Dieu;  car 
personne  ne  peut  faire  les  miracles  que  tu  fais,  si  Dieu  n'est  avec  lui   • 


70  PENSÉES  DE  PASCAL. 

lui  pardonner  ce  mot  :Quid  debui  *?  «  Accusez-moi,  »  dit  Dieu 
dans  Isaïe  2.  Dieu  doit  accomplir  ses  promesses  3,  etc. 

Les  hommes  doivent  à  Dieu  de  recevoir  la  religion  qu'il  leur 
envoie.  Dieu  doit  aux  hommes  de  ne  les  point  induire  en  er- 
reur. Or  ils  seraient  induits  en  erreur,  si  les  faiseurs  [de]  mi- 
racles annonçaient  une  doctrine  qui  ne  parût  pas  visiblement 
fausse  aux  lumières  du  sens  commun,  et  si  un  plus  grand  faiseur 
de  miracles  n'avait  déjà  averti  de  ne  les  pas  croire.  Ainsi  s'il  y 
avait  division  dans  l'Église,  et  que  les  ariens,  par  exemple, 
qui  se  disaient  fondés  en  l'Écriture  comme  les  catholiques, 
eussent  fait  des  miracles,  et  non  les  catholiques,  on  eût  été  in- 
duit en  erreur.  Car,  comme  un  homme  qui  nous  annonce  les 
secrets  de  Dieu  n'est  pas  digne  d'être  cru  sur  son  autorité  pri- 
vée, et  que  c'est  pour  cela  que  les  impies  en  doutent;  aussi 
un  homme  qui,  pour  marque  de  la  communication  qu'il  a  avec 
Dieu,  ressuscite  les  morts,  prédit  l'avenir,  transporte  les 
mers,  guérit  les  malades,  il  n'y  a  point  d'impie  qui  ne  s'y 
rende  *,  et  l'incrédulité  de  Pharao  et  des  Pharisiens  est  l'effet 
d'un  endurcissement  surnaturel.  Quand  donc  on  voit  les  mira- 
cles et  la  doctrine  non  suspecte  tout  ensemble  d'un  côté,  il 
n'y  a  pas  de  difficulté.  Mais  quand  on  voit  les  miracles  et  doc- 
trine suspects  d'un  même  côté,  alors  il  faut  voir  quel  est  le 
plus  clair.  Jésus- Christ  était  suspect. 

10. 

Il  y  a  bien  de  la  différence  entre  tenter,  et  induire  en  erreur. 
Dieu  tente,  mais  il  n'induit  pas  en  erreur.  Tenter  est  procu- 
rer les  occasions,  qui  n'imposant  point  de  nécessité,  si  on 
n'aime  pas  Dieu,  on  fera  une  certaine  chose  5.  Induire  en  er- 
reur, est  mettre  l'homme  dans  la  nécessité  de  conclure  et  sui- 
vre une  fausseté. 


1 .  Isaïe,  v,  4  :  Quid  est  quod  debui  ultra  facere  vinece  meœ,  et  non  feci  ei  ?  «  Qu'ai-je 
donc  dû  faire  à  ma  vigne,  que  je  n'aie  pas  fait  ?»  Il  faut  pardonner  ce  mot  de  devoir 
à  celui  qui  l'a  employé,  puisque  Dieu  l'emploie  lui-même. 

t.  Isate,  i,  18  :  Et  arguite  me,  dieit  Dominus. 

3.  C'est  moins  ici,  je  crois,  un  texte  particulier,  que  ce  qui  résulte  des  divers  textes. 

4.  Pascal  mêle  daus  cette  phrase  les  miracles  de  Moïse  et  ceux  de  Jésus. 

5.  Par  exemple,  on  ne  se  promettra  du  Messie  que  de»  biens  temporels  :  voyez  xv,  7. 
Ou  bien  on  croira  avec  facilité  celui  qui  appelle  à  l'idolâtrie  et  au  péché  par  de  faux  mi- 
racles . 


ARTICLE   XXIII  VI 

11. 

H  est  impossible,  par  le  devoir  de  Dieu,  qu'un  homme  ca- 
chant sa  mauvaise  doctrine,  et  n'en  faisant  paraître  qu'une 
bonne,  et  se  disant  conforme  à  Dieu  et  à  l'Église,  fasse  des  mi- 
racles pour  couler  insensiblement  une  doctrine  fausse  et  sub- 
tile ;  cela  ne  se  peut.  Et  encore  moins  que  Dieu,  qui  connaît 
les  cœurs,  fasse  des  miracles  en  faveur  d'un  tel. 

12. 

II  y  a  bien  de  la  différence  entre  n'être  pas  pour  Jésus-Christ, 
et  le  dire,  ou  n'être  pas  pour  Jésus-Christ,  et  feindre  d'en  être. 
Les  uns  peuvent  faire  des  miracles,  non  les  autres  ;  car  il  est 
clair  des  uns  qu'ils  sont  contre  la  vérité,  non  des  autres  ;  et 
ainsi  les  miracles  sont  plus  clairs. 

13. 

Les  miracles  discernent  aux  choses  douteuses  :  entre  les  peu- 
ples juif  et  païen  '  ;  j  uif  et  chrétien  *  ;  catholique,  hérétique  ;  ca- 
lomniésetcalomniateurs  3  ;  entre  les  deux  croix  4.  Mais  aux  hé- 
rétiques les  miracles  seraient  inutiles,  car  l'Église,  autorisée 
par  les  miracles, qui  ont  préoccupé  la  créance,  nous  dit  qu'ils 
n'ont  pas  la  vraie  foi.  Il  n'y  a  pas  de  doute  qu'ils  n'y  sont  pas, 
puisque  les  premiers  miracles  de  l'Église  excluent  la  foi  des 
leurs.  Il  y  a  ainsi  miracle  contre  miracle,  et  premiers  et  plus 
grands  du  côté  de  l'Église  6. 

14. 

Contestation  :  Abel,  Caïn 6.   Moïse,  magiciens  7.  Élie,  faux 

1.  Avant  le  Christ.  Alors  les  miracles  sont  du  côté  des  Juifs. 

2.  Après  le  Christ.  Alors  les  miracles  sont  du  côté  des  Chrétiens. 

3.  C'est-à-dire,  dans  la  pensée  de  Pascal,  entre  Port-Royal  et  les  Jésuites. 

4.  C'est-à-dire,  entre  la  croix  où  mourait  le  Sauveur,  et  celle  où  un  voleur  était  atta- 
ché à  côté  de  lui.  Port-Royal  met  les  trois  croix,  parce  qu'il  y  avait  deux  voleurs.  Mais 
il  n'y  avait  à  discerner  qu'entre  Jésus-Christ  d'une  part,  et  ces  criminels  de  l'autre.  Ce 
qui  a  discerné,  c'est  le  miracle  qui  a  accompagné  le  dernier  soupir  de  Jésus-Christ 
Matth.  xxvn,  51. 

5.  Il  semble  qu'il  y  a  là  une  contradiction;  car  il  vient  de  dire  que  les  miracles  dis- 
cernent entre  les  catholiques  et  les  hérétiques.  Voici,  je  pense,  comment  cela  doit  s'en- 
tendre. Au  temps  des  anciennes  hérésies,  quand  l'autorité  de  l'Eglise  catholique  n'était 
pas  suffisamment  établie  encore,  elle  l'a  été  parles  miracles;  ils  ont  rendu  incontestable 
ce  qui  était  douteux.  Maintenant  il  n'y  a  plus  de  doute,  c'est  l'Eglise  qu'on  doit  croire, 
et  rien,  de  la  part  des  hérétiques  déclarés,  pas  même  les  miracles,  ne  sauraient  prévaloir 
contre  elle. 

6.  C'est  le  développement  de  la  première  phrase  du  fragment  qui  précède.  C'est-à-dire, 
les  miracles  ont  discerné  entre  Abel  et  Caïn,  entre  Moïse  et  les  magiciens,  etc.  Le  mi- 
racle qui  discerne  entre  Abel  et  Caïn,  c'est  Dieu  qui  parle,  et  qui  déclare  lui-même  s» 
préférence.  Genèse,  iv,  4-7. 

7.  Les  magiciens  de  Pharaon,  Exode,  via 


^2  PENSÉES  DE  PASCAL 

prophètes  K  Jérémie,  Ananias  2,  Michée,  faux  prophètes. 
Jésus-Christ,  Pharisiens  3.  Saint  Paul,  Barjésu  *,  apôtres, 
exorcistes  5,  les  chrétiens  et  les  infidèles;  les  catholiques,  les 
hérétiques;  Élie,  Enoch;  Antéchrist 6.  Toujours  le  vrai  prévaut 
en  miracles.  Les  deux  croix. 

15. 

Jamais,  en  la  contention  du  vrai  Dieu,  la  vérité  de  la  reli- 
gion, il  n'est  arrivé  de  miracle  du  côté  de  l'erreur  et  non  de 
la  vérité  7. 

16. 

Jean,  vu,  40 8.  Contestation  entre  les  Juits,  comme  entre  les 
Chrétiens  aujourd'hui.  Les  uns  croyaient  en  Jésus-Christ,  les 
autres  ne  le  croyaient  pas,  à  cause  des  prophéties  qui  disaient 
qu'il  devait  naître  de  Bethléem.  Ils  devaient  mieux  prendre 
garde  s'il  n'en  était  pas.  Car  ses  miracles  étant  convaincants, 
ils  devaient  bien  s'assurer  de  ces  prétendues  contradictions  de 
sa  doctrine  à  l'Ecriture;  et  cette  obscurité  ne  les  excusait  pas, 

1.  III  Bois,  xvin,  38, 

Des  prophètes  menteurs  la  troupe  confondue 
Et  la  flamme  du  ciel  sur  l'autel  descendue. 

2.  Jérém.  xxviii,  16-17.  Le  miracle  ne  consiste  ici  que  dans  le  fait  de  la  prophétie 
<jji  s'accomplit;  c'est  pour  cela  peut-être  que  Port-Royal  retran&he  cet  exemple.  De  même 
pour  celui  de  Michée  (III  Bois,  xxn,  13-35). 

3.  Luc,  v,  20-24. 

4.  Act.  des  Ap.,  xm,  fi. 

5.  Act.  des  Ap.  xix,  13-16  :  t  Quelques  exorcistes  juifs  qui  parcouraient  le  pays  es- 
sayèrent d'invoquer  sur  ceux  qui  étaient  possédés  des  esprits  malins  le  nom  du  Sei- 
gneur Jésus,  en  disant  :  Je  vous  adjure  par  Jésus  que  Paul  annonce...  Mais  l'esprit 
mauvais  leur  répondit  :  Je  connais  Jésus,  et  je  connais  Paul;  mais  vous,  qui  ètes- 
vous?  Et  un  homme  qui  avait  en  lui  un  des  plus  méchants  démons  se  jetant  sur  eux... 
les  maltraita  si  fort,  qu'ils  s'enfuirent  hors  de  la  maison  nus  et  blessés.  » 

6.  11  est  parlé  dans  l'Apocalypse  (xi)  de  deux  témoins  du  Seigneur,  qui  prophétiseront 
à  la  fin  des  temps  durant  1260  jours  :  Et  dabo  duobus  tesiibus  mets,  et  prophetabunt 
diebus  mille  ducentis  sexaginta  amicti  saccis.  «Quand  ils  auront  achevé  leur  témoignage, 
la  bête  qui  s'élève  de  l'abîme  leur  fera  la  guerre ,  les  vaincra  et  les  tuera.  Et  leurs 
corps  seront  étendus  dans  les  places  de  la  grande  ville...;  et  les  tribus,  les  peuples, 
les  langues  et  les  nations  verront  leurs  corps  étendus  trois  jours  et  demi...  Mais,  après 
trois  jours  et  demi,  l'esprit  de  vie  entra  en  eux  de  la  part  de  Dieu;  ils  se  relevèrent 
sur  leurs  pieds...,  et  ils  montèrent  au  ciel  dans  une  nuée  à  la  vue  de  leurs  ennemis. 
A  cette  même  heure  il  se  fit  un  grand  tremblement  de  terre,  la  dixième  partie  de  la 
ville  tomba,  et  sept  mille  hommes  périrent...;  le  reste  fut  saisi  de  crainte,  et  donna 
gloire  à  Dieu.  »  (Traduction  de  Bossuet).  La  tradition  générale  des  Pères  est  que  cette 
bête  est  l'Antéchrist,  et  que  ces  deux  témoins  sont  Élie  et  Enoch  :  voir  la  Préface  de 
Bossuet,  paragraphe  14. 

7.  C'est-à-dire,  comme  a  mis  Port-Royal,  qu'il  n'en  soit  aussi  arrivé  de  plus  grands 
du  côté  de  la  vérité.  —  En  la  contention  du  vrai  Dieu,  c'est-à-dire,  dans  le  débat  sur 
la  question  de  savoir  quel  était  le  vrai  Dieu. 

8.  Nurn  quid  ..criplura  dicit  quia  ex  semine  David  et  ex  Bethléem  castello  venit  Christus  ? 
Voir  les  remarques  sur  xvai,  14. 


ARTICLE  XXIII  73 

mais  les  aveuglait.  Ainsi  ceux  qui  refusent  de  croire  les  mira- 
cles d'aujourd'hui,  pour  une  prétendue  contradiction  chimé- 
rique, ne  sont  pas  excusés. 

17. 

Jésus-Christ  guérît  l'aveugle-né,  et  fit  quantité  de  miracles, 
au  jour  du  sabbat.  Par  où  il  aveuglait  les  pharisiens,  qui  di- 
saient qu'il  fallait  juger  les  miracles  par  la  doctrine. 

«  Nous  avons  Moïse  :  mais  celui-là,  nous  ne  savons  d'où  il 
est1.  »  C'est  ce  qui  est  admirable,  que  vous  ne  savez  d'où  il 
est,  et  cependant  il  fait  de  tels  miracles. 

Jésus-Christ  ne  parlait  ni  contre  Dieu,  ni  contre  Moïse. 
L'Antéchrist  et  les  faux  prophètes,  prédits  par  l'un  et  l'autre 
Testament,  parleront  ouvertement  contre  Dieu  et  contre  Jésus- 
Chrtst,  qui  n'est  point  caché.  Qui  serait  ennemi  couvert,  Dieu 
ne  permettrait  pas  qu'il  fît  des  miracles  ouvertement. 

18. 

Fondement  de  la  religion.  C'est  les  miracles.  Quoi  donc? 
Dieu  parle-t-il  contre  les  miracles,  contre  les  fondements  de 
la  foi  qu'on  a  en  lui  ? 

S'il  y  a  un  Dieu,  il  fallait  que  la  foi  de  Dieu  fût  sur  la  terre. 
Or  les  miracles  de  Jésus-Christ  ne  sont  pas  prédits  par  l'Anté- 
christ8, mais  les  miracles  de  l'Antéchrist  sont  prédits  par  Jé- 
sus-Chrtst4;  et  ainsi,  si  Jésus-Christ  n'était  pas  le  Messie,  il 
aurait  bien  induit  en  erreur  ;  mais  l'Antéchrist  ne  peut  bien 
induire  en  erreur  5.  Quand  Jésus-Christ  a  prédit  les  miracles 
de  l'Antéchrist,  a-t-il  cru  détruire  la  foi  de  ses  propres  mira- 
cles? Moïse  a  prédit  Jésus-Christ,  et  ordonné  de  le  suivre6; 
Jésus-Christ  a  prédit  l'Antéchrist,  et  défendu  de  le  suivre  \ 

1.  Voir  Jean,  ix,  14  (et  Luc,  xm,  14). 

2.  Qui  n'est  point  caché.  Qui  ne  l'est  plus  depuis  sa  résurrection. 

3.  Avint  ces  mots,  il  faudrait  ajouter,  pour  que  le  raisonnement  fut  complet  :  Donc 
il  fallait  qu'on  ne  pût  être  induit  eo  erreur;  or    les  miracles,  etc. 

4.  Matth.,  xxiv,  24.  Surgent  enim  pseudochristi,  etc.  «  11  s'élèvera  de  faux  christs  et 
de  faux  prophètes,  et  ils  feront  de  grands  miracles  et  des  prodiges  capables  d'induire 
en  erreur,  s'il  était  possible,  même  les  élus.  »  Quant  à  V Antéchrist  par  excellence,  ce 
nom  se  trouve  dans  la   première  des  épitres  qui  portent  le  nom  de  Jean,  n,  18  ;  iv,  3. 

5.  Kemarquer  ce  bien.  L'Autechnst  induira  en  erreur  sans  doute,  mais  non  pas  bien, 
à  bon  titre  ;  les  élus  pourront  se  préserver  de  L'illusion  {'ta  ut  in  errorem  inducantur, 
si  fieri  potest,  etiam  electi.  —  Matth.,  ibid.). 

fi.  Pascal   veut  paner  de   ce  passage  du  Deutéronome  :  «  Le  Seigneur  ton   Dieu  t'en- 
verra un  prophète  sorti  comme  moi  de  ta  race  et  d'entre  tes  frères  :  écoute-le.  »  (xvni.  15, 
1.  Nolite  credere.  Matth.,  xxiv,  23. 


74  PENSÉES  DE  PASCAL. 

Il  était  impossible  qu'au  temps  de  Moïse  on  réservât  sa 
croyance  a  l'Antéchrist,  qui  leur  était  inconnu;  mais  il  est  bien 
aisé,  au  temps  de  l'Antéchrist,  de  croire  en  Jésus-Christ,  déjà 
connu. 

Il  n'y  a  nulle  raison  de  croire  en  l'Antéchrist,  qui  ne  soit  à 
croire  en  Jésus-Christ  ;  mais  il  y  en  a  en  Jésus-Christ,  qui  ne 
sont  pas  en  l'autre. 

19. 

Les  miracles  sont  plus  importants  que  vous  ne  pensez  :  ils 
ont  servi  à  la  fondation,  et  serviront  à  la  continuation  de  l'É- 
glise, jusqu'à  l'Antéchrist,  jusqu'à  la  fin. 

20. 

Ou  Dieu  a  confondu  les  faux  miracles,  ou  il  les  a  prédits  ;  et 
par  l'un  et  par  l'autre  il  s'est  élevé  au-dessus  de  ce  qui  est  sur- 
naturel à  notre  égard,  et  nous  y  a  élevés  nous-mêmes. 

21. 

Les  miracles  ont  une  telle  force,  qu'il  a  fallu  que  Dieu  ait 
averti  qu'on  n'y  pense  point  contre  lui,  tout  clair  qu'il  soit  qu'il 
y  a  un  Dieu  ;  sans  quoi,  ils  eussent  été  capables  de  troubler. 

Et  ainsi  tant  s'en  faut  que  ces  passages,  Deut.  xm,  fassent 
contre  l'autorité  des  miracles,  que  rien  n'en  marque  davantage 
la  force.  Et  de  même  pour  l'Antéchrist  :  «  Jusqu'à  séduire  les 
élus,  s'il  était  possible.  » 

22. 

Judœi  signa  petunt  et  Grœci  sapientiam  quœrunt,  nos  autem  Je- 
sum  crucifixum.  —  Sed  plénum  signis,  sed  plénum  sapientia; 
vos  autem  Christum  non  crucifixum,  et  religionem  sine  mira- 
culis  et  sine  sapientia1. 

Ce  qui  fait  qu'on  ne  croit  pas  les  vrais  miracles,  c'est  le 
manque  de  charité.  Joh.  [x,  26]  :  Sed  vos  non  creditis  quia  non 
estis  ex  ovibus.  Ce  qui  fait  croire  les  faux  est  le  manque  de 
charité.  II  Thess.  h  *. 


i.  La  phrase,  Judœi  signa  petunt...  est  prise  de  Paul,  I  Cor.  i,  22  (il  y  a  Christum  an 
lieu  de  Jesum).  Mais  c'est  Pascal  qui  ajoute  pour  son  propre  compte,  s'adressant  à  se§ 
adversaires  qui  s'étaient  servis  de  ce  texte  de  Paul  contre  lui,  Sfd  plénum  iignis,  otc. 

2.  En  titre  dans  l'autographe,  Baisons  pourquoi  on  ne  croit  point. 


ARTICLE  XXIII.  75 

23. 

Ayant  considéré  d'où  vient  qu'on  ajoute  tant  de  foi  à  tant 
d'imposteurs  qui  disent  qu'ils  ont  des  remèdes,  jusqu'à  mettre 
souvent  sa  vie  entre  leurs  mains,  il  m'a  paru  que  la  véritable 
cause  est  qu'il  y  en  a  de  vrais  ;  car  il  ne  serait  pas  possible 
qu'il  y  en  eût  tant  de  faux,  et  qu'on  y  donnât  tant  de  créance, 
s'il  n'y  en  avait  de  véritables.  Si  jamais  il  n'y  eût  eu  remède  à 
aucun  mal,  et  que  tous  les  maux  eussent  été  incurables,  il  est 
impossible  que  les  hommes  se  fussent  imaginé  qu'ils  en  pour- 
raient donner;  et  encore  plus  que  tant  d'autres  eussent  donné 
créance  à  ceux  qui  se  fussent  vantés  d'en  avoir  :  de  même 
que,  si  un  homme  se  vantait  d'empêcher  de  mourir,  personne 
ne  le  croirait,  parce  qu'il  n'y  a  aucun  exemple  de  cela.  Mais 
comme  il  y  [a]  eu  quantité  de  remèdes  qui  se  sont  trouvés  véri- 
tables, par  la  connaissance  même  des  plus  grands  hommes,  la 
créance  des  hommes  s'est  pliée  par  là;  et  cela  s'étant  connu 
possible,  on  a  conclu  de  là  que  cela  était.  Car  le  peuple  rai- 
sonne ordinairement  ainsi  :  Une  chose  est  possible,  donc  elle 
est;  parce  que  la  chose  ne  pouvant  être  niée  en  général,  puis- 
qu'il y  a  des  effets  particuliers  qui  sont  véritables,  le  peuple, 
qui  ne  peut  pas  discerner  quels  d'entre  ces  effets  par  uliers 
sont  les  véritables,  les  croit  tous.  De  même,  ce  qui  fait  qu'on 
croit  tant  de  faux  effets  de  la  lune,  c'est  qu'il  y  en  a  de  vrais, 
comme  le  flux  de  la  mer  *. 

Il  en  est  de  même  des  prophéties,  des  miracles,  des  divina- 
tions par  les  songes,  des  sortilèges,  etc.  Car,  si  de  tout  cela  il 
n'y  avait  jamais  eu  rien  de  véritable,  on  n'en  aurait  jamais  rien 
cru;  et  ainsi,  au  lieu  de  conclure  qu'il  n'y  a  point  de  vrais  mi- 
racles parce  qu'il  y  en  a  tant  de  faux,  il  faut  dire  au  contraire 
qu'il  y  a  certainement  de  vrais  miracles,  puisqu'il  y  en  a  de 
faux,  et  qu'il  n'y  en  a  de  faux  que  par  cette  raison  qu'il  y  en  a 
de  vrais. 

Il  faut  raisonner  de  la  même  sorte  pour  la  religion;  car  il  ne 
serait  pas  possible  que  les  hommes  se  fussent  imaginé  tant  de 

1.  Sur  ces  faux  effets  de  la  lune,  voyez  le  fragment  vu,  17.  —  Port-Royal  substitue 
au  texte  de  l'alinéa  suivant  celui  d'une  variante  qu'on  trouve  aussi  dans  le  cahier  au- 
tographe. On  a  par  hasard  la  date  de  cette  variante,  ou  du  moins  une  limite,  car  ella 
est  écrite  au  verso  d'une  lettre  adressée  à  Pascal  et  datée  du  19  février  1660. 


76  PENSÉES  DE  PASCAL. 

fausses  religions,  s'il  n'y  en  avait  une  véritable.  L'objection  à 
cela,  c'est  que  les  sauvages  ont  une  religion  ;  mais  on  répond 
à  cela  que  c'est  qu'ils  en  ont  ouï  parler,  comme  il  paraît  par 
le  déluge,  la  circoncision,  la  croix  de  saint  André,  etc i, 

24. 

Il  est  dit,  Croyez  à  l'Église  *,  mais  il  n'est  pas  dit,  Croyez  aux 
miracles,  à  cause  que  le  dernier  est  naturel,  et  non  pas  le  pre- 
mier. L'un  avait  besoin  de  précepte,  non  pas  l'autre. 

25. 

...  Ces  filles,  étonnées  de  ce  qu'on  dit,  qu'elles  sont  dans  la 
voie  de  perdition  ;  que  leurs  confesseurs  les  mènent  à  Genève  ^ 
qu'ils  leur  inspirent  que  Jésus-Christ  n'est  point  en  l'Eucha- 
ristie, ni  en  la  droite  du  Père  :  elles  savent  que  tout  cela  est 
faux,  elles  s'offrent  donc  à  Dieu  en  cet  état  :  Vide  si  via  iniqui- 
tatis  in  me  est 8.  Qu'arrive  -  t-il  là-dessus?  Ce  lieu,  qu'on  dit  être 
le  temple  du  diable,  Dieu  en  fait  son  temple.  On  dit  qu'il  en  faut 
ôter  les  enfants  :  Dieu  les  y  guérit.  On  dit  que  c'est  l'arsenal  de 
l'enfer  :  Dieu  en  fait  le  sanctuaire  de  ses  grâces.  Enfin  on  les 
menace  de  toutes  les  fureurs  et  de  toutes  les  vengeances  du  ciel  : 
et  Dieu  les  comble  de  ses  faveurs.  Il  faudrait  avoir  perdu  le 
sens  pour  en  conclure  qu'elles  sont  donc  en  la  voie  de  perdition 4. 

26. 
Pour  affaiblir  vos  adversaires,  vous  désarmez  toute  l'Eglise. 

1.  Montaigne,  Apol.,  p.  271  :  •  Epicurus  [dit],  qu'en  mesme  temps  que  les  choses 
sont  icy  comme  nous  les  veoyons,  elles  sont  toutes  pareilles  et  en  mesme  façon  en 
plusieurs  aultres  mondes;  ce  qu'il  eust  dict  plus  asseureement,  s'il  eust  veu  les  simi- 
litudes et  convenances  de  ce  nouveau  monde  des  Indes  occidentales  avecques  le  nostre 
présent  et  passé,  en  de  si  estranges  exemples...;  car  on  y  trouve  des  nations  n'ayants, 
que  nous  sçachions,  iamais  ouï  nouvelles  de  nous,  où  la  circoncision  estoit  en  crédit...  : 
où  nos  croix  esloient  en  diverses  façons  en  crédit;  icy  on  en  honoroit  les  sépultures; 
on  les  appliquoit  là,  et  nommeement  celle  de  sainct  André,  à  se  deffendre  des  visions 
nocturues...  On  y  trouve...  l'usage  des  mitres,  le  cœlibat  des  presbtres...;  et  celte 
fantasie...  qu'ils  furent  créez  avecques  toutes  commoditez,  lesquelles  on  leur  a  depuis 
retrenchées  pour  leur  péché...  :  qu'aultrcfois  ils  ont  esté  submergez  par  l'inondation  des 
eaux  célestes...,  etc.,  etc.  »  — On  lit  dans  lu  Biographie  universelle  article  André  (saint)  ■ 
€  L'opinion  commune  est  que  cet  apôtre  fut  crucifié.  Les  peintres  donnent  à  sa  crois 
une  forme  différente  de  celle  de  Jésus-Christ  et  la  représentent  en  forme  d'un  X.  • 
—  En  tête,  dans  le  cahier  autographe  :  Titre.  J/où  vient  qu'on  croit  tant  de  menteurs  qui 
disent  qu'ils  ont  vu  des  miracles,  et  qu'on  ne  croit  aucun  de  ceux  qui  disent  qu'ils  ont  des 
secrets  pour  rendre  l'homme  immortel  ou  pour  rajeunir. 

2.  Matth.  xvni,  17-20. 

2.  <c  Vois  si  la  voie  de  l'iniquité  est  en  moi  »,  Ps.  cxxxvni,  24. 

4.  Tout  ce  fragment  se  rapporte  aux  religieuses  de  Port-Royal.  Pascal  les  représente 
calomniées  par  les  Jésuites,  mais  justifiées  et  vengées  par  Dieu  même  dans  le  miracle  de 
la  sainte-Epine* 


ARTICLE  XXIII.  77 

27. 
...  S'ils  disent  que  notre  salut  dépend  de  Dieu,  ce  sont  des 
hérétiques.  S'ils  disent  qu'ils  sont  soumis  au  pape,  c'est  une 
hypocrisie.  S'ils  sont  prêts  à  souscrire  toutes  ses  constitutions, 
cela  ne  suffit  pas.  S'ils  disent  qu'il  ne  faut  pas  tuer  pour  une 
pomme,  ils  combattent  la  morale  des  catholiques  *.  S'il  se  fait 
des  miracles  parmi  eux,  ce  n'est  poinl  une  marque  de  sainteté, 
et  c'est  au  contraire  un  soupçon  d'hérésie. 

28. 

...  Les  trois  marques  de  la  religion  :  la  perpétuité,  la  bonne 
vie,  les  miracles.  Ils  détruisent  la  perpétuité  par  la  probabilité*; 
la  bonne  vie  par  leur  morale  ;  les  miracles,  en  détruisant  ou 
leur  vérité,  ou  leur  conséquence. 

Si  on  les  croit,  l'Eglise  n'aura  que  faire  de  perpétuité,  sain- 
teté ni  miracles.  Les  hérétiques  les  nient,  ou  en  nient  la  con- 
séquence ;  eux  de  même.  Mais  il  faudrait  n'avoir  point  de 
sincérité  pour  les  nier,  ou  encore  perdre  le  sens  pour  nier  la 
conséquence. 

29. 

...  Quoi  qu'il  en  soit,  l'Église  est  sans  preuve,  s'ils  ont 
raison. 

30. 

L'Église  a  trois  sortes  d'ennemis  :  les  Juifs,  qui  n'ont  jamais 
été  de  son  corps  ;  les  hérétiques,  qui  s'en  sont  retirés  ;  et  les 
mauvais  chrétiens,  qui  la  déchirent  au  dedans. 

Ces  trois  sortes  différentes  d'adversaires  la  combattent  d'or- 
dinaire diversement.  Mais  ici  ils  la  combattent  d'une  même 
sorte.  Gomme  ils  sont  tous  sans  miracles  3,  et  que  l'Église  a 
toujours  eu  contre  eux  des  miracles,  il  ont  tous  eu  le  même 
intérêt  à  les  éluder,  et  se  sont  tous  servis  de  cette  défaite  : 
qu'il  ne  faut  pas  juger  de  la  doctrine  par  les  miracles,  mais  des 
miracles  par  la  doctrine.  Il  y  avait  deux  partis  entre  ceux  qui 

1.  Voir  la  septième  Provinciale. 

î.  Il  s'agit  des  Jésuites  et  de  cette  doctrine  de  leurs  easuistes,  qu'une  opinion  toute 
nouvelle,  contraire  aux  Pères  et  à  la  tradition,  mais  soutenue  par  ce  qu'on  appelle  un 
auteur  grave,  devient  probable,  et  peut  être  suivie  en  sûreté  de  conscience.  Voir  les 
Provinciales,  et  en  particulier  la  cinquième. 

3.  Quand  Pascal  dit  cela  des  Juifs,  il  n'entend  parler  que  des  Juifs  depuis  l'arrivée 
du  Messie,  les  Juifs  opposés  à  Jesus-Christ. 

II.  6 


78  PENSÉES  DE  PASCAL. 

écoutaient  Jésus-Christ  :  les  uns  qui  suivaient  sa  doctrine  par 
ses  miracles;  les  autres  qui  disaient  '...  Il  y  avait  deux  partis 
au  temps  de  Calvin1...  Il  y  a  maintenant  les  jésuites...,  etc. 

31. 

Ce  n'est  point  ici  le  pays  de  la  vérité  :  elle  erre  inconnue 
parmi  les  hommes.  Dieu  l'a  couverte  d'un  voile,  qui  la  laisse 
méconnaître  à  ceux  qui  n'entendent  pas  sa  voix.  Le  lieu  est 
ouvert  au  blasphème,  et  même  sur  des  vérités  au  moins  bien 
apparentes.  Si  l'on  publie  les  vérités  de  l'Évangile,  on  en  pu- 
blie de  contraires,  et  on  obscurcit  les  questions,  en  sorte  que 
le  peuple  ne  peut  discerner.  Et  on  demande  :  Qu'avez-vous 
pour  vous  faire  plutôt  croire  que  les  autres?  Quel  signe  faites- 
vous3?  Vous  n'avez  que  des  paroles,  et  nous  aussi.  Si  vous 
aviez  des  miracles,  bien.  —  Cela  est  une  vérité,  que  la  doc- 
trine doit  être  soutenue  par  les  miracles,  dont  on  abuse  pour 
blasphémer  la  doctrine.  Et  si  les  miracles  arrivent,  on  dit  que 
les  miracles  ne  suffisent  pas  sans  la  doctrine  ;  et  c'est  une  autre 
vérité,  pour  blasphémer  les  miracles. 

32. 

Que  vous  êtes  aise  de  savoir  les  règles  générales,  pensant 
par  là  jeter  le  trouble,  et  rendre  tout  inutile  !  On  vous  en  em- 
pêchera, mon  père  ;  la  vérité  est  une  et  ferme. 

33. 

Un  miracle  parmi  les  schismatiques  n'est  pas  tant  à  crain- 
dre ;  car  le  schisme,  qui  est  plus  visible  que  le  miracle,  marque 
visiblement  leur  erreur.  Mais  quand  il  n'y  a  point  de  schisme, 
et  que  l'erreur  est  en  dispute,  le  miracle  discerne  4. 

34. 
Jean,  ix  :  Non  est  hic  homo  a  Deo,quiasabbatum  non  custodit . 

{.  Les  éditions  suppléent  :  //  chasse  les  démons  au  nom  de  Belzébuth.  Matth.  x»,  24. 

2.  La  suite  de  la  pensée  doit  être  qu'il  se  tit  alors  des  miracles  du  côté  des  catholiques 
et  que  les  hérétiques  les  méconnurent. 

3.  Expression  consacrée.  Un  signe,  c'est  un  miracle,  signe  d'une  puissance  surnaturelle. 

4.  Les  schismatiques  sont  ceux  qui,  sans  avoir  d'autres  dogmes  que  l'Eglise,  ce  qui 
ferait  hérésie,  se  séparent  d'elle  et  de  sot?  chef,  et  ne  reconnaissent  pas  son  autorité. 
Tels  sont  les  Grecs.  Les  jansénistes,  au  contraire,  reconnaissaient  hautement  en  prin- 
cipe l'Église  et  le  pape,  et  leur  désobéissaient  dans  le  fait. 


ARTICLE  XXI II.  79 

Âlii  :  Quomodo  potest  homo  peccator  hxc  signa  facere?  Lequel 
est  le  plus  clair1? 

Cette  maison  n'est  pas  de  Dieu  ;  car  on  n'y  croit  pas  que 
les  cinq  propositions  soient  dans  Jansénius.  —  Les  autres  : 
Cette  maison  est  de  Dieu;  car  il  y  fait  d'étranges  miracles.  — 
Lequel  est  le  plus  clair? 

Tu  quid  dicis  ?  Dico  quia  propheta  est.  —  Nisi  esset  hic  a  Deo, 
non  poterat  facere  quidquam  *. 

35. 

Si  vous  ne  croyez  en  moi,  croyez  au  moins  aux  miracles.  Il 
les  renvoie  comme  au  plus  fort. 

36. 

...  H  avait  été  dit  aux  Juifs,  aussi  bien  qu'aux  Chrétiens, 
qu'ils  ne  crussent  pas  toujours  les  prophètes.  Mais  néanmoins 
les  pharisiens  et  les  scribes  font  grand  état  de  ses  miracles,  et 
essaient  de  montrer  qu'ils  sont  faux,  ou  faits  par  le  diable  : 
étant  nécessités  d'être  convaincus,  s'ils  reconnaissent  qu'ils 
sont  de  Dieu. 

Nous  ne  sommes  pas  aujourd'hui  dans  la  peine  de  faire  ce 
discernement.  Il  est  pourtant  bien  facile  à  faire  :  ceux  qui  ne 
nient  ni  Dieu,  ni  Jésus- Christ,  ne  font  point  de  miracles  qui 
ne  soient  sûrs  :  Nemo  faciat  virtutem  innomme  meo,  et  tito  pos- 
sit  de  me  maie  loqui 3.  Mais  nous  n'avons  point  à  faire  ce  dis- 
cernement. Voici  une  relique  sacrée.  Voici  une  épine  de  la 
couronne  du  Sauveur  du  monde,  en  qui  le  prince  de  ce  monde 
n'a  point  puissance,  qui  fait  des  miracles  par  la  propre  puis- 
sance de  ce  sang  répandu  pour  nous.  Voici  que  Dieu  choisit 
lui-même  cette  maison  pour  y  faire  éclater  sa  puissance  *. 

1.  •  Quelques  Pharisiens  disaient  :  Cet  homme  n'est  pas  de  Dieu,  car  il  n'observe  pas 
le  sabbat.  Mais  d'autres  disaient:  Comment  un  pécheur  pourrait-t-il  faire  de  tels  miracles! 
Et  il  y  avait  division  entre  eux.  »  11  y  a  dans  le  texte  :  Alii  autem  dicebant.  Jean,  ix,  16. 

2.  Même  chapitre,  versets  17  et  33.  Il  y  a  dans  le  texte  :  Tu  ouid  dicis  de  Mo  qui 
epiruit  oculos  luos?  Ille  autem  dixil  :  Quia  propheta  est.  •  Et  toi,  qu  en  dis-tu  [les  Pha- 
risiens s'adressent  à  l'aveugle-né  que  Jésus  a  guéri]  ?  Il  répondit  :  Que  c'est  un  pro- 
phète   Si  cet  homme  n'était  de  Dieu,  il  ne  pourrait  rien  faire  de  pareil.  • 

3.  Marc,  ix,  38.  •  Maître,  nous  venons  de  voir  un  homme  qui  chasse  les  démons  en 
ton  nom,  et  qui  ne  nous  suit  pas,  et  nous  l'avons  empêché.  Mais  Jésus  dit  :  Ne  l'empê- 
chez point.  11  n'est  pas  possible  qu'on  exerce  une  vertu  surnaturelle  en  mon  nom,  et  qu'er 
même  temps  l'on  parle  mal  de  moi.  »  Le  texte  est  :  Nemo  est  enirn  qui  faciat  virt.  in 
nom.  m.,  et  posait  tito  maie  loqui  de  me. 

4.  Le  prince  de  ce  monde  est  le  diable  (Jean,  xir,  31,  etc).  11  ne  peut  se  servir  pour 
sus  opérations  infernales  d'un  objet  consacré  par  le  sang  du  Sauveur.  Un  prodige  fait 
»vec  la  Sainte-Epine  ne  peut  donc  être  l'œuvre  du  démon. 


80  PENSÉES  DE  PASCAL. 

Ce  ne  sont  point  des  hommes  qui  font  ces  miracles  par  une 
vertu  inconnue  et  douteuse,  qui  nous  oblige  à  un  difficile  dis- 
cernement. C'est  Dieu  même;  c'est  l'instrument  de  la  passion 
de  son  Fils  unique,  qui,  étant  en  plusieurs  lieux,  choisit  ce- 
lui-ci, et  fait  venir  de  tous  côtés  les  hommes  pour  y  recevoir 
ces  soulagements  miraculeux  dans  leurs  langueurs  l. 

37. 

Les  miracles  ne  sont  plus  nécessaires,  à  cause  qu'on  en  a 
déjà.  Mais  quand  on  n'écoute  plus  la  tradition,  quand  on  ne  pro- 
pose plus  que  le  pape,  quand  on  l'a  surpris,  et  qu'ainsi  ayant 
exclu  la  vraie  source  de  la  vérité,  qui  est  la  tradition,  et  ayant 
prévenu  le  pape,  qui  en  est  le  dépositaire,  la  vérité  n'a  plus  de 
liberté  de  paraître  :  alors  les  hommes  ne  parlant  plus  de  la  vé- 
rité, la  vérité  doit  parler  elle-même  aux  hommes.  C'est  ce  qui 
arriva  au  temps  d'Arius. 

38. 
«7o/i.,  vi,  26  :  Non  quia  vidistis  signum, sed  quia saturati  estis2e 
Ceux  qui  suivent  Jésus-Christ  à  cause  de  ses  miracles ,  ho- 
norent sa  puissance  dans  tous  les  miracles  qu'elle  produit; 
mais  ceux  qui,  en  faisant  profession  de  le  suivre  pour  ses  mira- 
cles, ne  le  suivent  en  effet  que  parce  qu'il  les  console  et  les 
rassasie  des  biens  du  monde,  ils  déshonorent  ses  miracles, 
quand  ils  sont  contraires  à  leurs  commodités. 

39. 

Juges  injustes,  ne  faites  pas  des  lois  sur  l'heure;  jugez  par 
celles  qui  sont  établies,  et  par  vous-mêmes  3  :  Vas  qui  conduis 
leges  iniquas  4. 

40. 

La  manière  dont  l'Église  a  subsisté  est,  que  la  vérité  a  été 
sans  contestation;  ou,  si  elle  a  été  contestée,  il  y  a  eu  le  pape, 
et  sinon,  il  y  a  eu  l'Église. 

1.  En  plusieurs'' lieux,  parce  qu'il  ne  s'agit  que  d'épines  détachées,  et  non  de  la  couronne 
tout  entière. 

2.  Le  texte  est,  sed  quia  manducastis  ex  panibus,  et  satis.  est.  C'est  Jésus  qui  parle  à  la 
foule  qui  le  poursuit  après  le  miracle  des  cinq  pains  :  «  En  vérité  je  vous  le  dis,  vous 
me  cherchez,  non  parce  que  vous  avez  vu  des  miracles,  mais  parce  que  vous  avez  eu  à 
manger  avec  ces  pains,  et  que  vous  avez  été  rassasiés.  • 

3.  Voir  au  fragment  32  :  t  Que  vous  êtes  aise  de  savoir  les  règles  générales  l  »  Elles 
étaient  donc  posées  dans  le  livre  auquel  répond  Pasca.. 

4.  11  y  a  dans  le  texte  :  Vœ  qui  condunt.  •  Malheur  à  ceux  qui  établissent  des  lois 
niques!  •  /«..  x.    . 


REMARQUES  SUR   L'ARTICLE  XXIII.  81 

41. 

Miracle.  C'est  un  effet  qui  excède  la  force  naturelle  des 
moyens  qu'on  y  emploie  ;  et  non-miracle,  est  un  effet  qui  n'ex- 
cède pas  la  force  naturelle  des  moyens  qu'on  y  emploie.  Ainsi 
ceux  qui  guérissent  par  l'invocation  du  diable  ne  font  pas  un 
miracle;  car  cela  n'excède  pas  la  force  naturelle  du  diable. 
Mais... 

42. 

Les  miracles  prouvent  le  pouvoir  que  Dieu  a  sur  les  cœurs 
par  celui  qu'il  exerce  sur  les  corps. 

43. 

H  importe  aux  rois  et  princes  d'être  en  estime  de  piété  ;  et, 
pour  cela,  il  faut  qu'ils  se  confessent  à  vous. 

44. 

Les  jansénistes  ressemblent  aux  hérétiques  par  la  réforma- 
tion des  mœurs  ;  mais  vous  leur  ressemblez  en  mal. 


REMARQUES    SUR    L'ARTICLE    XXIIi 

Tout  cet  article,  qui  depuis  l'édition  de  Port-Royal  a  continué  d'ê- 
tre placé  presque  à  la  fin  des  Pensées,  est  cependant  le  véritable  point 
de  départ  et  l'origine  du  livre  que  méditait  Pascal,  comme  on  l'a  vu 
dans  sa  Vie  écrite  par  sa  sœur,  page  lxxiv  de  l'Introduction. 

Il  ne  se  proposait  d'abord  que  défaire  valoir  le  miracle  de  la  Sainte- 
Epine,  le  miracle  de  Port-Royal,  contre  les  adversaires  de  Port-Royal. 
Et  c'est  où  il  s'en  tient  à  peu  près  dans  les  fragments  dont  se  compose 
cet  article. 

Il -n'y  a  donc  pas  de  pensées  que  MM.  de  Port- Royal  aient  dû 
avoir  plus  à  cœur  de  faire  connaître  au  public  ;  mais  il  n'y  en  a  pas 
non  plus  où  les  nécessités  de  la  situation  leur  aient  imposé  plus  de  re- 
tranchements, car  ces  fragments  sont  tout  pleins  de  l'ardeur  du  com- 
bat, et  de  ce  fanatisme  que  la  persécution  allume.  Les  traits  les  plus 
vifs  furent  sacrifiés  au  respect  de  la  paix  de  l'Eglise. 

Mais,  dès  1727,  l'évêque  de  Montpellier,  Golbert,  un  des  derniers 
champions  du  jansénisme,  et  qui  croyait  aux  miracles  du  tombeau  du 
liacre  Pans,  recueillait  dans  le  manuscrit  la  plupart  de  ces  fragmenta 


82  PENSÉES   DE  PASCAL 

pour  les  citer  à  l'appui  de  sa  foi,  dans  la  crise  extrême  et  désespérée 
où  les  dissidents  étaient  alors,  à  la  date  même  de  la  condamnation  du 
vieux  Soanen. 

L'esprit  de  Pascal,  que  nous  sentons  souvent,  avec  une  admiration 
profonde,  si  voisin  de  nous,  ou  même  pénétrant  si  avant  dans  notre 
propre  pensée,  en  est  ici  séparé  comme  par  un  abîme.  Je  ne  dis  pas 
seulement  de  nous,  je  dis  de  Descartes  et  de  la  lumière  nouvelle  qui  se 
levait  alors,  et  dont  le  monde  s'est  bientôt  trouvé  rempli.  Il  n'y  a  pas 
de  surnaturel.  Tl  n'y  a  jamais  eu,  il  ne  peut  y  avoir  jamais  de  miracle 
ni  de  prophétie.  C'est  dorénavant  un  principe  en  dehors  duquel  on  ne 
peut  plus  philosopher,  et  ce  principe  anéantit  tout  le  travail  qui  s'était 
fait,  sur  ce  sujet  des  miracles,  dans  l'âme  tourmentée  de  Pascal. 

Fragment  1 .  —  «  Les  miracles  discernent  la  doctrine,  et  la  doctrine 
discerne  les  miracles.  » 

Cette  première  phrase  nous  jette  tout  de  suite  au  cœur  des  diffi- 
cultés théologiques  sur  les  miracles.  L'Église  admet  qu'il  y  en  a,  comme 
Pascal  va  le  dire,  de  vrais  et  de  faux  ;  et  nar  faux  miracles,  elle  n'en- 
tend pas  de  pures  illusions  ;  elle  entend  des  actes  qui  sont  réellement 
hors  de  la  nature,  mais  qui  mentent  en  quelque  sorte,  en  ce  qu'ils  ne 
viennent  pas  de  Dieu,  et  doivent  être  attribués  au  démon.  Dès  lors 
comment  discerner  les  faux  et  les  vrais  miracles?  par  la  doctrine.  Les 
miracles  faits  à  l'appui  d'une  doctrine  contraire  à  Dieu  ne  peuvent  être 
de  Dieu  ;  ce  sont  de  faux  miracles  :  la  doctrine  discerne  les  miracles. 
Mais  d'un  autre  côté,  pourquoi  sont  faits  les  miracles,  les  vrais  mira- 
cles, sinon  pour  témoigner  en  faveur  d'une  doctrine  sainte  et  mécon- 
nue, et  montrer  qu'elle  vient  véritablement  de  Dieu  ?  Ainsi  donc,  les 
miracles  discernent  la  doctrine.  Voilà  un  cercle  vicieux,  dont  Pascal  tâ- 
che de  sortir.  Il  y  a  fait  d'autant  plus  d'efforts,  que  la  cause  à  laquelle 
il  a  donné  toute  son  âme,  la  cause  du  jansénisme  et  de  Port-Royal, 
est  intéressée  dans  ce  débat.  Il  s'agit  de  prouver  contre  les  Jésuites 
que  le  miracle  de  la  Sainte-Épine,  qu'ils  n'osaient  nier  absolument, 
mais  où  ils  ne  voulaient  voir  qu'un  prestige  de  l'esprit  de  mensonge, 
était  au  contraire  un  témoignage  formel  de  Jésus-Christ  en  faveur  de 
ses  défenseurs  persécutés.  On  peut  résumer  en  quelques  mots  la  thèse 
de  Pascal.  Dieu  ne  peut  vouloir  tromper  les  hommes,  du  moins  les 
justes,  qu'il  a  fait  dignes  de  la  vérité.  Il  n'est  donc  pas  possible  que  les 
miracles  et  la  doctrine  soient  équivoques  en  même  temps.  Si  la  doc- 
trine est  évidemment  contraire  â  Dieu,  Dieu  peut  permettre  qu'elle  ait 
pour  elle  de  faux  miracles,  car  ils  ne  tromperont  pas  les  cœurs  droits. 
La  doctrine  discernera  les  miracles.  Mais  quand  la  doctrine  est  dou- 


REMARQUES  SUR  L'ARTICLE  XXIII.  83 

teuse  et  contestée,  alors,  si  elle  a  dos  miracles,  ces  miracles  seront  évi- 
demment divins,  et  discerneront  la  doctrine.  C'est  le  cas  de  Port-Royal. 
«  Moïse  en  a  donné  deux,  que  la  prédiction  n'arrive  pas,  et.,  etc.  » 
Port-Royal  met,  en  a  donné  une,  et  supprime,  que  la  prédiction  n'ar- 
rive pas,  sans  doute  parce  qu'alors  il  n'y  a  plus  miracle. 

Fragment  4.  —  Ce  fragment  n'a  point  de  rapport  à  la  doctrine  sur 
les  miracles,  mais  Port-Royal  l'y  rattache  en  ajoutant  :  «  Toute  reli- 
gion qui  ne  reconnaît  maintenant  pas  Jésus-Christ  est  notoirement 
fausse,  et  les  miracles  ne  peuvent  lui  servir  de  rien-  " 

Fragment  8.  —  »  Nicodème...  ne  juge  pas  des  miracles  parla  doc- 
trine, mais  de  la  doctrine  par  les  miracles.  »  Port-Royal  ajoute  ce 
commentaire  :  «  Ainsi  quand  même  la  doctrine  serait  suspecte  comme 
celle  de  Jésus-Christ  pouvait  l'être  à  Nicodème,  à  cause  qu'elle  semblait 
détruire  les  traditions  des  Pharisiens  l,  s'il  y  a  des  miracles  clairs  et 
évidents  du  même  côté  *,  il  faut  que  l'évidence  du  miracle  l'emporte 
sur  ce  qu'il  pourrait  y  avoir  de  difficulté  de  la  part  de  la  doctrine  ;  ce  qui 
est  fondé  sur  ce  principe  immobile,  que  Dieu  nepeut  induire  en  erreur.  » 

Fragment  9.  —  «  Jésus-Christ  était  suspect.  »  Port-Royal  est  donc 
comme  Jésus-Christ  I  Voyez  en  effet  le  fragment  34. 

Fragment  13.  —  «  Car  l'Église,  autorisée  par  les  miracles  qui  ont 
préoccupé  la  créance,  etc.  »  Il  y  a  là  comme  une  jurisprudence  qui 
accorde  la  foi,  en  fait  de  miracles,  au  premier  occupant. 

Fragment  14.  —  «  Élie,  Enoch.  »  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  déve- 
lopper la  légende  merveilleuse  de  ces  deux  saints  personnages,  moins 
fondée  sur  l'Écriture  que  sur  la  tradition,  et  sur  le  livre  d'Enoch,  livre 
qui  paraît  cité  dans  l'épître  qui  porte  le  nom  de  Jude,  verset  14,  mais 
qui  n'a  pas  été  reçu  parmi  les  livres  saints  ou  canoniques,  quoique 
cette  épître  elle-même  y  soit  admise. 

Fragment  16.  —  »  Contestation  entre  les  Juifs,  comme  entre  les  Chré- 
tiens d'aujourd'hui.  »  Port-Royal  retranche  les  mots  soulignés,  ainsi 
que  la  phrase  sur  ceux  qui  refusent  de  croire  les  miracles  d'aujourd'hui. 
Les  éditeurs  de  Port- Royal  retranchent  de  même,  au  fragment  19, 
cette  phrase  :  «  Les  miracles  sont  plus  importants  que  vous  ne  pen- 

1.  Traduisez  :  comme  celle  de  Port-Royal  pourrait  l'être,  à  cause  qu'elle  semble  contraire 
aux  décisions  de  l'Église. 

2.  Comme  celui  de  la  Sainte-Épine. 


84  PENSÉES  DE  PASCAL 

sez  »,  qui  s'adresse  sans  doute  au  P.  Annat;  —  Enfin,  les  vingt  der- 
niers fragments  de  l'article  manquent  dans  l'édition  de  Port-Royal. 

«  Ceux  qui  refusent  de  croire  les  miracles  d'aujourd'hui,  par  une 
prétendue  contradiction  chimérique.  »  Ils  disaient  sans  doute  qu'il  était 
contradictoire  que  Dieu  fit  des  miracles  pour  les  jansénistes,  condamnés 
par  l'Église  de  Dieu  et  par  son  vicaire.  Et  Pascal  répond  que  la  con- 
tradiction n'est  qu'apparante,  parce  que  l'hérésie  condamnée  n'était 
pas  la  véritable  doctrine  de  Jansênius  et  des  siens. 

Fragment  22.  —  «  Vos  aulem  Christum  non  crucifixum.  »  Les  Jésui- 
tes avaient  cité,  sans  doute,  pour  infirmer  la  valeur  du  miracle  de  la 
Sainte-Épine ,  le  texte  de  Paul  ;  de  là  le  commentaire  de  Pascal.  Il 
;eur  reproche  de  prêcher  un  Christ  non  crucifié,  d'abord  parce  que,  en 
attaquant  la  grâce  efficace,  ils  détruisent,  suivant  lui,  la  vertu  du  sang 
de  Jésus-Christ  et  de  la  rédemption  ;  et  aussi  parce  qu'ils  étaient  accu- 
sés de  dissimuler  le  mystère  du  crucifiement  dans  leurs  missions  de  la 
Chine  et  des  Indes,  comme  étant  un  scandale  aux  peuples  de  ces  pays  : 
voir  la  cinquième  Provinciale. 

Fragment  23.  —  «  Ce  qui  fait  qu'on  croit  tant  de  faux  effets  de  la 
Lune,  c'est  qu'il  y  en  a  de  vrais,  comme  le  flux  de  la  mer.  »  Mais, 
comme  dit  fort  bien  Voltaire  :  «  on  a  imputé  mille  fausses  influences  à 
la  lune,  avant  qu'on  imaginât  le  moindre  rapport  véritable  avec  le 
flux  de  la  mer.  »  Voir  Pline,  TI,  44. 

«  lien  est  de  môme  des  prophéties,  des  miracles.  »  On  doit  remar- 
quer qu'une  guérison  ou  un  phénomène  extraordinaire  peut  avoir 
des  raisons  naturelles;  mais  un  miracle,  c'est  ce  qui  est  surnaturel. 
L'homme  est  disposé  à  croire  à  des  effets  surnaturels,  même  sans  en 
avoir  vu,  seulement  parce  qu'il  a  vu  des  effets  naturels  dont  sa  raison 
n'a  pas  su  se  rendre  compte. 

«  Des  sortilèges,  etc.  »  Voir  les  Remarques  sur  la  Vie  de  Pascal, 
page  en.  Dans  Y  etc.  Pascal  comprenait-il  l'astrologie? 

Au  surplus,  ceux-là  raisonnaient  comme  Pascal,  qui,  au  moment 
où  il  écrivait  ces  phrases,  faisaient  encore  brûler  des  sorciers  ;  et  ils 
triomphaient  comme  lui  dans  leur  logique. 

Fragment  25.  —  «  On  dit  qu'il  en  faut  ôter  les  enfants  :  Dieu  les  y 
guérit.  »  Ce  trait  fait  tomber  le  miracle  de  la  Sainte-Épine  comme  une 
réponse  accablante  sur  les  ennemis  de  la  sainte  maison.  Quel  rappro- 
chement! quelle  antithèse!  Quelle  vivacité  d'argumentation,  d'imagi- 
nation, de  passion  tout  ensemble  !  Otez  cette  petite  phrase,  et  alors 
celles  qui  l'entourent,  Dieu  en  a  fait  son  temple,  Dieu  en  fait  le  sanc- 


REMARQUES  SUR   L'ARTICLE  XXIII.  85 

tuaire  de  ses  grâces,  sembleront  vagues  et  communes;  rétablissez-la, 
ellfs  paraîtront  pleines  de  force  et  de  sens. 

Ce  fragment  n'a  pas  été  reproduit  dans  l'édition  de  Port-Royal.  Il 
doit  être  rapproché  de  cette  page  de  la  seizième  Provinciale,  écrite  au 
même  moment  et  sous  la  même  inspiration  :  «  cruels  et  lâches  persé- 
cuteurs, faut-il  donc  que  les  cloîtres  les  plus  retirés  ne  soient  pas  des 
asiles  contre  vos  calomnies?  Pendant  que  ces  saintes  vierges  adorent 
nuit  et  jour  J^sus-Ghrist  au  Saint-Sacrement,  selon  leur  institution, 
vous  ne  cessez  nuit  et  jour  de  publier  qu'elles  ne  croient  pas  qu'il  soit 
ni  dans  l'Eucharistie,  ni  même  à  la  droite  de  son  Père;  et  vous  les  re- 
tranchez publiquement  de  l'Église  pendant  qu'elles  prient  dans  le  se- 
cret pour  vous  et  pour  toute  l'Eglise.  Vous  calomniez  celles  qui  n'ont 
point  d'oreilles  pour  vous  ouïr,  ni  de  bouche  pour  vous  répondre. 
Mais  Jésus-Christ,  en  qui  elles  sont  cachées  pour  ne  paraître  qu'un 
jour  avec  lui,  vous  écoute,  et  répond  pour  elles.  On  l'entend  aujour- 
d'hui, cette  voix  sainte  et  terrible,  qui  étonne  la  nature,  et  qui  console 
l'Église.  Et  je  crains,  mes  pères,  que  ceux  qui  endurcissent  leurs 
cœurs,  et  qui  refusent  avec  opiniâtreté  de  l'ouïr  quand  il  parle  en 
Dieu,  ne  soient  forcés  de  l'ouïr  avec  effroi  quand  il  leur  parlera  en 
Juge.  » 

Fragment  26.  —  a  Pour  affaiblir  vos  adversaires,  vous  désarmez 
toute  l'Église.  »  Mais  que  faisait  Pascal  lui-même  dans  les  Provin- 
ciales, quand  il  répandait  son  ironie  sur  les  discussions  théologiques, 
sur  les  censures  de  la  Sorbonne,  sur  la  casuistique,  sur  les  moines? 
Ne  désarmait-il  pas  l'Église?  et  cela  d'une  main  bien  autrement  re- 
doutable que  celle  du  P.  Annat. 

Fragment  29.  —  «  L'Eglise  est  sans  preuve,  s'ils  ont  îaison.  » 
Quoi,  si  l'on  refuse  de  reconnaître  que  c'est  Dieu  qui  a  guéri  cette 
enfant  pour  honorer  Port-Royal,  l'Église  est  sans  preuve,  et  toute  la 
religion  tombe  !  Où  la  passion  a-t-elle  entraîné  Pascal  ! 

Fragment  31.  —  a  Des  vérités  au  moins  bien  apparentes.  » 
Telles  que  celles  que  professaient  les  jansénistes,  la  grâce  efficace, 
la  prédestination  absolue.  Il  n'ose  appeler  ces  vérités  tout  à  fait  évi- 
dentes, puisqu'il  reconnaît  qu'il  n'y  a  pas  d'évidence  ici-bas.  Mais  i\ 
ne  les  tient  pas  non  plus  pour  obscures  ;  ce  serait  excuser  les  adver- 
saires qui  les  combattent.  De  là  l'expression  dont  il  se  sert.  Les  édi- 
tions mettent  :  et  même  sur  les  vérités  les  plus  certaines  de  la  moral" 
Ce  n'est  pas  cela. 


stj 


PENSEES  DE  PASCAL 


Fragment  36.  —  o  Ceux  qui  ne  nient  ni  Dieu  ni  Jésus-Christ  ne 
font  point  de  miracles  qui  ne  soient  sûrs.  » 

Pascal  parle  toujours  comme  si  Port-Royal  avait  fait  un  miracle. 
C'était  bien  assez  de  prétendre  que  Port-Royal  avait  été  l'objet  d'un 
miracle.  Il  va  dire  lui-même  tout  à  l'heure  que  ce  ne  sont  pas  les  hom- 
mes qui  l'ont  fait. 

«  Voici  une  épine...  Voici  que  Dieu...  »  Quelle  solennité,  quelle 
grandeur  sans  effort  dans  la  répétition  de  ce  tour!  Il  voit  Dieu  des- 
cendre. Comment  exiger  qu'il  sorte  de  cet  enthousiasme  pour  exa- 
miner péniblement  si  d'abord,  par  exemple,  l'authenticité  de  la  sainte 
relique  est  bien  établie  !  Qui  sent  Dieu  présent  n'a  rien  à  discuter  ni 
à  éclaircir.  Le  Saint  des  Saints  était  un  lieu  que  l'œil  de  l'homme 
n'éclairait  jamais;  autrement,  il  n'eût  plus  été  le  Saint  des  Saints. 

Fragment  37.  —  a  C'est  ce  qui  arriva  au  temps  d'Arius.  » 
L'imagination  de  Pascal  se  plaisait  à  assimiler  la  situation  où  il 
voyait  lEglise  à  celle  où  elle  se  trouvait  au  temps  d'Arius.  Alors  do- 
minait l'hérésie  des  ariens,  maintenant  c'est  celle  des  pélagiens,  qu'il 
imputait  aux  jésuites.  Saint  Athanase  était  persécuté  alors  pour  la  foi  ; 
maintenant  c'est  Arnauld,  et  les  champions  du  jansénisme.  Voyez  le 
fragment  25  de  l'article  xxiv.  Le  pape  Libère  s'était  laissé  intimider 
ou  surprendre  par  les  ariens,  et  avait  signé  une  de  leurs  formules  ;  et 
cet  exemple  célèbre  a  été  mis  en  avant  par  tous  ceux  qui  ont  combattu 
la  doctrine  de  l'infaillibilité  des  papes  :  Pascal  regardait  Innocent  X  et 
Alexandre  VII  comme  étant  dans  le  cas  de  Libère.  Quant  aux  mira- 
cles, Pascal  me  paraît  avoir  en  vue  ceux  qui  éclatèrent  à  Milan,  au 
rapport  de  saint  Ambroise  et  de  saint  Augustin,  lors  de  la  découverte 
des  reliques  des  martyrs  Gervais  et  Protais,  miracles  dont  le  prodi- 
gieux retentissement  fut  la  force  et  la  défense  d' Ambroise  contre  la 
cour  arienne  dt  Justine  et  de  Valentinien  {en  385). 


Fragment  41 .  —  «  Car  cela  n'excède  pas  la  force  naturelle  du, 
diable.  » 

Quelle  étrange  alliance  de  mots  !  comme  si  on  ne  sortait  pas  de 
l'ordre  de  la  nature  du  moment  que  l'on  conçoit  un  être  tel  que  le 
diable  I  Et  quelle  difficulté  à  discerner  ce  qui  passe  les  forces  d'une 
puissance  si  mystérieuse!  Mais  combien  on  s'étonne  qu'un  géomètre 
et  un  physicien  comme  Pascal  portât  si  légèrement  l'idée  d'un  miracle, 
c'est-à-dire  de  la  nature  dérangée  ! 

On  trouve  dans  les  œuvres  d' Arnauld,  tome  x,  page  398,  sous  le  ti- 


ARTICLE  XXIV.  87 

tre  de  Pensées  de  M.  Arnauld  sur  les  miracles,  de  simples  notes  évi- 
demment p-éparées  pour  Pascal.  Elles  contiennent  l'indication  des 
divers  textes  que  celui-ci  a  produits  en  effet  dans  les  Pensées  sur  les 
miracles. 


ARTICLE  XXIV 


1. 

Le  pyi-rhonisme  est  le  vrai;  car,  après  tout,  les  hommes, 
avant  Jésus-Christ,  ne  savaient  où  ils  en  étaient,  ni  s'ils  étaient 
grands  ou  petits.  Et  ceux  qui  ont  dit  l'un  ou  l'autre  n'en  sa- 
vaient rien,  et  devinaient  sans  raison  et  par  hasard  :  et  même 
ils  erraient  toujours,  en  excluant  l'un  ou  l'autre.  Quod  ergo 
ignorantes  quœritis,  religio  annuntiat  vobis *. 

2. 

Croyez-vous  qu'il  soit  impossible  que  Dieu  soit  infini,  sans 
parties?  Oui.  Je  vous  veux  donc  faire  voir  une  chose  infinie  et 
indivisible  :  c'est  un  point  se  mouvant  partout  d'une  vitesse 
infinie  ;  car  il  est  un  en  tous  lieux,  et  est  tout  entier  en  chaque 
endroit. 

Que  cet  effet  de  nature,  qui  vous  semblait  impossible  aupa- 
ravant, vous  fasse  connaître  qu'il  peut  y  en  avoir  d'autres  que 
vous  ne  connaissez  pas  encore.  Ne  tirez  pas  cette  conséquence 
de  votre  apprentissage,  qu'il  ne  vous  reste  rien  à  savoir;  mais 
qu'il  vous  reste  infiniment  à  savoir. 

3. 

La  conduite  de  Dieu,  qui  dispose  toutes  choses  avec  douceur, 
est  de  mettre  la  religion  dans  l'esprit  par  les  raisons,  et  dans 

i.  Pris  du  discours  de  Paul  à  l'Aréopage  dans  les  Actes  des  Apôtres,  xvn,  23  :  Quod 
ergo  ignorantes  colitis,  hoc  ego  annuntio  vobis  :  «  En  parcourant  votre  ville,  et  consi- 
dérant vos  statues,  j'ai  trouvé  un  autel  avec  cette  inscription,  au  Dieu  inconnu.  Ce  que 
vous  adorez  sans  le  connaître,  c'est  ce  que  je  viens  vous  annoncer.  »  —  Balzac  avait 
dit.  à  la  fin  du  premier  discours  du  Socrate  chrétien  :  «  Comment  eussent-ils  pu  trouver 
la  vérité  qu'ils  cherchaient,  puisqu'elle  n'était  pas  encore  née?...  Cette  vérité  n'est 
autre  que  Jésus-Christ,  et  c'est  ce  Jésus-Christ  qui  a  ait  cesser  les  doutes  et  les 
irrésolutions  de  l'Académie,  qui  a  même  assuré  le  pyrrhonisme.  11  est  venu  arrêter  le» 
pensées  vagues  de  l'esprit  humain  et  fixer  ses  raisonnements  en  l'air.  Après  plusieurs 
siècles  d'agitation  et  de  trouble,  il  est  venu  faire  prendre  terre  à  la  philosophie,  et  donner 
des  ancres  et  un  port  à  une  mer  qui  n'avait  ni  fond  ni  rive,  etc.  » 


88  PENSÉES  DE  PASCAL 

le  cœur  par  la  grâce.  Mais  de  la  vouloir  mettre  dans  l'esprit  et 
dans  le  cœur  par  la  force  et  par  les  menaces,  ce  n'est  pas  y 
mettre  la  religion,  mais  la  terreur,  terrorem  poilus  quam  reli- 


gionem 


3  bis. 


Commencer  par  plaindre  les  incrédules;  ils  sont  assez  mal- 
heureux par  leur  condition.  Il  ne  les  faudrait  injurier  qu'au 
cas  que  cela  servit  ;  mais  cela  leur  nuit. 

4. 

Toute  la  foi  consiste  en  Jésus-Christ  et  en  Adam  ;  et  toute 
la  morale  en  la  concupiscence  et  en  la  grâce. 

5. 

Le  cœur  a  ses  raisons,  que  la  raison  ne  connaît  point;  on  le 
sait  en  mille  choses.  Je  dis  que  le  cœur  aime  l'être  universel 
naturellement,  et  soi-même  naturellement,  selon  qu'il  s'y 
adonne  ;  et  il  se  durcit  contre  l'un  ou  l'autre,  à  son  choix.  Vous 
avez  rejeté  l'un  et  conservé  l'autre  :  est-ce  par  raison  que  vous 
aimez?  C'est  le  cœur  qui  sent  Dieu,  et  non  la  raison.  Voilà  ce 
que  c'est  que  la  foi  :  Dieu  sensible  au  cœur,  non  à  la  raison. 

6. 

Le  monde  subsiste  pour  exercer  miséricorde  et  jugement, 
non  pas  comme  si  les  hommes  y  étaient  sortant  des  mains  de 
Dieu,  mais  comme  des  ennemis  de  Dieu,  auxquels  il  donne, 
par  grâce,  assez  de  lumière  pour  revenir,  s'ils  le  veulent  cher- 
cher et  le  suivre;  mais  pour  les  punir,  s'ils  refusent  de  le  cher- 
cher ou  de  le  suivre. 

7. 
On  a  beau  dire,  il  faut  avouer  que  la  religion  chrétienne  a 
quelque  chose  d'étonnant.  C'est  parce  que  vous  y  êtes  né,  dira- 
t-on.  Tant  s'en  faut;  je  me  roidis  contre,  par  cette  raison-là 
même,  de  peur  que  cette  prévention  ne  me  suborne.  Mais, 
quoique  j'y  sois  né,  je  ne  laisse  pas  de  le  trouver  ainsi. 

8. 
Il  y  a  deux  manières  de  persuader  les  vérités  de  notre  reli- 

t.  Je  ne  sais  d'où  cette  citation  latine  est  tirée. 


ARTICLE  XXIV  89 

gion  :  l'une  par  la  force  de  la  raison,  l'autre  par  l'autorité  de 
celui  qui  parle.  On  ne  se  sert  pas  de  la  dernière,  mais  de  la 
première.  On  ne  dit  pas  :  Il  faut  croire  cela,  car  l'Écriture, 
qui  le  dit,  est  divine  ;  mais  on  dit  qu'il  le  faut  croire  par  telle 
et  telle  raison,  qui  sont  de  faibles  arguments,  la  raison  étant 
flexible  à  tout. 

8  bis. 

...  Mais  ceux-là  mêmes  qui  semblent  les  plus  opposés  à  la 
gloire  de  la  religion  n'y  seront  pas  inutiles  pour  les  autres. 
Nous  en  ferons  le  premier  argument,  qu'il  y  a  quelque  chose 
de  surnaturel  ;  car  un  aveuglement  de  cette  sorte  n'est  pas  une 
chose  naturelle  ;  et  si  leur  folie  les  rend  si  contraires  à  leur 
propre  bien,  elle  servira  à  en  garantir  les  autres,  par  l'horreur 
d'un  exemple  si  déplorable  et  d'une  folie  si  digne  de  compas- 
sion. 

9. 

Le  seul  qui  connaît  la  nature  ne  la  connaîtra-t-fl  que  pour 
être  misérable?  le  seul  qui  la  connaîtra  sera-t-il  le  seul  mal- 
heureux? 

...  Il  ne  faut  [pas]  qu'il  ne  voie  rien  du  tout  ;  il  ne  faut  pas 
aussi  qu'il  en  voie  assez  pour  croire  qu'il  le  possède  ;  mais 
qu'il  en  voie  assez  pour  connaître  qu'il  l'a  perdu  :  car,  pour 
connaître  qu'on  a  perdu,  il  faut  voir  et  ne  voir  pas;  et  c'est 
précisément  l'état  où  est  la  nature. 

9  bis. 

Il  faudrait  que  la  véritable  religion  enseignât  la  grandeur,  la 
misère,  portât  à  l'estime  et  au  mépris  de  soi,  à  l'amour  et  à  la 
haine. 

10. 

La  religion  est  une  chose  si  grande,  qu'il  est  juste  que  ceux 
qui  ne  voudraient  pas  prendre  la  peine  de  la  chercher  si  elle 
est  obscure,  en  soient  privés.  De  quoi  se  plaint-on  donc,  si  elle 
est  telle  qu'on  la  puisse  trouver  en  la  cherchant? 

10  bis. 
L'orgueil  contre-pèse  et  emporte  toutes  les  misères.  Voilà 
un  étrange  monstre,   et  un  égarement  bien  visible.   Le  voilà 


90  PENSEES  DE  PASCAL 

tombé  de  sa  place,  il  la  cherche  avec  inquiétude.  C'est  ce  que 
tous  les  hommes  font.  Voyons  qui  l'aura  trouvée. 

10  ter. 

Après  la  corruption,  dire  :  Il  est  juste  que  ceux  qui  sont  en 
cet  état  le  connaissent;  et  ceux  qui  s'y  plaisent,  et  ceux  qui  s'y 
déplaisent.  Mais  il  n'est  pas  juste  que  tous  voient  la  rédemp- 
tion *. 

11. 

Quand  on  dit  que  Jésus-Christ  n'est  pas  mort  pour  tous, 
vous  abusez  d'un  vice  des  hommes,qui  s'appliquent  inconti- 
nent cette  exception,  ce  qui  est  favoriser  le  désespoir  ;  au  lieu 
de  les  en  détourner  pour  favoriser  l'espérance.  Car  on  s'accou- 
tume ainsi  aux  vertus  intérieures  par  ces  habitudes  exté- 
rieures *. 

41  bis. 

La  dignité  de  l'homme  consistait,  dans  son  innocence,  à  user 
et  dominer  sur  les  créatures,  mais  aujourd'hui  à  s'en  séparer 
et  s'y  assujettir 8. 

12. 

L'Eglise  a  toujours  été  combattue  par  des  erreurs  contraires, 
mais  peut-être  jamais  en  même  temps,  comme  à  présent.  Et  si 
elle  en  souffre  plus,  à  cause  de  la  multiplicité  d'erreurs,  elle 
en  reçoit  cet  avantage  qu'elles  se  détruisent. 

Elle  se  plaint  des  deux,  mais  bien  plus  des  calvinistes,  à  cause 
du  schisme. 

Il  est  certain  que  plusieurs  des  deux  contraires  sont  trompés, 
il  faut  les  désabuser. 

i.  En  titre  dans  l'autographe,  Ordre. 

2.  Ce  fragment  est  obscur.  On  accusait  les  jansénistes  de  croire  que  Jésus-Chrtst  n'é- 
tait pas  mort  pour  tous,  mais  seulement  pour  ceux  qu'il  avait  prédestinés  à  être  sauvés 
par  sa  mort.  C'était  une  des  cinq  propositions  condamnées  par  le  pape  comme  étam 
dans  Jansénius,  et  que  les  partisans  de  Jansénius  désavouaient  en  son  nom.  Il  est  clai.' 
cependant  que  la  doctrine  janséniste  allait  là,  et  les  plus  ardents,  les  moins  politiques 
ne  devaient  pas  reculer.  Est-ce  à  eux  que  s'adresse  ici  Pascal,  et  les  désavoue-t-il?  Ou 
plutôt  n'est-ce  pas  aux  adversaires  qu'il  reproche  d'insister  malignement  sur  le  côte 
troublant  de  ce  dogme  janséniste,  au  lieu  de  s'en  tenir  charitablement  à  Taspect  conso- 
lant? L'espérance  est  une^des  trois  vertus  théologales.  Sur  celte  question,  si  Jésus-Chbist 
est  mort  pour  tous,  voyez  xxv,  41. 

3.  Ces  mots  sont  opposés  deux  à  deux.  L'homme  avant  la  chute  usait  noblement  des 
créatures  en  tirant  d'elles  toutes  les  jouissances;  aujourd'hui  sa  noblesse  est  de  s'en  sé- 
parer ,  c'est-à-dire  de  s'abstenir  des  plaisirs  des  sens.  L'homme  avant  la  chute  domi- 
nait les  créatures  en  ce  qu'elles  ne  pouvaient  lui  causer  aucun  mal,  aujourd  hui  sa  di- 
gnité est  de  s'assujettir  à  la  douleur  et  de  savoir  souffrir.  Pascal  parle  en  stoïcien  auss. 
bieu  qu'en  chrétien  :  Abstine  et  suatine.  Comparez  le  fragment  1  de  l'article  xni. 


ARTICLE  XXIV.  91 

La  foi  embrasse  plusieurs  vérités  qui  semblent  se  contre* 
dire.  Temps  de  rire,  de  pleurer,  etc.  Responde.  Ne  respon- 
deas,  etc.  La  source  en  est  l'union  des  deux  natures  en  Jésus- 
Christ1. 

Et  aussi  les  deux  mondes.  La  création  d'un  nouveau  ciel  et 
nouvelle  terre  2  ;  nouvelle  vie,  nouvelle  mort  ;  toutes  choses 
doublées,  et  les  mêmes  noms  demeurant. 

Et  enfin  les  deux  hommes  qui  sont  dans  les  justes,  car  ils 
sont  les  deux  mondes,  et  un  membre  et  image  de  Jésus- 
Christ3.  Et  ainsi  tous  les  noms  leur  conviennent,  de  justes, 
pécheurs;  mort,  vivant;  vivant,  mort;  élu,  réprouvé,  etc4. 

Il  y  a  donc  un  grand  nombre  de  vérités,  et  de  foi,  et  de  mo- 
rale, qui  semblent  répugnantes,  et  qui  subsistent  toutes  dans 
un  ordre  admirable. 

La  source  de  toutes  les  hérésies  est  l'exclusion  de  quelques- 
unes  de  ces  vérités;  et  la  source  de  toutes  les  objections  que 
nous  font  les  hérétiques  est  l'ignorance  de  quelques-unes  de 
nos  vérités. 

Et  d'ordinaire  il  arrive  que,  ne  pouvant  concevoir  le  rapport 
de  deux  vérités  opposées,  et  croyant  que  l'aveu  de  l'une  en- 
ferme l'exclusion  de  l'autre,  ils  s'attachent  à  l'une,  ils  excluent 
l'autre,  et  pensent  que  nous,  au  contraire.  Or  l'exclusion  est  la 
cause  de  leur  hérésie  ;  et  l'ignorance  que  nous  tenons  l'autre 
cause  leurs  objections. 

1er  exemple  :  Jésus-Christ  est  Dieu  et  homme.  Les  ariens, 

1.  Ecclés.  m,  i-8  :  «  Toutes  choses  ont  leur  temps,  et  tout  passe  sous  le  ciel  à  son 
heure.  Il  y  a  temps  de  naître,  et  temps  de  mourir  ;  temps  de  planter,  et  temps  d'arra- 
cher ce  qui  est  planté;  temps  de  tuer,  et  temps  de  guérir;  temps  d'abattre,  et 
temps  de  bâtir;  temps  de  pleurer,  et  temps  de  rire  ;  temps  de  faire  des  lamentations,  et 
temps  de  danser;  temps  de  jeter  des  pierres,  et  temps  de  les  ramasser;  temps  d'em- 
brasser, et  temps  de  s'éloigner  des  embrassements;  temps  d'acquérir,  et  temps  de 
perdre;  temps  de  conserver,  et  temps  de  rejeter;  temps  de  déchirer,  et  temps  de  re- 
coudre; temps  de  se  taire,  et  temps  de  parler;  temps  pour  l'affection,  et  temps  pour 
la  haine;  temps  pour  la  guerre,  et  temps  pour  la  paix. »  —  Prov.,  xxvi,  4-5  :«  Ne  réponds 
pas  au  fou  comme  le  mérite  sa  folie,  de  peur  de  devenir  semblable  à  lui.  Réponds  au 
fou  comme  le  mérite  sa  folie,  de  peur  qu'il  ne  s'imagine  être  sage.  » 

2.  Seconde  Lettre  attribuée  à  Pierre,  m,  13. 

3.  Tout  le  monde  sait  les  vers  de  Racine  : 

Je  trouve  deux  hommes  en  moi,  etc. 

d'après  Paul,  Rom.  vu,  15-25. 

4.  Mort,  vivant;  vivant,  mort.  11  ne  faut  pas  croire  que  ce  soit  deux  fois  la  même 
chose.  D'une  part  le  juste  est  mort  au  monde,  détaché  des  choses  de  la  vie,  mais  vivant 
de  la  grâce.  De  l'autre,  il  est  vivant  de  la  vie  extérieure,  mais  il  est  mort  spirituellement 
par  le  péché  originel  qu'il  porte  en  lui. 


92  PENSÉES  DE  PASCAL 

ne  pouvant  allier  ces  choses,  qu'ils  croient  incompatibles,  di- 
sent qu'il  est  homme;  en  cela  ils  sont  catholiques.  Mais  ils 
nient  qu'il  soit  Dieu  :  en  cela  ils  sont  hérétiques.  Ils  préten- 
dent que  nous  nions  son  humanité  ;  en  cela  ils  sont  igno- 
rants1. 

2e  exemple,  sur  le  sujet  du  Saint-Sacrement  :  Nous  croyons 
que  la  substance  du  pain  étant  changée,  et  consubstantielle 
en  celle  du  corps  de  Notre-Seigneur,  Jésus-Christ  y  est  pré- 
sent réellement.  Voilà  une  des  vérités.  Une  autre  est  que  ce 
Sacrement  est  aussi  une  figure  de  celui  de  la  croix  et  de  la 
gloire,  et  une  commémoration  des  deux  2.  Voilà  la  foi  catho- 
lique, qui  comprend  ces  deux  vérités,  qui  semblent  opposées. 

L'hérésie  d'aujourd'hui,  ne  concevant  pas  que  ce  Sacrement 
contienne  tout  ensemble  et  la  présence  de  Jésus- Christ  et  sa 
figure,  et  qu'il  soit  sacrifice  et  commémoration  de  sacrifice, 
croit  qu'on  ne  peut  admettre  l'une  de  ces  vérités  sans  exclure 
l'autre  pour  cette  raison. 

Ils  s'attachent  à  ce  point  seul,  que  ce  Sacrement  est  figuratif; 
et  en  cela  ils  ne  sont  pas  hérétiques.  Ils  pensent  que  nous  ex- 
cluons cette  vérité;  et  de  là  vient  qu'ils  nous  font  tant  d'objec- 
tions sur  les  passages  des  Pères  qui  le  disent.  Enfin,  ils  nient  la 
présence ,  et  en  cela  ils  sont  hérétiques. 

3e  exemple  :  les  indulgences 3. 

C'est  pourquoi  le  plus  court  moyen  pour  empêcher  les  héré- 
sies est  d'instruire  de  toutes  les  vérités  ;  et  le  plus  sûr  moyen 
de  les  réfuter  est  de  les  déclarer  toutes.  Car  que  diront  les  hé- 
rétiques? 

Tous  errent  d'autant  plus  dangereusement  qu'ils  suivent 
chacun  une  vérité.  Leur  faute  n'est  pas  de  suivre  une  fausseté, 
mais  de  ne  pas  suivre  une  autre  vérité  4. 

1.  rort-Royal  substitue  à  l'exemple  des  ariens  l'exemple  de  deux  hérésies  opposées 
l'une  à  l'autre,  celle  des  nestoriens  et  des  eutychéens  voyez  xvh,  6).  C'est  sans  doute 
parce  que  les  ariens  ne  disaient  pas  précisément  que  Jesus-Christ  ne  fût  qu'un  homme, 
quoiqu'on  pût  pousser  leur  doctrine  à  cette  conséquence. 

2.  De  la  croix,  d'après  les  paroles  sacrées  :  a  Ceci  est  mon  corps,  qui  est  sacrifié  pour 
vous  :  faites  cela  en  mémoire  de  moi,  etc.  »  Luc,  xxn,  19,  et  ailleurs.  De  la  gloire, 
voyez  xvi,  14. 

3.  Pascal  voulait  dire,  je  pense  :  Les  protestants  ont  raison  de  croire  que  les  indul- 
gences ne  peuvent  racheter  le  péché  et  remettre  l'homme  dans  l'état  de  grâce  d'où  il 
est  sorti;  mais  ils  ont  tort  de  nier  que  les  indulgences  remettent  à  celui  qui  est  sorti  du 
péché  les  peines  qu'il  a  encore  à  subir  après  le  péché  remis. 

4.  On  devra  rapprocher  de  ce  fragment  la  xvme  Provinciale,  et  surtout  le  passage  sui- 


ÀRTICLK   XXIV  93 

12  bis. 
S'il  y  a  jamais  un  temps  auquel  on  doive  faire  profession  des 
deux  contraires,  c'est  quand  on  reproche  qu'on  en  omet  un.  Donc 
les  Jésuites  et  les  jansénistes  ont  tort  en  les  celant  ;  mais  les  jansé- 
nistes plus,  car  les  Jésuites  en  ont  mieux  fait  profession  des  deux . 

12  ter. 

La  grâce  sera  toujours  dans  le  monde  (et  aussi  la  nature), 
de  sorte  qu'elle  est  en  quelque  sorte  naturelle.  Et  ainsi  toujours 
il  y  aura  des  pélagiens,  et  toujours  des  catholiques,  et  tou- 
jours combat. 

Parce  que  la  première  naissance  fait  les  uns,  et  la  grâce  de 
la  seconde  naissance  fait  les  autres. 

13. 

Ce  sera  une  des  confusions  des  damnés,  de  voir  qu'ils  seront 
condamnés  par  leur  propre  raison,  par  laquelle  ils  ont  pré- 
tendu condamner  la  religion  chrétienne. 

13  bis. 

H  y  a  cela  de  commun  entre  la  vie  ordinaire  des  hommes  et 
celle  des  saints,  qu'ils  aspirent  tous  à  la  félicité  ;  et  ils  ne  diffè- 
rent qu'en  l'objet  où  ils  la  placent.  Les  uns  et  les  autres  ap- 
pellent leurs  ennemis  ceux  qui  les  empêchent  d'y  arriver  *. 

Il  faut  juger  de  ce  qui  est  bon  ou  mauvais  par  la  volonté  de 
Dieu,  qui  ne  peut  être  ni  injuste  ni  aveugle  ;  et  non  par  la 
nôtre  propre,  qui  est  toujours  pleine  de  malice  et  d'erreur. 

14. 

Quand  saint  Pierre  et  les  apôtres  délibèrent  d'abolir  la  cir- 
concision, où  il  s'agissait  d'agir  contre  la  loi  de  Dieu 2,  ils  ne 

vant  :  •  C'est  par  là  qu'est  délruite  cette  impiété  de  Luther,  condamnée  par  le  même 
concile,  que  nous  ne  coopérons  en  aucune  sorte  à  notre  salut,  non  plus  que  des  choses 
inanimées;  et  c'est  par  là  qu'est  encore  détruite  l'impiété  de  l'école  de  Molina,  qui  ne 
veut  pas  reconnaître  que  c'est  la  force  de  la  grâce  même  qui  fait  que  nous  coopérons  avec 
elle  dans  l'œuvre  de  notre  salut;  par  où  il  ruine  ce  principe  de  foi  établi  par  saint  Paul 
que  c'est  Dieu  qui  forme  en  nous  La  volonté  et  l'action. 

•  Et  c'est  enfin  parce  moyen  que  B'accordent  tous  ces  passages  de  l'Ecriture  qui  sem- 
blent le  plus  opposés  :  Convertissez-vous  à  Dieu;  Seigneur,  convertissez-nous  à  vous. 
Rejetez  vos  iniquités  hors  de  vous;  c'est  Dieu  qui  ôte  les  iniquités  de  son  peuple.  Faites 
des  œuvres  dignes  de  pénitence;  Seigneur,  vous  avez  fait  en  nous  toutes  vos  œuvres 
Faites-nous  un  cœur  nouveau  et  un  esprit  nouveau;  je  vous  donnerai  un  esprit  nouveau, 
et  je  créerai  en  vous  un  cœur  nouveau,  etc.  • 

1.  Voir  le  fragir  ent  7  de  l'article  xv. 

2.  Genèse,  xv;:    U)  ;  LpciUque,  xu,  3. 

ii.  7 


94  PENSÉES  DE  PASCAL 

consultent  point  les  prophètes,  mais  simplement  la  réception 
du  Saint-Esprit  en  la  personne  des  incirconcis  \  Ils  jugent  plus 
sûr  que  Dieu  approuve  ceux  qu'il  remplit  de  son  Esprit,  que 
non  pas  qu'il  faille  observer  la  Loi;  ils  savaient  que  la  fin  de  la 
Loi  n'était  que  le  Saint-Esprit  ;  et  qu'ainsi,  puisqu'on  l'avait 
bien  sans  circoncision,  elle  n'était  pas  nécessaire  ». 

15. 

Deux  lois  suffisent  pour  régler  toute  la  république  chré- 
tienne, mieux  que  toutes  les  lois  politiques  8. 

1 5  bis. 

La  religion  est  proportionnée  à  toutes  sortes  d'esprit?.  Les 
premiers  s'arrêtent  au  seul  établissement4;  et  cette  religion 
est  telle,  que  son  seul  établissement  est  suffisant  pour  en  prou- 
ver la  vérité.  Les  autres  vont  jusques  aux  apôtres.  Les  plus 
instruits  vont  jusqu'au  commencement  du  monde.  Les  anges 
la  voient  encore  mieux,  et  de  plus  loin  5. 

1 5  ter. 

Dieu,  pour  se  réserver  à  lui  seul  le  droit  de  nous  instruire, 
et  pour  nous  rendre  la  difficulté  de  notre  être  inintelligible, 
nous  en  a  caché  le  nœud  si  haut,  ou,  pour  mieux  dire,  si  bas, 
que  nous  étions  incapables  d'y  arriver  :  de  sorte  que  ce  n'est 
pas  par  les  agitations  de  notre  raison,  mais  par  la  simple  sou- 
mission de  la  raison,  que  nous  pouvons  véritablement  nous 
connaître. 

16. 

Les  impies,  qui  font  profession  de  suivre  la  raison,  doivent 
être  étrangement  forts  en  raison.  Que  disent-ils  donc  ?  Ne 
voyons-nous  pas,  disent-ils,  mourir  et  vivre  les  bêtes  comme 

t.  Actes  des  apôtres,  xv,  7-9. 

ï.  Où  en  voulait  venir  Pascal,  en  parlant  ainsi  pour  l'esprit  contre  la  lettre?  Il  est  dif- 
ficile de  marquer  précisément  sou  intention,  mais  en  général  les  sectaires  persécutés 
aiment  à  se  prévaloir  de  l'inspiration  contre  la  Loi.  —  En  titre  dans  l'autographe,  Point 
formaliste. 

3.  Port-Royal  ajoute  :  l'amour  de  Dieu  et  celui  du  prochain.  Voir  Marc,  xn,  28,  etc. 

4.  Port  Royal  met,  à  l'état  et  à  l'établissement  où  elle  est.  C'est  bien  le  sens.  Les  pre- 
miers, c'est-à-dire,  les  moins  élevés. 

5.  Ils  la  voient  dans  la  chute  du  mauvais  auge,  première  cause  de  la  chute  de  l'homme. 
L'histoire  de  la  rébellion  des  anges  coupables  n'est  pas  dans  les  livres  de  l'Ancien  Tes- 
tament, mais  elle  est  consacrée  par  la  tradition  chrétienne,  et  par  les  épitres  canoniques 
qui  portent  les  noms  de  Pierre  et  de  Jude.  [Pierre,  II,  n,  4;  Jude,  6.  Et  Apoc.  xn,  7J  — 
Voyez  xi,  5  bis. 


àRÎTCLE  TXTV  95 

es  hommes,  et  les  Turcs  comme  les  Chrétiens?  Ils  ont  leurs 
cérémonies,  leurs  prophètes,  leurs  docteurs,  leurs  saints,  leurs 
religieux,  comme  nous,  etc.  —  Cela  est-il  contraire  à  l'Écri- 
ture? ne  dit-elle  pas  tout  cela1?  Si  vous  ne  vous  souciez  guère 
de  savoir  la  vérité,  en  voilà  assez  pour  vous  laisser  en  repos  f 
Mais  si  vous  désirez  de  tout  votre  cœur  de  la  connaître,  ce 
n'est  pas  assez  :  regardez  au  détail.  C'en  serait  assez  pour  une 
question  de  philosophie;  mais  ici,  où  il  va  de  tout...  Et  cepen- 
dant, après  une  réflexion  légère  de  cette  sorte,  on  s'amu- 
sera, etc.  Qu'on  s'informe  de  cette  religion  même  si  elle  ne 
rend  pas  raison  de  cette  obscurité  ;  peut-être  qu'elle  nous  l'ap- 
prendra. 

16  bis. 
C'est  une  chose  horrible  de  sentir  s'écouler  tout  ce  qu'on 
possède  3. 

16  ter. 

Il  faut  vivre  autrement  dans  le  monde  selon  ces  diverses 
suppositions  :  1°  Si  l'on  pouvait  y  être  toujours.  2°  S'il  est  sûr 
qu'on  n'y  sera  pas  longtemps,  et  incertain  si  on  y  sera  une 
heure.  Cette  dernière  supposition  est  la  nôtre  4. 

17. 

Par  les  partis,  vous  devez  vous  mettre  en  peine  de  recher- 
cher la  vérité  :  car  si  vous  mourez  sans  adorer  le  vrai  principe, 
vous  êtes  perdu.  Mais,  dites-vous,  s'il  avait  voulu  que  je  l'a- 
dorasse, il  m'aurait  laissé  des  signes  de  sa  volonté.  Aussi  a-t- 
il  fait  ;  mais  vous  les  négligez.  Cherchez-les  donc  ;  cela  le  vaut 
bien. 

17  bis. 

Cachot.  —  Je  trouve  bon  qu'on  n'approfondisse  pas  l'opinion 
de  Copernic  :  mais  ceci...  !  Il  importe  à  toute  la  vie  de  savoir 
si  l'âme  est  mortelle  ou  immortelle. 

1.  Que  les  bêtes  vivent  et  meurent  comme  les  hommes,  Ecclés.  m,  18-22.  Et  le 
juste  comme  le  pécheur,  Jean,  vm,  51  ;  qu'il  y  aura  des  faux  prophètes,  Matlh.  vïî, 
15,  etc.;  que  l'ivraie  sera  confondue  avec  le  bon  grain  jusqu'au  dernier  jour,  Matth.  un, 
30,  etc.,  etc. 

8.  C'est-à-dire,  Voilà,  je  l'avoue,  contre  la  religion,  une  fin  de  non-recevoir  qui  sem- 
ble suffisante,  qui  vous  permet  de  ne  pas  vous  tourmenter  à  l'approfondir. 

3.  En  titre  dans  l'autographe,  Écoulement.  Voyez  plus  loin  le  frag.  33. 

4.  En  titre  dans  l'autographe,  Partis.  Voyez  le  fragment  suivant,  et  le  fragment  1  de 
article  x. 


%  PENSÉES   DE   PASCAL 

18. 

Les  prophéties,  les  miracles  mêmes  et  les  preuves  de  notre 
religion,  ne  sont  pas  de  telle  nature  qu'on  puisse  dire  qu'ils 
sont  absolument  convaincants.  Mais  ils  le  sont  aussi  de  telle 
sorte  qu'on  ne  peut  dire  que  ce  soit  être  sans  raison  que  de  les 
croire.  Ainsi,  il  y  a  de  l'évidence  et  de  l'obscurité,  pour  éclairer 
les  uns  et  obscurcir  les  autres.  Mais  l'évidence  est  telle,  qu'elle 
surpasse,  ou  égale  pour  le  moins,  l'évidence  du  contraire  ;  de 
sorte  que  ce  n'est  pas  la  raison  qui  puisse  déterminer  à  ne  la 
pas  suivre  ;  et  ainsi  ce  ne  peut  être  que  la  concupiscence  et  la 
malice  du  cœur.  Et  par  ce  moyen  il  y  a  assez  d'évidence  pour 
condamner,  et  non  assez  pour  convaincre  ;  afin  qu'il  paraisse 
qu'en  ceux  qui  la  suivent,  c'est  la  grâce,  et  non  la  raison,  qui 
fait  suivre  ;  et  qu'en  ceux  qui  la  fuient,  c'est  la  concupiscence, 
et  non  la  raison,  qui  fait  fuir. 

18  bis. 

Qui  peut  ne  pas  admirer  et  embrasser  une  religion  qui  con- 
naît à  fond  ce  qu'on  reconnaît  d'autant  plus  qu'on  a  plus  de  lu- 
mière? 

18  ter. 

C'est  un  héritier  qui  trouve  les  titres  de  sa  maison.  Dira- 
t-il  :  Peut-être  qu'ils  sont  faux?  et  négligera-t-il  de  les  exa- 
miner1? 

19. 

Deux  sortes  de  personnes  connaissent  :  ceux  qui  ont  le  cœur 
humilié,  et  qui  aiment  la  bassesse,  quelque  degré  d'esprit  qu'ils 
aient,  haut  ou  bas  ;  ou  ceux  qui  ont  assez  d'esprit  pour  voir  la 
vérité,  quelque  opposition  qu'ils  y  aient  *. 

19  bis. 
Les  sages  qui  ont  dit  qu'il  y  a  un  Dieu,  ont  été  persécutés, 
les  Juifs  haïs,  les  Chrétiens  encore  plus. 

20. 
Qu'ont-ils  à  dire  contre  la  résurrection,  et  contre  l'en fante- 

4.  Il  s'agit  de  l'homme  à  qui  la  religion  présente  ses  dogmes,  et  les  preuves  qui  les 
appuient. 

2.  Dan3  l'orgueil,  qui  est  le  fond  même  de  la  nature  corrompue.  C'est  pour  ceux-là 
que  Pascal  écrit;  les  cœurs  humbles*  auiJs  aient  l'esprit  haut  ou  bas,  trouvent  Dieu  sans 
effort  d'esprit 


ARTICLE   XXIV  97 

ment  de  la  Vierge  ?  Qu'est-il  plus  difficile,  de  produire  un 
homme  ou  un  animal,  ou  de  le  reproduire  ?  Et  s'ils  n'avaient 
jamais  vu  une  espèce  d'animaux,  pourraient-ils  deviner  s'ils  se 
produisent  sans  la  compagnie  les  uns  des  autres  ? 

20  bis. 

Athées.  Quelle  raison  ont-ils  de  dire  qu'on  ne  peut  ressusci- 
ter ?  Que  c'est  plus  difficile  de  naître,  ou  de  ressusciter  ;  que 
ce  qui  n'a  jamais  été  soit,  ou  que  ce  qui  a  été  soit  encore?  Est* 
il  plus  facile  de  venir  en  être  que  d'y  revenir  *?  La  coutume 
nous  rend  l'un  facile,  le  manque  de  coutume  rend  l'autre  im- 
possible ;  populaire  façon  déjuger.  Pourquoi  une  vierge  ne  peut- 
elle  enfanter?  une  poule  ne  fait-elle  pas  des  œufs  sans  coq?  Qui 
les  distingue  par  dehors  d'avec  les  autres?  et  qui  nous  dit  que 
la  poule  n'y  peut  former  ce  germe  aussi  bien  que  le  coq? 

21. 

...  Mais  est-il  probable  que  la  probabilité  assure?  —  Diffé- 
rence entre  repos  et  sûreté  de  conscience.  Rien  ne  donne  l'as- 
surance que  la  vérité.  Rien  ne  donne  le  repos  que  la  recherche 
sincère  de  la  vérité  *. 

22. 

Les  exemples  des  morts  généreuses  de  Lacédémoniens  et 
autres  ne  nous  touchent  guère  ;  car  qu'est  que  cela  nous  ap- 
porte? Mais  l'exemple  de  la  mort  des  martyrs  nous  touche,  car 
ce  sont  nos  membres  3.  Nous  avons  un  lien  commun  avec  eux: 
leur  résolution  peut  former  la  nôtre,  non-seulement  par 
l'exemple,  mais  parce  qu'elle  a  peut-être  mérité  la  nôtre  4.  Il 
n'est  rien  de  cela  aux  exemples  des  païens  :  nous  n'avons  point 
de  liaison  à  eux  ;  comme  on  ne  devient  pas  riche  pour  voir  un 
étranger  qui  l'est,  mais  bien  pour  voir  son  père  ou  son  mari 
qui  le  soient. 

1.  Il  y  a  dans  le  manuscrit,  plus  difficile. 

2.  Port-Royal  a  mis  :  Rien  ne  doit  donner  le  repos  ;  et,  en  effet,  quand  Pascal  distingue 
le  repos  et  l'assurance,  il  suppose  par  cela  même  que  la  probabilité,  si  elle  ne  met  en 
sûreté  les  pécheurs,  les  met  en  repos.  Mais  ce  n'est  pas  ce  vrai  et  bon  repos  qu'une  re- 
cherche sincère  peut  seule  donner.  Sur  la  probabilité,  voyez  vu,  39. 

3.  Rom.  xn,  4  :  «  De  même  que  dans  un  seul  corps  nous  avons  plusieurs  membres,  et 
que  tous  ces  membres  n'ont  pas  la  même  fonction;  ainsi  nous  ne  faisons  tous  qu'ut? 
seul  corps  en  Christ,  et  nous  sommes  les  membres  les  uns  des  autres,  n 

*.  «  Qu'entendez -vous  par  la  communion  des  saints?  —  J'entends  principalement  la. 
participation  qu'ont  tous  les  fidèles  au  fruit  des  bonnes  œuvres  les  uns  des  autres,  i 
Catéchisme  de  Bossuet.  Voyez  aussi  sou  Avertissement  aux  protestants. 


98  PENSÉES  DE  PASCAL 

23. 
Les  élus  ignoreront  leurs  vertus,  et  les  réprouvés  la  gran- 
deur de  leurs  crimes  :  «  Seigneur,  quand  t'avons-nous  vu  avoir 
faim,  soif,  etc.  »  [Matth.  xxv,  34.] 

23  bis. 

Jésus-Christ  n'a  point  voulu  des  témoignages  des  démons, 
ni  de  ceux  qui  n'avaient  pas  vocation  ;  mais  de  Dieu  et  Jean- 
Baptiste  *. 

24. 

Les  défauts  de  Montaigne  sont  grands.  Mots  lascifs.  Gela  ne 
vaut  rien,  malgré  Mlle  de  Gournay 2.  Crédule  (gens  sans  yeux). 
Ignorant  (quadrature  du  cercle,  monde  plus  grand).  Ses  sen- 
timents sur  l'homicide  volontaire,  sur  la  mort.  Il  inspire  une 
nonchalance  du  salut,  «  sans  crainte  et  sans  repentir.  »  Son 
livre  n'étant  pas  fait  pour  porter  à  la  piété,  il  n'y  était  pas 
obligé  :  mais  on  est  toujours  obligé  de  n'en  point  détourner. 
On  peut  excuser  ses  sentiments  un  peu  libres  et  voluptueux 
en  quelques  rencontres  de  la  vie  (730,  231);  mais  on  ne  peut 
excuser  ses  sentiments  tout  païens  sur  la  mort  ;  car  il  faut  re- 
noncer à  toute  piété,  si  on  ne  veut  au  moins  mourir  chrétien- 
nement ;  or,  il  ne  pense  qu'à  mourir  lâchement  et  mollement 
par  tout  son  livre  3. 

1.  Voyez  Marc,  m,  11,  etc.  Matth.  ix,  30  et  xn,  16  ;  et  Marc,  I,  7,  U,  etc. 

2.  Qui  tâche  de  justifier  là-dessus  son  père  d'alliance  dans  la  Préface  de  son  édition 
des  Essais. 

3.  «  Gens  sans  yeux.  »  Apol.,  t.  m,  p.  172  :  o  Qui  en  vouldra  croire  Pline  et  Hérodote, 
il  y  a  des  espèces  d'hommes,  en  certains  endroicts,  qui  ont  fort  peu  de  ressemblance  à 
la  nostre...;  il  y  a  des  contrées  où  les  hommes  naissent  sans  teste,  portant  les  yeulx  et 
la  bouche  en  la  poictrine...  ;  [d'autres]  où  ils  n'ont  qu'un  œil  au  front;  etc.  •  Si  ce  n'est 
pas  là  précisément  des  gens  sans  yeux,  c'est  à  peu  près  la  même  chose.  —  n  Quadrature 
du  cercle,  monde  [«lus  grand.  »  —  Montaigne,  II,  14  (Comme  nostre  esprit  s'empesche  soy 
mesme),  t.  m,  p.  345  :  ■  Qui  ioindroit  encores  à  cecy  les  propositions  géométriques  qui 
concluent  par  la  certitude  de  leurs  démonstrations  le  contenu  plus  grand  que  le  conte- 
nant, le  centre  aussi  grand  que  sa  circonférence,  et  qui  trouvent  deux  lignes  s'approcbants 
sans  ces^e  l'une  de  l'autre,  et  ne  se  pouvants  ioindre  jamais;  et  la  pierre  philosophale,  et 
quadrature  du  cercle,  [toutes  choses]  où  la  raison  et  l'edect  sont  si  opposites,  en  tireroit 
à  l'adventure  quelque  argument  pour  secourir  ce  mot  liardy  de  Pline  :  solum  certum 
nihil  esse  certi,  et  homine  nihil  miserius  aut  super/nus  [II,  7  :  La  seule  chose  certaine  est 
qu'il  n'y  a  rien  de  certain,  et  que  rien  n'est  plus  misérable  que  l'homme  ni  plus  superbe].  • 
Et  Apol.  t.  m,  p.  268  :  «  Ptolemeus...  qui  a  esté  un  grand  personnage,  avoit  estably  les 
bornes  de  nostre  monde;  touts  les  philosophes  anciens  ont  pensé  en  tenir  la  mesure...  : 
c'eust  esté  pyrrhoniser...  que  de  mettre  en  doute  la  science  de  la  cosmographie  et  les 
opinions  qui  en  estoient  receues  d'un  enascun...  .  Voylà  de  nostre  temps  une  grandeur 
infinie  de  terre  ferme...  qui  vient  d'estre  découverte.  Les  géographes  de  ce  temps  ne 
faillent  pas  d'asseurer  que  meshuy  tout  est  trouvé  et  que  tout  est  veu...  Sçavoir  mon,  si 
Ptolemee  s'y  est  trompé  aultresfois  sur  les  fondements  de  sa  raison,  si  ce  ne  seroit  pas 


ARTICLE   XXIV  99 

25. 

Ce  qui  nous  gâte  pour  comparer  ce  qui  s'est  passé  autrefois 
dans  l'Église  à  ce  qui  s'y  voit  maintenant,  c'est  qu'ordinaire- 
ment on  regarde  saint  Athanase,  sainte  Thérèse  et  les  autres 
comme  couronnés  de  gloire  et  agissant  avec  nous  comme  des 
dieux  '.  A  présent  que  le  temps  a  éclairci  les  choses,  cela  pa- 
raît ainsi.  Mais,  au  temps  où  on  le  persécutait,  ce  grand  saint 

sottise  de  me  fier  maintenant  à  ce  que  cenlx  cy  en  disent,  et  s'il  n'est  plus  vraysem- 
blable  que  ce  grand  corps  que  nous  appelons  le  Monde  est  chose  bien  aultre  que  nous  ne 
iugeons.  •  —  Sçavoir  mon,  c'est-à-dire,  il  y  aurait  pour  moi  à  savoir.  «  C'est  mon,  ce 
fay  mon,  ce  faudra  mon,  sont  façons  de  parler  harengères,  »  dit  Antoine  Oudin  dans  sa 
Grammaire  françoise  [1633].  Note  prise  dans  le  Molière  de  M.  Aimé-Martin.  Montaigne, 
11,  37,  t.  4,  p.  113,  emploie  aussi  c'est  mon  (d'où  çamon).  —  «  Ses  sentiments  sur  l'homi- 
cide volontaire.  •  Voir  tout  le  chapitre  3  du  livre  II  des  Essais,  qui  est  une  apologie  du 
suicide.  —  ■  Sans  crainte  et  sans  repentir.  •  Voir  en  eftet  dans  Montaigne  le  chapitre  du 
Repentir,  III,  2,  t.  iv  :  «  Je  me  repens  rarement  (p.  180).  »  —  «  Quant  a  moy,  ie  puis 
désirer  en  gênerai  estre  aultre..  ;  mais  cela,  ie  ne  le  doibs  nommer  repentir  (p.  195).  > 
—  «  Si  i'avois  à  revivre ,  ie  revivrois  comme  i'ay  vescu  :  ni  ie  ne  plainds  le  passé,  ni  ie 
ne  crainds  l'adoenir  (p.  202).  *  —  a  730,  231.  »  Ces  chiffres  paraissent  un  renvoi  à  deux 
pages  de  l'édition  des  Essais  dont  se  servait  Pascal;  on  a  vu  ailleurs  une  indication  sem- 
blable (vi,  18).  Mais  celle-là  renvoyait  à  l'édition  in-folio  de  1635,  la  seconde  édition 
donnée  par  mademoiselle  de  Gournay,  avec  une  Préface  et  une  Dédicace  à  Richelieu  : 
or  les  pages  730  et  231  de  cette  édition  ne  m'ont  rien  offert  qui  se  rapporte  à  la  re- 
marque de  Pascal.  J'ai  été  plus  heureux  en  consultant  un  volume  des  Essais  in-4<>,  daté 
de  1636,  mais  qui  n'est  qu'une  réimpression  de  la  première  édition  de  mademoiselle  de 
Gournay.  On  y  lit  à  la  page  730  :  a  Les  souffrances  qui  nous  touchent  simplement  par 
Vàme  m'affligent  beaucoup  moins  qu'elles  ne  font  la  pluspart  des  aultres  hommes...  :  Mais 
les  souflrances  vrayment  essentielles  et  corporelles,  ie  les  gouste  bien  vifvement...  I'ay 
au  moins  ce  proufit  de  la  cholique  [la  gravelle],  que  ce  que  ie  n'avois  encores  peu  sur 
moy,  pour  me  concilier  du  tout  et  m'accoiuter  à  la  mort,  elle  le  parlera...  :  et  Dieu 
veuille  qu'enfin,  si  son  aspreté  vient  à  surmonter  mes  forces,  elle  ne  me  rejecte  à  l'aultre 
extrémité,  non  moins  vicieuse,  d'aimer  et  désirer  à  mourir  (II,  37,  t.  iv,  p.  91-93  de  l'é- 
dition Le  Clerc).  »  Voici  maintenant  ce  qu'on  trouve  à  la  page  231  :  «  Ma  seconde  forme 
[de  vie]  ça  esté  d'avoir  de  l'argent;  a  quoy  m'estant  prins,  i'en  feis  bientost  des  reserves 
notables...,  n'estimant  pas  que  ce  feust  avoir,  sinon  autant  qu'on  possède  oultre  sa  des- 
pense ordinaire...  Car  quoyl  disoisie,  si  i'estois  surprins  d'un  tel  ou  d'un  tel  accidentî 
Et  à  la  suitte  de  ces  vaines  et  vicieuses  imaginations,  i'allois  faisant  l'ingénieux  à  pourvoir 
par  cette  superflue  reserve  atouts  inconvénients...  Gela  ne  se  passoit  pas  sans  pénible 
sollicitude,  etc.  »  (I,  40,  t.  n,  p.  109).  Ce  même  volume,  qui  satisfait  ici  aux  renvois  de 
Pascal,  ne  satisfait  pas  au  contraire  a  celui  du  fragment  vi,  18.  Pascal  a  donc  eu  entre 
les  mains  deux  volumes  différents  en  ces  deux  occasions.  —  «  Mourir  lâchement  et  mol- 
lement. »  Voir  particulièrement  III,  9,  t.  îv,  p.  506  :  «  Il  m'advient  souvent  d'imaginer 
avecques  quelque  plaisir  les  dangiers  mortels,  et  les  attendre  .  ie  me  plonge  la  teste  bais- 
sée stupidement  dans  la  mort,  sans  la  considérer  et  recognoistre,  comme  en  une  pro- 
fondeur muette  et  obscure  qui  m'engloutit  d'un  sault,  et  m'estouffe  en  un  instant  d'un 
puissant  sommeil,  plein  d'insipidité  et  indolence.  »  Et  plus  loin  (p.  533),  parlant  encore 
de  la  mort  :  «  Puisque  la  fantaisie  d'un  chascun  treuve  du  plus  et  du  moins  à  son  ai- 
greur, puisque  chascun  a  quelque  chois  entre  les  formes  de  mourir,  essayons  un  peu  plus 
avaut  d'en  trouver  quelqu'une  deschargee  de  tout  desplaisir.  Pourroit-on  pas  la  rendre 
encores  voluptueuse,  comme  les  Commourants  d'Antonius  et  de  Cleopatra  (Plul.Ant.  72]  ?  » 
Et  au  chapitre  12  du  même  livre,  p.  97,  à  propos  des  philosophes  qui  se  donnent  tant  de 
peine  pour  se  préparer  à  la  mort  :  a  Un  quart  d'heure  de  passion  [de  souffrance],  saiis 
conséquence,  sans  nuisance,  ne  mérite  pas  des  préceptes  particuliers.  »  La  Logique  de 
Port-Royal  relève  avec  force  cette  dernière  phrase  et  la  première  dans  le  jugement 
cevère  qu'elle  porte  sur  Montaigne  (III,  xix,  des  Sophismes  d'amour- propre,  d'intérêt  et  de 

l'on,  no  6).  —  En  titre  dans  l'autographe,  Montagne  (Pascal  écrit  toujours  ainsi). 

■  Ici  quelques  mots  illisibles. 


100  PENSÉES   DE  PASCAL 

était  un  homme  qui  s'appelait  Athanase  ;  et  sainte  Thérèse,  une 
fille.  «  Élie  était  un  homme  comme  nous,  et  sujet  aux  mêmes 
passions  que  nous,  »  dit  saint  Jacques,  pour  désabuser  les 
chrétiens  de  cette  fausse  idée  qui  nous  fait  rejeter  l'exemple 
des  saints,  comme  disproportionné  à  notre  état1.  C'étaient  des 
saints,  disons-nous,  ce  n'est  pas  comme  nous.  Que  se  passait- 
il  donc  alors?  Saint  Athanase  était  un  homme  appelé  Athanase, 
accusé  de  plusieurs  crimes,  condamné  en  tel  et  tel  concile, 
pour  tel  et  tel  crime,  tous  les  évêques  y  consentaient,  et  le 
pape  enfin.  Que  dit-on  à  ceux  qui  y  résistent?  Qu'ils  troublent 
la  paix,  qu'ils  font  schisme,  etc.  2. 

Quatre  sortes  de  personnes  :  zèle  sans  science;  science  sans 
zèle;  ni  science  ni  zèle,  et  zèle  et  science.  Les  trois  premiers 
le  condamnent,  les  derniers  l'absolvent,  et  sont  excommuniés 
de  l'Église,  et  sauvent  néanmoins  l'Église. 

26. 

Les  hommes  ont  mépris  pour  la  religion,  ils  en  ont  haine, 
et  peur  qu'elle  soit  vraie.  Pour  guérir  cela,  il  faut  commencer 
par  montrer  que  la  religion  n'est  point  contraire  à  la  raison  ; 
vénérable,  en  donner  respect;  la  rendre  ensuite  aimable,  faire 
souhaiter  aux  bons  qu'elle  fût  vraie  ;  et  puis,  montrer  qu'elle 
est  vraie. 


1.  Aux  mêmes  passions  que  nous,  c'est-à-dire  aux  mêmes  infirmités,  aux  mêmes  misè- 
res, dans  le  sens  du  grec  7rà9ïj  :  Elias  horno  erat  similis  nobis,  passibilis.  Voici  la  suite 
du  texte  (v,  16)  :  o  Priez  pour  la  guérison  les  uns  des  autres,  car  la  prière  redoublée  du 
juste  peut  beaucoup.  Elie  était  un  homme,  etc.  Et  il  pria  pour  qu'il  ne  plût  pas,  et  il  ne 
plût  pas  en  effet  pendant  trois  ans  et  demi.  »  Au  lieu  de  saint  Jacques,  Pascal  avait  écrit 
saint  Pierre,  par  erreur. 

1.  Athanase  était  accusé  de  viol,  de  meurtre  et  de  sacrilège.  Il  fut  condamné  par  les 
conciles  de  Tyr  en  335,  d'Arles  en  353,  de  Milan  en  355.  Le  pape  Libère,  après  avoir 
longtemps  refusé  de  ratifier  la  condamnation  d'Athanase,  et  avoir  souffert  pour  ce  refus, 
finit  par  se  laisser  entraîner  à  la  souscrire  en  357. 

On  a  imprimé  parmi  les  œuvres  d'Arnauld  les  opinions  de  plusieurs  docleurs  de  Sor- 
bonne  qui  se  prononcèrent  pour  lui  dans  l'affaire  de  la  censure.  On  y  trouve  celle  du 
docteur  Nicolas  Perrault,  frère  de  Perrault  l'académicien  ;  et  voici  ce  qu'on  lit  dans  ce 
morceau  (traduit  du  latin  par  Fontaine).  Perrault  vient  d'alléguer  l'exemple  de  saint  Jé- 
rôme et  continue  ainsi  :  «  Et  en  vain  l'on  me  répondrait  que  M.  Arnauld  n'est  pas  saint 
Jérôme;  car,  lorsque  saint  Jérôme  écrivait  les  ouvrages  qu'il  nous  a  laissés,  il  n'était  pas 
alors  saint  Jérôme,  mais  seulement  Jérôme  prêtre,  ce  Jérôme  abatido  né  du  pipe  Sirice, 
et  accablé  de  tant  de  calomnies  par  le  clergé  de  Rome,  que  les  uns  disaient  qu'il  fallait 
le  chasser  de  la  ville,  d'autres  qu'il  fallait  le  lapider,  et  d'autres  qu'il  fallait  le  jeter  dans 
la  rivière.  Voilà  quel  était  alors  ce  Jérôme  prêtre,  que  nous  ne  connaissons  plus  aujour- 
d'hui que  par  le  nom  de  saint  Jérôme.  »  OEuvres  d'Arnauld,  t.  xx,  p.  491.  11  semble 
donc  que  Pascal  doit  une  remarque  m  ingénieuse  au  docteur  Perrault,  doût  le  discours  est, 
d'ailleurs,  fort  spirituel  et  tout  à  fait  digne  du  nom  qu'il  porte. 


ARTICLE  XXIV  101 

Vénérable,  parce  qu'elle  a  bien  connu  l'homme  ;  aimable, 
parce  qu'elle  promet  le  vrai  bien  l. 

26  bis. 
Un  mot  de  David,  ou  de  Moïse,  comme  :  que  Dieu  circon- 
cira les  cœurs,  fait  juger  de  leur  esprit  *.  Que  tous  les  autres 
discours  soient  équivoques,  et  douteux  d'être  philosophes  ou 
chrétiens3;  enfin  un  mot  de  cette  nature  détermine  tous  les 
autres,  comme  un  mot  d'Epictète  détermine  tout  le  reste  au 
contraire.  Jusque  là  l'ambiguïté  dure,  et  non  pas  après. 

26  ter. 
J'aurais  bien  plus  de  peur  de  me  tromper,  et  de  trouver 
que  la  religion  chrétienne  soit  vraie,  que  non  pas  de  me  trom- 
per en  la  croyant  vraie  *. 

27. 

Les  conditions  les  plus  aisées  à  vivre  selon  le  monde  sont 
les  plus  difficiles  à  vivre  selon  Dieu  ;  et  au  contraire.  Rien 
n'est  si  difficile  selon  le  monde  que  la  vie  religieuse;  rien  n'est 
plus  facile  que  de  la  passer  selon  Dieu.  Rien  n'est  plus  aisé 
que  d'être  dans  une  grande  charge  et  dans  de  grands  biens  se- 
lon le  monde;  rien  n'est  plus  difficile  que  d'y  vivre  selon  Dieu, 
et  sans  y  prendre  de  part  et  de  goût. 

28. 
L'Ancien  Testament  contenait  les  figures  de  la  joie  future,  et 
le  Nouveau  contient  les  moyens  d'y  arriver.  Les  figures  étaient 
de  joie;  les  moyens,  de  pénitence;  et  néanmoins  l'agneau  pas- 
cal était  mangé  avec  des  laitues  sauvages,  cum  amaritudini- 
bus 6. 

29. 

Le  mot  de  Galilée,  que  la  foule  des  Juifs  prononça  comme 
par  hasard,  en  accusant  Jésus-Christ  devant  Pilate,  donna  su- 
jet à  Pilate  d'envoyer  Jésus-Christ  à  Hérode;  en  quoi  fut  ac- 

1.  En  titre  dans  l'autographe,  Ordre. 

2.  Deuler.  xxx,  6.  Voyez  le  8«  alinéa  de  l'article  xxi. 

3.  C'est-à-dire,  et   qu'il   soit  douteux  s'ils  sont  philosophes  ou  chrétiens.    Philosophes 
pour  philosophiques,  comme  au  fragment  vi,  52. 

4.  En  titre  dans  l'autographe,  Ordre. 

5.  Exode,  xn,  8;  mais  il  y  a  dans  la   Vulr/atc,   cum  lactucis  agrestibus.  Los  mots  cum 
amaritudinibus  sont,  à  ce  qu'il  parait,  la  traduction  exacte  de  l'hébreu. 


102  PENSÉES  DE  PASCAL 

compli  le  mystère,  qu'il  devait  être  jugé  par  les  Juifs  et  les 
Gentils.  Le  hasard  en  apparence  fut  la  cause  de  l'accomplisse- 
ment du  mystère l. 

30. 

Une  personne  me  disait  un  jour  qu'il  avait  grande  joie  et 
confiance  en  sortant  de  confession  a  :  l'autre  me  disait  qu'il 
restait  en  crainte.  Je  pensai  sur  cela  que  de  ces  deux  on  ferait 
un  bon,  et  que  chacun  manquait  en  ce  qu'il  n'avait  pas  le  sen- 
timent de  l'autre.  Gela  arrive  de  même  souvent  en  d'autres 
choses. 

31. 

Il  y  a  plaisir  d'être  dans  un  vaisseau  battu  de  l'orage,  lors- 
qu'on est  assuré  qu'il  ne  périra  point.  Les  persécutions  qui 
travaillent  l'Église  sont  de  cette  nature. 

31  bis. 

L'Histoire  de  l'Église  doit  être  proprement  appelée  l'His- 
toire de  la  vérité  8. 

32. 

Comme  les  deux  sources  de  nos  péchés  sont  l'orgueil  et  la 
paresse,  Dieu  nous  a  découvert  deux  qualités  en  lui  pour  les 
guérir  :  sa  miséricorde  et  sa  justice.  Le  propre  de  la  justice  est 
d'abattre  l'orgueil,  quelque  saintes  que  soient  les  œuvres,  et 
non  intres  in  judicium,  etc.  *  ;  et  le  propre  de  la  miséricorde 
est  de  combattre  la  paresse  en  invitant  aux  bonnes  œuvres,  se- 
lon ce  passage  :  c<  La  miséricorde  de  Dieu  invite  à  pénitence6  ;  » 
et  cet  autre  des  Ninivites  :  «  Faisons  pénitence,  pour  voir  si  par 
aventure  il  aura  pitié  de  nous  6.  »  Et  ainsi  tant  s'en  faut  que 

1.  Luc,  xxm,  5,  et  Actes  des  apôtres,  iv,  25-28. 

2.  Port-Royal  met:  Un  homme  me  disait.  Et  plus  loin  :  Un  autre  me  disait  qu'il... 

3.  Bossuet,  Sermon  sur  la  divinité  de  la  religion  (prêché  à  la  cour  pour  le  deuxième 
dimanche  de  l'Avent),  premier  point  :  «  Par  où  vous  voyez  clairement  que  la  vérité 
se  sert  des  hommes,  mais  qu'elle  n'en  dépend  pas  ;  et  c'est  ce  qui  nous  paraît  dans 
toute  la  suite  de  son  histoire.  J'appelle  ainsi  l'histoire  de  l'Église,  c'est  l'histoire  du 
règne  de  la  vérité  ;  »  etc.  Bossuet  prenait-il  cette  phrase  dans  les  Pensées  ?  11  avait 
pu  les  lire,  si  l'Avent  où  il  a  prêché  ce  sermon  est  celui  de  1669,  qu'il  prêcha  en  eSet  à 
la  cour. 

4.  Ps.  cxlii,  2  :  «  Et  n'entre  point  en  jugement  avec-  ton  serviteur,  car  nul  homme 
vivant  ne  sera  justifié  devant  toi.  » 

5.  Rom.,  ii,  4  :  Ignoras  quoniam  benignitas  Dei  ad  pœnitentiam  te  adducit. 

6.  Jonas,  m,  9  :  Quis  scit  si  convertatur  et  ignoscat  Deus,  et  revertatur  a  furore  irœ 
suce,  et  non  peribimus  ? 


ARTICLE  XXIV  103 

la  miséricorde  autorise  le  relâchement,  que  c'est  au  contraire 
la  qualité  qui  le  combat  formellement;  de  sorte  qu'au  lieu  de 
dire  :  S'il  n'y  avait  point  en  Dieu  de  miséricorde,  il  faudrait 
faire  toutes  sortes  d'efforts  pour  la  vertu,  il  faut  dire,  au  con- 
traire, que  c'est  parce  qu'il  y  a  en  Dieu  de  la  miséricorde, 
qu'il  faut  faire  toutes  sortes  d'eilbrts  '. 

33. 

Tout  ce  qui  est  au  monde  est  concupiscence  de  la  chair,  ou 
concupiscence  des  yeux,  ou  orgueil  de  la  vie  2  :  libido  sert- 
tiendi;  libido  sciendi,  libido  dominandi\  Malheureuse  la  terre 
de  malédiction  que  ces  trois  fleuves  de  feu  embrasent  plutôt 
qu'ils  n'arrosent!  Heureux  ceux  qui,  étant  sur  ces  fleuves,  non 
pas  plongés,  non  pas  entraînés,  mais  immobiles  tout  affermis 
sur  ces  fleuves  ;  non  pas  debout,  mais  assis  dans  une  assiette 
basse  et  sûre,  d'où  ils  ne  se  relèvent  pas  avant  la  lumière  ;  mais, 
après  s'y  être  reposés  en  paix,  tendent  la  main  à  celui  qui  les  doit 
élever,  pour  les  faire  tenir  debout  et  fermes  dans  les  porches  de 
la  sainte  Hiérusalem,  où  l'orgueil  ne  pourra  plus  les  combattre  et 
les  abattre  ;  et  qui  cependant  pleurent,  non  pas  de  voir  écouler 
toutes  les  choses  périssables  que  les  torrents  entraînent,  mais 
dans  le  souvenir  de  leur  chère  patrie,  de  la  Hiérusalem  céleste, 
dont  ils  se  souviennent  sans  cesse  dans  la  longueur  de  leur  exil  *  ! 

33  bis. 

Les  fleuves  de  Babylone  coulent,  et  tombent,  et  entraînent. 
0  sainte  Sion,  où  tout  est  stable  et  où  rien  ne  tombe  ! 

Il  faut  s'asseoir  sur  les  fleuves,  non  sous  ou  dedans,  mais 
dessus;  et  non  debout,  mais  assis;  pour  être  humble  étant  as- 

1.  En  titre  dans  l'autographe,  Contre  ceux  gui  sur  la  confiance  de  la  miséricorde  de 
Dieu  demeurent  dans  la  nonchalance,  sans  faire  de  bonnes  œuvres. 

2.' C'est  la  traduction  exacte  d'un  verset  de  la  première  épitre  de  Jean,  n,  16  :  Omne 
quod  est  in  mundo  concupiscentia  carnis  est  et  concupiscentia  oculorum  et  superbia  vitœ. 
Le  Traité  de  la  concupiscence  de  Bossuet  n'est  que  le  développement  de  ce  texte. 

3.  C'est  une  citation  de  Jansénius  {de  statu  naturœ  lapsœ,  II,  8,  dans  YAuguslinus).  Il 
y  a  seulement  dans  le  texte  excellendi  au  lieu  de  dominandi  :  «  La  passion  de  sentir,  la 
passion  de  savoir,  la  passion  de  primer.  » 

4.  Ce  fragment  est  tiré,  comme  M.  Faugère  en  a  averti,  de  la  paraphrase  de  saint  Au- 
gustin sur  le  psaume  cxxxvi  (Super  flumina  Babylonis).  C'est  le  commentaire  du  pre- 
mier verset  :  «  Sur  les  fleuves  de  Babylone  nous  sommes  demeurés  assis  et  nous  avons 
pleuré,  en  nous  souvenant  de  Sion.  »  Babylone,  c'est  la  terre  ;  et  Sion  est  le  ciel.  Il  faut 
construire  comme  s'il  y  avait  :  Heureux  ceux  qui  sont  sur  ces  fleuves,  non  pas  plon- 
gés, etc.,  mais  assis  dans  une  assiette  basse  et  sûre,  dont  ils  ne  se  relèvent  jamais  avant 
la  lumière,  mais  où  s' étant  reposés  en  paix,  ils  tendent  la  main,  etc. 


104  PENSÉES  DE  PASCAL 

sis,  et  en  sûreté  étant  dessus.  Mais  nous  serons  debout  dans 
les  porches  de  Hiérusalem. 

Qu'on  voie  si  ce  plaisir  est  stable  ou  coulant  :  s'il  passe,  c'est 
un  fleuve  de  Babylone. 

34.     . 

Un  miracle,  dit-on,  affermirait  ma  créance.  On  le  dit  quand 
on  ne  le  voit  pas.  Les  raisons  qui,  étant  vues  de  loin,  parais- 
sent borner  notre  vue...  mais  quand  on  y  est  arrivé,  on  com- 
mence à  voir  encore  au  delà.  Rien  n'arrête  la  volubilité  de 
notre  esprit.  Il  n'y  a  point,  dit-on,  de  règle  qui  n'ait  quelques 
exceptions,  ni  de  vérité  si  générale  qui  n'ait  quelque  tace  par  où 
elle  manque.  Il  suffit  qu'elle  ne  soit  pas  absolument  univer- 
selle, pour  nous  donner  sujet  d'appliquer  l'exception  au  sujet 
présent,  et  de  dire  :  Gela  n'est  pas  toujours  vrai  ;  donc  il  y  a 
des  cas  où  cela  n'est  pas  ;  il  ne  reste  plus  qu'à  montrer  que 
celui-ci  en  est.  Et  c'est  à  quoi  on  est  bien  maladroit  ou  bien 
malheureux  si  on  ne  trouve  quelque  jour  *. 

35. 

La  charité  n'est  pas  un  précepte  figuratif.  Dire  que  Jésus- 
Christ,  qui  est  venu  ôter  les  figures  pour  mettre  la  vérité,  ne 
soit  venu  que  mettre  la  figure  de  la  charité,  pour  ôter  la  réalité 
qui  était  auparavant ,  cela  est  horrible.  Si  la  lumière  est  ténè- 
bres, que  seront  les  ténèbres  *? 

36. 

Combien  les  lunettes  nous  ont-elles  découvert  d'êtres  qui 
n'étaient  point  pour  nos  philosophes  d'auparavant!  On  entre- 
prenait franchement  l'Écriture  sainte  sur  le  grand  nombre 
des  étoiles,  en  disant  :  Il  n'y  en  a  que  mille  vingt-deux,  nous 
le  savons 8. 

1.  Comparez  le  fragment  9  de  l'article  xm. 

2.  Matthieu,  vi,  22:  «Ton  œil  est  la  lampe  de  ton  cœur...  ;  si  donc  ton  œil  est  malade, 
tout  ton  corps  sera  dans  la  nuit.  Si  ce  qui  est  lumière  en  toi  devient  ténèbres,  ce  qui  était 
ténèbres  que  sera-t-il  donc?  •  Pascal  veut  dire  :  Si  les  prêtres  eux-mêmes,  si  les  directeurs 
des  consciences  sont  aveugles  en  ce  qui  regarde  la  charité,  que  sera-ce  donc  du  monde? 

3.  Jérém.  xxvm,  22  ;  •  Ainsi  qu'on  ne  saurait  compter  les  étoiles  du  ci°l,  ni  les  sables 
du  rivage,  ainsi  je  multiplierai  la  race  de  David  mon  serviteur.  »  Voyez  xv,  5  ;xxn,  17,  etc. 
—  Mille  vingt  deux  est  le  nombre  des  étoiles  comprise  dans  le  catalogue  de  Ptolémée, 
d'après  les  observations  d'Hipparquc.  On  lit  d,"ns  le  Cosmos,  t.  I,  page  169  de  la  traduc- 
tion de  M.  H.  Faye  :    «  On  porte  par  estime  à  18  millions  le  nombre  des  étodles  que  ie 


ARTICLE   XXIV  105 

37. 
L'homme  est  ainsi  fait,  qu'à  force  de  lui  dire  qu'il  est  un  sot, 
51  le  croit;  et,  à  force  de  se  le  dire  à  soi-même,  on  se  le  fait 
croire  *.  Car  l'homme  fait  lui  seul  une  conversation  intérieure, 
qu'il  importe  de  bien  régler  :  Corrumpunt  mores  bonos  colloquia 
prava  2.  Il  faut  se  tenir  en  silence  autant  qu'on  peut,  et  ne 
s'entretenir  que  de  Dieu,  qu'on  sait  être  la  vérité:  et  ainsi  on 
se  la  persuade  à  soi-même. 

38. 

Quelle  différence  entre  un  soldat  et  un  chartreux,  quant  à 
l'obéissance?  Car  ils  sont  également  obéissants  et  dépendants, 
et  dans  des  exercices  également  pénibles.  Mais  le  soldat  espère 
toujours  devenir  maître,  et  ne  le  devient  jamais  (car  les  capi- 
taines et  princes  même  sont  toujours  esclaves  et  dépendants)  ; 
mais  il  l'espère  toujours,  et  travaille  toujours  à  y  venir;  au 
lieu  que  le  chartreux  fait  vœu  de  n'être  jamais  que  dépendant. 
Ainsi  ils  ne  diffèrent  pas  dans  la  servitude  perpétuelle,  que 
tous  deux  ont  toujours,  mais  dans  l'espérance,  que  l'un  a  tou- 
jours, et  l'autre  jamais. 

39 

La  volonté  propre  ne  se  satisfera  jamais,  quand  elle  aurait 
pouvoir  de  tout  ce  qu'elle  veut  ;  mais  on  est  satisfait  dès  l'ins- 
tant qu'on  y  renonce.  Sans  elle,  on  ne  peut  être  malcontent; 
par  elle,  on  ne  peut  être  content. 

39  bis. 
...  La  vraie  et  unique  vertu  est  donc  de  se  haïr,  car  on  est 
haïssable  par  sa  concupiscence,  et  de  chercher  un  être  vérita- 
blement aimable,  pour  l'aimer.  Mais,  comme  nous  ne  pouvons 
aimer  ce  qui  est  hors  de  nous,  il  faut  aimer  un  être  qui  soit  en 
nous,  et  qui  ne  soit  pas  nous,  et  cela  est  vrai  d'un  chacun  de 

télescope  permet  de  distinguer  dans  la  voie  lactée.  Pour  se  faire  une  idée  de  la  gran- 
deur de  ce  nombre,  ou  plutôt  pour  s'aider  d'un  terme  de  comparaison,  il  suffit  de  se 
rappeler  que  nous  ne  voyons  pas  à  l'œil  nu,  sur  toute  la  surface  du  ciel,  plus  de  8000 
étoiles  ;  tel  est  en  effet  le  nombre  des  étoiles  comprises  entre  la  première  et  la  sixième 
grandeur,  o 

1.  Et  c'est  où  Pascal  veut  qu'on  arrive,  à  mépriser  la  sagesse  naturelle  et  la  raison. 
Voir  l'article  x. 

1.  «  Les  mauvaises  conversations  corrompent  les  bonnes  mœurs.  »  I  Cor.  xv,  33. 
Colloquia  mala,  dans  la  Vulgate.  Le  grec  porte  :  QQ-ipouviv  r,6r)  y$r^t;6,  bf/.iXioct  xy./.y.i. 
C'est  un  vers  de  Ménandre,  d'après  le  témoignage  de  Jérôme  [Lettre  d3j. 


106  PENSÉES   DE  PA.SC4L 

tous  les  hommes.  Or  il  n'y  a  que  l'Être  universel  qui  soit  tel. 
Le  royaume  de  Dieu  est  en  nous  :  le  bien  universel  est  en  nous, 
est  nous-mêmes,  et  n'est  pas  nous  l- 

39  ter. 

Il  est  injuste  qu'on  s'attache  à  moi,  quoiqu'on  le  fasse  avec 
plaisir  et  volontairement.  Je  tromperais  ceux  à  qui  j'en  ferais 
naître  le  désir;  car  je  ne  suis  la  fin  de  personne,  et  n'ai  pas  de 
quoi  les  satisfaire.  Ne  suis-je  pas  prêt  à  mourir?  Et  ainsi  l'ob- 
jet de  leur  attachement  mourra  Donc  comme  je  serais  coupa- 
ble de  faire  croire  une  fausseté,  quoique  je  la  persuadasse  dou- 
cement, et  qu'on  la  crût  avec  plaisir,  et  qu'en  cela  on  me  fît 
plaisir,  de  même  je  suis  coupable  de  me  faire  aimer,  et  si  j'at- 
tire les  gens  à  s'attacher  à  moi.  Je  dois  avertir  ceux  qui  se- 
raient prêts  à  consentir  au  mensonge,  qu'ils  ne  le  doivent  pas 
croire,  quelque  avantage  qui  m'en  revînt  ;  et  de  même,  qu'ils 
ne  doivent  pas  s'attacher  à  moi  ;  car  il  faut  qu'ils  passent  leur 
vie  et  leurs  soins  à  plaire  à  Dieu,  ou  à  le  chercher  *. 

40. 

C'est  être  superstitieux,  de  mettre  son  espérance  dans  les 
formalités;  mais  c'est  être  superbe,  de  ne  vouloir  s'y  sou- 
mettre. 

41. 

...  Toutes  les  religions  et  les  sectes  du  monde  ont  eu  la 
raison  naturelle  pour  guide 3.  Les  seuls  chrétiens  ont  été  as- 
treints à  prendre  leurs  règles  hors  d'eux-mêmes,  et  à  s'infor- 
mer de  celles  que  Jésus-Christ  a  laissées  aux  anciens  pour  être 
transmises  aux  fidèles.  Cette  contrainte  lasse  ces  bons  pères. 
Ils  veulent  avoir,  comme  les  autres  peuples,  la  liberté  de  sui- 
vre leurs  imaginations.  C'est  en  vain  que  nous  leur  crions, 

1.  Luc,  xvii,  20  :  «  Les  Pharisiens  lui  demandant  quand  viendrait  le  royaume  de  Dieu, 
il  répondit  :  Le  royaume  de  Dieu  ne  vient  pas  d'une  manière  qui  se  fasse  remarquer. 
Et  on  ne  dira  point,  Il  est  ici,  ou,  Il  est  là;  dès  à  présent  le  royaume  de  Dieu  est 
parmi  vous.  • 

2.  On  a  ce  fragment  écrit  de  la  main  de  Domat  avec  cette  note  :  t  Madame  Perier 
a  l'original  de  ce  billet  ».  Madame  Perier  l'a  cité  dans  la  Vie  de  son  frère. 

3.  Ce  fragment  commençait  d'abord  par  les  lignes  suivantes,  que  Pascal  a  ensuite  bar- 
rées :  e  State  super  vias...,  et  interrogate  de  semitis  antiquis...  et  ambulate  in  ets...  El 
dixerunt  :  Non  ambulabimus,  sed  post  cogilationem  nostram  ibimus.  [Jérem.  vi.  16.  Mais 
les  cinq  derniers  mots  ne  sont  pas  dans  la  Vulgate.]  Ils  ont  dit  aux  peuples  :  Venei 
avec  nous,  suivons  les  opinions  des  nouveaux  auteurs.  La  raison  sera  notre  guide; 
nous  serons  comme  les  autres  peuples,  qui  suivent  chacun  sa  lumière  naturelle.  Les 
philosophes  ont  ...  > 


àRTICLE  XXIV  107 

comme  les  prophètes  disaient  autrefois  aux  Juifs  :  Allez  au 
milieu  de  l'Eglise;  informez-vous  des  lois  que  les  anciens  lui 
ont  laissées,  et  suivez  ces  sentiers.  Ils  ont  répondu  comme  les 
Juifs  :  Nous  n'y  marcherons  pas  :  mais  nous  suivrons  les  pen- 
sées de  notre  cœur;  et  ils  ont  dit  :  Nous  serons  comme  les  au- 
tres peuples». 

42. 

Il  y  a  trois  moyens  de  croire  :  la  raison,  la  coutume,  l'inspi- 
ration V  La  religion  chrétienne,  qui  seule  a  la  raison,  n'admet 
pas  pour  ses  vrais  enfants  ceux  qui  croient  sans  inspiration  ;  ce 
n'est  pas  qu'elle  exclue  la  raison  et  la  coutume;  au  contraire, 
mais  il  faut  ouvrir  son  esprit  aux  preuves,  s'y  confirmer  par  la 
coutume ,  mais  s'offrir  par  les  humiliations  aux  inspirations, 
qui  seules  peuvent  faire  le  vrai  et  salutaire  effet  :  Ne  evacuetm 
crux  Christi*. 

43. 

Jamais  on  ne  fait  le  mal  si  pleinement,  si  gaiement,  que 
quand  on  le  fait  par  conscience. 

44. 

Les  Juifs,  qui  ont  été  appelés  à  dompter  les  nations  et  les 
rois,  ont  été  esclaves  du  péché  ;  et  les  chrétiens,  dont  la  voca- 
tion a  été  à  servir  et  à  être  sujets,  sont  les  enfants  libres  *. 

45. 
[Est-ce  courage  à  un  homme  mourant,  d'aller,  dans  la  fai- 
blesse et  dans  l'agonie,  affronter  un  Dieu  tout- puissant  et  éter- 
nel6?] 

46. 

Histoire  de  la  Chine.  —  Je  ne  crois  que  les  histoires  dont  les 
témoins  se  feraient  égorger. 

ïl  n'est  pas  question  de  voir  cela  en  gros.  Je  vous  dis  qu'il  y 
a  de  quoi  aveugler  et  de  quoi  éclairer.  Par  ce  mot  seul,  je 

t.  Et  erimus  nos  quoque  siaut  omnes  gentes.  I  Rois,  vm,  20.  C'est  ce  que  disent  les 
Juifs  quand  ils  persistent  à  vouloir  un  roi,  malgré  les  avertissements  de  Samuel. 

2.  Pascal  avait  mis  d'abord  la  révélation. 

3.  I  Cor.  i,  17  :  «  Le  Christ  m'a  envoyé  pour  prêcher  l'Evangile,  mais  non  par  la  sa- 
gesse de  la  parole,  pour  ne  pas  rendre  vaine  la  croix  du  Clirisi.  •  (Il  y  a  ut  non  évacue!  i.r 
dans  la  Vulgate.) 

4.  Voyez  Rom.    vi,  20;  rai,  14,  15,  etc. 

5.  J'enferme  cette  pensée  entre  deux  crochets,  parce  que  Pascal  l'avait  barrée.  On 
lu,  dans  1  article  ix  :  «  Rien  n'est  plus  lâche  que  de  faire  le  brave  contre  Dieu.  » 


i  08  PENSÉES  DE   PASCAL 

ruine  tous  vos  raisonnements.  Mais  la  Chine  obscurcit,  dites- 
vous;  et  je  réponds  :  La  Chine  obscurcit,  mais  il  y  a  clarté  à 
trouver;  cherchez-la.  Ainsi  tout  ce  que  vous  dites  fait  à  un  des 
desseins,  et  rien  contre  l'autre  *.  Ainsi  cela  sert,  et  ne  nuit  pas. 
Il  faut  donc  voir  cela  en  détail,  il  faut  mettre  papiers  sur 
table8. 

46  bis. 

Contre  l'histoire  de  la  Chine.  Les  historiens  de  Mexico.  Des 
cinq  soleils,  dont  le  dernier  est  il  n'y  a  que  huit  cents  ans B. 

46  ter. 

Jamais  on  ne  s'est  fait  martyriser  pour  les  miracles  qu'on 
dit  avoir  vus.  Car  ceux  que  les  Turcs  croient  par  tradition,  la 
folie  des  hommes  va  peut  être  jusqu'au  martyre ,  mais  non 
pour  ceux  qu'on  a  vus. 

47. 

Superstition  et  concupiscence.  Scrupules  :  désirs  mauvais, 
crainte  mauvaise. 

Crainte,  non  celle  qui  vient  de  ce  qu'on  croit  Dieu,  mais 
celle  qui  vient  de  ce  qu'on  doute  s'il  est  ou  non.  La  bonne 
crainte  vient  de  la  foi,  la  fausse  crainte  vient  du  doute.  La 
bonne  crainte,  jointe  à  l'espérance,  parce  qu'elle  naît  de  la  foi, 
et  qu'on  espère  au  Dieu  que  l'on  croit;  la  mauvaise,  jointe  au 
désespoir,  parce  qu'on  crai  at  le  Dieu  auquel  on  n'a  point  de 
foi.  Les  uns  craignent  de  le  perdre,  les  autres  craignent  de  le 
trouver. 

43. 

Salomon  et  Job  ont  le  mieux  connu  et  le  mieux  parlé  de  la 
misère  de  l'homme  :  l'un  le  plus  heureux,  et  l'autre  le  plus 
malheureux;  l'un  connaissant  la  vanité  des  plaisirs  par  expé- 
rience, l'autre  la  réalité  des  maux  4. 

i.  Dictionnaire  de  l'Académie  (1835),  au  mot  Faire:  «  Il  se  dit  particulièrement  Dea 
preuves,  des  raisons  qui  fortifient,  qui  confirment,  ou  qui  affaiblissent,  qui  détruisent 
une  assertion...  Ce  que  vous  dites  là  fait  pour  moi...  Voilà  qui  fait  contre  vous...  Cela  fait 
à  ma  cause.  Ce  sens  a  vieilli.  »  On  a  vu  déjà  cette  expression  dans  le  fragment  21  de 
l'article  xxm. 

2.  L'Histoire  de  la  Chine,  du  P.  Marlini  [Historiée  Sinicœ  decas  prima)  venait  de  pa- 
raître en  1658. 

3.  C'est  un  souvenir  de  Montaigne,  111,  6,  t.  iv,  p.  396. 

4.  En  titre  dans  l'autographe,  Misère. 


ARTICLE  XXIV  109 

49. 

Ezéchiel.  Tous  les  païens  disaient  du  mal  d'Israël,  et  le 
Prophète  aussi  :  et  tant  s'en  faut  que  les  Israélites  eussent 
droit  de  lui  dire  :  Vous  parlez  comme  les  païens,  qu'il  fait  sa 
plus  grande  force  sur  ce  que  les  païens  parlent  comme  lui l. 

50. 

Il  n'y  a  que  trois  sortes  de  personnes  :  les  unes  qui  servent 
Dieu,  l'ayant  trouvé;  les  autres  qui  s'emploient  à  le  chercher, 
ne  l'ayant  pas  trouvé  ;  les  autres  qui  vivent  sans  le  chercher  ni 
l'avoir  trouvé.  Les  premiers  sont  raisonnables  et  heureux;  les 
derniers  sont  fous  et  malheureux;  ceux  du  milieu  sont  mal- 
heureux et  raisonnables. 

51. 

Les  hommes  prennent  souvent  leur  imagination  pour  leur 
cœur  ;  et  ils  croient  être  convertis  dès  qu'ils  pensent  à  se  con- 
vertir. 

52 

La  raison  agit  avec  lenteur,  et  avec  tant  de  vues,  sur  tant  de 
principes,  lesquels  il  faut  qu'ils  soient  toujours  présents2,  qu'à 
toute  heure  elle  s'assoupit  et  s'égare,  manque  d'avoir  tous  ses 
principes  présents.  Le  sentiment  n'agit  pas  ainsi  :  il  agit  en  un 
instant,  et  toujours  est  prêt  à  agir.  Il  faut  donc  mettre  notre 
foi  dans  le  sentiment  :  autrement,  elle  sera  toujours  vacil- 
lante. 

53. 

L'homme  est  visiblement  fait  pour  penser;  c'est  toute  sa  di- 
gnité et  tout  son  mérite;  et  tout  son  devoir  est  de  penser 
comme  il  faut  :  et  l'ordre  de  la  pensée  est  de  commencer  par 
soi,  et  par  son  auteur  et  sa  fin.  Or  à  quoi  pense  le  monde?  Ja- 
mais à  cela;  mais  à  danser,  à  jouer  du  luth,  à  chanter,  à  faire 
des  vers,  à  courir  la  bague,  etc.,  à  se  battre,  à  se  faire  roi,  sans 
penser  à  ce  que  c'est  qu'être  roi,  et  qu'être  homme. 


1.  Je  ne  trouve  rien  dans  Ezéchiel  d'où  on  puisse  inférer  ce  que  dit  Pascal  sans  aider 
beaucoup  à  lu  lettre.  En  titre  dans  l'autographe,  Hérétiques.  Voyez  xxm,   44. 

2.  Plus  correctement,  lesquels  il  faut  qui  soient,  ou,  qu'il  faut  qui  soient. 

H  8 


110  PENSÉES  DE   PASCAL 

53  bis. 
Toute  la  dignité  de  l'homme  est  en  la  pensée.  Mais  qu'est-ce 
que  cette  pensée?  qu'elle  est  sotte  *  I 

54. 
S'il  y  a  un  Dieu,  il  ne  faut  aimer  que  lui,  et  non  les  créa- 
tures passagères.  Le  raisonnement  des  impies,  dans  la  Sagesse 
n'est  fondé  que  sur  ce  qu'il  n'y  a  point  de  Dieu.  Gela  posé, 
dit-il,  jouissons  donc  des  créatures  3.  C'est  le  pis-aller.  Mais, 
s'il  y  avait  un  Dieu  à  aimer,  il  n'aurait  pas  conclu  cela,  mais 
bien  le  contraire.  Et  c'est  la  conclusion  des  sages  :  Il  y  a  un 
Dieu,  ne  jouissons  donc  pas  des  créatures.  Donc  tout  ce  qui 
nous  incite  à  nous  attacher  aux  créatures  est  mauvais,  puisque 
cela  nous  empêche,  ou  de  servir  Dieu,  si  nous  le  connaissons, 
ou  de  le  chercher,  si  nous  l'ignorons.  Or,  nous  sommes  pleins 
de  concupiscence;  donc  nous  sommes  pleins  de  mal;  donc 
nous  devons  nous  haïr  nous-mêmes,  et  tout  ce  qui  nous  excite 
à  autre  attache  que  Dieu  seul. 

55. 

Quand  nous  voulons  penser  à  Dieu,  n'y  a-t-il  rien  qui  nous 
détourne,  nous  tente  de  penser  ailleurs?  Tout  cela  est  mau- 
vais, et  né  avec  nous 8. 

56. 

Il  est  faux  que  nous  soyons  dignes  que  les  autres  nous  ai- 
ment; il  est  injuste  que  nous  le  voulions.  Si  nous  naissions 
raisonnables,  et  indifférents,  et  connaissant  nous  et  les  autres, 
nous  ne  donnerions  point  cette  inclination  à  notre  volonté. 
Nous  naissons  pourtant  avec  elle  ;  nous  naissons  donc  injustes  : 
car  tout  tend  à  soi.  Cela  est  contre  tout  ordre  :  il  faut  tendre 
au  général  ;  et  la  pente  vers  soi  est  le  commencement  de  tout 

1.  En  titre  dans  l'autographe,  Pensée.  Pascal  avait  écrit  d'abord  :  «  Toute  la  dignité 
de  l'homme  est  en  la  pensée.  La  pensée  est  donc  une  chose  admirable  et  incomparable 
par  sa  nature.  11  fallait  qu'elle  eût  d'étranges  défauts  pour  être  méprisable.  Mais  elle  eu 
a  de  tels,  que  rien  n'est  plus  ridicule.  Qu'elle  est  grande  par  sa  nature!  qu'elle  est  basso 
par  ses  défauts!  » 

2.  Dans  le  texte,  ils  ne  nient  pas  précisément  Dieu,  mais  l'immortalité  de  l'âme  : 
«  Nous  sommes  nés  de  rien,  et  après  ce  temps  nous  serons  comme  si  nous  n'avions 
pas  été.  »  n,  1-9. 

3.  Donc  notre  nature  est  mauvaise,  donc  elle  est  déchue,  donc  il  y  a  eu  le  péché 
originel. 


ARTICLE  XXIV  111 

désordre,  en  guerre,  en  police  l,  en  économie,  dans  le  corps  par- 
ticulier de  l'homme.  La  volonté  est  donc  dépravée. 

Si  les  membres  des  communautés  naturelles  et  civiles  ten- 
dent au  bien  du  corps,  les  communautés  elles-mêmes  doivent 
tendre  à  un  autre  corps  plus  général,  dont  elles  sont  membres. 
L'on  doit  donc  tendre  au  général.  Nous  naissons  donc  injustes 
et  dépravés. 

56  bis. 

Qui  ne  hait  en  soi  son  amour-propre,  et  cet  instinct  qui  le 
porte  à  se  faire  Dieu,  est  bien  aveuglé.  Qui  ne  voit  que  rien 
n'est  si  opposé  à  la  justice  et  à  la  vérité?  Car  il  est  faux  que 
nous  méritions  cela  ;  et  il  est  injuste  et  impossible  d'y  arriver, 
puisque  tous  demandent  la  même  chose.  C'est  donc  une  ma- 
nifeste injustice  où  nous  sommes  nés,  dont  nous  ne  pouvons 
nous  défaire,  et  dont  il  faut  nous  défaire. 

Cependant  aucune  religion  n'a  remarqué  que  ce  fût  un  pé 
ché,  ni  que  nous  y  fussions  nés,  ni  que  nous  fussions  obligés 
dy  résister,  ni  n'a  pensé  à  nous  en  donner  les  remèdes. 

57. 
Guerre  intestine  de  l'homme  entre  la  raison  et  les  passions. 
S'il  n'avait  que  la  raison  sans  passions...  S'il  n'avait  que  les 
passions  sans  raison...  Mais  ayant  l'un  et  l'autre,  il  ne  peut  être 
sans  guerre,  ne  pouvant  avoir  la  paix  avec  l'un  qu'ayant  guerre 
avec  l'autre.  Aussi  il  est  toujours  divisé,  et  contraire  à  lui-même. 

57  bis. 

Si  c'est  un  aveuglement  surnaturel  de  vivre  sans  chercher 
ce  qu'on  est,  c'en  est  un  terrible  de  vivre  mal  en  croyant  Dieu 2. 

57  ter* 
Il  est  indubitable  que,  que  l'âme  soit  mortelle  ou  immor- 
telle, cela  doit  mettre  une  différence  entière  dans  la  morale  ;  et 
cependant  les  philosophes  ont  conduit  leur  morale  indépen- 
damment de  cela.  Ils  délibèrent  de  passer  une  heure.  Platon, 
pour  disposer  au  christianisme  *. 

1.  En  organisation  politique;  c'est  le  sens  que  co  mot  avait  autrefois. 

2.  Cette  pensée  s'adresse-t-elle  aux  pécheurs  en  général,  ou  plutôt  n'est-elle  pas  diri- 
gée  en  particulier  contre  ceux  qui  suivent  la  morale  relâchée  des  casuistes? 

3.  C'est-à-dire,  Platon  est  bon  pour  disposer  au  christianisme.  Platon  essaie  en  effet 
d établir  la  morale  sur  la  croyance  à  l'immortalité  de  l'âme,  à  la  fin  de  la  République  et 
du  Goryiua  * 


112  PENSÉES  DE   PASCAL 

58. 

Le  dernier  acte  est  sanglant,  quelque  belle  qt^e  soit  la  co- 
médie en  tout  le  reste.  On  jette  enfin  de  la  terre  sur  la  tête,  et 
en  voilà  pour  jamais. 

59. 

Dieu  ayant  fait  le  ciel  et  la  terre,  qui  ne  sentent  point  le 
bonheur  de  leur  être,  il  a  voulu  faire  des  êtres  qui  le  connus- 
sent, et  qui  composassent  un  corps  de  membres  pensants.  Car 
nos  membres  ne  sentent  point  le  bonheur  de  leur  union,  de 
leur  admirable  intelligence,  du  soin  que  la  nature  a  d'y  influer 
les  esprits,  et  de  les  faire  croître  et  durer  *.  Qu'ils  seraient  heu- 
reux s'ils  le  sentaient,  s'ils  le  voyaient  !  Mais  il  faudrait  pour 
cela  qu'ils  eussent  intelligence  pour  le  connaître,  et  bonne  vo- 
lonté pour  consentir  à  celle  de  l'âme  universelle.  Que  si,  ayant 
reçu  l'intelligence,  ils  s'en  servaient  à  retenir  en  eux-mêmes  la 
nourriture,  sans  la  laisser  passer  aux  autres  membres,  ils  se- 
raient non-seulement  injustes,  mais  encore  misérables,  et  se 
haïraient  plutôt  que  de  s'aimer  ;  leur  béatitude,  aussi  bien  que 
leur  devoir,  consistant  à  consentir  à  la  conduite  de  l'âme  en- 
tière à  qui  ils  appartiennent,  qui  les  aime  mieux  qu'ils  ne  s'ai- 
ment eux-mêmes2. 

59  bis. 

Être  membre,  est  n'avoir  de  vie,  d'être  et  de  mouvement  que 
par  l'esprit  du  corps  et  pour  le  corps.  Le  membre  séparé,  ne 
voyant  plus  le  corps  auquel  il  appartient,  n'a  plus  qu'un  être 
périssant  et  mourant. 

Cependant  il  croit  être  un  tout,  et  ne  se  voyant  point  de 
corps  dont  il  dépende,  il  croit  ne  dépendre  que  de  soi,  et  veut 
se  faire  centre  et  corps  lui-même.  Mais,  n'ayant  point  en  soi  de 
principe  de  vie,  il  ne  fait  que  s'égarer,  et  s'étonne  dans  l'incer- 
jtude  de  son  être,  sentant  bien  qu'il  n'est  pas  corps,  et  cepen- 
dant ne  voyant  point  qu'il  soit  membre  d'un  corps.  Enfin, 
quand  il  vient  à  se  connaître,  il  est  comme  revenu  chez  soi,  et 

1.  Infiucr  est  ici  un  verbe  actif,  d'y  faire  circuler  les  esprits.  On  croyait  alors  à  l'exis- 
tence de  ce  qu'on  appelait  les  esprits  animaux,  ou  simplement,  les  esprits,  c'est  à  dire  les 

larties  les  plus  subtiles  du  sang  qui  circulaient  dans  les  nerfs,  et  qui  étaient  les  principes 
de  la  sensibilité  et  du  mouvement  (voir  Descartes,  des  Passions,  l,  10).  Cette  bypothèse 
était  si  accréditée  et  si  populaire,  qu'elle  a  duuué  certaines  expressions  à  la  langue, 
comme,  reprendre  ses  esprits. 

2.  En  titre  dans  l'autographe,  Morale. 


ARirCLE  XXIV  113 

ne  s'aime  plus  que  pour  le  corps;  il  plaint  ses  égarements 
passés. 

Il  ne  pourrait  pas  par  sa  nature  aimer  une  autre  chose,  si- 
non pour  soi-même  et  pour  se  l'asservir,  parce  que  chaque 
chose  s'aime  plus  que  tout.  Mais  en  aimant  le  corps,  il  s'aime 
soi-même,  parce  qu'il  n'a  d'être  qu'en  lui,  par  lui  et  pour  lui  : 
qui  adhœret  Deo  tenus  spiritus  est  *. 

59  ter. 

Le  corps  aime  la  main  ;  et  la  main,  si  elle  avait  une  volonté, 
devrait  s'aimer  de  la  même  sorte  que  l'âme  l'aime.  Tout  amour 
qui  va  au  delà  est  injuste. 

Adhœrens  Deo  unus  spiritus  est.  On  s'aime,  parce  qu'on  est 
membre  de  Jésus-Christ.  On  aime  Jésus-Christ,  parce  qu'il 
est  le  corps  dont  on  est  membre.  Tout  est  un,  l'un  est  en 
l'autre,  comme  les  trois  Personnes. 

60. 

Pour  régler  l'amour  qu'on  se  doit  à  soi-même,  il  faut  s'ima- 
giner un  corps  plein  de  membres  pensants,  car  nous  sommes 
membres  du  tout,  et  voir  comment  chaque  membre  devait 
s'aimer,  etc.. 

Si  les  pieds  et  les  mains  avaient  une  volonté  particulière,  ja- 
mais ils  ne  seraient  dans  leur  ordre  qu'en  soumettant  cette  vo- 
lonté particulière  à  la  volonté  première  qui  gouverne  le  corps 
entier.  Hors  de  là»  ils  sont  dans  le  désordre  et  dans  le  malheur; 
mais  en  ne  voulant  que  le  bien  du  corps,  ils  font  leur  propre 
bien 2. 

60  bis. 

Il  faut  n'aimer  que  Dieu  et  ne  haïr  que  soi. 

Si  le  pied  avait  toujours  ignoré  qu'il  appartînt  au  corps,  et 
qu'il  y  eût  un  corps  dont  il  dépendît,  s'il  n'avait  eu  que  la  con- 
naissance et  l'amour  de  soi,  et  qu'il  vînt  à  connaître  qu'il  ap- 
partient à  un  corps  duquel  il  dépend,  quel  regret,  quelle  con- 
fusion de  sa  vie  passée,  d'avoir  été  inutile  au  corps  qui  lui  a 
influé  la  vie,  qui  l'eût  anéanti  s'il  l'eût  rejeté  et  séparé  de  soi, 

i.  Qui  autem  adhœret  domino  unus  spiritus  est.  I  Cor.  vi,  17  :  Ne  savez-vous  pas  que 
celui  qui  s'attache  à  une  courtisane,  ne  fait  qu'un  corps  »vec  elle?,,.  Et  celui  qui  s'atta- 
che à  Dieu,  ne  fait  qu'un  esprit  avec  lui.  • 

î.  En  titre  dans  l'autographe,  Membres.  Commencer  par  là. 


114  PENSÉES  DE  PASCAL 

comme  il  se  séparait  de  lui!  Quelles  prières  d'y  être  conservé! 
et  avec  quelle  soumission  se  laisserait-il  gouverner  à  la  volonté 
qui  régit  le  corps,  jusqu'à  consentir  à  être  retranché  s'il  le 
fautl  Ou  il  perdrait  sa  qualité  de  membre;  car  il  faut  que  tout 
membre  veuille  bien  périr  pour  le  corps,  qui  est  le  seul  pour 
qui  tout  est  *■ 

60  ter. 

Pour  faire  que  les  membres  soient  heureux,  il  faut  qu'ils 
aient  une  volonté,  et  qu'ils  la  conforment  au  corps. 

61. 

La  concupiscence  et  la  force  sont  les  sources  de  toutes  nos 
actions  :  la  concupiscence  fait  les  volontaires  ;  la  force ,  les 
involontaires  %. 

61  bis. 

...  Ils  croient  que  Dieu  est  seul  digne  d'être  aimé  et  admiré, 
et  ont  désiré  d'être  aimés  et  admirés  des  hommes,  et  ils  ne 
connaissent  pas  leur  corruption.  S'ils  se  sentent  pleins  de 
sentiments  pour  l'aimer  et  l'adorer,  et  qu'ils  y  trouvent  leur 
joie  principale,  qu'ils  s'estiment  bons,  à  la  bonne  heure.  Mais 
s'ils  s'y  trouvent  répugnants,  s'ils  n'ont  aucune  pente s  qu'à  se 
vouloir  établir  dans  l'estime  des  hommes,  et  que  pour  toute 
perfection  ils  fassent  seulement  que,  sans  forcer  les  hommes, 
ils  leur  fassent  trouver  leur  bonheur  à  les  aimer,  je  dirai  que 
cette  perfection  est  horrible.  Quoi!  ils  ont  connu  Dieu,  et 
n'ont  pas  désiré  uniquement  que  les  hommes  Faimassent, 
mais  que  les  hommes  s'arrêtassent  à  eux  ;  ils  ont  voulu  être 
l'objet  du  bonheur  volontaire  des  hommes  4  ! 

6-1   ter. 
Il  est  vrai  qu'il  y  a  de  la  peine  en  entrant  dans  la  piété.  Mais 
cette  peine  ne  vient  pas  de  la  piété  qui  commence  d'être  en 

1.  Epictète,  IT,  5  :  «  Si  ie  considère  le  pied,  je  dirai  que  sa  nature  est  d'être  propre, 
mais  si  ie  le  prends  comme  pied,  et  non  comme  détaché  du  reste,  ce  pourra  être  son 
devoir  d'entrer  dans  la  boue,  ou  de  marcher  sur  des  épines,  ou  même  de  se  faire  couper 
dans  l'intérêt  du  tout.  Autrement  il  ne  serait  plus  le  pied  ».  On  trouve  dans  Paul 
(I  Cor.  xn,  15)  une  image  semblable  :  «  Si  le  pied  vient  à  dire  :  Puisque  je  ne  suis 
pas  la  main,  je  ne  suis  plus  du  corps,  ne  sera-t-il  plus  du  corps  pour  cela?  etc.  » 

2.  En  titre  dans  l'autographe,  liaison  des  effets. 

3.  Dans  le  manuscrit,  s'il  n'a. 

4.  C'est  à  dire,  l'objet  donné  par  la  volonté  des  ho^^es  au  désir  de  bonheur  qui  est 
en  eux-  En  titre  dans  l'autographe,  Philosophes. 


ARTICLE  XXIV  115 

nous,  mais  de  1  impiété  qui  y  est  encore.  Si  nos  sens  ne  s'op- 
posaient pas  à  la  pénitence,  et  que  notre  corruption  ne  s'oppo- 
sait pas  à  la  pureté  de  Dieu,  il  n'y  aurait  en  cela  rien  de  pénible 
pour  nous.  Nous  ne  souffrons  qu'à  proportion  que  le  vice,  qui 
nous  est  naturel,  résiste  à  la  grâce  surnaturelle.  Notre  cœur  se 
sent  déchiré  entre  des  efforts  contraires.  Mais  il  serait  bien  in- 
juste d'imputer  cette  violence  à  Dieu  qui  nous  attire,  au  lieu 
de  l'attribuer  au  monde  qui  nous  retient.  C'est  comme  un  en- 
fant, que  sa  mère  arrache  d'entre  les  bras  des  voleurs,  doit 
aimer,  dans  la  peine  qu'il  souffre,  la  violence  amoureuse  et 
légitime  de  celle  qui  procure  sa  liberté,  et  ne  détester  que  la 
violence  impérieuse  et  tyrannique  de  ceux  qui  le  retiennent 
injustement.  La  plus  cruelle  guerre  que  Dieu  puisse  faire  aux 
hommes  en  cette  vie  est  de  les  laisser  sans  cette  guerre  qu'il 
est  venu  apporter  :  «  Je  suis  venu  apporter  la  guerre,  »  dit-il; 
et,  pour  instruire  de  cette  guerre  :  «  Je  suis  venu  apporter  le 
fer  et  le  feu.  »  Avant  lui,  le  monde  vivait  dans  cette  fausse 
paix  '. 

62. 
Dieu  ne  regarde  que  l'intérieur  :  l'Église  ne  juge  que  par 
l'extérieur.  Dieu  absout  aussitôt  qu'il  voit  la  pénitence  dans  le 
cœur;  l'Église,  quand  elle  la  voit  dans  les  œuvres.  Dieu  fera 
une  Église  pure  au  dedans,  qui  confonde  par  sa  sainteté  inté- 
rieure et  toute  spirituelle  l'impiété  intérieure  des  sages  super- 
bes et  des  pharisiens  :  et  l'Église  fera  une  assemblée  d'hommes 
dont  les  mœurs  extérieures  soient  si  pures,  qu'elles  confondent 
les  mœurs  des  païens.  S'il  y  en  a  d'hypocrites,  mais  si  bien  dé- 
guisés qu'elle  n'en  reconnaisse  pas  le  venin,  elle  les  souffre: 
car,  encore  qu  ils  ne  sont  pas  reçus  de  Dieu,  qu'ils  ne  peuvent 
tromper,  ils  le  sont  des  hommes,  qu'ils  trompent.  Et  ainsi 
elle  n'est  pas  déshonorée  par  leur  conduite,  qui  paraît  sainte. 
Mais  vous  voulez  que  l'Église  ne  juge,  ni  de  l'intérieur,  parce 
que  cela  n'appartient  qu'à  Dieu,  ni  de  l'extérieur,  parce  que 
Dieu  ne  s'arrête  qu'à  l'intérieur;  et  ainsi,  lui  ôtant  tout  choix 
des  hommes,  vous  retenez  dans  l'Église  les  plus  débordés,  et 

l.  Matlh.  x,  34  :  Nolilp  arbitrari  quia  pacem  vpncrim  miftern  in  terram  :  non  veni pacem 
mittere  sed  qladium.  Et  Luc,  xu,  49  ;  Ignem  veni  mittere  in  terram,  et  quid  volo  ?iisi  ut 
accendaiurs 


116  T>F.N?ÉES  uE  PASCAL» 

ceux  qui  la  déshonorent  si  fort,  que  les  synagogues  des  Juifs 
et  des  sectes  des  philosophes  les  auraient  exilés  comme  indi- 
gnes, et  les  auraient  abhorrés  comme  impies  K 

63. 
La  loi  n'a  pas  détruit  la  nature  ;  mais  elle  l'a  instruite  :  la 
grâce  n'a  pas  détruit  la  loi;  mais  elle  Ta  fait  exercer  2.  La  foi 
reçue  au  baptême  est  la  source  de  toute  la  vie  des  chrétiens  et 
des  convertis. 

63  bis. 

On  se  fait  une  idole  de  la  vérité  même  ;  car  la  vérité  hors  de 
la  charité  n'est  pas  Dieu,  et  est  son  image  et  une  idole,  qu'il 
ne  faut  point  aimer  ni  adorer,  et  encore  moins  faut-il  aimer 
ou  adorer  son  contraire,  qui  est  le  mensonge. 

63  ter. 
Je  puis  bien  aimer  l'obscurité  totale;  mais  si  Dieu  m'engage 
dans  un  état  à  demi  obscur,  ce  peu  d'obscurité  qui  y  est  me 
déplait;  et,  parce  que  je  n'y  vois  pas  le  mérite  d'une  entière 
obscurité,  il  ne  me  plaît  pas.  C'est  un  défaut,  et  une  marque 
que  je  me  fais  une  idole  de  l'obscurité,  séparée  de  l'ordre  de 
Dieu.  Or  il  ne  faut  adorer  que  son  ordre. 

64. 

Tous  les  grands  divertissements  sont  dangereux  pour  la  vie 
chrétienne  ;  mais,  entre  tous  ceux  que  le  monde  a  inventés,  il 
n'y  en  a  point  qui  soit  plus  à  craindre  que  la  comédie 3.  C'est 
une  représentation  si  naturelle  et  si  délicate  des  passions, 
qu'elle  les  émeut  et  les  fait  naître  dans  notre  cœur,  et  surtout 
celle  de  l'amour  :  principalement  lorsqu'on  le  représente  fort 
chaste  et  fort  honnête.  Car,  plus  il  paraît  innocent  aux  âmes  in- 
nocentes, plus  elles  sont  capables  d'en  être  touchées.  Sa  vio- 
lence plaît  à  notre  amour-propre,  qui  forme  aussitôt  un  désir 
de  causer  les  mêmes  effets  que  l'on  voit  si  bien  représentés; 
et  l'on  se  fait  en  même  temps  une  conscience  fondée  sur  l'hon- 
nêteté des  sentiments  qu'on  y  voit,  qui    ôtent  la  crainte  des 

i.  En  titre  dan9  l'autographe,  Sur  les  confessions  et  absolutions  sans  marques  de  regret. 

1.  Voyez  Rom.  m,  31,  etc. 

'4.  Voir  le  fragment  31  de  l'article  vi 


ARTICLE  XXIV  117 

âmes  pures,  qui  s'imaginent  que  ce  n'est  pas  blesser  la  pu- 
reté, d'aimer  d'un  amour  qui  leur  semble  si  sage.  Ainsi,  l'on 
s'en  va  de  la  comédie  le  cœur  si  rempli  de  toutes  les  beautés 
et  de  toutes  les  douceurs  de  l'amour,  et  l'âme  et  l'esprit  si  per- 
suadés de  son  innocence,  qu'on  est  tout  préparé  à  recevoir  ses 
premières  impressions,  ou  plutôt  à  chercher  l'occasion  de  les 
faire  naître  dans  le  cœur  de  quelqu'un  ,  pour  recevoir  les 
mêmes  plaisirs  et  les  mêmes  sacrifices  que  l'on  a  vus  si  bien 
dépeints  dans  la  comédie. 

65. 

...  Les  opinions  relâchées  plaisent  tant  aux  hommes,  qu'il 
est  étrange  que  les  leurs  déplaisent.  C'est  qu'ils  ont  excédé 
toute  borne.  Et,  de  plus,  il  y  a  bLen  des  gens  qui  voient  le 
vrai,  et  qui  n'y  peuvent  atteindre.  Mais  il  y  en  a  peu  qui  ne 
sachent  que  la  pureté  de  la  religion  est  contraire  à  nos  corrup- 
tions. Ridicule  de  dire  qu'une  récompense  éternelle  est  offerte 
à  des  mœurs  escobartines1. 

66. 

Le  silence  est  la  plus  grande  persécution  :  jamais  les  saints 
ne  se  sont  tus.  Il  est  vrai  qu'il  faut  vocation,  mais  ce  n'est  pas 
des  arrêts  du  Conseil  qu'il  faut  apprendre  si  on  est  appelé, 
c'est  de  la  nécessité  de  parler.  Or,  après  que  Rome  a  parlé, 
et  qu'on  pense  quïl  a  condamné  la  vérité  %  et  qu'ils  l'ont 
écrit 3,  et  que  les  livres  qui  ont  dit  le  contraire  sont  censurés, 
il  faut  crier  d'autant  plus  haut  qu'on  est  censuré  plus  injuste- 
ment, et  qu'on  veut  étouffer  la  parole  plus  violemment,  jus- 
qu'à ce  qu'il  vienne  un  pape  qui  écoute  les  deux  parties,  et  qui 
consulte  l'antiquité  pour  faire  justice  *.  Aussi,  les  bons  papes 
trouveront  encore  l'Église  en  clameurs. 

...  L'Inquisition  et  la  Société,  les  deux  fléaux  de  la  vérité5. 

...  Que  ne  les  accusez-vous  d'arianisme?  Car  s'ils  ont  dit  que 

1.  Conformes  aux  principes  équivoques  d'Escobar.  Sur  Escobar,  voir  les  Provinciales 
et  particulièrement  les  cinquième  et  sixième.  En  titre  dans  l'autographe,  Montnlte.  Voye2 
la  note  sur  vu,  17  bis. 

1.  Qu'on  pen-e  généralement,  que  le  gros  du  monde  pense.  Qu'il  a  condamné,  c'est- 
à-dire  le  pape. 

3.  Les  Jésuites. 

4.  L'antiquité,  c'est-à-dire  la  tradition  de  saint  Augustin  et  des  Pères. 

5.  La  Société  est  l'abréviation  usitée  pour  la  Société  de  Jésus.  L'Inquisition  est  le  tri- 
bunal pontifical  appelé  Congrégation  de  l'Inquisition  ou  de  l'Index. 


HS  PENSÉES  DE  PASCAL 

Jésus-Christ  est  Dieu,  peut-être  ils  l'entendent,  non  par  na- 
ture, mais  comme  il  est  dit,  DU  estis  K 

66  bis. 

Si  mes  Lettres  sont  condamnées  à  Rome,  ce  que  j'y  con- 
damne est  condamné  dans  le  ciel  :  Ad  tuum,  Domine  Jesu,  tri- 
bunal appello  2. 

...  Vous-même  êtes  corruptible8. 

...  J'ai  craint  que  je  n'eusse  mal  écrit,  me  voyant  condamné, 
mais  l'exemple  de  tant  de  pieux  écrits  me  fait  croire  au  con- 
traire. Il  n'est  plus  permis  de  bien  écrire,  tant  l'Inquisition  est 
corrompue  ou  ignorante! 

...  Il  est  meilleur  d'obéir  à  Dieu  qu'aux  hommes4. 

...  Je  ne  crains  rien,  je  n'espère  rien.  Les  évoques  ne  sont 
pas  ainsi.  Le  Port-Royal  craint,  et  c'est  une  mauvaise  politi- 
que de  les  séparer,  car  ils  ne  craindront  plus  et  se  feront  plus 
craindre.  Je  ne  crains  pas  même  vos  censures  pareilles  B,  si 
elles  ne  sont  fondées  sur  celles  de  la  tradition.  Censurez-vous 
tout?  Quoi!  même  mon  respect?  Non.  Donc  dites  quoi,  ou 
vous  ne  ferez  rien,  si  vous  ne  désignez  le  mal,  et  pourquoi  il 
est  mal.  Et  c'est  ce  qu'ils  auront  bien  peine  à  faire  6. 

67. 

La  machine  d'arithmétique7  fait  des  etfets  qui  approchent 
plus  de  la  pensée  que  tout  ce  que  font  les  animaux  ;  mais  elle 
ne  fait  rien  qui  puisse  faire  dire  qu'elle  a  de  la  volonté,  comme 
les  animaux. 

68. 

Certains  auteurs,  parlant  de  leurs  ouvrages,  disent  :  Mon 

1.  Ps.  lxxxi,  6,  paroles  de  Dieu  aux  grands  de  la  terre  :  c  Vous  êtes  des  dieux,  mais 
tous  mourrez  comme  des  hommes.  >  Pascal  veut  dire  :  Que  n'accusez-vous  aussi  bien 
les  jansénistes  d'arianisme?  Il  est  vrai  qu'ils  professent  que  Jésus-Christ  est  Dieu,  mai9 
peut-être  qu'ils  ne  l'entendent  que  par  figure! 

2.  Je  ne  sais  si  ce  latin  est  pris  d'ailleurs.  Le3  Provinciales  avaient  été  condamnées  i 
Rome  le  6  septembre  1657. 

3.  Ces  mots  hardis  s'adressent  sans  doute  à  la  papauté  el'e-même. 

4.  C'est  la  réponse  de  Pierre  et  des  siens  au  Conseil  de  Jérusalem,  qui  leur  défend  da 
prêcher  au  nom  de  Jésus  :  Obcdire  oporicl  Dco  mayis  quam  hominibus.  Act.  des  Ap.  v,  29. 

5.  Allusion  sans  doute  à  une  certaine  censure  en  particulier. 

6.  Voyez  la  dix-septième  Provinciale  :  a  Jo  n'espère  rien  du  inonde,  je  n'en  appréhende 
rien,  je  n'en  veux  non  ;  je  n'ai  besoin,  par  la  grâce  de  Dieu,  ni  du  bien,  ni  de  l'autorité 
de  personne.  Ain^i,  mon  Père,  j'échappe  à  toutes  vos  prises.  Vous  ne  me  sauriez  pren- 
dre, de  quelque  côté  que  vous  le  tentiez.  Vous  pouvez  bien  toucher  le  Port-Royal,  mai* 
non  pas  moi,  etc.  » 

7.  Voir  la  Vie  de  Tascal,  pages  lxvii  et  lxviii  de  l'Introduction. 


ARTICLE  XXIV  119 

livre,  mon  commentaire,  mou  histoire,  etc.  Ils  sentent  leurs 
bourgeois  qui  ont  pignon  sur  rue,  et  toujours  «  chez  moi  » 
à  la  bouche.  Ils  feraient  mieux  de  dire  :  Notre  livre,  notre 
commentaire,  notre  histoire,  etc.,  vu  que  d'ordinaire  il  y  a 
plus  en  cela  du  bien  d'autrui  que  du  leur. 

69. 

J'aime  la  pauvreté,  parce  qu'il  Ta  aimée  '.  J'aime  les  biens, 
parce  qu'ils  donnent  le  moyen  d'en  assister  les  misérables.  Je 
garde  fidélité  à  tout  le  monde.  Je  [ne]  rends  pas  le  mal  à  ceux 
qui  m'en  font;  mais  je  leur  souhaite  une  condition  pareille  à 
la  mienne,  où  l'on  ne  reçoit  pas  de  mal  ni  de  bien  de  la  part 
des  hommes.  J'essaye  d'ôtre  juste,  véritable,  sincère  et  fidèle  à 
tous  les  hommes,  et  j'ai  une  tendresse  de  cœur  pour  ceux  à 
qui  Dieu  m'a  uni  plus  étroitement...  et  soit  que  je  sois  seul, 
ou  à  la  vue  des  hommes,  j'ai  en  toutes  mes  actions  la  vue  de 
Dieu  qui  les  doit  juger,  et  à  qui  je  les  ai  toutes  consacrées. 
Voilà  quels  sont  mes  sentiments  ;  et  je  bénis  tous  les  jours  de 
ma  vie  mon  Rédempteur  qui  les  a  mis  en  moi,  et  qui,  d'un 
homme  plein  de  faiblesses,  de  misères,  de  concupiscence,  d'or- 
gueil et  d'ambition,  a  fait  un  homme  exempt  de  tous  ces  maux 
par  la  force  de  sa  grâce,  à  laquelle  toute  la  gloire  en  est  due, 
n'ayant  de  moi  que  la  misère  et  l'erreur a. 

70. 

La  nature  a  des  perfections,  pour  montrer  qu'elle  est  l'image 
de  Dieu  ;  et  des  défauts,  pour  montrer  qu'elle  n'en  est  que 
l'image. 

71. 

Les  hommes  sont  si  nécessairement  fous,  que  ce  serait  êtra 
fou  par  un  autre  tour  de  folie,  de  n'être  pas  fou. 

72. 
Otez  la  probabilité ,  on  ne  peut  plus  plaire  au  monde  ;  met- 
tez la  probabilité,  on  ne  peut  plus  lui  déplaire. 

1.  Ce  morceau  commençait  d'abord  par  cette  ligne  que  Pascal  a  effacée  :  «  J'aime  tous 
les  hommes  comme  mes  frères  parce  qu'ils  sont  tous  rachetés  :  >  Voyez  la  Vie  de  Pascal, 
page  lxxxvi. 

2.  •  Nemo  de  suo  habet  nisi  mendacium  et  veccatum,  personne  n'a  de  soi-même  que 
mensonge  et  péché,  a  dit  le  deuxième  concile  d'Orange.  »  Note  de  M.  Sainte-Beuve  dans 
son  Port-Royal,  t.  n,  p.  158,  première  édition. 


j  20  PENSÉES  DE  PASCAL 

73. 

L'ardeur  des  saints  à  chercher  le  vrai  était,  inutile,  si  le  pro- 
bable est  sûr. 

74. 

Pour  faire  d'un  homme  un  saint,  il  faut  bien  que  ce  soit  la 
grâce;  et  qui  en  doute,  ne  sait  ce  que  c'est  que  saint  et 
qu'homme. 

75. 

On  aime  la  sûreté.  On  aime  que  le  pape  soit  infaillible  en  la 
foi,  et  que  les  docteurs  graves  le  soient  dans  les  mœurs,  afin 
d'avoir  son  assurance. 

76. 

Il  ne  faut  pas  juger  de  ce  qu'est  le  pape  par  quelques  paroles 
des  Pères,  comme  disaient  les  Grecs  dans  un  concile,  règles 
importantes,  mais  par  les  actions  de  l'Église  et  des  Pères,  et 
par  les  canons. 

77. 

Le  pape  est  premier.  Quel  autre  est  connu  de  tous  ?  Quel  au- 
tre est  reconnu  de  tous?  ayant  pouvoir  d'insinuer  dans  tout  le 
corps,  parce  qu'il  tient  la  maîtresse  branche,  qui  s'insinue  par- 
tout? Qu'il  était  aisé  de  faire  dégénérer  cela  en  tyrannie  !  C'est 
pourquoi  Jésus-Christ  leur  a  posé  ce  précepte  :  Vos  autem 
non  sic*. 

L'unité  et  la  multitude8  :  Duo  aut  très  in  unum 8.  Erreur  à  ex- 
clure l'une  des  deux,  comme  font  les  papistes  qui  excluent  la 
multitude,  ou  les  huguenots  qui  excluent  l'imité. 

78. 
Il  y  a  hérésie  à  expliquer  toujours  omnes  de  tous,  et  hérésie 
à  ne  le  pas  expliquer  quelquefois  de  tous.  Bibite  ex  hoc  om- 
nes *  :  les  huguenots,  hérétiques,  en  l'expliquant  de  tous 5.  In 

1.  Luc,  xxn,  26  :  «  Les  disciples  contestant  entre  eux  sur  la  primauté,  Jésus  leur 
dit  :«  Les  rois  des  nations  commandent  en  maîtres.  Qu'il  n'en  soit  pas  ainsi  parmi  vous . 
mais  que  celui  qui  est  le  plus  grand  devienne  comme  le  plus  petit,  et  celui  qui  com- 
mande comme  celui  qui  sert.  » 

2.  Cela  sera  expliqué  au  fragment  84. 

3.  Ces  paroles  ne  se  trouvent  nulle  part  textuellement  dans  l'Ecriture. 

4.  «  Buvez-en  tous,  car  ceci  est  mon  sang.  >  AJatlh.  xxvi,  11. 

5.  Car,  suivant  la  doctrine  de  l'Eglise,  il  n'y  a  que  ceux  qui  sont  en  état  de  grâce  qui 
doivent  boire  le  sang  de  Jésus-Christ  dans  la  communion. 


ARTin.E  XXIV  1  ^?i 

guo  omnes  peccaverunt l  :  les  huguenots,  hérétiques,  en  excep- 
tant les  enfants  des  fidèles1.  Il  faut  donc  suivre  les  Pères  et  la 
tradition  pour  savoir  quand,  puisqu'il  y  a  hérésie  à  craindre 
de  part  et  d'autre. 

79. 

Tout  nous  peut  être  mortel,  même  les  choses  faites  pour 
nous  servir;  comme,  dans  la  nature,  les  murailles  peuvent 
nous  tuer,  et  les  degrés  nous  tuer,  si  nous  n'allons  avec  jus- 
tesse. 

Le  moindre  mouvement  importe  à  toute  la  nature;  la  mer 
entière  change  pour  une  pierre.  Ainsi,  dans  la  grâce,  la  moin- 
dre action  importe  pour  ses  suites  à  tout.  Donc  tout  est  im- 
portant. 

En  chaque  action,  il  faut  regarder,  outre  l'action,  notre  état 
présent,  passé,  futur,  et  des  autres  à  qui  elle  importe 3,  et  voir 
les  liaisons  de  toutes  ces  choses.  Et  lors  on  sera  bien  retenu. 

80. 
Tous  les  hommes  se  haïssent  naturellement  l'un  l'autre.  On 
s'est  servi  comme  on  a  pu  de  la  concupiscence  pour  la  faire 
servir  au  bien  public.  Mais  ce  n'est  que  feinte,  et  une  fausse 
image  de  la  charité  ;  car,  au  fond,  ce  n'est  que  haine, 

80  bis. 
Les  raisons  des  effets  marquent  la  grandeur  de  l'homme, 
d'avoir  tiré  de  la  concupiscence  un  si  bel  ordre4. 

80  ter. 
Grandeur  de  l'homme  dans  sa  concupiscence  même,  d'en 
avoir  su  tirer  un  règlement  admirable,  et  en  avoir  fait  un  ta- 
bleau de  la  charité. 

81. 
...  Mais  duns  le  fond,  ce  vilain  fond  de  lhomme,  ce  figmen- 
tum  malum,  n'est  que  couvert;  il  n'est  pas  ôté  5. 

1.  Rom.  v,  12  :  «  De  même  que  le  péché  est  entré  dans  le  monde   par  an  homme,  en 
qui  tous  ont  péché,  » 

2.  Voir  une  longue  dissussion  sur  ce  passage  de  saint  Paul  dans  Bossuet,  Défense  de 
la  tradition  et  des  saints  Pères,  livre  VI,  chapitre  xn  et  suivants. 

3.  Et  l'état  présent,  passé,  futur,  des  autres  personnes  à  qui  elle  importe. 

4.  En  titre,  Grandeur.  Sur  les  raisons  des  effets,  voir  v,  2,  etc. 

5.  On  lit  au  psaume  en,  14  :  «   Dieu  sait  bien  de  quelle  matière  nous  sommes  faits 
quoniam  ipse  cognocit  ûgmentum  nostrum.  »  Voyez  le  fragment  vi,  20. 


122 


PENSEES   DE  PASCAL 


81  bis. 
[Si  on  veut  dire  que  l'homme  est  trop  peu  pour  mériter  la 
communication  avec  Dieu,  il  faut  être  bien  grand  pour  en 
juger  *.] 

82. 

L'homme  n'est  pas  digne  de  Dieu,  mais  il  n'est  pas  inca- 
pable d'en  être  rendu  digne. 

Il  est  indigne  de  Dieu  de  se  joindre  à  l'homme  misérable  ; 
mais  il  n'est  pas  indigne  de  Dieu  de  le  tirer  de  sa  misère. 

83. 

...  Les  malheureux,  qui  m'ont  obligé  de  parler  du  fond  de  la 
religion!...  Des  pécheurs  purifiés  sans  pénitence,  des  justes 
justifiés  sans  charité,  tous  les  chrétiens  sans  la  grâce  de  Jésus- 
Christ,  Dieu  sans  pouvoir  sur  la  volonté  des  hommes,  une 
prédestination  sans  mystère,  une  Rédemption  sans  certitude! 

83  bis. 

...  Ces  malheureux,  qui  nous  ont  obligé  de  parler  des  mi- 
racles ! 

84. 

Unité,  multitude.  En  considérant  l'Eglise  comme  unité,  le 
pape,  qui  en  est  le  chef,  est  comme  tout.  En  la  considérant  comme 
multitude,  le  pape  n'en  est  qu'une  partie.  Les  Pères  l'ont  con- 
sidérée, tantôt  en  une  manière,  tantôt  en  l'autre.  Et  ainsi  ont 
parlé  diversement  du  pape.  Saint  Gyprien  :  Sacerdos  Dei  2. 
Mais  en  établissant  une  de  ces  deux  vérités,  ils  n'ont  pas  exclu 
l'autre.  La  multitude  qui  ne  se  réduit  pas  à  l'unité  est  confu- 
sion, l'unité  qui  ne  dépend  pas  de  la  multitude  est  tyrannie. 
Il  n'y  a  presque  plus  que  la  France  où  il  soit  permis  de  dire 
que  le  concile  est  au-dessus  du  pape  *. 

85. 

Dieu  ne  fait  point  de  miracles  dans  la  conduite  ordinaire  de 
son  Église.  C'en  serait  un  étrange,  si  l'infaillibilité  était  dans 
an;  mais  d'être  dans  la  multitude,  cela  paraît  si  naturel,  que  la 

1.  Ce  fragment  avait  été  barré  par  Pascal.  Voyez  le  fragment  xii,  20. 

2.  Je  ne  puis  dire  d'où  sont  pris  ces  mots. 

3.  En  titre  dans  l'autographe  :  Eglise,  Pape. 


ARTTCT.B  XXTV  123 

conduite  de  Dieu  est  cachée  sous  la  nature,  c  mine  en  tous  ses 
autres  ouvrages. 

86. 
Sur  ce  que  la  religion  chrétienne  n'est  pas  unique.  —  Tant  s'en 
faut  que  ce  soit  une  raison  qui  fasse  croire  qu'elle  n'est  pas  la 
véritable,  qu'au  contraire,  c'est  ce  qui  fait  voir  qu'elle  Test*. 

87. 

L'éloquence  est  un  art  de  dire  les  choses  de  telle  façon, 
1°  que  ceux  à  qui  l'on  parle  puissent  les  entendre  sans  peine, 
et  avec  plaisir  ;  2°  qu'ils  s'y  sentent  intéressés,  en  sorte  que  l'a- 
mour-propre  les  porte  plus  volontiers  à  y  faire  réflexion.  Elle 
consiste  donc  dans  une  correspondance  qu'on  tâche  d'établir 
entre  l'esprit  et  le  cœur  de  ceux  à  qui  l'on  parle  d'un  côté,  et 
de  l'autre  les  pensées  et  les  expressions  dont  on  se  sert;  ce 
qui  suppose  qu'on  aura  bien  étudié  le  cœur  de  l'homme, 
pour  en  savoir  tous  les  ressorts,  et  pour  trouver  ensuite  les 
justes  proportions  du  discours  qu'on  veut  y  assortir.  Il  faut 
se  mettre  à  la  place  de  ceux  qui  doivent  nous  entendre,  et 
faire  essai  sur  son  propre  cœur  du  tour  qu'on  donne  à  son  dis- 
cours, pour  voir  si  l'un  est  fait  pour  l'autre,  et  si  l'on  peut  s'as- 
surer que  l'auditeur  sera  comme  forcé  de  se  rendre.  Il  faut  se 
renfermer,  le  plus  qu'il  est  possible,  dans  le  simple  naturel  ; 
ne  pas  faire  grand  ce  qui  est  petit  ni  petit  ce  qui  est  grand. 
Ce  n'est  pas  assez  qu'une  chose  soit  belle,  il  faut  qu'elle 
soit  propre  au  sujet,  qu'il  n'y  ait  rien  de  trop  ni  rien  de  man- 
ipie. 

87  bis. 
L'éloquence  est  une  peinture  de  la  pensée;  et  ainsi  ceux  qui, 
après  avoir  peint,  ajoutent  encore,  font  un  tableau,  au  lieu  d'un 
portrait  *. 

{.  Parce  qu'elle-même  enseigne  qu'il  y  aura  toujours  des  croyances  contraires  :  opor- 
tet  et  hœreses  esse.  [I  Cor.  xi,  19). 

2.  Méré,  Discours  de  la  Conversation,  p.  59  :  «  On  compare  souvent  l'éloquence  à  la 
peintuv  ;  et  je  crois  que  la  piupart  des  choses  qui  se  disent  dans  le  monde  sont  comme 
autant  de  petits  portraits,  qu'où  regarde  à  part  et  sans  rapport,  et  qui  n'ont  rien  à  se 
demander.  On  n'a  pas  le  temps  de  faire  de  ces  grands  tableaux,  etc.  »  Cette  pensée  n'est 
pas  la  même  que  celle  de  Pascal,  qui  est  que  l'éloquence  doit  être  le  portrait  exact  de  la 
peusée,  et  non  un  tableau  d'imagination.  Mais  Pascal  a  peut-être  pris  à  Méré  l'idée  de 
cette  comparaison  entre  l'éloquence  et  la  peinture,  et  ces  expressions  de  tableau  et  de 
portrait. 


Î24  PENSÉES  DE  PASCAL 

88. 
S'il  ne  fallait  rien  faire  que  pour  le  certain,  on  ne  devrait 
nen  faire  pour  la  religion;  car  elle  n'est  pas  certaine.  Mais 
combien  de  choses  fait- on  pour  l'incertain,  les  voyages  sur 
mer,  les  batailles  !  Je  dis  donc  qu'il  ne  faudrait  rien  faire  du 
tout,  car  rien  n'est  certain;  et  qu'il  y  a  plus  de  certitude  à  la 
religion,  que  non  pas  que  nous  voyions  le  jour  de  demain  :  car 
il  n'est  pas  certain  que  nous  voyions  demain,  mais  il  est  certai- 
nement possible  que  nous  ne  le  voyions  pas.  On  n'en  peut  pas 
dire  autant  de  la  religion.  Il  n'est  pas  certain  qu'elle  soit;  mais 
qui  osera  dire  qu'il  est  certainement  possible  qu'elle  ne  soit 
pas?  Or,  quand  on  travaille  pour  demain,  et  pour  l'incertain, 
on  agit  avec  raison.  Car  on  doit  travailler  pour  l'incertain,  par 
la  règle  des  partis  qui  est  démontrée  *. 

89. 

La  nature  de  l'homme  n'est  pas  d'aller  toujours,  elle  a  ses 
allées  et  venues.  La  fièvre  a  ses  frissons  et  ses  ardeurs,  et  le 
froid  montre  aussi  bien  la  grandeur  de  l'ardeur  de  la  fièvre  que 
le  chaud  même.  Les  inventions  des  hommes  de  siècle  en  siècle 
vont  de  même.  La  bonté  et  la  malice  du  monde  en  général  en 
est  de  même  :  Plerumgue  gratœ  principibus  vices  '• 

89  bis. 

La  nature  agit  par  progrès,  itus  et  reditus*.  Elle  passe  et  re- 
vient, puis  va  plus  loin,  puis  deux  fois  moins,  puis  plus  que 
jamais,  etc.  Le  flux  de  la  mer  se  fait  ainsi;  le  soleil  semble 
marcher  ainsi  4. 

go: 

H  faut  avoir  une  pensée  de  derrière,  et  juger  de  tout  par  là, 
en  parlant  cependant  comme  le  peuple 6. 

90  bis. 

J'aurai  aussi  mes  pensées  de  derrière  la  tête. 


1.  Voir  le  fragment  v,  9  bis. 

2.  Horace,  Od.  Ill,xxix,  13  :  «  Les  grands  se  plaisent  à  essayer  tour  à  tour  des  con- 
traires. >  Le  texte  dit,  les  riches,  diuitibus. 

3.  Je  ne  sais  si  ce  latin  est  pris  d'ailleurs. 

4.  Ces  mots  sont  suivis  dans  le  manuscrit  d'un  zigzag,  pour  figurer  cette  marche  appa- 
rente du  soleil. 

5.  En  titre  dans  l'autographe,  liaison  des  effets.  Voyez  v,  t. 


ARTICLE  XXIV  125 

91. 

La  force  est  la  reine  du  monde,  et  non  pas  l'opinion:  mais 
l'opinion  est  celle  qui  use  de  la  force. 

C'est  la  force  qui  fait  l'opinion.  La  mollesse  est  belle,  selon 
notre  opinion.  Pourquoi?  Parce  que  qui  voudra  danser  sur  la 
corde  sera  seul  ;  et  je  ferai  une  cabale  plus  forte,  de  gens  qui 
diront  que  cela  n'est  pas  séant  i. 

92. 

[Hasard  donne  les  pensées,  et  hasard  les  ôte;  point  d'art 
pour  conserver  ni  pour  acquérir  2.] 

93. 

Est  fait  prêtre  qui  veut  l'être,  comme  sous  Jéroboam 8.  C'est 
une  chose  horrible  qu'on  nous  propose  la  discipline  de  l'Église 
d'aujourd'hui  pour  tellement  bonne,  qu'on  fait  un  crime  de  la 
vouloir  changer.  Autrefois  elle  était  bonne  infailliblement,  et 
on  trouve  qu'on  a  pu  la  changer  sans  péché;  et  maintenant, 
telle  qu'elle  est,  on  ne  la  pourra  souhaiter  changée  !  Il  a  bien 
été  permis  de  changer  la  coutume  de  ne  faire  des  prêtres  qu'a- 
vec tant  de  circonspection,  qu'il  n'y  en  avait  presque  point  qui 
en  fussent  dignes  ;  et  il  ne  sera  pas  permis  de  se  plaindre  de  la 
coutume,  qui  en  fait  tant  d'indignes! 

94. 
On  ne  consulte  que  l'oreille,  parce  qu'on  manque  de  cœur. 
La  règle  est  l'honnêteté  \ 

95. 
Il  faut,  en  tout  dialogue  et  discours,  qu'on  puisse  dire  à  ceux 
qui  s'en  offensent  :  De  quoi  vous  plaignez- vous? 

96. 

Les  enfants  qui  s'effrayent  du  visage  qu'ils  ont  barbouillé, 

i.  Voir  Epiclète,  III,  12. 

1.  Pascal  avait  barré  ce  fragment. 

3.  III  Rois,  xu,  31  :  «  Et  il  prit  des  prêtres  dans  les  derniers  du  peuple,  qui  n'étaient 
pas  des  enfants  de  Lévi.  > 

4.  Cette  phrase  se  trouve  parmi  des  notes  qui  se  rapportent  aux  Provinciales .  Il  est  à 
croire  que  les  Jésuites  avaient  relevé  dans  ces  fameuses  lettres  quelques  phrases  dures 
et  désagréables  à  l'oreille,  et  Pascal  répond  dédaigneusement  que  ceux  qui  s'attachent  à 
ces  minuties,  et  qui  mesurent  par  là  l'éloquence,  sont  des  gens  qui  ne  sentent  rien.  Je  ne 
connais  pas  ces  anciennes  réponses  aux  Provinciales;  mais  le  P.  Daniel,  qui  les  a  fon- 
dues sans  doute  dans  ses  Entretiens  de  Cléandre  et  d'Eudoxe,  en  1694,  signale,  dans  son 
quatrième  Entretien,  une  phrase  de  la  première  Lettre  où  il  y  a  (rois  qu'il  tout  de  suite 
qui  sont  lien  rudes.  Voyez  le  fragment  vu,  21.  a 

II.  J 


526  PENSÉES  DE  PASCAL 

ce  sont  des  enfants  ;  mais  le  moyen  que  ce  qui  est  si  faible  étant 
enfant,  soit  bien  fort  étant  plus  âgé  !  On  ne  fait  que  changer  da 
fantaisie  â. 

Tout  ce  qui  se  perfectionne  par  progrès  périt  aussi  par  pro- 
grès. Tout  ce  quia  été  faible  ne  peut  jamais  être  absolument 
fort.  On  a  beau  dire,  Il  est  cru,  il  est  changé.  Il  est  aussi  le 
même. 

97. 

Incompréhensible  que  Dieu  soit,  et  incompréhensible  qu'il 
ne  soit  pas;  que  l'âme  soit  avec  le  corps,  que  nous  n'ayons  pas 
d'âme  ;  que  le  monde  soit  créé,  qu'il  ne  le  soit  pas,  etc.  ;  que 
le  péché  originel  soit,  et  qu'il  ne  soit  pas. 

98. 

Les  athées  doivent  dire  des  choses  parfaitement  claires;  or 
il  n'est  point  parfaitement  clair  que  l'âme  soit  matérielle. 

99. 

Incrédules,  les  plus  crédules.  Ils  croient  les  miracles  de  Ves- 
pasian,  pour  ne  pas  croire  ceux  de  Moïse  \ 

100. 
Écrire  contre  ceux  qui  approfondissent  trop  les  sciences. 
Descartes. 

100  bis. 
[Il  faut  dire  en  gros  :  Gela  se  fait  par  figure  et  mouvement, 
car  cela  est  vrai.  Mais  de  dire  quelles,  et  composer  la  machine, 
cela  est  ridicule;  car  cela  est  inutile,  et  incertain  et  pénible. 
Et  quand  cela  serait  vrai,  nous  n'estimons  pas  que  toute  la 
philosophie  vaille  une  heure  de  peine8.] 

100  ter. 

Descartes  inutile  et  incertain. 

4.  On  a  vu  déjà  cette  image,  que  Pascal  a  empruntée  à  Montaigne  et  Montaigne  à 
Sénèque.  Sénèque  ajoute,  comme  Pascal,  que  les  hommes  sont  encore  des  enfants  :  Hoc 
nobis  quoque  majusculis  pueris  avertit.  —  Voyez  iv,  2,  vers  la  fin. 

2.  Voyez  Tacite.  11  ra:onle  (Hist.  IV,  81)  comment  Vcspasien  guérit  à  la  fois  dans 
Alexandrie,  sur  leur  demande,  un  paralytique  et  un  aveugle,  en  mouillant  de  sa  salive 
les  yeux  de  l'aveugle,  et  foulaut,  sous  son  pied  ta  main  du  paralytique.  11  ajoute  :  «  Ces 
deux  prodiges,  des  témoins  oculaires  les  attestent  encore  aujourd'hui,  qu'il  n'y  a  plus  rien 
à  gagner  à  mentir,  n    Voir  aussi  Suétone  et  Josèphe. 

3.  En  titre  dans  l'autographe,  Descarfts.  Cette  pensée  est  barrée 


REMARQUES  SUR   L'ARTICLE  XXIV  127 

toi. 

Athéisme,  marque  de  force  d'esprit,  mais  jusqu'à  un  certain 
degré  seulement  *. 


REMARQUES    SUR    L'ARTICLE    XXIV 

Fragment  2.  —  «  C'est  un  point  se  mouvant  partout  d'une  vitesse 
infinie.  » 

Mais  il  n'y  a  pas  de  point  réel  ;  ni  de  vitesse  réelle  qui  soit  infinie  ; 
ni  rien  de  réel  qui  puisse  se  mouvoir  d'un  même  mouvement  partout, 
c'est-à-dire  en  tout  sens,  à  droite  et  à  gauche,  en  haut  et  en  bas,  en 
avant  et  en  arrière  :  ce  n'est  pas  là  un  effet  de  nature,  comme  il  va 
l'appeler  tout  à  l'heure,  c'est  une  pure  fiction  de  l'esprit. 

Fragment  3  bis.  —  a  II  ne  les  faudrait  injurier  qu'au  cas  que  cela 
servît.  »  Ce  cas  était  apparemment  pour  Pascal  celui  des  Jésuites. 

«  Je  vous  prie  de  considérer  que,  comme  les  vérités  chrétiennes  sont 
dignes  d'amour  et  de  respect,  les  erreurs  qui  leur  sont  contraires  sont 
dignes  de  mépris  et  de  haine...  C'est  pourquoi,  comme  les  saints  ont 
toujours  pour  la  vérité  ces  deux  sentiments  d'amour  et  de  crainte..., 
les  saints  ont  aussi  pour  l'erreur  ces  deux  sentiments  de  haine  et  de 
mépris  ;  et  leur  zèle  s'emploie  également  à  repousser  avec  force  la 
malice  des  impies,  et  a  confondre  avec  risée  leur  égarement  et  leur 
folie.  »  Et  encore  :  «  Ne  voyons-nous  pas  que  Dieu  hait  et  mé- 
prise les  pécheurs  tout  ensemble,  jusque-là  même  qu'à  l'heure  de 
leur  mort,  qui  est  le  temps  où  leur  état  est  le  plus  déplorable  et 
le  plus  triste,  la  sagesse  divine  joindra  la  moquerie  et  la  risée  h  la  ven- 
geance et  a  la  fureur  qui  les  condamnera  h  des  supplices  éternels.  In 
interitu  vestro  ridebo  vos  et  subsannàbo  *.  »  Onzième  Provinciale, 

Fragment  5.  —  «  Voilà  ce  que  c'est  que  la  foi,  Dieu  sensible  au 
cœur.  »  Madame  de  Sévigné  écrivait  à  madame  de  Guitaut  (le  29  oc- 
tobre 1692)  :  «  Jouissez,  madame,  de  la  paix  que  Dieu  vous  fait  sentir 
présentement.  Yous  avez  eu  vos  peines,  vous  en  avez  fait  un  sacrifice. 

1.  Cette  pensée  avait  été  publiée  par  le  P.  Desmolets,  mais  gravement  altérée; il  avait 
écrit  :  Athéisme,  manque  de.  force  d'esprit.  M.  Cousin  a  rétabli  la  véritable  leçon. 

Montaigne  avait  dit  (I,  54.  t.  i,  p.  273)  :  «  Des  esprits  simples,  moins  curieux  et 
moins  instruicts,  il  s'en  faict  de  bons  ebrestiens,  qui  par  révérence  et  obéissance, 
croyent  simplement,  et  se  maintiennent  soubs  les  loix.  En  la  moyenne  vigueur  des  es- 
prits, et  moyenne  capacité,  s'engendre  l'erreur  des  opinions...  Les  grands  esprits,  plus 
rassis  et  clairvoyants,  font  uu  aultre  genre  de  biencroyants,  etc.  » 

2.  l'rov    1,  26. 


128  PENSÉES  DE  PASCAL 

Dieu  sensible  au  cœur,  voilà  votre  bienheureux  état.  Je  n'ai  jamais  vu 
une  telle  parole,  mais  elle  est  aussi1  de  M.  Pascal.  »  Tome  x,  page  84 
de  l'édition  Hachette.  Toutes  les  éditions  antérieures  donnaient  :  «Vous 
en  avez  fait  un  sacrifice  bien  sensible  au  cœur.  » 

Fragment  8.  —  A  qui  Pascal  reproche-t-il  de  vouloir  prouver  les 
trois  vérités  de  la  religion  par  la  raison  plutôt  que  par  l'Écriture?  Il 
s'adresse  d'abord,  comme  son  maître  Montaigne,  à  Raimond  Sebonde  et 
à  sa  Théologie  naturellet  où  la  Trinité,  l'Incarnation  et  la  Rédemption 
sont  démontrées  par  des  raisonnements  philosophiques.  Mais  il  en 
veut  aussi,  je  crois,  aux  efforts  de  Descartes  pour  établir  par  la  raison 
Dieu  et  Fâme. 

Fragment  12  ter.  —  «  Il  y  aura  toujours  des  pélagiens...  et  toujours 
combat.  »  Port-Royal  supprime  ces  derniers  mots. 

Fragment  lftbis.  —  C'est  une  chose  horrible  de  sentir  s'écouler  tout 
ce  qu'on  possède.  » 

Durum!  sed  levius  fit  patientia 
Quidquid  corrigere  est  nefas. 
(Note  de  Voltaire.) 

Ces  vers  sont  d'Horace,  Od.  I,  24  :  «  Dure  condition!  mais  la  rési- 
gnation allège  ce  qu'il  n'est  pas  permis  de  changer.  » 

Fragment  17  bis.  —  «  Je  trouve  bon  qu'on  n'approfondisse  pas  l'opi- 
nion de  Copernic.  » 

On  a  vu  déjà,  dans  le  premier  fragment  de  l'article  premier,  que 
Pascal  s'en  tient  à  l'hypothèse  traditionnelle  du  mouvement  du  ciel  au- 
tour de  la  terre.  Il  avait  des  doutes,  mais  il  ne  les  creusait  pas;  il 
n'approfondissait  pas  lui-même  l'opinion  de  Copernic.  En  cela  il  sui- 
vait encore  Montaigne,  et  Montaigne  lui-même  suivait  la  pente  fâ- 
cheuse sur  laquelle  il  lui  arrive  trop  souvent  de  s'abandonner  à  un 
pyrrhonisme  mou  et  complaisant,  pour  ne  pas  se  compromettre  en 
adoptant  résolument  des  doctrines  suspectes,  et  ne  pas  rompre  avec 
les  préjugés.  Montaigne  disait  donc  (Apol.  t.  m,  p.  264): 

«  Le  cie4  et  les  estoiles  ont  branslé  trois  mille  ans,  tout  le  monde 
l'avoit  ainsi  creu,  iusques  à  ce  que...  Nicetas  Syracusien2  s'advisa  de 
maintenir  que  c'estoit  la  terre  qui  se  mou  voit...;  et  de  nostre  temps 
Copernicus  a  si  bien  fondé  cette  doctrine...  etc.  Que  prendrons-nous 
de  là,  sinon  qu  il  ne  nous  doibt  chaloir  lequel  ce  soit  des  deux?  et  qui 
sçait  qu'une  tierce  opinion,  d'icy  à  mille  ans,  ne  renverse  les  deux  pré- 
cédentes? » 

1.  C'est-à-dire,  mais  aussi  elle  est. 

2.  Lisez,  Hicétas.  Cic.  Acad.  II,  39. 


REM\RQURS  SDH   L'ARTICLE  XXIV  129 

Cette  commode  indifférence  sembla  devenir  une  nécessité  quand  la 
science  nouvelle  eut  été  condamnée  à  Rome  avec  éclat,  en  1633,  dans 
la  personne  de  Galilée.  Sa  condamnation  avait  profondément  décou- 
ragé les  esprits  novateurs.  Descartes  répète  plusieurs  fois  au  P.  Mer- 
senne  que  cette  disgrâce  de  la  science  le  fait  renoncer  à  publier  sa 
Philosophie  (22  juillet  1633;  10  janvier  et  15  mars  1634).  Il  lui  écri- 
vait encore  la  même  chose  sept  ans  après  (décembre  1640). 

Le  chevalier  de  Méré,  dans  sa  Lettre  à  Pascal,  disait  à  la  façon  de 
Montaigne  : 

«  Nous  ignorons  plusieurs  choses  dont  nous  ne  devons  parler  que 
douteusement,  comme  nous  en  connaissons  beaucoup  d'autres  que 
nous  pouvons  décider...  Doutons  si  la  lune  cause  le  flux  et  le  reflux 
de  l'Océan,  si  c'est  le  ciel  ou  la  terre  qui  tourne,  et  si  les  plantes  qu'on 
nomme  sensitives  ont  du  sentiment.  Mais  assurons  que  la  neige  nous 
éblouit,  que  le  soleil  nous  éclaire  et  nous  échauffe,  et  que  l'esprit  et 
l'honnêteté  sont  au-dessus  de  tout.  » 

Voici  enfin  comment  s'exprimait  Pascal  lui-même  dans  sa  Lettre 
au  P.  Noël,  de  1647  :  «  Car,  comme  une  même  cause  peut  produire 
plusieurs  effets  différents,  un  même  effet  peut  être  produit  par  plu- 
sieurs causes  différentes.  C  est  ainsi  que,  quand  on  discourt  humaine- 
ment du  mouvement,  ou  de  la  stabilité  de  la  terre,  tous  les  phéno- 
mènes du  mouvement  et  des  rétrogradations  des  planètes  s'ensuivent 
parfaitement  des  hypothèses  de  Ptolémée,  de  Tycho,  de  Copernic,  et  de 
beaucoup  d'autres  qu'on  peut  faire,  de  toutes  lesquelles  une  seule 
peut  être  véritable.  Mais  qui  osera  faire  un  si  grand  discernement, 
et  qui  pourra,  sans  danger  d'erreur,  soutenir  l'une  au  préjudice  des 
autres?  » 

Vers  le  même  temps  il  écrivait,  dans  la  préface  du  Traité  du  Vide  : 
a  Pour  donner  la  certitude  entière  des  matières  les  plus  incompréhensi- 
bles à  la  raison,  il  suffit  de  les  faire  voir  dans  les  livres  sacrés, 
comme,  pour  montrerl'incertitude  des  choses  les  plus  vraisemblables,  il 
faut  seulement  faire  voir  qu'elles  n'y  sont  pas  comprises.  »  Où  il 
semble  qu'il  veut  dire  que  l'opinion  reçue  du  mouvement  du  ciel  de- 
viendra incertaine  si  on  peut  faire  voir  qu'elle  n'est  pas  formellement 
établie  dans  l'Écriture,  comme  le  croyaient  ceux  qui  condamnaient 
l'opinion  nouvelle.  Il  disait  plus  hardiment  et  magnifiquement,  dans 
la  18e  Provinciale  : 

a  Ce  fut  aussi  en  vain  que  vous  obtîntes  contre  Galilée  un  décret 
de  Rome,  qui  condamnait  son  opinion  touchant  le  mouvement  de  la 
terre.  Ce  ne  sera  pas  cela  qui  prouvera  qu'elle  demeure  en  repos;  et 
si  l'on  avait  des  observations  constantes  qui  prouvassent  que  c'est  elle 


130  FENSÉES  DE  PASCAL* 

qui  tourne,  tous  les  hommes  ensemble  ne  l'empêcheraient  pas  de 
tourner,  et  ne  s'empêcheraient  pas  de  tourner  aussi  avec  elle.  »  Mais 
dans  les  Pensées,  il  revient  à  un  pyrrhonisme  qui  n'est  qu'une  sorte 
de  fanatisme  dédaigneux  de  toute  vérité  purement  humaine. 

Douze  ans  encore  après  la  mort  de  Pascal,  Malebranche  écrivait 
dans  la  Recherche  de  la  vérité  (IV,  12)  :  a  II  y  a  bien  des  gens  qui 
croient,  mais  d'une  foi  constante  et  opiniâtre,  que  la  terre  est  immo- 
bile au  centre  du  monde...,  et  une  infinité  de  semblables  opinions 
fausses  ou  incertaines,  parce  qu'ils  se  sont  imaginé  que  ce  serait  aller 
contre  la  foi  que  de  le  nier.  Ils  sont  effrayés  par  les  expressions  de 
l'Écriture  sainte,  qui  parle  pour  se  faire  entendre,  et  qui  par  consé- 
quent se  sert  des  manières  ordinaires  de  parler,  sans  dessein  de  nous 
instruire  de  la  physique...  Ils  ne  voient  pas  que  Josué,  par  exemple, 
parle  devant  ses  soldats  comme  Copernic  même,  Galilée  et  Descartes 
parleraient  au  commun  des  hommes,  et  que  quand  même  il  aurait  été 
dans  le  sentiment  de  ces  derniers  philosophes,  il  n'aurait  point  com- 
mandé à  la  terre  qu'elle  s'arrêtât,  puisqu'il  n'aurait  point  fait  voir  à 
6on  armée,  par  des  paroles  que  l'on  n'eût  point  entendues,  le  miracle 
que  Dieu  faisait  pour  son  peuple...  Cependant  les  paroles  de  ce  grand 
capitaine,  Arrête-toi^  Soleil,  auprès  de  Gabaon,  et  ce  qui  est  dit  ensuite, 
que  le  soleil  s'arrêta  selon  son  commandement,  persuadent  bien  des 
gens  que  l'opinion  du  mouvement  de  la  terre  est  une  opinion  non-seu- 
lement dangereuse,  mais  même  absolument  hérétique  et  insoutenable. 
Ils  ont  ouï  dire  que  quelques  personnes  de  piété,  pour  lesquelles  il  est 
juste  d'avoir  beaucoup  de  respect  et  de  déférence,  condamnaient  ce 
sentiment  ;  ils  savent  confusément  quelque  chose  de  ce  qui  est  arrivé  pour 
ce  sujet  a  un  savant  astronome  de  notre  siècle;  et  cela  leur  semble  suffi- 
sant pour  croire  opiniâtrement  que  la  foi  s'étend  jusques  à  cette  opinion. 
Un  certain  sentiment  confus,  excité  et  entretenu  par  un  mouvement  de 
crainte,  duquel  même  ils  ne  s'aperçoivent  presque  pas,  les  fait  entrer  en 
défiance  contre  ceux  qui  suivent  la  raison  dans  ces  choses  qui  sont  du 
ressort  de  la  raison.  Ils  les  regardent  comme  des  hérétiques;  ce  n'est 
qu'avec  inquiétude  et  quelque  peine  d'esprit  qu'ils  les  écoutent,  et  leurs 
appréhensions  secrètes  font  naître  dans  leurs  esprits  les  mêmes  res- 
pects et  les  mêmes  soumissions  pour  ces  opinions  et  pour  beaucoup 
d'autres  de  pure  philosophie,  que  pour  les  vérités  qui  sont  l'objet  de 
la  foi.  » 

Et  telle  est  la  contagion  des  idées  fausses,  quand  on  a  eu  intérêt  à 
les  propager,  que  plus  de  cent  ans  après  Galilée,  le  grand  Frédéric, 
un  sceptique  entre  les  sceptiques,  au  moment  même  où  Voltaire,  en 
publiant  sa   Philosophie   de  Newton,  assurait  le  triomphe   des  idées 


REMARQUES  SUR   L'ARTICLE  XXIV.  13l 

nouvelles,  osait  Lui  écrire  encore  :  «  Les  Malabaivs  ont  calculé  les  ré- 
volutions des  globes  célestes  sur  le  principe  que  le  soleil  tournait  au- 
tour d'une  haute  montagne  de  leur  pays,  et  ils  ont  calculé  juste. 
Après  cela,  qu'on  nous  vante  les  prodigieux  efforts  de  la  raison  hu- 
maine, et  la  profondeur  de  nos  vastes  connaissances!  Nous  ne  savons 
réellement  que  peu  de  chose,  mais  notre  esprit  a  l'orgueil  de  vouloir 
tout  embrasser  (17  juin  1738).  »  Il  est  vrai  que  Voltaire  traite  comme 
elles  le  méritent,  dans  sa  réponse,  les  moralités  du  prince  royal,  et 
ses  Malabares. 

C'est  un  devoir  aujourd'hui,  non-seulement  de  regarder  Vopinion  de 
Copernic  comme  une  vérité  démontrée,  mais  d'en  relever  l'impor- 
tance, qui  n'a  pas  frappé  l'esprit  de  Pascal.  Il  est  toujours  important 
de  retrancher  une  erreur  pour  mettre  une  vérité  à  la  place,  et  l'esprit 
de  critique  profite  à  tout.  Mais  qui  ne  voit  d'ailleurs  que,  du  moment 
que  la  terre  n'est  plus  le  centre  du  monde,  et  qu'elle  se  perd  dans  le 
système  solaire,  perdu  à  son  tour  dans  l'amas  des  constellations  cé- 
lestes, la  manière  de  considérer,  soit  la  nature,  soit  l'homme  lui- 
même,  peut  changer  tout  à  fait  ? 

Pascal,  qui  a  dit  quelque  part  qu'il  faut  être  pyrrhonien,  géomètre, 
chrétien  soumis,  s'est  montré  ici  plus  sceptique  et  plus  soumis  que 
géomètre.  Son  peu  de  goût  pour  Descartes  et  pour  ses  systèmes  l'a 
entraîné  à  mépriser  une  idée  à  laquelle  Descartes  et.  les  siens  s'étaient 
attachés.  Il  est  fâcheux  cependant  qu'un  des  maîtres  de  la  science  sa- 
crifie ainsi  la  science;  que  celui  qui  a  tant  élevé  Archimède  tienne  si 
peu  de  compte  de  Copernic  et d' Archimède  même;  que  celui  qui  tance 
Montaigne  justement,  parce  que  l'incorrigible  douteur  doute  quel- 
quefois par  légèreté,  se  montre  maintenant  léger  comme  lui;  que 
celui  enfin  qui  a  trouvé  bon  d'approfondir  la  pesanteur  de  l'air,  qui  a 
eu  l'honneur  de  la  démontrer,  qui  a  écrit  la  Préface  du  Traité  du 
"Vide,  n'ait  pas  osé  ou  n'ait  pas  daigné  prendre  parti  sur  une  décou- 
verte plus  haute  encore.  —  Voir,  sur  l'immense  révolution  faite  par 
Copernic,  le  Cosmos  de  M.  de  Humboldt,  t.  n,  page  366  et  suivantes  de 
la  traduction  de  M.  Ch.  Galusky1. 

I.  J'associe  Copernic  et  Archimède,  car  M.  Joseph  Bertrand  a  publié,  dans  le  Journal 
des  Savants  de  février  1864,  un  article  intitulé  Copernic  et  ses  travaux,  auquel  je  ne  puis 
mi'Hix  faire  que  de  renvoyer  mes  lecteurs,  et  où  je  prends  cette  citation  d'Archimède,  au 
commencement  du  livre  intitulé  Are'naire  (xVv.y.y.i7/ii)  - 

«  Le  monde  est  appelé  par  la  plupart  des  astronomes  une  sphère  dont  le  centre  est  le 
même  que  celui  de  la  terre,  et  dont  le  rayon  est  égal  à  la  distance  de  la  terre  au  soleil. 
Aristarque  de  Samos  rapporte  cette  opinion  en  la  réfutant  :  d'après  lui,  le  monde  serait 
beaucoup  plus  grand  ;  il  suppose  le  soleil  immobile,  ainsi  que  les  étoiles,  et  pense  que  la 
terre  tourne  autour  du  soleil  comme  centre,  et  que  la  grandeur  de  la  sphère  des  étoiles 
fixes,  dont  le  centre  est  celui  du  soleil,  est  telle,  que  la  circonférence  du  cercle  décrit 
par  la  terre  est  à  la  distance  des  étoiles  fixes  comme  le  centre  d'un  cercle  est  à  sa  sur- 
uce.  » 


132  PENSÉES  DE  PASCAL 

Fragment  18.  —  «  Et  par  ce  moyen  il  y  a  assez  d'évidence  pour 
condamner,  et  non  assez  pour  convaincre.  »  Port-Royal  a  supprimé  ce 
morceau,  comme  la  plupart  de  ceux  qui  rendaient  trop  franchement 
la  même  doctrine  :  voir  l'article  xx.  Quelle  hardiesse  en  effet  dans 
cette  logique,  qui  tire  une  preuve  de  la  religion  de  la  difficulté  même 
de  la  prouver,  et  qui  explique  l'inconcevable  par  l'inconcevable  !  Gom- 
ment la  même  doctrine,  qui  est  assez  claire  pour  qu'on  ne  puisse  la 
rejeter  sans  crime,  est-elle  en  même  temps  assez  obscure  pour  qu'on 
ne  puisse  la  suivre  sans  un  secours  surnaturel  !  Mais  surtout  quel 
étrange  besoin  de  condamner  I 

Fragment  22.  —  «  Il  n'est  rien  de  cela  aux  exemples  des  païens, 
nous  n'avons  point  de  liaison  h  eux.  »  Voilà  l'inhumanité  de  la  foi. 
Pour  relever  la  communion  des  saints,  Pascal  oublie  la  communion 
des  hommes,  qui  sont  frères,  malgré  toutes  les  diversités  des  lieux, 
des  temps  et  des  mœurs.  Les  Romains  de  Corneille  ne  l'avaient-ils 
jamais  ému? 

Du  reste,  pour  bien  comprendre  ce  fragment,  il  faut  savoir  qu'il 
se  rattache  à  une  des  controverses  secondaires  que  la  grande  contro- 
verse du  jansénisme  avait  soulevées  à  l'époque  où  écrivait  Pascal; 
c'est  pourquoi  sans  doute  il  a  été  supprimé  dans  Port-Royal.  On  com- 
battait pour  et  contre  la  vertu  des  païens.  Du  côté  des  païens  étaient 
les  philosophes,  les  mondains  et  les  Jésuites,  ceux  qui  donnaient  plus 
à  la  nature  et  moins  à  la  grâce,  le  P.  Sirmond,  et  La  Mothe  le  Vayer  : 
Saint  Gyran,  Arnauld,  Pascal,  étaient  de  l'autre.  Voir  sur  ce  débat  le 
Port-Royal  de  M.  Sainte-Beuve,  t.  i,  page  234,  lreédit.  Voir  aussi  ce  qui 
en  est  dit  dans  l' Essai  sur  La  Mothe  Le  Vayer,  par  M.  Etienne  (Rennes, 
1849),  à  propos  du  livre  De  la  vertu  des  Payens,  que  Le  Vayer  publia 
en  1641. 

Fragment  '^3  bis.  —  «  Jésus-Christ  n'a  point  voulu  des  témoignages 
des  démons,  ni  de  ceux  qui  n'avaient  point  vocation.  »  Ce  fragment  et 
celui  qui  précède  ont  pour  objet  d'établir  par  l'Écriture  la  doctrine  de 
la  prédestination  et  de  la  grâce  toute  gratuite.  Les  élus  sont  élus,  non 
pour  leurs  mérites,  mais  par  le  pur  choix  de  Dieu.  Dieu  ne  se  soucie 
pas  d'être  connu  par  les  réprouvés. 

Fragment  24.  —  (Sur  Montaigne  :)  «  Crédule  (gens  sans  yeux). 
Ignorant.  (Quadrature  du  cercle).  »  Pascal  reproche  à  Montaigne  d'a- 
voir pris  la  quadrature  du  cercle  pour  une  de  ces  vérités  mathémati- 
ques paradoxes  comme  la  propriété  des  asymptotes,  et  de  ne  pas  savoir 
que  les  mesures  qu'on  donne  du  cercle  dans  la  pratique  ne  sont,  qu'ap- 


REMARQUES  SUR   L'ARTICLE  XXIV.  133 

proximatives,  c'est-à-dire  inexactes,  et  qu'il  demeure  toujours  impos- 
sible de  le  carrer. 

Les  éditeurs  de  Port- Royal  avaient  supprimé  ces  reproches  et  ces 
renvois.  Ils  ne  pensaient  pas  que  Montaigne  fût  réellement  si  crédule. 
Ils  s'en  expliquent  dans  leur  Logique,  III,  xix,  des  Sophismes  d'amour- 
vropre,  d'intérêt  et  de  passion,  n°  9  :  «  Une  personne  intelligente  ne 
soupçonnera  jamais  Montaigne  d'avoir  cru  toutes  les  rêveries  de  l'as- 
trologie judiciaire;  cependant  quand  il  en  a  besoin  pour  rabaisser  sotte- 
ment les  hommes,  il  les  emploie  comme  de  bonnes  raisons...  Veut-il 
détruire  l'avantage  que  les  hommes  ont  sur  les  bêtes... ,  il  nous  rap- 
porte des  contes  ridicules,  et  dont  il  connaît  V extravagance  mieux  que 
personne...  Son  dessein  n'était  pas  de  parler  raisonnablement,  mais  de 
faire  un  amas  confus  de  tout  ce  qu'on  peut  dire  contre  les  hommes  :  ce 
qui  est  néanmoins  un  vice  très -contraire  à  la  justesse  de  l'esprit  et  à 
la  sincérité  d'un  homme  de  bien,  etc.  »  M.  Sainte-Beuve  dit  aussi 
(Port-Royal,  lre  édit.  t.  n,  p.  88)  :  «  Je  l'ai  bien  souvent  pensé  :  si 
l'on  pouvait  discerner  et  ôter  ce  qui  est  du  pur  écrivain  en  verve,  de  la 
plume  engagée  qui  s'amuse,  combien  n'aurait-on  pas  à  rabattre  peut- 
être  du  scepticisme  de  Montaigne,  de  l'absolutisme  de  De  Maistre,  du 
séraphisme  de  saint  François  d 3  Sales,  et  du  jansénisme  de  saint  Au- 
gustin !  » 

J'ai  déjà  indiqué,  dans  les  remarques  sur  le  fragment  17,  qu'il  faut 
se  défier  du  pyrrhonisme  de  Montaigne,  et  j'aurai  encore  lieu  plus 
tard  d'y  revenir.  Voir  xxv,  61. 

«  On  peut  excuser  ses  sentiments  un  peu  libres  et  voluptueux.  » 
Port-Royal  a  mis  seulement:  Quoi  quyon  puisse  dire  pour  excuser,  etc. 

Comparez  sur  Montaigne  les  fragments  vi,  23  et  vu,  7. 

Fragment  25.  —  »  Que  se  passait-U  donc  alors?  Saint  Athanase  était 
un  homme  appelé  Athanase...  »  Ces  dernières  lignes  sont  supprimées 
dans  l'édition  de  Port-Royal.  Dans  ce  fragment  comme  en  beaucoup 
d'autres,  Port-Royal,  fidèle  à  la  paix  de  Clément  IX,  se  bornait  à  laisser 
entendre  discrètement  ce  que  Pascal  articule  avec  force.  La  persécu- 
tion contre  ses  amis  est  à  ses  yeux  le  retour  des  anciennes  persécu- 
tions. Athanase  s'appelle  maintenant  Jansénius  ou  Arnauld  (de 
même  que  sainte  Thérèse,  car  il  prend  ses  exemples  dans  tous  les  siè- 
cles, est  devenue  la  mère  Angélique  ou  la  mère  Agnès).  Si  Saint-Cy- 
ran  a  été  mis  en  prison  comme  criminel  d'État;  si  on  accable  les  jan- 
sénistes, et  jusqu'aux  religieuses  de  Port-Royal,  de  toutes  sortes 
d'imputations  calomnieuses  (voir  la  seizième  Provinciale),  rien  de  tout 
cela  n'est  nouveau,  et  ne  doit  étonner  les  âmes  pieuses.  Si  les  Jésui- 
tes ont  pour  eux  )a  Faculté  dethéologie,les  assemblées  devèques,  les 


134  PENSÉES  DE  PASCAL 

assemblées  générales  du  clergé  ;  si  Arnauld  a  été  censuré  et  exclu  de 
la  Sorbonne,  et  avec  lui  ses  partisans,  ces  triomphes  des  pclagiens 
rappellent  ceux  des  ariens  dans  leurs  conciles.  Si  les  papes  ont  con- 
damné Jansénius  et  les  siens,  c'est  qu'ils  ont  été  surpris  comme  Li- 
bère. Si  ceux  enfin  qui  refusent  de  signer  le  formulaire  sont  accusés 
d'obstination  coupable  et  de  déchirer  le  sein  de  l'Église,  ils  doivent 
s'enorgueillir  d'un  reproche  que  la  foule  des  tièdes  a  toujours  adressé 
aux  saints. 

Cette  manière  de  considérer  les  choses  devait  élever  les  idées  et  les 
courages,  et  faire  taire  la  politique  par  l'enthousiasme.  C'est  ce  qu'on  voit 
dans  la  conduite  de  Pascal  ;  c'est  ce  qui  inspire  à  Jacqueline  sa  sœur 
cette  admirable  lettre,  où  elle  traite  avec  tant  de  mépris  toutes  les 
craintes,  le  banissement,  la  confiscation,  la  prison,  et  la  mort  si  vous 
voulez  ;  où  elle  refuse  énergiquement  de  souscrire  à  la  condamnation 
d'un  saint  évêque  (c'est  Jansénius)  ;  oii  elle  dit  que  puisque  les  évêques 
ont  des  courages  de  filles,  les  filles  doivent  avoir  des  courages  d'évêques; 
où  elle  suppose  saint  Augustin  à  sa  place  pour  voir  comment  il  agi- 
rait et  comment  il  devrait  agir.  Mais  présentées  à  des  esprits  moins  ar- 
dents, n'était-il  pas  à  craindre  que  des  comparaisons  semblables,  au 
lieu  de  relever  le  présent,  ne  fissent  que  diminuer  la  vénération  du 
passé  ?  Quand  le  monde  regardait  les  saints  comme  des  dieux,  n'y 
avait-il  pas  quelque  danger  à  lui  apprendre  que  ce  sont  des  hommes 
comme  les  autres,  et  à  montrer  leurs  figures  sans  l'auréole?  Voilà 
comment  tout  état  de  luttes  développe  inévitablement  l'esprit  de  criti- 
que; et,  de  même  que  les  railleries  des  Provinciales  ont  frayé  le  che- 
min à  celles  de  Voltaire,  ces  interprétations  de  l'histoire  de  l'Eglise, 
trouvées  pour  le  besoin  de  la  défense,  ont  préparé  la  voix  à  une  criti- 
que historique  qui  ramène  tout  à  la  même  mesure,  qui  n'est  plus 
frappée  du  divin  ni  dans  les  choses  ni  dans  les  personnes,  et  ne  dis- 
tingue plus  les  temps  héroïques  des  temps  humains. 

Il  faut  rapprocher  ce  morceau  du  fragment  xxm,  37. 

Fragment  26.  —  o  Les  hommes  ont  mépris  pour  la  religion,  ils  en 
ont  haine,  etc.  » 

Où  Pascal  est-il  emporté  par  son  humeur?  S'il  était  vrai  que  la  reli- 
gion, telle  qu'il  la  présente,  n'inspirât  aux  hommes  que  du  mépris, 
de  la  haine  et  de  l'effroi,  serait-ce  la  condamnation  de  la  nature  hu- 
maine, ou  celle  d'une  foi  farouche  et  bizarre,  foi  de  sectaire  et  de  ma- 
lade? Port-Royal  supprime  ces  paroles  si  dures. 

«  Faire  souhaiter  aux  bons  qu'elle  fût  vraie.  »  Port-Royal  supprime 
ces  deux  mot*,  qui  dans  les  idées  de  Pascal  sont  nécessaires;  car  sou- 


REMARQUES  SUR   L'ARTICLE  XXIV.  135 

haiter  que  la  religion  soit  vraie  n'appartient   qu'aux  bons,  c'est  un 
sentiment  qui  ne  peut-être  inspiré  que  par  la  grâce. 

Voici  comme  s'exprime  Louis  Racine  dans  la  préface  de  son  poëme 
de  la  Religion  :  «Tel  est  le  plan  de  cet  ouvrage,  que  j'ai  conduit  sur 
cette  courte  pensée  de  M.  Pascal  :  A  ceux  qui  ont  de  la  répugnance 
pour  la  religion,  il  faut  commencer  par  leur  montrer  qu'elle  n'est  pas 
contraire  à  la  raison;  ensuite  quelle  est  vénérable;  après,  la  rendre 
aimable,  faire  souhaiter  qu'elle  soit  vraie,  montrer  qu'elle  est  vraie, 
et  enfin  qu'elle  est  aimable  *  ;  et  cette  pensée  est  l'abrégé  de  tout  ce 
poôme,dans  lequel  j'ai  souvent  fait  usage  des  autres  pensées  du  même 
auteur.  » 

Fragment  2Gois.— •«  Un  mot  de  David  ou  de  Moïse,  etc.»  Que  signi- 
fie ce  fragment,  où  Pascal  demande  si  David  et  Moïse,  c'est-à-dire  les 
auteurs  des  Psaumes  et  du  Pentateuque,  sont  philosophes  ou  chrétiens"! 
Il  ne  peut  être  douteux  pour  personne  que  les  livres  saints  contien- 
nent une  religion,  et  non  pas  une  philosophie  ;  le  surnaturel  y  est  par- 
tout, et  il  éclate  bien  plus  dans  tant  de  miracles  que  dans  tel  ou  tel 
discours.  Gomment  donc  faut-il  l'entendre?  C'est  en  rapportant  cette 
réflexion,  non  pas  à  la  religion  en  général,  mais  à  la  question  de  la 
grâce,  qui  est  tout  le  christianisme  aux  yeux  de  Pascal.  Être  chrétien, 
c'est  croire  que  notre  nature  déchue  et  ruinée  ne  peut  se  réparer  par 
elle-même,  et  est  incapable  de  revenir  au  bien  et  à  Dieu,  si  une  grâce 
nécessitante  et  gratuite  ne  l'y  ramène.  Si  on  suppose  au  contraire  que 
l'homme,  par  sa  propre  force,  puisse  faire  le  bien  ou  seulement  le  vou- 
loir, on  n'est  plus  chrétien,  on  est  philosophe.  Or,  dans  l'Ancien 
Testament,  la  doctrine  de  la  grâce  ne  paraît  guère  ;  le  langage  en  est 
le  même  que  le  langage  ordinaire  de  la  vie,  où  on  n'impute  pas  moins 
à  l'homme  le  bien  que  Dieu  lui  fait  faire  que  le  mal  qu'il  fait  par  lui- 
même.  Nous  pourrions  donc  croire,  dit  Pascal,  que  les  écrivains  sa- 
crés parlent  en  philosophes;  mais  un  mot  comme  celui  qu'il  cite  lève 
l'ambiguïté,  et  nous  fait  retrouver,  selon  lui,  la  pure  doctrine  de  la 
grâce.  Au  contraire,  on  prendrait  souvent  Epictète  pour  un  chrétien  à 
ses  discours  sur  la  corruption  des  hommes.  Mais  Epictète  dit  que  la 
vertu  dépend  de  nous,  et  à  ce  mot,  qu'il  trouve  orgueilleux,  et  qui  lui 
paraît  la  négation  de  la  grâce,  Pascal  reconnaît  l'homme  et  le  stoïcien. 

Fragment  29.  —  «  Le  mot  de  Galilée,  etc.  »  On  doit  remarquer  que 
l'incident  sur  lequel  porte  ce  fragment,  c'est-à-dire  Jésus  renvoyé  de 
Pilate  à  Hérode,  ne  se  trouve  que  dans  le  troisième  évangile,  celui 
qui  porte  le  nom  de  Luc.  Et  le  livre  des  Actes  des  Apôtres,  où  cette 

i.  C'est  le  texte  de  Port-Royal,  un  peu  plus  dégagé. 


136  PENSÉES  DE  PASCAL 

circonstance  est  relevée  comme  un  mystère,  n'est,  dans  sa  première 
partie  du  moins,  qu'une  suite  du  troisième  évangile,  écrite  de  la  même 
main. 

Fragment  33.  —  «  Tout  ce  qui  est  au  monde  est  concupiscence  de 
la  chair,  etc.  ...  Heureux  ceux  qui  étant  sur  ces  fleuves,  non  pas 
entraînés,  etc.  »  Gondorcet,  dans  une  note  de  la  Préface  de  son  édi- 
tion, dit  :  «  Je  doute  que  ceux  qui  s'intéressent  à  la  mémoire  de  Pas- 
cal, et  même  à  la  religion,  puissent  regretter  beaucoup  qu'on  ait  sup- 
primé les  pensées  suivantes.  »  Et  il  cite  ces  lignes,  pleines  de  subtili- 
tés allégoriques,  mais  aussi  dune  ardeur  et  d'une  poésie  qu'il  ne  sent 
pas.  C'est  dans  cette  même  note  qu'il  cite,  d'un  ton  également  dédai- 
gneux, les  premières  lignes  du  morceau  sur  la  grandeur  de  Jésus- 
Ghrtst  (xvii,  1),  et  il  a  en  effet  supprimé  tout  ce  fragment  incompa- 
rable I 

Fragment  35.  —  «  Dire  que  Jésus-Christ ne  soit  venu  que  mettre 

la  figure  de  la  charité...  cela  est  horrible.  » 

Pascal  attaque  ici  la  doctrine  d'après  laquelle  le  sacrement  suffisait 
pour  remettre  le  péché,  sans  la  charité  ou  l'amour  de  Dieu,  doctrine 
qu'on  imputait  aux  Jésuites  (voir  la  dixième  Provinciale,  et  la  dou- 
zième Epître  de  Boileau). 

Fragment  36.  —  «  On  entreprenait  franchement  l'Ecriture  sainte 
sur  le  grand  nombre  des  étoiles.  *> 

Les  éditeurs  de  Port-Royal,  qui  ont  supprimé  cette  pensée,  ne  l'ap- 
prouvaient pas  sans  doute,  et  j'ai  cité  ailleurs  (Remarques  sur  le  frag- 
ment 17),  à  propos  du  mouvement  de  la  terre,  un  passage  de  Malebran- 
che  qui  soutient  au  contraire  que  l'Ecriture  parle  pour  se  faire  enten- 
dre, et  comme  on  parle  ordinairement,  sans  dessein  de  nous  instruire 
de  la  physique.  Gomment  en  effet  Pascal  ne  s'est-il  pas  fait  l'objection 
du  système  de  Copernic,  à  propos  duquel  aussi  on  entreprenait  mé- 
chamment l'Écriture?  ou  comment  conciliait-il  la  pensée  qu'il  exprime 
ici  avec  son  indifférence  sur  cette  question? 

Fragment  39  ter.  —  a  II  est  injuste  qu'on  s'attache  à  moi  etc.  » 
Les  éditeurs  de  Port-Royal  ont  effacé  partout  le  je  dans  ce  morceau  : 
«  Il  est  injuste  qu'on  s'attache  à  nous,  »  etc.  Ils  mettent  ici  :  «  Ne 
sommes-nous  pas  prêts  à  mourir?  et  ainsi  l'objet  de  leur  attache- 
ment mourrait.  »  Quelle  froideur  dans  cette  observation  collective! 
Il  mourrait,  c'est  l'objection  de  gens  qui  raisonnent.  Il  mourra  donc, 
c'est  la  sentence  de  condamnation  que  Pascal  prononce  contre  lui- 
même;  nous  entendons  le  cri  de  cette  âme,  qui  contemple  toute  sa 


REMARQUES  SUR   L*ARTICLE  XXIV  1  37 

misère,  mais  qui  au  lieu  de  s'attacher  dans  cette  détresse  à  l'amour 
des  siens,  le  repousse  par  pitié  et  par  respect  pour  eux,  parce  qu'elle 
sait  que  c'est  une  chose  horrible  de  sentir  s'écouler  tout  ce  qu'on  possède 
(fragment  16),  et  qu'elle  voit  bien  qu'elle  va  s'écouler.  Combien  cette 
tristesse  est  haute  et  généreuse  !  La  raison  n'est  pas  là  sans  doute,  ni 
la  vraie  vertu.  Quand  Pascal  s'efforçait  de  rebuter  jusqu'à  la  ten- 
dresse de  sa  sœur  (c'est  cette  sœur  qui  en  témoigne),  cela  même,  c'é- 
tait passion  et  faiblesse  ;  mais  quelle  faiblesse  est  la  plus  intéressante, 
de  celle  du  voluptueux  qui  murmure  : 

Aimons  donc,  aimons  donc;  de  l'heure  fugitive, 
Hâtons -nous,  jouissons! 

ou  de  celle  d'un  cœur  tellement  épris  de  l'idéal,  qu'il  ne  veut  voir 
que  néant  dans  tout  le  reste,  et  se  sacrifiant  lui-même,  s'ensevelit  de 
ses  propres  mains  ! 

Port-Royal  se  souvient  trop  d'une  autre  pensée  :  «  Le  Moi  est  haïs- 
sable (vi,  20)  »,  et  l'interprète  mal.  Le  moi  qui  nous  déplaît  est  celui 
qui  nous  exclut,  mais  rien  au  contraire  n'est  plus  sympathique  et  plus 
touchant  que  celui  ou  chacun  de  nous  se  retrouve  soi-même. 

Fragment  46.  —  «  Histoire  de  la  Chine,  »  Ce  qu'on  lisait  dans  lo 
P.  Martini  sur  les  antiquités  de  la  Chine  dut  attirer  vivement  l'atten- 
tion des  esprits  critiques.  Les  Chinois  prétendent  remonter,  par  une 
chronologie  très-bien  suivie,  jusqu'à  l'empereur  Fo-Hi,  dont  le  règne 
date,  suivant  Martini,  de  l'an  2952  avant  notre  ère.  Là  commence  la 
certitude  historique,  mais  la  tradition  chinoise  place  encore  avant  Fo- 
Hi  une  très-longue  suite  de  souverains.  Si  on  en  croyait  leurs  auteurs, 
dit  Martini,  il  faudrait  reporter  la  naissance  du  monde  jusqu'à  plu- 
sieurs milliers  d'années  avant  le  déluge  universel.  Le  savant  jésuite 
accepte  des  récits  chinois  tout  ce  qu'il  peut  concilier,  d'une  manière 
quelconque,  avec  l'autorité  des  livres  saints.  Les  chronologistes  de  son 
temps  (suivis  par  Bossuet  dans  le  Discours  sur  l'histoire  universelle) 
plaçaient  la  création  en  l'an  4004  avant  Jésus- Christ,  d'après  le  texte 
hébreu  de  l'Ecriture  et  la  Vulgate,  et  le  déluge  en  l'an  2348.  Mais  il 
fallait  bien  ne  placer  Fo-Hi  et  le  commencement  des  temps  historiques 
de  la  Chine  qu'après  le  déluge  universel.  Le  P.  Martini  fait  remar- 
quer que  cette  difficulté  sera  levée  si  on  adopte  telle  autre  chronologie 
également  autorisée  (en  effet  le  texte  des  Septante  fait  remonter  le  dé- 
luge à  l'an  2954;  et  depuis,  VArt  de  vérifier  les  dates,  d'après  une  com- 
binaison du  texte  hébreu  et  du  samaritain,  l'a  reporté  jusqu'à  l'an  3308). 
Quant  aux  temps  antérieurs  à  Fo-Hi,  le  P.  Martini,  accordant  tou- 
jours tout  ce  qu'il  peut  aux  Chinois-  cherche  à  en  resserrer  l'étendue 


138  PENSÉES  DE  PASCAL. 

en  expliquant  les  dynasties,  comme  on  a  voulu  le  faire  aussi  pour  l'E- 
gypte, par  des  royautés  simultanées  ;  et  comme  cette  antiquité  reste 
toujours  antédiluvienne,  il  suppose  qu'il  a  pu  subsister  dans  la  haute 
Asie,  même  après  le  déluge,  quelque  tradition  obscure  des  événe- 
ments et  des  personnages  qui  l'ont  précédé.  Ainsi  tout  s'arrange  dans 
le  livre  du  P.  Martini,  qui  n'attache  d'ailleurs  d'importance  à  aucun 
système,  attendu  que  la  foi  pour  lui  n'est  pas  en  cause,  et  reste  bien 
au-dessus  de  toutes  ces  difficultés.  Mais  il  pouvait  n'en  être  pas 
de  même  des  docteurs  avec  qui  Pascal  était  en  commerce.  Quand  ils 
voyaient  le  P.Martini  reconnaître  l'autorité  de  la  chronologie  chinoise 
jusqu'à  Fo-Hi,  et  placer  ce  personnage  plus  de  600  ans  avant  l'époque 
où  on  plaçait  alors  généralement  la  dispersion  des  langues  et  le  repeu- 
plement du  monde,  et  admettre  encore  une  antiquité  au  delà,  ils  ne 
pouvaient  manquer  d'opposer  l'histoire  de  la  Chine  à  l'histoire  juive. 
Pascal  se  tire  de  l'objection  en  refusant  sa  croyance  à  ces  récits.  Il  y 
a  bien  lieu  en  effet  de  douter  de  ces  règnes  de  115,  de  140  ans,  que 
le  P.  Martini  nous  présente  d'après  les  Chinois,  et  de  ne  pas  compter 
comme  un  personnage  bien  historique  ce  Fo-Hi,  né  d'une  vierge  fé- 
condée par  un  arc-en-ciel.  Le  pieux  jésuite  a  fait  la  part  de  la  critique 
la  plus  petite  possible.  Il  est  devenu  comme  le  fils  de  la  Chine,  en  y 
vivant  ;  il  reçoit  les  livres  chinois ,  non  pas  avec  autant  de  respect , 
mais  avec  autant  de  bonne  volonté  que  les  livres  saints,  tant  qu'ils  ne 
les  contredisent  pas  absolument.  Pascal  n'a  pas  tant  de  complaisance 
pour  ces  histoires. 

«  Je  ne  crois  que  les  histoires  dont  les  témoins  se  feraient  égorger.  » 
Port- Royal  a  mis  :  «  Je  crois  volontiers  les  histoires  dont  les  témoins 
se  font  égorger.  »  Le  tour  négatif  est  celui  de  la  passion  plutôt  que  de 
la  logique.  On  y  sent  l'impatience  d'un  croyant  contre  des  traditions 
qu'il  s'indigne  de  voir  opposer  aux  histoires  sacrées.  Port- Royal  em- 
ploie un  tour  plus  exact,  et  aussi  plus  froid.  Mais  pourquoi  ce  condi- 
tionnel, se  feraient  égorger,  que  Port-Royal  a  remplacé  par  l'indica- 
tif? Parce  que  Pascal  pense  aussi  aux  récits  de  l'Ancien  Testament, 
pour  la  vérité  desquels  ils  n'est  pas  dit  qu'il  y  ait  eu  des  martyrs. 
Mais  Moïse  au  besoin,  il  n'en  doute  pas,  aurait  eu  ses  témoins  (c'est  ce 
que  signifie  martyrs)  comme  Jésus-Christ. 

Fragment  46  ter.  —  «  Jamais  on  ne  s'est  fait  martyriser  pour  les 
miracles  qu'on  dit  avoir  vus.  »  Et  qu'on  n'a  pas  vus  en  effet,  c'est  ce 
que  Pascal  sous-entend.  Je  ne  sais  si  cela  est  bien  vrai,  et  si  l'entête- 
ment ne  pourrait  pas  aller  jusque-là.  Mais  c'est  ce  qu'il  n'y  a  même 
pas  lieu  d'examiner  au  sujet  des  apôtres  et  des  premiers  chrétiens, 
qui  ne  se  sont  jamais  fait  martyriser  pour  des  miracles.  Il  setnuie 


REMARQUES  SUR  L'ARTICLE  XXIV.  139 

que  Pascal  se  les  représente  qui  viennent  trouver  les  prêtres  et  les 
magistrats  pour  leur  dire  :  Je  déclare,  moi  Pierre,  ou  Jacques,  que 
Jésus  est  ressuscité,  qu'il  s'est  montré  tel  jour,  en  tel  lieu,  à  tel  ou 
tel ,  avec  telle  et  telle  circonstance.  Ou  bien,  Je  déclare  que  Jésus  a 
fait,  de  son  vivant,  tel  et  tel  miracle  particulier,  dont  voici  tous  les 
détails  ;  j'atteste  ces  faits,  et  je  suis  prêt  à  mourir  pour  en  témoigner. 
Jamais  il  ne  s'est  rien  passé  de  semblable.  On  disait  seulement  :  Ceux- 
là  croient  que  Jésus  est  le  Messie,  et  ils  le  font  croire  au  peuple.  Et  là- 
dessus  on  les  emprisonnait,  ou  on  les  fouettait,  ou  on  les  tuait.  Qu'on 
lise  au  livre  des  Actes  le  récit  de  la  mort  d'Etienne,  le  premier  mar- 
tyr, on  verra  qu'il  n'articule  pas  un  seul  fait;  il  ne  dit  pas  qu'il  a  été 
témoin  de  ceci  ou  de  cela,  mais  qu'il  croit.  Et  pourtant  ce  récit,  fait  à 
distance,  est  probablement  déjà  légendaire.  Il  est  bien  vrai  que  martyr 
signifie  témoin,  mais  on  se  méprend  beaucoup  sur  la  valeur  de  ce 
mot.  Les  martyrs  témoignent  que  Jésus  est  le  fils  de  Dieu,  ils  ne  té- 
moignent pas  qu'il  se  soit  fait  ici  ou  là  un  miracle  dont  on  puisse  dres- 
ser procès-verbal. 

Fragment  47.  —  m  Les  uns  craignent  de  le  perdre,  les  autres  crai- 
gnent de  le  trouver.  » 

Que  cela  est  fort  î  quelle  condamnation  de  ce  qu'on  appellerait  volon- 
tiers d'un  mot  d'aujourd'hui  la  religion  facile  I  on  disait  alors,  la  dévo- 
tion aisée;  voyez  la  xie  Provinciale. 

Il  faut  bien,  disent  ces  dévots-là,  que  je  me  confesse,  car  s'il  y  avait 
un  Dieu,  je  serais  damné. 

Fragment  48.  —  o  Salomon  et  Job.  »  Pascal  rapporte  à  Salomon  le 
livre  que  nous  appelons  YEcclésiaste,  et  qui  commence  par  cette  phrase 
célèbre  :  «  Vanité  des  vanités,  et  tout  est  vanité.  » 

Fragment  53  bis.  —  a  Mais  qu'est-ce  que  cette  pensée?  qu'elle  est 
sotte  !  »  Port-Royal  a  effacé  cette  brusquerie  éloquente. 

Fragment  58.  —  «  On  jette  enfin  de  la  terre  sur  la  tête,  et  en  voilh 
pour  jamais.  » 

Peut-on  se  détacher  un  moment  d'une  telle  pensée  pour  s'arrêter 
à  la  forme?  Elle  est  d'un  genre  de  beauté  bien  rare.  Elle  joint  à  la  di- 
gnité de  l'éloquence  française,  non-seulement  une  familiarité  forte, 
comme  dans  Bossuet,  mais  je  ne  sais  quel  sombre  accent,  et  quelle 
poésie  sourde  et  pénétrante.  Gela  est  classique  et  shakspearien  tout  en- 
semble; rien  n'est  plus  discret,  et  rien  n'est  plus  fort.  Pascal  sans 
cloute  a  rapporté  cette  pensée  d'un  cimetière  :  le  bruit  des  pelletées 
tombant  sur  la  bière  lui  était  resté  au  cœur. 


140  PENSEES  DE  PASCAL 

Fragment  b9bis.  —  «  Mais  en  aimant  le  corps,  il  s'aime  soi-même.  » 
Le  corps  c'est  Dieu,  dont  nous  sommes  les  membres.  Mais  en  ajou- 
tant, il  s'aime  lui-même,  Pascal  corrige  la  dureté  de  ce  qu'il  a  tant  dit, 
qu'il  faut  se  haïr. 

Fragment  59  ter.  —  «  Le  corps  aime  la  main,  et  la  main de- 
vrait s'aimer  de  la  même  sorte  que  Y  âme  l'aime.  »  Port- Royal  met  : 
a  L'âme  aime  la  main,  »  mais  alors  la  figure  du  corps  et  des  mem- 
bres n'est  pas  suivie.  L'âme,  c'est  la  volonté  du  corps ,  opposée  à  la 
volonté  particulière  de  la  main. 

Fragment  62.  —  «  Tous  retenez  dans  l'Eglise  les   plus  débordés.  » 
Cela  s'adresse  aux  Jésuites  ;  voir  la  dixième  Provinciale. 

Fragment  64.  (Sur  la  comédie.)  —  Pensée  évidemment  inspirée  par 
Corneille,  que  Pascal  cite  encore  ailleurs  sur  l'amour,  vi,  43  bis. 

Cette  violence  dans  une  passion  honnête  et  chaste,  ces  douceurs 
qui  sont  en  même  temps  des  beautés,  cette  ardeur  de  sacrifices,  co 
plaisir  orgueilleux  de  dominer  dans  un  cœur,  c'est  bien  l'amour  comme 
le  concevait  Corneille,  comme  devait  le  sentir  l'âme  fière  et  forte  de 
Pascal,  et  comme  en  effet  il  le  figure  dans  le  Discouru  sur  les  passions 
de  l'amour.  On  n'en  connaissait  pas  d'autre  dans  le  monde  distingué 
de  ce  temps,  dans  ce  monde  que  Pascal  avait  traversé  étant  ieune, 
qui  prétendait  surtout  à  l'élévation  du  cœur  et  aux  sentiments  géné- 
reux, et  voulait  intéresser  dans  la  passion  la  vertu  même.  Plus  tard, 
quand  Bossuet  écrivait  sur  la  comédie ,  tout  était  changé  ;  Racine  ré- 
gnait au  lieu  de  Corneille,  et  les  esprits  sévères  qui  condamnaient 
toute  passion  étaient  moins  frappés  des  dangers  de  l'orgueil  que  de 
ceux  de  la  tendresse.  Bossuet,  qui  ne  connaissait  pas  le  fragment  de 
Pascal,  a  oublié  dans  ses  réflexions,  parmi  tant  de  développements 
pleins  de  force,  cet  attrait  si  bien  démêlé  ici,  le  désir  de  causer  les  mê- 
mes effets  que  Von  voit  représentés^  de  recevoir  les  mêmes  plaisirs  et  les 
mêmes  sacrifices.  C'est  peut-être  le  seul  point  qu'il  n'ait  pas  touché 
dans  son  admirable  écrit,  car  il  faut  bien  l'avouer  pour  admirable,  quoi 
que  nous  fasse  souffrir  la   manière  indigne  dont  Molière  y  est  traité. 

Il  est  singulier  que  ce  morceau  ait  été  publié,  en  1678,  parmi  les 
Maximes  de  madame  la  marquise  de  Sablé  etc.  *  On  peut  conjecturer 
que  madame  de  Sablé  possédait  l'autographe  de  Pascal  (car  nous 
n'avons  ce  fragment  que  dans  la  Copie  de  MM.  de  Port- Royal),  et 
que  cet  original  s'étant  trouvé  après  sa  mort  parmi  ses  papiers,  la 
pensée  a  pu  être  confondue  avec  les  siennes.  Au  reste  les  éditeur» 

I.  M.  Cousin,  La  marquise  de  Sablé. 


REMARQUES   SUR   L'ARTICLE  XKTV  141 

de  madame  de  Sablé  en  ont  use,  à  l'égard  de  ce  qu'ils  croyaient  d'elle, 
aussi  librement  que  les  éditeurs  de  Pascal  en  usaient  avec  lui.  Dana 
l'intention  de  rendre  le  morceau  plus  clair  et  plus  coulant,  on  a  effacé 
les  traits  les  plus  expressifs.  Pascal  disait,  de  l'amour  tel  qu'on  le 
voit  au  théâtre.  «  Sa  violence  plaît  à  notre  amour-propre,  etc.  »  On 
a  supprimé  cette  phrase.  On  a  mis,  toutes  if*  douceurs  de  l'amour,  au 
lieu  àetoules  lesbeaulc'set  toutes  les  douceurs,  fière  expression  et  vrai- 
ment cornélienne.  Cn  a  écrit,  Vesprit-  si  persuadé,  au  lieu  de,  l'âme 
et  l'esprit  si  persuades,  et?,.  Cn  a  si  fcie.i  fait,  que  d'excellents  juges 
ont  pu  croire  sans  difficulté  que  la  pensée  était  de  madame  de  Sablé, 
et  se  plaindre  qu'elle  manquaU  de  style,  au  heu  d'y  reconnaître  le  même 
style  que  dans  le  Discours  sur  les  passions  de  V amour. 

Fragment  65.  —  »  Les  opinions  relâchées  plaisent  tant  aux  hom- 
mes... » 

La  Bruyère  a  dit  au  contraire  (De  la  Chaire)  :  «  La  morale  douce  et 
relâchée  tombe  avec  celui  qui  la  prêche  ;  elle  n'a  rien  qui  réveille,  et 
qui  pique  la  curiosité  d'un  homme  du  mond3,  qui  craint  moins  quon 
ne  pense  une  doctrine  sévère,  et  qui  l'aime  même  dans  celui  qui  fait 
son  devoir  en  l'annonçant.  » 

Fragment  66.  —  «  Après  que  Rome  a  parlé,  et  qu'on  pense  qu'il  a 
condamné  la  vérité.  » 

Il  faut  se  rappeler,  pour  entendre  Pascal,  qu'elle  était  la  tactique  de 
son  parti.  On  soutenait  que  le  pape  avait  bien  pu  condamner  avec  au- 
torité cinq  propositions  comme  hérétiques,  mais  qu'il  s'était  trompé 
en  donnant  ces  cinq  propositions  comme  prises  dans  Jansénius  ;  que 
la  doctrine  de  Jansénius  n'était  que  la  pure  doctrine  de  la  grâce,  la 
tradition  de  saint  Augustin,  enfin  la  vérité,  laquelle  n'avait  pu  être 
condamnée.  Et  quand  les  Jésuites  écrivaient,  avec  le  pape  lui-même, 
que  les  propositions  condamnées  étaient  bien  celles  de  Jansénius,  c'é- 
tait écrire,  suivant  Pascal,  que  le  pape  avait  condamné  la  vérité.  Pas- 
cal lui-même  désavoua  plus  tard  cette  tactique  :  ce  fragment  n'a  pas 
été  reproduit,  non  plus  que  le  suivant,  dans  l'édition  de  Port-Royal. 

Fragment  66  bis.  —  »  Ad  tuum,  Domine  Jesu,  tribunal  appello.  » 
On  sait  que  plus  tard,  les  jansénistes,  condamnés  par  la  fameuse 
bulle  Unigenitus,  interjetèrent  appel  au  futur  concile  général.  L'appel 
mystique  de  Pascal  à  Jésus- Chriot  même  est  plus  touchant. 

Fragmentai.  —  »  La  machine  d'arithmétique  etc.  »  Il  semble  que  ce 
fragment  contient  une  objection  de  Pascal  à  la  doctrine  des  animaux 
machines,  que  Descartes  avait  accréditée. 

ii.  JP 


142  PENSÉES  DE  PASCAL. 

Fragment  69.  —  «  Voilà  quels  sont  mes  sentiments,  et  je  bénis 
tous  les  jours  de  ma  vie  mon  Rédempteur  qui  les  a  mis  en  moi,  etc.  » 
On  sait  la  prière  du  pharisien  :  «  Le  pharisien  priait  ainsi  en  lui-même  : 
Seigneur,  je  te  rends  grâce  de  ce  que  je  ne  suis  pas  comme  les  au- 
tres hommes,  qui  sont  voleurs,  iniques,  adultères,  ou  comme  ce  pu- 
blicain.  Je  jeûne  deux  fois  la  semaine,  je  donne  la  dîme  de  tout  ce 
que  je  possède.  Le  publicain  au  contraire,  se  tenant  éloigné,  n'osait 
pas  même  lever  les  yeux  au  ciel,  mais  il  se  frappait  la  poitrine,  di- 
sant :  Seigneur,  aie  pitié  d'un  pécheur  comme  moi.  Et  Jésus  reprit  : 
«  Je  vous  dis  que  celui-ci  s'en  retourna  chez  lui  justifié  plutôt  que 
l'autre,  car  tout  homme  qui  s'élève  sera  rebaissé,  et  tout  homme  qui 
s'abaisse  sera  relevé.  »  Luc,  xvm,  11.  —  Jésus  aurait-il  été  moins  sé- 
vère, quand  le  pharisien  aurait  parlé  en  janséniste,  quand  il  aurait 
rapporté  son  mérite  à  la  grâce,  et  qu'il  aurait  dit  :  Je  te  remercie 
de  ce  que  la  grâce  m'a  été  donnée  plutôt  qu'à  d'autres,  de  ce  que  je 
suis  un  favori  au  milieu  des  réprouvés?  a  Les  élus  ignoreront  leurs 
vertus,  »  dit  ailleurs  Pascal  (fragment  23). 

J'ai  dit  que  Pascal  avait  écrit  d'abord  cette  phrase,  qu'il  a  barrée  : 
«  J'aime  tous  les  hommes  comme  mes  frères,  parce  qu'ils  sont  tous  ra- 
chetés. »  Est-ce  devant  ce  tous  qu'il  a  reculé?  Voyez  le  fragm.  11  et  la 
note. 

Mme  Perier  a  publié  la  première  ce  fragment  dans  la  Vie  de  son 
frère,  mais  avec  des  altérations  :  «  Toutes  ces  inclinations,  dit-elle, 
dont  j'ai  remarqué  les  particularités,  se  verront  mieux  en  abrégé  par 
une  peinture  qu'il  a  faite  de  lui-même  dans  un  petit  papier  écrit  de  sa 
main  en  cette  manière.  *> 

Fragment  76.  —  Il  ne  faut  pas  juger  de  ce  qu'est  le  pape  par  quel- 
ques paroles  des  Pères,  comme  disaient  les  Grecs  dans  un  concile.  » 

On  lit  dans  Bossuet  (Remarques sur  l'Histoire  des  conciles  d'Ephèse 
et  de  Chalcédoine  de  M.  Dupin,  chap.  Ier,  cinquième  remarque)  : 
«  C'est  entrer  dans  l'esprit  des  Grecs  schismatiques,  qui,  dans  le  con- 
cile de  Florence,  voulaient  prendre  pour  honnêteté  et  pour  compliment 
tout  ce  que  les  Pères  écrivaient  aux  papes  pour  se  soumettre  à  leur 
autorité.  »  Bossuet  blâme  ici  ce  principe  des  Grecs,  que  Pascal  prend 
pour  règle;  au  contraire  Bossuet  parle  comme  Pascal  dans  son  fameux 
ouvrage  posthume,  Defensio  declarationis  cleri  Gallicani,  livre  VI, 
chapitre  xi,  où  il  montre  que  le  pape  Eugène,  ayant  voulu  faire  admet- 
tre par  le  concile  cette  clause  :  Ut  papa  hoùeat  sua  privilégia  juxta  ca- 
nones  et  dicta  sanctorum,  fut  obligé  de  renoncer  à  ces  derniers  mots; 
et  le  concile  ne  reconnut  la  puissance  pontificale  que  suivant  qu'elle 


REMARQUES  SUR    L'ARTICLE   XYIV.  1î  3 

avait  été  déterminée  par  les  actes  des  conciles  el  par  les  canons.  Le 
concile  général  de  Florence,  où  les  Latins  et  les  Grecs  s'unirent  dans 
un  symbole  commun,  est  de  1439. 

Fragment  77.  —  «  Duo  aut  très  in  unum.  » 

Ces  paroles  ne  se  trouvent  nulle  part  textuellement  dans  l'Écriture. 
Ce  qui  s'en  rapproche  le  plus,  et  que  Pascal  paraît  avoir  en  vue,  est  un 
passage  de  la  première  Lettre  à  ceux  de  Corinthe,  xiv,  27. Paul  se  plaint 
que,  dans  les  assemblées  des  fidèles,  il  y  en  a  trop  qui  veulent  mon- 
trer qu'ils  ont  reçu  de  Dieu  l'esprit  de  prophétie,  ou  le  don  des  lan- 
gues, de  façon  qu'on  y  entend  à  la  fois  toutes  sortes  de  langues  et 
toutes  sortes  de  révélations,  et  il  ajoute  :  «  Si  donc  il  y  en  a  qui  aient 
le  don  des  langues,  qu'on  n'en  entende  que  deux  ou  trois  au  plus,  et 
chacun  à  son  tour,  et  qu'il  y  ait  un  interprète  pour  traduire  leurs  paro- 
les (et  unus  interpretetur).  »  Et  un  peu  plus  loin  :  «  Que  deux  ou 
trois  prophétisent  (duo  aut  très  dicant),  et  que  les  autres  écoutent 
et  jugent.  »  Pascal  qui  use  et  abuse  des  textes,  paraît  avoir  dé- 
tourné celui-ci,  dans  sa  pensée,  à  signifier  qu'il  peut  y  avoir  dans  l'É- 
glise, non  pas  une  seule  opinion  (celle  du  pape)  mais  deux  ou  trois 
c'est-à-dire  plusieurs,  à  la  condition  que  cette  pluralité  se  réduira  à 
l'unité  par  une  décision  collective  (celle  des  conciles). 

Peut-être  faut-il  lire  séparément  :  Duo  aut  très.  In  unum. 

Fragment  78.  —  «Il  y  a  hérésie  à  expliquer  toujours  omnes  de  tous.  » 
Voyez  le  fragment  11,  et  la  note. 

Fragment  79.  —  «  La  mer  entière  change  pour  une  pierre.  »  Cette 
assertion  se  fonde  sur  l'hypothèse  cartésienne  du  plein  absolu  et  con- 
tinu dans  la  nature.  Si  tout  est  plein,  aucune  force,  aucune  action  ne 
se  perd  dans  le  vide  ;  il  y  a  communication  infinie  du  moindre  mou- 
vement imprimé  en  un  point  quelconque  de  la  matière. 

Fragment  84.  —  «  L'infaillibilité...  dans  la  multitude,  cela  paraît 
si  naturel...  » 

Il  est  naturel  en  effet  de  mettre  l'autorité  plutôt  dans  le  consente- 
ment général,  et  dans  une  majorité,  que  dans  un  seul  homme.  Mais 
Vautorité  n'est  pas  V infaillibilité  ;  celle-ci  n'appartient  naturellement  ni 
à  plusieurs,  ni  à  tous  ;  elle  ne  saurait  jamais  être  que  chose  surnatu- 
relle, et  miracle. 

Fragment  87.  —  «  Dire  les  choses  de  telle  façon  que  ceux  à  qui  l'on 
parle  puissent  les  entendre  sans  peine  et  avec  plaisir.  » 

Te  ya.p  /*av0àvî(v  paotwj  rçoj  fiiati  nôrnb  Iutiv.  AristOte,  Rhét.,  III,   10. 


144  PENSÉES  DE  PASCAL 

»  Ce  qui  suppose  qu'on  aura  bien  étudié  le  cœur  de  l'homme,  pour 
en  savoir  tous  les  ressorts.  » 

Cette  rhétorique  philosophique  est  la  même  dont  Platon  a  le  pre- 
mier exposé  les  principes  dans  le  Phèdre,  chap.  lvi  (page  271  dEs- 
tienne)  :  «  Puisque  le  talent  du  discours  est  un  art  de  mener  les  âmes 
(^xu.yuyi»),  celui  qui  veut  être  orateur  doit  nécessairement  connaître 
à  fond  l'âme  humaine,  etc.  » 

«  Il  faut  se  mettre  à  la  place  de  ceux  qui  doivent  nous  entendre,  o 

C'est  aussi  le  précepte  de  Cicéron,  de  Oratore,  II,  24. 

«  Ne  pas  faire  grand  ,ce  qui  est  petit,  ni  petit  ce  qui  est  grand.  » 
Fénelon  a  dit  : 

«  L'art  se  décrédite  lui-même;  il  se  trahit  en  se  montrant.  Isocrate, 
dit  Longin,  est  tombé  dans  une  faute  de  petit  écolier...  Et  voici  par 
où  il  débute1  :  Puisque  le  Discours  a  naturellement  la  vertu  de  rendre  les 
choses  grandes  petites,  et  les  petites  grandes  ;  qu'il  sait  donner  les  grâces 
de  la  nouveauté  aux  choses  les  plus  vieilles,  et  qu'il  fait  paraître  vieilles 
celles  qui  sont  nouvellement  faites...  En  faisant  de  cette  sorte  l'éloge  du 
discours,  il  fait  proprement  un  exorde  pour  exhorter  ses  auditeurs  à 
ne  rien  croire  de  ce  qu'il  leur  va  dire.  »  Lettre  h  l'Académie,  §  iv. 

Fragment  88.  —  «  Il  n'est  pas  certain  qu'elle  soit  [la  religion],  mais 
qui  osera  dire  qu'il  est  certainement  possible  qu'elle  ne  soit  pas?  » 

Il  y  a  ici  une  confusion  manifeste.  Pascal  transporte  la  considération 
du  possible  dans  un  ordre  de  choses  qui  ne  la  comporte  pas.  Pour  les 
faits,  pour  les  choses  accidentelles,  ou,  comme  on  dit  en  philosophie, 
contingentes,  il  y  a  être,  il  y  a  n'être  pas  ;  il  y  a,  avant  l'événement, 
être  possible.  Mais  pour  les  principes  absolus  et  indépendants  de  tout 
événement,  ils  sont  simplement  vrais  ou  faux  ;  là,  la  considération  du 
possible  n'a  plus  lieu.  Pour  être  certain  qu'un  fait  quelconque  peut 
n'être  pas,  il  n'y  a  pas  besoin  d'être  certain  que  ce  fait  n'est  pas  en 
effet  ;  car  telle  chose  est,  qui  pourrait  ne  pas  être.  Mais  pour  être  cer- 
tain que  Dieu  peut  ne  pas  être,  il  faudrait  être  certain  qu'il  n'est  pas; 
car  s'il  est,  il  ne  pouvait  pas  ne  pas  être.  Etre  incertain  s'il  est,  ou 
être  incertain  s'il  peut-être,  c'est  la  même  chose,  c'est  un  seul  et  même 
doute,  et  non  deux  degrés  de  doute  différents.  L'argument  de  Pascal 
mènerait  jusqu'à  l'absurde.  Supposons  qu'on  présente  à  un  homme 
cette  proposition  :  Les  trois  angles  d'un  triangle  sont  égaux  à  deux 
droits  et  demi  ;  et  que  cet  homme  ne  sache  pas  assez  de  géométrie 
pour  affirmer  que  cette  proposition  n'est  pas  vraie;  dès  lors,  et  par 
cela  seul,  il  est  également  incapable  d'affirmer  qu'elle  peut  n'être  pas 

I.  Dans  le  Discours  panégyrique 


REMARQUES    SUR    L'ARTICLE   XXIV  145 

vraie.  Lui  dira-t-on  :  Voici  une  proposition  douteuse  pour  vous,  mais 
qui  pourtant  doit  vous  paraître  plus  sûre  qu'il  n'est  sûr  que  vous 
viviez  demain;  car  vous  êtes  certain  que  vous  pouvez  ne  pas  vivre 
demain,  et  vous  n'êtes  pas  certain  que  cette  proposition  puisse  n'être 
pa^  vraie? 

«  On  doit  travailler  pour  l'incertain,  par  la  règle  des  partis,  qui  est 
démontrée.  » 

Si  elle  est  démontrée,  il  ne  faut  donc  pas  dire  que  rien  n'est  cer- 
tain. Cela  même,  qu'on  doit  agir  pour  l'incertain,  il  faut  que  ce  soit 
une  certitnde.  Et,  si  la  règle  des  partis  était  incertaine,  Pascal  ne  pour- 
rait nous  proposer  d'agir  d'après  la  règle  des  partis. 

Los  éditeurs  de  Port-Royal  suppriment  ce  fragment;  ils  ont  craint 
qu'on  ne  pût  supporter  ces  propositions,  que  la  religion  n'est  pas  cer- 
taine, etc.,  ou  eux-mêmes  ne  les  ont  pas  supportées. 

Fragment  89.  —  «  La  nature  de  l'homme  n'est  pas  d'aller  toujours, 
elle  a  ses  allées  et  venues...  Les  inventions  des  hommes  de  siècle  en 
siècle  vont  de  même.  La  bonté  et  la  malice  du  monde  en  général  en 
est  de  même.  » 

Cette  pensée  manque  dans  l'édition  de  Port-Royal.  Ceux  qui  l'ont 
publiée  depuis  l'ont  transformée  de  manière  à  faire  dire  à  Pascal  tout 
le  contraire  de  ce  qu'il  disait.  Ils  l'ont  réduite  aux  deux  phrases 
suivantes  : 

m  Les  inventions  des  hommes  vont  en  avançant  de  siècle  en  siècle. 
La  bonté  et  la  malice  du  monde  en  général  reste  la  même.  » 

A  l'occasion  de  cette  pensée,  substituée  à  celle  de  Pascal,  M.  Sainte- 
Beuve  dit  qu'en  effet  il  faut  chercher  le  progrès  a  dans  la  marche  et 
dans  les  résultats  des  sciences  mathématiques,  physiques  et  naturelles, 
et  aussi  de  la  science  historique,  en  tant  qu'elle  procède  de  l'observa- 
tion comparée,  et  qu'elle  ne  cesse  de  s'armer  en  tout  sens  d'une  critique 
positive.  C'est  grâce  à  ces  sciences  seules  que  se  modifie  et  se  modi- 
fiera à  la  longue,  lentement,  très-lentement,  mais  d'une  manière  cer- 
taine et  à  fond,  l'état  moral  et  intellectuel  de  l'humanité.  »  Et  il  ne 
douté  pas  que  Pascal  ne  l'eût  bien  compris,  s'il  avait  été  «  un  peu 
moins  frappé  de  terreur  sacrée,  »  Chateaubriand  et  son  groupe  (1861), 
t.  i,  p.  147,  en  note. 

Il  n'y  a  que  trop  de  vérité  dans  la  pensée  même  de  Pascal;  elle 
n'est  pas  cependant,  espérons-le,  toute  la  vérité.  Si  la  nature  de 
l'homme  n'est  pas  d'aller  toujours;  si,  à  mesure  qu'il  avance,  il  re- 
cule ensuite,  du  moins  il  ne  recule  pas  toujours  autant  qu'il  avance. 
La  cause  de  la  raison  et   de  la   justice   avait    bien  gagné  déjà  dans  le 


146  PENSÉES  DE  PASCAL. 

monde  au  temps  de  Pascal,  elle  a  gagné  depuis  davantage.  Que  ceux 
qui  emploient  leurs  forces  à  servir  cette  cause  ne  se  flattent  donc  pas, 
mais  qu'ils  ne  désespèrent  pas  non  plus. 

Fragment  93.  —  «  Est  fait  prêtre  qui  veut  l'être,  etc.  » 
Ce  fragment  appartient  encore  à  la  polémique  contre  la  religion  re- 
lâchée. Les  jansénistes  reprochaient  à  la  discipline  ecclésiastique  de 
leur  temps  d'avoir  abaissé  et  comme  dégradé,  avec  la  grâce  même  de 
Jesus-Ghrist,  les  instruments  de  cette  grâce,  la  direction  des  con- 
sciences, les  sacrements  de  la  Pénitence  et  de  l'Eucharistie,  et  le  carac- 
tère auguste  du  prêtre,  dispensateur  de  la  parole,  des  sacrements,  de 
la  grâce  même.  Il  faut  voir  dans  le  Port-Royal  de  M.  Sainte-Beuve, 
lre  édit.,t.  i,  page  454  et  suivantes,  l'idée  que  le  maître  du  jansénisme 
français,  Saint-Gyran,  se  faisait  du  sacerdoce.  Il  croit  que  c'est  à 
peine  si  on  peut  trouver  un  bon  prêtre  sur  dix  mille.  Le  prêtre  est 
plus  qu'un  ange;  combien  donc  doit-il  être  pur!  Les  hommes  de  Port- 
Royal  ne  redoutaient  rien  tant  que  ce  fardeau  de  la  prêtrise  ;  ils  ne  le 
recevaient  que  forcés.  Voici  enfin  ce  qu'on  lit  dans  l'interrogatoire  de 
Saint-Gyran  à  Vincennes  (Recueil  dUtrecht,  p.  138,  n°  207)  :  «  (In- 
terrogé s'il  n'a  pas  dit  qu'un  homme  qui  a  une  fois  péché  contre  la 
chasteté  ne  doit  point  se  porter  au  sacerdoce,  a  dit...  qu'il  sait  assez 
qu'il  y  a  des  canons  qui  veulent  qu'on  reçoive  des  pénitents  lorsqu'on 
ne  trouve  pas  des  innocents.  Avoue  avoir  dit  à  quelques-uns,  afin  de 
tempérer  V ardeur  qu'ils  avaient  de  se  faire  prêtres,  que  l'Église  n'a  reçu 
jusqu'au  septième  siècle  que  ceux  qui  avaient  conservé  leur  inno- 
cence (Saint-Gyran  a-t-il  pu  oublier  tant  de  pénitents  devenus  prê- 
tres et  Saints,  et  saint  Augustin  avant  tous?);  et  c'est  peut-être  un  des 
sujets  pour  lesquels  il  a  tant  relevé  la  pureté  de  l'Eglise  en  ses  premiers 
siècles,  mais...  etc.  »  Pascal  n'est  que  l'écho  de  ces  oracles.  Mainte- 
nant, où  en  était-on  dans  la  pratique?  Des  hommes  comme  Retz  figu- 
raient aux  plus  hauts  rangs  de  l'Église;  et  que  trouvait-on,  quand 
on  descendait  dans  la  foule?  Je  demande  ici  qu'on  me  permette  de  ci- 
ter un  simple  manuscrit  de  famille  que  j'ai  entre  les  mains,  un  jour- 
nal écrit  par  un  bourgeois  d'une  petite  ville  de  Normandie,  qui  était 
doyen  des  avocats  de  son  bailliage  à  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV . 
Plusieurs  pages  de  ce  journal  (années  1708-1722)  sont  remplies  par 
l'histoire  des  tribulations  que  lui  cause  l'aîné  de  ses  nombreux  en- 
fants, qui  a  pris  le  petit  collet,  et  s'est  destiné  pour  l  ordre  de  prêtrise. 
L'abbé,  comme  ii  l'appelle,  est  sous-diacre,  et  par  conséquent  engagé, 
en  1706,  avant  d'avoir  atteint  22  ans.  Il  est  ordonné  diacre  en  1708, 
après  avoir  été  refusé  deux  fois,  puis  il  demande  la  prêtrise.  Il  est 
d'abord  refusé  cinq  fois  de  suite  par  l'archevêque  de  Rouen  ;  il  pense 


REMARQUES  SUR  L'ARTICLE  XXIV  147 

alors  à  se  faire  bénédictin,  mais  il  est  renvoyé  après  une  épreuve 
d'un  mois  II  a  29  ans,  et  son  père  écrit  :  Il  est  Irmps  qu'il  change 
de  conduite.  l\  revient  pour  tenter  encore  une  fois  fortune,  et  je  lis  dans 
le  journal  :  L'abbé  ne  s'est  point  présenté,  ni  h  l'ordination  de  saint  Mi- 
chel, ni  à  celle  de  Pâques  1714;  il  a  eu  raison,  car  s'il  ne  change  de 
conduite,  Une  sera  jamais  prêtre.  Puis  en  1715:  L'abbé  continue  tou- 
jours sa  vie  irrégulière:  c'est  le  fléau  que  Dieu  m'a  donné  pour  faire 
pénitence.  Et  la  même  année  :  Vabbê,  après  bien  des  dérèglements,  est 
enfin  parti  du  pays  :  Dieu  veuille  le  convertir!  L'abbé  entre  à  la 
Trappe,  pour  en  sortir  tout  de  suite;  puis  dans  un  autre  couvent,  d'où 
il  est  aussitôt  mis  dehors  pour  sa  mauvaise  constitution  de  corps  et 
d'esprit.  Il  revient  chez  son  père,  et  au  bout  d'un  an,  étant  encore 
plus  passionné  pour  la  boisson,  et  point  disposé  pour  l'ordre  de  prê- 
trise, il  quitte  la  maison  sans  dire  adieu,  étant  en  élat  de  vivre  de  son 
bien.  Il  y  rentre  au  bout  de  trois  ans,  à  36  ans  (1720),  ne  sachant  où 
prendre  du  pain,  sans  habits,  sans  linge,  sans  argent,  sans  bien,  et  sans 
esprit.  Il  est  encore  refusé  en  1721  par  l'archevêque  ;  puis  tout  à  coup 
on  lit  ce  qui  suit  :  A  ta  fin,  après  bien  des  peines,  des  voyages  et  de 
la  dépense,  l'abbé  est  prêtre  du  20  septembre  1722.  Le  père  n'ajoute  pas 
un  mot  à  cette  mention,  si  ce  n'est  qu'il  enregistre  soigneusement,  ici 
comme  partout,  le  compte  des  sommes  qu'il  lui  a  fallu  débourser  pour 
son  fils.  Il  me  semble  que  ce  récit  d'un  journal  obscur  vaut  bien  ce 
qu'on  pourrait  chercher  dans  l'histoire,  ou  dans  les  Mémoires  de  per- 
sonnages célèbres,  pour  commenter  le  texte  de  Pascal.  On  y  voit  sans 
doute  qu'on  n'était  pas  prêtre  absolument  dès  qu'on  voulait  l'être,  et 
que  l'Église  tâchait  d'écarter  ceux  qui  se  montraient  trop  indignes; 
mais  aussi  on  voit  que  la  mesure  de  ses  scrupules  et  de  ses  sévérités 
ne  pouvait  pas  satisfaire  certaines  âmes  difficiles  et  impatientes  du 
mal.  Cet  éclat  de  l'Église  de  France,  au  siècle  de  Bossuet  et  de  Rancé, 
nous  cache  bien  des  misères. 

Fragment  96.  —  «  Mais  le  moyen  que  ce  qui  est  si  faible  étant  en- 
fant, soit  bien  fort  étant  plus  âgé!  »  La  Bruyère  retourne  cette  pensée 
quand  il  dit  :  «  Les  enfants  sont  hautains,  dédaigneux,  colères...  ils 
rient  et  pleurent  facilement...  ils  ne  veulent  point  souffrir  de  mal  et 
aiment  à  en  faire.  Ils  sont  déjà  des  hommes.»  DeVhomme,  50. 

Fragment  97.  —  « ...  Que  le  monde  soit  créé,  qu'il  ne  le  soit  pas, 
etc.  » 

Ce  sont  précisément  les  antinomies  de  Kant(ou  lois  contraires  de  la 
raison).  Voir  la  Critique  de  la  raison  pure. 

Fragment  99.  —  «  Ils  croient  les  miracles  de  Vespasien.  »  De  bons 


148  PENSÉES  DE  PASCAL 

chrétiens  ne  se  montraient  pas  non  plus  éloignés  d'y  croire,  par 
exemple  Grotius,  De  Verit.  religioms,  IV,  8.  Et,  en  effet,  si  on  s'en  rap- 
porte aux  témoins,  ils  sont  mieux  attestés  que  bien  d'autres. 

Fragment  100  bis.  —  «  Nous  n'estimons  pas  que  toute  la   philoso- 
phie vaille  une  heure  de  peine.  » 

Il  est  clair  que  cela  s'applique  à  la  philosophie  physique  de  Descar- 
tes, et  surtout  au  livre  D e  principiis  philosophiœ,  auquel  s'attaque  déjà 
un  des  fragments  les  plus  célèbres  et  les  plus  considérables  de  Pascal. 
Mais  il  n'estimait  guère  plus  sa  métaphysique,  comme  on  Ta  vu  par 
les  fragments  dont  se  compose  l'article  xxn. 

On  lit  dans  les  Mémoires  de  Marguerite  Perier  (Lettres,  opuscules, 
etc.,  p.  458)  :  «  M.  Pascal  parlait  peu  de  sciences;  cependant,  quand 
l'occasion  s'en  présentait,  il  disait  son  sentiment  sur  les  choses  dont 
on  lui  parlait.  Par  exemple,  sur  la  philosophie  de  M.  Descartes,  il  di- 
sait assez  ce  qu'il  pensait.  Il  était  de  son  sentiment  sur  l'automate,  et 
n'en  était  point  sur  la  matière  subtile,  dont  il  se  moquait  fort,  Mais  il 
ne  pouvait  souffrir  sa  manière  d'expliquer  la  formation  de  toutes  cho- 
ses; et  il  disait  très-souvent  :  Je  ne  puis  pardonner  à  Descartes  ;  il  au- 
rait bien  voulu,  dans  toute  sa  philosophie,  pouvoir  se  passer  de  Dieu, 
mais  il  n'a  pu  s'empêcher  de  lui  faire  donner  une  chiquenaude,  pour 
mettre  le  monde  en  mouvement  :  après  cela,  il  n'a  plus  que  faire  de 
Dieu.  » 

Mais  est-ce  donc  peu  de  chose,  que  ce  que  Pascal  accorde  à  Des- 
cartes, qu'il  est  vrai  que  tout  se  fait  par  figure  et  par  mouvement? 
Une  pareille  conclusion  ne  vaut-elle  pas  qu'on  prenne  la  peine  de 
faire  une  philosophie  ?  Et  si  Descartes,  au  risque  de  se  tromper  sou- 
vent, n'avait  pas  essayé  de  composer,  avec  telles  figures  et  tels  mou- 
vements particuliers,,  une  machine  que  lui-même  ne  donne  que  pour 
une  hypothèse,  aurait-il  aussi  bien  convaincu  de  son  principe  et  le 
monde  et  Pascal?  Il  n'y  a  que  les  détails  qui  rendent  les  généralités 
sensibles,  et  qui  les  font  pénétrer  dans  l'esprit 

Au  reste,  Pascal  n'avait  pas  toujours  dédaigné  Descartes.  Méré  lui 
dit  dans  sa  Lettre  :  «  Descartes,  que  vous  estimez  tant.  »  Voir  M. 
Sainte-Beuve,  Port- Royal,  lrc  édition,  t.  in,  p.  339. 

Fragment  101.  —  «  Athéisme,  marque  de  force  d'esprit,  mais  jus- 
qu'à un  certain  degré  seulement.  »>  On  a  vu  que  cela  est  pris  de  Mon- 
taigne, mais  on  peut  douter  que  Montaigne,  qui  se  range  lui-m^mo 
parmi  les  gens  d'entre-deux,  soit  aussi  sincère  que  Pascal  dans  l'hom- 
mage qu'il  rend  aux  esprits  arrivés  au  dernier  estage.  Du  moins,  son 
disciple  Charron,  dans  un  passage  du  chapitre  3  du  premier  de  ses 


ARTICLE  XXV  149 

Trots  livres  pour  la  religion  catholique  (cité  ici  par  M.  Faugère),  dit 
que  l'athéisme  absolu  ne  peut  loger  qu'en  une  âme  extrêmement  forte 
et  hardie,  et  qu'il  faut  autant  et  peut-être  plus  ds  force  pour  se  jeter 
dans  une  incrédulité  entière  que  pour  se  tenir  toujours  bien  ferme  dans 
la  foi  :  que  ce  sont  là  les  deux  extrémités  opposées,  toutes  deux  très- 
rares  et  très-difficiles,  mais  la  première  encore  plus.  Pascal  ne  pouvait 
iccepter  l'orgueil  de  ce  langage;  celui  de  Montaigne  lui  convenait  mieux. 


ARTICLE   XXV 


i. 

Quand  notre  passion  nous  porte  à  faire  quelque  chose,  nous 
oublions  notre  devoir.  Gomme  on  aime  un  livre,  on  le  lit,  lors- 
qu'on devrait  faire  autre  chose.  Mais,  pour  s'en  souvenir,  il 
faut  se  proposer  de  faire  quelque  chose  qu'on  hait  ;  et  lors  on 
s'excuse  sur  ce  qu'on  a  autre  chose  à  faire,  et  on  se  souvient 
de  son  devoir  par  ce  moyen. 

2. 

Quel  dérèglement  de  jugement,  par  lequel  il  n'y  a  personne 
qui  ne  se  mette  au-dessus  de  tout  le  reste  du  monde,  et  qui 
n'aime  mieux  son  propre  bien  que  celui...,  et  la  durée  de  son 
bonheur,  et  de  sa  vie,  que  celle  de  tout  le  reste  du  monde  ! 

3. 
Il  y  a  des  herbes  sur  la  terre  ;  nous  les  voyons  ;  de  la  lune  on 
ne  les  verrait  pas.  Et  sur  ces  herbes,  des  poils  ;  et  dans  ces 
poils,  de  petits  animaux;  mais  après  cela,  plus  rien.  —  0  pré- 
somptueux 1  —  Les  mixtes  sont  composés  d'éléments;  et  les  élé- 
ments, non.  —  0  présomptueux!  Voici  un  trait  délicat.  Il  ne 
faut  pas  dire  qu'il  y  a  ce  qu'on  ne  voit  pas.  Il  faut  donc  dire 
comme  les  autres,  mais  ne  pas  penser  comme  eux. 

4. 
...  Non-seulement  nous  regardons  les  choses  par  d'autres 
côtés,   mais  avec  d'autres  yeux;  nous  n'avons  garde  de  les 
trouver  pareilles. 


Î50  PENSÉES  DE  PASCAL 

5. 

L'étermtement  absorbe  toutes  les  facultés  de  l'âme,  aussi 
bien  que  la  besogne.  Mais  on  n'en  tire  pas  les  mêmes  consé- 
quences contre  la  grandeur  de  l'homme,  parce  que  c'est  contre 
son  gré.  Et  quoiqu'on  se  le  procure,  néanmoins  c'est  contre  son 
gré  qu'on  se  le  procure.  Ce  n'est  pas  en  vue  de  la  chose  même, 
c'est  pour  une  autre  fin;  et  ainsi  ce  n'est  pas  une  marque  de 
la  faiblesse  de  l'homme,  et  de  sa  servitude  sous  cette  action. 
Il  n'est  pas  honteux  à  l'homme  de  succomber  sous  la  douleur, 
et  il  lui  est  honteux  de  succomber  sous  le  plaisir.  Ce  qui  ne  vient 
pas  de  ce  que  la  douleur  nous  vient  d'ailleurs,  et  que  nous 
recherchons  le  plaisir;  car  on  peut  rechercher  la  douleur,  et  y 
succomber  à  dessein,  sans  ce  genre  de  bassesse.  D'où  vient 
donc  qu'il  est  glorieux  à  la  raison  de  succomber  sous  l'effort 
de  la  douleur,  et  qu'il  lui  est  honteux  de  succomber  sous 
l'effort  du  plaisir?  C'est  que  ce  n'est  pas  la  douleur  qui  nous 
tente  et  nous  attire.  C'est  nous-mêmes  qui  volontairement  la 
choisissons  et  voulons  la  faire  dominer  sur  nous  ;  de  sorte  que 
nous  sommes  maîtres  de  la  chose ,  et  en  cela  c'est  l'homme 
qui  succombe  à  soi-même  ;  mais  dans  le  plaisir,  c'est  l'homme 
qui  succombe  au  plaisir.  Or,  il  n'y  a  que  la  maîtrise  et  l'empire 
qui  fasse  la  gloire,  et  que  la  servitude  qui  fasse  la  honte  l. 

6. 
Ceux  qui,  dans  de  fâcheuses  affaires,  ont  toujours  bonne  es- 
pérance, et  se  réjouissent  des  aventures  heureuses,  s'ils  ne 
s'affligent  également  des  mauvaises,  sont  suspects  d'être  bien 
aises  de  la  perte  de  l'affaire ,  et  sont  ravis  de  trouver  ces  pré- 
textes d'espérance  pour  montrer  qu'ils  s'y  intéressent  et  cou- 
vrir,par  la  joie  qu'ils  feignent  d'en  concevoir,  celle  qu'ils  ont 
de  voir  l'affaire  perdue. 

7. 

Notre  nature  est  dans  le  mouvement  ;  le  repos  entier  est  la 
mort. 

1.  Voyez  Montaigne,  liv.  III.  chap.  5.  (Note  de  M.  Faugère.)  —  La  besogne  est  l'acte 
obscène,  qui  est  le  sujet  de  tout  ce  long  chapitre  des  Essais.  «  Alexandre  disoif,  qu'il  se 
cognoissoit  principalement  mortel  par  cette  action,  et  par  le  dormir.  Le  sommeil  suâoque 
et  supprime  les  facultez  de  nostre  ame;  la  besongne  les  absorbe  et  dissipe  de  mesme 
certes  c'est  une  remarque,  non-seulement  de  nostre  corruption  originelle,  mais  aussi  de 
nostre  vanité  et  desformité  (t.  iv,  p.  32:j).  • 


ARTICLE   XXV.  15l 

8. 

Nous  nous  connaissons  si  peu,  que  plusieurs  pensent  aller 
mourir  quand  ils  se  portent  bien,  et  plusieurs  pensent  se  por- 
ter bien  quand  ils  sont  proche  de  mourir,  ne  sentant  pas  la  fiè- 
vre prochaine,  ou  l'abcès  prêta  se  former. 

9. 

La  nature  recommence  toujours  les  mêmes  choses,  les  ans, 
les  jours,  les  heures;  les  espaces  de  même  et  les  nombres  sont 
bout  à  bout  à  la  suite  l'un  de  l'autre.  Ainsi  se  fait  une  espèce 
d'infini  et  d'éternel.  Ce  n'est  pas  qu'il  y  ait  rien  de  tout  cela 
qui  soit  infini  et  éternel,  mais  ces  êtres  terminés  se  multiplient 
infiniment;  ainsi  il  n'y  a,  ce  me  semble,  que  le  nombre  qui  les 
multiplie  qui  soit  infini  *. 

10. 
Quand  on  dit  que  le  chaud  n'est  que  le  mouvement  de  quel- 
ques globules,  et  la  lumière  le  conatus  recedendi  que  nous  sen- 
tons, cela  nous  étonne.  Quoi  ?  que  le  plaisir  ne  soit  autre  chose 
que  le  ballet  des  esprits*?  Nous  en  avons  conçu  une  si  différente 
idée  !  et  ces  sentiments-là  nous  semblent  si  éloignés  de  ces  au- 
tres, que  nous  disons  être  les  mêmes  que  ceux  que  nous  leur 
comparons!  Le  sentiment  du  feu,  cette  chaleur  qui  nous  affecte 
d'une  manière  tout  autre  que  l'attouchement,  la  réception  du 
son  et  de  la  lumière,  tout  cela  nous  semble  mystérieux,  et  ce- 
pendant cela  est  grossier  comme  un  coup  de  pierre.  Il  est  vrai 
que  la  petitesse  des  esprits  qui  entrent  dans  les  pores  touche 
d'autres  nerfs,  mais  ce  sont  toujours  des  nerfs  touchés s. 

11. 

Si  un  animal  faisait  par  esprit  ce  qu'il  fait  par  instinct,  et  s'il 
parlait  par  esprit  ce  qu'il  parle  par  instinct,  pour  la  chasse,  et 

i.  Voir  plus  loiu  le  fragment  65. 

î.  Ce  tour  est  un  latinisme  :  Quid  quod..?  C'est  comme  si  l'on  disait  :  Et  ceci,  que  la 
plaisir  ne  soit...  qu'en  penserons-nous? 

3.  Toute  cette  physique  est  prise  de  Descartes.  Voyez  les  Principia  philosophiœ  aux 
endroits  suivants  :  III,  55,  etc.;  IV,  29,  80,  194;  et  aussi  le  premier  chapitre  de  la  Diop- 
trique,  et  le  Traité  des  Passions,  II,  94. 

Le  conatus  recedendi  (a  centro)  est  ce  que  nous  appelons  force  centrifuge.  Descaries 
établit  que  la  force  centrifuge  qui  anime  toute  masse  en  rotation,  et  par  conséquent  celle 
du  soleil,  agissant  de  tous  les  points  de  la  surface  de  cet  astre  sur  la  matière  répandue 
dans  l'espace  entre  le  soleil  et  nour.,  produit  sur  cette  matière  une  pression  qui  se  conti- 
nue jusqu'au  nerf  optique,  et  dont  ie  sentiment  n'est  autre  chose  que  la  sensation  de  la 
lumière. 


152  PENSÉES  DE  PASCAL 

pour  avertir  ses  camarades  que  la  proie  est  trouvée  ou  perdue, 
il  parlerait  bien  aussi  pour  des  choses  où  il  a  plus  d'affection, 
comme  pour  dire  :  Rongez  cette  corde  qui  me  blesse,  et  où  je 
ne  puis  atteindre. 

11  bis. 
L'histoire  du  brochet  et  de  la  grenouille  de  Liancourt.  Ils  le 
font  toujours,  et  jamais  autrement,  ni  autre  chose  d'esprit1. 

12. 

Nous  ne  nous  soutenons  pas  dans  la  vertu  par  notre  propre 
force;  mais,  par  le  contre-poids  de  deux  vices  opposés,  nous 
demeurons  debout,  comme  entre  deux  vents  contraires  :  ôtez 
un  de  ces  vices,  nous  tombons  dans  l'autre. 

13. 
Ils  disent  que  les  éclipses  présagent  malheur,  parce  que  les 
malheurs  sont  ordinaires;  de  sorte  qu'il  arrive  si  souvent  du 
mal,  qu'ils  devinent  souvent;  au  lieu  que  s'ils  disaient  qu'elles 
présagent  bonheur,  ils  mentiraient  souvent.  Ils  ne  donnent  le 
bonheur  qu'à  des  rencontres  du  ciel  rares  ;  ainsi  ils  manquent 
peu  souvent  à  deviner. 

44. 

La  mémoire  est  nécessaire  pour  toutes  les  opérations  de  la 
raison. 

15. 

Instinct  et  raison,  marques  de  deux  natures. 

16. 

Quand  je  considère  la  petite  durée  de  ma  vie,  absorbée  dans 
l'éternité  précédente  et  suivante;  le  petit  espace  que  je  remplis, 
et  même  que  je  vois,  abîmé  dans  l'infinie  immensité  des  espa- 
ces que  j'ignore  et  qui  m'ignorent;  je.  m'effraye  et  m'étonne  de 
me  voir  ici  plutôt  que  là  ;  car  il  n  y  a  point  de  raison  pourquoi 
ici  plutôt  que  là,  pourquoi  à  présent  plutôt  que  lors.  Qui  m'y  a 
mis  ?  par  Tordre  et  la  conduite  de  qui  ce  lieu  et  ce  temps  a-t-il 
été  destiné  à  moi?  Memoria   hospitis  unius  diei  prœtereunlis*. 

1    J'ignore  l'histoire  de  ce  brochet  et  de  cette  grenouille. 

t.  Sagesse,  v,  15  :  «  L'espoir  de  l'impie  est  comme  le  duvet  qui  s'envole  au  vent 
comme  l'écume...,  comme  la  fumée...,  comme  le  souvenir  d'un  hàled'unjour  gui  ne  fait  que 
passer.  »  —  Voyez  les  mêmes  pensées  dans  l'article  ix. 


ARTICLE    XXV  153 

16  bis. 

Pourquoi  ma  connaissauce  est-elle  bornée?  ma  taille?  ma 
durée,  à  cent  ans  plutôt  qu'à  mille?  Quelle  raison  a  eue  la  na- 
ture de  me  la  donner  telle,  et  de  choisir  ce  nombre  plutôt  qu'un 
autre,  dans  l'infinité  desquels  il  n'y  a  pas  plus  de  raison  de 
choisir  l'un  que  l'autre,  rien  ne  tentant  plus  que  l'autre. 

17. 

Combien  de  royaumes  nous  ignorent  î 

17  bis. 

Le  silence  éternel  de  ces  espaces  infinis  m'effraie. 

18. 

Je  porte  envie  à  ceux  que  je  vois  dans  la  foi  vivre  avec  tant 
de  négligence,  et  qui  usent  si  mal  d'un  don  duquel  il  me  sem- 
ble que  je  ferais  un  usage  si  différent â. 

19. 

Chacun  est  un  tout  à  soi-même;  car  lui  mort,  le  tout  est  mort 
pour  soi.  Et  de  là  vient  que  chacun  croit  être  tout  à  tous,  Il 
ne  ïaut  pas  juger  de  la  nature  selon  nous,  mais  selon  elle. 

20. 

Le  monde  ordinaire  a  le  pouvoir  de  ne  pas  songer  à  ce  qu'il 
ne  veut  pas  songer.  Ne  pensez  pas  aux  passages  du  Messie,  di- 
sait le  Juif  à  son  fils2.  Ainsi  font  les  nôtres  souvent.  Ainsi  se 
conservent  les  fausses  religions;  et  la  vraie  même,  à  l'égard  de 
beaucoup  de  gens.  Mais  il  y  en  a  qui  n'ont  pas  le  pouvoir  de 
s'empêcher  ainsi  de  songer,  et  qui  songent  d'autant  plus  qu'on 
l'aura  défendu.  Ceux-là  se  défont  des  fausses  religions,  et  de  la 
vraie  même,  s'ils  ne  trouvent  des  discours  solides. 

21. 

Qu'il  y  a  loin  de  la  connaissance  de  Dieu  à  l'aimer  ! 

22. 

...  Quand  la  force  attaque  la  grimace,  quand  un  simple  sol- 

1.  11  parle  au  nom  de  celui  qui  ne  croit  pas  encore;  il  se  suppose  dans  cette  situation 
d'esprit. 

2.  C'est-à-dire,  aux  passages  de  l'Écriture  qui  prouvent,  selon  Pascal,  que  le  Messie  est 
tenu. 


154  PENSÉES  DE  PASCAL 

dat  prend  le  bonnet  carré  d'uu  premier  président,  et  le  fait  vo- 
ler par  la  fenêtre  *. 

53. 

Es-tn  moins  esclave,  pour  être  aimé  et  flatté  de  ton  maître  ? 
Tu  as  bien  du  bien,  esclave  :  ton  maître  te  flatte.  Il  te  battra 
tantôt  3. 

24. 

Ce  n'est  pas  dans  Montaigne,  mais  dans  moi,  que  je  trouve 
tout  ce  que  j'y  vois. 

25. 
Deviner.  La  part  que  je  prends  à  votre  déplaisir,  M.  le  Cardi- 
nal ne  voulait  point  être  deviné  3. 

25  bis. 

«  J'ai  l'esprit  plein  d'inquiétude.  »  Je  suis  plein  d'inquiétude, 
vaut  mieux, 

25  ter. 

«  Éteindre  le  flambeau  desédition.  »  Trop  luxuriant.  «  L'in- 
quiétude de  son  génie.  »  Trop  de  deux  mots  hardis. 

26. 

Rien  n'est  si  insupportable  à  l'homme  que  d'être  dans  un 
plein  repos,  sans  passions,  sans  affaire,  sans  divertissement, 
sans  application.  Il  sent  alors  son  néant,  son  abandon,  son  in- 
suffisance, sa  dépendance,  son  impuissance,  son  vide.  Inconti- 

1.  Cela  avait  dû  se  voir  au  temps  des  Seize,  et  peut-être  au  temps  de  la  Fronde.  — 
Voyez  m,  3,  page  33. 

2.  A  qui  s'adresse  cette  apostrophe  originale?  quel  est  cet  esclave?  J'imagine  que  c'est 
le  mondain,  esclave  des  sens,  et  qui  dit  qu'il  ne  s'aperçoit  pas  de  sa  servitude,  qu'il  se 
trouve  bien  de  son  état,  que  la  vie  lui  est  douce;  Pascal  répond  :  Ton  maître  te  flatte  (ce 
maître,  c'est  la  créature,  c'est  l'objet  sensible),  il  te  battra  tantôt.  Pour  avoir  été  l'es- 
clave volontaire  et  satisfait  du  plaisir,  tu  seras  l'esclave  contraint  et  désespéré  de  la 
douleur.  Car  on  n'a  pas  de  force  pour  supporter  si  on  n'en  a  pas  eu  pour  s'abstenir. 
Au  contraire,  la  souffrance  est  sans  pouvoir  sur  celui  sur  qui  la  volupté  n'a  pu  rien;  celui- 
là  est  un  homme  libre. 

S.  Ce  fragment  a  été  expliqué  par  M.  Fr.  Collet  dans  l'écrit  intitulé,  Fait  inédit  de  la 
vie  de  Pascal,  par  le  rapprochement  d'un  passage  du  chevalier  de  Méré  (Discours  de  la 
conversation,  p.  72).  •  Les  choses  qui  n'ont  rien  de  remarquable  ne  laissent  pas  de 
plaire  quand  elles  sont  du  monde...  Il  ne  faut  pourtant  p^s  qu'elles  soient  si  communes 
que  celle-ci,  que  tout  le  monde  sait  par  cœur,  la  part  que  je  prends  à  votre  déplaisir.  J'ai 
vu  parier,  en  ouvrant  une  lettre  de  consolation,  que  cela  s'y  trouverait;  et  une  dame  fort 
triste  qui  l'avait  reçue  ne  put  s'empêcher  d'en  rire.  »  Pascal  veut  donc  dire  qu'il  ne  faut 
pas  écrire  de  ces  banalités  qu'on  peut  deviner.  —  M.  le  Cardinal  est  Mazarin. 


ARTICLE  XXV.  155 

Inent  il  sortira  du  fond  de  son  âme  l'ennui,  la  noirceur,  la  tris- 
tesse, le  chagrin,  le  dépit,  le  désespoir  *. 
26  bis. 
Quand  un  soldat  se  plaint  de  la  peine  qu'il  a,  ou  un  labou- 
reur, etc.,  qu'on  les  mette  sans  rien  faire  \ 

27. 
L'homme  n'agit  point  par  la  raison,  qui  fait  son  être  3. 

28. 
Bassesse  de  l'homme,  jusques  à  se  soumettre  aux  bêtes,  jus- 
ques  à  les  adorer. 

29. 
...  Tous  leurs  principes  sont  vrais,  des  pyrrhoniens,  des  stoï- 
ques,  des  athées,  etc.  Mais  leurs  conclusions  sont  fausses,  parce 
que  les  principes  opposés  sont  vrais  aussi. 

30. 
Les  philosophes  ont  consacré  les  vices,  en  les  mettant  en 
Dieu  même  ;  les  chrétiens  ont  consacré  les  vertus. 

31. 

Immatérialité  de  l'âme.   Les  philosophes  qui  ont  dompté 
leurs  passions,  quelle  matière  l'a  pu  faire? 

32. 
La  belle  chose,  de  crier  à  un  homme  qui  ne  se  connaît  pas, 
qu'il  aille  de  lui-même  à  Dieu  !  Et  la  belle  chose  de  le  dire  à 
un  homme  qui  se  connaît 4  ! 

32  bis. 
Le  commun  des  hommes  met  le  bien  dans  la  fortune  et  dans 
les  biens  du  dehors,  ou  au  moins  dans  le  divertissement.  Les 

1.  Montaigne,  Apol.,  t.  m,  p.  42  :  «  Car  de  là  naist  la  source  principale  des  maux  qui 
le  pressent:  péché,  maladia,  irrésolution,  trouble,  desespoir.  »  Surgit  amari  aliquid,  dans 
Lucrèce,  IV,  1130.  —  En  litre  dans  l'autographe,  Ennui. 

2.  En  titre  dans  l'autographe,  Agitation. 

3.  Son  essence,  ce  par  quoi  il  est  homme.  En  titre  dans  l'autographe,  Nature  corront' 
vue. 

4.  S'il  ne  se  connaît  pas,  il  est  à  plus  forte  raison  incapable  de  connaître  Dieu.  Et  s'il 
se  connaît,  il  connaît  donc  combien  il  est  faible  et  misérable,  et  par  conséquent  incapa- 
ble encore  d'aller  à  Dieu  de.  lui-même,  et  sans  le  secours  de  la  grâce.  Ainsi  la  religion 
seule,  et  non  aucune  philosophie,  peut  nous  conduire  jusqu'à  Dieu.  En  titre  dans  1  auto- 
graphe, Phitoioi  fies. 


156  PENSÉES  DE  PASCAL 

philosopnes  ont  montré  la  vanité  de  tout  cela,  et  Tout  mis  où 
ils  ont  pu1. 

32  ter. 

Pour  les  philosophes,  288  souverains  biens  \ 

33. 
Ut  sis  contentus  temetipso  et  ex  te  nascentibus  bonis*.  Il  y  a 
contradiction,  car  ils  conseillent  enfin  de  se  tuer.  Oh  l  quelle 
vie  heureuse,  dont  on  se  délivre  comme  de  la  peste 4 1 

33  bis. 

Il  est  bon  d'être  lassé  et  fatigué  par  l'inutile  recherche  du 
vrai  bien,  afin  de  tendre  les  bras  au  libérateur» 

34. 
Mon  Dieu,  que  ce  sont  de  sots  discours  !  —  Dieu  aurait- il  fait 
le  monde  pour  le  damner  ?  demanderait-il  tant,  de  gens  si  fai- 
bles? etc.  — -  Pyrrhonisme  est  le  remède  à  ce  mal,  et  rabattra 
cette  vanité. 

34  bis. 
Le  pyrrhonisme  sert  à  la  religion, 

35. 
Dira-t-on  que  pour  avoir  dit  que  la  justice  est  partie  de  la 
terre  5,  les  hommes  aient  connu  le  péché  originel  ?  —  Nemo  ante 
obitum  beatus  est.  C'est-à-dire,  qu'ils  aient  connu  qu'à  la  mort 
la  béatitude  éternelle  et  essentielle  commence6? 

36. 
Ils  sont  contraints  de  dire  :  Vous  n'agissez  pas  de  bonne  foi  ; 

1.  En  titre  dans  l'autographe,  Recherche  du  vrai  bien. 

î.  Montaigne,  Apol.,  t.  m,  page  280:  «  Il  n'est  point  de  combat  si  violent  entre  les 
philosophes,  et  si  aspre,  que  celuy  qui  se  dresse  sur  la  question  du  souverain  bien   de 
homme;  duquel,  par  le  calcul  de  Varro   [dans  saint  Augustin,  de  Ctv.  l)ei,  XIX,   2], 
nasquirent  deux  cents  quatre  vingts  huict  sectes.  » 

3.  Je  ne  sais  d'où  est  prise  cette  citation. 

4.  Voyez  Montaigne,  II,  3,  t.  n,  page  332,  d'après  Sénèque,  Lettre  lxx.  Les  mêmes 
idées  sont  dans  Epictète,  IV,  10,  et  ailleurs.  —  En  titre  dans  l'autographe,  Le  souverain 
bien:  dispute  du  souverain  bien. 

5.  Virgile,  Géorg.,  II,  474;  Hésiode,  Travaux,  195,  Aratos,  Phenom.,  100. 

6.  «  Nul  n'est  heureux  avant  la  mort.  «  Il  fallait  mettre  :  Nul  ne  doit  être  dit  heureux 
avant  sa  mort,  car  c'est  ce  que  disent  les  vers  d'Ovide,  cités  par  Montaigne  (1,  18,  t.  i 
p.  97),  que  Pascal  n'a  fait  que  mettre  en  prose  : 

dicique  beatus 
Ante  obitum  nemo  supremaque  funera  débet 

La  pensée  est  prise  du  discours  de  Solon  à  Crésus  dans  Hérodote,  I,  23.  Voir  Montaigne 
à  l'endroit  cité,  et  I,  3,  page  22.  Si  Pascal  avait  reproduit  la  pensée  exactement,  il  n'au 
rait  pas  eu  besoin  d'avertir  de  ne  pas  y  attacher  le  sens  quïl  va  indiquer. 


ARTICLE  XXV  157 

nous  ne  dormons  pas,  etc.  Que  j'aime  à  voir  cette  superbe  rai- 
son humiliée  et  suppliante!  Car  ce  n'est  pas  là  le  langage  d'un 
homme  à  qui  on  dispute  son  droit,  et  qui  le  défend  les  armes 
et  la  force  à  la  main.  FI  ne  s'amuse  pas  à  dire  qu'on  n'agit  pas 
de  bonne  foi,  mais  il  punit  cette  mauvaise  foi  par  la  force  K 

37. 

L'Ecclésiaste  montre  que  l'homme  sans  Dieu  est  dans  l'i- 
gnorance de  tout,  et  dans  un  malheur  inévitable.  Car  c'est  être 
malheureux  que  de  vouloir  et  ne  pouvoir.  Or  il  veut  être  heu- 
reux, et  assuré  de  quelque  vérité,  et  cependant  il  ne  peut  ni  sa- 
voir, ni  ne  désirer  point  de  savoir.  Il  ne  peut  même  douter2. 

38. 

On  a  bien  de  l'obligation  à  ceux  qui  avertissent  des  défauts, 
car  ils  mortifient.  Ils  apprennent  qu'on  a  été  méprisé,  ils  n'em- 
pêchent pas  qu'on  ne  le  soit  à  l'avenir,  car  on  a  bien  d'autres 
défauts  pour  l'être.  Ils  préparent  l'exercice  de  la  correction  et 
l'exemption  d'un  défaut. 

39. 
Nulle  secte  ni  religion  n'a  toujours  été  sur  la  terre,  que  la 
religion  chrétienne. 

39  bis. 
Il  n'y  a  que  la  religion  chrétienne  qui  rende  l'homme  aima- 
ble et  heureux  tout  ensemble.  Dans  l'honnêteté,  on  ne  peut  être 
aimable  et  heureux  ensemble 3. 

1 .  En  titre  dans  l'autographe,  Le  bon  sens.  Cette  étrange  invective  contre  le  bon  sens  s'a- 
dresse à  une  certaine  justesse  d'esprit  commune,  par  laquelle  la  plupart  des  hommes  3e 
refusent  à  suivre  jusque  dans  leurs  conséquences  paradoxales  et  troublantes  des  raisonne- 
ments philosophiques  qu'ils  ne  sauraient  pourtant  réfuter.  Ainsi  quand  les  pyrrhoniens, 
et  après  eux  Descartes  et  Pascal  (voir  vm,  1),  soutiennent  qu'on  ne  peut  établir  aucune 
distinction  fondée  entre  la  veille  et  le  sommeil,  ceux  à  qui  on  tient  ce  langage  se  bornent 
à  répondre  qu'on  ne  parle  pas  de  bonne  foi,  qu'ore  ne  devrait  pas  faire  de  telles  suppo- 
sitions, etc.  Ainsi  la  raison  ne  résiste  qu'en  reculaat,  elle  demande  grâce;  et  c'est  alors 
que  Pascal  la  prend  en  pitié.  11  s'écrie  qu'elle  ne  gouverne  l'esprit  humain  que  par  tolé- 
rance, qu'elle  n'a  ni  droit,  ni  force  à  l'appui.  La  force  ici,  où  il  s'agit  de  raison,  c'esl 
une  argumentation  rigoureuse;  les  armes  sont  des  syllogismes. 

2.  Voy.  YEcclésiaste,  passim,  et  particulièrement  vuif  17.  L'Ecclésiaste  s'étend  sur  le* 
vanités  et  les  misères  de  la  vie;  mais  ce  raisonnement  qui  conclut  de  l'ignorance  au  mal- 
heur est  de  Pascal  seul,  comme  ce  qui  suit  :  «  11  ne  peut  même  douter.  •  Cf.  vin,  1  (t.  I, 
p.   114). 

3.  Car,  pour  être  aimable,  il  faut  se  sacrifier  aux  autres,  et  pour  être  heureux,  sacrifier 
es  autres  à  soi.  Le  chrétien,  suivant  Pascal,  met  le  bonheur  dans  le  sdcnUcc.  L' honnêteté 

est  l'ensemble  des  qualités  qui  font  Y  honnête  homme.  C'est  en  ce  sens  que  Méré  disait 
que  l'esprit  et  l'honnêteté  sont  au-dessus  de  îout.  (Lettre  à  Pascal.) 

II.  H 


158  PENSÉES  DE  PASCAL 

40. 
La  foi  est  un  don  de  Dieu  :  ne  croyez  pas  que  nous  disions  que 
c'est  un  don  de  raisonnement.  Les  autres  religions  ne  disent 
pas  cela  de  leur  foi  ;  elles  ne  donnaient  que  le  raisonnement 
pour  y  arriver,  qui  n'y  mène  pas  néanmoins. 

41. 
Les'ngures  de  la  totalité  de  la  rédemption,  comme,  que  le 
soleil  éclaire  à  tous,  ne  marquent  qu'une  totalité  ;  mais  les  figu- 
res des  exclusions,  comme  des  Juifs  élus  à  l'exclusion  des  Gen- 
tils, marquent  l'exclusion  *. 

«  Jésus-Christ  rédempteur  de  tous  2.  »  —  Oui,  car  il  a  offert , 
comme  un  homme  qui  a  racheté  tous  ceux  qui  voudront  venir 
à  lui.  Ceux  qui  mourront  en  chemin,  c'est  leur  malheur  ;  mais 
quant  à  lui,  il  leur  offrait  rédemption.  —  Cela  est  bon  en  cet 
exemple,  où  celui  qui  rachète  et  celui  qui  empêche  de  mourir 
sont  deux,  mais  non  pas  en  Jésus-Christ,  qui  fait  l'un  et  l'au- 
tre. —  Non,  car  Jésus-Christ,  en  qualité  de  rédempteur,  n'est 
pas  peut-être  maître  de  tous  ;  et  ainsi,  en  tant  qu'il  est  en  lui, 
il  est  rédempteur  de  tous. 

42. 
Les  miracles  ne  servent  pas  à  convertir,  mais  à  condamner. 
Ip.q.  113,  a.  10,  ad2K 

43. 

Quand  Épictète  aurait  vu  parfaitement  bien  le  chemin,  il  dit 

aux  hommes,  Vous  en  suivez  un  faux  ;  il  montre  que  c'en  est 

un  autre,  mais  il  n'y  mène  pas.  C'est  celui  de  vouloir  ce  que 

Dieu  veut  ;  Jésus-Christ  seul  y  mène  :  Via,  veritas  [Jean,  xiv,  6J. 

44. 
Je  considère  Jésus-Christ  en  toutes  les  personnes  et  en  nous- 
mêmes.  Jésus-Christ  comme  père  en  son  père,  Jésus-Christ 
comme  frère  en  ses  frères,  Jésus-Christ  comme  pauvre  en  les 
pauvres,  Jésus-Christ  comme  riche  en  les  riches,  Jésus-Christ 
comme  docteur  et  prêtre  en  les  prêtres,  Jésus-Christ  comme 

i.  <  Que  le  soleil  éclaire  à  tous.  •  Ecclésiastique,  xlij,  16;  Matthieu,  v,  45.  Et  Jean,  I, 
9,  parlant  du  Verbe  :  «  11  était  la  vraie  lumière,  qui  éclaire  tout  homme  venant  en  ce  monde.» 
Voir  xxiv,  il,  et  la  note. 

2.  Jesu  redemplor  omnium.  C'est  le  premier  vers  de  l'hymne  des  vêpres  de  Noël. 

3.  Ces  renvois  se  rapportent  à  la  Somme  de  Thomas  d'Aquin  :  Primœ  partis  (c'est  la 
prima  secundœ)  qucest.  113,  artic.  10,  ad  2  (c.-à-d.  réponse  à  la  2*  objection). 


ARTICLE  XXV  159 

souverain  en  les  princes,  etc1.  Car  il  est  par  sa  gloire  tout  ce 
qu'il  y  a  de  grand,  étant  Dieu,  et  est  par  sa  vie  mortelle  tout 
ce  qu'il  y  a  de  chétif  et  d'abject;  pour  cela  il  a  pris  cette  mal- 
heureuse condition,  pour  pouvoir  être  en  toutes  les  personnes, 
et  modèle  de  toutes  conditions. 

45. 

Les  psaumes  chantés  par  toute  la  terre. 

Qui  rend  témoignage  de  Mahomet?  Lui-même.  Jésus-Christ 
veut  que  son  témoignage  ne  soit  rien  \ 

La  qualité  de  témoins  fait  qu'il  faut  qu'ils  soient  toujours  et 
partout,  et,  misérable,  il  est  seul 8  ! 

46. 
Ce  n'est  pas  une  chose  rare  qu'il  faille  reprendre  le  monde 
de  trop  de  docilité;  c'est  un  vice  naturel  comme  l'incrédulité, 
et  aussi  pernicieux.  Superstition. 

47. 

Il  y  a  peu  de  vrais  chrétiens,  je  dis  même  pour  la  foi.  H  y 
en  a  bien  qui  croient,  mais  par  superstition  ;  il  y  en  a  bien  qui 
ne  croient  pas,  mais  par  libertinage  :  peu  sont  entre  deux. 

Je  ne  comprends  pas  en  cela  ceux  qui  sont  dans  la  véritable 
piété  de  mœurs,  et  tous  ceux  qui  croient  par  un  sentiment  du 
cœur. 

48. 
Ceux  qui  n'aiment  pas  la  vérité  prennent  le  prétexte  de  la 
contestation  de  la  multitude  de  ceux  qui  la  nient.  Et  ainsi  leur 
erreur  ne  vient  que  de  ce  qu'ils  n'aiment  pas  la  vérité  ou  la 
charité  ;  et  ainsi  ils  ne  sont  pas  excusés. 

49. 

Tant  s'en  faut  que  d'avoir  ouï  dire  une  chose  soit  la  règle  de 
votre  créance,  que  vous  ne  devez  rien  croire  sans  vous  mettre 
en  l'état  comme  si  jamais  vous  ne  l'aviez  ouï.  C'est  le  consen- 

1.  Son  père,  ses  frères,  ce  n'est  pas  le  père  de  Jésus-Christ  ou  les  frères  de  Jésus- 
Christ;  ces  pronoms  se  rapportent  à  un  on  sous-entendu,  comme  s'il  y  avait  :  On  re- 
trouve Jésus-Christ  comme  père  en  son  père,  comme  frère  en  ses  frères;  c'est-à-dire,  que 
chacun  de  nous,  dans  son  père  et  dans  ses  frères,  retrouve  Jésus-Christ. 

2.  Jean,  v,  31  :  «  Si  c'est  moi-même  qui  rends  témoignage  de  moi,  mon  témoignage 
n'a  point  de  vérité.  > 

3.  En  titre  dans  l'autographe,  Différence  entre  Jésus-Christ  et  Mahomet.  Voir  xix,  7  e 
suivants. 


160  PENSÉES  DE   PASCAL. 

tement  de  vous  à  vous-même,  et  la  voix  constante  de  votre 
raison,  et  non  des  autres,  qui  vous  doit  faire  croire. 

Le  croire  est  si  important!  Cent  contradictions  seraient 
vraies1. 

Si  l'antiquité  était  la  règle  de  la  créance,  les  anciens  étaient 
donc  sans  règle.  Si  le  consentement  général,  si  les  hommes 
étaient  péris? 

Fausse  humilité,  orgueil.  Levez  le  rideau.  Vous  avez  beau 
faire  ;  si  faut-il  ou  croire,  ou  nier,  ou  douter.  N'aurons-nous 
donc  pas  de  règle?  Nous  jugeons  des  animaux  qu'ils  font  bien 
ce  qu'ils  font  :  n'y  aura-t-il  point  une  règle  pour  juger  des 
hommes?  Nier,  croire,  et  douter  bien,  sont  à  l'homme  ce  que 
le  courir  est  au  cheval. 

Punition  de  ceux  qui  pèchent,  erreur". 

50. 
Notre  religion  est  sage  et  folle.  Sage,  parce  qu'elle  est  la 
plus  savante,  et  la  plus  fondée  en  miracles,  prophéties,  etc. 
Folle,  parce  que  ce  n'est  point  tout  cela  qui  fait  qu'on  en  est; 
cela  fait  bien  condamner  ceux  qui  n'en  sont  pas,  mais  non  pas 
croire  ceux  qui  en  sont.  Ce  qui  les  fait  croire,  c'est  la  croix,  ne 
evacuata  sit  crux*.  Et  ainsi  saint  Paul,  qui  est  venu  en  sagesse 
et  signes,  dit  qu'il  n'est  venu  ni  en  sagesse  ni  en  signes,  car  il 
venait  pour  convertir.  Mais  ceux  qui  ne  viennent  que  pour 
convaincre  peuvent  dire  qu'ils  viennent  en  sagesse  et  signes  *. 

51. 

La  loi  obligeait  à  ce  qu'elle  ne  donnait  pas.  La  grâce  donne 
ce  à  quoi  elle  oblige6. 

52. 

Ce  que  les  hommes,  par  leurs  plus  grandes  lumières,  avaient 
pu  connaître,  cette  religion  l'enseignait  à  ses  enfants 6. 

1.  Si  la  règle  était  l'autorité.  Car  il  y  a  sur  toutes  choses  des  autorités  en  sens  contraire, 
î.  En  titre  dans  l'autographe,  L'autorité. 

3.  Voir  le  fragment  42  de  l'article  xxiv. 

4.  I  Cor.  i,  2î  :  a  Les  Juifs  demandent  des  signes  et  les  Grecs  de  la  sagesse.  Nous, 
nous  prêchons  le  Christ  crucifié,  scandale  pour  les  Juifs,  folie  pour  les  Gentils.  Mais 
pour  les  élus  d'entre  les  Juifs  et  le3  Grecs,  le  Christ  est  la  vertu  même  de  Dieu,  et  là 
sagesse  de  Dieu.  »  L'expression  d'être  venu  en  sagesse  est  prise  du  verset  premier  da 
chapitre  suivant  :  Vent,  non  in  sublimitate  sermonis  aut  sapienttœ. 

5.  Voyez  Paul,  Rom.  vu,  7. 

6.  C'est-à-dire,  même  aux  enfants  qui  sont  dans  soa  sein. 


ARTICLE  XXV.  161 

53. 
Que  je  hais  ces  sottises,  de  no  pas  croire  l'Eucharistie,  etc.! 
Si  l'Évangile  est  vrai,  si  Jésus-Chiust  eslDieu,  usuelle  diiliculté 
y  a-t-il  là? 

54. 

Le  juste  agit  par  foi  dans  les  moindres  choses  :  quand  il  re- 
prend ses  serviteurs,  il  souhaite  leur  conversion  par  l'esprit  de 
Dieu,  et  prie  Dieu  de  les  corriger,  et  attend  autant  de  Dieu  que 
de  ses  répréhensions,  et  prie  Dieu  de  bénir  ses  corrections.  Et 
ainsi  aux  autres  actions. 

54  bis. 

...  De  tout  ce  qui  est  sur  la  terre,  il  ne  prend  part  qu'aux 
déplaisirs,  non  aux  plaisirs.  Il  aime  ses  proches,  mais  sa  cha- 
rité ne  se  renferme  pas  dans  ces  bornes,  et  se  répand  sur  ses 
ennemis,  et  puis  sur  ceux  de  Dieu. 

55. 
Pourquoi  Dieu  a  établi  la  prière.  —  1°  Pour  communiquer 
à  ses  créatures  la  dignité  de  la  causalité.  2°  Pour  nous  ap- 
prendre de  qui  nous  tenons  la  vertu.  3°  Pour  nous  faire  mé- 
riter les  autres  vertus  par  travail  ;  mais  pour  se  conserver  la 
prière,  Dieu  donne  la  prière  à  qui  il  lui  plaît.  —  Objection. 
Mais  on  croira  qu'on  tient  la  prière  de  soi.  — Gela  est  absurde, 
car  puisque,  ayant  la  foi,  on  ne  peut  pas  avoir  les  vertus,  com- 
ment aurait-on  la  foi?  Y  a-t-il  pas  plus  de  distance  de  Finûdé- 
lité  à  la  foi  que  de  la  foi  à  la  vertu  *  ? 

55  bis. 

Dieu  ne  doit  que  suivant  ses  promesses.  Il  a  promis  d'accor- 
der la  justice  aux  prières 2  :  jamais  il  n'a  promis  les  prières 
qu'aux  enfants  de  la  promesse 3. 

1.  Racine  a  dit  encore,  contraint  par  la  gêne  du  vers,  ïl  est  vrai  s 

Vois-je  pas,  au  travers  de  son  saisissement, 

Un  cœur  dans  ses  douleurs  content  de  son  amant? 

et  dans  Esther  : 

Esther,  que  craicrnez-vous,  suis-je  pas  votre  frère? 

î.  •  Demandez  et  vous  recevrez.  »  Matth.,  vu,  7. 

3.  Expression  de  Paul,  Rom.  ix,  8,  pour  dire,  les  élus. 


162  PENSÉES  DE  PASCAL 

56. 
M.  de  Roannez  disait  :  Les  raisons  me  viennent  après,  mais 
d'abord  la  chose  m'agrée  ou  me  choque  sans  en  savoir  la  rai- 
son, et  cependant  cela  me  choque  par  cette  raison  que  je  ne 
découvre  qu'ensuite.  Mais  je  crois,  non  pas  que  cela  choquait 
par  ces  raisons  qu'on  trouve  après,  mais  qu'on  ne  trouve  ces 
raisons  que  parce  que  cela  choque. 

57. 

Il  n'aime  plus  cette  personne  qu'il  aimait  il  y  a  dix  ans.  Je 
crois  bien  :  elle  n'est  plus  la  même,  ni  lui  non  plus.  Il  était 
jeune  et  elle  aussi;  elle  est  tout  autre.  Il  l'aimerait  peut-être 
encore,  telle  qu'elle  était  alors. 

58. 
Craindre  la  mort  hors  du  péril,  et  non  dans  le  péril,  car  il 
faut  être  homme1. 

59. 

Mort  soudaine  seule  à  craindre,  et  c'est  pourquoi  les  confes- 
seurs demeurent  chez  les  grands. 

60. 
H  faut  se  connaître  soi-même  :  quand  cela  ne  servirait  pas  à 
trouver  le  vrai,  cela  au  moins  sert  à  régler  sa  vie,  et  il  n'y  a 
rien  de  plus  juste 2. 

61. 

Que  je  hais  ceux  qui  font  les  douteurs  des  miracles!  Montai- 
gne en  parle  comme  il  faut  dans  les  deux  endroits.  On  voit  en 
l'un  combien  il  est  prudent,  et  néanmoins  il  croit  en  l'autre,  et 
se  moque  des  incrédules  3. 

61  bis. 
Montaigne  contre  les  miracles.  Montaigne  pour  les  miracles. 

62. 
Quand  on  veut  poursuivre  les  vertus  jusqu'aux  extrêmes  de 
part  et  d'autre,  il  se  présente  des  vices  qui  s'y  insinuent  insen- 

i.  //  faut  être  homme,  c'est-à-dire,  homme  de  cœur. 

2.  Pascal  parle  tout  différemment  dans  le  fragment  23  de  l'article  vi 

3.  En  titre  dans  l'autographe,  Miracles.  Voir  dans  Montaigne  I,  26  et  III,  il. 


ARTICLE  XXV  163 

siblement,  dans  leurs  routes  insensibles,  du  côté  du  petit  in- 
fini; et  il  s'en  présente,  des  vices,  en  foule  du  côté  du  grand 
infini,  de  sorte  qu'on  se  perd  dans  les  vices,  et  on  ne  voit  plus 
les  vertus.  (On  se  prend  à  la  perfection  même.) 

63. 

La  théologie  est  une  science,  mais  en  même  temps  combien 
est-ce  de  sciences  !  Un  homme  est  un  suppôt !  :  mais  si  on  l'a- 
natomise,  sera-ce  la  tête,  le  cœur,  l'estomac,  les  veines,  chaque 
veine,  chaque  portion  de  veine,  le  sang,  chaque  humeur  du 
sang? 

Une  ville,  une  campagne,  de  loin  est  une  ville  et  une  cam- 
pagne ;  mais  à  mesure  qu'on  s'approche,  ce  sont  des  maisons, 
des  arbres,  des  tuiles,  des  feuilles,  des  herbes,  des  fourmis,  des 
jambes  de  fourmi,  à  l'infini.  Tout  cela  s'enveloppe  sous  le  nom 
de  campagne. 

La  diversité  est  si  ample,  que  tous  les  tons  de  voix,  tous  les 
marchers,  toussers,  mouchers,  éternuers...  On  distingue  des 
fruits  les  raisins,  et  encore  l'on  les  appelle...  et  puis  Gondrieu, 
et  puis  Desargues,  et  puis  cette  ente.  Est-ce  tout?  en  a-t-elle 
jamais  produit  deux  grappes  pareilles?  Et  une  grappe  a-t-elle 
deux  grains  pareils?  etc. 

Je  ne  saurais  juger  d'une  même  chose  exactement  de  même. 
Je  ne  puis  juger  d'un  ouvrage  en  le  faisant;  il  faut  que  je  fasse 
comme  les  peintres,  et  que  je  m'en  éloigne,  mais  non  pas  trop. 
De  combien  donc?  Devinez  *. 

64. 

Deux  sortes  de  gens  égalent  les  choses,  comme  les  fêtes  aux 
jours  ouvriers,  les  chrétiens  aux  prêtres,  tous  les  péchés  entre 
eux,  etc.  Et  de  là  les  uns  concluent  que  ce  qui  est  donc  mal 
aux, prêtres  l'est  aussi  aux  chrétiens;  et  les  autres,  que  ce  qui 
n'est  pas  mal  aux  chrétiens  est  permis  aux  prêtres. 

65. 
La  nature  s'imite.  Une  graine,  jetée  en  bonne  terre,  produit. 

I.  Expression  de  l'Ecole  :  un  homme  est  un  sujei,  une  unité  pour  la  pensée. 

î.  Sur  ce  dernier  alinéa,  voye*  le  fragment  ni,  9.  —  Desargues  est.  le  mathématicien, 
qui  avait  été  le  maître  et  était  resté  l'ami  de  Pascal.  11  vivait  à  Lyon  et  à  Condrieu. 
Entre  les  muscats  de  Condrieu,  Pascal  distingue  celui  do.  Desargues,  et  entre  ceux-ci 
cette  ente  ou  ce  plant.  J'ai  été  mis  sur  la  voie  de  l'explication  de  ce  fragment  par  M.  Pio- 
bert;  voyez  les  Comptrs -rendus  des  séances  de  l'Académie  des  sciences  :  séance  du  31  mars 
1862. 


164  PENSÉES  DE  PASCAL 

Un  principe,  jeté  dans  un  bon  esprit,  produit.  Les  nombres 
imitent  l'espace,  qui  sont  de  nature  si  différente.  Tout  est  fait 
et  conduit  par  un  même  maitre:  la  racine,  la  branche,  les 
fruits  ;  les  principes,  les  conséquences. 

66. 
L'admiration  gâte  tout  dès  l'enfance.  Oh!  que  cela  est  bien 
dit  !  Oh  !  qu'il  a  bien  fait  !  qu'il  est  sage  !  etc.  Les  enfants  de  Port- 
Royal,  auxquels  on  ne  donne  point  cet  aiguillon  d'envie  et  de 
gloire,  tombent  dans  la  nonchalance  ». 

67. 
L'expérience  nous  fait  voir  une  différence  énorme  entre  la 
dévotion  et  la  bonté. 

68. 
On  aime  à  voir  l'erreur,  la  passion  de  Cléobuline,  parce- 
qu'elle  ne  la  connaît  pas.  Elle  déplairait,  si  elle  n'était  trom- 
pée2. 

69. 
Prince,  à  un  roi,  plaît,  parce  qu'il  diminue  sa  qualité 8. 

70. 

On  ne  s'ennuie  point  de  manger  et  dormir  tous  les  jours,  car 
la  faim  renaît,  et  le  sommeil;  sans  cela,  on  s'en  ennuierait. 
Ainsi,  sans  la  faim  des  choses  spirituelles,  on  s'en  ennuie. 
Faim  de  la  justice,  béatitude  huitième  4. 

71. 

Il  n'y  a  que  deux  sortes  d'hommes  ;  les  uns,  justes,  qui  se 
croient  pécheurs;  les  autres,  pécheurs,  qui  se  croient  justes. 

1.  En  titre  dans  l'autographe,  La  gloire. 

î.  Trompée  par  elle-même,  se  trompant  elle-même.  Ud  roman  intitulé  :  Cléobuline, 
ou  la  veuve  inconnue,  avait  paru  en  1658;  je  ne  l'ai  pas  lu.  Mais  la  Cléobuline  de  Pascal 
n'est  pas  celle-là.  Cléobuline,  princesse,  puis  reine  de  Corinthe,  figure  en  divers  endroits 
dans  Artamène,  ou  le  grand  Cyrus,  de  mademoiselle  de  Scudéri.  Mais  on  trouvera  parti- 
culièrement l'histoire  de  sa  passion  au  livre  second  de  la  septième  partie.  Elle  est  amou- 
reuse d'un  de  ses  sujets,  Myrinthe,  qui  n'est  pas  même  Corinthien  d'origine;  mais  c  elle 
l'aimait  sans  penser  l'aimer,  et  elle  fut  si  longtemps  dans  cette  erreur,  que  cette  affectioo. 
ne  fut  plus  en  état  d'être  surmontée  lorsqu'elle  s'en  aperçut.  » 

3.  Il  est  au  neutre.  Nous  aimons  à  entendre  appeler  un  roi  du  nom  de  prince,  parce 
que  cela  diminue  sa  qualité. 

4.  Le  Sermon  sur  la  montagne  (Malth.  v,  1)  s'ouvre  par  ce  qu'on  appelle  les  neuf  béa- 
titudes :  «  Bienheureux  les  pauvres  d'esprit,  parce  que  le  royaume  des  cieux  est  à  eux. 
Bienheureux  ceux  qui  sont  doux,  parce  qn'ils  posséderont  la  terre,  etc.  »  La  huitième  est 
celle-ci  :  «  Heureux  ceux  qui  souffrent  persécution  pour  la  justice,  car  le  royanme  de9 
cieux  esta  eux.  n  11  pouvait  citer  aussi  la  quatrième  :  «  Heureux  ceux  qui  ont  faim  et 
soif  de  la  justice,  car  ils  seront  rassasié!.  » 


ARTICLE  XXV  4C5 

72. 

Il  n'est  pas  bon  d'être  trop  libre.  Il  n'est  pas  bon  d'avoir 
toutes  les  nécessités . 

73. 

L'espérance  que  les  chrétiens  ont  de  posséder  un  bien  infini 
est  mêlée  de  jouissance  aussi  bien  que  de  crainte  :  car  ce  n'est  pas 
comme  ceux  qui  espéreraient  un  royaume,  dont  ils  n'auraient 
rien  étant  sujets;  mais  ils  espèrent  la  sainteté,  l'exemption 
d'injustice,  et  ils  en  ont  quelque  chose1, 

74. 

Scaramouche,  qui  ne  pense  qu'à  une  chose.  Le  docteur,  qui 
parle  un  quart  d'heure  après  avoir  tout  dit,  tant  il  est  plein  de 
désir  de  dire.  Le  bec  du  perroquet,  qu'il  essuie  quoiqu'il  soit 
net1. 

75. 

Comminutum  cor.  Saint  Paul.  Voilà  le  caractère  chrétien, 
c  Albe  vous  a  nommé,  je  ne  vous  connais  plus.  »  Corneille. 
Voilà  le  caractère  inhumain.  Le  caractère  humain  est  le  con- 
traire *. 

76. 

Symétrie,  est  ce  qu'on  voit  d'une  vue.  Fondée  sur  ce  qu'il 
n'y  a  pas  de  raison  de  faire  autrement.  Et  fondée  aussi  sur  la 
figure  de  l'homme,  d'où  il  arrive  qu'on  ne  veut  la  symétrie 
qu'en  largeur,  non  en  hauteur  ni  profondeur  \ 

1.  Ce  n'est  pas  comme  ceux  qui  espéreraient  pour  l'avenir  une  royauté  dont  ils  ne  joui- 
raient en  aucune  manière  dans  le  présent,  tant  qu'ils  ne  seraient  pas  rois,  mais  sujets. 
11  n'en  est  pas  ainsi  de  la  royauté  spirituelle  des  fidèles  :  ils  ne  seront  saints  que  dans 
le  ciel,  mais  ils  sont  déjà  fidèles  sur  la  terre;  ils  ont  donc  en  eux  déjà  quelque  chose 
de  la  sainteté.  Il  y  a  pour  eux  un  gain  présent. 

•2.  Pascal  veut  peindre  la  préoccupation,  et  il  en  rassemble  divers  exemples.  Scara- 
mouche est  un  des  rôles  traditionnels  de  la  comédie  italienne,  et  ce  rôle  était  rempli  alors 
avec  le  plus  graud  éclat  par  l'acteur  Tiberio  Fiurelli.  Il  est  clair  que  Pascal  l'avait  vu 
jouer,  et  qu'il  l'avait  vu  en  philosophe.  Le  jeu  de  théâtre  du  docteur  était  consacré  dans 
les  farces  italiennes.  Molière  avait  reproduit  cela  dans  une  des  ébauches  de  sa  jeunesse, 
la  Jalousie  du  Barbouillé,  et  il  en  a  tiré  depuis  la  scène  du  docteur  Pancrace,  dans  le 
Mariage  forcé.  Mais  celte  dernière  comédie  est  postérieure  à  la  mort  de  Pascal.  Dans 
qu'il  essuie,  il  est  le  perroquet  lui-même.  —  Pascal  appliquait-il  toutes  ces  images  à  quel- 
qu'un de  ses  adversaires? 

3.  La  Vulgate  ne  donne  les  mots,  comminutum  cor,  ni  dans  Paul  ni  nulle  part  dans  1a 
Bible;  mais  on  lit  dans  le  Miserere  (Ps.  l.  19)  :  Sacrificium  Deo  spiritus  cunlribula'us ; 
cor  contritum  et  humiliatum,  Deus,  non  despicies.  «  Le  sacrifice  qu'il  faut  à  Dieu  est  u*a 
âme  abattue;  vous  ne  mépriserez  point,  ô  Dieul  un  cœur  brisé  et  humilié.  > 

4.  Augustin,  De  lavérit.  rr>liq.,  xxx  (trad.  d'Arnauld,  1647), 


166)  PENSÉES  DE  PASCAL 

77. 

Morale  et  langage  sont  des  sciences  particulières,  mais  uni- 
verselles1. 

78. 

...  Mais  il  est  impossible  que  Dieu  soit  jamais  la  fin,  s'il  n'est 
le  principe.  On  dirige  sa  vue  en  haut,  mais  on  s'appuie  sur  le 
sable  ;  et  la  terre  fondra,  et  on  tombera  en  regardant  le  ciel. 

79. 

...  L'ennui  qu'on  a  de  quitter  les  occupations  où  Ton  s'est 
attaché.  Un  homme  vit  avec  plaisir  en  son  ménage  :  qu'il  voie 
une  femme  qui  lui  plaise,  qu'il  joue  cinq  ou  six  jours  avec 
plaisir,  le  voilà  misérable  s'il  retourne  à  sa  première  occupa- 
tion. Rien  n'est  plus  ordinaire  que  cela. 

80. 

Cest  une  chose  déplorable  de  voir  tous  les  hommes  ne  déli- 
bérer que  des  moyens,  et.  point,  de  la  fin.  Chacun  songe  comme 
il  s'acquittera  de  sa  condition;  mais  pour  le  choix  de  la 
condition,  et  de  la  patrie,  le  sort  nous  le  donne.  C'est  une 
chose  pitoyable,  de  voir  tant  de  Turcs,  d'hérétiques,  d'infi- 
dèles, suivre  le  train  de  leurs  pères,  par  cette  seule  raison 
qu'ils  ont  été  prévenus  chacun  que  c'est  le  meilleur.  Et  c'est 
ce  qui  détermine  chacun  à  chaque  condition,  de  serrurier,  sol- 
dat, etc.  C'est  par  là  que  les  sauvages  n'ont  que  faire  de  la 
Provence  *. 

80  bis. 

Tout  est  un,  tout  est  divers.  Que  de  natures  en  celle  de 
l'homme  !  que  de  vocations  !  Et  par  quel  hasard  chacun  prend 
d'ordinaire  ce  qu'il  a  ouï  estimer.  Talon  bien  tourné  3. 

80  ter. 
Talon  de  soulier.  Oh!  que  cela  est  bien  tourné  !  que  voilà  un 

1.  Pascal  veut  dire,  je  crois,  que  comme  il  y  a  diverses  langues  suivant  les  pays,  il  y  a 
aussi  des  morales  différentes  selon  les  conditions;  le  laïque,  par  exemple,  n'a  pas  les 
mêmes  devoirs  que  le  prêtre,  etc.  Mais  de  même  qu'une  langue  étant  donnée,  les  règles 
de  cette  langue  sont  les  mêmes  pour  tous  ceux  qui  la  parlent,  ainsi  chaque  morale  aussi 
est  universelle  dans  une  condition  donnée,  et  elle  ne  varie  pas  avec  les  consciences  et 
les  opinions.  C'est  pour  combattre  la  doctrine  de  la  probabilité.  —  En  titre  dans  l'auto- 
graphe, Universel. 

2.  En  titre  dans  l'autographe,  La  prévention  induisant  en  erreur.  Voyez  le  fragment 
in,  4. 

3.  En  titre  dan»  l'autographe,  Pensée». 


ARTICLE  XXV  167 

habile  ouvrier!  que  ce  soldat  est  hardi!  Voilà  la  source  de  nos 
inclinations,  et  du  choix  des  conditions.  Que  celui-là  boit 
bien!  que  celui-là  boit  peu!  Voilà  ce  qui  fait  les  gens  sobres  et 
ivrognes,  soldats,  poltrons,  etc. 

81. 

Description  de  l'homme.  Dépendance,  désir  d'indépendance, 
besoin  *. 

82. 

On  n'est  pas  misérable  sans  sentiment  :  une  maison  ruinée 
ne  l'est  pas.  Il  n'y  a  que  l'homme  de  misérable.  Ego  vir  videns  *. 

83. 

La  nature  de  l'homme  est  toute  nature,  omne  animal3.  Il  n'y 
a  rien  qu'on  ne  rende  naturel;  il  n'y  a  naturel  qu'on  ne  fasse 
perdre. 

84. 

...La  vraie  nature  étant  perdue,  tout  devient  sa  nature; 
comme,  le  véritable  bien  étant  perdu,  tout  devient  son  véri- 
table bien. 

85. 

La  juridiction  ne  se  donne  pas  pour  [le]  juridiciant,  mais 
pour  le  juridicié.  Il  est  dangereux  de  le  dire  au  peuple.  Mais 
le  peuple  a  trop  de  croyance  en  vous  ;  cela  ne  lui  nuira  pas,  et 
peut  vous  servir  *.  Il  faut  donc  le  publier.  Pasce  oves  meas, 
non  tuas.  Vous  me  devez  pâture6. 

86. 
La  Sagesse  nous  envoie  à  l'enfance  :  nisi  efficiamini  sicut  par- 
vuli*. 

1.  Je  ne  suis  pas  sûr  d'entendre  bien  cette  pensée. 

2.  Jérem.  Thren.  m,  1  :  Ego  vir  videns  paupertalem  meam.  «  Je  suis  un  homme  qui 
vois  quel  est  mon  dénûment.  »  Voyez  le  fragment  I,  4. 

3.  Ces  mots  sont-ils  pri3  du  verset  de  la  Genèse,  où  il  est  dit  qu'il  y  avait  dans 
l'arche,  avec  Noé  et  ses  fils,  toute  espèce  d'animal  :  Ipsi  et  omne  animal  secundum  genus 
tuum  (vu,  14)? 

4.  «  Cela  ne  lui  nuira  pas  »,  c'est-à-dire  ne  le  détachera  pas  de  l'obéissance  qu'il  vous 
doit.  Pascal  le  croyait. 

5.  En  titre  dans  l'autographe,  Injustice.  —  Pasce  oves  tuas  est  la  parole  de  Jésus  à 
Pierre  {Jean,  xxi,  17)  :  «  Pais  mes  brebis.  »  Il  ne  dit  pas  :  Pais  tes  brebis.  Donc  tant  pis 
pour  vous  (Pascal  parle  à  ceux  qui  régnent  dans  l'Église),  si  je  détache  de  vous  votre 
troupeau  ;  il  n'est  pas  à  vous. 

6.  Matth.  xvm,  t  :  «  Jésus,  appelant  un  petit  enfant,  le  plaça  au  milieu  d'eux  et  leur 
dit  :  Je  vous  le  dis  en  vérité ,  si  vous  ne  changez  et  si  vous  ne  devenez  comme  de  pe- 
tits enfants,  vous  n'entrerez  pas  dans  le  royaume  des  cieux.  » 


168  PENSÉES  DE  PASCAL 

87. 

La  vraie  religion  enseigne  nos  devoirs,  nos  impuissances 
(orgueil  et  concupiscence),  et  les  remèdes  (humilité,  mortifica- 
tion). 

88. 

L'Écriture  a  pourvu  de  passages  pour  consoler  toutes  les 
conditions,  et  pour  intimider  toutes  les  conditions. 

La  nature  semble  avoir  fait  la  même  chose  par  ses  deux  infi- 
nis, naturels  et  moraux  :  car  nous  aurons  toujours  du  dessus 
et  du  dessous,  de  plus  habiles  et  de  moins  habiles,  de  plus  éle- 
vés et  de  plus  misérables,  pour  abaisser  notre  orgueil  et  re- 
lever notre  abjection. 

89. 
L'Être  éternel  est  toujours,  s'il  est  une  fois. 

90. 
La  corruption  de  la  raison  paraît  par  tant  de  différentes  et 
extravagantes  mœurs.  Il  a  fallu  que  la  vérité  soit  venue,  afin 
que  l'homme  ne  véquît  plus  en  soi-même. 

91. 

La  coutume  est  notre  nature.  Qui  s'accoutume  à  la  foi,  la 
croit,  et  ne  peut  plus  même  craindre  l'enfer,  et  ne  croit  autre 

chose.  Qui  s'accoutume  à  croire  que  le  roi  est  terrible ,  etc. 

Qui  doute  donc  que  notre  âme  étant  accoutumée  à  voir  nom- 
bre, espace,  mouvement,  croie  cela  et  rien  que  cela4  ? 

92. 

...  Que  me  promettez -vous  enfin,  sinon  dix  ans  d'amour- 
propre,  à  bien  essayer  de  plaire  sans  y  réussir,  outre  les  peines 
certaines?  Car  dix  ans,  c'est  le  parti2. 

92  bis. 
Miton  voit  bien  que  la  nature  est  corrompue,  et  que  les  hoin- 

1.  Voyez  les  premières  lignes  du  fragment  x,  1. 

2.  Pascal  s'adresse  aux  mondains ,  aux  honnêtes  gens  de  l'école  de  Méré  ou  de  Miton, 
qui,  au  lieu  de  se  proposer  pour  fin  de  la  vie  Dieu  et  le  salut,  ne  se  proposaient  que 
l'honnêteté,  c'est-à-dire  un  certain  art  de  se  plaire  parmi  les  hommes  en  leur  plaisant, 
et  d'être  heureux  par  l'amour-propre  (voir  plus  haut  le  fragment  39  bis).  Voilà  donc  le 
souverain  bien  de  l'homme,  dix  ans  passés  ainsi!  car  les  probabilités  établissent  qu'à  un 
moment  donné  on  n'a  pas  à  espérer  plus  de  dix  ans  de  vie.  C'est  là  la  chance  oflerte, 
c'est  le  parti.  Voyez  sur  ce  mot  le  fragment  v,  9  bis 


ARTICLE  XXV  MO 

mes  sont  contraires  à  l'honnêteté  ;  mais  il  ne  sait  pas  pourquoi 
ils  ne  peuvent  voler  plus  haut  t. 

92  ter. 

Reprocher  à  Miton  de  ne  pas  se  remuer,  quand  Dieu  le  re- 
prochera . 

93. 

Fausseté  des  autres  religions.  Ils  n'ont  point  de  témoins, 
ceux-ci  en  ont.  Dieu  défie  les  autres  religions  de  produire  de 
telles  marques  :  Isaïe,  xliii,  9;  xliv,  8. 

93  bis. 

Les  deux  plus  anciens  livres  du  monde  sont  Moïse  et  Job, 
l'un  juif,  l'autre  païen  a,  qui  tous  deux  regardent  Jésus- Christ 
comme  leur  centre  commun  et  leur  objet  :  Moïse,  en  rappor- 
tant les  promesses  de  Dieu  à  Abraham,  Jacob,  etc.,  et  ses  pro- 
phéties ;  et  Job  :  Quis  mihi  det  ut,  etc.  Scio  enim  quod  redemptor 
meus  vivit,  etc.  3. 

94 

Je  ne  serais  pas  chrétien  sans  les  miracles,  dit  S.  Augustin*. 

94  bis. 

On  n'aurait  point  péché  en  ne  croyant  pas  Jésus-Christ, 
sans  les  miracles  :  Vide  an  mentiar1. 

94  ter. 

Il  n'est  pas  possible  de  croire  raisonnablement  contre  les  mi- 
racles. 

95. 

Ubi  est  Deus  tuus •?  Les  miracles  le  montrent,  et  sont  un 

éclair. 

I.  Sur  Miton,  royex  le  fragment  vi,  20. 

î.  Job  était  de  la  terre  de  Eus,  dit  la  Bible.  La  tradition  place  cette»  terre  en  Arabie, 
et  regarde  Job  comme  un  Arabe. 

3.  Job.  xix,  23-25  :  •  Qui  me  donnera  de  tracer  dans  un  livre  me*  paroles?...  Oui,  je 
sais  qu'il  existe  pour  moi  un  rédempteur,  et  que  je  me  relèverai  At>  la  terre  au  dernier 
jour.  • 

4.  Je  ne  sais  si  on  peut  trouver  ces  paroles  textuellement  dans  saint  Augustin,  mail  il 
revient  souvent  sur  l'importance  des  miracles  pour  établir  la  foi.  Voir  particulièrement 
le  chapitre  9  du  livre  XXII  de  la  Cité  de  Dieu,  et  le  livre  De  utilitate  credendi,  où  il  dit 
positivement  que  la  religion  du  Christ  s'est  établie  par  les  miracles. 

I.  Job,  vi,  28  :  «  Voyons,  daignez  me  regarder  en  face. 

Et  vous  jugere*  bien  si  je  mens.  > 

Traduction  de  M.  Renan. 
J,  Psaume  xli,  4. 


*70  PENSÉES  DE  PASCAL 

96. 

Pour  les  religions,  il  faut  être  sincère  :  vrais  païens,  vrais 
juifs,  vrais  chrétiens. 

97. 
...  Que  Jésus-Christ  sera  à  la  droite,  pendant  que  Dieu  lui 
assujettira  ses  ennemis.  Donc  il  ne  les  assujettira  pas  lui- 
même  '. 

98. 
Si  ne  marque  pas  l'indifférence  :  Malachie,  Isaîe.  /«.,  Si  vo- 
iumus,  etc.  In  quacunque  die  *. 

99. 
Adam  forma  futuri*.  Les  six  jours  pour  former  l'un,  les  six 
âges  pour  former  l'autre.  Les  six  jours  que  Moïse  représente 
pour  la  formation  d'Adam,  ne  sont  que  la  peinture  des  six  âges 
pour  former  Jésus-Christ  et  l'Église.  Si  Adam  n'eût  point  pé- 
ché, et  que  Jésus-Christ  ne  fût  point  venu,  il  n'y  eût  eu  qu'une 
seule  alliance,  qu'un  seul  âge  des  hommes,  et  la  création  eût 
été  représentée  comme  faite  en  un  seul  temps*. 

99  bis. 

Les  six  âges.  Les  six  Pères  des  six  âges.  Les  six  merveilles 
à  l'entrée  des  six  âges.  Les  six  orients  à  l'entrée  des  six  âges  *. 

100. 

Ne  timeas,  pusillus  grex6.  —  Timoré  ettremore1.  —  Quid 

I .  Donc  le  Messie  ne  sera  pas  un  roi  temporel.  Voir  le  psaume  cdc,  Dixit  Dominus.  En 
titre  dans  l'autographe,  Prophéties. 

î.  Ce  fragment  obscur  se  rapporte  aux  discussions  sur  la  grâce  et  la  prédestination. 
Les  adversaires  de  la  prédestination  s'appuyaient  de  certains  passages  tels  que  ceux-ci  ; 
«  Si  vous  voulez  m'entendre,  vous  goûterez  les  biens  de  la  terre;  si  vous  ne  voulez 
pas,...  le  glaive  vous  dévorera.  »  Isaïe,  i,  19.  Et  encore  :  «  Si  vous  ne  voulez  pas  m'en- 
tendre,  j'enverrai  sur  vous  la  misère,  etc.  >  Malachie ,  n,  î.  Donc.,  disaient-ils,  Dieu 
subordonne  sa  sentence  à  la  résolution  des  hommes ,  il  ne  les  a  point  faits  prédestinés  ; 
il  n'a  point  par  lui-même  de  parti  pris,  il  est  indifférent  entre  leur  salut  et  leur  damna- 
tion, et  s'en  rapporte  du  choix  à  eux-mêmes.  Pascal  répond  que  le  si  ne  marque  pas 
cette  indifférence,  qu  il  n'est  pas  proprement  conditionnel,  que  si  volueritis  équivaut  à  in 
quacunque  die  volueritis,  c'est-à-dire  :  le  jour  où  vous  m'aurez  obéi,  vous  serez  récompen- 
sés, comme,  vous  serez  punis  le  jour  où  vous  m'aurez  désobéi. 

3.  C'est-à-dire,  figure  de  celui  qui  était  à  venir.  Rom.  v,  14. 

4.  Voir  le  fragment  suivant. 

5.  Tout  cela  est  pris  du  livre  d'Augustiu  De  Genesi  contra  Manichœos,  1, 13  (35). 

6.  c  Ne  craignez  pas,  chétif  troupeau.  »  Luc,  xu,  32. 

7.  Ces  paroles  se  trouvent  plusieurs  fois,  mais  Pascal  a  sans  doute  dans  la  pensée  ce 
passage  de  la  Lettre  à  ceux  d'Éphèse,  n,  12  :  Cum  melu  et  iremore  vestram  salutem  <tye- 
yamini.  <  Travaillez  à  l'œuvre  de  votre  salut  avec  crainte  et  tremblement  > 


ARTICLE  XXV  171 

ergo?  Ne  timeas,  timeas  '  :  Ne  craignez  point,  pourvu  [quel 
vous  craigniez;  mais  si  vous  ne  craignez  pas,  craignez. 

Qui  me  recipit,  non  me  recipit,  sed  eum  qui  me  misit  *. 
Nemo  scit,  neque  Filius  3  —  Nubes  lucida  obumbravit  4. 

Saint  Jean  devait  convertir  les  cœurs  des  pères  aux  enfants  *. 
Et  Jésus-Christ  met  la  division  6.  Sans  contradiction. 

Les  effets,  in  communi  et  in  particulari.  Les  semipélagiens 
errent  en  disant  de  in  communi,  ce  qui  n'est  vrai  que  in  par- 
ticulari 7;  et  les  calviuistes,  en  disant  in  particulari,  ce  qui 
est  vrai  in  communi 8,  ce  me  semble.  — (Je  crois  que  Josué  a, 
le  premier  du  peuple  de  Dieu,  ce  nom,  comme  Jésus-Christ 
le  dernier  du  peuple  de  Dieu.)9 

101. 

Joh.  vin  :  Multi  crediderunt  m  eum,  Dicebat  ergo  Jésus  :  Si 
tnanseritis...,  vere  mei  discipuli  eritis,  éventas  liberabit  vos, 
Responderunt  :  Semen  Abrahœ  sumus,  et  nemini  servimus  un- 
quant 10. 

Il  y  a  bien  de  la  différence  entre  les  disciples  et  les  vrais  dis- 
ciples. On  les  reconnaît  en  leur  disant  que  la  vérité  les  rendra 
libres.  Car  s'ils  répondent  qu'ils  sont  libres,  et  qu'il  est  en  eux 
de  sortir  de  l'esclavage  du  diable,  ils  sont  bien  disciples,  mais 
non  pas  vrais  disciples. 

1.  C'est  Pascal  lui-même  qui  oommente  ces  textes  latins  en  latin,  puis  en  français. 

2.  t  Si  on  me  reçoit,  ce  n'est  pas  moi  qu'on  reçoit,  mais  celui  qui  m'a  envoyé.  »  C'est 
à  très-peu  près  le  texte  de  Marc,  ix,  36. 

3.  t  Personne  ne  le  sait,  pas  même  les  anges,  pas  même  le  Fils,  mais  le  Père  seul.  • 
Marc,  xiii,  32.  Ici  Jésus  se  sépare  de  son  père;  là  il  se  confondait  avec  lui.  Autre  con- 
tradiction qu'il  faut  concilier. 

4.  t  Une  nuée  lumineuse  s'étendit  sur  eux  [il  s'agit  des  trois  apôtres  qui  ont  suivi  Jésus 
sur  le  Thabor],  et  de  la  nuée  sortit  une  voix  qui  disait  :  C'est  ici  mon  fils  bien-aimé. 
Matth.  xvii,  5. 

o.  Lue,  i,  17.  Convertir,  c'est-à-dUpe,  ramener. 

6.  Lue,  in,  51  :  •  Croyez-vous  que  je  suis  venu  mettre  la  paix  sur  la  terre?  Non,  en 
vérité,  mais  la  division.  Car  désormais,  s'il  y  a  dans  une  maison  cinq  personnes,  elles 
seront  divisées,  trois  contre  deux  et  deux  contre  trois.  Le  père  sera  en  division  avec  le 
fils,  et  le  fils  avec  le  père,  et  la  mère  avec  la  fille,  et  la  fille  avec  la  mère,  etc.  » 

7.  Lorsqu'ils  disent  que  la  grâce  est  donnée  aux  hommes,  tandis  qu'elle  ne  l'est,  sui- 
vant Pascal,  qu'aux  prédestinés. 

8.  Quand  ils  disent  que  les  justes  seuls  reçoivent  le  Christ  dans  la  communion.  Voyez 
xxiv,  78. 

9.  Ce  nom  de  Josué  ou  Jésus  veut  dire  Sauveur. 

10.  ■  Beaucoup  crurent  en  lui.  Et  Jésus  disait  :  Si  vous  demeurez  fidèles  à  ma  parole, 
vous  serez  mes  vrais  disciples,  et  la  vérité  vou3  rendra  libres.  Ils  répondirent  :  Nous 
sommes  enfants  d'Abraham,  et  nous  n'avons  jamais  été  esclaves  [servivimus,  dans  la 
Vu'entel.  Comment  donc  peux-lu  nous  dire  :  Vous  serez  libres?  Et  Jésus  repondit  :  J« 
vous  îe  dis  en  vérité,  quiconque  commet  le  péché  est  «sclave  du  péché,  t  Jean,  vm,  3') 
et  8uiv# 


172  PENSÉES  DE  PASCAL 

102. 

Ne  vivre  que  de  son  travail,  et  régner  sur  le  plus  puissant 
État  du  monde,  sont  choses  très-opposées.  Elles  sont  unies  dans 
la  personne  du  Grand  Seigneur  des  Turcs *. 

103. 

.. .  Les  vrais  chrétiens  obéissent  aux  folies  néanmoins,  non 
pas  qu'ils  respectent  les  folies,  mais  Tordre  de  Dieu,  qui,  pour 
la  punition  des  hommes,  les  a  asservis  à  ces  folies.  Omnis 
creatura  subiecta  est  vanitati.  Liber abitur  *, 

Ainsi  saint  Thomas  explique  le  lieu  de  saint  Jacques  sur  la 
préférence  des  riches,  que,  s'ils  ne  le  font  dans  la  vue  de  Dieu, 
ils  sortent  de  l'ordre  de  la  religion3, 

104. 
Abraham  ne  prit  rien  pour  lui,  mais  seulement  pour  ses  ser- 
viteurs4; ainsi  le  juste  ne  prend  rien  pour  soi  du  monde,  ni 
des  applaudissements  du  monde ,  mais  seulement  pour  ses  pas- 
sions, desquelles  il  se  sert  comme  maître,  en  disant  à  l'une, 
Va,  et  viens6.  Sub  te  erit appetitus  tuus*.  Ses  passions  ainsi  do- 
minées sont  vertus.  L'avarice,  la  jalousie,  la  colère,  Dieu  même 
se  -Ç3  attribue  7;  et  ce  sont  aussi  bien  vertus  que  la  clémence, 

1.  Je  ne  sais  où  Pascal  a  pris  cette  tradition  :  si  elle  est  dans  Montaigne,  je  ne  m'en 
souviens  pas.  Rousseau  la  rappelle  et  la  commente  dans  l1 'Emile,  vers  la  fin  du  livre  III. 
Mais  déjà,  en  1560,  Guillaume  Postel,  dans  son  livre  de  la  République  des  Turcs,  troi- 
sième partie,  avertissait  ses  lecteurs  de  n'en  rien  croire  :  «  Et  n'est  pas  ainsi  que  disent 
quelques-uns,  qu'il  laboure,  puis  envoie  une  poire  ou  autre  fruit  à  un  baschia,  et  lui 
mande  qu'il  lui  donne  mille  écus  :  ce  sont  folies,  etc.  i>  En  titre  dans  l'autographe,  In- 
constance et  bizarrerie.  Inconstance,  c'est-à-dire  inconsistance,  incohérence,  au  sens  dn 
latin. 

2.  Rom.  vin,  20  :  «  La  créature  est  asservie  à  la  vanité  [c'est-à-dire  à  l'illusion,  au 
néant,  aux  déceptions  du  monde],  non  par  sa  volonté,  mais  par  celle  de  celui  qui  l'a 
assujettie  à  ce  joug,  en  lui  donnant  l'espérance.  Car  la  créature  sera  délivrée  un  jour  de 
l'esclavage  de  la  corruption.  »  Voyez  le  fragment  v,  7  bis. 

3.  Jac.  ii,  1  :  «  Mes  frères,  ne  faites  point  acception  de  personnes,  vous  qui  avez  la 
foi  de  la  gloire  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ.  Car  s'il  entre  dans  votre  assemblée  un 
homme  avec  un  anneau  d'or  et  une  robe  blanche,  et  qu'il  y  entre  aussi  un  pauvre  avec 
un  méchant  habit,  si  vous  ne  faites  attention  qu'à  celui  qui  est  richement  vêtu,  et  que 
vous  lui  disiez  :  Toi,  prends  ici  ce  siège  d'honneur,  tandis  que  vous  dites  au  pauvre  : 
Toi,  reste  là  debout,  ou  assieds-toi  au-dessous  de  mon  marchepied;  vous  faites  donc 
entre  eux   une  distinction,  et   vous  suivez    des   pensées   contraires   à  la  justice.  »  —  Je 

trouve  dans  le  Catalogue  des  livres de  feu  M.  Bluet(l661),  page  230,  le  titre  suivant: 

De  la  distinction  des  places  en  l'Église.  Paris,  1650. 

4.  Gen.  xiv,  24. 

5.  Comme  le  centurion  de  l'Évangile  à  ses  soldats  :  Et  dico  huic,  Vade,  et  vadit,  «t 
alii,  Vent,  et  venit.  Math,  vin,  9. 

6.  Gen.  iv,  7  .   «  Tu  tiendras  sous  toi  tes  désirs.  • 

7.  Pour  la  jalousie  et  la  colère,  voir  le  fragment  12  de  l'article  xvi.  Quaut  à  la.'cinoe, 
voir  dans  Matthieu,  xxv,  la  parabole  des  talents  d'argent. 


ÀRT1CTF   XXV  173 

la  pitié,  la  constance,  qui  sont  aussi  des  passions.  Il  faut  s'en 
servir  comme  d'esclaves,  et,  leur  laissant  leur  aliment,  empê- 
cher que  l'âme  n'y  en  prenne  ;  car  quand  les  passions  sont  les 
maîtresses,  elles  sont  vices,  et  alors  elles  donnent  à  l'âme  de 
leur  aliment,  et  1  ame  s'en  nourrit  et  s'en  empoisonne. 

105. 

On  ne  s  éloigne  qu'en  s'éloignant  de  la  charité.  Nos  prières 
et  nos  vertus  sont  abominables  devant  Dieu,  si  elles  ne  sont 
les  prières  et  les  vertus  de  Jésus-Christ.  Et  nos  péchés  ne  se- 
ront jamais  l'objet  de  la  [miséricorde],  mais  de  la  justice  de 
Dieu,  s'ils  ne  sont  de  Jésus-Christ.  Il  a  adopté  nos  péchés,  et 
nous  a  [admis  à  son]  alliance  ;  car  les  vertus  lui  sont  propres, 
et  les  péchés  étrangers;  et  les  vertus  nous  sont  étrangères,  et 
nos  péchés  nous  sont  propres. 

Changeons  la  règle  que  nous  avons  prise  jusqu'ici  pour  ju- 
ger de  ce  qui  est  bon.  Nous  en  avions  pour  règle  notre  volonté, 
prenons  maintenant  la  volonté  de  Dieu  :  tout  ce  qu'il  veut 
nous  est  bon  et  juste,  tout  ce  qu'il  ne  veut... 

Tout  ce  que  Dieu  ne  veut  pas  est  défendu.  Les  péchés  sont 
défendus  par  la  déclaration  générale  que  Dieu  a  faite,  qu'il  ne 
les  voulait  pas.  Les  autres  choses  qu'il  a  "aissées  sans  défense 
générale,  et  qu'on  appelle  par  cette  raison  permises,  ne  sont 
pas  néanmoins  toujours  permises.  Car,  quand  Dieu  en  éloigne 
quelqu'une  de  nous,  et  que  par  l'événement,  qui  est  une  mani- 
festation de  la  volonté  de  Dieu,  il  paraît  que  Dieu  ne  veut  pas 
que  nous  ayons  une  chose,  cela  nous  est  défendu  alors  comme 
le  péché,  puisque  la  volonté  de  Dieu  est  que  nous  n'ayons  non 
plus  l'un  que  l'autre.  Il  y  a  cette  différence  seule  entre  ces 
deux  choses,  qu'il  est  sûr  que  Dieu  ne  voudra  jamais  le  péché, 
au  lieu  qu'il  ne  l'est  pas  qu'il  ne  voudra  jamais  l'autre.  Mais 
tandis  que  Dieu  ne  la  veut  pas,  nous  la  devons  regarder  comme 
péché;  tandis  que  l'absence  de  la  volonté  de  Dieu,  qui  est  seule 
toute  la  bonté  et  toute  la  justice,  la  rend  injuste  et  mauvaise. 

106. 
«oe  m'en  suis  réservé  sept  mille.  »  J'aime  les  adorateurs  in- 
connus au  monde,  et  aux  prophètes  mêmes  *. 

1.  o  Je  me  suis  réservé  sept  mille  hommes  dans  Israël,  qui  n'ont  point  fléchi  le  genou 
devant  Baal.  »  C'est  la    réponse  que  Dieu  fait  aux  plaintes  du   prophète    Elie   dans  la 
H.  12 


174  PENSÉES   DE   PASCAL 

107. 

Les  hommes  n'ayant  pas  accoutumé  de  former  le  mérite, 
mais  seulement  le  récompenser  où  ils  le  trouvent  formé,  jugent 
de  Dieu  par  eux-mêmes. 

108. 

...  J'aurais  bien  pris  ce  discours  d'ordre  comme  celui-ci1  : 
Pour  montrer  la  vanité  de  toutes  sortes  de  conditions,  montrer 
la  vanité  des  vies  communes,  et  puis  la  vanité  des  vies  philoso- 
phiques (pyrrhoniennes,  stoïques);  mais  l'ordre  ne  serait  pas 
gardé.  Je  sais  un  peu  ce  que  c'est,  et  combien  peu  de  gens  l'en- 
tendent. Nulle  science  humaine  ne  le  peut  garder.  Saint  Tho- 
mas ne  l'a  pas  gardé.  La  mathématique  le  garde,  mais  elle  est 
inutile  en  sa  profondeur  *. 

1086*5. 

Lettre  pour  porter  à  rechercher  Dieu.  Et  puis  le  faire  cher- 
cher chez  les  philosophes,  pyrrhoniens  et  dogmatistes,  qui  tra- 
vaillent celui  qui  les  recherche. 

109. 

Ordre  par  dialogues.  —  Que  dois-je  faire  ?  Je  ne  vois  partout 
qu'obscurités.  Croirai-je  que  je  ne  suis  rien?  croirai-je  que  je 
suis  dieu?  Toutes  choses  changent  et  se  succèdent.  —  Vous 
vous  trompez,  il  y  a  .. 

109  bis. 

...  Une  Lettre,  de  la  folie  de  la  science  humaine  et  delà  phi- 
losophie. Cette  lettre  avant  le  Divertissement, 

110. 

Dans  la  Lettre,  de  l'Tnjustice,  peut  venir  la  plaisanterie  des 
aînés  qui  ont  tout.  Mon  ami,  vous  êtes  né  de  ce  côté  de  la 
montagne;  il  est  donc  juste  que  votre  aîné  ait  tout.  —  Pour- 
quoi me  tuez-vous8? 

Lettre  à  ceux  de  Rome,  xi,  4,  où  Paul  altère  et  détourne  le  teste  d'un  passage  du  troi- 
sième livre  des  Bois,  xlx,  18.  C'est  là  pour  Pascal  une  figure  de  la  petite  église  jansé- 
niste, persécutée  et  fidèle. 

1.  11  semble  qu'il  faille  construire,  J'aurais  pris  d'ordre,  comme  on  dirait  bien,  J'aurais 
pris  de  biais.  J'aurais  pu  prendre  ce  discours  d'après  un  ordre,  suivant  ua  ordre  tel  que 
eelui-ci. 

2.  En  titre  dans  l'autographe,  Ordre. 

3.  Voyez  le  fragment  vi,  3. 


AHTICT,R    XXV  175 

III. 

H  faut  mettre  au  chapitre  des  Fondements  ce  qui  est  en  ce- 
lui des  Figuratifs  touchant  la  cause  des  Figures  :  pourquoi  Jé- 
sus-Christ prophétisé  en  son  premier  avènement  ;  pourquoi 
prophétisé  obscurément  en  la  manière. 

iiî  bis. 

Parler  contre  les  trop  grands  figuratifs. 

112. 
Nous  implorons  la  miséricorde  de  Dieu,  non  afin  qu'il  nous 
laisse  en  paix  dans  nos  vices,  mais  afin  qu'il  nous  en  délivre. 

113. 
Si  Dieu  nous  donnait  des  maîtres  de  sa  main,  oh  !  qu'il  leur 
faudrait  obéir  de  bon  cœurl  La  nécessité  et  les  événements  en 
sont  infailliblement. 

114. 

Eritis  sicutdii,  scientes  bonum  etmalum  *.  Tout  le  monde  fait 
le  dieu  en  jugeant  :  Gela  est  bon  ou  mauvais;  et  s'affligeant  ou 
se  réjouissant  trop  des  événements. 

115. 
Faire  les  petites  choses  comme  grandes,  à  cause  de  la  ma- 
jesté de  Jésus-Christ  qui  les  fait  en  nous,  et  qui  vit  notre  vie; 
et  les  grandes  comme  petites  et  aisées,  à  cause  de  sa  toute- 
puissance. 

116. 

L'homme  est  naturellement  crédule,  incrédule  ;  timide,  té- 
méraire. 

117. 

Les  gens  manquent  de  cœur,  on  n'en  ferait  pas  son  ami  * 

118 
On  croit  toucher  des  orgues  ordinaires  en  touchant  l'homme. 
Ce  sont  des  orgues,  à  la  vérité,  mais  bizarres,  changeantes,  va- 
riables 3.  Ceux  qui  ne  savent  toucher  que  les  ordinaires  ne  fe- 

1.  c  Vous  serez  comme  des  dieux,  sachant  le  bien  et  le  mal.  »  Gen.  m,  5.  Ce  sont  les 
paroles  par  lesquelles  le  serpent  tente  la  femme.  Voir  YAugustinus  de  Jansénius,  I,  iv,  2î. 

2.  Voyez  l'Étude  sur  les  Pensées,  dans  l'Introduction,  pag.  xxxvn. 

3.  Ici,  ces  mots  barrés,  dont  let  tuyaux  ne  se  suivent  pas  par  degrés  conjoint». 


176  PENSEES  DE  PASCAL. 

ront  pas   d'accords  sur  celles-là,  Il  faut  savoir  où  sont  les 
[tuyaux]1. 

118  bis. 

Éloquence,  qui  persuade  par  douceur,  non  par  empire;  en 
tyran,  non  en  roi  *. 

118  ter. 

Les  raisons  qui  étant  vues  de  loin  semblent  borner  notre 
vue,  quand  on  y  est  arrivé  ne  la  bornent  plus  ;  on  commence 
à  voir  au  delà. 

119. 

Grandeur  d'établissement,  respect  d'établissement.  Le  plai- 
sir des  grands  est  de  pouvoir  faire  des  heureux.  Le  propre  de 
la  richesse  est  d'être  donnée  libéralement.  Le  propre  de  cha- 
que chose  doit  être  cherché.  Le  propre  de  la  puissance  est  de 
protéger.  Gomme  Dieu  est  environné  de  gens  pleins  de  cha- 
rité, qui  lui  demandent  les  biens  de  la  charité,  ainsi...  Con- 
naissez-vous donc,  et  sachez  que  vous  n'êtes  qu'un  roi  de  con- 
cupiscence, et  prenez  les  voies  de  la  concupiscence  8. 

120. 

La  puissance  des  mouches.  Elles  gagnent  des  batailles, 
empêchent  notre  âme  d'agir,  mangent  notre  corps*. 

121. 

Lorsqu'on  est  accoutumé  à  se  servir  de  mauvaises  raisons 
pour  prouver  des  effets  de  la  nature,  on  ne  veut  plus  recevoir 
les  bonnes  lorsqu'elles  sont  découvertes.  L'exemple  qu'on  en 
donna  fut  sur  la  circulation  du  sang,  pour  rendre  raison  pour- 
quoi la  veine  enfle  au-dessous  de  la  ligature. 

122. 
Vanité,  jeu,  chasse,  visites,    comédies  fausses,   perpétuité 
de  nom. 

1.  En  titre  dans  l'autographe,  Inconstance. 

2.  La  raison  est  un  roi,  qui  commande  par  une  autorité  légitime;  mais  la  douceur,  c'est- 
,-dire  la  corruption,  est  une  violence  qui  ne  convient  qu'à  un  tyran. 

3.  Sur  l'opposition  entre  les  biens  de  la  charité  et  ceux  de  la  concupiscence,  voyez  xv, 
7.  —  Ce  fragment  sera  expliqué  par  les  Discours  sur  la  condition  des  Grands,  qu'on  trou- 
vera dans  les  Opuscules. 

4.  Voir  Montaigne,  Apol.,  t.  ni,  p.  74.  —  Ce  fragment  et  ceux  qui  suivent  avaient 
été,  dans  ma  première  édition,  relégués  dans  un  Appendice,  comme  trop  imparfaits,  et 
quelquefois  à  peine  ébauchés.  Je  les  ai  replacés  dans  le  texte,  mais  je  ne  me  suis  pas 
astreint  à  les  commenter  avec  le  même  soin  que  les  précédent». 


ARTICLE  XXV  177 

123. 
Les  molinistes  sont  gens  qui  connaissent  la  vérité,  mais  qui 
ne  la  soutiennent  qu'autant    que  leur  intérêt  s'y  rencontre, 
mais  hors  de  là  ils  l'abandonnent l. 

124. 
La  nourriture  du  corps  est  peu  à  peu.  Plénitude  de  nourri- 
ture, et  peu  de  substance. 

125. 
Premier  degré  :  être  blâmé  en  faisant  mal,  et  loué  en  fai- 
sant bien.  Second  degré  :  n'être  ni  loué  ni  blâmé  *. 

126. 

La  foi  reçue  au  baptême  est  la  source  de  toute  la  vie  des 
chrétiens  et  des  convertis. 

127. 

Œuvres  extérieures.  Il  n'y  a  rien  de  si  périlleux  que  ce  qui 
plaît  à  Dieu  et  aux  hommes.  Car  les  états  qui  plaisent  à  Dieu 
et  aux  hommes  ont  une  chose  qui  plaît  à  Dieu,  et  une  autre 
qui  plaît  aux  hommes.  Gomme  la  grandeur  de  sainte  Thérèse  : 
ce  qui  plaît  à  Dieu  est  sa  profonde  humilité  dans  ses  révéla- 
tions; ce  qui  plaît  aux  hommes  sont  ses  lumières.  Et  ainsi  on 
se  tue  d'imiter  ses  discours,  pensant  imiter  son  état;  et  pas 
tant  d'aimer  ce  que  Dieu  aime,  et  de  se  mettre  en  l'état  que 

Dieu  aime. 

Il  vaut  mieux  ne  pas  jeûner  et  en  être  humilié,  que  jeûner  et 
en  être  complaisant.  Pharisien,  publicain  [Luc,  xvm,  9]. 

Que  me  servirait  de  m'en  souvenir,  si  cela  peut  également 
me  nuire  et  me  servir  ?  et  que  tout  dépend  de  la  bénédiction 
de  Dieu,  qu'il  ne  donne  qu'aux  choses  faites  pour  lui,  et  selon 
ses  règles  et  dans  ses  voies,  la  manière  étant  ainsi  aussi  im- 
portante que  la  chose,  et  peut-être  plus,  puisque  Dieu  peut  du 
mal  tirer  du  bien,  et  que  sans  Dieu  on  tire  le  mal  du  bien. 

128. 
Les  mots  diversement  rangés  font  un  divers  sens,  et  les 
sens  diversement  rangés  font  différents  effets. 

1.  Il  y  a  dans  le  manuscrit  les  malingres,  mais  ce  fragment  n'est  pas  écrit  de  la  main, 
de  Pascal.  Les  molinistes  est  une  conjecture  que  je  propose. 

2.  Voyez  le  fragment  66. 


178  PENSÉES  DE  PASCAL 

129. 
Talent  principal,  qui  règle  tous  les  autres. 

130. 
Façon  de  parler  :  «  Je  m'étais  voulu  appliquer  à  cela  '.  » 

130  bis. 
Vertu  apéritive  d'une  clef,  attractive  d'un  croc. 

131. 

Pyrrhonien,  pour  opiniâtre 2. 

Nul  ne  dit  courtisan  que  ceux  qui  ne  le  sont  pas  ;  pédant, 
qu'un  pédant8;  provincial,  qu'un  provincial,  et  je  gagerais  que 
c'est  l'imprimeur  qui  l'a  mis  au  titre  des  Lettres  au  Provincial. 

132. 
Carrosse  versé  ou  renversé,   selon  l'intention.  Répandre  ou 
verser,  selon  l'intention. 
Plaidoyer  de  M.  Le  Maître  sur  le  Gordelier  par  force  4. 

133. 
Beauté  d'omission,  de  jugement. 

134. 

N'est-ce  pas  assez  qu'il  se  fasse  des  miracles  en  un  lieu,  et 
que  la  Providence  paraisse  sur  un  peuple  ? 

135. 
Le  bon  air  va  à  n'avoir  pas  de  complaisance,  et  la  bonne 
piété  à  avoir  complaisance  pour  les  autres. 

136. 
Ce  que  les  Stoïques  proposent  est  si  difficile  et  si  vain! 
Les  Stoïques  posent  :  Tous  ceux  qui  ne  sont  point  au  haut 
degré  de  sagesse  sont  également  vicieux,  comme  ceux  qui  sont 
à  deux  doigts  dans  l'eau  5... 

1.  En  titre  dans  l'autographe,  Miscell[ancà). 

2.  Je  ne  comprends  pas. 

3.  Pédant,  qu'un  pédant.  Voir  la  note  6  sur  vi,  52. 

4.  Les  Plaidoyers  et  Harangues  de  M.  Le  Maistre,  Paris,  1657,  fol.  Plaidoyer  VIe,  Pour 
un  fils  mis  en  religion  par  force.  On  trouve  dès  la  première  page  :  «  Dieu  qui  répand 
des  aveuglements  et  des  ténèbres  sur  les  passions  illégitimes,  etc.  »  Est-ce  à  l'occasion 
de  cette  phrase  que  Pascal  a  fait  sa  remarque  sur  le  mot  répandre,  qu'on  ne  pourrait  pas 
remplacer  ici  par  verser? 

5.  Sont  aussi  bien  noyés  que  ceux  qui  sont  au  foud. 


ÀRTTCrE  XXV  179 

137. 

On  n'entend  les  prophéties  que  quand  on  voit  les  choses  arri- 
vées. Ainsi  les  preuves  de  la  retraite,  et  de  la  discrétion,  du 
silence,  etc.,  ne  se  prouvent  qu'à  ceux  qui  les  savent  et  les 
croient. 

Joseph  si  intérieur  dans  une  loi  tout  extérieure. 

Les  pénitences  extérieures  disposent  à  l'intérieure,  comme 
les  humiliations  à  l'humilité.  Ainsi  les... 

138. 
Rom.  m,  27  :  Gloire  exclue;  par  quelle  loi?  Des  œuvres? 
Non,  mais  par  la  foi.  Donc  la  foi  n'est  pas  en  notre  puissance 
comme  les  œuvres  de  la  loi,  et  elle  nous  est  donnée  d'une  autre 
manière. 

139. 
Le  peuple  juif,  moqué  des  gentils;  le  peuple  chrétien,  per- 
sécuté. 

140. 
Josèphe  cache  la  honte  de  sa  nation  ;  Moïse  ne  cache  pas  sa 
honte  propre,  ni...  Quis  mihi  det  ut  omnes  nroplietent  icl  Il 
était  las  du  peuple. 

141. 

Fable  :  les  livres  ont  été  brûlés  avec  le  temple.  Faux  par  les 
Machabées  (II,  n,  2)  :  «  Jérémie  leur  donna  la  loi.  » 

Fable,  qu'il  récita  tout  par  cœur.  Josèphe  et  Esdras  marquent 
qu'il  lut  le  livre.  Baronius.,  Ann.  p.  180  :  Nullus  penitus  He- 
brseorum  antiquorum  reperitur  qui  tradiderit  libros  periisse  et  per 
Esdram  esse  restitutos,  nisi  in  IV.  Esdrœ. 

Fable,  qu'il  changea  les  lettres.  Philo  in  Vit  a  Mo  y sis  :  Illa 
lingua  ac  charactere  quo  antiquitus  scripta  est  lex  sic  permansit 
usque  ad  lxx.  Josèphe  dit  que  la  loi  était  en  hébreu  quand 
elle  fut  traduite  par  les  70. 

Sous  Antiochus  et  Vespasien,  où  l'on  a  voulu  abolir  les 
livres,  et  où  il  n'y  avait  point  de  prophète,  on  ne  l'a  pu  faire. 
Et  sous  les  Babyloniens,  où  nulle  persécution  n'a  été  faite,  et 
où  il  y  avait  tant  de  prophètes,  l'auraient-ils  laissé  brûler? 

Josèphe  se  moque  des  Grecs  qui  ne  souffriraient... 

i.  Nombres,  xi,  29. 


180  PENSÉES  DE  PASCAL 

Tertull.  :  Perinde  potuit  aboie factam,  etc.  Lib.  T.  de  Cultu 
fœm.  c.  3.  Il  dit  que  Noé  a  pu  aussi  bien  rétablir  en  esprit  le 
livre  d'Enoch,  perdu  par  le  déluge,  qu'Esdras  a  pu  rétablir  les 
Écritures  perdues  durant  la  captivité. 

Eusèbe,  lib.  V.  Hist.  c.  8:  Deus  glorificatus  est,  etc..  eeôçèvT^ 
âiri  KKêouxo&votrif,  etc.  Il  allègue  cela  pour  prouver  qu'il  n'est  pas 
incroyable  que  les  70  aient  expliqué  les  Écritures  saintes  avec 
cette  uniformité  que  l'on  admire  en  eux.  Et  il  a  pris  cela  dans 
saint  Irénée  [c.  25]. 

Saint  Hilaire,  dans  la  préface  sur  les  Psaumes,  dit  qu'Esdras 
mit  les  psaumes  en  ordre .  L'origine  de  cette  tradition  vient 
du  14e  chapitre  du  IVe  livre  d'Esdras.  Contre  la  fable  d'Esdras, 
II  Machab.,  il.  —  Joseph,  Antiquités  II,  i  :  Cyrus  prit  sujet  de  la 
prophétie  d'Isaïe  de  relâcher  le  peuple.  Les  Juifs  avaient  des 
possessions  paisibles  sous  Cyrus  en  Babylone,  donc  ils  pou- 
vaient bien  avoir  la  Loi.  —  Josèphe,  en  toute  l'histoire  d'Esdras, 
ne  dit  pas  un  un  mot  de  ce  rétablissement.  —  IV  Rois,  xvn,  27  *. 

142. 

Si  la  fable  d'Esdras  est  croyable,  donc  il  faut  croire  que  l'E- 
criture est  écriture  sainte.  Car  cette  fable  n'est  fondée  que  sur 
l'autorité  de  ceux  qui  disent  celle  des  70,  qui  montre  que  l'Ecri- 
ture est  sainte.  Donc,  si  ce  conte  est  vrai,  nous  avons  notre 
compte  par  là;  sinon,  nous  l'avons  d'ailleurs.  Et  ainsi  ceux  qui 
voudraient  ruiner  la  vérité  de  notre  religion,  fondée  sur  Moïse, 
l'établissent  par  la  même  autorité  par  où  ils  l'attaquent.  Ainsi, 
par  cette  providence,  elle  susbsiste  toujours. 

143. 

Le  chapitre  de  Vêpres,  le  dimanche  de  la  Passion.  L'oraison 
pour  le  roi. 

Explication  de  ces  paroles  :  «  Qui  n'est  pas  pour  moi  est  con- 
tre moi.  »  Et  de  ces  autres  :  «  Qui  n'est  point  contre  vous  est 
pour  vous.  »  Une  personne  qui  dit  :  Je  ne  suis  ni  pour  ni  con- 
tre ;  on  doit  lui  répondre.. .  Une  des  antiennes  des  Vêpres  de 
Noël  :  Exortum  est  in  tenebris  lumen  rectis  corde  \ 

1.  En  titre  dans  l'autographe,  Sur  Esdras. 

2.  Le  chapitre,  c'est-à-dire,  le  capitule.  Les  passages  cités  sont  dans  Matth.  xn,  30; 
Marc,  ix,  39;  et  Ps.  cil,  4.  —  En  titre  dans  l'autographe,  Contre  ceux  qui  abusent  des 
passages  de  l'Ecriture,  et  qui  se  prévalent  rie  ce  qu'ils  en  trouvnt  quelqu'un  qui  semble 
favoriser  leur  erreur. 


ARTICLE  XXV  181 

144. 

Tradition  ample  du  péché  originel  selon  les  TmTs. 

Sur  le  mot  de  la  Genèse,  vin  (21).  (La composition  du  cœur  de 
l'homme  est  mauvaise  dès  son  enfance.)  R.  Moïse  Haddarschan  : 
Ce  mauvais  levain  est  mis  dans  l'homme  dès  l'heure  où  il  est 
formé.  Massechet  Succa  :  Ce  mauvais  levain  a  sept  noms  dans 
l'Écriture.  Il  est  appelé  mal,  prépuce,  immonde,  ennemi,  scan- 
dale, cœur  de  pierre,  aquilon;  tout  cela  signifie  la  malignité  qui 
est  cachée  et  empreinte  dans  le  cœur  de  l'homme.  Midrasch 
Tillim  dit  la  même  chose,  et  que  Dieu  délivrera  la  bonne  nature 
de  l'homme  de  la  mauvaise.  Cette  malignité  se  renouvelle  tous 
les  jours  contre  l'homme,  comme  il  est  écrit ps.  xxxvn  :  «  L'im- 
pie observe  le  juste, et  cherche  à  le  faire  mourir  ;  mais  Dieu  ne 
l'abandonnera  point.  »  Cette  malignité  tente  le  cœur  de  l'homme 
en  cette  vie,  et  l'accusera  en  l'autre.  Tout  cela  se  trouve  dans  le 
Talmud. 

Midrasch  Tillim  sur  le  ps.  iv  (Frémissez,  et  vous  ne  pécherez 
point)  :  Frémissez,  et  épouvantez  votre  concupiscence,  et  elle 
ne  vous  induira  pointa  pécher.  Et  sur  le  ps.  xxxvi  (L'impie  a 
dit  en  son  cœur  :  Que  la  crainte  de  Dieu  ne  soit  point  devant 
moi)  :  C'est-à-dire,  que  la  malignité  naturelle  à  l'homme  a  dit 
cela  à  l'impie. 

Midrasch  Kohelet  (Meilleur  est  l'enfant  pauvre  et  sage  que 
le  roi  vieux  et  fol  qui  ne  sait  pas  prévoir  l'avenir.  Lccles.  iv,  13)  : 
L'enfant  est  la  vertu,  et  le  roi  est  la  malignité  de  l'homme.  Elle 
est  appelée  roi  parce  que  tous  les  membres  lui  obéissent,  et 
vieux,  parce  qu'il  est  dans  le  cœur  de  l'homme  depuis  l'enfance 
jusqu'à  la  vieillesse;  et  fol,  parce  qu'il  conduit  l'homme  dans 
la  voie  de  perdition  qu'il  ne  prévoit  point.  La  même  chose  est 
dans  Midrasch  Tillim. 

Bereschit  Rabba  sur  le  ps.  xxxv  (Seigneur,  tous  mes  os  te 
béniront,  parce  que  tu  délivres  le  pauvre  du  tyran)  :  Et  y  a-t- 
il  un  plus  grand  tyran  que  le  mauvais  levain?  Et  sur  les  Pro- 
verbes, xxv  (Si  ton  ennemi  a  faim,  donne-lui  à  manger)  :  C'est- 
à-dire,  si  le  mauvais  levain  a  faim,  donne-lui  du  pain  de  la  sa- 
gesse, dont  il  est  parlé,  Proverb.  ix;  et  s'il  a  soif,  donne-lui 
l'eau  dont  il  est  parlé,  Fs.  lv.  Midrasch  Tillim  dit  la  même 
shose,  et  que  l'Ecriture  en  cet  endroit,  en  parlant  de  notre  en- 


182  PENSÉES  DE  PASCAL 

nemi,  entend  le  mauvais  levain;  et  qu'en  lui  donnant  ce 
pain  et  cette  eau,  on  lui  assemblera  des  charbons  sur  la  tête. 

Midrasch  Kohelet,  sur  VBccL,  ix  (Un  grand  roi  a  assiégé  une 
petite  ville  )  :  Ce  grand  roi  est  le  mauvais  levain  ;  les  grandes 
machines  dont  il  l'environne  sont  les  tentations,  et  il  a  été 
trouvé  un  homme  sage  et  pauvre  qui  l'a  délivrée,  c'est-à-dire 
la  vertu.  Et  sur  le  ps.  xli  (Bienheureux  qui  a  égard  au  pau- 
vre). Et  sur  le  ps.  lxxviii  (L'esprit  s'en  va  et  ne  revient  plus)  : 
D'où  quelques-uns  ont  pris  sujet  d'errer  contre  l'immortalité 
de  l'âme;  mais  le  sens  est,  que  cet  esprit  est  le  mauvais  levain, 
qui  s'en  va  avec  l'homme  jusqu'à  la  mort,  et  ne  reviendra 
point  en  la  résurrection.  Et  sur  le  ps.  cm,  la  môme  chose.  Et 
sur  le  ps.  xvi. 

Principes  des  Rabbins.  Deux  Messies* 

145. 

Chronologie  du  Rabbinisme.  Les  citations  des  pages  sont  du 
livre  Pugio.  Page  27,  Hakadosch,  an  200,  auteur  de  Mischna, 
ou  loi  vocale,  ou  seconde  loi.  Commentaires  de  Mischna  :  L'un 
Sip  lira . — Barajetôt .  —  Ta  Imud  Hïerosol .  [ann .  340] . — Tosiphtot . 

Bereschit  Rabah,  par  R,  Osaia  Rabah,  commentaire  de  Mis- 
c  hna. 

Boreschit  Rabah>  par  Naconi,  sont  des  discours  subtils  et 
agréables,  historiques  et  théologiques.  Ce  même  auteur  a  fait 
des  livres  appelés  Rabot. 

Cent  ans  après  (440)  le  Talmud  Hierosol. ,  fut  fait  le  Talmud 
babylonique,  par  R.  Ase,  par  le  consentement  universel  de 
tous  les  Juifs,  qui  sont  nécessairement  obligés  d'observer  tout 
ce  qui  y  est  contenu.  L'addition  de  R.  Ase  s'appelle  Gemara, 
c'est-à-dire  le  commentaire  de  Mischna.  Et  le  Talmud  com- 
prend ensemble  le  Mischna  et  le  Gemara  *. 

146. 
Jérémie,  xxin,  32,  les  miracles  des  faux  prophètes.  En  l'hé- 
breu et  Vatable,  il  y  a  les  légèretés. 

1.  Ce  fragment  est  tiré  du  Pugio  fidei.  Il  est  pris  du  chapitre  6  de  la  deuxième  section 
de  la  troisième  partie,  intitulé  :  De  peccato  originali.  Eu  lisant  ce  chapitre,  on  ne  trou- 
vera rien  d'obscur  dans  le  texte  de  Pascal.  Voyez,  au  sujet  du  Pugio,  la  note  6  sur  le 
fragment  xvi,  12.  R.,  devant  le  nom  d'un  docteur  juif,  signifie  Rabbi  ou  Maître. 

2.  Ce  fragment  est  tiré  des  observations  du  docteur  De  Voisin  sur  le  proœmium  du 
Pugio  fidei,  placées  à  la  suite  de  ce  proœmium  ou  préambule  dans  l'édition  qu'il  a  donnée 
de  ce  livre. 


ARTICLE  XXV  lS3 

Miracle  ne  signifie  pas  toujours  miracle.  I  Rois,  xiv,  15,  mi- 
racle signifie  crainte,  et  est  aussi  en  l'hébreu.  De  même  en 
Job  manifestement,  xxxiii,  7.  Et  encore  haie,  xxi,  4;  Je- 
rémie,  xliv,  12.  Portentum  signifie  simulacres,  Jér.,  l,  38;  et 
est  ainsi  en  l'hébreu  et  en  Vatable.  /s.,  vin,  18.  Jésus-Christ 
dit  que  lui  et  les  siens  seront  en  miracles. 

147. 
«  Il  a  le  diable.  »  Joli,  xx,  21.  Et  les  autres  disaient  :  «  Le 
diable  peut-il  ouvrir  les  yeux  des  avengles  ?  » 

148. 

En  montrant  la  vérité,  on  la  fait  croire  ;  mais  en  montrant 
l'injustice  des  ministres,  on  ne  la  corrige  pas.  On  assure  la 
conscience  en  montrant  la  fausseté  ;  on  n'assure  pas  la  bourse 
en  montrant  l'injustice. 

Les  miracles  et  la  vérité  sont  nécessaires,  à  cause  qu'il  faut 
convaincre  l'homme  entier,  en  corps  et  en  âme. 

149. 

Juges,  xiii,  23  :  «Si  le  Seigneur  nous  eût  voulu  faire  mourir, 
il  ne  nous  eût  pas  montré  toutes  ces  choses.  »  — Ezéchias.  —  Sen- 
nachérib.  —  Jérémie  [xxviii]  :  Hananias,  faux  prophète,  meurt  le 
septième  mois.  — II  Mach.,  m  :  Le  temple  prêt  à  piller  secouru 
miraculeusement.  —  II  Mach.  xv.  —  III  Rois,  xvn  :  La  veuve  à 
Elie,  qui  avait  ressuscité  l'enfant  :  «  Par  là  je  connais  que  tes 
paroles  sont  vraies.  »  —  III  Rois,  xvm  ;  Elie  avec  les  prophètes 
de  Baal. 

150. 

Le  peuple,  qui  croyait  en  lui  sur  ses  miracles,  les  pharisiens 
leur  disaient  :  Ce  peuple  est  maudit,  qui  ne  sait  pas  la  Loi; 
mais  y  a-t-il  un  prince  ou  un  pharisien  qui  ait  cru  en  lui  ?  car 
nous  savons  que  nul  prophète  ne  sort  de  Galilée.  Nicodème  ré- 
pondit :  Notre  Loi  juge-t-elle  un  homme  devant  que  de  l'avoir 
ouï  ?  {Jean,  vu,  49.) 

151. 
Et  ingemiscens  ait  :  Quid  generatio  ista  signum  quœrit  ?  Marc, 
vin,  12.  Elle  demandait  signe  à  mauvaise  intention.  El  non  po- 
terat  facere  [ibid.   vi,  5)  ;  et  néanmoins,  il  leur  promet  le  signe 


■• 


184  PENSÉES  DE  PASCAL 

de  Jonas,  de  sa  résurrection  (Matth.,  xn,  39),  le  grand  et  Tin- 
comparable. 

Abraham,  Gédéon,  sont  au-dessus  de  la  révélation.  Les  Juifs 
s'aveuglaient  en  jugeant  des  miracles  par  l'Ecriture... 

Donatistes.  Point  de  miracle,  qui  oblige  à  dire  que  c'est  le 

diable. 

152 

Figures.  Les  prophètes  prophétisaient  par  figures,  de  cein- 
ture, de  barbe  et  cheveux  brûlés  [Dan.,  m,  94],  etc. 

Le  vieux  Testament  est  un  chiffre. 

Deux  erreurs  :  4°  prendre  tout  littéralement;  2°  prendre  tout 
spirituellement. 

153. 

Figures.  Les  peuples  juif  et  égyptien  visiblement  prédits  par 
ces  deux  particuliers  que  Moïse  rencontra  [Exode,  n,  11-14]  : 
l'Égyptien  battant  le  Juif,  Moïse  le  vengeant  et  tuant  l'Égyptien, 
et  le  Juif  en  étant  ingrat. 

154. 

Figuratives.  Clef  du  chiffre  :  Veri  adoratores  [Jean,  iv,  23]. 
Ecce  agnus  Dei  qui  tollit  peccata  wundi  [i,  29]. 

155. 
Saint  Paul  dit  lui-même  que  des  gens  défendront  les  ma- 
riages [I  Tint.,  iv,  3],  et  lui-même  en  parle  aux  Corinthiens 
(I  Cor.,  vu)  d'une  manière  qui  est  une  ratière.  Car  si  un  pro- 
phète avait  dit  l'un,  et  que  saint  Paul  eût  dit  ensuite  l'autre,  on 
l'eût  accusé  l. 

156. 

Figuratif.  Dieu  s'est  servi  de  la  concupiscence  des  Juifs  pour 
les  faire  servir  à  Jésus-Christ. 

Rien  n'est  si  semblable  à  la  charité  que  la  cupidité,  et  rien 
n'y  est  si  contraire.  Ainsi  les  Juifs,  pleins  des  biens  qui  flattaient 
leur  cupidité,  étaient  très-conformes  aux  chrétiens,  et  très  con- 
traires. Et  par  ce  moyen  ils  avaient  les  deux  qualités  qu'il  fal- 
lait qu'ils  eussent,  d'être  très-conformes  au  Messie,  pour  le  fi- 
gurer, et  très-contraires,  pour  n'être  point  témoins  suspects. 

1.  Paul  conclut,  au  verset  38  :  «  Celui  qui  marie  sa  tille  fait  bien,  et  celui  qui  ne  la 
marie  pas  fait  mieux.  «  Et  il  avait  dit  au  verset  35  :  «  Je  ne  parle  pas  ainsi  pour  vota 
tendre  un  piège.  » 


ARTÎfTF  \XV.  185 

157. 
La  pénitence,  seule  de  tons  les  mystères,  a  été  déclarée  mani- 
festement aux  Juifs,  et  par  saint  Jean,  précurseur;  et  puis  les 
autres  mystères;  pour  marquer  qu'en  chaque  homme,  comme 
tu  monde  entier,  cet  ordre  doit  être  observé. 

158. 
Ceux  qui  ordonnaient  ces  sacrifices   en  savaient  l'inutilité; 
et  ceux  qui  en  ont  déclaré  l'inutilité  n'ont  pas  laissé  de  les  pra- 
tiquer. 

159. 

Extravagances  des  Apocalyptiques  et  Préadamites,  Millénai- 
res, etc.  Qui  voudra  fonder  des  opinions  extravagantes  sur  FÉ- 
criture,  en  fondera  par  exemple  sur  cela.  Il  est  dit  que  «  cette 
génération  ne  passera  point  jusqu'à  ce  que  tout  cela  se  fasse 
[Matth.,  xxiv,  34].  »  Sur  cela  je  dirai  qu'après  cette  généra- 
tion il  viendra  une  autre  génération,  et  toujours  successive- 
ment. Il  est  parlé  dans  les  IIes  Paralipomènes  [i,  14]  de  Salo- 
mon  et  de  roi  comme  si  c'étaient  deux  personnes  diverses.  Je 
dirai  que  c'en  était  deux. 

160. 

...  «  Qu'alors  on  n'enseignera  plus  son  prochain,  disant  : 
Voici  le  Seigneur,  car  Dieu  se  fera  sentir  à  tous.  »  [Jérém., 
xxxi,  34.]  —  «  Vos  fils  prophétiseront.  »  [Joël,  n,  28.]  —  «  Je 
mettrai  mon  esprit  et  ma  crainte  en  votre  cœur.  »  {Jérém.,  ibid~\ 
—  Tout  cela  est  la  même  chose.  Prophétiser,  c'est  parler  de 
Dieu,  non  par  preuve  du  dehors,  mais  par  sentiment  intérieur 
et  immédiat. 

161. 
Le  règne  éternel  de  la  race  de  David,  II  Chron.  *,  par  toutes 
les  prophéties,  et  avec  serment.  Et  n'est  point  accompli  tempo- 
rellement  :  Jérém.  xxxiii,  20. 

162. 
On  pourrait  peut-être  penser  que,  quand  les  prophètes  ont 
prédit  que  le  sceptre  ne  sortirait  pas  de  Juda  jusqu'au  roi  éter- 
nel, ils  auraient  parlé  pour  flatter  le  peuple,  et  que  leur  pro- 

I.  Les  Chroniques  sont  la  même  chose  que  les  Paralipomènes. 


186  PENSÉES  DE  PASCAL 

phétie  se  serait  trouvée  fausse  à  Hérode.  Mais  pour  montrer 
que  ce  n'est  pas  leur  sens,  et  qu'ils  savaient  bien  au  contraire 
que  ce  royaume  temporel  devait  cesser,  ils  disent  qu'ils  seront 
sans  roi  et  sans  prince,  et  longtemps  durant.  Osée  (ni,  4). 

163. 
Que  peut-on  avoir,  sinon  de  la  vénération,  d'un  homme  qui 
prédit  clairement   les  choses  qui  arrivent,  et  qui  déclare  son 
dessein  et  d'aveugler  et  d'éclairer,  et  qui  mêle  des  obscurités 
parmi  des  choses  claires  qui  arrivent? 

164. 
Prophéties.  Le  grand  Pan  est  mort É. 

165. 
Si  je  n'avais  ouï  parler  en  aucune  sorte  du  Messie,  néan- 
moins, après  les  prédictions  si  admirables  de  l'ordre  du  monde 
que  je  vois  accomplies,  je  vois  que  cela  est  divin.  Et  si  je  savais 
que  ces  mêmes  livres  prédissent  un  Messie,  je  m'assurerais 
qu'il  serait  venu.  Et  voyant  qu'ils  mettent  son  temps  avant  la 
destruction  du  deuxième  temple,  je  dirais  qu'il  serait  venu. 

166. 
Osée,  i,  9  :  «  Vous  ne  serez  plus  mon  peuple,  et  je  ne  serai 
plus  votre  Dieu,  après  que  vous  serez  multipliés  de  la  disper- 
sion. Les  lieux  où  l'on  n'appelle  pas  mon  peuple,  je  l'appelle- 
rai mon  peuple8.  » 

167. 

Hérode  cru  le  Messie.  Il  avait  ôté  le  sceptre  de  Juda,  mais 
il  n'était  pas  de  Juda.  Gela  fit  une  secte  considérable.  Et  Bar- 
cosba,  et  un  autre  reçu  par  les  Juifs.  Et  le  bruit  qui  était  par- 
tout en  ce  temps-là.  Suétone.  Tacite.  Josèphe. 

Malédiction  des  Grecs  contre  ceux  qui  comptent  les  périodes 
des  temps. 

168. 

/«.  i,  21 .  Changement  de  bien  en  mal,  et  vengeance  de  Dieu. 
—  x,  1  ;  xxvi,  20  ;  xxvm,  1.  —  Miracles  :  Is.  xxxm,  9;  xl,  17  ; 
xli,  26;  xliii,  13. 

i.  Voir  Plutarque,  des  Oracles,  p.  419. 
S.  Comparez  Rom.,  ix.  25. 


ARTICLE  XXV  187 

Jér.  xi,  21  ;  xv,  42  ;  xvn,  9  :  Pravum  est  cor  omnium  et  inscru- 
tabile  ;  guis  cogjioscet  illud  ?  C'est-à-dire,  qui  en  connaîtra  toute 
la  malice  ?  car  il  est  déjà  connu  qu'il  est  méchant.  Ego  Domi- 
nais, etc.  —  xvn,  17  :  Faciam  domui  huic,  etc.  Fiance  aux  sa- 
crements extérieurs.  —  22  :  Quia  non  sum  locutus,  etc.  L'essen- 
iel  n'est  pas  le  sacrifice  extérieur.  —  xi,  1 3  :  Secundum  nume- 
-um,  etc.  Multitude  de  doctrines. 

II.  xliv,  20-24  ;  liv,  8  ;  lxiii,  12-17;  lxvi,  17. 

Jér.  ii,  35;  iv,  22-24;  v,  4,  29-31  ;  vi,  16;  xxm,  15-17  ». 

169. 

Prédictions  des  choses  particulières.  Ils  étaient  étrangers  en 
Egypte,  sans  aucune  possession  en  propre,  ni  en  ce  pays-là  ni 
ailleurs,  lorsque  Jacob  mourant  et  bénissant  ses  enfants  leur  dé- 
clare qu'ils  seront  possesseurs  d'une  grande  terre,  et  prédit  par- 
ticulièrement à  la  famille  de  Juda  que  les  rois  qui  les  gouver- 
neraient un  jour  seraient  de  sa  race,  et  que  tous  ses  frères  se- 
raient ses  sujets. 

Ce  même  Jacob,  disposant  de  cette  terre  future  comme  s'il 
en  eût  été  maître,  en  donna  une  portion  à  Joseph  plus  qu'aux 
autres  :  «Je  vous  donne,  dit-il,  une  part  plus  qu'à  vos  frères.  » 
Et  bénissant  ses  deux  enfants,  Ephraïm  et  Manassé,  que  Joseph 
lui  avait  présentés,  l'aîné,  Manassé,  à  sa  droite,  et  le  jeune, 
Ephraïm,  à  sa  gauche,  il  met  ses  bras  en  croix,  et  posant  sa 
main  droite  sur  la  tête  d'Éphraïm,  et  la  gauche  sur  Manassé,  il 
les  bénit  en  cette  sorte.  Et  sur  ce  que  Joseph  lui  représente 
qu'il  préfère  le  jeune,  il  lui  répond  avec  une  fermeté  admi- 
rable :  «  Je  le  sais  bien,  mon  fils,  je  le  sais  bien;  mais  Ephraïm 
croîtra  tout  autrement  que  Manassé.  »  Ce  qui  a  été  en  effet  si 
véritable  dans  la  suite,  qu'étant  seul  presque  aussi  abondant 
que  dix  lignées  entières  qui  composaient  tout  un  royaume, 
elles  ont  été  ordinairement  appelées  du  seul  nom  d'Ephraïm. 

Ce  même  Joseph,  en  mourant,  recommande  à  ses  enfants 
l'emporter  ses  os  avec  eux  quand  ils  iront  en  cette  terre,  où  il 
le  furent  que  200  ans  après. 

Moïse,  qui  a  écrit  toutes  ces  choses  si  longtemps  avant  qu'el- 
les fussent  arrivées,  a  fait  lui-même  à  chaque  famille  les  par- 

i .  Pascal  a  transcrit  le  texte  de  tous  les  versets  indiqués  dans  ce  fragment.  Je  lo 
•u^prime  pour  abréger. 


188  PENSÉES  DE   PASCAL. 

tages  de  cette  terre  avant  que  d'y  entrer,  comme  s'il  en  eût 
été  maître.  Il  leur  donne  les  arbitres  qui  en  feront  le  partage, 
il  leur  prescrit  toute  la  forme  du  gouvernement  politique 
qu'ils  y  observeront,  les  villes  de  refuge  qu'ils  y  bâtiront,  et... 

170. 

Captivité  des  Juifs  sans  retour.  Jér.  xi,  11  :  «  Je  ferai  venir 
sur  Juda  des  maux  desquels  il  ne  pourront  être  délivrés.  » 

Figures.  Is.  v,  1-7  :  «  Le  Seigneur  a  eu  une  vigne  dont  il  a 
attendu  des  raisins,  et  elle  n'a  produit  que  du  verjus.  Je  la 
dissiperai  donc  et  la  détruirai;  la  terre  n'en  produira  que  des 
épines,  et  je  défendrai  au  ciel  d'y...  La  vigne  du  Seigneur  est 
la  maison  d'Israël,  et  les  hommes  de  Juda  en  sont  le  germe 
délectable.  J'ai  attendu  qu'ils  fissent  des  actions  de  justice,  e+ 
ils  ne  produisent  qu'iniquités.  » 

Is.,  vin  (13-17)  :  «  Sanctifiez  le  Seigneur  avec  crainte  et  trem- 
blement; ne  redoutez  que  lui,  et  il  vous  sera  en  sanctification; 
mais  il  sera  en  pierre  de  scandale  et  en  pierre  d'achoppement 
aux  deux  maisons  d'Israël.  Il  sera  en  piège  et  en  ruine  au 
peuple  de  Jérusalem;  et  un  grand  nombre  d'entre  eux  heurte- 
ront cette  pierre,  y  tomberont,  y  seront  brisés,  et  seront  pris  à 
ce  piège,  et  y  périront.  Voilez  mes  paroles,  et  couvrez  ma  Loi 
pour  mes  disciples.  J'attendrai  donc  en  patience  le  Seigneur 
qui  se  voile  et  se  cache  à  la  maison  de  Jacob.  » 

Is.  xxix  (9-14)  :  «  Soyez  confus  et  surpris,  peuple  d'Israël; 
chancelez,  trébuchez  et  soyez  ivres,  mais  non  pas  d'une  ivresse 
devin;  trébuchez,  mais  non  pas  d'ivresse;  car  Dieu  vous  a 
préparé  l'esprit  d'assoupissement;  il  vous  voilera  vos  yeux,  il  obs- 
curcira vos  princes,  et  vos  prophètes  qui  ont  les  visions.  (Da- 
niel, xii,  11  ;  a  Les  méchants  ne  l'entendront  point,  mais  ceux 
qui  seront  bien  instruits  l'entendront.  »  Osée,  dernier  chapi- 
tre, dernier  verset,  après  bien  des  bénédictions  temporelles, 
dit  :  «  Où  est  le  sage?  et  il  entendra  ces  choses  ;  etc.  »  )  Et  les 
visions  de  tous  les  prophètes  seront  à  votre  égard  comme  un 
livre  scellé,  lequel  si  on  donne  à  un  homme  savant,  et  qui  le 
puisse  lire,  il  répondra  :  Je  ne  puis  le  lire,  car  il  est  scellé  ;  et  quand 
on  le  donnera  à  ceux  qui  ne  savent  pas  lire,  ils  diront  :  Je  ne  con- 
nais pas  les  lettres.  Et  le  Seigneur  m'a  dit  :  Parce  que  ce  peuple 
m'honore  des  lèvres  (En  voilà  la  raison  et  la  cause;  cars'ilsado- 


ARTICLE  XXV  189 

rai  (Mit  Dieu  de  creur,  ils  entendraient  les  prophéties.),  mais 
que  son  cœur  est  bien  loin  de  moi,  et  qu'ils  ne  m'ont  servi 
que  par  des  voies  humaines  :  c'est  pour  cette  raison  que  j'ajou- 
terai cà  tout  le  reste  d'amener  sur  oe  peuple  une  merveille  éton- 
nante, et  un  prodige  grand  et  terrible  ;  c'est  que  la  sagesse  de 
ses  sages  périra,  et  leur  intelligence  sera...  » 

Prophéties.  Preuve  de  divinité,  Fs.  xli  (22)  :  «  Si  vous  êtes 
des  dieux,  approchez,  annoncez-nous  les  choses  futures,  nous 
inclinerons  notre  cœur  à  vos  paroles  :  apprenez-nous  les  cho- 
ses qui  ont  été  au  commencement,  et  prophétisez-nous  celles 
qui  doivent  arriver.  Par  là  nous  saurons  que  vous  êtes  des 
dieux;  faites-le  bien  ou  mal,  si  vous  pouvez  :  voyons  donc  e' 
raisonnons  ensemble.  Mais  vous  n'êtes  rien,  vous  n'êtes  qu'a- 
bomination; etc.  Qui  d'entre  vous  nous  instruit  (par  des  au- 
teurs contemporains)  des  choses  faites  dès  le  commencement 
et  l'origine?  afin  que  nous  lui  disions  :  Vous  êtes  le  juste.  Il 
n'y  en  a  aucun  qui  nous  apprenne  ni  qui  prédise  l'avenir.  »  — 
xlii  (8)  :  «  Moi,  qui  suis  le  Seigneur,  je  ne  communique  pas  ma 
gloire  à  d'autres.  C'est  moi  qui  ai  fait  prédire  les  choses  qui 
sont  arrivées,  et  qui  prédis  encore  celles  qui  sont  à  venir. 
Chantez-en  un  cantique  nouveau  à  Dieu  par  toute  la  terre.  »  — 
xliii,  (8)  :  «  Amène  ici  ce  peuple  qui  a  des  yeux  et  qui  ne  voit 
pas,  qui  a  des  oreilles  et  qui  est  sourd  .  que  les  nations  s'as- 
semblent toutes.  Qui  d'entre  elles  et  leurs  dieux  nous  instrui- 
ront des  choses  passées  et  futures  ?  Qu'elles  produisent  leurs 
témoins  pour  leur  justification;  ou  qu'elles  m'écoutent  et  con- 
fessent que  la  vérité  est  ici.  Vous  êtes  mes  témoins,  dit  le  Sei- 
gneur, vous  et  mon  serviteur  que  j'ai  élu,  afin  que  vous  me 
connaissiez,  et  que  vous  croyiez  que  c'est  moi  qui  suis.  J'ai  pré- 
dit, j'ai  sauvé,  j'ai  fait  moi  seul  ces  merveilles  à  vos  yeux; 
vous  êtes  mes  témoins  de  ma  divinité ,  dit  le  Seigneur.  C'est 
moi  qui  pour  l'amour  de  vous  ai  brisé  les  forces  des  Babylo- 
niens; c'est  moi  qui  vous  ai  sanctifiés  et  qui  vous  ai  créés. 
C'est  moi  qui  vous  ai  fait  passer  au  milieu  des  eaux  et  de  la 
mer  et  des  torrents,  et  qui  ai  submergé  et  détruit  pour  jamais 
les  puissances  ennemies  qui  vous  ont  résisté.  Mais  perdez  la 
mémoire  de  ces  anciens  bienfaits,  et  ne  jetez  plus  les  yeux  vers 

les  choses  passées.  Voici,  je  prépare  de  nouvelles  choses  qui 
h.  13 


190  PENSÉES  DE  PASCAL 

vont  bientôt  paraître,  vous  les  connaîtrez  :  je  rendrai  les  dé- 
serts habitables  et  délicieux.  Je  me  suis  formé  ce  peuple,  je 
l'ai  établi  pour  annoncer  mes  louanges,  etc.  Mais  c'est  pour 
moi-même  que  j'effacerai  vos  péchés  et  que  j'oublierai  vos  cri- 
mes; car  pour  vous,  repassez  en  votre  mémoire  vos  ingratitu- 
des, pour  voir  si  vous  avez  de  quoi  vous  justifier;  votre  pre- 
mier père  a  péché,  et  vos  docteurs  ont  tous  été  des  prévarica- 
teurs. »  —  xliv  (6).  Je  suis  le  premier  et  le  dernier,  dit  le  Sei- 
gneur; qui  s'égalera  à  moi,  qu'il  raconte  l'ordre  des  choses  de- 
puis que  j'ai  formé  les  premiers  peuples,  et  qu'il  annonce  les 
choses  qui  doivent  arriver.  Ne  craignez  rien;  ne  vous  ai-je 
pas  fait  entendre  toutes  ces  choses  ?  Vous  êtes  mes  témoins.  » 
—  Prédiction  de  Gyrus  (Is.  xlv,  U)  :  «  A  cause  de  Jacob,  que 
j'ai  élu,  je  t'ai  appelé  par  ton  nom.  »  —  21  :  «  Venez  et  dispu- 
tons ensemble  :  qui  a  fait  entendre  les  choses  depuis  le  com- 
mencement ?  qui  a  prédit  les  choses  dès  lors?  n'est-ce  pas  moi, 
qui  suis  le  Seigneur  ?»  —  xlvi  (9)  :  «  Ressouvenez-vous  des 
premiers  siècles,  et  connaissez  qu'il  n'y  a  rien  de  semblable  à 
moi,  qui  annonce  dès  le  commencement  les  choses  qui  doivent 
arriver  à  la  fin,  en  disant  dès  l'origine  du  monde  :  Mes  décrets 
subsisteront,  et  toutes  mes  volontés  seront  accomplies.  »  — 
xlii,  9  :  «  Les  premières  choses  sont  arrivées  comme  elles 
avaient  été  prédites;  et  voici  maintenant,  j'en  prédis  de  nou- 
velles, et  vous  les  annonce  avant  qu'elles  soient  arrivées.  »  — 
xlvtii,  3  :  «  J'ai  fait  prédire  les  premières,  et  je  les  ai  accom- 
plies ensuite;  et  elles  sont  arrivées  en  la  manière  que  j'avais 
dit  ;  parce  que  je  sais  que  vous  êtes  dur,  que  votre  esprit  est 
rebelle  et  votre  front  impudent;  et  c'est  pourquoi  je  les  ai 
voulu  annoncer  avant  l'événement,  afin  que  vous  ne  puissiez 
pas  dire  que  ce  fût  l'ouvrage  de  vos  dieux  et  l'effet  de  leur  or- 
dre. Vous  voyez  arrivé  ce  qui  a  été  prédit  ;  ne  le  raconterez- 
vous  pas?  Maintenant  je  vous  annonce  des  choses  nouvelles, 
que  je  conserve  en  ma  puissance,  et  que  vous  n'avez  pas  en- 
core sues;  ce  n'est  que  maintenant  que  je  les  prépare,  et  non 
Das  depuis  longtemps  :  je  vous  les  ai  tenues  cachées  de  peur 
jue  vous  ne  vous  vantassiez  de  les  avoir  prévues  par  vous- 
mêmes.  Car  vous  n'en  avez  aucune  connaissance,  et  personne  ne 
vous  en  a  parlé,  et  vos  oreilles  n'en  ont  rien  ouï;  car  je  vous 


ARTICLE    XXV  401 

connais,  et  comme  je  sais  que  vous  êtes  plein  de  prévarication, 
et  je  vous  ai  donné  le  nom  de  prévaricateur  dès  les  premiers 
temps  de  votre  origine.  » 

Réprobation  des  Juifs  et  conversion  des  Gentils.  —  7s.  lxv  (1)  : 
«  Ceux-là  m'ont  cherché  qui  ne  me  consultaient  point;  ceux- 
là  m'ont  trouvé  qui  ne  me  cherchaient  point;  j'ai  dit  :  Me  voici, 
me  voici,  au  peuple  qui  n'invoquait  pas  mon  nom.  J'ai  étendu 
mes  mains  tout  le  jour  au  peuple  incrédule  qui  suit  ses  désirs 
et  qui  marche  dans  une  mauvaise  voie,  ce  peuple  qui  me  pro- 
voque sans  cesse  par  les  crimes  qu'il  commet  en  ma  présence, 
qui  s'est  emporté  à  sacrifier  aux  idoles,  etc.  Ceux-là  seront 
dissipés  en  fumée  au  jour  de  ma  fureur,  etc.  J'assemblerai 
les  iniquités  de  vous  et  de  vos  pères,  et  vous  rendrai  à  tous  se- 
lon vos  œuvres.  Le  Seigneur  dit  ainsi  :  Pour  l'amour  de  mes 
serviteurs,  je  ne  perdrai  tout  Israël,  mais  j'en  réserverai  quel- 
ques-uns, de  même  qu'on  réserve  un  grain  resté  dans  une 
grappe,  duquel  on  dit  :  Ne  l'arrachez  pas,  parce  que  c'est  béné- 
diction. Ainsi  j'en  prendrai  de  Jacob  et  de  Juda  pour  posséder 
mes  montagnes,  que  mes  élus  et  mes  serviteurs  avaient  en  hé- 
ritage, et  mes  campagnes  fertiles  et  admirablement  abondan- 
tes; mais  j'exterminerai  tous  les  autres,  parce  que  vous  avez 
oublié  votre  Dieu  pour  servir  des  dieux  étrangers.  Je  vous  ai 
appelés  et  vous  n'avez  pas  répondu;  j'ai  parlé  et  vous  n'avez 
pas  ouï,  et  vous  avez  choisi  choses  que  j'avais  défendues.  C'est 
pour  cela  que  le  Seigneur  dit  ces  choses  :  Voici,  mes  serviteurs 
seront  rassasiés,  et  vous  languirez  de  faim  ;  mes  serviteurs  seront 
dans  la  joie,  et  vous  dans  la  confusion;  mes  serviteurs  chante- 
ront des  cantiques  de  l'abondance  de  la  joie  de  leur  cœur,  et 
vous  pousserez  des  cris  et  des  hurlements  de  l'affliction  de  votre 
esprit,  et  vous  laisserez  votre  nom  en  abomination  à  mes  élus. 
Le  Seigneur  vous  exterminera,  et  nommera  ses  serviteurs  d'un 
autre  nom,  dans  lequel  celui  qui  sera  béni  sur  la  terre  sera 
béni  en  Dieu,  etc.,  parce  que  les  premières  douleurs  sont 
mises  en  oubli.  Car  voici  :  je  crée  de  nouveaux  cieux  et  une 
nouvelle  terre,  et  les  choses  passées  ne  seront  plus  en  mé- 
moire et  ne  viendront  plus  en  la  pensée.  Mais  vous  vous  ré- 
jouirez à  jamais  dans  les  choses  nouvelles  que  je  crée;  car  jt 
crée  Jérusalem  qui  n'est  autre  chose  que  joie,  et  son  peuple 


192  PENSÉES  DE  PASCAL. 

réjouissance;  et  je  me  plairai  en  Jérusalem  et  en  mon  peuple,  et 
on  n'y  entendra  plus  de  cris  et  de  pleurs.  Je  l'exaucerai  avant 
qu'il  demande;  je  les  ouïrai  quand  ils  ne  feront  que  commencer 
à  parler;  le  loup  et  l'agneau  paîtront  ensemble,  le  lion  et  le  bœuf 
mangeront  la  même  paille;  le  serpent  ne  mangera  que  la  pous- 
sière, et  on  ne  commettra  plus  d'homicide  ni  de  violence  en  toute 
ma  sainte  montagne.  »  —  lvi  (3)  :  «  Et  que  les  étrangers  qui 
s'attachent  à  moi  ne  disent  point  :  Dieu  me  séparera  d'avec  son 
peuple.  Car  le  Seigneur  dit  ces  choses  :  Quiconque  gardera 
mes  sabbats,  et  choisira  de  faire  mes  volontés,  et  gardera  mon 
alliance,  je  leur  donnerai  place  dans  ma  maison,  et  je  leur  don- 
nerai un  nom  meilleur  que  celui  que  j'ai  donné  à  mes  enfants: 
ce  sera  un  nom  éternel  qui  ne  périra  jamais.  »  —  (lix,  9)  : 
«  C'est  pour  nos  crimes  que  la  justice  s'est  éloignée  de  nous. 
Nous  avons  attendu  la  lumière,  et  nous  ne  trouvons  que  les  té- 
nèbres; nous  avons  espéré  la  clarté,  et  nous  marchons  dans 
l'obscurité;  nous  avons  tâté  contre  la  muraille  comme  des 
aveugles  ;  nous  avons  heurté  en  plein  midi  comme  au  milieu 
d'une  nuit,  et  comme  des  morts  en  des  lieux  ténébreux.  Nous 
rugirons  tous  comme  des  ours,  nous  gémirons  comme  des  co- 
lombes. Nous  avons  attendu  la  justice,  et  elle  ne  vient  point; 
nous  avons  espéré  le  salut,  et  il  s'éloigne  de  nous.  »  —  lxvi, 
18  :  «  Mais  je  visiterai  leurs  œuvres  et  leurs  pensées,  quand  je 
viendrai  pour  les  assembler  avec  toutes  les  nations  et  les  peu- 
ples; et  ils  verront  ma  gloire.  Et  je  leur  imposerai  un  signe,  et 
de  ceux  qui  seront  sauvés  j'en  enverrai  aux  nations,  en  Afri- 
que, en  Lydie,  en  Italie,  en  Grèce  et  aux  peuples  qui  n'ont 
point  ouï  parler  de  moi  et  qui  n'ont  point  vu  ma  gloire  ;  et  ils 
amèneront  vos  frères.-  » 

Réprobation  du  temple.  Jér.  vu  (12)  :  Allez  en  Silo,  où  j'a- 
vais établi  mon  nom  au  commencement,  et  voyez  ce  que  j'y  ai 
fait  à  cause  des  péchés  de  mon  peuple.  El  maintenant,  dit  le 
Seigneur,  parce  que  vous  avez  fait  les  mêmes  crimes,  je  ferai 
de  ce  Temple  où  mon  nom  est  invoqué,  et  sur  lequel  vous  vous 
confiez,  et  que  j'ai  moi-même  donné  à  vos  prêtres,  la  même 
chose  que  j'ai  faite  de  Silo.  (Car  je  l'ai  rejeté,  et  me  suis  fait 
un  Temple  ailleurs.)  Et  je  vous  rejetterai  loin  de  moi,  de  la 
même  manière  que  j'ai  rejeté  vos  frères  les  enfants  d'Ephraïm. 


ARTICLE  XXV.  193 

Ne  priez  donc  point  pour  ce  peuple.  (Rejetés  sans  retour.)  — 
21  :  «  A  quoi  vous  sert-il  d'ajouter  sacrifice  sur  sacrifice? 
Quand  je  retirai  vos  pères  hors  d  Egypte,  je  ne  leur  parlai  pas 
des  sacrifices  et  des  holocaustes;  je  ne  leur  en  donnai  aucun 
ordre,  et  le  précopte  que  je  leur  ai  donné  a  été  en  cette  sorte  : 
Soyez  obéissants  et  fidèles  à  mes  commandements,  et  je  serai 
votre  Dieu  et  vous  serez  mon  peuple.  (Gène  fut  qu'après  qu'ils 
eurent  sacrifié  au  veau  d'or  que  j'ordonnai  des  sacrifices  pour 
tourner  en  bien  une  mauvaise  coutume.)  »  — 4  :  «  N'ayez-point 
confiance  aux  paroles  de  mensonge  de  ceux  qui  vous  disent  :  Le 
Temple  du  Seigneur,  le  Temple  du  Seigneur,  le  Temple  du 
Seigneur.  » 

171. 
Prophéties.  En  Egypte,  Pugio  fidei,  p.  659  ■  :  Talmud  :  C'est 
une  tradition  entre  nous  que,  quand  le  Messie  arrivera,  la  mai- 
son de  Dieu,  destinée  à  la  dispensation  de  sa  parole,  sera  pleine 
d'ordure  et  d'impureté,  et  que  la  sagesse  des  scribes  sera  cor- 
rompue et  pourrie.  Ceux  qui  craindront  de  pécher  seront  ré- 
prouvés du  peuple  et  traités  de  fous  et  d'insensés.  Is.,  xlix  : 
t  Écoutez,  peuples  éloignés,  et  vous,  habitants  des  îles  de  la 
mer  :  le  Seigneur  m'a  appelé  par  mon  nom  dès  le  ventre  de  ma 
mère,  il  me  protège  sous  l'ombre  de  sa  main,  il  a  mis  mes  paroles 
comme  un  glaive  aigu  et  m'a  dit  :  Tu  es  mon  serviteur;  c'est 
par  toi  que  je  ferai  paraître  ma  gloire.  Et  j'ai  dit  :  Seigneur,  ai-je 
travaillé  en  vain?  est-ce  inutilement  que  j'ai  consommé  toute 
ma  force?  faites-  en  le  j  ugement,  Seigneur  ;  mon  travail  est  devant 
vous.  Lors  le  Seigneur,  qui  m'a  formé  lui-même  dès  le  ventre 
de  ma  mère  pour  être  tout  à  lui,  afin  de  ramener  Jacob  et 
Israël,  m'a  dit  :  Tu  seras  glorieux  en  ma  présence,  et  je  serai 
moi-même  ta  force  :  c'est  peu  de  chose  que  tu  convertisses  les 
tribus  de  Jacob;  je  t'ai  suscité  pour  être  la  lumière  des  gentils 
et  pour  être  mon  salut  jusqu'aux  extrémités  de  la  terre.  Ce 
sont  les  choses  que  le  Seigneur  a  dites  à  celui  qui  a  humilié 
son  âme,  qui  a  été  en  mépris  et  en  abomination  aux  gentils, 
et  qui  s'est  soumis  aux  puissants  de  la  terre.  Les  princes  et  les 
rois  t'adoreront,  parce  que  le  Seigneur  qui  t'a  élu  est  fidèle. 

1.  La  pagination  que  Pascal  indique  est  relie  de  la  première  édition.  Elle  a  été  repro- 
duite en  marge  dans  la  suivante.  Je  ne  sais  ce  que  signifie,  En  Egypte. 


194  PENSÉES  DE  PASCAL 

Le  Seigneur  m'a  dit  encore  :  Je  t'ai  exaucé  dans  les  jours  de 
salut  et  de  miséricorde,  et  je  t'ai  établi  pour  être  l'alliance  du 
peuple,  et  te  mettre  en  possession  des  nations  les  plus  abandon- 
nées; afin  que  tu  dises  à  ceux  qui  sont  dans  les  chaînes  :  Sortez 
en  liberté;  et  à  ceux  qui  sont  dans  les  ténèbres  :  Venez  à  la 
lumière,  et  possédez  des  terres  abondantes  et  fertiles.  Ils  ne 
seront  plus  travaillés  ni  de  la  faim,  ni  de  la  soif,  ni  de  l'ardeur 
du  soleil,  parce  que  celui  qui  a  eu  compassion  d'eux  sera  leur 
conducteur  :  il  les  mènera  aux  sources  vivantes  des  eaux,  et 
aplanira  les  montagnes  devant  eux.  Voici,  les  peuples  aborde- 
ront de  toutes  parts,  d'Orient,  d'Occident,  d'Aquilon  et  de  Midi. 
Que  le  ciel  en  rende  gloire  à  Dieu  ;  que  la  terre  s'en  réjouisse, 
parce  qu'il  a  plu  au  Seigneur  de  consoler  son  peuple,  et  qu'il  aura 
enfin  pitié  des  pauvres  qui  espèrent  en  lui.  Et  cependant  Sion 
a  osé  dire  :  Le  Seigneur  m'a  abandonné,  et  n'a  plus  mémoire 
de  moi.  Une  mère  peut-elle  mettre  en  oubli  son  enfant,  et  peut- 
elle  perdre  la  tendresse  pour  celui  qu'elle  a  porté  dans  son  sein? 
mais  quand  elle  en  serait  capable,  je  ne  t'oublierai  pourtant 
jamais,  Sion  :  je  te  porte  toujours  entre  mes  mains,  et  tes 
murs  sont  toujours  devant  mes  yeux.  Ceux  qui  doivent  te 
rétablir  accourent,  et  tes  destructeurs  seront  éloignés.  Lève 
les  yeux  de  toutes  parts,  et  considère  toute  cette  multitude  qui 
est  assemblée  pour  venir  à  toi.  Je  jure  que  tous  ces  peuples  te 
seront  donnés  comme  l'ornement  duquel  tu  seras  à  jamais 
revêtue  ;  tes  déserts  et  tes  solitudes,  et  toutes  tes  terres,  qui 
sont  maintenant  désolées,  seront  trop  étroites  pour  le  grand 
nombre  de  tes  habitants,  et  les  enfants  qui  te  naîtront  dans 
les  années  de  la  stérilité  te  diront  :  La  place  est  trop  petite, 
écarte  les  frontières,  et  fais-nous  place  pour  habiter.  Alors  tu 
diras  en  toi-même  :  Qui  est-ce  qui  m'a  donné  cette  abondance 
d'enfants,  moi  qui  n'enfantais  plus,  qui  étais  stérile,  transpor- 
tée et  captive?  et  qui  est-ce  qui  me  les  a  nourris,  moi  qui  étais 
délaissée  sans  secours  ?  D'où  sont  donc  venus  tous  ceux-ci  ? 
Et  le  Seigneur  te  dira  :  Voici,  j'ai  fait  paraître  ma  puissance 
sur  les  gentils,  et  j'ai  élevé  mon  étendard  sur  les  peuples,  et 
ils  t'apporteront  des  enfants  dans  leurs  bras  et  dans  leurs 
seins  ;  les  rois  et  les  reines  seront  tes  nourriciers,  ils  t'adoreront 
le  visage  contre  terre,  et  baiseront  la  poussière  de  tes  pieds; 


ARTICLE  XXV  105 

et  tu  connaîtras  que  je  suis  le  Seigneur,  et  que  ceux  qui  espè- 
rent en  moi  ne  seront  jamais  confondus;  car  qui  peut  ôter  la 
proie  à  celui  qui  est  fort  et  puissant  ?  Mais  encore  même  qu'on 
la  lui  pût  ôter,  rien  ne  pourra  empêcher  que  je  ne  sauve  tes 
enfants,  et  que  je  ne  perde  tes  ennemis,  et  tout  le  monde  recon- 
naîtra que  je  suis  le  Seigneur  ton  sauveur,  et  le  puissant  ré- 
dempteur de  Jacob.  »  (l)  «  Le  Seigneur  dit  ces  choses  :  Quel 
est  ce  libelle  de  divorce  par  lequel  j'ai  répudié  la  synagogue  ? 
et  pourquoi  l'ai-je  livrée  entre  les  mains  de  vos  ennemis  ?  n'est- 
ce  pas  pour  ses  impiétés  et  pour  ses  crimes  que  je  l'ai  répudiée? 
Car  je  suis  venu  et  personne  ne  m'a  reçu;  j'ai  appelé  et  per- 
sonne n'a  écouté;  est-ce  que  mon  bras  est  accourci  et  que  je 
n'ai  pas  la  puissance  de  sauver  ?  C'est  pour  cela  que  je  ferai 
paraître  les  marques  de  ma  colère  :...  je  couvrirai  les  cieux  de 
ténèbres  et  les  cacherai  sous  des  voiles.  Le  Seigneur  m'a  donné 
une  langue  bien  instruite,  afin  que  je  sache  consoler  par  ma 
parole  celui  qui  est  dans  la  tristesse.  Il  m'a  rendu  attentif  à 
ses  discours,  et  je  l'ai  écouté  comme  un  maître  (en  disciple). 
Le  Seigneur  m'a  révélé  ses  volontés  et  je  n'y  ai  point  été  re- 
belle. J'ai  livré  mon  corps  aux  coups  et  mes  joues  aux  outra- 
ges; j'ai  abandonné  mon  visage  aux  ignominies  et  aux  crachats; 
mais  le  Seigneur  m'a  soutenu,  et  c'est  pourquoi  je  n'ai  point 
été  confondu.  Celui  qui  me  justifie  est  avec  moi  :  qui  osera 
m'accuser  ?  qui  se  lèvera  pour  disputer  contre  moi,  et  pour 
m' accuser  de  péché,  Dieu  étant  lui-même  mon  protecteur  ? 
Tous  les  hommes  passeront,  et  seront  consommés  par  le  temps  ; 
que  ceux  qui  craignent  Dieu  écoutent  donc  les  paroles  de  son 
serviteur  ;  que  celui  qui  languit  dans  les  ténèbres  mette  sa 
confiance  au  Seigneur.  Mais  pour  vous ,  vous  ne  faites  qu'em- 
braser la  colère  de  Dieu  sur  vous,  vous  marchez  sur  les  bra- 
siers et  entre  les  flammes  que  vous-mêmes  avez  allumées  : 
c'est  ma  main  qui  a  fait  venir  ces  maux  sur  vous  ;  vous  périrez 
dans  les  douleurs.  »  (li)  «  Écoutez-moi,  vous  qui  suivez  la 
justice  et  qui  cherchez  le  Seigneur  ;  regardez  à  la  pierre  d'où 
vous  êtes  taillés,  et  à  la  citerne  d'où  vous  êtes  tirés.  Regardez 
à  Abraham  votre  père,  et  à  Sara  qui  vous  a  enfantés  :  voyez 
qu'il  était  seul  et  sans  enfant  quand  je  l'ai  appelé  et  que  je 
lui  ai  donné  une  postérité  si  abondante;  voyez  combien  de 


196  PENSÉES  DE  PASCAL 

bénédictions  j'ai  répandues  sur  Sion,  et  de  combien  de  grâces 
et  de  consolations  je  l'ai  comblée.  Considérez  toutes  ces  choses, 
mon  peuple,  et  rendez-vous  attentif  à  mes  paroles,  car  une  loi 
sortira  de  moi,  et  un  jugement  qui  sera  la  lumière  des  Gen- 
tils. y>  —  Amos,  vin.  Le  prophète  ayant  fait  un  dénombrement 
des  péchés  d'Israël,  dit  que  Dieu  a  juré  d'en  faire  la  vengeance. 
Dit  ainsi  (9)  :  «  En  ce  jour-là,  dit  le  Seigneur,  je  ferai  coucher 
le  soleil  à  midi,  et  je  couvrirai  la  terre  de  ténèbres  dans  le 
jour  de  lumière;  je  changerai  vos  fêtes  solennelles  en  pleurs, 
et  tous  vos  cantiques  en  plaintes.  Vous  serez  tous  dans  la  tris- 
tesse et  dans  les  souffrances,  et  je  mettrai  cette  nation  en  une 
désolation  pareille  à  celle  de  la  mort  d'un  fils  unique  ;  et  ces 
derniers  temps  seront  des  temps  d'amertume  :  car  voici,  les 
jours  viennent,  dit  le  Seigneur,  que  j'enverrai  sur  cette  terre 
la  famine,  la  faim,  non  pas  la  faim  et  la  soif  de  pain  et  d'eau, 
mais  la  faim  et  la  soif  d'ouïr  des  paroles  de  la  part  du  Sei- 
gneur. Ils  iront  errants  d'une  mer  jusqu'à  l'autre,  et  se  porte- 
ront d'Aquilon  en  Orient;  ils  tourneront  de  toutes  parts  en 
cherchant  qui  leur  annonce  la  parole  du  Seigneur,  et  ils  n'en 
trouveront  point.  Et  leurs  vierges  et  leurs  jeunes  hommes 
périront  en  cette  soif,  eux  qui  ont  suivi  les  idoles  de  Samarie, 
qui  ont  juré  par  le  Dieu  adoré  en  Dan,  et  qui  ont  suivi  le  culte 
de  Bersabée  ;  ils  tomberont,  et  ne  se  relèveront  jamais  de  leur 
chute.  »  —  Amos,  ni,  2  :  «  De  toutes  les  nations  de  la  terre  ,  je 
n'ai  reconnu  que  vous  pour  être  mon  peuple.  »  —  Daniel,  xn,  7, 
ayant  décrit  toute  l'étendue  du  règne  du  Messie,  dit  :  «  Toutes  ces 
choses  s'accompliront  lorsque  la  dispersion  du  peuple  d'Israël 
sera  accomplie.  »  —  Aggée,  n,  4  :  «  Vous  qui,  comparant  cette 
seconde  maison  à  la  gloire  de  la  première,  la  méprisez,  prenez 
courage,  dit  le  Seigneur,  à  vous  Zorobabel,  et  à  vous,  Jésus 
grand  prêtre,  et  à  vous,  tout  le  peuple  de  la  terre,  et  ne  cessez 
point  d'y  travailler;  car  je  suis  avec  vous,  dit  le  Seigneur  des 
armées  ;  la  promesse  subsiste,  que  j'ai  faite  quand  je  vous  ai 
retirés  d'Egypte  ;  mon  esprit  est  au  milieu  de  vous.  Ne  perdez 
point  espérance,  car  le  Seigneur  des  armées  dit  ainsi  :  Encore 
un  peu  de  temps,  et  j'ébranlerai  le  ciel  et  la  terre,  et  la  mer  et 
la  terre  ferme  (Façon  de  parler  pour  marquer  un  changement 
grand  et  extraordinaire)  ;  et  j'ébranlerai  toutes  les  nations.  Et 


ARTICLE  XXV  197 

alors  viendra  celui  qui  est  désiré  par  tons  les  gentils,  et  je 
remplirai  cette  maison  de  gloire,  dit  le  Seigneur.  L'argent  et 
l'or  sont  à  moi,  dit  le  Seigneur  (C'est-à-dire  que  ce  n'est  pas 
de  cela  que  je  veux  être  honoré  :  comme  il  est  dit  ailleurs  ; 
Toutes  les  ne  tes  des  champs  sont  à  moi  .  à  quoi  sert  de  me  les 
offrir  en  sacrifice?);  la  gloire  de  ce  nouveau  temple  sera  bien 
plus  grande  que  la  gloire  du  premier,  dit  le  Seigneur  des  ar- 
mées; et  j'établirai  ma  maison  en  ce  lieu-ci,  dit  le  Seigneur.  » 
—  {Deut.  xvin,  16)  :  «...  En  Horeb,  au  jour  où  vous  y  étiez  as- 
semblés, et  que  vous  dites  :  Que  le  Seigneur  ne  parle  plus  lui- 
même  à  nous,  et  que  nous  ne  voyions  plus  ce  feu,  de  peur  que 
nous  ne  mourions.  Et  le  Seigneur  me  dit  :  Leur  prière  est 
juste  :  je  leur  susciterai  un  prophète  tel  que  vous  du  milieu 
de  leurs  frères,  dans  la  bouche  duquel  je  mettrai  mes  paroles  : 
et  il  leur  dira  toutes  les  choses  que  je  lui  aurai  ordonnées;  et 
il  arrivera  que  quiconque  n'obéira  point  aux  paroles  qu'il  lui 
portera  en  mon  nom,  j'en  ferai  moi-même  le  jugement.  »  —  Ge- 
nèse, xlix(8)  :  «  Vous,  Juda,  vous  serez  loué  de  vos  frères,  et 
vainqueur  de  vos  ennemis  ;  les  enfants  de  votre  père  vous  ado- 
reront. Juda,  faon  de  lion,  vous  êtes  monté  à  la  proie,  ô  mon 
fils  !  et  vous  êtes  couché  comme  un  lion,  et  comme  une  lion- 
nesse  qui  s'éveillera.  Le  sceptre  ne  sera  point  ôté  de  Juda,  ni 
le  législateur  d'entre  ses  pieds,  jusqu'à  ce  que  Silo  vienne; 
et  les  nations  s'assembleront  à  lui  pour  lui  obéir1,  n 


Païens^  ^Mahomet 


172. 

Après  que  bien  des  gens  sont  venus  devant,  il  est  venu  en- 
tin  Jésus-Christ  dire  :  Me  voici,  et  voici  le  temps.  Ce  que 
les  prophètes  ont  dit  devoir  avenir  dans  la  suite  des  temps,  je 

I.  Pascal,  averti  sans  doute  par  quelque  commentaire,  traduit  ici  d'après  1  hébreu.  La 
Vulgate  dit  :  Donec  veniat  qui  mittendus  est.  On  s'accorde  en  effet  généralement  à  en- 
tendre par  Silo  ou  Schiloh  le  Messie,  sans  que  ce  nom  soit  expliqué  d'une  manière  sa- 
tisfaisante. 


198  PENSÉES  DE  PASCAL 

vous  dis  que  mes  apôtres  le  vont  faire.  Les  Juifs  vont  être  re- 
butés, Hiérusalem  sera  bientôt  détruite  ;  et  les  païens  vont  en- 
trer dans  la  connaissance  de  Dieu.  Mes  apôtres  le  vont  faire 
après  que  aurez  tué  l'héritier  de  la  vigne  (Marc,  xn,  6).  Et 
puis  les  apôtres  ont  dit  aux  Juifs  :  Vous  allez  être  maudits 
(Celsus  s'en  moquait);  et  aux  païens  :  Vous  allez  entrer  dans 
la  connaissance  de  Dieu.  Et  cela  arrive  alors. 

173. 
Il  est  non-seulement  impossible,  mais  inutile  de  connaître 
Dieu  sans  Jésus-Christ.  Ils  ne  s'en  sont  pas  éloignés,  mais 
approchés;  ils  ne  se  sont  pas  abaissés,  mais...  Quo  quisquam 
optimus  est,  pessimus,  si  hoc  ipsum,  quod  optimus  est,  adscribat 
sibi1. 

174. 
Preuves  de  Jésus-Chrtst.  Pourquoi  le  livre  de  Ruth  con- 
servé. Pourquoi  l'histoire  de  Thamar. 

175. 

Les  Juifs,  en  éprouvant  s'il  était  Dieu,  ont  montré  qu'il  était 
homme. 

176. 
Pourquoi  Jésus-Christ  n'est-il  pas  venu  d'une  manière  visi- 
ble, au  lieu  de  tirer  sa  preuve  des  prophéties  précédentes? 
Pourquoi  s'est-il  fait  prédire  en  figures  ? 

177. 
Sur  ce  que  Josèphe  ni  Tacite  et  les  autres  historiens  n'ont 
point  parlé  de  Jésus-Christ.  Tant  s'en  faut  que  cela  fasse  contre, 
qu'au  contraire  cela  fait  pour.  Car  il  est  certain  que  Jésus- 
Christ  a  été,  et  que  sa  religion  a  fait  grand  bruit  et  que  ces 
gens-là  ne  l'ignoraient  pas,  et  qu'ainsi  il  est  visible  qu'ils  ne 
l'ont  celé  qu'à  dessein  ;  ou  qu'ils  en  ont  parlé,  et  qu'on  l'a  ou 
supprimé  ou  changé. 

178. 
Vocation  des  gentils  par  Jésus-Christ.  Ruine  des  Juifs  et 
des  païens  par  Jésus-Christ. 

1.  Je  ne  puis  dire  d'où  est  pris  ce  texte  latin. 


ARTICLE  XXV  191) 

179. 
Si  le  diable  favorisait  la  doctrine  qui  le  détruit,  il  serait  di- 
visé, comme  disait  Jésus-Christ.  Si  Dieu  favorisait  la  doctrine 
qui  détruit  l'Eglise,  il  serait  divisé  :  Omne  regnum  divisum,  etc. 
[Luc,  xi,  47.]  Car  Jésus-Christ  agissait  contre  le  diable  et  dé- 
truisait son  empire  sur  les  cœurs,  dont  l'exorcisme  est  la  figu- 
ration, pour  établir  le  royaume  de  Dieu.  Et  ainsi  il  ajoute  :  Si 
in  digito  Dei,  etc.,  Regnum  Dei  ad  vos,  etc. 

180. 

OmnisJudœa  regio,  et  Jerosolymitœ  universi,  et  baptizabantur 
(Marc,  i,  5).  A  cause  de  toutes  les  conditions  d'hommes  qui  y 
venaient. 

Des  pierres  peuvent  être  enfants  d'Abraham  (Matth.  m,  9). 

Si  on  se  connaissait,  Dieu  guérirait  et  pardonnerait.  Ne 
convertantur,  et  sanem  eos,  et  dimittantur  eis  peccata...  Marc 
(rv,  12,  haie  vi,  10.) 

Jésus-Christ  n'a  jamais  condamné  sans  ouïr.  A  Judas  : 
Amice,  ad  quid  venisti  ?  A  celui  qui  n'avait  pas  la  robe  nuptiale, 
de  même. 

181. 

Concupiscence  de  la  chair,  concupiscence  des  yeux,  orgueil  ; 
etc.  Il  y  a  trois  ordres  de  choses  :  la  chair,  l'esprit,  la  volonté. 
Les  charnels  sont  les  riches,  les  rois  :  ils  ont  pour  objet  le 
corps.  Les  curieux  et  savants  :  ils  ont  pour  objet  l'esprit.  Les 
sages  :  ils  ont  pour  objet  la  justice.  Dieu  doit  régner  sur  tout, 
et  tout  se  rapporte  à  lui.  Dans  les  choses  de  la  chair  règne 
proprement  la  concupiscence  ;  dans  les  spirituelles,  la  curiosité 
proprement  ;  dans  la  sagesse,  l'orgueil  proprement.  Ce  n'est 
pas  qu'on  ne  puisse  être  glorieux  pour  les  biens  ou  pour  les 
eonnaissances,  mais  ce  n'est  pas  le  lieu  de  l'orgueil  ;  car  en  ac- 
cordant à  un  homme  qu'il  est  savant,  on  ne  laissera  pas  de  le 
convaincre  qu'il  a  tort  d'être  superbe.  Le  lieu  propre  à  la  su- 
perbe est  la  sagesse;  car  on  ne  peut  accorder  à  un  homme 
qu'il  s'est  rendu  sage,  et  qu'il  a  tort  d'être  glorieux  ;  car  cela 
est  de  justice.  Aussi  Dieu  seul  donne  la  sagesse  :  et  c'est  pour- 
quoi, Qui  ghriatur,  in  Domino  giorietur1. 

1.  I  Cor.  i,  31,  d'après  Jér.  ix,  15. 


200  PENSÉES  DE  PASCAL 

182. 
Soumission,  et  usage  de  la  raison;  en  quoi  consiste  le  vrai 
christianisme. 

183. 
Impiété,  de  ne  pas  croire  Y  Eucharistie,  sur  ce  qu'on  ne  la 
voit  pas 

184. 
C'est  une  chose  si  visible,  qu'il  faut  aimer  un  seul  Dieu, 
qu'il  ne  faut  point  de  miracles  pour  le  prouver. 

Bel  état  de  l'Église,  quand  elle  n'est  plus  soutenue  que  de 
Dieu. 

185. 

Cette  religion  si  grande  en  miracles  (saints  Pères  irréprocha- 
bles; savants  et  grands;  témoins,  martyrs,  rois  [David]  établis; 
Isaïe,  prince  du  sang);  si  grande  en  science;  après  avoir  étalé 
tous  ses  miracles  et  toute  sa  sagesse,  elle  réprouve  tout  cela 
et  dit  qu'elle  n'a  ni  sagesse  ni  signes,  mais  la  croix  et  la  folie. 
Car  ceux  qui  par  ces  signes  et  cette  sagesse  ont  mérité  votre 
créance,  et  qui  vous  ont  prouvé  leur  caractère,  vous  décla- 
rent que  rien  de  tout  cela  ne  peut  vous  changer,  et  nous 
rendre  capables  de  connaître  et  aimer  Dieu,  que  la  vertu  de  la 
folie  de  la  croix,  sans  sagesse  ni  signes;  et  non  point  les  signes 
sans  cette  vertu.  Ainsi  notre  religion  est  folle,  en  regardant  à 
la  cause  effective,  et  sage  en  regardant  à  la  sagesse  qui  y  pré- 
pare. 

186. 

...  Que  l'Écriture  a  deux  sens,  que  Jésus-Christ  et  les  apôtres 
ont  donnés,  dont  voici  les  preuves  :  1°  Preuve  par  l'Écriture 
même.  2°  Preuve  par  les  rabbins.  Moïse  Maymon  dit  qu'elle  a 
deux  faces,  et  que  les  prophètes  n'ont  prophétisé  que  Jésus- 
Christ.  3°  Preuves  par  la  cabale.  4°  Preuves  par  l'interpréta- 
tion mystique  que  les  rabbins  même  donnent  à  l'Écriture. 
5°  Preuves  par  les  principes  des  rabbins,  qu'il  y  a  deux  sens. 

Qu'il  y  a  deux  avènements  du  Messie,  glorieux  ou  abject,  se- 
lon leur  mérite;  que  les  prophètes  n'ont  prophétisé  que  du 
Messie.  La  loi  n'est  pas  éternelle,  mais  doit  changer  au  Messie. 
Qu'alors  on  ne  se  souviendra  plus  de  la  mer  Rouge;  que  les 
Juifs  et  les  gentils  seront  mêlés. 


ARTICLE   XXV  ?0l 

187. 

Les  mouvements  de  grâce,  la  durett';  de  cœur,  les  circonstan- 
ces extérieures. 

188. 

Différence  entre  le  dîner  et  le  souper  *. 

En  Dieu  la  parole  ne  diffère  pas  de  l'intention,  car  il  est  véri- 
table; ni  la  parole  de  l'effet,  car  il  est  puissant;  ni  les  moyens 
de  l'effet,  car  il  est  sage.  Bern.  ult.  Serm.  in  Missam. 

Augustin,  de  Civ.  V,  10.  Cette  règle  est  générale.  Dieu 
peut  tout,  hormis  les  choses  lesquelles  s'il  les  pouvait  il  ne  se- 
rait pas  tout-puissant,  comme  mourir,  être  trompé  et  men- 
tir, etc. 

Plusieurs  évangélistes  pour  la  confirmation  de  la  vérité  ;  leur 
dissemblance,  utile. 

Eucharistie  après  la  Cène.  Vérité  après  figure.  Ruine  de 
Jérusalem,  figure  de  la  ruine  du  monde,  40  ans  après  la  mort 
de  Jésus- Christ.  «  Je  ne  sais  pas  »  comme  homme,  ou  comme 
légat  2.  Jésus -Christ  condamné  par  les  Juifs  et  Gentils. 
Les  Juifs  et  Gentils  figurés  par  les  deux  fils  :  Aug.,  de  Civ., 
XX,  29. 

189. 

/*£)  Les  figures  de  l'Evangile  pour  l'état  de  l'âme  malade  sont 
des  corps  malades;  mais  parce  qu'un  corps  ne  peut  être  assez 
malade  pour  le  bien  exprimer,  il  en  a  fallu  plusieurs.  Ainsi  il 
y  a  le  sourd,  le  muet,  l'aveugle,  le  paralytique,  le  Lazare  mort, 
le  possédé.  Tout  cela  ensemble  est  dans  l'âme  malade. 

190. 
Elle  est  toute  le  corps  de  Jésus-Christ,  en  son  patois,  mais  il 
ne  peut  dire  qu'elle  est  tout  le  corps  de  Jésus-Christ.  L'union 
de  deux  choses  sans  changement  ne  fait  point  qu'on  puisse  dire 
que  l'une  devient  l'autre.  Ainsi  l'àme  unie  au  corps,  le  feu  au 
bois,  sans  changement.  Mais  il  faut  changement,  qui  fasse  que 
la  forme  de  Tune  devienne  la  forme  de  l'autre  :  ainsi  l'union  du 
Verbe  à  l'homme.  Parce  que  mon  corps  sans  mon  âme  ne  ferait 
pas  le  corps  d'un  homme;  donc  mon  âme,  unie  à  quelque  ma- 

1.  Voir  Luc,  xiv,  12.  —  Cf.  Aristote,  Métaph.,  V1LI,  n  ;  Brandis,  p.  166,  ].  21. 

2.  C'est-à-dire  que,  quand  Jésus  dit  qu'il  ne  sait  pas  quand  viendra  la  derûière  heure 
'Alzrc  xui,  32),  il  parle  saDs  doute  comme  homme  ou  comme  simple  envoyé. 


202  PENSÉES  DE  PASCAL 

tière  que  ce  soit,  fera  mon  corps.  Il  me  distingue  la  condition 
nécessaire  d'avec  la  condition  suffisante  ;  l'union  est  nécessaire, 
mais  non  suffisante.  Le  bras  gauche  n'est  pas  le  droit.  L'impé- 
nétrabilité est  une  propriété  des  corps.  Identité  de  numéro  au 
regard  du  même  temps  exige  l'identité  de  la  matière.  Ainsi  si 
Dieu  unissait  mon  âme  à  un  corps  à  la  Chine,  le  même  corps, 
idem  numéro,  serait  à  la  Chine.  La  même  rivière  qui  coule 
là  est  idem  numéro  que  celle  qui  coule  en  même  temps  à  la 
Chine1. 

191. 

Fascination.  Somnum  suum(Ps.  lxxv,  6.)  Figura  hujusmundi 
(I  Cor.  vu,  31). 

L'Eucharistie.  Comedes  panem  tuum  (Deut.  vin,  9).  Panem 
nostrum  {Luc,  xi,  3). 

Inimici  Dei  terram  lingent  (Ps.  lxxi,  9.)  Les  pécheurs  lèchent 
la  terre,  c'est-à-dire ,  aiment  les  plaisirs  terrestres. 

Singularis  sum  ego  donec  transeam  (Ps.  cxl,  10.)  Jésus-Christ 
avant  sa  mort  était  presque  seul  de  martyr. 

192. 
Les  deux  raisons  contraires.  Il  faut  commencer  par  là;  sans 
cela  on  n'entend  rien,  et  tout  est  hérétique.  Et  même,  à  la  fln 
de  chaque  vérité,  il  faut  ajouter  qu'on  se  souvient  de  la  vérité 
opposée. 

193. 
Canonique.    Les  hérétiques,  au  commencement  de  l'Eglise, 
servent  à  prouver  les  canoniques. 

194. 
Dieu  (et  les  apôtres),  prévoyant  que  les  semences  d'orgueil 
feraient  naître  les  hérésies,  et  ne  voulant  pas  leur  donner  occa- 
sion de  naître  par  des  termes  propres,  a  mis  dans  l'Écriture  et 
les  prières  de  l'Église  des  mots  et  des  sentences  contraires  pour 
produire  leurs  fruits  dans  le  temps.  De  même  qu'il  donne  dans 
la  morale  la  charité,  qui  produit  des  fruits  contre  la  concupis- 
cence. Celui  qui  sait  la  volonté  de  son  maître  sera  battu  de 

1.  Ce  fragment  est  l'ébauche  d'une  réfutation  des  arguments  de  quelque  ministre  pro- 
testant contre  la  présence  réelle.  Pascal  prend  sans  doute  dans  son  auteur  même  les 
termes  scolastiquo.-;  par  lesquels  il  définit  l'identité.  Pour  entendre  la  dernière  phrase,  il 
»emMe  qu'il  faut  supposer  que  l'eau  est  la  même  daus  touLes  les  rivières. 


ARTTCT.E  xxv  203 

plus  de  coups,  à  cause  du  pouvoir  qu'il  a  par  la  connaissance. 
Qui  justus  est  justificetur  adhuc  {Apoc.  xxn,  11);  à  cause  du 
pouvoir  qu'il  a  par  la  justice.  A  celui  qui  a  le  plus  reçu  sera  le 
plus  grand  compte  demandé,  à  cause  du  pouvoir  qu'il  a  par  le 
secours. 

195. 
La  république  chrétienne,  et  même  judaïque,  n'a  eu  que 
Dit  u  pour  maître,  comme  remarque  Philon  juif,  De  là  Monar- 
chie. Quand  ils  combattaient,  ce  n'était  que  pour  Dieu;  n'es- 
péraient principalement  que  de  Dieu;  ils  ne  considéraient  leurs 
villes  que  comme  étant  à  Dieu,  et  les  conservaient  pour  Dieu. 
I  Paralip.,  xix,  13  *. 

196. 

La  victoire  sur  la  mort.  [I  Cor.,  xv,  57.]  Que  sert  à  l'homme 
de  gagner  tout  le  monde,  s'il  perd  son  âme  [Luc,  ix,  25]?  Qui 
veut  garder  son  âme  la  perdra  [ibid.,  24], 

Je  ne  suis  pas  venu  détruire  la  loi,  mais  l'accomplir  [Matth., 
v,  17].  Les  agneaux  n'ôtaient  point  les  péchés  du  monde,  mais 
je  suis  l'agneau  qui  ôte  les  péchés  [/ean,  I,  29].  Moïse  ne  vous 
a  point  donné  le  pain  du  ciel  [ibid.,  vi,  32].  Moïse  ne  vous  a 
point  tirés  de  captivité  et  ne  vous  a  point  rendus  véritable- 
ment libres  [ibid. ,  vm,  36]. 

197. 

Saint  Augustin  a  dit  formellement  que  les  forces  seraient 
ôtées  au  juste.  Mais  c'est  par  hasard  qu'il  l'a  dit;  car  il  pou- 
vait arriver  que  l'occasion  de  le  dire  ne  s'offrît  pas.  Mais  ses 
principes  font  voir  que,  l'occasion  s'en  présentant,  il  était  im- 
possible qu'il  ne  le  dît,  ou  qu'il  dit  rien  de  contraire.  C'est 
donc  plus  d'être  forcé  à  le  dire,  l'occasion  s'en  offrant ,  que  de 
l'avoir  dit,  l'occasion  s' étant  offerte  ;  l'un  étant  de  nécessité,  l'au- 
tre de  hasard.  Mais  les  deux  sont  tout  ce  qu'on  peut  demander. 

198. 
Quand  Auguste  eut  appris  qu'entre  les  enfants  qu'Hérode 
avait  fait  mourir,  au-dessous  de  l'âge  de  deux  ans,  était  son 
propre  fils,  il  dit  qu'il  était  meilleur  d'être  le  pourceau  d'Hé- 
rode  que  son  fils.  Macrob.  (Saturn.)  livre  II,  c.  4. 

I.  En  titre  dan3  l'autographe,  République» 


20'  PENSÉES  DE  PASCAL 

199. 
Voir  ce  qu'il  y  a  de  clair  dans  tout  l'état  des  Juifs,  et  d'in- 
contestable *. 

200. 
Eh  quoi!  Ne  dites-vous  pas  vous-même  que  le  ciel  et  les  oi- 
seaux prouvent  Dieu  ?  —  Non.  —  Et  votre  religion  ne  le  dit- 
elle  pas? —  Non.  Car  encore  que  cela  est  vrai  en  un  sens  pour 
quelques  âmes  à  qui  Dieu  donne  cette  lumière,  néanmoins  cela 
est  faux  à  l'égard  de  la  plupart. 

201. 
Nihil  tam  absurde  dici  potest  quod  non  dicatur  ab  aliquo  philo* 
sophorum.  Gic  de  Divin.  II,  58  '. 

202. 
Est  et  non  est  sera-t-il  reçu  dans  la  foi,  aussi  bien  que  dans 
ies  miracles? 

Quand  saint  Xavier  fait  des  miracles  ..*1 
Miracles  continuels,  faux. 

203, 

Toujours  ou  les  hommes  ont  parlé  du  vrai  Dieu,  ou  le  vra 
Dieu  a  parlé  aux  hommes. 

Les  deux  fondements,  l'un  intérieur,  l'autre  extérieur;  la 
grâce,  les  miracles  ;  tous  deux  surnaturels. 

204. 

Judith.  Enfin  Dieu  parle  dans  les  dernières  oppressions.  Si 
le  refroidissement  de  la  charité  laisse  l'Eglise  presque  sans 
vrais  adorateurs,  les  miracles  en  exciteront.  C'est  un  des  der- 
niers effets  de  la  grâce. 

S'il  se  faisait  un  miracle  aux  Jésuites  î 

Quand  le  miracle  trompe  l'attente  de  ceux  en  présence  des- 
quels il  arrive,  et  qu'il  y  a  disproportion  entre  l'état  de  leur  foi 
et  l'instrument  du  miracle,  alors  il  doit  les  porter  à  changer. 
Mais  vous,  autrement.  Il  y  aurait  autant  de  raison  à  dire  que, 


■h  En  titre  dans  l'autographe,  Ordre. 

2.  On  trouve  çà  et  là  dans  le  manuscrit  quelques  textes  semblables,  isolés,  et  proba- 
blement pris  dans  Montaigne.  11  suftira  d'avoir  reproduit  le  plus  caractéristique  :  «  11  n'y 
»  rien  de  si  absurde  à  dire  qui  ne  soit  dit  par  quelque  philosophe.  »  Apol.,  t.  ni,  p.  268. 

3.  Saint  François-Xavier  était  jésuite. 


ARTICLE  XXV  205 

si  l'Eucharistie  ressuscitait  un  mort,  il  faudrait  se  rendre  cal- 
viniste que  demeurer  catholique.  Mais  quand  il  couronne  l'at- 
tente, et  que  ceux  qui  ont  espéré  que  Dieu  bénirait  les  remè- 
des se  voient  guéris  sans  remèdes... 

205. 

Comme  Dieu  n'a  pas  rendu  de  famille  plus  heureuse,  qu'il 
fasse  aussi  qu'il  n'en  trouve  point  de  plus  reconnaissante  l. 

206. 

Roi  et  tyran.  J'aurai  aussi  mes  pensées  de  derrière  la  tête. 
Je  prendrai  garde  à  chaque  voyage. 

207. 

Qu'y  a-t-il  de  plus  absurde  que  de  dire  que  des  corps  inani- 
més ont  des  passions,  des  craintes,  des  horreurs?  Que  des 
corps  insensibles,  sans  vie,  et  même  incapables  de  vie,  aient 
des  passions,  qui  présupposent  une  âme  au  moins  sensitive 
pour  les  ressentir  ?  De  plus,  que  l'objet  de  cette  horreur  fût  le 
vide?  Qu'y  a-t-il  dans  le  vide  qui  puisse  leur  faire  peur?  Qu'y 
a-t-il  de  plus  bas  et  de  plus  ridicule?  Ce  n'est  pas  tout  :  qu'ils 
aient  eu  eux-mêmes  un  principe  de  mouvement,  pour  éviter 
le  vide?  Ont-ils  des  bras,  des  jambes,  des  muscles,  des 
nerfs»?  ' 

208. 

Venise.  Quel  avantage  en  tirerez-vous,  sinon  du  besoin 
qu'en  ont  les  princes,  et  de  l'horreur  qu'en  ont  les  peuples? 
S'ils  vous  avaient  demandés,  et  que  pour  l'obtenir  ils  eussent 
imploré  l'assistance  des  princes  chrétiens,  vous  pourriez  faire 
valoir  cette  recherche.  Mais  que  durant  cinquante  ans  tous  les 
princes  s'y  soient  employés  inutilement,  et  qu'il  ait  fallu  un 
aussi  pressant  besoin  pour  l'obtenir 3 

1.  En  titre  dans  l'autographe,  Sur  le  miracle. 

2.  Ce  fragment  porte  dans  l'autographe  cette  indication  :  Part.  I,  l.  II,  c.  i,s.  4; 
c'est-à-dire,  sans  doute,  lre  partie,  livre  II,  chapitre  1,  section  4,  du  Traité  du  Vide, 
auquel  Pascal  a  travaillé  longtemps.  Voyez  un  fragment  considérable  de  ce  Traité  dans 
les  Opuscules. 

3.  Les  Jésuites  avaient  été  bannis  en  1606  du  territoire  de  Venise.  En  1657,  la  Répu- 
blique venait  d'accorder  enfin  leur  rappel  aux  instances  du  pape,  de  la  cour  de  France 
et  des  autres  puissances  catholiques,  qu'elle  était  alors  dans  la  nécessité  de  ménager,  se 
trouvant  très-embarrassée  de  la  guerre  qu'elle  soutenait  contre  les  Turcs. 

14 

ii. 


2°ô  PENSÉES   DE  PASCAL 

209. 

LE  MYSTÈRE  DE  JÉSUS1 


Jésus  souffre  dans  sa  passion  les  tourments  que  lui  font  les 
hommes;  mais  dans  Fagonie  il  souffre  les  tourments  qu'il  se 
donne  à  lui-même  :  turbare  semetipsum  *.  C'est  un  supplice 
d'une  main  non  humaine,  mais  toute  puissante,  car  il  faut  être 
tout-puissant  pour  le  soutenir. 

Jésus  cherche  quelque  consolation  au  moins  dans  ses  trois 
plus  chers  amis,  et  ils  dorment.  Il  les  prie  de  soutenir  un  peu 
avec  lui8,  et  ils  le  laissent  avec  une  négligence  entière,  ayant  si 
peu  de  compassion  qu'elle  ne  pouvait  seulement  les  empêcher 
de  dormir  un  moment.  Et  ainsi  Jésus  était  délaissé  seul  à  la 
colère  de  Dieu. 

Jésus  est  seul  dans  la  terre,  non-seulement  qui  ressente  et 
partage  sa  peine,  mais  qui  la  sache  ;  le  ciel  et  lui  sont  seuls 
dans  cette  connaissance. 

Jésus  est  dans  un  jardin,  non  de  délices,  comme  le  premier 
Adam,  où  il  se  perdit,  et  tout  le  genre  humain;  mais  dans  un 
de  supplices,  où  il  s'est  sauvé,  et  tout  le  genre  humain. 

Il  souffre  cette  peine  et  cet  abandon  dans  l'horreur  de  la 
nuit. 

Je  crois  que  Jésus  ne  s'est  jamais  plaint  que  cette  seule  fois; 
mais  alors  il  se  plaint  comme  s'il  n'eût  plus  pu  contenir  sa 
Couleur  excessive  :  Mon  âme  est  triste  jusqu'à  la  mort. 

Jésus  cherche  de  la  compagnie  et  du  soulagement  de  la  part 
des  hommes.  Cela  est  unique  en  toute  sa  vie,  ce  me  semble. 
Mais  il  n'en  reçoit  point,  car  ses  disciples  dorment. 

1.  Ce  morceau  précieux  a  été  publié  pour  la  première  fois  par  M.  Faugère.  Il  se  trouve 
à  la  page  87  du  eahier  autographe.  On  doit  le  regarder  comme  faisant  partie  des  Pensées. 

2.  Jean,  xi,  33,  en  parlant  de  l'émotion  que  Jésus  éprouve  à  la  vue  de  ceux  qui  pleurent 
sur  Lazare  mort.  Il  y  a  seipsum  dans  le  texte. 

3.  Pascal  traduit  mot  à  mot  l'expression  latine  :  Sustinete  hic,  Patientez  ici.  Matth. 
xxvi,  38. 


ARTICLE  XXV  207 

Jésus  sera  en  agonie  jusqu'à  la  fin  du  monde  :  il  ne  faut  pas 
dormir  pendant  ce  temps-là. 

Jésus,  au  milieu  de  ce  délaissement  universel,  et  de  ses 
amis  choisis  pour  veiller  avec  lui  *,  les  trouvant  dormant,  s'en 
fâche  à  cause  du  péril  où  ils  exposent  non  lui,  mais  eux-mê- 
mes, et  les  avertit  de  leur  propre  salut  et  de  leur  bien,  avec 
une  tendresse  cordiale  pour  eux  pendnnt  leur  ingratitude,  et 
les  avertit  que  l'esprit  est  prompt  et  la  chair  infirme. 

Jésus,  les  trouvant  encore  dormant,  sans  que  ni  sa  considé- 
ration ni  la  leur  les  en  eût  retenus,  il  a  la  bonté  de  ne  pas  les 
éveiller,  et  les  laisse  dans  leur  repos. 

Jésus  prie  dans  l'incertitude  de  la  volonté  du  Père,  et  craint 
la  mort;  mais  l'ayant  connue,  il  va  au-devant  s'offrir  à  elle  : 
Eamus.  Processif  (Joannes)  *. 

Jésus  a  prié  les  hommes,  et  n'en  a  pas  été  exaucé. 

Jésus,  pendant  que  ces  disciples  dormaient,  a  opéré  leur 
salut.  Il  Ta  fait  à  chacun  des  justes  pendant  qu'ils  dormaient, 
et  dans  le  néant  avant  leur  naissance,  et  dans  les  péchés  depuis 
leur  naissance. 

Il  ne  prie  qu'une  fois  que  le  calice  passe,  et  encore  avec  sou- 
mission ;  et  deux  fois  qu'il  vienne,  s'il  le  faut. 

Jésus  dans  l'ennui.  Jésus  voyant  tous  ses  amis  endormis  et 
tous  ses  ennemis  vigilants,  se  remet  tout  entier  à  son  père. 

Jésus  ne  regarde  pas  dans  Judas  son  inimitié,  mais  Tordre 
de  Dieu  qu'il  aime,  et  l'avoue,  puisqu'il  l'appelle  ami 3. 

Jésus  s'arrache  d'avec  ses  disciples  pour  entrer  dans  l'ago- 
nie ;  il  faut  s'arracher  de  ses  plus  proches  et  des  plus  intimes 
pour  l'imiter. 

Jésus  étant  dans  l'agonie  et  dans  les  plus  grandes  peines, 
prions  plus  longtemps4. 

2. 

Console-toi   :   tu    ne   chercherais    pas ,    si    tu  ne  m'avais 

trouvé. 

1.  Comme  s'il  y  avait  :  ce  délaissement  de  la  part  de  tous  et  de  se*  amis, 
î.  Matth.,  xxvi,  46,  et  Jean,  xvm,  4. 

3.  Matth.,  xxvi,  50. 

4.  Luc,  xxn,  43  :  t  Et  étant  entré  en  agonie,  il  pria  longtemps  {proàxiu»  orabat).  » 
Il  semble  que  Pascal  fait  ici  une  pause,  et  passe  de  la  méditation  à  l'oraison,  à  une  orai- 
son pareille  à  celle  de  Jésus,  inquiète  et  tourmentée. 


208  PENSÉES  DE  PASCAL 

Je  pensais  à  toi  dans  mon  agonie  ;  j'ai  versé  telles  gouttes  de 
sang  pour  toi  *. 

C'est  me  tenter  plus  que  t'éprouver,  que  de  penser  si  tu  fe- 
rais bien  telle  et  telle  chose  absente;  je  la  ferai  en  toi  si  elle 
irrive. 

Laisse-toi  conduire  à  mes  règles;  vois  comme  j'ai  bien  con- 
duit la  Vierge  et  les  Saints,  qui  m'ont  laissé  agir  en  eux. 

Le  Père  aime  tout  ce  que  je  fais. 

Veux- tu  qu'il  me  coûte  toujours  du  sang  de  mon  humanité, 
sans  que  tu  donnes  des  larmes? 

C'est  mon  affaire  que  ta  conversion;  ne  crains  point,  et  prie 
avec  confiance, comme  pour  moi. 

Je  te  suis  présent  par  ma  parole  dans  l'Écriture;  par  mon 
esprit  dans  l'Église,  et  par  les  inspirations  2  ;  par  ma  puissance 
dans  les  prêtres;  par  ma  prière  dans  les  Fidèles. 

Les  médecins  ne  te  guériront  pas  ;  car  tu  mourras  à  la  fin. 
Mais  c'est  moi  qui  guéris,  et  rends  le  corps  immortel. 

Souffre  les  chaînes  et  la  servitude  corporelles  ;  je  ne  te  dé- 
livre que  de  la  spirituelle  à  présent. 

Je  te  suis  plus  ami  que  tel  et  tel;  car  j'ai  fait  pour  toi  plus 
qu'eux,  et  ils  ne  souffriraient  pas  ce  que  j'ai  souffert  de  toi,  et 
ne_mourraient  pas  pour  toi  dans  le  temps  de  tes  infidélités  et 
cruautés,  comme  j'ai  fait,  et  comme  je  suis  prêt  à  faire  et  fais, 
dans  mes  élus  et  au  Saint- Sacrement. 

Si  tu  connaissais  tes  péchés,  tu  perdrais  cœur.  —  Je  le  per- 
drai donc,  Seigneur,  car  je  crois  leur  malice  sur  votre  assu- 
rance. —  Non,  car  moi,  par  qui  tu  l'apprends,  t'en  peux  guérir, 
et  ce  que  je  te  le  dis,  est  un  signe  que  je  te  veux  guérir.  A  me- 
sure que  tu  les  expieras,  tu  les  connaîtras,  et  il  te  sera  dit  : 
Vois  les  péchés  qui  te  sont  remis.  Fais  donc  pénitence  pour 
tes  péchés  cachés  et  pour  la  malice  occulte  de  ceux  que  tu  con- 
nais 3. 

—  Seigneur,  je  vous  donne  tout. 

1.  Ibid.  44  :  «Et  il  lui  vint  une  sueur,  comme  de  gouttes  de  sang  qui  découlaient 
jusqu'à  terre.  »  Mais  l'imagination  émue  a  besoin  de  traits  précis;  Pascal  s'attache  à 
telle  goutte  qu'il  s'applique  ;  il  se  lait  sa  part  dans  le  sang  de  Jésus-Christ. 

2.  C'est-à-dire,  et  dans  les  inspirations.  Voir  sur  les  inspirations  le  Iragment  ci- 
après. 

3.  Souvenir  de  ces  mots  du  psaume  xvm,  13  :  A b  occultis  mets  munda  m». 


ARTTCT.E  XXV  WJ 

—  Je  t'aime  plus  ardemment  que  lu  n'as  aimé  tes  souillures. 
Utimmumius  pro  luto  ». 

Qu'à  moi  en  soit  la  gloire  ,  et  non  à  toi,  ver  et  terre. 

Interroge  ton  directeur,  quand  mes  propres  paroles  te  sont 
occasion  de  mal,  et  de  vanité  ou  curiosité. 

3. 

Je  vois  mon  abîme,  d'orgueil,  de  curiosité,  de  concupiscence. 
Il  n'y  a  nul  rapport  de  moi  à  Dieu,  ni  à  Jésus-Christ  juste. 
Mais  il  a  été  fail  péché  par  moi  *  ;  tous  vos  fléaux  sont  tombés 
sur  lui  •.  Il  est  plus  abominable  que  moi,  et  loin  de  m'ab- 
horrer,  il  se  tient  honoré  que  j'aille  à  lui  et  le  secoure. 

Mais  il  s'est  guéri  lui-même,  et  me  guérira  à  plus  forte 
raison. 

Il  faut  ajouter  mes  plaies  aux  siennes,  et  me  joindre  à  lui, 
et  il  me  sauvera  en  se  sauvant. 

Mais  il  n'en  faut  pas  ajouter  à  l'avenir. 

4. 

Consolez-vous  :  ce  n'est  pas  de  vous  que  vous  devez  l'atten- 
dre ;  mais  au  contraire  en  n'attendant  rien  de  vous,  que  vous 
devez  l'attendre. 

5. 

Jésus-Christ  était  mort,  mais  vu,  sur  la  croix.  Il  est  mort 
et  caché  dans  le  sépulcre. 

Jésus-Christ  n'a  été  enseveli  que  par  des  saints. 

Jésus-Christ  n'a  fait  aucuns  miracles  au  sépulcre. 

Il  n'y  a  que  des  saints  qui  y  entrent. 

C'est  là  où  Jésus -Christ  prend  une  nouvelle  vie,  non  sur  la 
croix. 

C'est  le  dernier  mystère  de  la  passion  et  de  la  rédemption. 

Jésus-Christ  n'a  point  eu  où  se  reposer  sur  la  terre  qu'au 
sépulcre  *. 

Ses  ennemis  n'ont  cessé  de  le  travailler  qu'au  sépulcre. 

1.  •  Comme  l'homme  immonde  est  pour  sa  fange.  »  Je  ne  sais  d'où  sont  prises  ce» 
paroles;  elles  ne  sont  pas  de  l'Ecriture. 

2.  C'est  l'expression  de  Paul,  II  Cor.  \,  21. 

3.  11  s'adresse  à  Dieu. 

4.  Ed.  titre  dans  l'autographe,  Sépulcre  de  Jésus-CnnlST. 


210  PENSÉES  DE  PASCAL 

6. 

Je  te  parle  et  te  conseille  souvent,  parce  que  ton  conducteur 
ne  te  peut  parler;  car  je  ne  veux  pas  que  tu  manques  de  con- 
ducteur. Et  peut-être  je  le  fais  à  ses  prières,  et  ainsi  il  te  con- 
duit sans  que  tu  le  voies.  Tu  ne  me  chercherais  pas,  si  tu  ne 
me  possédais  ;  ne  t'inquiète  donc  pas. 

7. 

Ne  te  compare  point  aux  autres,  mais  à  moi.  Si  tu  ne  m'y 
trouves  pas,  dans  ceux  où  tu  te  compares,  tu  te  compares  à  un 
abominable.  Si  tu  m'y  trouves,  compare-t-y.  Mais  qu'y  com- 
pareras-tu? Sera-ce  toi,  ou  moi  dans  toi?  Si  c'est  toi,  c'est  un 
abominable.  Si  c'est  moi,  tu  compares  moi  à  moi.  Or  je  suis 
Dieu  en  tout. 

8. 

Il  me  semble  que  Jésus  -Christ  ne  laissa  toucher  que  ses 
plaies,  après  sa  résurrection  :  Noli  me  tangere1.  11  ne  faut  nous 
unir  qu'à  ses  souffrances. 

9. 

...  Il  s'est  donné  à  communier  comme  mortel  en  la  Cène, 
comme  ressuscité  aux  disciples  d'Emmaus,  comme  monté  au 
ciel  à  toute  l'Église. 

10. 

«  Priez,  de  peur  d'entrer  en  tentation  [Luc,  xxn,  46].  »  H  est 
dangereux  d'être  tenté;  et  ceux  qui  le  sont,  c'est  parce  qu'ils 
ne  prient  pas. 

Et  tu  conversus  confirma  fratres  tuos  *.  Mais  auparavant,  con- 
venus Jésus  respexit  Petrum  8. 

Saint  Pierre  demande  permission  de  frapper  Malchus,  et 

1.  •  Ne  me  touche  pas.  »  Jean,  xx,  17.  Ce  sont  les  paroles  de  Jésus  à  Marie  de  Mag- 
dala quand  il  lui  apparaît  au  sépulcre  et  qu'elle  le  salue.  Mais  il  fait  toucher  ses  plaies  à 
Thomas  incrédule  :  ibid.  27. 

2.  Luc,  xxn,  32,  Il  y  a  dans  le  texte,  aliquando  conversus  :  «  Plus  tard,  étant  retourné  à 
moi,  tu  raffermiras  tes  frères.  •  C'est  à  Pierre  que  Jésus  parle  ainsi. 

3.  Ibid.  61.  Conversus  Dominus ,  dans  le  texte.  Pierre  vient  de  renier  Jésus  pour  la 
troisième  fois,  et  le  coq  a  chanté.  «  Le  Seigneur,  s'étant  retourné  vers  Pierre,  le  regarda; 
et  Pierre  se  souvint  des  paroles  que  le  Seigneur  lui  avait  dites...,  et  étant  sorti,  il  plenra 
amèrement.  »  Pascal  veut  appuyer  par  ce  texte  la  doctrine  de  la  grâce  nécessitante  et 
prévenante  :  il  veut  montrer  que  Pierre  ne  se  tourne  vers  Jésus  qu'après  que  Jésus  t'est 
tourné  vers  IvÂ- 


REMARQUES  SUR   L*ARTTCLE  XXV.  211 

frappe  devant  que  d'ouïr  la  réponse;  et  Jésus-Christ   répond 
après1. 

11. 
Jéstjs-Chrtst  n'a  pas  voulu  être  tu*5  sans  les  formes  de  la  jus- 
tice; car  il  est  bien  plus  ignominieux  de  mourir  par  justice  que 
par  une  sédition  injuste. 

12. 
La  fausse  justice  de  Pilate  ne  sert  qu'à  faire  souffrir*  Jésus- 
Christ;  car  il  le  fait  fouetter  pour  sa  fausse  justice,  et  puis  le 
tue.  Il  vaudrait  mieux  l'avoir  tué  d'abord.  Ainsi  les  faux  jus- 
tes. Ils  font  de  bonnes  œuvres  et  de  méchantes  pour  plaire  au 
monde,  et  montrer  qu'ils  ne  sont  pas  tout  à  fait  à  Jésus-Christ  ; 
car  ils  en  ont  honte.  Et  enfin,  dans  les  grandes  tentations  et 
occasions,  ils  le  tuent. 


REMARQUES    SUR    L'ARTICLE    XXV 

Fragment  3.  —  «  Il  ne  faut  pas  dire  qu'il  y  a  ce  qu'on  ne  voit  pas.  » 
Il  l'a  dit  pourtant  ailleurs  intrépidement  :  «  Qu'il  y  voit  une  infinité 
d'univers,  dont  chacun  a  son  firmament,  ses  planètes,  sa  terre,  etc.  » 
Article  Ier,  fragment  1,  page  £• 

Fragment  9.  —  «  Mais  ces  êtres  terminés  se  multiplient  infiniment.  » 
Mais  les  espaces  et  les  temps  sont-ils  des  êtres  ? 

Fragment  10.  —  «  La  petitesse  des  esprits  qui  entrent  dans  les 
pores.  » 

Les  esprits  n'entrent  pas  dans  les  pores  ;  les  nerfs  qui  nous  font 
sentir  la  chaleur,  la  lumière,  etc.,  s'épanouissent  à  la  surface  même 
du  corps  comme  tous  les  autres.  Il  est  vrai  seulement  qu'il  n'y  a  que 
les  nerfs  de  l'œil  qui  reçoivent  l'impression  de  la  lumière,  ceux  de  l'o- 
reille celle  du  son,  etc. 

Fragment  11  bis.  —  «  L'histoire  du  brochet  et  de  la  grenouille  de 
Liancourt.  »  On  lit  dans  les  Mémoires  de  Fontaine,  t.  n,  p.  470  : 
«  M   Arnauld,..  qui  était  entré  dans  le  système  de  Descartes  sur  les 

I.  Voilà  ce  qui  arrive  toutes  les  fois  que  l'homme  pèche^  o'est  qu«  la  grâce  ne  l'a  pas 
prévenu,  que  Dieu  l'a  laissé  agir  avant  de  lui  parler. 


212  PENSÉES  DE  PASCAL. 

bêtes,  soutenait  que  ce  n'était  que  des  horloges...  M.  de  Liancourt  lui 
dit  :  J'ai  là-bas  deux  chiens  qui  tournent  la  broche  chacun  leur  jour; 
l'un  s'en  trouvant  embarrassé,  se  cacha  lorsqu'on  l'allait  prendre,  et 
on  eut  recours  à  son  camarade  pour  tourner  au  lieu  de  lui.  Le  cama- 
rade cria,  et  fit  signe  de  la  queue  qu'on  le  suivît.  Il  alla  dénicher  l'au- 
tre dans  le  grenier  et  le  houspilla.  Sont-ce  là  des  horloges?  dit-il  à 
M.  Arnauld,  qui  trouva  cela  si  plaisant,  qu'il  ne  put  faire  autre  chose 
que  d'en  rire.  » 

Fragment  14.  —  «  La  mémoire  est  nécessaire  pour  toutes  les  opéra- 
tions de  la  raison.  »  Buffon,  dans  le  Discours  sur  la  nature  des  animaux, 
pose  le  même  principe.  Ensuite  il  soutient  que  les  animaux,  quoiqu'ils 
aient  une  faculté  de  réminiscence,  n'ont  pas  véritablement  la  mémoire; 
parce  qu'en  se  rappelant  le  pcisé,  ils  ne  se  le  rappellent  pas  comme 
passé,  et  ne  font  pas  entrer  dans  leur  souvenir  l'idée  du  temps.  Il  en 
conclut  que  les  animaux  n'ont  point  la  puissance  de  réfléchir,  l'enten- 
dement, la  pensée.  Je  serais  porté  à  croire  que,  quand  Pascal  écrivait 
cette  phrase,  c'était  aussi  pour  arriver  à  cette  conclusion. 

Fragment  17.  —  «  Combien  de  royaumes  nous  ignorent!  »  Cette 
pensée  est  développée  magnifiquement  dans  le  Songe  de  SJpion,  mais 
Cicéron  voulait  seulement  exprimer  le  peu  qu'est  la  gloire  humaine. 
L'idée  de  Pascal  ne  va-t-elle  pas  plus  loin?  Ne  semble-t-il  pas  que 
cet  isolement  le  trouble,  et  qu'un  doute  le  gagne  quand  il  songe  com- 
bien peu  de  place  tiennent  dans  l'étendue  du  monde  telles  lois,  coutu- 
mes ou  croyances  qui  régnent  souverainement  là  où  il  est?  On  craint 
de  se  tromper  en  donnant  trop  de  portée  à  quelques  mots  de  Pascal  ; 
mais  on  peut  aboutir  là  en  partant  d'où  il  part,  et  c'est  ce  qu'a  fait 
Voltaire  (Dictionnaire  philosophique,  article  Géographie,  à  la  fin). 

Franment  17  bis.  —  «  Le  silence  éternel  de  ces  espaces  infinis  m'ef- 
fraie. »  Ainsi  ailleurs,  en  regardant  tout  l'univers  muet  (xr,  8);  et  en- 
core (xiv,  2)  :  La  nature  ne  m'offre  rien  qui  ne  soit  matière  de  doute  et 
d'inquiétude.  Mais  ces  paroles  sont  peu  de  chose  auprès  de  ce  grand 
cri,  que  Port-Royal  avait  étouffé. 

Fragment  19.  —  «  Chacun  croit  être  tout  a  tous.  »  Dans  un  sens 
bien  autre  que  celui  où  Paul  disait  qu'il  s'était  fait  tout  a  tous  (I  Cor. 
ix,  22).  Paul  tâchait  de  satisfaire  à  toutes  les  exigences  des  autres; 
l'homme  de  Pascal  prétend  avoir  sur  les  autres  tous  les  droits. 

Fragment  20.  —  «  Le  monde  ordinaire  a  le  pouvoir  de  ne  pas  son- 
ger, etc.  »  C'est  romme  s'il  eût  dit,  le  monde  ordinaire  n'est  pas  phi 


REMARQUES  SUR   L'ARTICLE  XXV  213 

losophe.  On  n'est  ni  philosophe  ni  critique  quand  on  peut  s'empêcher 
de  songer;  et  il  y  a  des  hommes  distinguos,  et  même  de  grands  hom- 
mes, qui  sont  dans  ce  cas. 

«  Ne  pensez  pas  aux  passages  du  Messie,  disait  le  Juif  à  son  fils. 
Ainsi  font  les  nôtres  souvent.  »  Les  nôtres  disent  :  No  pensez  pas  aux  dif- 
ficultés de  l'Ecriture,  aux  objections  qu'on  peut  faire  sur  les  dogmes, 
les  mystères,  etc.  Fénelon  dit  dans  sa  Lettre  à  l'évêque  d'Arras,  que 
j'ai  déjà  citée  :  o  Toutes  les  difficultés...  s'évanouissent  sans  peine,  dès 
qu'on  a  l'esprit  guéri  de  la  présomption.  Alors,  suivant  la  règle  de 
saint  Augustin  (Epist.  ad  Hier.),  on  passe  sur  tout  ce  que  l'on  n  en- 
tend pas,  et  on  s'édifie  de  tout  ce  qu'on  entend.  »  On  n'est  pas  étonné 
que  Port-Royal  ait  supprimé  ce  fragment.  Aucune  autorité  n'eût  sup- 
porté ce  ton  hardi  et  sincère. 

Fragment  25  ter.  —  «  Trop  luxuriant.  »  Luxuriant  est  une  expres- 
sion latine,  qui  se  dit  proprement  d'un  luxe  de  végétation,  et  par 
suite  de  toute  espèce  de  surabondance.  La  vraie  élégance,  même  en  lit- 
térature, n'est  pas  si  éloignée  de  cette  élégance  des  mathématiciens, 
qui  consiste  à  exposer  la  vérité  de  la  façon  la  plus  simple  et  la  plus 
nette. 

«  L'inquiétude  de  son  génie.  Trop  de  deux  mots  hardis.  »  Excel- 
lente leçon  de  style.  Le  mot  ^inquiétude  est  en  effet  d'une  grande 
force,  d'après  l'étymologie  ;  il  signifie  proprement  l'impossibilité  de 
demeurer  en  repos.   C'est  le  sens  qu'il  a  dans  les  vers  de  Racan  : 

Vallons,  fleuves,  rochers,  plaisante  solitude, 
Si  vous  fûtes  témoins  de  mon  inquiétude, 
Soyez-le  désormais  de  mon  contentement. 

De  mon  inquiétude,  c'est-à-dire,  de  l'agitation  perpétuelle  de  ma  vie. 
Et  dans  ceux-ci  de  La  Fontaine  (Fables,  VI,  5) 

Lorsque  deux  animaux  m'ont  arrêté  les  yeux  t 

L'un  doux,  bénin  et  gracieux, 
Et  l'autre  turbulent  et  plein  d'inquiétude. 

C'est  celui  du  mot  inquiet  dans  ce  passage  de  Bossuet  (Or.  fun.  de  la 
Reine  d'Angleterre)  :  «  Ils  ont  dans  le  fond  du  cœur  je  ne  sais  quoi 
d'inquiet,  qui  s'échappe  si  on  leur  ôte  ce  frein  nécessaire.  »  Et  dans 
ces  autres  vers  de  La  Fontaine  (Fables,  IX,  2)  : 

Faut-il  que  tant  d'objets  si  doux  et  si  charmants 
Me  laissent  vivre  au  gré  de  mon  âme  inquiète? 

Quant  au  mot  génie,  le  génie  d'un  homme  n'est  pas  seulement  son  na- 
turel, son  caractère,  c'est  comme  une  puissance  mystérieuse  qui  ré- 
side en  lui,  et  qui  le  fait  ce  qu'il  est.  Néron  confie  à  Narcisse  (Britanr 


214  PENSÉES  DE  PASCAL 

nicus,  acte  II,  scène  2)  qu'il  est  las  de  subir  l'ascendant  d'Agrippine, 
et  qu'il  fait  tout  ce  qu'il  peut  pour  y  échapper  . 

Mais  enfin  mes  efforts  ne  me  servent  de  riea; 
Mon  génie  étonné  tremble  devant  le  sien. 

Il  suffit  d'un  pareil  vers  pour  faire  sentir  tout  ce  qu'il  peut  y  avoir 
dans  un  mot.  Si  maintenant  on  prodigue  ces  termes  expressifs,  on  leur 
ôte  leur  effet,  pour  vouloir  faire  trop  d'effet.  Si  on  dit  l'inquiétude  de 
son  génie,  quand  ce  serait  assez  de  dire,  l'inquiétude  de  son  esprit, 
ou  même  peut-être,  la  mobilité  de  son  esprit,  on  étonne  plutôt  qu'on 
ne  touche,  et  bientôt  on  n'étonne  même  plus.  Pour  qu'une  expression 
soit  vraiment  forte,  il  faut  qu'elle  ne  soit  employée  qu'à  propos.  Mais 
plus  on  a  écrit  dans  une  langue,  plus  ceux  qui  écrivent  craignent  d'a- 
voir un  style  faible  et  commun  ;  ils  mettent  partout  les  mots  les  plus 
vifs,  et  ils  les  usent  par  cela  même  ;  de  sorte  qu'ils  restent  faibles  et 
communs,  et  qu'ils  sont  de  plus  ampoulés  et  fatigants. 

Fragment  26.  —  o  L'ennui,  la  noirceur,  la  tristesse,  le  chagrin,  le 
dépit,  le  désespoir.  »  Plus  le  style  de  Pascal  est  sobre  d'habitude,  et 
plus  nous  sommes  accoutumés  à  ne  lui  voir  dire  chaque  chose  qu'une 
seule  fois  et  d'une  seule  façon,  plus  il  nous  accable  ici  par  ces  syno- 
nymes multipliés.  Il  nous  fait  mieux  mesurer  l'abîme,  en  se  repre- 
nant à  tant  de  fois  pour  le  creuser  devant  nous. 

Fragment  26  bis.  —  «  Quand  un  soldat  se  plaint  de  la  peine  qu'il  a, 
ou  un  laboureur,  etc.,  qu'on  les  mette  sans  rien  faire.  »  N'est-ce  pas 
comme  s'il  disait  :  quand  un  homme  se  plaint  de  manger  des  choses 
mauvaises  et  rebutantes,  qu'on  le  mette  sans  manger? 

Fragment  34.  —  «  Pyrrhonisme  est  le  remède  à  ce  mal,  et  rabattra 
cette  vanité,  »  La  vanité  de  prétendre  avoir  des  idées  assez  claires  et 
assez  sûres  pour  juger  de  ce  qu'il  était  juste  ou  convenable  que  Dieu 
fît.  Mais  que  faisait  Pascal  de  son  pyrrhonisme,  quand  il  disait  : 
«Dieu  doit  aux  hommes...  Il  est  impossible  par  le  devoir  de  Dieu,  etc.» 
(xxiii,  9,  11.)  Il  s'appuyait  alors  sur  cette  ferme  base  des  idées  mo- 
rales, et  ne  croyait  pas  faire  un  sot  discours.  C'est  qu'alors  il  avait  in- 
térêt à  raisonner,  et  maintenant  il  a  intérêt  à  échapper  au  raisonne 
ment. 

Fragment  38.  —  o  On  a  bien  de  l'obligation  à  ceux  qui  avertissent 
des  défauts...  Ils  apprennent  qu'on  a  été  méprisé,  ils  n'empêchent  pas 
qu'on  ne  le  soit  a  l'avenir.  »  Aucun  autre  que  Pascal  ne  pouvait  s'avi- 
ser d'un  pareil  motif  pour  nous  obliger  à  aimer  le  blâme  et  les  repro- 


REMARQUES  SUR   L'ARTICLE  XXV.  21b 

ches.  Tous  les  moralistes  humains  auraient  dit  :  Si  la  censure  nous 
chagrine  comme  signe  du  mépris  que  nous  avons  encouru,  nous  lui 
devons  du  moins  cela  quelle  nous  corrige,  et  nous  garantit  ainsi  de  ce 
même  mépris  pour  l'avenir. 

Fragment  40.  —  «  La  foi  est  un  don  de  Dieu.»  Voyez  le  passage  de 
Platon  cité  dans  l'Étude  sur  les  Pensées,  page  xi  de  l'Introduction. 

Fragment  41 .  —  «  Comme  des  Juifs  élus  à  l'exclusion  des  gentils.  » 
Les  Juifs  choisis  à  l'exclusion  des  gentils  pour  être  le  peuple  de  Dieu 
ne  sont  pour  Pascal  qu'une  figure,  la  figure  des  prédestinés  élus  à  l'ex- 
clusion des  réprouvés. 

Il  me  semble  que  Pascal  lui-même  n'a  pu  mettre  dans  une  pareille 
théologie  que  tout  au  plus  assez  de  clarté  pour  rendre  les  ténèbres  vi- 
sibles. 

Fragment  48.  —  «  Ceux  qui  n'aiment  pas  la  vérité.  »  Il  est  clair  qu'il 
s'agit  de  la  vérité  janséniste. 

Fragment  49.  —  «  Fausse  humilité,  orgueil.  »  C'est-à-dire  que  cette 
humilité,  qui  n'ose  rien  décider  par  elle-même,  qui  dit  qu'elle  ne  peut 
que  s'en  rapporter  à  l'autorité,  est  fausse.  C'est  réellement  un  orgueil, 
qui  ne  veut  pas  se  soumettre  à  la  raison. 

Fragment  50.  —  «  Et  ainsi  saint  Paul...  dit  qu'il  n'est  venu  ni  en 
sagesse  ni  en  signes.  »  On  lit  au  contraire  dans  la  seconde  Lettre  à 
ceux  de  Corinthe  (xn,  12)  :  «  Les  marques  de  ma  mission  se  sont 
produites  parmi  vous  en  toute  sorte  d'épreuves,  en  signes,  en  prodiges 
et  en  vertus  surnaturelles.  » 

Fragment  55.  —  «  Pourquoi  Dieu  a  établi  la  prière.  »  Il  est  égale- 
ment vrai,  d'après  la  doctrine  janséniste,  premièrement,  que  Dieu 
donne  sa  grâce  à  qui  la  demande  ;  secondement,  qu'il  ne  la  donne  qu'à 
qui  il  lui  plaît,  qu'aux  prédestinés  à  qui  il  a  résolu  de  toute  éternité  de 
la  donner.  Donc  nul  ne  peut  la  demander  que  les  prédestinés,  ou  en 
Vautres  termes,  que  ceux  qui  Font  déjà.  Mais  alors  pourquoi  faut-il 
m'ils  la  demandent,  et  à  quoi  bon  la  prière?  Voilà  la  difficulté. 

Fragment  55  bis.  —  «  Jamais  il  n'a  promis  les  prières  qu'aux  en- 
fants de  la  promesse.  »  Aux  élus.  Expression  de  Paul,  Rom.  ix,  8. 
Dieu  a  promis  d'adopter  les  fils  d'Abraham,  mais  non  pas  ses  fils  selon 
la  chair.  Les  vrais  fils  d'Abraham,  ce  sont  ceux  qui  suivent  Jésus- 
Christ.  C'est  à  ceux-là  que  s'appliquait  la  promesse  faite  à  Abraham, 
ils  sont  les  fils  de  la  promesse,  frUipromissionis.  Il  y  a  opposition  entre 


216  PENSÉES  DE  PASCAL. 

ces  deux  mots,  Injustice,  lapromesse.  Dieu  ne  doit  la  justice  qu'à  ceux 
à  qui  il  adonné,  par  pure  faveur,  de  la  mériter.  Nous  sommes  au  plus 
profond  des  obscurités  de  la  grâce. 

Fragment  60.  —  «  Il  faut  se  connaître  soi-même  ;  quand  cela  ne  ser- 
virait pas  a  trouver  le  vrai,  cela  au  moins  sert  à  régler  sa  vie.  »  Mais 
comment  peut-on  régler  sa  vie  si  on  n'a  pas  une  vérité  pour  servir  de 
règle?  Pascal  essayait-il  donc,  comme  Kantl'a  fait  depuis,  de  séparer 
la  raison  pratique  et  la  raison  pure  ?  Il  se  montre  ailleurs  plus  consé- 
quent et  plus  absolu,  il  pense  que  l'homme  n'a  que  faire  de  la  science 
de  l'homme  non  plus  que  de  toute  autre  science  (vi,  23). 

Fragment  61  bis.  —  «  Montaigne  contre  les  miracles.  Montaigne 
pour  les  miracles.  »  La  contradiction  entre  les  deux  chapitres  est  en 
effet  si  frappante,  que  je  doute  qu'on  puisse  les  accorder  entre  eux, 
comme  le  veut  Pascal,  et  supposer  que  l'un  ne  fait  que  compléter 
l'autre.  Je  crois  que  la  vraie  pensée  de  Montaigne  est  plutôt  au  livre 
III,  qui  n'a  été  fait  qu'assez  longtemps  après  les  deux  autres,  et  où 
Montaigne  s'est  ouvert  davantage,  enhardi  par  l'âge  et  surtout  par  le 
succès.  Et  c'est  là  en  effet  que  les  auteurs  de  la  Logique  de  Port-Royal 
l'ont  cherché  (Logique,  quatrième  partie,  chap.  13).  C'est  là  qu'il  paraît, 
non  pas  seulement  prudent,  mais  tout  à  fait  rebelle  et  indocile  au  su- 
jet du  merveilleux,  sauf  quelques  réserves  suggérées  par  une  autre 
espèce  de  prudence,  qui  n'est  pas  celle  dont  Pascal  le  loue  ;  prudence 
de  politique,  non  de  philosophe. 

Dans  l'autre  endroit,  il  est  croyant  à  force  de  pyrrhonisme,  ne  distin- 
guant plus  entre  la  nature  et  le  surnaturel,  entre  le  raisonnable  et  l'ir- 
raisonnable.  (Voyez  les  Remarques  sur  le  fragment  24  de  l'article 
xxiv.)  D'ailleurs  l'hérésie  protestante,  qu'il  n'aime  pas  comme  poli- 
tique, lui  a  fait  voir  le  danger  d'appliquer  l'esprit  de  critique  à  cer- 
taines matières.  «  Car  aprez  que  selon  vostre  bel  entendement,  vous 
avez  estably  les  limites  de  la  vérité  et  de  la  mensonge,  et  qu'il  se  trouve 
que  vous  avez  nécessairement  à  croire  des  choses  où  il  y  a  encores  plus 
d'estrangeté  qu'en  ce  que  vous  niez,  vous  vous  estes  desia  obligé  de 
les  abandonner...  Ou  il  fault  se  soubmettre  du  tout  à  l'auctorité  de 
nostre  police  ecclésiastique,  ou  du  tout  s'en  dispenser  :  ce  n'est  pas  à 
nous  à  establir  la  part  que  nous  lui  debvons  d'obeïssance.  »  J'imagine 
que  Pascal  n'acceptait  pas  de  Montaigne  un  principe  aussi  contraire 
aux  prétentions  du  jansénisme;  mais  je  me  figure  aussi  que  Montaigne 
n'eût  pas  aisément  accepté  de  Pascal  le  miracle  de  la  Sainte-Epine, 
en  faveur  duquel  le  champion  des  saints  de  Port-Royal  invoque  ici  son 
autorité  profane. 


REMARQUES   SUR    [/ARTICLE  XXV  217 

Fragment  fi3.  —  «  Je  ne  puis  juger  d'un  ouvrage  en  le  faisant; 
il  faut  que  je  fasse,  comme  les  peintres,  et  que  je  m'en  éloigne,  » 
La  même  idée,  ou"  une  idée  analogue,  so  trouve  au  commencement 
lu  livre  de  Plutarque  contre  la  Colère,  «yi  ào^y^as  :  «  Les  peintres 
/ont  sagement,  à  mon  avis,  avant  d'achever  un  ouvrage,  de  l'examiner 
à  certains  intervalles  ;  car  tandis  qu'ils  en  éloignent  ainsi  leur  vue,  ils 
la  renouvellent  par  ce  fréquent  examen,  et  la  rendent  plus  capable 
d'apprécier  de  petites  nuances,  qui  se  dérobent  par  l'habitude  et  la 
continuité.  » 

Fragment  65.  —  «  Les  nombres  imitent  l'espace,  qui  sont  de  nature 
si  différente.  »  L'espace  n'est  cependant  qu'une  quantité. 

Fragment  66.  —  «  Les  enfants  de  Port- Royal,  auxquels  on  ne  donne 
point  cet  aiguillon  d'euvie  et  de  gloire.  »  Voyez  le  Port-Royal  de 
M.  Sainte-Beuve,  t.  m,  Ecoles  de  Port-Royal.  Et,  à  la  page  402  (lre  édi- 
tion), un  passage  des  Mémoires  de  Fontaine,  où  il  dit  de  M.  de  Saci  : 
a  Quand  il  y  avait  quelque  bien  dans  quelqu'un  de  ces  enfants,  il  me 
conseillait  toujours  de  n'en  point  parler,  et  d'étouffor  cela  dans  le  se- 
cret. »  Quintilien  au  contraire  :  «  Je  '.eux  un  enfant  que  la  louange 
excite,  qui  aime  la  gloire,  qui  pleure  d'être  vaincu  (I,  3).»  Quintilien 
prépare  un  artiste  en  éloquence ,  et  Saci  un  solitaire.  Si  nous  voulons 
un  honnête  homme,  suivons  la  nature  en  la  tempérant. 

fragment  68.  — «  On  aime  à  voir  l'erreur, la  passion  de  Gléobuline, 
«te.  »  Dans  une  Lettre  de  madame  de  Sévigné  à  sa  fille,  du  13  mai 
1671,  on  lit  ces  mots  à  l'occasion  de  madame  Des  Pennes,  quia  été  ai- 
mable comme  un  ange  :  «  Mademoiselle  de  Scudéri  l'adorait;  c'était 
la  princesse  GléobnHne  :  elle  avait  un  prince  Thrasybuleen  ce  temps- 
là,  c'est  la  plus  jolie  histoire  de  Cyrus.  »  En  citant  ce  passage  dans 
ma  première  édition,  j'avertissais  que  le  prince  Thrasybulc,  qui  est 
bien  un  des  héros  du  Cyrus,  n'y  est  pas  l'amant  de  Gléobuline.  Mais  ce 
n'était  pas  la  seule  rectification  à  faire. 

M.  Cousin,  dans  son  livre  de  La  Société  française  au  xvne  siècle 
(1858),  t.  ier  page  252,  établit  péremptoirement  que  madame  Des  Pen- 
nes n'est  pas  représentée  dans  le  Cyrus  sous  le  nom  de  la  princesse 
Gléobuline,  mais  sous  celui  de  la  princesse  Cléonisbe  (tom.  VILE  du 
Cyrus,  au  livre  TI).  Mais  Cléonisbe  elle-même  a  pour  amant  le  prince 
Peranius  et  non  Thrasybule  ;  madame  de  Sévigné  s'est  donc  trompée 
deux  fois,  si  elle  a  écrit  ce  que  ses  éditeurs  ont  imprimé. 

Quant  à  la  Gléobuline  de   Curus,  M.  Cousin  a  montré   (page  211) 


218  PENSEES  DE  PASCAt 

qu'elle  représente  la  fameuse  Christine,  et  que  Myrinthe  est  le  comte 
Magnus  de  la  Gardie,  sujet  suédois,  Français  d'origine,  qui  a  été  le 
premier  favori  de  la  reine  de  Suède. 

On  sait  que  Mlle  de  Scudéry  était  en  très-bons  termes  avec  MM.  de 
Port- Royal,  qu'elle  avait  flattés  dans  la  Clélie  (voyez  Sainte-Beuve, 
Port-Royal,  t.  h,  lre  édition,  p.  259  et  suivantes).  Mais  quand  on  a  lu 
ce  fragment,  on  est  étonné  de  voir  Pascal  s'exprimer  ainsi  à  la  fin  de 
la  quinzième  Provinciale...  «  Que  doit-on  répondre  de  même  à  tous  les 
discours  vagues  de  cette  sorte  qui  sont  dans  vos  livres,  et  dans  vos 
avertissements  sur  mes  lettres,  par  exemple....  que  je  suis  aussi  pen- 
sionnaire de  Port-Royal,  et  que  je  faisais  des  romans  avant  mes  lettres, 
moi  qui  n'en  ai  jamais  lu  aucun,  etc.  » 

Il  semble  qu'il  y  a  ici  quelque  chose  de  cet  entraînement  oratoire, 
que  les  ami6  nomment  hyperbole,  et  que  les  ennemis  appellent  men- 
songe* 

Fragment  69.  —  «  Prince,  à  un  roi,  plaît,  parce  qu'il  diminue  sa 
qualité.  »  Dans  ma  première  édition,  j'avais  mal  interprété  cette 
phrase.  Elle  m'a  été  expliquée  par  M.  Ravaisson. 

Fragment  80.  —  «  Les  sauvages  n'ont  que  faire  de  la  Provence.  » 
11  pourrait  bien  y  avoir  là  un  souvenir  de  Montaigne,  dans  son  cha- 
pitre fameux  des  Cannibales  (1, 30)  :  «  Au  demeurant  ils  vivent  en  une 
contrée  de  païs  tres-plaisante  et  bien  tempérée  :  de  façon  qu'à  ce  que 
m'ont  dict  mes  tesmoings,  il  est  rare  d'y  veoir  un  homme  malade.  » 
Tome  il,  page  59.  —  Voir,  plutôt,  De  la  coustume,  I,  22,  p.  169. 

Fragment  93  bis.  —  «  Et  Job....  Scio  enim  quod  redemptor  meus 
vivit,  etc.  »  Le  texte  hébreu  ne  paraît  pas  devoir  s'entendre  comme 
l'entend  Pascal,  d'après  la  Vulgate.  Voici  comment  le  traduit  M.  Renan 
(Le  Livre  de  Job,  1859,  page  82)  : 

Car  je  le  sais,  mon  vengeur  existe, 

Et  il  apparaîtra  enfin  sur  la  terre. 

Quand  cette  peau  sera  tombée  en  lambeaux, 
Privé  de  ma  chair,  je  verrai  Dieu. 

Et  il  entend  que  Job  se  promet  que  Dieu  le  vengera  après  sa 
mort,  et  qu'il  compte  jouir,  tout  mort  qu'il  sera  et  à  l'état  de  sque- 
lette, de  cette  vengeance. 

Fragment  99  bis.  —  «  Les  six  âges.  Les  six  Pères  des  six  âges,  etc.  » 
Tout  le  chapitre  d'Augustin  d'où  est  pris  ce  fragment  est  fort  étrange. 


REMARQUES  SUR    L  AKTICLE  XXV.  219 

On  y  voit  que  les  six  âges  du  monde  répondent  aux  six  jours  de  la  créa- 
tion suivant  la  Genèse,  avec  leur  matin  et  leursoir.  Les  six  matins  (ou 
les  six  orients)  sont  la  création,  la  sortie  de  l'arche,  la  vocation  d'A- 
braham, le  règne  de  David,  la  transmigration  à  Babylone,  la  prédica- 
tion de  Jésus.  Les  six  soirs  sont  le  déluge,  la  confusion  des  langues, 
etc.  Les  Pères  sont  Adam,  Noé,  etc.;  il  n'y  en  a  pas  d'indiqué  pour  le 
cinquième  âge.  Le  troisième  âge,  qui  répond  à  l'adolescence,  c'est-à- 
dire  au  temps  où  l'homme  acquiert  la  faculté  d'engendrer,  est  en  effet 
celui  où  a  été  engendré  le  peuple  de  Dieu,  qui  n'existait  pas  encore. 
Cet  âge  a  eu  quatorze  générations,  aussi  que  les  deux  suivants  ;  les 
deux  premiers  n'en  ont  eu  que  dix  chacun  ;  c'est  qu'ils  répondent  à  la 
première  et  à  la  seconde  enfance,  âges  où  toute  la  vie  est  enfermée 
dans  les  sens  ;  et  que  cinq,  qui  est  le  nombre  des  sens,  multiplié  par 
deux,  qui  est  celui  des  sexes,  donne  dix.  Le  dernier  âge  du  monde  est 
sans  limite  précise,  comme  la  vieillesse  dans  la  vie.  Il  est  triste  que  de 
pareilles  idées  aient  eu  de  l'autorité  pendant  des  siècles,  et  qu'elles  aient 
occupé  encore  les  méditations  d'un  Pascal. 

Fragment  104.  —  «  Les  passions  ainsi  dominées  sont  vertus....  Il 
faut  s'en  servir  comme  d'esclaves.  »  Quand  Pascal  écrivait  les  Pro- 
vinciales, il  ne  pouvait  empêcher  que  son  amour-propre  ne  jouît  des 
applaudis  ements  du  monde.  Il  sentait  encore  d'autres  passions  flattées 
en  lui,  comme  la  colère  et  l'amour  de  la  vengeance.  Que  faire  à  cela? 
Laisser  à  ces  passions  leur  aliment  et  la  force  qu'elles  en  tirent,  pour 
tourner  cette  force  au  profit  de  l'œuvre  qu'il  prétendait  accomplir,  la 
défense  de  la  grâce  de  Jésus-Christ.  Car  la  passion  donne  une  grande 
puissance.  Mais  en  même  temps,  s'efforcer  de  dominer  ces  sentiments, 
au  lieu  d'en  être  dominé,  et  conserver  la  charité  au  fond  de  son  âme. 
Voilà  ce  que  je  crois  apercevoir  dans  ce  fragment  curieux  et  subtil. 
—  Mlle  de  Scudéri  écrivait  d'Arnauld  d'AndilIy  (dans  un  portrait  cité 
par  M.  Sainte-Beuve,  Port-Rotjal,  lrC  édit.,  t.  n,  p.  260)  :  «  Il  se  sert 
même  de  la  colère  pour  défendre  la  justice,  quand  il  ne  peut  faire 
autrement.  » 

Fragment  105.  —  «  Mais  tandis  que  Dieu  ne  la  veut  pas,  nous  la 
devons  regarder  comme  péché.  »  Cette  chose  que  Dieu  ne  veut  pas 
serait-ce  le  succès  du  jansénisme  dans  le  monde,  la  fortune  de  Port- 
Royal?  Il  semble  que  l'ardent  sectaire,  par  ces  paroles,  gourmande 
l'impatience  de  son  parti,  qui  ne  peut  plus  se  contenir. 

Fragment  108.  —  a  Mais  l'ordre  ne  serait  pas  gardé..;  saint  Tho- 
mas ne  l'a  pas  gardé.  »  Les  élèves  d'Augustin,  de  Jansénius  et  de 


'220  PENSÉES  DE  PASCAt 

Saint-Cyran  goûtaient  peu  la  seholastique,  même  dans  les  livres  de 
Y  Ange  de  l'École  (voir  Sainte-Beuve,  Port-Royal,  lre  édit.,  t.  n,  pages 
35,  96,  163).  H  n'y  a  en  effet  dans  Thomas  qu'un  ordre  extérieur  et 
objectif,  qui  suppose  la  science  toute  faite,  et  qui  l'impose  à  l'esprit 
arbitrairement;  tandis  que  l'ordre  intérieur  et  subjectif  que  Pascal  de- 
mande est  celui  même  que  suit  notre  intelligence  pour  arriver  à  la 
vérité.  Thomas  commence  par  la  notion  de  Dieu,  Pascal  par  la  con- 
naissance de  soi-même.  Mais  à  qui  devait-il  cet  ordre,  sinon  à  Des- 
cartes, qui  savait  si  bien  ce  que  c'est,  que  c'est  lui  qui  l'a  enseigné  aux 
hommes  de  son  temps? 

«  La  mathématique  le  garde,  mais  elle  est  inutile  en  sa  profondeur.» 
Remarquons  ces  derniers  mots.  Les  éléments  de  la  science  sont  utiles, 
mais  ces  conclusions  reculées  où  elle  mène  l'esprit  par  des  voies  si 
abstruses  et  si  sûres  paraissent  ne  l'être  plus.  L'analyse  mathématique, 
pour  servir  aux  applications,  doit  abandonner  de  sa  rigueur. 

Fragment  127.  —  «  Il  n'y  a  rien  de  si  périlleux  que  ce  qui  plaît  à 
Dieu  et  aux  hommes,  etc.  »  Peut-être  que  Pascal  se  défend  encore  ici 
de  l'orgueil  que  pouvaient  lui  donner  les  Provinciales.  Voyez  le  frag- 
ment 104  et  la  Remarque. 

Fragments  143  et  144.  —  «  Tradition  ample  du  péché  originel  selon 
les  Juifs,  etc.  »  M.  Renan  m'écrivait  sur  ce  passage,  à  l'occasion  do 
ma  première  édition  :  «  La  note  de  Pascal  n'est  qu'un  tissu  d'erreurs.» 

Fragment  174.  —  «  Pourquoi  le  livre  de  Ruth  conservé.  »  La  iô- 
ponse,  dans  la  pensée  de  Pascal,  est  que  le  livre  de  Ruth  a  été  con- 
servé à  cause  de  la  généalogie  qui  le  termine,  et  qui  établit,  d'une  part, 
que  David  descend  d'Obed,  fils  de  Booz  et  de  Ruth,  et  de  l'autre,  que 
Booz  descend  de  Phérès ,  qui  est  lui-même  fils  de  Juda ,  comme  on 
le  voit  dans  l'histoire  de  Thamar,  (Genèse,  xxxviu,  29).  Donc  David, 
et  par  conséquent  Jésus-Christ  (qui,  d'après  les  Évangiles,  descend 
de  David)  est  bien  sorti  de  Juda,  ainsi  que  le  Messie  en  devait  sortir, 
d'après  la  manière  dont  on  interprète  ce  qu'on  appelle  la  prophétie  de 
Jacob  (Genèse,  xlix).  Donc  Jésus-Christ  est  bien  le  Messie. 

Le  livre  de  Ruth  paraît  en  effet  avoir  pour  objet  de  rattacher  David 
à  Juda,  mais  rien  de  plus.  Le  narrateur  ne  pense  pas  du  tout  au  Mes- 
sie. Quand  le  poëte  de  la  Légende  des  siècles  fait  faire  à  Booz  un  rêve, 
où  il  voit  sortir  de  lui  le  Christ  sur  la  croix,  il  ne  prend  pas  cela  dans 
le  texte,  mais  dans  les  commentaires  de  l'Église.  Au  reste,  ce  n'est 
plus  avec  des  préoccupations  théologiques  qu'on  lit  aujourd'hui  cette 


REMARQUES  SUR   L*ÀRTIC|E  XXV  221 

idylle  biblique ,  mais  pour  y   recueillir  la  grands  poésie  que  Victor 
Hugo  a  développée  dans  son  Booz  endormi  : 

Booz  ne  savait  point  qu'une  femme  était  là, 

Et  Rut  h  ne  savait  point  ce  que  Dieu  voulait  d'elle...  clt\ 

Fragment  209.  —  «  Le  Mystère  de  Jésus.  » 

Ce  morceau  appartient  à  un  genre  de  méditations  dont  il  a  été  parlé 
à  l'occasion  de  la  Vie  de  Pascal,  page  lxxxvii  de  l'Introduction,  note  2. 
N°  1.  —  a  Jésus  sera  en  agonie  jusqu'à  la  fin  du  monde;  il  ne  faut 
pas  dormir  pendant  ce  temps-la.  »  Cette  parole  rappelle  celle  d'Arnauld, 
quand  on  le  pressait  de  se  reposer  enfin  après  tant  de  luttes  :  Eh  ! 
n'aurons-nous  pas  toute  l'éternité  pour  nous  reposer? 

«c  Le  Père  aime  toutce  que  je  fais.  »  Ce  je  contient  tout  un  mystère; 
c'est  que  le  Père  et  le  Fils  ne  font  qu'un. 

N°  2.  —  «  Les  médecins  ne  te  guériront  pas,  car  tu  mourras  à  la 
fin.  »  Entendez-vous  le  cri  de  douleur  qui  a  appelé  cette  réponse?  Re- 
connaissez-vous dans  cet  homme,  qui  s'entretient  mystérieusement 
avec  Jésus,  Pascal  malade,  attendant  la  mort,  et  souffrant  pour  ainsi 
dire  tous  les  jours  sa  passion  et  son  agonie? 

«  Mais  c'est  moi  qui  guéris,  et  rends  le  corps  immortel.  »  La  ré- 
surrection de  la  chair,  qui  tient  tant  de  place  dans  les  pensées  des 
premiers  chrétiens ,  parce  qu'ils  attendaient  d'un  moment  à  l'autre 
cette  résurrection  et  l'avènement  du  royaume  de  Dieu,  en  tient  beau- 
coup moins  dans  celles  des  chrétiens  des  temps  modernes.  Mais  Pas- 
cal sentait  trop  cruellement  son  corps  pour  l'oublier.  Il  avait  besoin 
de  penser  que  cette  substance  de  corruption  doit  revêtir  l'incorruptibi- 
lité, et  cette  substance  de  mort  V immortalité  (I  Cor.  xv,  53). 

«  Interroge  ton  directeur.  »  Ainsi  dans  le  papier  mystique  que  Pas- 
cal portait  sur  lui  :  «  Soumission  totale  à  Jésus-Christ,  et  a  mon  di- 
recteur. »  Voir  page  cvn  de  l'Introduction. 

Mais  les  sentiments  de  Pascal  sont  tout  entiers  dans  le  numéro  6; 
il  s'y  montre  bien  loin  du  mysticisme.  Tandis  que  le  mystique,  indo- 
cile à  l'autorité,  se  flatte  d'un  commerce  intime  avec  Dieu,  et  d'une 
communication  de  tous  les  moments,  Pascal  se  laisse  conduire  habi- 
tuellement par  celui  qui  a  la  charge  de  son  âme,  et  c'est  seulement 
dans  le  silence  de  cette  voix  autorisée,  qu'il  croit  que  Dieu  se  fait  en- 
tendre lui-même  au  fond  de  son  cœur.  Et  il  rapporte  encore  au  direc- 
teur, en  les  attribuant  à  ses  prières,  les  inspirations  reçues  loin  de  lui. 
N°  10.  —  «  Saint  Pierre  demande  permission  de  frapper  Mal  chus.  » 
Luc,  xxii,  49.  Mais  Luc  dit  en  général  :  «  Ceux  qui  entouraient  Jésus 
lui  dirent  :  Seigneur,  si  nous  frappions  de  l'épée?  Et  l'un  d'eux  avant 
il.  15 


222  PENSÉES  DE  PASCAL 

frappé  un  serviteur  du  prince  des  prêtres,  lui  coupa  l'oreille  droite. 
Jésus  répondit  :  Laisse.  Et  ayant  touché  l'oreille  coupée, il  la  guérit.» 
Luc  (non  plus  que  Marc  et  Matthieu)  ne  nomme  ni  Pierre  ni  Malchus. 
Ces  noms  se  trouvent  dans  Jean,  xvm,  10.  Mais  Jean  (ni  Matthieu  ni 
Marc)  n'indique  que  la  permission  de  frapper  ait  été  demandée.  Cette 
circonstance  n'est  que  dans  Luc,  ainsi  que  le  miracle  de  l'oreille  gué- 
rie. Dans  Marc,  Jésus  ne  prend  pas  même  la  parole.  Il  s'exprime  au 
contraire  dans  Matthieu  et  Jean  d'une  manière  plus  étendue  que  dans 
saint  Luc,  et  plus  explicite. 

Au  contraire,  ce  qui  est  dit  de  Pilate  dans  le  numéro  12  vient  du  récit 
de  Jean,  xix,  1,  12,  16.  Dans  Matthieu  et  Marc,  Pilate  ne  fait  pas 
fouetter  Jésus  pour  satisfaire  les  Juifs  à  moitié  ;  c'est  quand  il  est  dé- 
cidé aie  leur  livrer  qu'il  lui  inflige  la  flagellation  comme  un  préli- 
minaire du  dernier  supplice.  Dans  Luc,  il  propose  aux  Juifs  de  châ- 
tier Jésus  et  de  le  renvoyer  ensuite  ;  mais  ils  insistent ,  et  il  le  livre 
pour  être  crucifié,  sans  qu'il  soit  dit  que  Jésus  subisse  en  effet  la  fla- 
gellation. 


OPUSCULES  DE  PASCAL 


PRIÈRE 

POUR  DEMANDER  A  DIEU  EE  BON  USAGE  DES  MALADIES* 


I.  Seigneur,  dont  l'esprit  est  si  bon  et  si  doux  en  toutes 
choses,  et  qui  êtes  tellement  miséricordieux,  que  non-seulement 
les  prospérités,  mais  les  disgrâces  mêmes  qui  arrivent  à  vos 
élus  sont  des  effets  de  votre  miséricorde,  faites-moi  la  grâce 
de  n'agir  pas  en  païen  dans  l'état  où  votre  justice  m'a  réduit  : 
que  comme  un  vrai  chrétien  je  vous  reconnaisse  pour  mon 
père  et  pour  mon  Dieu,  en  quelque  état  que  je  me  trouve, 
puisque  le  changement  de  ma  condition  n'en  apporte  pas  à  la 
vôtre;  que  vous  êtes  toujours  le  même,  quoique  je  sois  sujet 
au  changement,  et  que  vous  n'êtes  pas  moins  Dieu  quand  vous 
affligez  et  quand  vous  punissez,  que  quand  vous  consolez  et 
que  vous  usez  d'indulgence. 

II.  Vous  m'aviez  donné  la  santé  pour  vous  servir,  et  j'en  ai 
fait  un  usage  tout  profane.  Vous  m'envoyez  maintenant  la  ma- 
ladie pour  me  corriger  ;  ne  permettez  pas  que  j'en  use  pour 
vous  irriter  par  mon  impatience.  J'ai  mal  usé  de  ma  santé,  et 
vous  m'en  avez  justement  puni.  Ne  souffrez  pas  que  j'use  mal  de 

1.  On  lit  dans  l'Avertissement  de  l'édition  de  Port-Royal  :  •  L'on  a  aussi  jugé  à  propos 
d'ajouter  à  la  fin  de  ces  Pensées  une  prière  que  M.  Pascal  composa  étant  encore  jeune, 
dans  une  maladie  qu'il  eut,  et  qui  a  déjà  été  imprimée  deux  ou  trois  fois  sur  des  copies 
assez  peu  correctes ,  parce  que  ces  impressions  ont  été  faites  sans  la  participation  de 
ceux  qui  donnent  à  présent  ce  recueil  au  public.  »  Cette  prière  a  été  composée  vers  1648  : 
Pascal  avait  alors  24  ans.  Voir  sa  Vie  dans  l'Introduction,  page  lxviii.  Je  ne  sais  rien 
sur  ces  impressions  antérieures  dont  parlent  MM.  de  Port-Royal. 


224  OPUSCULES  DE  PASCAL 

votre  punition.  Et  puisque  la  corruption  de  ma  nature  est  telle 
qu'elle  me  rend  vos  faveurs  pernicieuses,  faites,  ômon  Dieu! 
que  votre  grâce  toute-puissante  me  rende  vos  châtiments  salu- 
taires. Si  j'ai  eu  le  cœur  plein  de  l'affection  du  monde  pendant 
qu'il  a  eu  quelque  vigueur,  anéantissez  cette  vigueur  pour  mon 
salut;  et  rendez-moi  incapable  de  jouir  du  monde,  soit  par 
faiblesse  de  corps,  soit  par  zèle  de  charité,  pour  ne  jouir  que 
de  vous  seul. 

III.  0  Dieu,  devant  qui  je  dois  rendre  un  compta  oxa:t  de 
toutes  mes  actions  à  la  fin  de  ma  vie  et  à  la  fin  du  monde  I  0 
Dieu,  qui  ne  laissez  subsister  le  monde  et  toutes  les  choses 
du  monde  que  pour  exercer  vos  élus,  ou  pour  punir  les 
pécheurs!  0  Dieu,  qui  laissez  les  pécheurs  endurcis  dans 
l'usage  délicieux  et  criminel  du  monde  !  0  Dieu ,  qui  faites 
mourir  nos  corps,  qui  à  l'heure  de  la  mort  détachez  notre 
âme  de  tout  ce  qu'elle  aimait  au  monde!  O  Dieu,  qui  m'arra- 
cherez, à  ce  dernier  moment  de  ma  vie,  de  toutes  les  choses 
auxquelles  je  me  suis  attaché,  et  où  j'ai  mis  mon  cœur  !  O 
Dieu,  qui  devez  consumer  au  dernier  jour  le  ciel  et  la  terre  et 
toutes  les  créatures  qu'ils  contiennent,  pour  montrer  à  tous 
les  hommes  que  rien  ne  subsiste  que  vous,  et  qu'ainsi  rien 
n'est  digne  d'amour  que  vous,  puisque  rien  n'est  durable  que 
vous  !  O  Dieu  ,  qui  devez  détruire  toutes  ces  vaines  idoles 
et  tous  ces  funestes  objets  de  nos  passions!  je  vous  loue, 
mon  Dieu,  et  je  vous  bénirai  tous  les  jours  de  ma  vie,  de  ce 
qu'il  vous  a  plu  prévenir  en  ma  faveur  ce  jour  épouvantable, 
en  détruisant  à  mon  égard  toutes  choses,  dans  l'affaiblissement 
où  vous  m'avez  réduit.  Je  vous  loue,  mon  Dieu,  et  je  vous  béni- 
rai tous  les  jours  de  ma  vie,  de  ce  qu'il  vous  a  plu  me  réduire 
dans  l'incapacité  de  jouir  des  douceurs  de  la  santé  et  des  plai- 
sirs du  monde,  et  de  ce  que  vous  avez  anéanti  en  quelque 
sorte,  pour  mon  avantage,  les  idoles  trompeuses  que  vous 
anéantirez  effectivement  pour  la  confusion  des  méchants  au 
jour  de  votre  colère.  Faites,  Seigneur,  que  je  me  juge  moi- 
même,  ensuite  de  cette  destruction  que  vous  avez  faite  à  mon 
égard,  afin  que  vous  ne  me  jugiez  pas  vous-même,  ensuite  de 
l'entière  destruction  que  vous  ferez  de  ma  vie  et  du  monde. 
Car,  Seigneur,  comme  à  l'instant  de  ma  nort  je  me  trouverai 


PRlftRE  225 

séparé  du  monde,  dénué  de  toutes  choses,  seul  en  votre  pré- 
sence, pour  répondre  à  votre  justice  de  tous  les  mouve- 
ments de  mon  cœur;  faites  que  je  me  considère  en  cette 
maladie  comme  en  une  espèce  de  mort,  séparé  du  monde, 
dénué  de  tous  les  objets  de  mes  attachements,  seul  en  vo- 
tre  présence,  pour  implorer  de  votre  miséricorde  la  conver- 
sion de  mon  cœur;  et  qu'ainsi  j'aie  une  extrême  consolation 
de  ce  que  vous  m'envoyez  maintenant  une  espèce  de  mort 
pour  exercer  votre  miséricorde,  avant  que  vous  m'envoyiez  ef- 
fectivement la  mort  pour  exercer  votre  jugement.  Faites  donc, 
ô  mon  Dieu,  que  comme  vous  avez  prévenu  ma  mort,  je  pré- 
vienne la  rigueur  de  votre  sentence,  et  que  je  m'examine  moi- 
même  avant  votre  jugement,  pour  trouver  miséricorde  en  votre 
présence. 

IV.  Faites,  ô  mon  Dieu  !  que  j'adore  en  silence  l'ordre  de 
votre  providence  adorable  sur  la  conduite  de  ma  vie  ;  que  vo- 
tre fléau  me  console;  et  qu'ayant  vécu  dans  l'amertume  de 
mes  péchés  pendant  la  paix,  je  goûte  les  douceurs  célestes  de 
votre  grâce  durant  les  maux  salutaires  dont  vous  m'affligez  ! 
Mais  je  reconnais,  mon  Dieu,  que  mon  cœur  est  tellement  en- 
durci et  plein  des  idées,  des  soins,  des  inquiétudes  et  des  at- 
tachements du  monde,  que  la  maladie  non  plus  que  la  santé, 
ni  les  discours,  ni  les  livres,  ni  vos  Écritures  sacrées,  ni  votre 
Évangile,  ni  vos  mystères  les  plus  saints,  ni  les  aumônes,  ni  les 
jeûnes,  ni  les  mortifications,  ni  les  miracles,  ni  l'usage  des  sa- 
crements, ni  le  sacrifice  de  votre  corps,  ni  tous  mes  efforts, 
ni  ceux  de  tout  le  monde  ensemble,  ne  peuvent  rien  du  tout 
pour  commencer  ma  conversion,  si  vous  n'accompagnez  tou- 
tes ces  choses  d'une  assistance  tout  extraordinaire  de  votre 
grâce.  C'est  pourquoi,  mon  Dieu,  je  m'adresse  à  vous,  Dieu 
tout-puissant,  pour  vous  demander  un  don  que  toutes  les 
créatures  ensemble  ne  peuvent  m'accorder.  Je  n'aurais  pas  la 
hardiesse  de  vous  adresser  mes  cr'  .,  si  quelque  autre  pouvait 
les  exaucer.  Mais,  mon  Dieu,  comme  la  conversion  de  mon 
cœur,  que  je  vous  demande,  est  un  ouvrage  qui  passe  tous  les 
efforts  de  la  nature,  je  ne  puis  m'adresser  qu'à  l'auteur  et  au 
maître  tout-puissant  de  la  nature  et  de  mon  cœur.  A  qui  crie- 
rai-je,  Seigneur,  à  qui  aurai-je  recours,  si  ce  n'est  à  vous?  Tout 


22G  OPUSCULES  TIF  PASCAL 

ce  qui  n'est  pas  Dieu  ne  peut  pas  remplir  mon  attente.  C'est 
Dieu  même  que  je  demande  et  que  je  cherche  ;  et  c'est  à  vous 
seul,  mon  Dieu,  que  je  m'adresse  pour  vous  obtenir.  Ouvrez 
mon  cœur,  Seigneur  ;  entrez  dans  cette  place  rebelle  que  les 
vices  ont  occupée.  Ils  la  tiennent  sujette.  Entrez-y  comme  dans 
la  maison  du  fort1  ;  mais  liez  auparavant  le  fort  et  puissant 
ennemi  qui  la  maîtrise,  et  prenez  ensuite  les  trésors  qui  y  sont. 
Seigneur,  prenez  mes  affections  que  le  monde  avait  volées;  vo- 
lez vous-même  ce  trésor,  ou  plutôt  reprenez-le,  puisque  c'est 
à  vous  qu'il  appartient,  comme  un  tribut  que  je  vous  dois, 
puisque  votre  image  y  est  empreinte2.  Vous  l'y  aviez  formée, 
Seigneur,  au  moment  de  mon  baptême ,  qui  est  ma  seconde 
naissance;  mais  elle  est  tout  effacée.  L'idée  du  monde  y  est 
tellement  gravée,  que  la  vôtre  n'est  plus  connaissable.  Vous 
seul  avez  pu  créer  mon  âme  ;  vous  seul  pouvez  la  créer  de 
nouveau  ;  vous  seul  y  avez  pu  former  votre  image,  vous  seul 
pouvez  la  reformer,  et  y  réimprimer  votre  portrait  effacé,  c'est- 
à-dire  Jésus-Christ  mon  Sauveur,  qui  est  votre  image  et  le 
caractère  de  votre  substance  3. 

V.  0  mon  Dieu  !  qu'un  cœur  est  heureux  qui  peut  aimer  un 
objet  si  charmant,  qui  ne  le  déshonore  point,  et  dont  l'attache- 
ment lui  est  si  salutaire  1  Je  sens  que  je  ne  puis  aimer  le  monde 
sans  vous  déplaire,  sans  me  nuire  et  sans  me  déshonorer  ;  et 
néanmoins  le  monde  est  encore  l'objet  de  mes  délices.  O  mon 
Dieu  !  qu'une  âme  est  heureuse  dont  vous  êtes  les  délices;  puis- 
qu'elle peut  s'abandonner  à  vous  aimer,  non-seulement  sans 
scrupule,  mais  encore  avec  mérite  !  Que  son  bonheur  est  ferme 
et  durable,  puisque  son  attente  ne  sera  point  frustrée,  parce 
que  vous  ne  serez  jamais  détruit,  et  que  ni  la  vie  ni  la  mort  ne 
la  sépareront  jamais  de  l'objet  de  ses  désirs;  et  que  le  même 
moment  qui  entraînera  les  méchants  avec  leurs  idoles  dans 
ane  ruine  commune,  unira  les  justes  avec  vous  dans  une  gloire 

1.  Allusion  à  un  passage  de  l'Évangile,  Marc,  in,  27  :  «  Nul  ne  peut  entrer  dans  la 
maison  du  fort,  et  piller  les  objets  qui  lui  appartiennent,  si  auparavant  il  ne  lie  le  fort, 
pour  pouvoir  ensuite  piller  sa  maison,  n 

2.  Autre  allusion.  Les  Pharisiens  demandent  à  Jésus  s'il  faut  ou  non  payer  le  tribut  a 
César,  t  Et  Jésus  leur  dit  :...  Montrez-moi  le  denier,  que  je  le  voie...  Quelle  est  cette 
*mage  et  cette  légende?  Ils  répondirent  :  celle  de  César.  Et  il  leur  dit  :  Rendez  donc  & 
César  ce  qui  est  à  César,  et  à  Dieu  ce  qui  est  à  Dieu.  »  Marc,  xn,  15. 

3.  C'est-à-dire,  la  marque-  ''emoreinte.  au  sens  du  mot  grec 


PiufiRE  227 

commune  ;  et  que  comme  les  uns  périront  avec  les  objets  pé- 
rissables auxquels  ils  se  sont  attachés,  les  autres  subsisteront 
éternellement  dans  l'objet  éternel  et  subsistant  par  soi-même 
auquel  ils  se  sont  étroitement  unis  l  Oh  !  qu'heureux  sont  ceux 
qui  avec  une  liberté  entière  et  une  pente  invincible  de  leur 
volonté  aiment  parfaitement  et  librement  ce  qu'ils  sont  obli- 
gés d'aimer  nécessairement  î 

VI.  Achevez,  ô  mon  Dieu,  les  bons  mouvements  que  vous 
me  donnez.  Soyez- en  la  lin  comme  vous  en  êtes  le  principe. 
Couronnez  vos  propres  dons  ;  car  je  reconnais  que  ce  sont  vos 
dons.  Oui,  mon  Dieu  ;  et  bien  loin  de  prétendre  que  mes  prières 
aient  du  mérite  qui  vous  oblige  de  les  accorder  de  nécessité, 
je  reconnais  très -humblement  qu'ayant  donné  aux  créatures 
mon  cœur,  que  vous  n'aviez  formé  que  pour  vous,  et  non  pas 
pour  le  monde,  ni  pour  moi-même,  je  ne  puis  attendre  aucune 
grâce  que  de  votre  miséricorde,  puisque  je  n'ai  rien  en  moi 
qui  vous  y  puisse  engager,  et  que  tous  les  mouvements  natu- 
rels de  mon  cœur,  se  portant  vers  les  créatures  ou  vers  moi- 
même,  ne  peuvent  que  vous  irriter.  Je  vous  rends  donc  grâces, 
mon  Dieu,  des  bons  mouvements  que  vous  me  donnez,  et 
de  celui  même  que  vous  me  donnez  de  vous  en  rendre  grâces. 

VII.  Touchez  mon  cœur  du  repentir  de  mes  fautes,  puisque 
sans  cette  douleur  intérieure,  les  maux  extérieurs  dont  vous 
touchez  mon  corps  me  seraient  une  nouvelle  occasion  de  péché. 
Faites-moi  bien  connaître  que  les  maux  du  corps  ne  sont  autre 
chose  que  la  punition  et  la  ligure  tout  ensemble  des  maux  de 
Tâme.  Mais,  Seigneur,  faites  aussi  qu'ils  en  soient  le  remède, 
en  me  faisant  considérer,  dans  les  douleurs  que  je  sens,  celle 
que  je  ne  sentais  pas  dans  mon  âme,  quoique  toute  malade  et 
couverte  d'ulcères.  Car,  Seigneur,  la  plus  grande  de  ses  mala- 
dies est  cette  insensibilité  et  cette  extrême  faiblesse,  qui  lui 
avait  ôté  tout  sentiment  de  ses  propres  misères.  Faites-les-moi 
sentir  vivement,  et  que  ce  qui  me  reste  de  vie  soit  une  péni- 
tence continuelle  pour  laver  les  offenses  que  j'ai  commises. 

VIII.  Seigneur,  bien  que  ma  vie  passée  ait  été  exempte  de 
grands  crimes,  dont  vous  avez  éloigné  de  moi  les  occasions, 
elle  vous  a  été  néanmoins  très-odieuse  par  sa  négligence  conti- 
nuelle, par  le  mauvais  usage  de  vos  plus  augustes  sacrements, 


228  OPUSCULES  DE  PASCAL 

par  le  mépris  de  votre  parole  et  de  vos  inspirations,  par  l'oisi- 
veté et  l'inutilité  totale  de  mes  actions  et  de  mes  pensées,  par 
la  perte  entière  du  temps  que  vous  ne  m'aviez  donné  que  pour 
vous  adorer,  pour  rechercher  en  toutes  mes  occupations  les 
moyens  de  vous  plaire,  et  pour  faire  pénitence  des  fautes  qui 
se  commettent  tous  les  jours,  et  qui  même  sont  ordinaires  aux 
plus  justes  ;  de  sorte  que  leur  vie  doit  être  une  pénitence  con- 
tinuelle sans  laquelle  ils  sont  en  danger  de  déchoir  de  leur 
ustice.  Ainsi,  mon  Dieu,  je  vous  ai  toujours  été  contraire. 

IX.  Oui,  Seigneur,  jusqu'ici  j'ai  toujours  été  sourd  à  vos 
inspirations,  j'ai  méprisé  vos  oracles  ;  j'ai  jugé  au  contraire  de 
ce  que  vous  jugez;  j'ai  contredit  aux  saintes  maximes  que  vous 
avez  apportées  au  monde  du  sein  de  votre  Père  éternel,  et  suivant 
esquelles  vous  jugerez  le  monde.  Vous  dites  :  Bienheureux  sont 
eux  qui  pleurent,  et  malheur  à  ceux  qui  sont  consolés1  !  Et 
moi  j'ai  dit  :  Malheureux  ceux  qui  gémissent,  et  très-heureux 
ceux  qui  sont  consolés  1  J'ai  dit  :  Heureux  ceux  qui  jouissent 
d'une  fortune  avantageuse,  d'une  réputation  glorieuse  et  d'une 
santé  robuste!  Et  pourquoi  les  ai-je  réputés  heureux,  sinon 
parce  que  tous  ces  avantages  leur  fournissaient  une  facilité  très- 
ample  de  jouir  des  créatures,  c'est-à-dire  de  vous  offenser!  Oui, 
Seigneur,  je  confesse  que  j'ai  estimé  la  santé  un  bien,  non  pas 
parce  qu'elle  est  un  moyen  facile  pour  vous  servir  avec  utilité, 
pour  consommer  plus  de  soins  et  de  veilles  à  votre  service,  et 
pour  l'assistance  du  prochain,  mais  parce  qu'à  sa  faveur  je 
pouvais  m'abandonner  avec  moins  de  retenue  dans  l'abondance 
des  délices  de  la  vie,  et  en  mieux  goûter  les  funestes  plaisirs. 
Faites-moi  la  grâce,  Seigneur,  de  réformer  ma  raison  cor- 
rompue, et  de  conformer  mes  sentiments  aux  vôtres  Que 
je  m'estime  heureux  dans  l'affliction ,  et  que  dans  l'impuis- 
sance d'agir  au  dehors,  vous  purifiiez  tellement  mes  senti- 
ments qu'ils  ne  répugnent  plus  aux  vôtres  ;  et  qu'ainsi  je  vous 
trouve  au  dedans  de  moi-même,  puisque  je  ne  puis  vous  cher- 
cher au  dehors  à  cause  de  ma  faiblesse.  Car,  Seigneur,  votre 
royaume  est  dans  vos  Fidèles  ;  et  je  le  trouverai  dans  moi- 
même,  si  j'y  trouve  votre  esprit  et  vos  sentiments. 


1.  Luc,  vi,  21,  24. 


pmttnE  229 

X.  Mais,  Seigneur,  que  ferai-je  pour  vous  obliger  à  répan- 
dre votre  esprit  sur  cette  misérable  terre1?  Tout  ce  que  je  suis 
vous  est  odieux,  et  je  ne  trouve  rien  en  moi  qui  vous  puisse 
agréer.  Je  n'y  vois  rien,  Seigneur,  que  mes  seules  douleurs, 
qui  ont  quelque  ressemblance  avec  les  vôtres.  Considérez  donc 
les  maux  que  je  souffre  et  ceux  qui  me  menacent.  Voyez  d'un 
œil  de  miséricorde  les  plaies  que  votre  main  m'a  faites,  ô  mon 
Sauveur,  qui  avez  aimé  vos  souffrances  en  la  mort  !  O  Dieu  qui 
ne  vous  êtes  fait  homme  que  pour  souffrir  plus  qu'aucun 
homme  pour  le  salut  des  hommes  !  ô  Dieu,  qui  ne  vous  êtes 
incarné  après  le  péché  des  hommes  et  qui  n'avez  pris  un  corps 
que  pour  y  souffrir  tous  les  maux  que  nos  péchés  ont  mérités  ! 
ô  Dieu,  qui  aimez  tant  les  corps  qui  souffrent,  que  vous  avez 
choisi  pour  vous  le  corps  le  plus  accablé  de  souffrances  qui  ait 
jamais  été  au  monde!  ayez  agréable  mon  corps,  non  pas  pour 
lui-même,  ni  pour  tout  ce  qu'il  contient,  car  tout  y  est  digne 
de  votre  colère,  mais  pour  les  maux  qu'il  endure,  qui  seuls 
peuvent  être  dignes  de  votre  amour.  Aimez  mes  souffrance?, 
Seigneur,  et  que  mes  maux  vous  invitent  à  me  visiter.  Mais 
pour  achever  la  préparation  de  votre  demeure,  faites,  ô  mon 
Sauveur,  que  si  mon  corps  a  cela  de  commun  avec  le  vôtre, 
qu'il  souffre  pour  mes  offenses,  mon  âme  ait  aussi  cela  de 
commun  avec  la  vôtre,  qu'elle  soit  dans  la  tristesse  pour  les 
mêmes  offenses  ;  et  qu'ainsi  je  souffre  avec  vous,  et  comme 
vous,  et  dans  mon  corps,  et  dans  mon  âme,  pour  les  péchés 
que  j'ai  commis. 

XI.  Faites-moi  la  grâce,  Seigneur,  de  joindre  vos  consola- 
tions à  mes  souffrances,  afin  que  je  souffre  en  chrétien.  Je  ne 
demande  pas  d'être  exempt  des  douleurs,  car  c'est  la  récom- 
pense des  saints  ;  mais  je  demande  de  n'être  pas  abandonné  aux 
douleurs  de  la  nature  sans  les  consolations  de  votre  esprit;  car 
c'est  la  malédiction  des  Juifs  et  des  païens.  Je  ne  demande  pas 
d'avoir  une  plénitude  de  consolation  sans  aucune  souffrance; 
car  c'est  la  vie  de  la  gloire.  Je  ne  demande  pas  aussi  d'être 
dans  une  plénitude  de  maux  sans  consolation  ;  car  c'est  un  état 
de  judaïsme.  Mais  je  demande,  Seigneur,  de  ressentir  tout  en- 
semble et  les  douleurs  de  la  nature  pour  mes  péchés,  et  les 

1.  Ceit-à-dir*,,  sur  moi  oui  ne  suis  qu'une  misérabla  terre. 


530  OPUSCULES  DE  PASCAL 

consolations  de  votre  esprit  par  votre  grâce  ;  car  c'est  le  véri- 
table état  du  christianisme.  Que  je  ne  sente  pas  des  douleurs 
sans  consolation;  mais  que  je  sente  des  douleurs  et  de  la  con- 
solation tout  ensemble,  pour  arriver  enfin  à  ne  sentir  plus  que 
vos  consolations  sans  aucune  douleur.  Car,  Seigneur,  vous 
avez  laissé  languir  le  monde  dans  les  souffrances  naturelles 
sans  consolation,  avant  la  venue  de  votre  Fils  unique  :  vous 
consolez  maintenant  et  vous  adoucissez  les  soulïrances  de  vos 
Fidèles  par  la  grâce  de  votre  Fils  unique  ;  et  vous  comblez 
d'une  béatitude  toute  pure  vos  saints  dans  la  gloire  de  votre 
Fils  unique.  Ce  sont  les  admirables  degrés  par  lesquels  vous 
conduisez  vos  ouvrages.  Vous  m'avez  tiré  du  premier  ;  faite  s  - 
moi  passer  par  le  second,  pour  arriver  au  troisième.  Seigneur, 
c'est  la  grâce  que  je  vous  demande. 

XII.  Ne  permettez  pas  que  je  sois  dans  un  tel  éloignement 
de  vous,  que  je  puisse  considérer  votre  âme  triste  jusqu'à  la 
mort,  et  votre  corps  abattu  par  la  mort  pour  mes  propres  pé- 
chés, sans  me  réjouir  de  souffrir  et  dans  mon  corps  et  dans 
mon  âme.  Car  qu'y  a-t-il  de  plus  honteux,  et  néanmoins  de 
plus  ordinaire  dans  les  chrétiens  et  dans  moi-même,  que,  tan- 
dis que  vous  suez  le  sang  pour  l'expiation  de  nos  offenses,  nous 
vivons  dans  les  délices  ;  et  que  des  chrétiens  qui  font  profes- 
sion d'être  à  vous,  que  ceux  qui  par  le  baptême  ont  renoncé 
au  monde  pour  vous  suivre,  que  ceux  qui  ont  juré  solennelle- 
ment à  la  face  de  l'Église  de  vivre  et  de  mourir  avec  vous,  que 
ceux  qui  font  profession  de  croire  que  le  monde  vous  a  persé- 
cuté et  crucifié,  que  ceux  qui  croient  que  vous  vous  êtes  ex- 
posé à  la  colère  de  Dieu  et  à  la  cruauté  des  hommes  pour  les 
racheter  de  leurs  crimes;  que  ceux,  dis-je,  qui  croient  toutes 
ces  vérités,  qui  considèrent  votre  corps  comme  l'hostie  qui 
s'est  livrée  pour  leur  salut,  qui  considèrent  les  plaisirs  et  les 
péchés  du  monde  comme  l'unique  sujet  de  vos  souffrances,  et 
le  monde  même  comme  votre  bourreau,  recherchent  à  flatter 
leurs  corps  par  ces  mêmes  plaisirs,  parmi  ce  même  monde  ;  et 
que  ceux  qui  ne  pourraient,  sans  frémir  d'horreur,  voir  un 
homme  caresser  et  chérir  le  meurtrier  de  son  père  qui  se  se- 
rait livré  pour  lui  donner  la  vie1,  puissent  vivre  comme  j'ai 

I.  Qui  se  rapporte  à  son  part. 


PRTÊRE  231 

fait,  avec  une  pleine  joie,  parmi  le  monde  que  je  sais  avoir  été 
véritablement  le  meurtrier  de  celui  que  je  reconnais  pour  mon 
Dieu  et  mon  père,  qui  s'est  livré  pour  mon  propre  salut,  et 
qui  a  porté  en  sa  personne  la  peine  de  mes  iniquités?  Il  est 
juste,  Seigneur,  que  vous  ayez  interrompu  une  joie  aussi  cri- 
minelle que  celle  dans  laquelle  je  me  reposais  à  l'ombre  de  la 
mort. 

XIII.  Otez  donc  de  moi,  Seigneur,  la  tristesse  que  l'amour 
de  moi-même  me  pourrait  donner  de  mes  propres  souffrances 
et  des  choses  du  monde  qui  ne  réussissent  pas  au  gré  des  in- 
clinations de  mon  cœur,  et  qui  ne  regardent  pas  votre  gloire  ; 
mais  mettez  en  moi  une  tristesse  conforme  à  la  vôtre.  Que  mes 
souffrances  servent  à  apaiser  votre  colère.  Faites-en  une  occa- 
sion de  mon  salut  et  de  ma  conversion.  Que  je  ne  souhaite  dé- 
sormais de  santé  et  de  vie  qu'afin  de  l'employer  et  la  finir  pour 
vous,  avec  vous  et  en  vous.  Je  ne  vous  demande  ni  santé,  ni 
maladie,  ni  vie,  ni  mort  ;  mais  que  vous  disposiez  de  ma  santé 
et  de  ma  maladie,  de  ma  vie  et  de  ma  mort,  pour  votre  gloire, 
pour  mon  salut  et  pour  l'utilité  de  l'Eglise  et  de  vos  saints 
dont  j'espère  par  votre  grâce  faire  une  portion.  Vous  seul  savez 
ce  qui  m'est  expédient  :  vous  êtes  le  souverain  maître,  faites 
ce  que  vous  voudrez.  Donnez-moi,  ôtez-moi;  mais  conformez 
ma  volonté  à  la  vôtre  ;  et  que  dans  une  soumission  humble  et 
parfaite  et  dans  une  simple  confiance,  je  me  dispose  à  recevoir 
les  ordres  de  votre  providence  éternelle,  et  que  j'adore  égale- 
ment tout  ce  qui  me  vient  de  vous. 

XIV.  Faites,  mon  Dieu,  que,  dans  une  uniformité  d'esprit 
toujours  égale,  je  reçoive  toutes  sortes  d'événements,  puisque 
nous  ne  savons  ce  que  nous  devons  demander,  et  que  je  n'en 
puis  souhaiter  l'un  plutôt  que  l'autre  sans  présomption,  et 
sans  me  rendre  juge  et  responsable  des  suites  que  votre  sagesse 
a  voulu  justement  me  cacher.  Seigneur,  je  sais  que  je  ne  sais 
qu'une  chose;  c'est  qu'il  est  bon  de  vous  suivre,  et  qu'il  est 
mauvais  de  vous  offenser.  Après  cela,  je  ne  sais  lequel  est  le 
meilleur  ou  le  pire  en  toutes  choses;  je  ne  sais  lequel  m'est 
profitable  de  la  santé  ou  de  la  maladie,  des  biens  ou  de  la  pau- 
vreté, ni  de  toutes  les  choses  du  monde.  C'est  un  discernement 
qui  passe  la  force  des  hommes  et  des  anges,  et  qui  est  caché 


232  OPUSCULES  DE  PASCAL 

dans  les  secrets  de  votre  providence  que  j'adore,  et  que  je  ne 
veux  pas  approfondir. 

XV.  Faites  donc,  Seigneur,  que  tel  que  je  sois  je  me  con- 
forme à  votre  volonté  ;  et  qu'étant  malade  comme  je  suis,  je 
vous  glorifie  dans  mes  souffrances.  Sans  elles  je  ne  puis  arriver 
à  la  gloire;  et  vous-même,  mon  Sauveur,  n'y  avez  voulu  par- 
venir que  par  elles.  C'est  par  les  marques  de  vos  souffrances 
que  vous  avez   été  reconnu  de  vos  disciples;  et  c'est  parler 
souffrances  que  vous  reconnaissez  aussi  ceux  qui  sont  vos  dis- 
ciples. Reconnaissez-moi  donc  pour  votre  disciple  dans  les 
maux  que  j'endure  et  dans  mon  corps  et  dans  mon  esprit,  pour 
les  offenses  que  j'ai  commises.  Et  parce  que  rien  n'est  agréable 
à  Dieu  s'il  ne  lui  est  offert  par  vous,  unissez  ma  volonté  à  la 
vôtre,  et  mes  douleurs  à  celles  que  vous  avez  souffertes.  Fai- 
tes que  les  miennes  deviennent  les  vôtres.  Unissez-moi  à  vous  ; 
remplissez-moi  de  vous  et  de  votre  Esprit  dans  mon  cœur  et 
dans  mon  âme,  pour  y  porter  mes  souffrances,  et  pour  conti- 
nuer d'endurer  en  moi  ce  qui  vous  reste  à  souffrir  de  votre 
passion,  que  vous  achevez  dans  vos  membres  jusqu'à  la  con- 
sommation  parfaite  de  votre  corps1,  afin  qu'étant  plein  de 
vous,  ce  ne  soit  plus  moi  qui  vive  et  qui  souffre,  mais  que  ce 
soit  vous  qui  viviez  et  qui  souffriez  en  moi,  ô  mon  Sauveur! 
et  qu'ainsi  ayant  quelque  petite  part  à  vos  souffrances,  vous 
me  remplissiez  entièrement  de  la  gloire  qu'elles  vous  ont  ac- 
quise, dans  laquelle  vous  vivez  avec  le  Père  et  le  Saint-Es- 
prit, par  tous  les  siècles  des  siècles  :  ainsi  soit-il*. 


REMARQUES   SUR    LA    PRIÈRE    POUR    LA    MALADIE 

Dans  ce  morceau  et  dans  le  suivant  on  saisit  comme  à  sa  source  la 
passion  ardente,  disons  le  mot,  le  fanatisme,  dont  Pascal  a  vécu,  et 
d'où  sont  sorties  les  Provinciales  et  les  Pensées.  On  y  lit  que  la  fin  de 
toutes  choses  est  l'accomplissement  du  mystère  de  la  grâce,  accordée 
aux  élus,  refusée  aux  réprouvés  (page  227).  Que  sans  la  grâce,  \1  n'y  a 

1.  Ces  membres,  ce  sont  les  Fidèles  prédestinés;  ce  corps,  c'est  la  totalité  des  Fidèles 
ou  l'Eglise  terrestre,  qui  ne  sera  consommée  qu'à  la  fin  du  monde. 

2.  Ou  sait  que  c'esWà  la  formule  par  laquelle  se  terminent  d'ordinaire  et  le»  onères  do 
l'Eglise,  et  les  prédications  chrétiennes. 


REMARQUES  SUfi  LA  PRIÈRE  pour  LA  MALADIE.  233 

rien  au  monde  qui  soit  capable  non-seulement  d'accomplir,  mais  de 
commencer  une  conversion  (page  225);  rien,  pas  même  les  miracles, 
dont  Pascal  parle  comme  s'il  en  avait  vu,  ou  en  attendait,  étant  ainsi 
par  avance  tout  préparé  au  miracle  de  la  Sainte-Épine.  On  y  voit  les 
plaisirs  associés  et  comme  confondus  avec  les  péchés  (page  224),  et  un 
honnête  jeune  homme,  fils  d'un  grave  et  digne  magistrat,  qui  partage 
sa  jeunesse  entre  les  devoirs  et  les  amusements  d'une  vie  bourgeoise 
et  la  passion  de  la  science,  s'accusant,  du  ton  d'un  Salomon,  de  s'a- 
bandonner aux  délices  de  la  vie,  et  à  ses  funestes  voluptés  (page  228)  et 
de  ne  s'être  préservé  qu'a  peine  des  grands  crimes  (page  227).  On  s  at- 
triste et  on  s'irrite  à  la  fois  quand  on  entend  ce  pauvre  malade  se  re- 
procher amèrement  d'avoir  estimé  la  santé  un  bien  ;  et  on  ne  peut 
s'empêcher  d'appliquer  ici  les  ironies  de  Bayle,  lorsqu'il  disait,  à  pro- 
pos de  ce  que  la  sœur  de  Pascal  raconte  de  sa  vie  :  «  Il  y  a  même  des 
pays  dans  la  chrétienté  où  il  n'y  a  peut-être  pas  un  homme  qui  ait 
seulement  ouï  parler  des  maximes  de  ce  philosophe  chrétien.  » 

Il  faut  pourtant  admirer  dans  ce  morceau,  si  éloigné  d'ailleurs  de 
nos  sentiments  et  de  nos  idées,  le  même  caractère  que  l'éloquence  de 
Pascal  présente  partout,  l'alliance  d'une  imagination  passionnée  avec 
une  précision  et  une  rigueur  géométriques.  Il  semble,  dit  M.  Nisard 
(Histoire  de  la  littérature  française,  tome  II),  qu'on  devrait  trouver 
dans  une  prière  quelque  abandon,  quelque  enthousiasme,  une  confiance 
qui  ne  pèse  plus  ses  motifs...  Celle  de  Pascal  n'a  point  ce  caractère. 
C'est  une  argumentation  passionnée,  dans  laquelle  un  homme  mortel 
raisonne  avec  Dieu...  Ce  n'est  ni  par  l'enthousiasme  du  psalmiste,  ni 
par  l'imagination  échauffée  des  ascètes  que  cette  prière  s'élève  ;  c'est 
par  des  raisons  qui  se  déduisent  les  unes  des  autres,  et  se  succèdent 
comme  les  degrés  d'une  échelle  mystique.  On  sent  qu'aucun  échelon  ne 
manquera  sous  les  pieds  de  Pascal.  » 

Cette  éloquence  nous  émeut  encore  quand  elle  ne  nous  persuade  pas. 
Nous  contemplons  avec  une  admiration  douloureuse  ces  efforts  éner- 
giques, non  pour  étouffer  les  plaintes  de  la  nature  qui  souffre,  mais 
pour  la  fortifier  ;  non  pour  trouver  le  repos  dans  un  endurcissement 
orgueilleux,  ou  la  joie  dans  les  illusions  d'une  imagination  trompée, 
mais  pour  faire  descendre  du  sein  d'un  Dieu,  idéal  de  sainteté  et  d'a- 
mour, la  patience  qui  supporte  le  mal  et  la  vertu  qui  s'y  épure. 

«  0  mon  Dieu  !  qu'un  cœur  est  heureux  qui  peut  aimer  un  objet  si 
charmant,  qui  ne  le  déshonore  point,  et  dont  l'attachement  lui  est  si 
salutaire  !  »  Les  mots  que  je  souligne  méritent  d'être  relevés  pour  leur 
fierté  généreuse.  Ne  pas  être  déshonoré,  abaisse,  ça  été  toujours  la  pre- 
mière ambition  de  Pascal,  même  dans  l'amour  profane.  Voir  le  Dis- 


234 


OPUSCULES  DE   PASCAL 


cours  sur  les  passions  de  i'amour  :  «  Un  s'élève  par  cette  pas&ion,  et 
on  devient  toute  grandeur.  » 

«  Je  ne  sais  quel  est  le  meilleur  ou  le  pire  en  toutes  choses,  je  ne 
sais  lequel  m'est  profitable  de  la  santé  ou  de  la  maladie,  etc.  C'est  un 
discernement  qui  passe  la  force  des  hommes  et  des  anges.  »  Pascal 
parle  ici,  non  plus  comme  l'Écriture,  mais  comme  Platon.  C'est  ainsi 
que  Socrate,  dans  Platon,  en  terminant  sa  défense,  dit  à.  ses  juges  : 

«  Il  est  temps  de  nous  retirer,  moi  pour  mourir,  et  vous  pour  vivrr. 

Lequel  vaut  le  mieux  de  votre  lot  ou  du  mien?  personne  ne  le  sait, 
excepté  Dieu.  » 


LETTRE 

8UR  LA  MORT  DE  M.  PASCAL  Lp;  PÈRK 

tCRlTi;   PAR   TA^CAL  A  M.   ET  &l,ua  X'LKIWB.  ' . 


Puisque  vous  êtes  maintenant  informés  l'un  et  Vautre  de 
notre  malheur  commun,  et  que  la  lettre  que  nous  avions  com- 
mencée2 vous  a  donné  quelque  consolation,  par  le  récit  des 
circonstances  heureuses  qui  ont  accompagné  le  sujet  de  notre 
affliction,  je  ne  puis  vous  refuser  celles  qui  me  restent  dans 
l'esprit,  et  que  je  prie  Dieu  de  me  donner,  et  de  me  renouve- 
ler de  plusieurs  que  nous  avons  autrefois  reçues  de  sa  grâce, 
et  qui  nous  ont  été  nouvellement  données  de  nos  amis  en  cette 
occasion. 

Je  ne  sais  plus  par  où  finissait  la  première  lettre.  Ma  sœui 
l'a  envoyée  sans  prendre  garde  qu'elle  n'était  pas  finie.  Il  me 
semble  seulement  qu'elle  contenait  en  substance  quelques  par- 
ticularités de  la  conduite  de  Dieu  sur  la  vie  et  sur  la  maladie, 
que  je  voudrais  vous  répéter  ici,  tant  je  les  ai  gravées  dans  le 
cœur,  et  tant  elles  portent  de  consolation  solide,  si  vous  ne  les 
pouviez  voir  vous-mêmes  dans  la  précédente  lettre,  et  si  ma 
sœur  ne  devait  pas  vous  en  faire  un  récit  plus  exact  à  sa  pre- 
mière commodité.  Je  ne  vous  parlerai  donc  ici  que  de  la  consé- 
quence que  j'en  tire,  qui  est,  qu'ôtés  ceux  qui  sont  intéressés 

i.  Le  titre  xxx  de  l'édition  de  Port-Royal  a  pour  intitulé  :  «  Pensées  sur  la  mort,  qui  ou 
été  extraites  d'une  lettre  écrite  par  M.  Pascal  sur  le  sujet,  de  la  mort  de  monsieur  son 
père.  »  M.  Cousin  a  recherché  la  lettre  elle-même,  et  l'a  retrouvée  dan3  les  Mémoires 
de  Marguerite  Pener  et  dans  un  autre  manuscrit.  Il  l'a  puhliée  le  premier  sous  sa  forme 
véritable.  Je  renvoie  à  son  livre  {Des  Pensées  de  Pascal,  page  491  pour  l'étude  des  alté- 
rations que  le  rédacteur  de  ces  extraits  avait  fait  subir  au  texte  de  Pascal.  Pascal  le  père 
était  mort  le  24  septembre  1651.  Cette  lettre  est  datée  du  17  octobre. 

2  Lui  et  sa  sœur  Jacqueline.  Plus  bas  :  u  Ma  sœur  l'a  envoyée  sans  preudrd  garda 
qu'elle  n'était  pas  finie    »  Cette  précédpute  lettre  n'existe  plus. 


236  OPUSCULES   DE   PASCAL 

par  les  sentiments  de  la  nature,  il  n'y  a  point  de  chrétien  qui 
ne  s'en  doive  réjouir. 

Sur  ce  grand  fondement,  je  vous  commencerai  ce  que  j'ai  à 
dire  par  un  discours  bien  consolatif  à  ceux  qui  ont  assez  de  li- 
berté d'esprit  pour  le  concevoir  au  fort  de  la  douleur.  C'est 
que  nous  devons  chercher  la  consolation  à  nos  maux,  non  pas 
dans  nous-mêmes,  non  pas  dans  les  hommes,  non  pas  dans  tout 
ce  qui  est  créé,  mais  dans  Dieu.  Et  la  raison  en  est  que  toutes 
les  créatures  ne  sont  pas  la  première  cause  des  accidents  que 
nous  appelons  maux;  mais  que  la  providence  de  Dieu  en  étant 
l'unique  et  véritable  cause,  l'arbitre  et  la  souveraine,  il  est  in- 
dubitable qu'il  faut  recourir  directement  à  la  source  et  remon- 
ter jusqu'à  l'origine,  pour  trouver  un  solide  allégement.  Que 
si  nous  suivons  ce  précepte,  et  que  nous  envisagions  cet  événe- 
ment, non  pas  comme  un  effet  du  hasard,  non  pas  comme  une 
nécessité  fatale  de  la  nature,  non  pas  comme  le  jouet  des  élé- 
ments et  des  parties  qui  composent  l'homme  (car  Dieu  n'a  pas 
abandonné  ses  élus  au  caprice  et  au  hasard),  mais  comme  une 
suite  indispensable,  inévitable,  juste,  sainte,  utile  au  bien  de 
l'Église  et  à  l'exaltation  du  nom  et  de  la  grandeur  de  Dieu, 
d'un  arrêt  de  sa  providence  conçu  de  toute  éternité  pour  être 
exécuté  dans  la  plénitude  de  son  temps,  en  telle  année,  en  tel 
jour,  en  telle  heure,  en  tel  lieu,  en  telle  manière;  et  enfin  que 
tout  ce  qui  est  arrivé  a  été  de  tout  temps  prénu  et  préordonné 
en  Dieu  ;  si,  dis-je,  par  un  transport  de  grâce,  nous  considé- 
rons cet  accident,  non  pas  dans  lui-même  et  hors  de  Dieu, 
riais  hors  de  lui-même  et  dans  l'intime  de  la  volonté  de  Dieu, 
dans  la  justice  de  son  arrêt,  dans  l'ordre  de  sa  providence,  qui 
en  est  la  véritable  cause,  sans  qui  il  ne  fût  pas  arrivé,  par  qui 
seul  il  est  arrivé  et  de  la  manière  dont  il  est  arrivé  ;  nous  ado- 
rerons dans  un  humble  silence  la  hauteur  impénétrable  de  ses 
secrets,  nous  vénérerons  la  sainteté  de  ses  arrêts,  nous  bénirons 
la  conduite  de  sa  providence  ;  et  unissant  notre  volonté  à  celle 
de  Dieu  même,  nous  voudrons  avec  lui,  en  lui,  et  pour  lui,  la 
chose  qu'il  a  voulue   en  nous  et  pour  nous  de  toute  éternité. 

Considérons-la  donc  de  la  sorte,  et  pratiquons  cet  enseigne- 
ment que  j'ai  appris  d'un  grand  homme  dans  le  temps  de  no- 
tre plus  grande  affliction,  qu'il  n'y  a  de  consolation  qu'en  la 


Lettre  sur  la  mort  de  m.  pascal  le  père.   237 

vérité  seulement.  Il  est  sans  doute  que  Socrate  et  Sénèque 
n'ont  rien  de  persuasif  en  cette  occasion.  Ils  ont  été  sous  l'er- 
reur qui  a  aveuglé  tous  les  hommes  dans  le  premier  :  Ils  ont 
tous  pris  la  mort  comme  naturelle  à  l'homme  »;  et  tous  les 
discours  qu'ils  ont  fondés  sur  ce  faux  principe  sont  si  futiles, 
qu'ils  ne  servent  qu'à  montrer  par  leur  inutilité  combien 
l'homme  en  général  est  faible,  puisque  les  plus  hautes  produc- 
tions des  plus  grands  d'entre  les  hommes  sont  si  basses  et  si 
puériles.  Il  n'en  est  pas  de  même  de  Jésus- Christ,  il  n'en  est 
pas  ainsi  des  livres  canoniques  :  la  vérité  y  est  découverte,  et 
la  consolation  y  est  jointe  aussi  infailliblement  qu'elle  est  in- 
failliblement séparée  de  l'erreur. 

Considérons  donc  la  mort  dans  la  vérité  que  le  Saint-Esprit 
nous  a  apprise.  Nous  avons  cet  admirable  avantage  de  con- 
naître que  véritablement  et  effectivement  la  mort  est  une  peine 
du  péché  imposée  à  l'homme  pour  expier  son  crime,  néces- 
saire à  l'homme  pour  le  purger  du  péché  ;  que  c'est  la  seule 
qui  peut  délivrer  l'âme  de  la  concupiscence  des  membres,  sans 
laquelle  les  saints  ne  viennent  point  dans  ce  monde.  Nous  sa- 
vons que  la  vie,  et  la  vie  des  chrétiens,  est  un  sacrifice  conti- 
nuel qui  ne  peut  être  achevé  que  par  la  mort  :  nous  savons  que 
comme  Jésus-Christ,  étant  au  monde,  s'est  considéré  et  s'est 
offert  à  Dieu  comme  un  holocauste  et  une  véritable  victime  ; 
que  sa  naissance,  sa  vie,  sa  mort,  sa  résurrection,  son  ascen- 
sion, et  sa  présence  dans  l'Eucharistie,  et  sa  séance  éternelle  à  la 
droite,  ne  sont  qu'un  seul  et  unique  sacrifice  ;  nous  savons  que 
ce  qui  est  arrivé  en  Jésus-Christ,  doit  arriver  en  tous  ses 
membres. 

Considérons  donc  la  vie  comme  un  sacrifice;  et  que  les  acci- 
dents de  la  vie  ne  fassent  d'impression  dans  l'esprit  des  chré- 
tiens qu'à  proportion  qu'ils  interrompent  ou  qu'ils  accomplis- 
sent ce  sacrifice.  N'appelons  mal  que  ce  qui  rend  la  victime  de 
Dieu  victime  du  diable,  mais  appelons  bien  ce  qui  rend  la  vic- 
time du  diable  en  Adam  victime  de  Dieu  ;  et  sur  cette  règle 
examinons  la  nature  de  la  mort. 

Pour  cette  considération,  il  faut  recourir  à  la  personne  de 

t.  Tandis  qu'elle  n'est,  suivaut  la  foi,  que  la  punition  du  péché  originel.  Gen.t  H,  17; 
Jtiom.,  vi,  l'i,  ete. 

il.  16 


?3B  OPUSCULES  DE   PASCAL 

Jésus-Christ;  car  tout  ce  qui  est  dans  les  hommes  est  abomi- 
nable, et  comme  Dieu  ne  considère  les  hommes  que  par  ïe 
médiateur  Jésus-Christ,  les  hommes  aussi  ne  devraient  re- 
garder ni  les  autres  ni  eux-mêmes  que  médiatement  par  Jésus- 
Christ.  Car  si  nous  ne  passons  par  le  milieu,  nous  ne  trouve- 
rons en  nous  que  de  véritables  malheurs  ou  des  plaisirs  abo- 
minables ;  mais  si  nous  considérons  toutes  choses  en  Jésus- 
Christ,  nous  trouverons  toute  consolation,  toute  satisfaction, 
toute  édification. 

Considérons  donc  la  mort  en  Jésus-Christ,  et  non  pas  sans 
Jésus-Christ.  Sans  Jésus-Christ  elle  est  horrible,  elle  est  dé- 
testable, et  l'horreur  de  la  nature.  En  JÉsus-CHRist  elle  est 
tout  autre;  elle  est  aimable,  sainte,  et  la  joie  du  hdèle.  Tout 
est  doux  en  Jésus-Christ,  jusqu'à  la  mort  :  et  c'est  pourquoi 
il  a  souffert  et  est  mort  pour  sanctifier  la  mort  et  les  souf- 
frances; et  que,  comme  Dieu  et  comme  homme,  il  a  été  tout 
ce  qu'il  y  a  de  grand  et  tout  ce  qu'il  y  a  d'abject,  afin  de  sanc- 
tifier en  soi  toutes  choses,  excepté  le  péché,  et  pour  être  mo- 
dèle de  toutes  les  conditions  â. 

Pour  considérer  ce  que  c'est  que  la  mort,  et  la  mort  en  Jé- 
sus-Christ, il  faut  voir  quel  rang  elle  tient  dans  son  sacrifice 
continuel  et  sans  interruption,  et  pour  cela  remarquer  que 
dans  les  sacrifices  la  principale  partie  est  la  mort  de  l'hostie. 
L'oblation  et  la  sanctification  qui  précèdent  sont  des  disposi- 
tions ;  mais  l'accomplissement  est  la  mort,  dans  laquelle,  par 
l'anéantissement  de  la  vie,  la  créature  rend  à  Dieu  tout  l'hom- 
mage dont  elle  est  capable,  en  s'anéantissant  devant  les  yeux 
de  sa  majesté,  et  en  adorant  sa  souveraine  existence,  qui  seule 
existe  réellement.  Il  est  vrai  qu'il  y  a  une  autre  partie,  après 
la  mort  de  l'hostie,  sans  laquelle  sa  mort  est  inutile;  c'est 
l'acceptation  que  Dieu  fait  du  sacrifice.  C'est  ce  qui  est  dit 
dans  l'Écriture  :  Et  odoratus  est  Dominus  suavitatem  :  «  Et  Dieu 
a  odoré  et  reçu  l'odeur  du  sacrifice.  »  *  C'est  véritablement 
celle-là  qui  couronne  l'oblation;  mais  elle  est  plutôt  une  ac- 
tion de  Dieu  vers  la  créature,  que  de  la  créature  envers  Dieu, 


1.  Voyez  le  fragment  44  de  1  article  xxv.  Et  que  t'ait  suite  à  c'est  pourquoi,  comme  s'il 
yafnit,  c'est  pour  cla  que...  et  que... 
->.  Le  texte  est:  Odoratusque  est  Dominus  odorem  suaviuilis ,  Gen.,  via,  21. 


LETTRE  SUR   LA  MORT    DE   M.    PASCAL   LÉ  PÈRE  239 

et  n'empêche  pas  que  la  dernière  action  de  la  créature  ne  soit 
la  mort. 

Toutes  ces  choses  ont  été  accomplies  en  Jésus-Christ.  En 
entrant  au  monde,  il  s'est  offert  :  Obtulit  semetipsum  per  Spi- 
ritum  sanctum.  fngrediens  mundum,  dixit  ;  Hostiam  noluisti... 
Tune  dixi  :  Ecce  venio.  In  capite,  etc.  «  Il  s'est  offert  par  le 
Saint-Esprit.  En  entrant  au  inonde,  Jésus-Christ  a  dit  :  Sei- 
gneur, les  sacrifices  ne  te  sont  point  agréables  ;  mais  tu  m'as 
donné  un  corps.  Lors  j'ai  dit  :  Voici  que  je  viens  pour  faire,  ô 
Dieu,  ta  volonté,  et  ta  loi  est  dans  le  milieu  de  mon  cœur1.  » 
Voilà  son  oblation.  Sa  sanctification  a  été  immédiate  de  son 
oblation2.  Ce  sacrifice  a  duré  toute  sa  vie,  et  a  été  accompli 
par  sa  mort.  Il  a  fallu  qu'il  ait  passé  par  les  souffrances,  pour 
entrer  en  sa  gloire 3.  Et,  quoiqu'il  fût  fils  de  Dieu,  il  a  fallu 
qu'il  ait  appris  l'obéissance.  Mais  au  jour  de  sa  chair,  ayant 
crié  avec  grands  cris  à  celui  qui  le  pouvait  sauver  de  mort,  il 
a  été  exaucé  pour  sa  révérence  4.  »  Et  Dieu  Ta  ressuscité,  et 
envoyé  sa  gloire,  figurée  autrefois  par  le  feu  du  ciel  qui  tom- 
bait sur  les  victimes  5,  pour  brûler  et  consumer  son  corps,  et 
le  faire  vivre  spirituel  de  la  vie  de  la  gloire.  C'est  ce  que  Jé- 
sus-Christ a  obtenu,  et  qui  a  été  accompli  par  sa  résurrection. 

Ainsi  ce  sacrifice  étant  parfait  par  la  mort  de  Jésus-Christ, 
et  consommé  même  en  son  corps  par  sa  résurrection,  où  l'image 
de  la  chair  du  péché  a  été  absorbée  par  la  gloire,  Jésus-Christ 
avait  tout  achevé  de  sa  part  ;  il  ne  restait  sinon  que  le  sacrifice 
fût  accepté  de  Dieu  ;  que,  comme  la  fumée  s'élevait  et  portait 
l'odeur  au  trône  de  Dieu,  aussi  Jésus-Christ  fût,  en  cet  état 


1.  LTebr.,  tx.  14;  x,  5.  Le  texte  entier  est  :  Ingrédients  mundum  dicit  :  Hostiam  et  obla- 
lionem  noluisti;  corpus  autem  aptasti  mihi.  Holocautomata  pro peccato  non  tibi placuerunt ; 
tune  dixi  :  Ecce  venio  :  in  capite  libri  scriptum  est  de  me,  ut  faciam,  Deus,  voluntatem 
tuam.  C'est-à-dire  :  «  En  entrant  au  monde,  il  dit  :  Tu  n'as  pas  voulu  de  victime  et  d'of- 
frande; mais  tu  m'as  donné  un  corps.  Tu  n'as  pas  voulu  des  holocaustes  pour  expiation 
du  péché;  alors  j'ai  dit  :  Me  voici  :  il  est  écrit  de  moi,  au  chapitre  du  livre,  que  je  dois 
accomplir,  ô  Dieu,  ta  volonté.  »  Les  paroles  mêmes  de  l'Epitre  sont  prises  du  psaume 
xxxix,  tel  que  l'auteur  de  la  Lettre  aux  Hébreux  le  lisait  dans  le  texte  des  Septante.  — 
Les  commentateurs  n'ont  pu  déterminer  le  sens  de  ces  trois  mots  :  in  capite  libri. 

2.  C'est-à-dire,  inséparable,  ne  faisant  qu'un  avec  son  oblation.  Il  faut  qu'une  victimo 
soit  consacrée,  mais  Jésus  n'a  qu'à  s'offrir;  il  n'a  pas  besoin  d'autre  consécration j  car  il 
est  prêtre  aussi  bien  que  victime. 

3.  Luc,  xxiv,  26. 

4.  Hébr.,  v,  8  et  7. 

5.  Au  sacrifice  fait  par  Elie  (III,  Rois,  xvin,  38). 

Des  prophètes  menteurs  la  troupe  confondue, 
Et  la  ûamme  du  ciel  sur  l'autel  descendue. 


24Ô  OPUSCULES  DE   PASCAL 

d'immolation  parfaite,  offert,  porté  et  reçu  au  trône  de  Dieu 
même;  et  c'est  ce  qui  a  été  accompli  en  l'ascension,  en  laquelle 
il  est  monté,  et  par  sa  propre  force,  et,  par  la  force  de  son 
Saint-Esprit  qui  l'environnait  de  toutes  parts,  il  a  été  enlevé l  ; 
comme  la  fumée  des  victimes,  ligures  de  Jésus-Christ,  était 
portée  en  haut  par  l'air  qui  la  soutenait,  figure  du  Saint-Esprit; 
et  les  Actes  des  apôtres  nous  marquent  expressément  qu'il  fut 
reçu  au  ciel,  pour  nous  assurer  que  ce  saint  sacrifice  accompli 
en  terre  a  été  reçu  et  acceptable  à  Dieu,  reçu  dans  le  sein  de 
Dieu,  où  il  brûle  de  la  gloire  dans  les  siècles  des  siècles. 

Voilà  Tétat  des  choses  en  notre  souverain  Seigneur.  Consi- 
dérons-les en  nous  maintenant.  Dès  le  moment  que  nous  en- 
trons dans  l'Église,  qui  est  le  monde  des  Fidèles  et  particuliè- 
rement des  élus,  où  Jésus-Christ  entra  dès  le  moment  de  son 
incarnation  par  un  privilège  particulier  au  fils  unique  de  Dieu, 
nous  sommes  offerts  et  sanctifiés.  Ce  sacrifice  se  continue  par 
la  vie,  s'accomplit  à  la  mort  dans  laquelle  l'âme  quittant  vérita- 
blement tous  les  vices,  et  l'amour  de  la  terre,  dont  la  contagion 
l'infecte  toujours  durant  cette  vie,  elle  achève  son  immolation, 
et  est  reçue  dans  le  sein  de  Dieu. 

Ne  nous  affligeons  donc  pas  comme  les  païens  qui  n'ont  point 
d'espérance.  Nous  n'avons  pas  perdu  mon  père  au  moment  de 
sa  mort;  nous  l'avons  perdu,  pour  ainsi  dire,  dès  qu'il  entra 
dans  l'Église  par  le  baptême.  Dès  lors  il  était  à  Dieu;  sa  vie 
était  vouée  à  Dieu;  ses  actions  ne  regardaient  le  monde  que 
pour  Dieu.  Dans  sa  mort  il  s'est  totalement  détaché  des  pé- 
chés; et  c'est  en  ce  moment  qu'il  a  été  reçu  de  Dieu,  et  que  son 
sacrifice  a  reçu  son  accomplissement  et  son  couronnement.  Il 
a  donc  fait  ce  qu'il  avait  voué  ;  il  a  achevé  l'œuvre  que  Dieu 
lui  avait  donnée  à  faire;  il  a  accompli  la  seule  chose  pour  la- 
quelle il  était  créé.  La  volonté  de  Dieu  est  accomplie  en  lui ,  et 
sa  volonté  est  absorbée  en  Dieu.  Que  notre  volonté  ne  sépare 
donc  pas  ce  que  Dieu  a  uni;  et  étouffons  ou  modérons,  par 
l'intelligence  de  la  vérité,  les  sentiments  de  la  nature  corrompue 
et  déçue  qui  n'a  que  de  fausses  images,  et  qui  trouble  par  ses 

I.  Il  faut  construire  comme  s'il  y  avait  :  Et  il  est  monté,  par  sa  propre  force,  et,  pat 
la  force  de  son  Saint-Esprit,  il  a  été  enlevé.  C'est  un  commenfnire  des  deux  expressions 
employées  à  ce  sujet  par  l'Écriture  ftetuidiL  assumptus  est.  Voir  Ad.  i  il,  et  Ephes 
lv,  10. 


LETTRE  SUR  LA  MOUT  DE  M.   PASCAL  LE  PÈRE  241 

illusions  la  sainteté  des  sentiments  que  la  vérité  et  l'Évangile 
nous  doit  donner. 

Ne  considérons  donc  plus  la  mort  comme  des  païens,  mais 
comme  les  chrétiens,  c'est-à-dire  avec  l'espérance,  comme 
saint  Paul  l'ordonne,  puisque  c'est  le  privilège  spécial  des 
chrétiens  â.  Ne  considérons  plus  un  corps  comme  une  charo- 
gne infecte,  car  la  nature  trompeuse  se  le  ligure  de  la  sorte  ; 
mais  comme  le  temple  inviolable  et  éternel  du  Saint-Esprit, 
comme  la  foi  l'apprend.  Car  nous  savons  que  les  corps  saints 
sont  habités  par  le  Saint-Esprit  jusqu'à  la  résurrection,  qui  se 
fera  par  la  vertu  de  cet  Esprit  qui  réside  en  eux  pour  cet  effet2. 
C'est  pour  cette  raison  que  nous  honorons  les  reliques  des 
morts,  et  c'est  sur  ce  vrai  principe  que  l'on  donnait  autrefois 
l'Eucharistie  dans  la  bouche  des  morts,  parce  que,  comme  on 
savait  qu'ils  étaient  le  temple  du  Saint-Esprit,  on  croyait  qu'ils 
méritaient  d'être  aussi  unis  à  ce  saint  sacrement.  Mais  l'Église 
a  changé  cette  coutume;  non  pas  pour  ce  que  ces  corps  ne 
soient  pas  saints,  mais  par  cette  raison  que  l'Eucharistie  étant 
le  pain  de  vie  et  des  vivants,  il  ne  doit  pas  être  donné  aux  morts3. 

Ne  considérons  plus  un  homme  comme  ayant  cessé  de  vivre, 
quoi  que  la  nature  suggère;  mais  comme  commençant  à  vivre, 
comme  la  vérité  l'assure.  Ne  considérons  plus  son  âme  comme 
périe  et  réduite  au  n^ant,  mais  comme  vivifiée  et  unie  au  sou- 
verain vivant  ;  et  corrigeons  ainsi,  par  l'attention  à  ces  vérités, 
les  sentiments  d'erreur  qui  sont  si  empreints  en  nous-mêmes, 
et  ces  mouvements  d'horreur  qui  sont  si  naturels  à  l'homme. 

Pour  dompter  plus  fortement  cette  horreur,  il  faut  en  bien 

comprendre  l'origine;  et  pour  vous  le  toucher  en  peu  de  mots, 

je  suis  obligé  de  vous  dire  en  général  quelle  est  la  source 

de  tous  les  vices  et  de  tous  les  péchés.  C'est  ce  que  j'ai  appris 

le  deux  très-grands  et  très-saints  personnages  4.  La  vérité  que 

\.  I   Thess.,  iv,  12,  17. 

2.  Le  manuscrit  des  Mémoires  de  Marguerite  Tericr  ajoute  ici  :  <  C'est  le  senlîmen* 
do*  Pères.  »  En  effet,  cela  n'est  pas  établi  sur  l'autorité  de  l'Ecriture.  Je  ne  sais  quels 
tout  les  Pères  qui  parlent  ainsi. 

3.  Je  trouve  un  concile  d'Auxerre,  tenu  en  581,  qui,  dans  son  douzième  canon,  défend 
de  donner  la  communion  aux  morts.  Voir  Jean,  vr,  4S. 

4.  Sans  doute  Augustin  et  Jansénius.  Voir,  en  effet,  sur  les  doux  amours,  VAur/us/inus 
II,  11,  25  :  Omnibus  animalibus  nalura  insitum  est  ut  seipsa  dilirjant,  etc....  Sed  quia  Ao- 
mini  anima  rationalis  data  est,  cujus  nullum  est  bonum  nisi  soins  Deus...,  etc.  Ad  hoc 
tnim  vellc  débet  nec  dolore  corporis  moleslari,  née  desiderio  perlurbari,  nec  morte  dis- 
•ulvi.  >ti  bonum  illud  suum  cognoscat  ac  diligat.  C'est  le  texte  que  Pascal  va  développer. 


24?  OPUSCULES  DE  PASCAL 

couvre  ce  mystère  est  que  Dieu  a  créé  l'homme  avec  deux 
amours,  l'un  pour  Dieu,  l'autre  pour  soi-même;  mais  avec 
cette  loi,  que  l'amour  pour  Dieu  serait  infini,  c'est-à-dire  sans 
aucune  autre  fin  que  Dieu  même  ;  et  que  l'amour  pour  soi- 
même  serait  fini  et  rapportant  à  Dieu. 

L'homme  en  cet  état  non-seulement  s'aimait  sans  péché, 
mais  ne  pouvait  pas  ne  point  s'aimer  sans  péché  4.  Depuis,  le 
péché  étant  arrivé,  l'homme  a  perdu  le  premier  de  ces  amours; 
et  l'amour  pour  soi-même  étant  resté  seul  dans  cette  grande 
âme  capable  d'un  amour  infini,  cet  amour-propre  s'est  étendu 
et  débordé  dans  le  vide  que  l'amour  de  Dieu  a  quitté  ;  et  ainsi 
il  s'est  aimé  seul,  et  toutes  choses  pour  soi,  c'est-à-dire  infi- 
niment. Voilà  l'origine  de  l'amour-propre.  Il  était  naturel  à 
Adam,  et  juste  en  son  innocence;  mais  il  est  devenu  et  cri- 
minel et  immodéré,  ensuite  de  son  péché. 

Voilà  la  source  de  cet  amour,  et  la  cause  de  sa  défectuosité 
et  de  son  excès.  Il  en  est  de  même  du  désir  de  dominer,  de  la 
paresse,  et  des  autres.  L'application  en  est  aisée.  Venons  à 
notre  seul  sujet.  L'horreur  de  la  mort  était  naturelle  à  Adam 
innocent,  parce  que  sa  vie  étant  très-agréable  à  Dieu,  elle  de- 
vait être  agréable  à  Fhomme  ;  et  la  mort  était  horrible  lors- 
qu'elle finissait  une  vie  conforme  à  la  volonté  de  Dieu.  Depuis 
l'homme  ayant  péché,  sa  vie  est  Cevenue  corrompue,  son 
corps  et  son  âme  ennemis  l'un  de  l'autre,  et  tous  deux  de  Dieu. 
Cet  horrible  changement  ayant  infecté  une  si  sainte  vie,  l'a- 
mour de  la  vie  est  néanmoins  demeuré;  et  l'horreur  de  la 
mort  étant  restée  pareille,  ce  qui  était  juste  en  Adam  est  in- 
juste et  criminel  en  nous. 

Voilà  l'origine  de  l'horreur  delà  mort,  et  la  cause  de  sa  dé- 
fectuosité. Éclairons  donc  l'erreur  de  la  nature  par  la  lumière 
de  la  foi.  L'horreur  de  la  mort  est  naturelle,  mais  c'est  en  l'é- 
tat d'innocence;  la  mort  à  la  vérité  est  horrible,  mais  c'est 
quand  elle  finit  une  vie  toute  pure.  Il  était  juste  de  la  haïr, 
quand  elle  séparait  une  âme  sainte  d'un  corps  saint  ;  mais  il 
est  juste  de  l'aimer,  quand  elle  sépare  une  âme  sainte  d'un 


1.  «  Loin  de  nous  l'insupportable  folie,  comme  l'appelle  saint  Augustin,  de  croire  qu'on 
puisse  ne  se  pas  aimer,  ni  s'aimer  sans  désirer  d'être  heureux,  »  Bossuet,  Avertisse- 
ment sur  ses  écrits  concernant   es  Maximes  des  saints. 


LETTRE  SUR  U  MORT  DE  M.   PASCAL  LE  PÈRE.  213 

corps  impur.  Il  était  juste  de  la  fuir,  quand  elle  rompait  la 
paix  entre  l'âme  et  le  corps;  mais  non  pas  quand  elle  en  calme 
la  dissension  irréconciliable.  Enlin  quand  elle  affligeait  un  corps 
innocent,  quand  elle  ôtait  au  corps  la  liberté  d'honorer  Dieu, 
quand  elle  séparait  de  l'âme  un  corps  soumis  et  coopérateur  à 
ses  volontés,  quand  elle  finissait  tous  les  biens  dont  l'homme 
est  capable,  il  était  juste  de  l'abhorrer  -,  mais  quand  elle  finit 
une  vie  impure,  quand  elle  ôte  au  corps  la  liberté  de  pécher, 
quand  elle  délivre  l'âme  d'un  rebelle  très-puissant  et  contre- 
disant tous  les  motifs  de  son  salut,  il  est  très-injuste  d'on 
conserver  les  mêmes  sentiments. 

Ne  quittons  donc  pas  cet  amour  que  la  nature  nous  a  donné 
pour  la  vie,  puisque  nous  l'avons  reçu  de  Dieu;  mais  que  ce 
soit  pour  la  même  vie  pour  laquelle  Dieu  nous  l'a  donné,  et 
non  pas  pour  un  objet  contraire.  En  consentant  à  l'amour 
qu'Adam  avait  pour  sa  vie  innocente,  et  que  Jésus-  Christ 
même  a  eu  pour  la  sienne,  portons-nous  à  haïr  une  vie  con- 
traire à  celle  que  Jésus-Christ  a  aimée,  et  à  n'appréhender 
que  la  mort  que  Jésus-Christ  a  appréhendée,  qui  arrive  à  un 
corps  agréable  à  Dieu  ;  mais  non  pas  à  craindre  une  mort  qui, 
punissant  un  corps  coupable,  et  purgeant  un  corps  vicieux,  doit 
nous  donner  des  sentiments  tout  contraires,  si  nous  avons  un 
peu  de  foi,  d'espérance  et  de  charité. 

C'est  un  des  grands  principes  du  christianisme,  que  tout  ce 
qui  est  arrivé  à  Jésus-Christ  doit  se  passer  dans  l'âme  et  dans 
le  corps  de  chaque  chrétien:  que  comme  Jésus-Christ  a  souf- 
fert durant  sa  vie  mortelle,  est  mort  à  cette  vie  mortelle,  est 
ressuscité  d'une  nouvelle  vie,  est  monté  au  ciel,  et  sied  à  la 
droite  du  Père  ;  ainsi  le  corps  et  l'âme  doivent  souffrir,  mourir, 
ressusciter,  monter  au  ciel,  et  seoir  à  la  dextre  *.  Toutes  ces 
choses  s'accomplissent  en  l'âme  durant  cette  vie,  mais  non 
pas  dans  le  corps.  L'âme  souffre  et  meurt  au  péché  dans  la  pé- 
nitence et  dans  le  baptême;  l'âme  ressuscite  à  une  nouvelle  vie 
dans  le  même  baptême  ;  l'âme  quitte  la  terre  et  monte  au  ciel 
à  l'heure  de  la  mort,  et  sied  à  la  droite  au  temps  où  Dieu  l'or- 
donne 2.  Aucune  de  ces  choses  n'arrive  dans  le  co-ps  durant 

^.  Allusion  aux  mots  du  psaume,  Sede  a  dextris  mets,  Ps.  cix. 

2.  Par  cette  expression,  Pascal  réserve  le  temps  des  peines  du  Purgatoire,  que  l'ûrae 
du  fidèle  peu*  avoir  encore  à  souffrir  avant  de  jouir  de  la  gloire  de  Dieu. 


244  OPDSCULES  DE  PASCAt 

cette  vie;  mais  les  mêmes  choses  s'y  passent  ensuite.  Car,  à  la 
mort,  le  corps  meurt  à  sa  vie  mortelle,  au  jugement,  il  ressus- 
citera à  une  nouvelle  vie  ;  après  le  jugement,  il  montera  au 
ciel,  et  seoira  à  la  droite.  Ainsi  les  mêmes  choses  arrivent  au 
corps  et  à  l'âme,  mais  en  différents  temps;  et  les  changements 
du  corps  n'arrivent  que  quand  ceux  de  l'âme  sont  accomplis, 
c'est-à-dire  à  l'heure  de  la  mort  ;  de  sorte  que  la  mort  est  le 
couronnement  de  la  béatitude  de  l'âme,  et  le  commencement 
de  la  béatitude  du  corps. 

Voilà  les  admirables  conduites  de  la  sagesse  de  Dieu  sur  le 
salut  des  saints;  et  saint  Augustin  nous  apprend  sur  ce  sujet 
que  Dieu  en  a  disposé  de  la  sorte,  de  peur  que  si  le  corps  de 
l'homme  fût  mort  et  ressuscité  pour  jamais  dans  le  baptême, 
on  ne  fût  entré  dans  l'obéissance  de  l'Évangile  que  par  l'amour 
de  la  vie  ;  au  lieu  que  la  grandeur  de  la  foi  éclate  bien  davan- 
tage lorsque  l'on  tend  à  l'immortalité  par  les  ombres  de  la 
mort1. 

Voilà  certainement  quelle  est  notre  créance,  et  la  foi  que 
nous  professons  ;  et  je  crois  qu'en  voilà  plus  qu'il  n'en  faut 
pour  aider  vos  consolations  par  mes  petits  efforts.  Je  n'entre- 
prendrais pas  de  vous  porter  ce  secours  de  mon  propre,  mais 
comme  ce  ne  sont  que  des  répétitions  de  ce  que  j'ai  appris,  je 
le  fais  avec  assurance  en  priant  Dieu  de  bénir  ces  semences,  et 
de  leur  donner  de  l'accroissement,  car  sans  lui  nous  ne  pouvons 
rien  faire,  et  ses  plus  saintes  paroles  ne  prennent  point  en  nous, 
comme  il  l'a  dit  lui-même3. 

Ce  n'est  pas  que  je  souhaite  que  vous  soyez  sans  ressentiment. 
Le  coup  est  trop  sensible  ;  il  serait  même  insupportable  sans 
un  secours  surnaturel.  Il  n'est  donc  pas  juste  que  nous  soyons 
sans  douleur,  comme  des  anges  qui  n'ont  aucun  sentiment  de 
la  nature;  mais  il  n'est  pas  juste  aussi  que  nous  soyons  sans 
consolation,  comme  des  païens  qui  n'ont  aucun  sentiment  de 
la  grâce;  mais  il  est  juste  que  nous  soyons  affligés  et  consolés 
comme  chrétiens,  et  que  la  consolation  de  la  grâce  l'emporte 
par-dessus  les   sentiments   de  la  nature  ;  que   nous  disions 

1.  De  Civ.  Dei,  XIII,  4. 

2.  Pascal  parait  avoir  dans  la  pensée  la  parabole  du  chapitre  iv  de  Marc,  qu'il  inter- 
prète conformément  à  la  dootnue  de  la  gràot» 


LETTRE  SUR  LA  MORT  DE  M.  PASCAL  LE  PÈRE  245 

comme  les  apôtres  :  «  Nous  sommes  persécutés  et  nous  bénis- 
sons *,  »  afin  que  la  grâce  soit  non-seulement  en  nous,  mais 
victorieuse  en  nous;  qu'ainsi,  en  sanctifiant  le  nom  de  notre 
Père,  sa  volonté  soit  faite  la  nôtre  ;  que  sa  grâce  règne  et 
domine  sur  la  nature,  et  que  nos  afflictions  soient  comme  la 
matière  d'un  sacrifice  que  sa  grâce  consomme  et  anéantisse 
pour  la  gloire  de  Dieu  ;  et  que  ces  sacrifices  particuliers  hon- 
norent  et  préviennent  le  sacrifice  universel  où  la  nature  entière 
doit  être  consommée  par  la  puissance  de  Jésus-Christ.  Ainsi 
nous  tirerons  avantage  de  nos  propres  imperfections,  puis- 
qu'elles serviront  de  matière  à  ces  holocaustes;  car  c'est  le  but 
des  vrais  chrétiens  de  profiter  de  leurs  propres  imperfections, 
parce  que  «  tout  coopère  en  bien  pour  les  élus  *.  » 

Et  si  nous  y  prenons  garde  de  près,  nous  trouverons  de 
grands  avantages  pour  notre  édification,  en  considérant  la 
chose  dans  la  vérité  comme  nous  avons  dit  tantôt.  Car,  puis- 
qu'il est  véritable  que  la  mort  du  corps  n'est  que  l'image  de 
celle  de  l'âme,  et  que  nous  bâtissons  sur  ce  principe,  qu'en 
cette  rencontre  nous  avons  tous  les  sujets  possibles  de  bien  es- 
pérer de  son  salut,  il  est  certain  que  si  nous  ne  pouvons  arrêter 
le  cours  du  déplaisir,  nous  en  devons  tirer  ce  profit  que,  puisque 
la  mort  du  corps  est  si  terrible  qu'elle  nous  cause  de  tels  mou- 
vements, celle  de  l'âme  nous  en  devrait  bien  causer  de  plus 
inconsolables.  Dieu  nous  a  envoyé  la  première;  Dieu  a  détour- 
né la  seconde.  Considérons  donc  la  grandeur  de  nos  biens  dans 
la  grandeur  de  nos  maux,  et  que  l'excès  de  notre  douleur  soit 
la  mesure  de  celle  de  notre  joie. 

Il  n'y  a  rien  qui  la  puisse  modérer,  sinon  la  crainte  qu'il  ne 
languisse  pour  quelque  temps  dans  les  peines  qui  sont  destinées 
à  purger  le  reste  des  péchés  de  cette  vie  ;  et  c'est  pour  fléchir 
la  colère  de  Dieu  sur  lui  que  nous  devons  soigneusement  nous 
employer.  La  prière  et  les  sacrifices  sont  un  souverain  remède 
à  ses  peines.  Mais  j'ai  appris  d'un  saint  homme  dans  notre 
affliction  qu'une  des  plus  solides  et  plus  utiles  charités  envers 
les  morts  est  de  faire  les  choses  qu'ils  nous  ordonneraient  s'ils 
étaient  encore  au  monde,  et  de  pratiquer  les  saints  avis  qu'ils 

1.  I  Cor.,  iv,  12.  Le  texte  dit  :  «  On  nous  mauda,  et  nous  bénissons;  on  nous  persa- 
cute,  et  nous  savons  souffrir,  »  etc. 

2.  C'est  une  parole  de  Paul,  fiom.f  vrit,  2}# 


246  OPUSCULES  DE  PASCAL 

nous  ont  donnes,  et  de  nous  mettre  pour  eux  en  l'état  auquel 
ils  nous  souhaitent  à  présent.  Par  cette  pratique,  nous  les  fai- 
sons revivre  en  nous  en  quelque  sorte,  puisque  ce  sont  leurs 
conseils  qui  sont  encore  vivants  et  agissants  en  nous  ;  et  comme 
les  hérésiarques  sont  punis  en  l'autre  vie  des  péchés  auquels 
ils  ont  engagé  leurs  sectateurs,  dans  lesquels  leur  venin  vit 
encore,  ainsi  les  morts  sont  récompensés,  outre  leur  propre 
mérite,  pour  ceux  auquels  ils  ont  donné  suite  par  leurs  conseils 
et  par  leur  exemple. 

Faisons-le  donc  revivre  devant  Dieu  en  nous  de  tout  notre 
pouvoir;  et  consolons-nous  en  l'union  de  nos  cœurs,  dans  la- 
quelle il  me  semble  qu'il  vit  encore,  et  que  notre  réunion  nous 
rend  en  quelque  sorte  sa  présence,  comme  Jésus-Christ  se 
rond  présent  en  l'assemblée  de  ses  Fidèles. 

Je  prie  Dieu  de  former  et  maintenir  en  nous  ces  sentiments, 
et  de  continuer  ceux  qu'il  me  semble  qu'il  me  donne,  d'avoir 
pour  vous  et  pour  ma  sœur  plus  de  tendresse  que  jamais  ;  car 
il  me  semble  que  l'amour  que  nous  avions  pour  mon  père  ne 
doit  pas  être  perdu,  et  que  nous  en  devons  faire  une  réfusion 
sur  nous-mêmes,  et  que  nous  devons  principalement  hériter 
de  l'affection  qu'il  nous  portait,  pour  nous  aimer  encore  plus 
cordialement  s'il  est  possible. 

Je  prie  Dieu  de  nous  fortifier  dans  ces  résolutions,  et  sur 
cette  espérance  je  vous  conjure  d'agréer  que  je  vous  donne  un 
avis  que  vous  prendriez  bien  sans  moi;  mais  je  ne  laisserai  pas 
de  le  faire.  C'est  qu'après  avoir  trouvé  des  sujets  de  consolation 
pour  sa  personne,  nous  n'en  venions  point  à  manquer  pour  la 
nôtre,  par  les  prévoyances  des  besoins  et  des  utilités  que  nous 
aurions  de  sa  présence. 

C'est  moi  qui  y  suis  le  plus  intéressé.  Si  je  l'eusse  perdu  il 
y  a  six  ans,  je  me  serais  perdu1,  et  quoique  je  croie  en  avoir  à 
présent  une  nécessité  moins  absolue,  je  sais  qu'il  m'aurait  été 
encore  nécessaire  dix  ans,  et  utile  toute  ma  vie.  Mais  nous  de- 
vons espérer  que  Dieu  l'ayant  ordonné  en  tel  temps,  en  tel  lieu, 


1.  Cette  lettre  est  de  1651.  Six  ans  pins  tôt,  c'est-à  dire  en  1645,  l'accident  qui  amena 
chez  Etienne  Pascal  les  deux  saints  gentilshommes  par  qui  se  communiqua  à  toute  a 
famille  l'impression  de  la  grâce  n'était  $>as  arrivé.  Voir  les  Remarques  sur  la  Vie  de 
Pascal,  page  cm  de  l'Introduction. 


REMARQUES  SUR  LA  LETTRE  DE   PASCAL  247 

en  telle  manière,  sans  doute  c'est  le  plus  expédient  pour  sa 
gloire  et  pour  notre  salut. 

Quelque  étrange  que  cela  paraisse,  je  crois  qu'on  en  doit  es- 
timer de  la  sorte  en  tous  les  événements,  et  que,  quelque  sinis- 
tres qu'ils  nous  paraissent,  nous  devons  espérer  que  Dieu  en  ti- 
rera la  source  de  notre  joie  si  nous  lui  en  remettons  la  con- 
duite. Nous  connaissons  des  personnes  de  condition  qui  ont 
appréhendé  des  morts  domestiques  que  Dieu  a  peut-être  dé- 
tournées à  leur  prière,  qui  ont  été  cause  ou  occasion  de  tant  de 
misères,  qu'il  serait  à  souhaiter  qu'ils  n'eussent  pas  été  exaucés. 

L'homme  est  assurément  trop  infirme  pour  pouvoir  juger 
sainement  de  la  suite  des  choses  futures.  Espérons  donc  en 
Dieu,  et  ne  nous  fatiguons  pas  par  des  prévoyances  indiscrètes 
et  téméraires.  Remettons-nous  à  Dieu  pour  la  conduite  de  nos 
vies,  et  que  le  déplaisir  ne  soit  pas  dominant  en  nous. 

Saint  Augustin  nous  apprend  qu'il  y  a  dans  chaque  homme 
un  serpent,  une  Eve  et  un  Adam  *.  Le  serpent  sont  les  sens  et 
notre  nature,  l'Eve  est  l'appétit  concupiscible,  et  l'Adam  est  la 
raison.  La  nature  nous  tente  continuellement,  l'appétit  concu- 
piscible désire  souvent  ;  mais  le  péché  n'est  pas  achevé,  si  la 
raison  ne  consent.  Laissons  donc  agir  ce  serpent  et  cette  Eve, 
si  nous  ne  pouvons  l'empêcher-,  mais  prions  Dieu  que  sa  grâce 
fortifie  tellement  notre  Adam  qu'il  demeure  victorieux  ;  et  que 
Jésus-Christ  en  soit  vainqueur,  et  qu'il  règne  éternellement 
en  nous.  Amen. 


REMARQUES    SUR    LA    LETTRE    DE    PASCAL    A    L'OCCASION 
DE    LA   MORT    DE  SON    PÈRE. 

L'esprit  janséniste,  avec  ce  qu'il  y  a  de  plus  contraire  à  la  nature, 
n'est  pas  moins  marqué  dans  cette  Lettre  que  dans  la  Prière.  Nous  li- 
sions tout  à  l'heure  qu'il  faut  prendre  garde  d'estimer  la  santé  un  bien. 
Nous  apprenons  maintenant  que  c'est  une  erreur  de  croire  la  mort  natu- 
relle à  l'homme  !  Gicéron  disait  au  Sénat  romain,  à  propos  de  l'opinion 
de  César  qui  ne  voulait  pas  qu'on  prononçât  la  mort  contre  les  com- 
plices de  Catilina  :  «  Il  sait  que  la  mort  n'a  pas  été  établie  par  les 
dieux  comme  un  châtiment,  mais  comme  une  nécessité  de  notre  nature, 

i.  Daas  ses  livre»  de  Genesi  contra  M<m\Ghçeo*,  il,  *tf» 


2IS  OPUSCULES  DE  PASCAL 

ou  comme  un  terme  où  nous  nous  reposons  de  nos  peines  et  de  nos 
misères  (ive  Catilinaire,  4).  »  Cicéron,  suivant  Pascal,  était  aveuglé; 
cotte  nécessité  n'est  entrée  dans  le  monde  que  par  le  péché  originel, 
et  sans  le  péché  originel,  la  vie  n'aurait  pas  abouti  tout  naturellement 
à  la  mort.  Il  faut  expliquer  ces  choses-là  à  notre  siècle,  à  qui  il  est 
aussi  malaisé  de  les  comprendre  que  de  les  croire.  Nous  sommes  tous 
aujourd'hui,  que  nous  le  sachions  ou  non,  naturalistes,  sur  la  vie 
comme  sur  la  mort.  Nous  avons  lu  Buffon  et  sa  lumineuse  analyse  : 

«  Toutes  les  causes  de  dépérissement  que  nous  venons  d'indiquer, 
agissent  continuellement  sur  notre  être  matériel  et  le  conduisent  peu  à 
peu  à  sa  dissolution  :  la  mort,  ce  changement  d'état  si  marqué,  si  re- 
douté, n'est  donc  dans  la  nature  que  la  dernière  nuance  d'un  état  pré- 
cédent; la  succession  nécessaire  du  dépérissement  de  notre  corps 
amène  ce  degré,  comme  tous  les  autres  qui  ont  précédé  ;  la  vie  com- 
mence à  s'éteindre  longtemps  avant  qu'elle  s'éteigne  entièrement,  et 
dans  le  réel  il  y  a  peut-être  plus  loin  de  la  caducité  à  la  jeunesse  que 
de  la  décrépitude  à  la  mert  ;  car  on  ne  doit  pas  ici  considérer  la  vie 
comme  une  chose  absolue,  mais  comme  une  quantité  susceptible 
d'augmentation  et  de  diminution.  Dans  l'instant  de  la  formation  du 
fœtus,  cette  vie  corporelle  n'est  encore  rien  ou  presque  rien  ;  peu  à 
peu  elle  augmente,  elle  s'étend,  elle  acquiert  de  la  consistance  à  me- 
sure que  le  corps  croît,  se  développe  et  se  fortifie  ;  dès  qu'il  commence 
à  dépérir,  la  quantité  de  vie  diminue  ;  enfin,  lorsqu'il  se  courbe,  se  des- 
sèche et  s'affaisse,  elle  décroît,  elle  se  resserre,  elle  se  réduit  à  rien  : 
nous  commençons  de  vivre  par  degrés,  et  nous  finissons  de  mourir 
comme  nous  commençons  de  vivre.  » 

Combien  d'hommes  ayant  lu  ces  choses  et  en  ayant  été  nourris  des 
la  jeunesse,  combien,  même  parmi  ceux  qui  se  disent  et  se  croient 
chrétiens,  peuvent  encore  considérer  la  mort  d'une  personne  aimée 
comme  une  suite  indispensable,  inévitable,  juste,  sainte,  utile  au  bien 
del' Eglise  et  a  V exaltation  du  nom  et  de  la  grandeur  de  Dieu,  d'un  ar- 
rêt éternel  de  sa  providence  ?  Ces  idées  sont  bien  loin  de  nous,  et  déjà 
elles  étaient  bien  loin  de  Montaigne  et  de  Descartes. 

La  plupart  des  idées  fausses  sont  en  même  temps  des  idées  mauvai- 
ses, et  ce  qui  est  contre  la  nature  est  aussi  contre  l'humanité.  Il  est 
triste  de  lire,  au  milieu  des  consolations  d'un  frère  à  sa  sœur,  cette 
mention  froide  et  dure  des  hérésiarques,  punis  en  Vautre  vie  des  pé- 
chés auxquels  ils  ont  engagé  leurs  sectateurs,  et  de  voir  que  cette  joie 
orgueilleuse  d'un  homme  qui  se  croit,  lui  et  les  siens,  du  nombre  des 
élus,  n'est  troublée  en  rien  par  la  pensée  de  tant  d'hommes  ses  sem- 
blables, éternellement  condamnés.  Joie  d'ailleurs  assez  mal  fondée  et 


REMARQUES  SUR   LA   LETTRE   DE   PASCAL 
peu  conséquente.  «  Nous  avons,  dit  Pascal,  tous  les  sujets  possibles  de 
bien  espérer  de  son  salut  »,  et  il  conclut  :  «  Considérons  donc  la  gran- 
deur de  nos  biens  dans  la  grandeur  de  nos  maux,  et  que  l'excès  de  no- 
tre douleur  soit  la  mesure  de  celle  de  notre  joie.  » 

Mais  pour  éprouver  cette  joie  immense,  est-ce  donc  assez  d'avoir 
tous  les  sujets  possibles  de  bien  espérer?  Celui  qui  espère,  craint  encore 
par  cela  même;  mais  qu'une  telle  crainte  est  horrible  !  Pascal  s'aban- 
donnant  à  son  respect  et  à  sa  tendresse  de  fils,  semble  mettre  la  main 
devant  ses  yeux  pour  se  dérobera  lui-môme  l'effrayante  rigueur  du 
dogme.  Elle  subsiste  cependant,  elle  force  d'avouer  qu'aucun  enfant 
ne  peut  être  assuré  du  salut  de  son  père  ;  aucun  père,  aucune  mère, 
de  celui  de  son  enfant. 

Voici  une  pensée  beaucoup  plus  touchante,  parce  qu'elle  est  hu- 
maine, et  dont  M.  Sainte-Beuve  s'est  souvenu  dans  son  livre  intitulé  : 
Chateaubriand  et  son  groupe,  t.  Ier,  page  282.  Ayant  dit  que  pour  tout 
ce  qui  ne  se  rattache  pas  directement  à  son  idéal  moral,  le  christia- 
nisme ne  s'enquiert  point  de  la  poésie,  il  ajoute  en  note  : 

«  Là  même  où  à  la  réflexion  la  beauté  morale  l'emporte,  notez  quo  la 
poésie  naturelle  n'y  gagne  pas  toujours.  En  voici  un  exemple  qui  me 
vient  à  l'esprit  et  qui  est  frappant.  C'est  au  IVe  livre  de  V Odyssée, 
dans  cette  admirable  scène  de  l'arrivée  de  Télémaque  chez  Ménélas, 
quand  tout  le  monde  pleure,  les  uns  et  les  autres  au  souvenir  des  mal- 
heurs qu'ils  ont  soufferts,  Hélène  plus  particulièrement,  en  repentir  de 
ceux  qu'elle  a  causés.  Le  fils  de  Nestor  à  son  tour,  Pisistrate,  se  met  à 
pleurer  en  pensant  à  son  frère  Antiloque,  tué  devant  Troie;  mais  il 
fait  naïvement  remarquer  qu'il  vaudrait  mieux  remettre  au  lende- 
main les  larmes  et  ne  pas  s'affliger  au  milieu  du  festin  :  Demain,  il 
sera  bon  de  pleurer,  car  enfin,  dit-il,  le  seul  hommage  que  nous  puissions 
offrir  aux  malheureux  morts,  c'est  de  couper  notre  chevelure  et  d'inon- 
der notre  joue  de  larmes.  Conclusion  touchante  et  naturelle,  qui  expri- 
me à  la  fois  la  vivacité  et  l'impuissance  de  la  douleur  humaine.  Que 
dit  Pascal,  au  contraire,  au  sujet  de  la  mort  de  son  père?  «  La  prière  et 
les  sacrifices  sont  un  souverain  remède  à  leurs  peines;  mais  une  des 
plus  solides  et  des  plus  utiles  charités  envers  les  morts  est  défaire  les 
choses  qu'ils  nous  ordonneraient  s'il  revenaient  au  monde,  et  de  nous 
mettre  pour  eux  en  l'état  auquel  ils  nous  souhaitent  à  présent.  Par  cette 
pratique,  nous  les  faisons  revivre  en  nous  â.  L'autre  mot  n'était  que 
touchant,  celui-ci  est  d'une  tout  autre  valeur,  mais  dans  l'ordre  moral, 
remarquez-le,  non  pas  dans  l'ordre  poétique.  Il  n'y  a  rien  là  qui  émeuve 
tout  d'abord,   et  de  premier  mouvement;  il  faut,  pour  en  sentir  la 

4.  C'est  le  texte  de  l'cditioa  de  Port-Knyul. 


-50  OPUSCULES  DE  PASCAL 

beauté,  être  déjà  soi-même  une  âme  plus  que  naturelle,  une  âme  tra* 
vaillée  par  le  christianisme.  » 

Ne  pourrait-on  pas  répondre  que  l'ordre  moral  a  aussi  sa  poésie,  et 
donner  en  preuve  le  poëme  de  Monsieur  Jean  (des  Pensées  d'août) , 
composition  originale  et  pénétrante,  dont  le  thème  est  ce  passage 
même  de  Pascal,  que  l'auteur  a  pris  pour  épigraphe? 

«  Pour  considérer  ce  que  c'est  que  la  mort,  et  la  mort  en  Jésus- 
Christ,  il  faut  voir  quel  rang  elle  tient  dans  un  sacrifice,  etc.  »  Ce 
n'est  pas  dans  l'Écriture  que  Pascal  a  pris  cette  anatomie  de  tout  ce 
qui  constitue  un  sacrifice,  et  cette  allégorie  poursuivie  à  travers  les 
détails  les  plus  subtils  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  épuisée.  Il  emprunte 
beaucoup  sans  doute  à  la  Lettre  aux  Hébreux,  comprise  parmi  les  Let- 
tres de  Paul,  mais  qui  n'est  ni  de  lui  ni  de  son  temps,  et  dont  la  théo- 
logie offre  un  caractère  tout  particulier.  Il  est  bien  dit,  soit  dans  Paul 
lui-même,  soit  surtout  dans  la  Lettre  aux  Hébreux,  que  les  sacrifices 
de  l'ancienne  loi  étaient  des  figures  du  vrai  sacrifice  que  Jésus-Christ, 
sacrificateur  perpétuel,  a  accompli  par  sa  mort,  et  après  lequel  il  s'est 
assis  à  la  droite  de  Dieu  ;  mais  il  n'est  pas  dit  que  la  gloire  de  Dieu 
consuma  le  corps  mortel  de  Jésus-Christ,  comme  le  feu  du  ciel  avait 
consumé  le  sacrifice  d'Élie,  ni  que  la  fumée  qui  s'élevait  des  victimes 
figurait  Jésus-Christ  s'élevant  au  ciel  dans  l'ascension,  ni  que  l'air  qui 
emportait  la  fumée,  figurait  le  Saint-Esprit  emportant  Jésus,  etc. 

Tous  ces  raffinements  bizarres  viennent  d'ailleurs,  s'ils  ne  sont  de 
Pascal  lui-même.  Ils  nous  paraissent  bien  froids,  et  rendent  cette  Letr- 
tre  peu  touchante,  malgré  l'intérêt  du  sujet. 

Mais  la  théologie  d'alors  se  nourrissait  volontiers  de  ces  curiosités 
mystiques.  Elles  abondent  encore  dans  les  sermons  de  Bossuet,  qui  sont 
à  peu  près  du  temps  de  Pascal.  On  voit  cependant,  par  Bossuet  même, 
que  le  goût  public  commençait  à  s'en  éloigner.  Il  parle,  dans  son  pre- 
mier Sermon  pour  le  jour  de  Pâques,  de  certains  esprits  délicats,  qui 
reconnaissent  que  ces  vérités  sont  fort  excellentes,  mais  il  leur  semble 
que  cette  morale  est  trop  raffinée,  qu'il  faut  renvoyer  ces  subtilités 
dans  les  cloîtres,  pour  servir  de  matière  aux  méditations  de  ces  per- 
sonnes dont  les  âmes  se  sont  plus  épurées  dans  la  solitude.  Pour  nous, 
diront-ils,  nous  avons  peine  à  goûter  toute  cette  mystagogie,  »  etc. 
Dans  le  Sermon  pour  le  jour  de  l'Ascension,  adressé,  il  est  vrai,  à  des 
religieuses,  il  prend  pour  texte  les  mêmes  chapitres  de  la  Lettre  aux 
Hébreux  auxquels  s'attache  ici  Pascal  ;  et  sans  raffiner  autant  que 
lui,  sans  même  ajouter  précisément  au  texte,  il  appuie  sur  tous  lesdé- 
ttiijs,  et  les  commente  avec  une  complaisance  qui  nous  étonne. 


DISCOURS 

SUR    LES    PASSIONS    DE    L'AMOUR». 


L'homme  est  né  pour  penser*;  aussi  n'est-il  pas  un  moment 
sans  le  faire  ;  mais  les  pensées  pures,  qui  le  rendraient  heu- 
reux s'il  pouvait  toujours  les  soutenir,  le  fatiguent  et  l'abattent. 
C'est  une  vie  unie  à  laquelle  il  ne  peut  s'accommoder;  il  lui 
faut  du  remuement  et  de  l'action,  c'est-à-dire  qu'il  est  néces- 
saire qu'il  soit  quelquefois  agité  des  passions,  dont  il  sent  dans 
son  cœur  des  sources  si  vives  et  si  profondes. 

Les  passions  qui  sont  les  plus  convenables  à  l'homme,  et 
qui  en  renferment  beaucoup  d'autres,  sont  l'amour  et  l'ambi- 
tion ;  elles  n'ont  guère  de  liaison  ensemble,  cependant  on  les 
allie  assez  souvent;  mais  elles  s'affaiblissent  l'une  l'autre  réci- 
proquement, pour  ne  pas  dire  qu'elles  se  ruinent. 

Quelque  étendue  d'esprit  que  l'on  ait,  l'on  n'est  capable  que 
d'une  grande  passion  ;  c'est  pourquoi  quand  l'amour  et  l'am- 
bition se  rencontrent  ensemble,  elles  ne  sont  grandes  que  de  la 
moitié  de  ce  qu'elles  seraient  s'il  n'y  avait  que  l'une  ou  l'au- 
tre. L'âge  ne  détermine  point,  ni  le  commencement,  ni  la  fin 
de  ces  deux  passions;  elles  naissent  dès  les  premières  années, 
et  elles  subsistent  bien  souvent  jusqu'au  tombeau.  Néanmoins, 
comme  elles  demandent  beaucoup  de  feu,  les  jeunes  gens  y 
sont  plus  propres,  et  il  semble  qu'elles  se  ralentissent  avec 
les  années  :  cela  est  pourtant  fort  rare. 

La  vie  de  l'homme  est  misérablement  courte.  On  la  compte 
depuis  la  première  entrée  dans  le  monde;  pour  moi  je  ne  vou- 

i.  Voir  les  Remarques  sur  la  Vie  de  Pascal,  page  civ  de  l'Introduction.  —  Les  passions, 
et  non  pas ,  la  passion.  Les  passions,  ce  sont  les  accidents,  les  symptômes,  Ta  nâ.Bi\. 
C'est  une  espèce  de  pathologie  morale  de  l'amour. 

2.  Voyez  le  fragment  o3  de  l'article  Xiiv:«  L'homme  est  visiblement  fait  pour  penser.» 


25?  OPUSCULES  DE  PASCAL 

drais  la  compter  que  depuis  la  naissance  de  la  raison,  et 
depuis  qu'on  commence  à  être  ébranlé  par  la  raison,  ce  qui 
n'arrive  pas  ordinairement  avant  vingt  ans.  Devant  ce  temps 
l'on  est  enfant,  et  un  enfant  n'est  pas  un  homme. 

Qu'une  vie  est  heureuse  quand  elle  commence  par  l'amour  et 
qu'elle  finit  par  l'ambition  !  Si  j'avais  à  en  choisir  une,  je  pren- 
drais celle-là.  Tant  que  l'on  a  du  feu,  l'on  est  aimable  ;  mais  ce 
feu  s'éteint,  il  se  perd;  alors  que  la  place  est  belle  et  grande 
pour  l'ambition!  La  vie  tumultueuse  est  agréable  aux  grands 
esprits,  mais  ceux  qui  sont  médiocres  n'y  ont  aucun  plaisir; 
ils  sont  machines  partout.  C'est  pourquoi,  l'amour  et  l'ambition 
commençant  et  finissant  la  vie,  on  est  dans  l'état  le  plus  heu- 
reux dont  la  nature  humaine  est  capable. 

A  mesure  que  l'on  a  plus  d'esprit,  les  passions  sont  plus 
grandes  ;  parce  que  les  passions  n'étant  que  des  sentiments  et 
des  pensées  qui  appartiennent  purement  à  l'esprit,  quoiqu'elles 
soient  occasionnées  par  le  corps,  il  est  visible  qu'elles  ne  sont 
plus  que  l'esprit  même,  et  qu'ainsi  elles  remplissent  toute  sa 
capacité.  Je  ne  parle  que  des  passions  de  feu,  car  pour  les 
autres,  elles  se  mêlent  souvent  ensemble,  et  causent  une  con- 
fusion très -incommode;  mais  ce  n'est  jamais  dans  ceux  qui  ont 
de  l'esprit.  Dans  une  grande  âme  tout  est  grand. 

L'on  demande  s'il  faut  aimer.  Cela  ne  se  doit  pas  demander, 
on  le  doit  sentir.  L'on  ne  délibère  point  là-dessus,  l'on  y  est 
porté,  et  l'on  a  le  plaisir  de  se  tromper  quand  on  consulte. 

La  netteté  d'esprit  cause  aussi  la  netteté  de  la  passion  ; 
c'est  pourquoi  un  esprit  grand  et  net  aime  avec  ardeur,  et  il 
voit  distinctement  ce  qu'il  aime. 

Il  y  a  de  deux  sortes  d'esprits,  l'un  géométrique,  et  l'autre 
que  l'on  peut  appeler  de  finesse1.  Le  premier  a  des  vues  lentes, 
dures  et  inflexibles,  mais  le  dernier  a  une  souplesse  de  pensée 
qu'il  applique  en  même  temps  aux  diverses  parties  aimables  de 
ce  qu'il  aime.  Des  yeux  il  va  jusques  au  cœur,  et  par  le  mou- 
vement du  dehors  il  connaît  ce  qui  se  passe  au  dedans.  Quand 
on  a  l'un  et  l'autre  esprit  tout  ensemble,  que  l'amour  donne  de 
plaisir  !  Car  on  possède  à  la  fois  la  force  et  la  flexibilité  de  l'es- 

1.  On  se  rappelle  que  cette  distinction  est  le  sujet  d'un  long  fragment  des  Pensée» 
VIT,  2. 


DISCOURS  SUR   LES  PASSIONS  DR   T,\\Mmfa  255 

prit,  qui  est  très-nécessaire  pour  l'éloquence  de  deux  personnes. 

Nous  naissons  avec  un  caractère  d'amour  dans  nos  cœurs, 
qui  se  développe  à  mesure  que  l'esprit  se  perfectionne,  et  qui 
nous  porte  à  aimer  ce  qui  nous  paraît  beau  sans  que  l'on  nous  ait 
jamais  dit  ce  que  c'est.  Qui  doute  après  cela  si  nous  sommes 
au  monde  pour  autre  chose  que  pour  aimer  ?  En  effet,  on  a 
beau  se  cacher,  l'on  aime  toujours.  Dans  les  choses  même  où 
il  semble  que  l'on  ait  séparé  l'amour,  il  s'y  trouve  secrètement 
et  en  cachette,  et  il  n'est  pas  possible  que  l'homme  puisse  vivre 
un  moment  sans  cela. 

L'homme  n'aime  pas  à  demeurer  avec  soi ,  cependant  il  ai- 
me; il  faut  donc  qu'il  cherche  ailleurs  de  quoi  aimer.  Il  ne  le 
peut  trouver  que  dans  la  beauté;  mais  comme  il  est  lui-même 
la  plus  belle  créature  que  Dieu  ait  jamais  formée,  il  faut  qu'il 
trouve  dans  soi  même  le  modèle  de  cette  beauté  qu'il  cherche 
au  dehors.  Chacun  peut  en  remarquer  en  soi-même  les  pre- 
miers rayons  ;  et  selon  que  l'on  s'aperçoit  que  ce  qui  est  au 
dehors  y  convient  ou  s'en  éloigne,  on  se  forme  les  idées  de 
beau  ou  de  laid  sur  toutes  choses.  Cependant  quoique  l'homme 
cherche  de  quoi  remplir  le  grand  vide  qu'il  a  fait  en  sortant  de 
soi-même,  néanmoins  il  ne  peut  pas  se  satisfaire  par  toutes 
sortes  d'objets.  Il  a  le  cœur  trop  vaste,  il  faut  au  moins  que  ce 
soit  quelque  chose  qui  lui  ressemble,  et  qui  en  approche  le 
plus  près.  C'est  pourquoi  la  beauté  qui  peut  contenter  l'homme 
consiste  non  seulement  dans  la  convenance,  mais  aussi  dans 
la  ressemblance;  elle  la  restreint  et  elle  l'enferme  dans  la 
différence  du  sexe  4. 

La  nature  a  si  bien  imprimé  cette  vérité  dans  nos  âmes,  que 
nous  trouvons  cela  tout  disposé  ;  il  ne  faut  point  d'art  ni  d'é- 
tude ;  il  semble  même  que  nous  ayons  une  place  à  remplir  dans 
nos  cœurs  et  qui  se  remplit  effectivement.  Mais  on  le  sent  mieux 
qu'on  ne  le  peut  dire.  Il  n'y  a  que  ceux  qui  savent  brouiller  et 
mépriser  leurs  idées  qui  ne  le  voient  pas. 

Quoique  cette  idée  générale  de  la  beauté  soit  gravée  dans  le 
fond  de  nos  âmes  avec  des  caractères  ineffaçables,  elle  ne  laisse 
pas  de  recevoir  de  très-grandes  différences  dans  l'application 

1.  C'est-à-dire  que  la  beauté  consiste  en  la  ressemblance,  mais  en   une  ressemblance 
restreinte  et  enfermée  dans  la  différence  du  sexe,  assujettie  à  la  condition  de  cette  dif- 
férence. Elle,  c'est  la  beauté;  elle  la  restreint,  veut  dire,  elle  la  suppose  restreinte. 
H.  17 


754  OPUSCULES  DE  PASCAL 

particulière,  mais  c'est  seulement  pour  la  manière  d'envisager 
ce  qui  plaît.  Car  Ton  ne  souhaite  pas  nûment  une  beauté,  mais 
l'on  y  désire  mille  circonstances  qui  dépendent  de  la  disposi- 
tion où  l'on  se  trouve  ;  et  c'est  en  ce  sens  que  l'on  peut  dire  que 
chacun  a  l'original  de  sa  beauté,  dont  il  cherche  la  copie  dans 
le  grand  monde1.  Néanmoins  les  femmes  déterminent  sou- 
vent cet  original.  Gomme  elles  ont  un  empire  absolu  sur  l'es- 
prit des  hommes,  elles  y  dépeignent  ou  les  parties  des  beautés 
qu'elles  ont,  ou  celles  qu'elles  estiment,  et  elles  ajoutent  par 
ce  moyen  ce  qui  leur  plaît  à  cette  beauté  radicale.  C'est  pour- 
quoi il  y  a  un  siècle  pour  les  blondes,  un  autre  pour  les  bru- 
nes, et  le  partage  qu'il  y  a  entre  les  femmes  sur  l'estime  des 
unes  ou  des  autres  fait  aussi  le  partage  entre  les  hommes  dans 
un  même  temps  sur  les  unes  et  sur  les  autres.  La  mode  même  et 
les  pays  règlent  souvent  ce  que  l'on  appelle  beauté  *.  C'est  une 
chose  étrange  que  la  coutume  se  mêle  si  fort  de  nos  passions.  Cela 
n'emp  êche  pas  que  chacun  n'ait  son  idée  de  beauté  sur  laquelle 
il  juge  des  autres,  et  à  laquelle  il  les  rapporte;  c'est  sur  ce  prin- 
cipe qu'un  amant  trouve  sa  maîtresse  plus  belle,  et  qu'il  la 
propose  comme  exemple. 

La  beauté  est  partagée  en  mille  différentes  manières.  Le 
sujet  le  plus  propre  pour  la  soutenir, c'est  une  femme.  Quand 
elle  a  de  l'esprit,  elle  l'anime  et  la  relève  merveilleusement3. 
Si  une  femme  veut  plaire,  et  qu'elle  possède  les  avantages  de 
la  beauté,  ou  du  moins  une  partie,  elle  y  réussira;  et  même, 
si  les  hommes  y  prenaient  tant  soit  peu  garde,  quoiqu'elle  n'y 
tâchât  point,  elle  s'en  ferait  aimer.  Il  y  a  une  place  d'attente 
dans  leur  cœur  ;  elle  s'y  logerait. 

L'homme  est  né  pour  le  plaisir  :  il  le  sent,  il  n'en  faut  point 
d'autre  preuve.  Il  suit  donc  sa  raison  en  se  donnant  au  plai- 
sir. Mais  bien  souvent  il  sent  la  passion  dans  son  cœur  sans 
savoir  par  où  elle  a  commencé. 

Un  plaisir  vrai  ou  faux  peut  remplir  également  l'esprit.  Car 
qu'importe  que  ce  plaisir  soit  faux,  pourvu  que  l'on  soit  per- 
suadé qu'il  est  vrai? 

1.  Cette  expression  n'est-elle  pas  prise  ici  dans  un  autre  sens  qu'on  ne  la  prend  d'ordi- 
naire, pour  dire  simplement  le  grand  nombre,  la  foule  du  monde? 

2.  «  Comme  la  mode  fait  l'agrément,  aussi  fait-elle  la  justice.  »  vi,  5. 

3.  Elle  est  sans  doute  la  femme;  elle  anime  sa    beauté  par  son  esprit. 


DISCOURS  SUIt   LOS   PASSIONS   DE   l/.VMOUR  Ô5S 

A  force  de  parler  d'amour,  on  devient  amoureux.  Il  n'y  a 
rien  si  aisé.  C'est  la  passion  la  plus  naturelle  à  l'homme. 

L 'amour  n'a  point  d'âge;  il  est  toujours  naissant.  Les  poètes 
nous  l'ont  dit  ;  c'est  pour  cela  qu'ils  nous  le  représentent  comme 
un  enfant.  Mais  sans  lui  rien  demander,  nous  le  sentons1. 

L'amour  donne  de  l'esprit,  il  se  soutient  par  l'esprit.  Il  faut 
de  l'adresse  pour  aimer.  L'on  épuise  tous  les  jours  les  maniè- 
res de  plaire;  cependant  il  faut  plaire,  et  l'on  plait. 

Nous  avons  une  source  d'amour-propre  qui  nous  représente 
à  nous-mêmes  comme  pouvant  remplir  plusieurs  places  au  de- 
hors; c'est  ce  qui  est  cause  que  nous  sommes  bien  aises  d'ê- 
tre aimés.  Gomme  on  le  souhaite  avec  ardeur,  on  le  remarque 
bien  vite  et  on  le  reconnaît  dans  les  yeux  de  la  personne  qui 
aime.  Car  les  yeux  sont  les  interprètes  du  cœur;  mais  il  n'y  a 
que  celui  qui  y  a  intérêt  qui  entend  leur  langage. 

L'homme  seul  est  quelque  chose  d'imparfait;  il  faut  qu'il 
trouve  un  second  pour  être  heureux.  Il  le  cherche  bien  sou- 
vent dans  l'égalité  de  la  condition,  à  cause  que  la  liberté  et  que 
l'occasion  de  se  manifester  s'y  rencontrent  plus  aisément. 
Néanmoins  l'on  va  quelquefois  bien  au-dessus,  et  l'on  sent  le 
feu  s'agrandir,  quoiqu'on  n'ose  pas  le  dire  à  celle  qui  l'a  causé. 

Quand  on  aime  une  dame  sans  égalité  de  condition,  l'ambi- 
tion peut  accompagner  le  commencement  de  l'amour;  mais  en 
peu  de  temps  il  devient  le  maître.  C'est  un  tyran  qui  ne  souffre 
point  de  compagnon;  il  veut  être  seul;  il  faut  que  toutes  les 
passions  ploient  et  lui  obéissent. 

Une  haute  amitié  remplit  bien  mieux  qu'une  commune  et 
égale  le  cœur  de  l'homme;  et  les  petites  choses  flottent  dans 
sa  capacité  ;  il  n'y  a  que  les  grandes  qui  s'y  arrêtent  et  qui  y 
demeurent. 

L'on  écrit  souvent  des  choses  que  l'on  ne  prouve  qu'en  obli- 
geant tout  le  monde  à  faire  réflexion  sur  soi-même  et  à  trou- 
ver la  vérité  dont  on  parle.  C'est  en  cela  que  consiste  la  force 
des  preuves  de  ce  que  je  dis. 

Quand  un  homme  est  délicat  en  quelque  endroit  de  son  es- 
prit, il  l'est  en  amour.  Car  comme  il  doit  être  ébranlé  par 

1.  Comment  faut-il  entendre  cette  phrase?  Elle  signifie  peut-être  que  nous  nous  sea- 
tou:  tout  à  coup  amoureux  sans  avoir  demandé  à  l'être. 


256  OPUSCULES  DE  PASCAL 

quelque  objet  qui  est  hors  de  lui  *,  s'il  y  a  quelque  chose  qui 
répugne  à  ses  idées,  il  s'en  aperçoit,  et  il  le  fuit.  La  règle  de 
cette  délicatesse  dépend  d'une  raison  pure,  noble  et  sublime; 
ainsi  l'on  se  peut  croire  délicat,  sans  qu'on  le  soit  effective- 
ment, et  les  autres  ont  le  droit  de  nous  condamner.  Au  lieu 
que  pour  la  beauté  chacun  a  sa  règle  souveraine  et  indépen- 
dante de  celle  des  autres.  Néanmoins,  entre  être  délicat  et  ne 
l'être  point  du  tout,  il  faut  demeurer  d'accord  que,  quand  on 
souhaite  d'être  délicat,  l'on  n'est  pas  loin  de  l'être  absolument. 
Les  femmes  aiment  à  apercevoir  une  délicatesse  dans  les  hom- 
mes ;  et  c'est,  ce  me  semble,  l'endroit  le  plus  tendre  pour  les 
gagner;  l'on  est  aise  de  voir  que  mille  autres  sont  méprisables, 
et  qu'il  n'y  a  que  nous  d'estimables. 

Les  qualités  d'esprit  ne  s'acquièrent  point  par  l'habitude  ;  on 
les  perfectionne  seulement.  De  là,  il  est  aisé  de  voir  que  la 
délicatesse  est  un  don  de  nature,  et  non  pas  une  acquisition  de 
l'art. 

A  mesure  que  l'on  a  plus  d'esprit,  l'on  trouve  plus  de  beau- 
tés originales  2  ;  mais  il  ne  faut  pas  être  amoureux  ;  car  quand 
l'on  xime,  l'on  n'en  trouve  qu'une. 

Ne  semble-t-il  pas  qu'autant  de  fois  qu'une  femme  sort 
d'elle-même  pour  se  caractériser  dans  le  cœur  des  autres 3,  elle 
fait  une  place  vide  pour  les  autres  dans  le  sien  ?  Cependant 
j'en  connais  qui  disent  que  cela  n'est  pas  vrai.  Oserait-on  ap- 
peler cela  injustice?  Il  est  naturel  de  rendre  autant  qu'on  a  pris 

L'attachement  à  une  même  pensée  fatigue  et  ruine  l'esprit 
de  l'homme.  C'est  pourquoi  pour  la  solidité...  du  plaisir  de 
l'amour,  il  faut  quelquefois  ne  pas  savoir  que  l'on  aime  ;  et  ce 
n'est  pas  commettre  une  infidélité,  car  l'on  n'en  aime  pas  d'au- 
tre ;  c'est  reprendre  des  forces  pour  mieux  aimer.  Cela  se  fait 
bans  que  Ton  y  pense;  l'esprit  s'y  porte  de  soi-même  ;  la  nature 
le  veut;  elle  le  commande.  Il  faut  pourtant  avouer  que  c'est 
une  misérable  suite  de  la  nature  humaine,  et  que  l'on  serait 


1.  Comme  est  ici  dans  le  sens  de  lorsque,  et  le  verbe  doit  exprime  ce  qui  est  sur  le 
point  de  se  faire.  Comme  il  doit  être  ébranlé,  c'est-à-dire,  au  moment  qu'il  va  être 
ébranlé,  qu'il  est  en  disposition  de  l'être. 

2.  On  lit  dans  les  Pensées  :  «  A  mesure  qu'on  a  pi  s  d'esprit,  on  trouve  qu'il  y  a  plus 
d'hommes  originaux.  »  vu,  1. 

3.  Imprimer  son  image,  son  caractère,  dans  le  sens  primitif  de  ce  mot. 


DISCOURS  SUR  LES  PASSIONS  DE  L'aMOUR  257 

plus  heureux  si  l'on  n'était  point  obligé  de  changer  de  pensée; 
mais  il  n'y  a  point  de  remède. 

Le  plaisir  d'aimer  sans  l'oser  dire  a  ses  peines,  mais  aussi  il 
a  ses  douceurs.  Dans  quel  transport  n'est-on  point  de  former 
toutes  ses  actions  dans  la  vue  de  plaire  à  une  personne  que 
l'on  estime  infiniment!  L'on  s'étudie  tous  les  jours  pour  trou- 
ver les  moyens  de  se  découvrir,  et  l'on  y  emploie  autant  de 
temps  que  si  l'on  devait  entretenir  celle  que  Ton  aime.  Les 
yeux  s'allument  et  s'éteignent  dans  un  même  moment  ;  et 
quoique  Ton  ne  voie  pas  manifestement  que  celle  qui  cause 
tout  ce  désordre  y  prenne  garde,  l'on  a  néanmoins  la  satisfac- 
tion de  sentir  tous  ces  remuements  pour  une  personne  qui  le 
mérite  si  bien.  L'on  voudrait  avoir  cent  langues  pour  le  faire 
connaître  ;  car  comme  l'on  ne  peut  pas  se  servir  de  la  parole, 
l'on  est  obligé  de  se  réduire  à  l'éloquence  d'action. 

Jusque-là  on  a  toujours  de  la  joie,  et  l'on  est  dans  une  assez 
grande  occupation.  Ainsi  l'on  est  heureux  ;  car  le  secret  d'en- 
tretenir toujours  une  passion,  c'est  de  ne  pas  laisser  naître 
aucun  vide  dans  l'esprit,  en  l'obligeant  de  s'appliquer  sans 
cesse  à  ce  qui  le  touche  si  agréablement.  Mais  quand  il  est 
dans  l'état  que  je  viens  de  décrire,  il  n'y  peut  pas  durer  long- 
temps, à  cause  qu'étant  seul  acteur  dans  une  passion  où  il  en 
faut  nécessairement  deux,  il  est  difficile  qu'il  n'épuise  bientôt 
tous  les  mouvements  dont  il  est  agité. 

Quoique  ce  soit  une  môme  passion,  il  faut  de  la  nouveauté  ; 
l'esprit  s'y  plaît,  et  qui  sait  se  la  procurer  sait  se  faire  aimer  l. 

Après  avoir  fait  ce  chemin,  cette  plénitude  quelquefois  di- 
minue, et  ne  recevant  point  de  secours  du  côté  de  la  source, 
l'on  décline  misérablement,  et  les  passions  ennemies  se  sai- 
sissent d'un  cœur  qu'elles  déchirent  en  mille  morceaux.  Néan- 
moins un  rayon  d'espérance,  si  bas  que  l'on  soit,  relève  aussi 
haut  qu'on  était  auparavant.  C'est  quelquefois  un  jeu  auquel 
les  dames  se  plaisent;  mais  quelquefois,  en  faisant  semblant 
d'avoir  compassion,  elles  l'ont  tout  de  bon.  Que  l'on  est  heu- 
reux quand  cela  arrive  ! 

Un  amour  ferme  et  solide  commence  toujours  par  l'éloquence 

I.  Se  procurer  la  nouveauté,  c'est-à-dire  s'en  procurer  le  mérite,  ntre  nouvelle  8U* 
yeux  de  l'aui^nt. 


258  OPUSCULES    DE  PASCAL 

d'action;  les  yeux  y  ont  la  meilleure  part.  Néanmoins  il  faut 
deviner,  mais  bien  deviner â. 

Quand  deux  personnes  sont  de  même  sentiment,  ils  ne  de- 
vinent point,  ou  du  moins  il  y  en  a  une  qui  devine  ce  que  veut 
dire  l'autre  sans  que  cet  autre  l'entende  ou  qu'il  ose  l'entendre. 

Quand  nous  aimons,  nous  paraissons  à  nous-mêmes  tout  au- 
tres que  nous  n'étions  auparavant.  Ainsi  nous  nous  imaginons 
que  tout  le  monde  s'en  aperçoit  ;  cependant  il  n'y  a  rien  de  si 
faux.  Mais  parce  que  la  raison  a  sa  vue  bornée  par  la  passion, 
l'on  ne  peut  s'assurer,  et  l'on  est  toujours  dans  la  défiance. 

Quand  l'on  aime,  on  se  persuade  que  l'on  découvrirait  la 
passion  d'un  autre  :  ainsi  l'on  a  peur. 

Tant  plus  le  chemin  est  long  dans  l'amour,  tant  plus  un  es- 
prit délicat  sent  de  plaisir. 

Il  y  a  de  certains  esprits  à  qui  il  faut  donner  longtemps  des 
espérances,  et  ce  sont  les  délicats.  Il  y  en  a  d'autres  qui  ne 
peuvent  pas  résister  longtemps  aux  difficultés,  et  ce  sont  les 
plus  grossiers.  Les  premiers  aiment  pkis  longtemps  et  avec 
plus  d'agrément;  les  autres  aiment  plus  vite,  avec  plus  de 
liberté,  et  finissent  bientôt 

Le  premier  effet  de  l'amour  c'est  d'inspirer  un  grand  res- 
pect ;  l'on  a  de  la  vénération  pour  ce  que  l'on  aime.  Il  est 
bien  juste  2;  on  ne  reconnaît  rien  au  monde  de  grand  comme 
cela. 

Les  auteurs  ne  nous  peuvent  pas  bien  dire  les  mouvements 
de  l'amour  de  leurs  héros;  il  faudrait  qu'ils  fussent  héros 
eux-mêmes. 

L'égarement  à  aimer  en  divers  endroits  est  aussi  monstrueux 
que  l'injustice  dans  l'esprit. 

Ifln  amour  un  silence  vaut  mieux  qu'un  langage.  Il  est  bon 
d'être  interdit;  il  y  a  une  éloquence  de  silence  qui  pénètre  plus 
que  la  langue  ne  saurait  faire.  Qu'un  amant  persuade  bien  sa 
maîtresse  quand  il  est  interdit,  et  que  d'ailleurs  il  a  de  l'esprit! 
Quelque  vivacité  que  l'on  ait,  il  est  bon  dans  certaines  rencon- 
tres qu'elle  s'éteigne.  Tout  cela  se  passe  sans  règle  et  sans 

1.  Néanmoins  signifie  que,  quoique  les  yeux  parlent,  ils  ne  parlent  pas  si  clairement 
q  l'il  ne  faille  deviner. 

-2.  r.ela  e«t,  bien   junte  :  il  est  au  neutre,  comme  dans    il  est  vrai 


DISCOURS  SUR   LES  PASSIONS   DE   L'AMOUR  259 

réflexion;  et  quand  L'esprit  Le  fait,  il  n'y  pensait  pas  auparavant. 
C'est  par  nécessité  que  cela  arrive. 

L'en  adore  souvent  ce  qui  ne  croit  pas  être  adoré,  et  l'on  ne 
laisse  pas  de  lui  garder  une  fidélité  inviolable,  quoiqu'il  n'en 
sache  rien.  Mais  il  faut  que  l'amour  soit  bien  fin  ou  bien  pur. 

Nous  connaissons  l'esprit  des  hommes,  et  par  conséquent 
leurs  passions,  par  la  comparaison  que  nous  faisons  de  nous- 
mêmes  avec  les  autres.  Je  suis  de  l'avis  de  celui  qui  disait  que 
dans  l'amour  on  oubliait  sa  fortune,  ses  parents  et  ses  amis; 
les  grandes  amitiés  vont  jusque-là.  Ce  qui  fait  que  l'on  va  si 
loin  dans  l'amour,  c'est  que  l'on  ne  songe  pas  que  l'on  a  besoin 
d'autre  chose  que  de  ce  que  Ton  aime;  l'esprit  est  plein;  il  n'y 
a  plus  de  place  pour  le  soin  ni  pour  l'inquiétude.  La  passion 
ne  peut  pas  être  sans  excès;  de  là  vient  qu'on  ne  se  soucie  plus 
de  ce  que  dit  le  monde,  que  l'on  sait  déjà  ne  devoir  pas  con- 
damner notre  conduite,  puisqu'elle  vient  de  la  raison.  Il  y  a 
une  plénitude  de  passion,  il  ne  peut  pas  y  avoir  un  commen- 
cement de  réflexion. 

(Ce  n'est  point  un  effet  de  la  coutume,  c'est  une  obligation 
de  la  nature  que  les  hommes  fassent  les  avances  pour  gagner 
l'amitié  des  dames1.) 

Cet  oubli  que  cause  l'amour  et  cet  attachement  à  ce  que  l'on 
aime,  fait  naître  des  qualités  que  l'on  n'avait  pas  auparavant  *. 
L'on  devient  magnifique,  sans  l'avoir  jamais  été.  Un  avaricieux 
même  qui  aime  devient  libéral,  et  il  ne  se  souvient  pas  d'avoir 
jamais  eu  une  habitude  opposée;  l'on  en  voit  la  raison  en  con- 
sidérant qu'il  y  a  des  passions  qui  resserrent  l'âme  et  qui  la 
rendent  immobile,  et  qu'il  y  en  a  qui  l'agrandissent  et  la  font 
répandre  au  dehors. 

L'on  a  ôté  mal  à  propos  le  nom  de  raison  à  l'amour,  et  on 
les  a  opposés  sans  un  bon  fondement,  car  l'amour  et  la  raison 
n'est  qu'une  même  chose.  C'est  une  précipitation  de  pensées 
qui  se  porte  d'un  côté  sans  bien  examiner  tout,  mais  c'est  tou- 

i.  Voir  Montaigne,  III,  5,  t.  îv,  p.  338. 

2.  On  voit  bien  que  le  petit  alinéa  qui  précède,  et  que  j'ai  mis  entre  paranthèseg, 
rompt  absolument  la  suite  du  discours,  et  ne  peut  pas  être  ici  à  sa  place.  Il  est  évident 
que  le  copiste  auquel  nous  devons  le  texte  retrouvé  par  M.  Cousin  se  sera  fourvoyé  au 
milieu  des  surcharges  et  des  renvois  de  toute  espèce  qui  couvraient  les  feuilles  volantes 
de  Pascal.  Maintenant  où  replacer  cette  phrase  égarée?  je  n'oserais  le  préciser.  Mais 
elle  figurerait  as?r>z  bien,  re  me  semble,  parmi  les  pensées  qu'on  trouve  un  peu  plus 
haut  :  t  Tant  plus  le  chemin  est  long  dans  l'amour,  »  eto 


?60  OPUSCULES  DE  PASCAL 

jours  une  raison,  et  l'on  ne  doit  et  on  ne  peut  pas  souhaiter 
que  ce  soit  autrement,  car  nous  serions  des  machines  très- 
désagréables.  N'excluons  donc  point  la  raison  de  l'amour,  puis- 
qu'elle en  est  inséparable.  Les  poètes  n'ont  donc  pas  eu  raison 
de  nous  dépeindre  l'amour  comme  un  aveugle  ;  il  faut  lui  ôter 
son  bandeau,  et  lui  rendre  désormais  la  jouissance  de  ses  yeux. 

Les  âmes  propres  à  l'amour  demandent  une  vie  d'action  qui 
éclate  en  événements  nouveaux.  Comme  le  dedans  est  mouve- 
ment, il  faut  aussi  que  le  dehors  le  soit,  et  cette  manière  de 
vivre  est  un  merveilleux  acheminement  à  la  passion.  C'est  de 
là  que  ceux  de  la  cour  sont  mieux  reçus  dans  l'amour  que  ceux 
de  la  ville,  parce  que  les  uns  sont  tout  de  feu,  et  que  les  autres 
mènent  une  vie  dont  l'uniformité  n'a  rien  qui  frappe  ;  la  vie 
de  tempête  surprend,  frappe  et  pénètre.  Il  semble  que  l'on  ait 
toute  une  autre  âme  quand  on  aime  que  quand  on  n'aime  pas  ; 
on  s'élève  par  cette  passion,  et  on  devient  toute  grandeur  ;  il 
faut  donc  que  le  reste  ait  proportion;  autrement  cela  ne  con- 
vient pas,  et  partant  cela  est  désagréable. 

L'agréable  et  le  beau  n'est  que  la  même  chose,  tout  le  monde 
en  a  l'idée.  C'est  d'une  beauté  morale  que  j'entends  parler,  qui 
consiste  dans  les  paroles  et  dans  les  actions  du  dehors.  L'on  a 
bien  une  règle  pour  devenir  agréable  *  ;  cependant  la  disposi- 
tion du  corps  y  est  nécessaire;  mais  elle  ne  se  peut  acquérir  *. 

Les  hommes  ont  pris  plaisir  à  se  former  une  idée  de  l'agréa- 
ble si  élevée,  que  personne  n'y  peut  atteindre.  Jugeons-en 
mieux,  et  disons  que  ce  n'est  que  le  naturel,  avec  une  facilité 
et  une  vivacité  d'esprit  qui  surprennent 3.  Dans  l'amour,  ces 
deux  qualités  sont  nécessaires  :  il  ne  faut  rien  de  force,  et 
cependant  il  ne  faut  rien  de  lenteur.  L'habitude  donne  le  reste. 

Le  respect  et  l'amour  doivent  être  si  bien  proportionnés 
qu'ils  se  soutiennent  sans  que  ce  respect  étouffe  l'amour. 

Les  grandes  âmes  ne  sont  pas  celles  qui  aiment  le  plus  sou- 
vent; c'est  d'un  amour  violent  que  je  parle;  il  faut  une  inon- 

1.  Il  dit  de  même,  dans  le  deuxième  fragment  de  l'Esprit  géométrique,  qu'il  croit  qu'il 
y  a  des  règles  aussi  sûres  pour  plaire  que  pour  démontrer  Mais  il  ajoute  qu'il  est  tout- 
à-fait  impossible,  à  son  avis,  de  trouver  et  d'établir  ces  règles. 

2.  On  prenait  alors  le  mot  disposition  dans  le  sens  à  peu  près  que  l'adjectif  dispos  a 
conservé;  c'est  comme  s'il  disait,  la  bonne  grâce  du  corps. 

3.  Surprendre  n'est  ras  ici  dans  le  sens  d'étonner,  mais  dans  :elui  de  prendre  pal 
■arprise, 


DISCOURS  SUR  LES  PASSIONS  DE  L'AMOUR  2G1 

dation  de  passion  pour  les  ébranler  et  pour  les  remplir.  Mais 
quand  elles  commencent  à  aimer,  elles  aiment  beaucoup  mieux. 

L'on  dit  qu'il  y  a  des  nations  plus  amoureuses  les  unes  que 
les  autres;  ce  n'est  pas  bien  parler,  ou  du  moins  cela  n'est  pas 
vrai  en  tout  sens. 

L'amour  ne  consistant  que  dans  un  attachement  de  pensée, 
il  est  certain  qu'il  doit  être  le  même  par  toute  la  terre.  Il  est 
vrai  que  se  déterminant  autre  part  que  dans  la  pensée,  le  cli- 
mat peut  ajouter  quelque  chose,  mais  ce  n'est  que  dans  le 
corps. 

11  est  de  l'amour  comme  du  bon  sens;  comme  l'on  croit 
avoir  autant  d'esprit  qu'un  autre,  on  croit  aussi  aimer  de 
même.  Néanmoins  quand  on  a  plus  de  vue,  Ton  aime  jusques 
aux  moindres  choses,  ce  qui  n'est  pas  possible  aux  autres.  Il 
faut  être  bien  fin  pour  remarquer  cette  différence. 

L'on  ne  peut  presque  faire  semblant  d'aimer  que  l'on  ne  soit 
bien  près  d'être  amant,  ou  du  moins  que  l'on  n'aime  en  quel- 
que endroit;  car  il  faut  avoir  l'esprit  et  les  pensées  de  l'amour 
pour  ce  semblant,  et  le  moyen  de  bien  parler  sans  cela?  La 
vérité  des  passions  ne  se  déguise  pas  si  aisément  que  les  véri- 
tés sérieuses.  Il  faut  du  feu,  de  l'activité  et  un  feu  d'esprit  na- 
turel et  prompt  pour  la  première  ;  les  autres  se  cachent  avec 
la  lenteur  et  la  souplesse,  ce  qu'il  est  plus  aisé  de  faire. 

Quand  on  est  loin  de  ce  que  l'on  aime,  l'on  prend  la  résolu- 
tion de  faire  ou  de  dire  beaucoup  de  choses  ;  mais  quand  on 
est  près,  on  est  irrésolu.  D'où  vient  cela  ?  C'est  que  quand  on 
est  loin  la  raison  n'est  pas  si  ébranlée,  mais  elle  l'est  étrange- 
ment en  la  présence  de  l'objet  :  or  pour  la  résolution  il  faut 
de  la  fermeté,  qui  est  ruinée  par  l'ébranlement. 

Dans  l'amour  on  n'ose  hasarder  parce  que  l'on  craint  de 
tout  [  dre  ;  il  faut  pourtant  avancer,  mais  qui  peut  dire  jus- 
ques où?  L'on  tremble  toujours  jusques  à  ce  que  l'on  ait 
trouvé  ce  point.  La  prudence  ne  fait  rien  pour  s  y  maintenir 
quand  on  Ta  trouvé. 

Il  n'y  a  rien  de  si  embarrassant  que  d'être  amant,  et  de  voir 
quelque  chose  en  sa  faveur  sans  l'oser  croire  :  l'on  est  égale- 
ment combattu  de  l'espérance  et  de  la  crainte.  Mais  enfin  la 
dernière  devient  victorieuse  de  l'autre. 


262  OPUSCULES  DE  PASCAL 

Quand  on  aime  fortement,  c'est  toujours  une  nouveauté  de 
voir  la  personne  aimée.  Après  un  moment  d'absence  on  la 
trouve  de  manque  dans  son  cœur.  Quelle  joie  de  la  retrouver  ! 
l'on  sent  aussitôt  une  cessation  d'inquiétudes.  Il  faut  pourtant 
que  cet  amour  soit  déjà  bien  avancé;  car  quand  il  est  naissant 
et  que  l'on  n'a  fait  aucun  progrès,  on  sent  bien  une  cessation 
d'inquiétudes,  mais  il  en  survient  d'autres. 

Quoique  les  maux  se  succèdent  ainsi  les  uns  aux  autres,  on 
ne  laisse  pas  de  souhaiter  la  présence  de  sa  maîtresse  par  l'es- 
pérance de  moins  souffrir;  cependant  quand  on  la  voit,  on 
croit  souffrir  plus  qu'auparavant.  Les  maux  passés  ne  frap- 
pent plus,  les  présents  touchent,  et  c'est  sur  ce  qui  touche  que 
Von  juge.  Un  amant  dans  cet  état  n'est-il  pas  digne  de  com- 
passion ? 


REMARQUES    SUR   LE    DISCOURS    SUR   LES   PASSIONS 

DE    L'AMOUR. 

Voilà  ce  fragment  fameux,  dont  on  doit  à  M.  Cousin  la  découverte 
inattendue,  et  qui  demeurera,  ainsi  qu'il  l'a  dit  avec  un  orgueil  légi- 
time, la  récompense  de  ses  travaux  sur  Pascal. 

Ce  fragment  appartient  sans  cloute  aux  années  1652  ou  1653,  seule 
époque  où  il  semble  qu'on  puisse  placer  la  vie  mondaine  de  Pascal.  Il 
avait  vingt-neuf  ou  trente  ans. 

Il  est  clair  qu'une  femme  du  grand  monde  toucha  le  cœur  de  Pascal, 
c'est  pour  elle  que  furent  écrites  ces  pages;  elle  ne  les  a  jamais  vues 
peut-être,  mais  Pascal  les  écrivait  comme  si  elle  eût  dû  les  voir.  Il  met- 
tait là  ce  qu'il  n'osait  dire.  Quant  à  deviner  quelle  a  été  cette  femme, 
c'est  ce  qui  paraît  impossible,  et  ce  que  je  n'essaierai  pas. 

Nous  n'avons  en  autographe  aucun  des  opuscules  de  Pascal.  Une 
copie  de  celui-ci  a  été  conservée  dans  un  recueil  où  il  porte  ce  titre  : 
Discours  sur  les  passions  de  l'amour.  On  l'attribue  a  M.  Pascal.  Ces  ex- 
pressions sembleraient  permettre  de  révoquer  en  doute  l'authenticité 
de  cet  écrit;  mais,  dès  qu'on  le  lit,  cela  n'est  plus  possible.  La  marque 
de  Pascal  y  est  partout,  a  On  y  reconnaît,  comme  le  dit  M.  Cousin, 
l'esprit  géométrique  qui  ne  l'abandonne  jamais,  ses  expressions  favo- 
rites, ses  mots  d'habitude,  sa  distinction  si  vraie  du  raisonnement  et 
du  sentiment,  et  mille  autres  choses  semblables  qui  se  retrouvent  à 


REMARQUES  SUR   LES  PASSIONS  DE   L'AMOUR  2G3 

:haque  pas  dans  les  Pensées.  »  On  y  sent  surtout  ce  contraste  de  gran- 
deur et  de  subtilité  qui  déjà  nous  a  frappés  tant  de  fois. 

J'ose  dire  d'ailleurs  qu'au  sujet  d'un  écrit  de  cette  nature,  l'expres- 
sion du  doute,  de  la  part  des  amis  de  Pascal,  équivaut  à  un  aveu.  Qui 
donc,  parmi  les  personnes  attachées  à  Port  Royal  ou  à  la  famille  Perier, 
et  qui  conservaient  les  traditions  de  la  petite  église,  qui  donc  se  fût 
avisé  de  dire  ou  de  laisser  croire  qu'un  discours  sur  l'Amour  fût  de 
Pascal,  s'il  y  avait  eu  moyen  de  croire  le  contraire? 

J'ai  signalé  dans  les  notes  les  traits  qui  se  retrouvent  pour  ainsi  dire 
textuellement  dans  les  Pensées.  Le  plus  remarquante  est  la  distinction 
des  deux  esprits,  de  géométrie  et  de  finesse.  Mais  bien  d'autres  ressem- 
blances ont  dû  frapper  les  lecteurs.  Ce  besoin  de  remuement  qui  est 
dans  l'homme,  cette  répugnance  qu'il  éprouve  à  demeurer  avec  soi,  cette 
misérable  suite  de  la  nature  humaine  qui  nous  force  à  changer  de  pen- 
sée, sont  bien  des  traits  de  Pascal.  On  le  reconnaît  encore  dans  ces 
expressions  de  mathématicien  :  «  Elles  ne  sont  grandes  que  de  la  moitié 
de  ce  qu'elles  seraient,  etc.  »  —  «  Il  faut  pourtant  avancer,  mais  qui  peut 
dire  jusques  ouï  L'on  tremble  toujours  jusques  à  ce  que  l'on  ait  trouvé 
ce  point  ».  Voyez  ni,  2  bis;  vi,  4,  etc.  Signalons  encore  :  «  Ils  sont 
machines  partout.  »  Et  cette  pensée  :  «  Nous  avons  une  source  d'amour- 
propre  qui  nous  représente  à  nous-mêmes  comme  pouvant  remplir  plu- 
sieurs places  au  dehors.  »  Et  celle-ci  :  «  Pour  la  beauté,  chacun  a  sa 
règle  souveraine...  (Voir  vu,  24).  »  Au  sujet  de  cette  phrase  :  «  L'on 
écrit  souvent  des  choses  que  l'on  ne  prouve  qu'en  obligeant  tout  le 
monde  à  faire  réflexion  sur  soi-même  et  à  trouver  la  vérité  dont  on 
parle.  C'est  en  cela  que  consiste  la  force  des  preuves  de  ce  que  je  dis  », 
M.  Cousin  a  raison  de  dire  :  a  C'est  en  cela  que  consistaient  la  logi- 
que et  la  rhétorique  de  Pascal.  »  (Voyez  xxv,  26.)  Enfin  il  y  a  de  ces 
traits  fins  et  profonds  qui  seraient  bien  difficilement  d'un  autre,  comme, 
page  256  :  «  C'est  reprendre  des  forces  pour  mieux  aimer.  » 

Mais  on  cherche  involontairement  dans  ces  pages  les  secrets  du  cœur 
de  Pascal  plus  encore  que  les  marques  de  son  esprit.  Voici  un  passage 
où  il  semble  que  ce  cœur  s'ouvre  :  «  Quand  on  a  l'un  et  l'autre  esprit 
tout  ensemble,  que  l'amour  donne  de  plaisir  !  »  Et,  en  effet,  qui  a  jamais 
mieux  uni  le  don  de  sentir  vivement  et  celui  de  redoubler  et  de  multi- 
plier la  sensation  par  l'analyse?  Plus  tard,  il  aurait  pu  dire  de  même  : 
Quand  on  a  l'un  et  l'autre  esprit  tout  ensemble,  que  la  dévotion  donne 
de  plaisirl  De  même  à  la  fin  du  Discours,  il  montre  qu'il  n'est  pas  donné 
à  tout  le  monde  d'aimer  de  même;  mais,  quand  on  a  plus  de  vue,  on 
aime  jusques  aux  moindres  choses,  ce  qui  riext  pas  possible  aux  au- 
tres  Il  envie  pourtant  aux  brillants  gentilshommes,  aux  héros  de  la 


264  OPUSCULES  DE  PASCAL 

cour,  cette  vie  de  tempête  qui  surprend,  frappe  et  pénètre;  il  sent  avec 
dépit  que  son  existence  trop  réglée  et  trop  unie  n'est  pas  en  proportion 
avec  la  passion  qui  est  toute  grandeur,  mais  il  reprend  toute  sa  fierté 
dans  ce  passage  :  «  Les  grandes  âmes  ne  sont  pas  celles  qui  aiment  le 
plus  souvent;  c'est  d'un  amour  violent  que  je  parle  :  il  faut  une  inon- 
dation de  passion  pour  les  ébranler  et  pour  les  remplir.  Mais  quand 
elles  commencent  à  aimer,  elles  aiment  beaucoup  mieux.  » 

Pour  moi,  quelque  piquant  que  soit  le  contraste  entre  le  Discours  sur 
l'Amour  et  tant  de  pages  austères,  je  suis  plus  frappé  peut-être  encore 
de  ce  que,  sous  cet  aspect  nouveau,  c'est  bien  toujours  le  même  homme 
que  l'on  retrouve.  Il  a  été  dans  l'amour  de  Dieu  ce  qu'il  prétend  être  ici 
dans  l'amour  terrestre  ;  il  lui  a  fallu  aussi,  en  fait  de  foi  et  de  charité, 
une  inondation  de  passion  pour  le  remplir.  Cette  passion  déborde,  pour 
ainsi  dire,  dans  ce  papier  qu'il  conservait  comme  un  souvenir  dont  il 
alimentait  sa  flamme  :  «  Certitude,  certitude,  sentiment,  joie,  paix. 
Joie,  joie,  joie,  pleurs  de  joie1  !  »  "Voilà  les  passions  et  voilà  les  cris  de 
l'amour  mystique;  amour  sans  satiété  et  sans  bornes,  par  lequel  il  a 
désiré,  souffert,  joui,  de  toutes  les  forces  de  son  âme. 

Je  relèverai  maintenant  quelques  détails,  et  d'abord  les  traits  aux- 
quels on  reconnaîtrait  sûrement,  si  on  avait  pu  en  douter,  que  Pascal 
écrit  sous  le  coup  d'une  passion  présente  :  «  Néanmoins  l'on  va  quel- 
quefois bien  au  dessus  (de  sa  condition),  et  l'on  sent  le  feu  s'agrandir 
quoiqu'on  n'ose  pas  le  dire  à  celle  qui  Fa  causé.  »  —  «  L'on  s'étudie 
tous  les  jours  pour  trouver  les  moyens  de  se  découvrir,  et  l'on  y  em- 
ploie autant  de  temps  que  si  l'on  devait  entretenir  celle  que  l'on  aime.  » 
Quel  moyen  il  avait  trouvé  en  écrivant  ces  pages,  s'il  a  pu  faire  qu'on 
les  lût/  —  «Les  yeux  s'allument  et  s'éteignent  dans  un  même  moment», 
et  le  reste.  —  «  Mais  quelquefois,  en  faisant  semblant  d'avoir  compas- 
sion, elles  l'ont  tout  de  bon.  Que  Von  est  heureux  quand  cela  arrivel  » 

«  C'est  pourquoi  la  beauté  qui  peut  contenter  l'homme  consiste 
non-seulement  dans  la  convenance,  mais  aussi  dans  la  ressemblance  : 
elle  la  restreint  et  elle  l'enferme  dans  la  différence  du  sexe.  »  Pour- 
quoi la  restriction  du  sexe  ?  comment  la  concilier  avec  cette  théorie 
platonicienne,  d'après  laquelle  l'amour  n'est  qu'une  aspiration  vers  l'i- 
dée de  la  beauté?  Qu'a  de  commun  le  sexe  avec  l'idée  pure?  Aussi 
Platon,  dans  ses  imaginations,  n'en  tient  aucun  compte,  et  sa  méta- 
physique trop  large  accueille  toutes  les  dépravations  des  mœurs  grec- 
ques. Par  une  heureuse  inconséquence,  Pascal  abandonne  ici  Platon 
pour  rentrer  dans  la  nature.  Pour  mettre  d'accord  la  nature  et  la  théo- 
rie, il  faudrait  renverser  la  définition,  et  dire  que  le   sexe  ne  délimite 

1    Voyez  page  evi  de  l'introduction. 


REMARQUES  SUR   LES  PASSIONS  DE  ï/aMOUR  265 

pas  Beulemenl  dos  désira,  mais  qu'il  en  est  le  principe  même.  C  est  au 

sexe  que  l'amour  va  tout  d'abord,   puis  dans  le  sexe,  il  s'attache  de 
préférence  à  la  beauté. 

Il  n'est  pas  vrai  non  plus  de  dire  que  l'amour  ne  consiste  que  dans 
un  attachement  de  pensée,  car  on  est  obligé  d'ajouter  tout  aussitôt  qu'il 
se  détermine  pourtant  autre  part  que  dans  la  pensée,  et  les  profanes 
sont  tentés  de  rire.  C'est  lace  galimatias  des  Précieuses,  dont  Molière 
s'est  moqué  si  bien. 

«  Qu'importe  que  ce  plaisir  soit  faux,  pourvu  qu'on  soit  persuadé 
qu'il  est  vrai?  » 

On  peut  même  dire  que  le  plaisir  est  toujours  vrai,  car  il  est  tou- 
jours vraiment  plaisir.  On  ne  peut  entendre  par  plaisir  faux  que  le 
plaisir  que  nous  fait  quelque  chose  qui  ne  devrait  pas  nous  en  faire. 

«  Ceux  de  la  cour  sont  mieux  reçus  dans  l'amour  que  ceux  de  la 
ville.  »  Voyez  La  Bruyère,  Des  Femmes,  29  :  «  Le  rebut  de  la  cour 
est  reçu  à  la  ville  dans  une  ruelle,  où  il  défait  le  magistrat,  etc.  » 

«  Les  hommes  ont  pris  plaisir  à  se  former  une  idée  de  l'agréable  si 
élevée,  que  personne  n'y  peut  atteindre.  Jugeons-en  mieux,  et  disons 
que  ce  n'est  que  le  naturel,  avec  une  facilité  et  une  vivacité  d'esprit 
qui  surprennent.  » 

En  effet,  être  naturel  et  saisissant,  ce  n'est  que  cela I 


FRAGMENT  D'UN  TRAITÉ  DU  VIDE  l 


Le  respect  que  l'on  porte  à  l'antiquité  est  aujourd'hui  à  tel 
point,  dans  les  matières  où  il  doit  avoir  moins  de  force,  que 
Ton  se  fait  des  oracles  de  toutes  ses  pensées,  et  des  mystères 
même  de  ses  obscurités  2;  que  l'on  ne  peut  plus  avancer  de 
nouveautés  sans  péril,  et  que  le  texte  d'un  auteur  suffit  pour 
détruire  les  plus  fortes  raisons... 

Ce  n'est  pas  que  mon  intention  soit  de  corriger  un  vice  par 
un  autre,  et  de  ne  faire  nulle  estime  des  anciens,  parce  que 
l'on  en  fait  trop.  Je  ne  prétends  pas  bannir  leur  autorité  pour 
relever  le  raisonnement  tout  seul,  quoique  l'on  veuille  établir 
leur  autorité  seule  au  préjudice  du  raisonnement 

Pour  faire  cette  importante  distinction  avec  attention  8 ,  il 
i'aut  considérer  que  les  unes  dépendent  seulement  de  la  mé- 
moire, et  sont  purement  historiques,  n'ayant  pour  objet  que 
de  savoir  ce  que  les  auteurs  ont  écrit;  les  autres  dépendent 
seulement  du  raisonnement,  et  sont  entièrement  dogmatiques, 
ayant  pour  objet  de  chercher  et  découvrir  les  vérités  cachées. 

{.  Ce  morceau  semble  avoir  dû  e*ifi«er  dans  la  préface  d'un  Traité  du  Vide,  auquel 
Pascal  travaillait  en  1651.  Car  dans  uj  lettre  de  cette  date  à  M.  Ribeyre,  on  lit  :  Vous 
les  verrez  bientôt  (les  conséquences)  dans  un  traité  que  j'achève,  et  que  j'ai  déjà  com- 
muniqué à  plusieurs  de  nos  amis,  où  l'on  connaîtra  quelle  est  la  véritable  cause  de 
tous  les  eflets  que  l'on  a  attribués  à  l'horreur  du  vide.  »  Pascal  n'a  point  achevé  ce  traité, 
qu'il  promettait  déjà  dans  son  Récit  de  l'expérience  du  Puy-de-Dôme  (1648);  il  s'est  borné 
à  écrire  les  deux  petits  traités  sur  YÉ>/uilibre  des  liqueurs  et  sur  la  Pesanteur  de  l'air, 
réunis  en  un  corps  d'ouvrage  par  des  conclusions;  ils  n'ont  paru  qu'après  sa  mort.  Voyez 
le  fragment  207  de  l'article  xxv. 

On  ne  peut  dire  la  date  précise  de  ce  morceau,  mais  il  doit  être  antérieur,  comme  le 
Discours  qui  précède,  à  la  grande  conversion  de  Pascal. 

Le  premier  qui  l'a  publié  est  Bossut,  qui  en  a  fait  le  premier  article  de  son  édition 
des  Pensées,  et  qui  l'a  intitulé  :  De  l'Autorité  en  matière  de  philosophie.  M.  Faugère  a 
donné  le  véritable  texte  de  ce  fragment,  qui  avait  été  un  peu  altéré  par  Bossut. 

2.  Ce  mot  de  mystères  est  ici  dans  toute  sa  force,  trop  souvent  oubliée  dans  l'usage; 
il  ne  signitie  pas  seulement  des  obscurités,  mais  des  obscurités  sacrées  et  vénérables. 

3.  La  distinction  entre  les  deux  sortes  de  connaissances  que  1  homme  peut  poursuivre. 


FTUfiMKNT  D'UN  TRAITÉ   DU   VJDE  267 

Celles  de  la  première  sorte  sont  bornées,  d'au  Unit  que  les 
livres  dans  lesquels  elles  sont  contenues 

C'est  suivant  cette  distinction  qu'il  faut  régler  différemment 
l'étendue  de  ce  respect.  Le  respect  que  l'on  doit  avoir  pour.... 

Dans  les  matières  où  l'on  recherche  seulement  de  savoir  ce 
que  les  auteurs  ont  écrit,  comme  dans  l'histoire,  dans  la  géo- 
graphie, dans  la  jurisprudence,  dans  les  langues,...  et  surtout 
dans  la  théologie;  et  enfin  dans  toutes  celles  qui  ont  pour 
principe,  ou  le  fait  simple,  ou  l'institution,  divine  ou  hu- 
maine, il  faut  nécessairement  recourir  à  leurs  livres,  puisque 
tout  ce  que  l'on  en  peut  savoir  y  est  contenu  :  d'où  il  est  évi- 
dent que  l'on  peut  en  avoir  la  connaissance  entière,  et  qu'il 
n'est  pas  possible  d'y  rien  ajouter. 

S'il  s'agit  desavoir  qui  fut  premier  roi  des  Français;  en  quel 
lieu  les  géographes  placent  le  premier  méridien;  quels  mot  s 
sont  usités  dans  une  langue  morte,  et  toutes  les  choses  de  cette 
nature  ;  quels  autres  moyens  que  les  livres  pourraient  nous  y 
conduire?  Et  qui  pourra  rien  ajouter  de  nouveau  à  ce  qu'ils 
nous  en  apprennent,  puisqu'on  ne  veut  savoir  que  ce  qu'ils 
contiennent?  C'est  l'autorité  seule  qui  nous  en  peut  éclaircir. 
Mais  où  cette  autorité  a  la  principale  force,  c'est  dans  la  théo- 
logie, parce  qu'elle  y  est  inséparable  de  la  vérité,  et  que  nous 
ne  la  connaissons  que  par  elle  ;  de  sorte  que  pour  donner  la 
certitude  entière  des  matières  les  plus  incompréhensibles  à  la 
raison,  il  suffit  de  les  faire  voir  dans  les  livres  sacrés  (comme 
pour  montrer  l'incertitude  des  choses  les  plus  vraisemblables, 
il  faut  seulement  faire  voir  qu'elles  n'y  sont  pas  comprises); 
parce  que  ses  principes  sont  au-dessus  de  la  nature  et  de  la 
raison,  et  que,  l'esprit  de  l'homme  étant  trop  faible  pour  y 
arriver  par  ses  propres  efforts,  il  ne  peut  parvenir  à  ces  hau- 
tes intelligences,  s'il  n'y  est  porté  par  une  force  toute-puis- 
sante et  surnaturelle. 

Il  n'en  est  pas  de  même  des  sujets  qui  tombent  sous  le  sens 
ou  sous  le  raisonnement  :  l'autorité  y  est  inutile;  la  raison 
seule  a  lieu  d'en  connaître.  Elles  ont  leurs  droits  séparés  : 
l'une  avait  tantôt  tout  l'avantage;  ici  l'autre  règne  à  son  tour. 
Mais  comme  lés  sujets  de  cette  sorte  sont  proportionnés  à  la 
portée  de  l'esprit,  il  trouve  une  liberté  tout  entière  de  s'y  éten- 


2ÔÔ  OPUSCULES  DE  PASCAt 

dre  :  sa  fécondité  inépuisable  produit  continuellement,  et  ses 
inventions  peuvent  être  tout  ensemble  sans  fin  et  sans  inter- 
ruption   

C'est  ainsi  que  la  géométrie,  l'arithmétique,  la  musique,  la 
physique,  la  médecine,  l'architecture,  et  toutes  les  sciences 
qui  sont  soumises  à  l'expérience  et  au  raisonnement,  doivent 
être  augmentées  pour  devenir  parfaites.  Les  anciens  les  ont 
trouvées  seulement  ébauchées  par  ceux  qui  les  ont  précédés  ; 
et  nous  les  laisserons  à  ceux  qui  viendront  après  nous  en  un 
état  plus  accompli  que  nous  ne  les'avons  reçues.  Gomme  leur 
perfection  dépend  du  temps  et  de  la  peine,  il  est  évident  qu'en- 
core que  notre  peine  et  notre  temps  nous  eussent  moins  ac- 
quis que  leurs  travaux,  séparés  des  nôtres,  tous  deux  néan- 
moins joints  ensemble  doivent  avoir  plus  d'effet  que  chacun  en 
particulier. 

L'éclaircissement  de  cette  différence  doit  nous  faire  plaindre 
l'aveuglement  de  ceux  qui  apportent  la  seule  autorité  pour 
preuve  dans  les  matières  physiques,  au  lieu  du  raisonnement 
ou  des  expériences;  et  nous  donner  de  l'horreur  pour  la  malice 
des  autres,  qui  emploient  le  raisonnement  seul  dans  la  théolo- 
gie, au  lieu  de  l'autorité  de  l'Écriture  et  des  Pères1.  Il  faut  re- 
lever le  courage  de  ces  gens  timides  qui  n'osent  rien  inventer 
en  physique,  et  confondre  l'insolence  de  ces  téméraires  qui 
produisent  des  nouveautés  en  théologie.  Cependant  le  malheur 
du  siècle  est  tel,  qu'on  voit  beaucoup  d'opinions  nouvelles  en 
théologie,  inconnues  à  toute  l'antiquité,  soutenues  avec  obsti- 
nation et  reçues  avec  applaudissement;  au  lieu  que  celles  qu'on 
produit  dans  la  physique,  quoiqu'en  petit  nombre,  semblent 
devoir  être  convaincues  de  fausseté  dès  qu'elles  choquent  tant 
soit  peu  les  opinions  reçues;  comme  si  le  respect  qu'on  a  pour 
les  anciens  philosophes  était  de  devoir,  et  que  celui  que  l'on 
porte  aux  plus  anciens  des  Pères  était  seulement  de  bien- 
séance !  Je  laisse  aux  personnes  judicieuses  à  remarquer  l'im- 
portance de  cet  abus  qui  pervertit  l'ordre  des  sciences  avec  tant 
d'injustice;  et  je  crois  qu'il  y  en  aura  peu  qui  ne  souhaitent 
que  cette....  s'applique  à  d'autres  matières,  puisque  les  inven- 

I.  Ceci  est  un  trait  contre  le  probabilisme  des  Jésuites.  Voir,  dans  les  Pensées,  le  frag- 
ment xxiv,  41. 


FRAGMENT  D'UN  TRAITÉ   MJ  VIDE  269 

tions  nouvelles  sont  infailliblement  des  erreurs  dans  les  ma- 
tières que  Ton  profane  impunément,  et  qu'elles  sont  absolument 
nécessaires  pour  la  perfection  de  tant  d'autres  sujets  incompa- 
rablement plus  bas,  que  toutefois  on  n'oserait  toucher. 

Partageons  avec  plus  de  justice  notre  crédulité  et  notre  dé- 
fiance, et  bornons  ce  respect  que  nous  avons  pour  les  anciens. 
Comme  la  raison  le  fait  naître,  elle  doit  aussi  le  mesurer;  et 
considérons  que,  s'ils  fussent  demeurés  dans  cette  retenue  de 
n'oser  rien  ajouter  aux  connaissances  qu'ils  avaient  reçues,  ou 
que  ceux  de  leur  temps  eussent  fait  la  même  difficulté  de  re- 
cevoir les  nouveautés  qu'ils  leur  offraient,  ils  se  seraient  privés 
eux-mêmes  et  leur  postérité  du  fruit  de  leurs  inventions. 
Comme  ils  ne  se  sont  servis  de  celles  qui  leur  avaient  été  lais- 
sées que  comme  de  moyens  pour  en  avoir  de  nouvelles,  et  que 
cette  heureuse  hardiesse  leur  avait  ouvert  le  chemin  aux 
grandes  choses,  nous  devons  prendre  celles  qu'ils  nous  ont  ac- 
quises de  la  même  sorte,  et  à  leur  exemple  en  faire  les  moyens 
et  non  pas  la  fin  de  notre  étude,  et  ainsi  tâcher  de  les  surpasser 
en  les  imitant.  Car  qu'y  a-t-il  de  plus  injuste  que  de  traiter 
nos  anciens  avec  plus  de  retenue  qu'ils  n'ont  fait  ceux  qui  les 
ont  précédés ,  et  d'avoir  pour  eux  ce  respect  inviolable  qu'ils 
n'ont  mérité  de  nous  que  parce  qu'ils  n'en  ont  pas  eu  un  pareil 
pour  ceux  qui  ont  eu  sur  eux  le  même  avantage? 

Les  secrets  de  la  nature  sont  cachés;  quoiqu'elle  agisse  tou- 
jours, on  ne  découvre  pas  toujours  ses  effets;  le  temps  les  ré- 
vèle d'âge  en  âge,  et,  quoique  toujours  égale  en  elle-même, 
elle  n'est  pas  toujours  également  connue.  Les  expériences  qui 
nous  en  donnent  l'intelligence  multiplient  continuellement  ; 
et,  comme  elles  sont  les  seuls  principes  de  la  physique,  les 
conséquences  multiplient  à  proportion.  C'est  de  cette  façon  que 
l'on, peut  aujourd'hui  prendre  d'autres  sentiments  et  de  nou- 
velles opinions  sans  mépris  et  sans  ingratitude,  puisque  les 
premières  connaissances  qu'ils  nous  ont  données  ont  servi  de 
degrés  aux  nôtres,  et  que  dans  ces  avantages  nous  leur  sommes 
redevables  de  l'ascendant  que  nous  avons  sur  eux  ;  parce  que 
s'étant  élevés  jusqu'à  un  certain  degré  où  ils  nous  ont  portés, 
le  moindre  effort  nous  fait  monter  plus  haut,  et  avec  moins  de 
peine  et  moins  de  gloire  nous  nous  trouvons  au-dessus  d'eux. 


11. 


270  OPUSCULtS  DE  PASCAL 

C'est  de  là  que  nous  pouvons  découvrir  des  choses  qu'il  leur 
était  impossible  d'apercevoir.  Notre  vue  a  plus  d'étendue;  et, 
quoiqu'ils  connussent  aussi  bien  que  nous  tout  ce  qu'ils  pou- 
vaient remarquer  de  la  nature,  ils  n'en  connaissaient  pas  tant 
néanmoins,  et  nous  voyons  plus  qu'eux. 

Cependant  il  est  étrange  de  quelle  sorte  on  révère  leurs  sen- 
timents. On  fait  un  crime  de  les  contredire  et  un  attentat  d'y 
ajouter,  comme  s'ils  n'avaient  plus  laissé  de  vérités  à  con- 
naître. N'est-ce  pas  là  traiter  indignement  la  raison  de  l'homme, 
et  la  mettre  en  parallèle  avec  l'instinct  des  animaux,  puisqu'on 
en  ôte  la  principale  différence,  qui  consiste  en  ce  que  les  effets 
du  raisonnement  augmentent  sans  cesse,  au  lieu  que  l'instinct 
demeure  toujours  dans  un  état  égal?  Les  ruches  des  abeilles 
étaient  aussi  bien  mesurées  il  y  a  mille  ans  qu'aujourd'hui,  et 
chacune  d'elle  forme  cet  hexagone  aussi  exactement  la  pre- 
mière fois  que  la  dernière.  Il  en  est  de  même  de  tout  ce  que 
les  animaux  produisent  par  ce  mouvement  occulte1.  La  nature 
les  instruit,  à  mesure  que  la  nécessité  les  presse;  mais  cette 
science  fragile  se  perd  avec  les  besoins  qu'ils  en  ont;  comme 
ils  la  reçoivent  sans  étude,  ils  n'ont  pas  le  bonheur  de  la  con- 
server ;  et  toutes  les  fois  qu'elle  leur  est  donnée ,  elle  leur  est 
îouvelle,  puisque,  la  nature  n'ayant  pour  objet  que  de  main- 
tenir les  animaux  dans  un  ordre  de  perfection  bornée,  elle  leur 
inspire  cette  science  nécessaire  toujours  égale,  de  peur  qu'ils 
ne  tombent  dans  le  dépérissement,  et  ne  permet  pas  qu'ils  y 
ajoutent,  de  peur  qu'ils  ne  passent  les  limites  qu'elle  leur  a 
prescrites.  Il  n'en  est  pas  de  même  de  l'homme,  qui  n'est  pro- 
duit que  pour  l'infinité.  Il  est  dans  l'ignorance  au  premier  âge 
de  sa  vie ,  mais  il  s'instruit  sans  cesse  dans  son  progrès  ;  car  il 
tire  avantage  non-seulement  de  sa  propre  expérience,  mais 
encore  de  celle  de  ses  prédécesseurs;  parce  qu'il  garde  toujours 
dans  sa  mémoire  les  connaissances  qu'il  s'est  une  fois  acquises, 
et  que  celles  des  anciens  lui  sont  toujours  présentes  dans  les 
livres  qu'ils  en  ont  laissés.  Et  comme  il  conserve  ces  connais- 
sances, il  peut  aussi  les  augmenter  facilement;  de  sorte  que 
les  hommes  sont  aujourd'hui  en  quelque  sorte  dans  le  même 
état  où  se  trouveraient  ces  anciens  philosophes,  s'ils  pouvaient 

1.  (  Ils  le  ïont  toujours,  et  jamais  autrement  »,  ùd  ^..uurs  Pascal   xxy,  li  bis). 


FlUOMENT   0*UN   TRAITÉ   MJ   VIDE.  271 

avoir  vieilli  jusques  à  présent,  en  ajoutant  aux  connaissances 
qu'il  avaient  celles  que  leurs  études  auraient  pu  leur  acquérii 
à  la  faveur  de  tant  de  siècles.  De  là  vient  que,  par  une  préro- 
gative particulière,  non-seulement  chacun  des  hommes  s'a- 
vance de  jour  en  jour  dans  les  sciences,  mais  que  tous  les 
hommes  ensemble  y  font  un  continuel  progrès  à  mesure  que 
l'univers  vieillit,  parce  que  la  même  chose  arrive  dans  la  suc 
cession  des  hommes  que  dans  les  âges  différents  d'un  particu- 
lier. De  sorte  que  toute  la  suite  des  hommes,  pendant  le  cours 
de  tant  de  siècles,  doit  être  considérée  comme  un  même  homme 
qui  subsiste  toujours  et  qui  apprend  continuellement;  d'où 
l'on  voit  avec  combien  d'injustice  nous  respectons  l'antiquité 
dans  ses  philosophes  ;  car,  comme  la  vieillesse  est  l'âge  le  plus 
distant  de  l'enfance,  qui  ne  voit  que  la  vieillesse,  dans  cet 
homme  universel,  ne  doit  pas  être  cherchée  dans  les  temps 
proches  de  sa  naissance,  mais  dans  ceux  qui  en  sont  les  plus 
éloignés?  Ceux  que  nous  appelons  anciens  étaient  véritablement 
nouveaux  en  toutes  choses,  et  formaient  l'enfance  des  hommes 
proprement;  et  comme  nous  avons  joint  à  leurs  connaissances 
l'expérience  des  siècles  qui  les  ont  suivis,  c'est  en  nous  que 
l'on  peut  trouver  cette  antiquité  que  nous  révérons  dans  les 
autres. 

Ils  doivent  être  admirés  dans  les  conséquences  qu'ils  ont 
bien  tirées  du  peu  de  principes  qu'ils  avaient,  et  ils  doivent 
être  excusés  dans  celles  où  ils  ont  plutôt  manqué  du  bonheur 
de  l'expérience  que  de  la  force  du  raisonnement. 

Car  n'étaient -ils  pas  excusables  dans  la  pensée  qu'ils  ont  eue 
pour  la  voie  de  lait,  quand,  la  faiblesse  de  leurs  yeux  n'ayant 
pas  encore  reçu  le  secours  de  l'artifice  *,  ils  ont  attribué  cette 
couleur  à  une  plus  grande  solidité  en  cette  partie  du  ciel ,  qui 
renvoie  la  lumière  avec  plus  de  force2?  Mais  ne  serions-nous 
pas  inexcusables  de  demeurer  dans  la  même  pensée,  mainte- 
nant qu'aidés  des  avantages  que  nous  donne  la  lunette  d'ap- 
proche, nous  y  avons  découvert  une  infinité  de  petites  étoiles, 

1.  Nous  dirions,  de  l'art.  La  voie  de  lait  est  la  voie  lactée. 

2.  Aristote  ,  Meteor.  I,  8,  parle  en  effet  de  physiciens  qui  attribuaient  la  blancheul 
lactée  à  la  réflexion  de  la  lumière  du  soleil  renvoyée  par  les  régions  célestes.  Lui-mêma 
combat  cette  opinion ,  mais  l'explication  qu'il  donne  du  phénomène  ne  vaut  pas  mieux 
que  celle  qu'il  condamne 


272  OPUSCULES  DE  PASCAL  / 

dont  la  splendeur  plus  abondante  nous  a  fait  reconnaître  quelle 
est  la  véritable  cause  de  cette  blancheur? 

N'avaient-ils  pas  aussi  sujet  de  dire  que  tous  les  corps  cor- 
ruptibles étaient  renfermés  dans  la  sphère  du  ciel  de  la  lune, 
lorsque  durant  le  cours  de  tant  de  siècles  ils  n'avaient  point 
encore  remarqué  de  corruptions  ni  de  générations  hors  de  cet 
espace?  Mais  ne  devons-nous  pas  assurer  le  contraire,  lorsque 
toute  la  terre  a  vu  sensiblement  des  comètes  s'enflammer  et 
disparaître  bien  loin  au  delà  de  cette  sphère  *  ? 

C'est  ainsi  que,  sur  le  sujet  du  vide,  ils  avaient  droit  de  dire 
que  la  nature  n'en  souffrait  point,  parce  que  toutes  leurs  expé- 
riences leur  avaient  toujours  fait  remarquer  qu'elle  l'abhorrait 
et  ne  le  pouvait  souffrir2.  Mais  si  les  nouvelles  expériences 
leur  avaient  été  connues,  peut-être  auraient-ils  trouvé  sujet 
d'affirmer  ce  qu'ils  ont  eu  sujet  de  nier  par  là  que  le  vide  n'a- 
vait point  encore  paru3.  Aussi,  dans  le  jugement  qu'ils  ont  fait 
que  la  nature  ne  souffrait  point  de  vide ,  ils  n'ont  entendu 
parler  de  la  nature  qu'en  l'état  où  ils  la  connaissaient  ;  puisque, 
pour  le  dire  généralement,  ce  ne  serait  assez  de  l'avoir  vu  cons- 
tamment en  cent  rencontres,  ni  en  mille,  ni  en  tout  autre 
nombre,  quelque  grand  qu'il  soit;  puisque,  s'il  restait  un  seul 
cas  à  examiner,  ce  seul  suffirait  pour  empêcher  la  définition 

générale,  et  si  un  seul  était  contraire,  ce  seul Car,  dans 

toutes  les  matières  dont  la  preuve  consiste  en  expériences  et 
non  en  démonstrations,  on  ne  peut  faire  aucune  assertion  uni- 
verselle que  par  la  générale  énumération  de  toutes  les  parties  et 
de  tous  les  cas  différents.  C'est  ainsi  que,  quand  nous  disons  que 
le  diamant  est  le  plus  dur  de  tous  les  corps,  nous  entendons 
de  tous  les  corps  que  nous  connaissons ,  et  nous  ne  pouvons 


{.  Voir  le  second  chapitre  du  TJepl  xôsfxov,  faussement  attribué  à  Arîstote.  On  suppo- 
sait entre  la  terre  et  la  grande  sphère  des  étoiles  fixes  ,  un  certain  nombre  de  cercles 
ou  de  cieux  sur  chacun  desquels  tournait  chaque  planète  :  celui  de  la  lune  était  le  dernier 
et  le  plus  rapproché  de  nous.  Au  dessous  s'étendait  la  région  ignée  où  naissent  et  meu- 
rent les  météores  de  toute  espèce,  parmi  lesquels  on  confondait  les  comètes.  —  Cicéron 
a  dit  dans  le  Songe  de  Scipion  [de  Republ.  VI,  10)  :  ...  in  infimoque  orbe  luna...  lnfra 
autem  jarn  nihil  est  nisi  rnorlale  et  caducum...  supra  lunam  sunt  xlcrna  omnia. 

2.  Voir  les  prolégomènes  des  nvîity/.fcTtxà  d'Héron  d'Alexandrie.  Les  expériences  de  la 
succion,  du  siphon,  etc.,  y  sont  expliquées  par  ce  principe,  qu'en  aspirant  l'air  on  fait 
un  vide,  et  que  ce  vide  étant  contre  nature  (noLpà  pûstv),  et  ne  pouvant  absolument  sub- 
sister, le  liquide  s'élève  aussitôt  pour  le  remplir.  Quant  à  la  métaphore  de  l'horreur  du 
vide,  elle  appar  ient,  je  pense,  à  la  scolastique. 

3.  Voyez  la  Vie  de  Pascal,  page  lxviii  de  l'Introduction. 


REMARQUES  SUR   LE  FRAGMENT  D'UN  TRAITÉ   DU  VIDE     273 

ni  no  (lovons  y  comprendre  ceux  qu<>  nous  ne  connaissons 
point;  et  quand  nous  disons  que  Toi*  est  le  plus  pesant  de  tous 
les  corps ,  nous  serions  téméraires  de  comprendre  dans  cette 
proposition  générale  ceux  qui  ne  sont  point  encore  en  notre 
connaissance,  quoiqu'il  ne  soit  pas  impossible  qu'ils  soient  en 
nature1.  De  même,  quand  les  anciens  ont  assuré  que  la  nature 
ne  souffrait  point  de  vide,  ils  ont  entendu  qu'elle  n'en  souffrait 
point  dans  toutes  les  expériences  qu'ils  avaient  vues,  et  ils 
n'auraient  pu  sans  témérité  y  comprendre  celles  qui  n'étaient 
pas  en  leur  connaissance.  Que  si  elles  y  eussent  été,  sans  doute 
ils  auraient  tiré  les  mêmes  conséquences  que  nous,  et  les  au- 
raient par  leur  aveu  autorisées  de  cette  antiquité  dont  on  veut 
fairo  aujourd'hui  l'unique  principe  des  sciences. 

C'est  ainsi  que,  sans  les  contredire,  nous  pouvons  assurer  le 
contraire  de  ce  qu'ils  disaient  ;  et,  quelque  force  enfin  qu'ait 
cette  antiquité,  la  vérité  doit  toujours  avoir  l'avantage,  quoi- 
que nouvellement  découverte,  puisqu'elle  est  toujours  plus 
ancienne  que  toutes  les  opinions  qu'on  en  a  eues,  et  que  ce  se- 
rait ignorer  sa  nature  de  s'imaginer  qu'elle  ait  commencé  d'ê- 
tre au  temps  qu'elle  a  commencé  d'être  connue. 


REMARQUES  SUR  LE  FRAGMENT  D'UN  TRAITÉ    DU  VIDE. 

En  confondant  cet  opuscule  avec  les  Pensées,  en  le  plaçant  presque  à 
côté  du  fragment  fameux  :  «  Que  l'homme  contemple  donc  la  nature 
entière...  »,  Bossut  et  ceux  qui  l'ont  suivi  n'ont  pas  fait  attention  que 
ces  deux  écrits  nous  présentent  l'esprit  de  Pascal  sous  deux  aspects 
presque  contraires.  Celui-ci  est  plein  d'une  foi  profonde  dans  le  travail 
et  le  progrès  de  la  raison,  foi  qui  convenait  si  bien  à  un  tel  génie,  et 
qu'une  sorte  de  maladie  de  l'intelligence  a  pu  seule  étouffer  en  lui. 
Autant  on  souffre  avec  Pascal  quand  sa  pensée  travaille,  par  de  si  vio- 
lents efforts,  à  se  convaincre  elle-même  d'impuissance,  autant  il  y  a 
plaisir  à  l'entendre  ici,  joyeux  et  fier,  reconnaître,  en  termes  magnifi- 
ques, toute  la  portée  de  l'esprit  humain,  sa  fécondité  inépuisable,  et  ses 
inventions  qui  peuvent  être  tout  ensemble  sans  fin  et  sans  interruption. 
Au  lieu  de  cette  éloquence  désespérée  qui  va  poussant  l'homme  jus- 
qu'à l'abêtissement,  on  goûte  avec  bonheur  l'imagination  saine  et  géné- 

1.  En  effet,  nous  connaissons  maintenant  le  platine,  qni  est  plus  pesant  que  l'or. 


274  OPUSCULES  DE  PASCAL 

reuse  qui  célèbre  l'indépendance  et  la  souveraineté  de  la  raison,  et 
proteste  contre  la  superstition  de  l'antiquité  avec  une  force  que  Pas- 
cal n'a  pas  retrouvée  contre  d'autres  superstitions.  Tout  ce  qu'il  dit  à 
ce  sujet  est  admirable,  soit  qu'il  tranche  tout  par  des  mots  irrésisti- 
bles, comme  quand  il  dit  que  la  vérité  est  toujours  plus  ancienne  que 
toutes  les  opinions  quon  en  a  eues,  soit  qu'il  arrive  par  un  développe- 
ment large  et  superbe  à  mettre  en  pleine  lumière  cette  conclusion, 
que  a  c'est  en  nous  que  l'on  peut  trouver  cette  antiquité  que  nous  ré- 
vérons dans  les  autres  » . 

Ici  d'ailleurs,  comme  pour  cette  image  fameuse  (dans  les  Pensées) 
de  la  sphère  infinie,  dont  le  centre  est  partout  et  la  circonférence  nulle 
part,  c'est  le  développement  et  le  grand  style  qui  lui  appartiennent; 
l'idée  remonte  plus  haut  que  lui.  Bacon  avait  dit,  dans  le  livre  De  di- 
gnitate  et  augmenlis  scientiarum,  son  premier  ouvrage  :  «  En  réalité, 
l'antiquité  de  l'histoire  est  la  jeunesse  du  monde.  C'est  nous  qui  som- 
mes les  anciens,  puisque  maintenant  le  monde  est  vieux,  et  non  pas 
ceux  qu'on  appelle  ainsi  parce  que  l'on  compte,  en  remontant  le  cours 
des  siècles,  à  partir  de  notre  temps.  »  Et  dans  le  Novum  organum 
(V,  84),  il  avait  développé  ainsi  sa  pensée  :  Le  préjugé  que  les  hom- 
mes nourrissent  en  faveur  de  l'antiquité  est  tout  à  fait  irréfléchi,  et 
contradictoire  même  dans  les  termes.  La  véritable  antiquité,  c'est  la 
vieillesse  du  monde,  qui  doit  être  placée  au  temps  où  nous  sommes,  et 
non  pas  au  temps  où  le  monde  était  jeune,  qui  est  celui  des  anciens. 
Par  rapport  à  nous,  ils  sont  des  anciens  et  des  aînés  ;  mais  par  rapport 
à  l'âge  du  monde,  l'antiquité  est  toute  jeune,  et  notre  cadette.  Et  de 
même  que  la  connaissance  de  la  vie  et  la  maturité  du  jugement  se 
rencontrent  plutôt  chez  le  vieillard  que  chez  le  jeune  homme,  à  cause 
de  son  inexpérience  et  de  tout  ce  qu'il  a  amassé  d'observations,  d'in- 
formations, de  réflexions  de  toute  espèce  ;  ainsi  notre  temps,  s'il  veut 
connaître  ses  forces,  les  essayer  et  s'évertuer,  doit  être  capable  de  bien 
plus  grandes  choses  que  les  anciens  âges,  etc. i  » 

Et  déjà,  plus  de  trois  cents  ans  auparavant,  le  vieux  Roger  Bacon 
était  bien  près  de  la  même  idée,  lorsqu'au  chapitre  vi  de  la  première 
partie  de  YOpus  majus,  il  exprimait  cette  pensée,  en  l'attribuant  à  Sé- 
nèque,  qu'il  n'y  a  rien  de  complet  dans  les  inventions  humaines,  et 
que  les  plus  jeunes  sont  les  plus  éclairés,  parce  que  les  plus  jeunes, 
venant  les  derniers  dans  la  succession  des  temps,  entrent  en  posses- 
sion du  travail  de  ceux  d'avant  eux  2. 

1.  M.  Bouillet,  dans  les  notes  de  son  édition  de  Bacon,  n'avait  pas  oublié  de  rappro- 
cher ces  passages  de  celui  de  Pascal. 

2.  •  Et  infert,  quanto  juniores,  tanto  perspicaciores,  quia  juniores,  posteriores  suc- 
cessiune   temporum,  ingrediunlur  labores  priorum.  »  — ■  Ce  passage  avait  été  relevé  dans 


REMARQUES  SUR   LE   FRAGMENT  D'UN   TRAITÉ  DU   VIDE     275 

Baillet  dit,  dans  sa  Vie  de  Descartes,  vin,  10,  que,  dans  des  frag- 
ments laissas  par  Descartes  en  manuscrit,  on  trouve  ce  passage  :  Non 
est  quod  anfitjuis  multum  tribuamué propter  antiquitatem,  sed  nos  po- 
tins iis  antiquiores  dicendi.  Jam  enim  senior  est  mundus  quam  tune, 
majoremque  habemus  rerum  experientiam. 

Enfin  Fontenelle  a  écrit,  dans  sa  Digression  sur  les  anciens  et  les  mo- 
dernes, à  la  suite  de  ses  Eglogues  otàe  son  Discours  sur  VÉglog  :c(1688): 

«  Un  bon  esprit  cultivé  est,  pour  ainsi  dire,  composé  de  tous  les  es- 
prits dfs  siècles  précédents;  ce  n'est  qu'un  même  esprit,  qui  s'est  cul- 
tivé pendant  tout  ce  temps-là.  Ainsi,  cet  homme,  qui  a  vécu  depuis 
le  commencement  du  monde  jusqu'à  présent,  a  eu  son  enfance,  etc.  '  » 

Mais  quelle  dislance  entre  Pascal  et  Fontenelle  I  Tout  le  bel  esprit 
de  l'académicien  est  froid,  petit,  sophistique  même  dans  le  vrai,  et  le 
présentant  sous  un  jour  faux.  Ici,  tout  est  lumière,  chaleur,  élévation; 
c'est  la  vérité  dans  sa  splendeur.  Cette  plainte  sur  la  raison,  indigne- 
ment traitée  et  rabaissée  jusqu'à  l'instinct,  cette  vue  large  de  l'action 
continuelle  de  la  nature  dans  les  espèces  animales,  ce  mot  sur 
l'homme,  qui  n  est  produit  que  pour  l'infinité,  cet  homme  universel,  qui 
subsiste  toujours  et  qui  apprend  continuellement,  voilà  des  traits  de 
Pascal.  La  grandeur  des  choses  fait  la  grandeur  de  la  phrase.  Et  la  fin 
des  deux  écrivains  ne  diffère  pas  moins  que  leur  style  :  l'un  est  un 
penseur  qui  veut  faire  reconnaître  les  droits  de  la  raison  humaine  ; 
I  autre  est  un  poëte  (puisque  cela  s'appelle  ainsi),  qui  prétend  prouver 
que  la  poésie  de  Tbéocritc  et  de  Virgile  n'est  rien  au  prix  de  celle  de 
ses  Églogues. 

On  a  cru  retrouver  dans  Augustin  cette  pensée  en  germe.  Nous 
voyons,  en  effet,  dans  la  Cité  de  Dieu  (X,  14),  l'humanité  qui  se  déve- 
loppe comme  un  seul  homme  par  périodes  distinctes,  et  suivant  des 
âges  qui  se  succèdent  :  Sicut  autem  unius  hominis,  ita  humanigeneris.,. 
recta  eruditio  per  quosdam  articulos  temporum  tanquam  œtatum proces- 
sit  accessibus.  Il  dit  la  même  chose  dans  la  question  58  du  livre  inti- 
tulé, De  diversis  quœstionibus  lxxxiii  liber  unus.  Et  j'ai  cité,  dans  les  Re- 
marques sur  le  fragment  99  bis  de  l'article  xxv,  un  autre  passage  sur 
le  même  thème.  Mais  ce  passage,  véritablement  bizarre  jusqu'à  l'ab- 
surde, est  aussi  loin  que  possible  des  grandes  pensées  que  développe 
ici  Pascal.  La  ressemblance  est  purement  extérieure;  et  Augustin  n'a 
pas  même  entrevu  l'idée  du  développement  indéfini  de  l'humanité.  Au 
contraire,  il  ne  partage  l'histoire  du  monde  en  six  âges,  déterminés 

le  brillant  volume  d'Hippolyte  Riirault  (aussi  judicieux  que  brillant)  sur  YHisioire  de  la 
querelle  des  anciens  et  des  modernes  (1856),  p.  24. 

1.  Le  morceau  de  Pascal  n'était  pas  publié  quand  rûnlencllo  écrivait  cette  page.  L'a- 
yait-il  lu  en  rar.nusail? 


276  OPUSCULES  DE  PASCAL 

uniquement  par  certaines  dates  de  l'histoire  sainte,  que  pour  conclure 
que  nous  sommes  au  dernier,  et  que  nous  touchons  à  la  fin  des  temps. 

Remarquons  enfin  que  Pascal  rend  aux  anciens,  c'est-à-dire  aux 
Grecs,  tout  ce  qu'on  leur  doit,  quand  il  reconnaît,  non-seulement  que 
nous  avions  besoin  d'eux  pour  aller  plus  loin  qu'eux,  mais  que  notre 
peine  et  notre  temps  nous  eussent  moins  acquis  que  leurs  travaux  séparés 
des  nôtres.  Fontenelle  n'avait  ni  assez  de  justice,  ni  assez  de  lumières 
pour  parler  ainsi. 

Quand  Pascal  se  plaint  que  les  opinions  nouvelles  qu'on  produit  dans 
la  physique,  quoique  en  petit  nombre,  semblent  devoir  être  convain- 
cues de  fausseté,  dès  qu  elles  choquent  tant  soit  peu  les  opinions  re- 
çues, il  ne  parle  que  des  opinions  reçues  dans  l'École,  et  non  des  opi- 
nions théologiques,  puisqu'il  ajoute  aussitôt,  comme  si  le  respect  qu'on 
a  pour  les  anciens  était  de  devoir.  Il  ne  fait  donc  pas  allusion  à  la  doc- 
trine du  mouvement  de  la  terre,  qu'il  n'a  jamais  osé  adopter  lui- 
même,  mais  peut-être  à  celle  de  la  circulation  du  sang,  et  surtout  à 
celle  de  la  pesanteur  de  l'air,  que  sa  fameuse  expérience  du  Puy-de- 
Dôme  avait  achevé  de  démontrer,  et  qui  faisait  le  sujet  du  livre  dont 
ces  pages  mêmes  devaient  faire  partie.  Il  savait  mieux  que  personne 
quel  est  l'empire  de  la  tradition,  puisque  lui-même  était  resté  long- 
temps fidèle  à  Y  horreur  du  vide,  et  qu'il  avait  eu  la  plus  grande  peine 
à  se  détacher  de  cette  croyance  universelle  du  monde,  comme  il  l'appelle 
quelque  part.  Voyez  son  écrit  intitulé  :  Expérience  touchant  le  vide, 
etc.,  1647,  au  tome  iv  des  Œuvres  de  Biaise  Pascal,  édition  de  1819 
(pages  54  et  suivantes). 

On  remarquera,  au  sujet  des  comètes  (p.  273),  que  tout  en  recon- 
naissant qu'elles  se  montrent  bien  au  delà  de  la  lune,  Pascal  paraît 
les  considérer  lui-même  comme  des  météores  ou  feux  passagers,  qui 
se  produisent  tout  à  coup  et  s'éteignent  tout  à  coup  aussi.  Il  semble 
ignorer  que  les  comètes  sont  de  véritables  astres,  dont  l'existence  est 
indépendante  de  leur  apparition,  et  qui  accomplissent  leur  révolution 
autour  du  soleil.  C'est  pourtant  ce  que  de  grands  esprits  avaient  de- 
viné déjà  chez  les  anciens,  comme  on  le  voit  par  Aristote  même,  qui 
combat  leurs  conjectures  (Meteor.  I,  6).  Voir  aussi  la  belle  exposi- 
tion du  VIIe  livre  des  Questions  naturelles  de  Sénèque.  Du  reste,  cela 
n'empêche  pas  qu'il  ne  puisse  y  avoir  partout,  dans  l'univers,  produc- 
tion et  destruction  continuelle,  ou,  comme  dit  Pascal,  d'après  les 
Grecs,  génération  et  corruption  (yivtmç  xal  f6opâ)-}  et  que  les  soleils 
mêmes  et  les  étoiles  ne  s'enflamment  ou  ne  s'éteignent  en  des  points 
divers  de  l'espace  et  du  temps.  Voyez  le  Cosmos  d'Alex,  de  Humboldt, 
tome  Ier,  page  88  de  la  traduction  française. 


REMARQUES  SUR  LE  FRAGMENT  D*UN  TRAITÉ  DU  VIDE      277 

Il  y  a  une  chose,  dans  ce  beau  manifeste  philosophique,  qu'on  ne 
peut  s'empêcher  de  voir  avec  regret,  c'est  un  dédain  des  connaissances 
historiques  qui  témoigne  assez  que  Pascal  était  trop  étranger  à  ces 
connaissantes.  Il  s'en  faut  beaucoup  que  les  sciences  historiques  con- 
sistent uniquement  à  savoir  ce  que  les  auteurs  ont  écrit  ;  elles  consistent 
bien  plutôt  à  démêler,  à  travers  ce  qu'ils  ont  écrit,  ce  qui  a  été,  tâche 
beaucoup  plus  intéressante  et  beaucoup  plus  grande.  Il  ajoute  qu'elles 
sont  bornées;  cela  est  bientôt  dit,  mais  dans  ces  bornes  mêmes,  quelle 
n'est  pas  l'effrayante  étendue  de  ces  études  !  Savoir  seulement  ce  que 
les  autres  ont  écrit,  pour  parler  comme  Pascal,  est  un  travail  énorme, 
et  de  plus  un  travail  d'une  portée  immense.  L'histoire  est  le  fond 
de  tout  pour  les  sciences  de  l'ordre  moral.  Si  Pascal  avait  connu 
l'Orient,  l'antiquité,  le  moyen  âge;  s'il  avait  su  les  langues,  s'il  avait 
pu  lire  et  s'il  avait  lu  davantage;  s'il  s'était  bien  rendu  compte  de  ce 
qu'ont  écrit  les  auteurs  des  livres  sacrés,  et  surtout  de  ce  qu'ils  n'ont 
pas  écrit;  s'il  s'était  fait  une  plus  juste  idée  de  la  critique  des  dates  et 
des  textes,  toute  sa  théologie  et  toute  sa  philosophie  ensemble  auraient 
crouié. 


DE  L'ESPRIT  GEOMETRIQUE 


PREMIER    FRAGMENT 

1. 

On  peut  avoir  trois  principaux  objets  dans  l'étude  de  la  vé- 
rité ;  Pun,  de  la  découvrir  quand  on  la  cherche  ;  l'autre,  de  la 
démontrer  quand  on  la  possède;  le  dernier,  de  la  discerner 
d'avec  le  faux  quand  on  l'examine. 

Je  ne  parle  point  du  premier;  je  traite  particulièrement  du 
second,  et  il  enferme  le  troisième.  Car,  si  l'on  sait  la  méthode 

i.  Les  deux  fragments  réunis  sous  ce  titre  forment  les  articles  n  et  m  de  la  première 
partie  dans  l'édition  de  Bossut,  et  y  sont  intitulés  :  le  premier,  Réflexions  sur  la  Géomé- 
trie en  général,  et  le  second,  De  l'Art  de  persuader. 

M.  Faugère  a  cité  un  passa  e  du  premier  Discours  placé  en  tête  de  la  Logique  de  Port- 
Royal,  où  il  est  dit  que,  dans  cette  Logique,  on  a  tiré  plusieurs  choses  d'un  petit  écrit 
non  imprimé,  qui  avait  été  fait  par  feu  M.  Pascal,  et  qu'il  avait  intitulé  :  De  l'Esprit 
géométrique.  Mais  il  ne  rapporte  cette  indication  qu'au  premier  des  deux  fragments.  Ce- 
pendant, après  les  mots  que  j'ai  cités,  les  auteurs  de  la  Logique  ajoutent  immédiatement  : 
t  Et  c'est  ce  qui  est  dit  dans  le  chapitre  xi  de  la  première  partie,  de  la  différence  des 
définitions  de  nom  et  des  définitions  de  chose,  et  les  cinq  règles  qui  sont  expliquées  dans 
la  quatrième  partie  [chap.  ni  et  suivants],  que  l'on  y  a  beaucoup  plus  étendues  qu'elles 
ne  le  sont  dans  cet  écrit.  ■  Or,  la  distinction  des  définitions  de  nom  et  de  chose  se  trouve 
bien  dans  le  premier  fragment,  mais  c'est  dans  le  second,  dans  celui  qu'on  intitule  or- 
dinairement :  De  l'Art  de  persuader,  que  les  cinq  règles  dont  il  est  question  ici  sont 
présentées.  Donc  l'indication  de  la  Logique  de  Port-Royal  se  rapporte  aux  deux  fragments 
à  la  fois,  dont  elle  parie  comme  d'un  seul  écrit. 

Dans  l'un  et  l'autre  fragment,  l'auteur  divise  son  sujet  en  deux  parties,  et  n'aborde 
que  la  première.  Pour  cette  première  partie  même,  tous  les  deux  sont  incomplets.  Le 
premier,  quoique  ayant  plus  d'étendue,  l'est  tellement,  qu'on  peut  dire  qu'il  s'arrête  aux 
préliminaires  du  sujet.  Ce  sont  deux  rédactions  différentes  d'un  même  travail  ;  la  pre- 
mière est  commencée  seulement;  la  seconde,  qui  va  plus  vite,  va  aussi  plus  loin.  C'est 
ainsi  que  Pascal  a  laissé,  d'une  part,  des  fragments  d'un  grand  Traité  du  Vide;  de  l'autre, 
une  espèce  de  réduction  achevée  de  ce  traité,  dans  le  petit  ouvrage  qui  se  compose  des 
deux  écrits  sur  l'Équilibre  des  liqueurs  et  la  Pesanteur  de  l'air. 

On  verra,  par  différents  traits,  que  ces  deux  morceaux  on  dû  être  6crits  à  une  époque 
où  les  sentiments  religieux  de  Pascal  étaient  déjà  très-vifs,  sans  que  son  esprit  fût  en- 
core absorbé  tout  entier  dans  les  méditations  théologiques.  J'imagine  qu'il  les  a  compo- 
sés dans  les  premiers  temps  de  sa  retraite  à  Port-Royal,  un  peu  avant  les  Provinciales 
(16j5).  Le  premier  fragment  a  été  publié  pour  la  première  fois  par  Condorcet,  d'une  ma- 
nière incomplète.  Le  second  l'avait  été  par  le  P.  Desmolets.  11  s'en  est  conservé  en  ma- 
nuscrit une  copie,  d'après  laquelle  M.  Faugère  les  a  donnés. 


de  l'esprit  géométrique  279 

de  prouver  la  vérité,  on  aura  en  même  temps  celle  de  la  discer- 
ner, puisqu'en  examinant  si  la  preuve  qu'on  en  donne  est  con- 
forme aux  règles  qu'on  connaît,  on  saura  si  elle  est  exacte- 
ment démontrée. 

La  géométrie,  qui  excelle  en  ces  trois  genres,  a  expliqué  l'art 
de  découvrir  les  vérités  inconnues;  et  c'est  ce  qu'elle  appelle 
Analyse,  et  dont  il  serait  inutile  de  discourir  après  tant  d'ex- 
cellents ouvrages  qui  ont  été  faits. 

Celui  de  démontrer  des  vérités  déjà  trouvées,  et  de  les  éclair- 
cir  de  telle  sorte  que  la  preuve  en  soit  invincible,  est  le  seul 
que  je  veux  donner  ;  et  je  n'ai  pour  cela  qu'à  expliquer  la  mé- 
thode que  la  géométrie  y  observe;  car  elle  l'enseigne  parfaite- 
ment par  ses  exemples,  quoiqu'elle  n'en  produise  aucun  dis- 
cours. Et  parce  que  cet  art  consiste  en  deux  choses  principales, 
l'une  de  prouver  chaque  proposition  en  particulier,  l'autre  de 
disposer  toutes  les  propositions  dans  le  meilleur  ordre,  j'en 
ferai  deux  sections,  dont  l'une  contiendra  les  règles  de  la  con- 
duite des  démonstrations  géométriques,  c'est-à-dire  méthodi- 
ques et  parfaites,  et  la  seconde  comprendra  celles  de  l'ordre 
géométrique ,  c'est-à-dire  méthodique  et  accompli  :  de  sorte 
que  les  deux  ensemble  enfermeront  tout  ce  qui  sera  nécessaire 
pour  la  conduite  du  raisonnement  à  prouver  et  discerner  les 
vérités  ;  lesquelles  j'ai  dessein  de  donner  entières1* 

SECTION   PREMIÈRE. 

De  la  méthode  des  démonstrations  géométriques,  c'est-à-dire 
méthodiques  et  parfaites. 

Je  ne  puis  faire  mieux  entendre  la  conduite  qu'on  doit  gar- 
der pour  rendre  les  démonstrations  convaincantes,  qu'en  ex- 
pliquant celle  que  la  géométrie  observe. 

[Mon  objet]  est  bien  plus  de  réussir  à  Tune  qu'à  l'autre8,  et 
je  n'ai  choisi  cette  science  pour  y  arriver  que  parce  qu'elle 
seule  sait  les  véritables  règles  du  raisonnement,  et,  sans  s'ar- 

1.  Lesquelles  deux  sections.  Pascal  n'a  pas  fait  ce  qu'il  se  promettait  de  faire. 

2.  Cet  alinéa  et  le  suivant  étaient  sur  un  papier  à  part,  à  ce  que  nous  apprend  un© 
note  du  copiste.  J'ai  rempli  la  lacune  des  premiers  mots.  11  veut  dire  :  mon  objet  est 
bien  plus  de  réussir  dans  la  méthode  générale  de  démontrer  que  dans  la  géométrie  en 
particulier» 


280  OPUSCULES  DE  PASCAL 

rêter  aux  règles  des  syllogismes,  qui  sont  tellement  naturelles 
qu'on  ne  peut  les  ignorer,  s'arrête  et  se  fonde  sur  la  véritable 
méthode  de  conduire  le  raisonnement  en  toutes  choses,  que 
presque  tout  le  monde  ignore,  et  qu'il  est  si  avantageux  de  sa- 
voir, que  nous  voyons  par  expérience  qu'entre  esprits  égaux  et 
toutes  choses  pareilles,  celui  qui  a  de  la  géométrie  l'emporte 
et  acquiert  une  vigueur  toute  nouvelle. 

Je  veux  donc  faire  entendre  ce  que  c'est  que  démonstration 
par  l'exemple  de  celles  de  géométrie,  qui  est  presque  la  seule 
des  sciences  humaines  qui  en  produise  d'infaillibles,  parce 
qu'elle  seule  observe  la  véritable  méthode,  au  lieu  que  toutes 
les  autres  sont  par  une  nécessité  naturelle  dans  quelque  sorte 
de  confusion,  que  les  seuls  géomètres  savent  extrêmement 
connaître  1. 

Mais  il  faut  auparavant  que  je  donne  l'idée  d'une  méthode 
encore  plus  éminente  et  plus  accomplie,  mais  où  les  hommes 
ne  sauraient  jamais  arriver  :  car  ce  qui  passe  la  géométrie 
nous  surpasse  ;  et  néanmoins  il  est  nécessaire  d'en  dire  quel- 
que  chose,  quoiqu'il  soit  impossible  de  le  pratiquer. 

Cette  véritable  méthode,  qui  formerait  les  démonstrations 
dans  la  plus  haute  excellence,  s'il  était  possible  d'y  arriver, 
consisterait  en  deux  choses  principales  :  l'une,  de  n'employer 
aucun  terme  dont  on  n'eût  auparavant  expliqué  nettement  le 
sens;  l'autre,  de  n'avancer  jamais  aucune  proposition  qu'on 
ne  démontrât  par  des  vérités  déjà  connues  ;  c'est-à-dire,  en 
un  mot,  à  définir  tous  les  termes  et  à  prouver  toutes  les  pro- 
positions. Mais,  pour  suivre  l'ordre  même  que  j'explique,  il 
faut  que  je  déclare  ce  que  j'entends  par  définition. 

On  ne  reconnaît  en  géométrie  que  les  seules  définitions  que 
les  logiciens  appellent  définitions  de  nom,  c'est-à-dire  que  les 
seules  impositions  de  nom  aux  choses  qu'on  a  clairement  dési- 
gnées en  termes  parfaitement  connus  ;  et  je  ne  parle  que  de 
celles-là  seulement.  Leur  utilité  et  leur  usage  est  d'éclaircir 
et  d'abréger  le  discours,  en  exprimant  par  le  seul  nom  qu'on 
impose  ce  qui  ne  pourrait  se  dire  qu'en  plusieurs  termes  ;  en 
sorte  néanmoins  que  le  nom  imposé  demeure  dénué  de  tout 
autre  sens,  s'il  en  a,  pour  n'avoir  plus  que  celui  auquel  on  le 

I.  Ces  derniers  mots  ne  s'entendent  pas  biea. 


DE  l'esprit  géométrique  281 

destine  uniquement.  En  voici  un  exemple.  Si  l'on  a  besoin  de 

distinguer  dans  les  nombres  ceux  qui  sont  divisibles  en  deux 
également  d'avec  ceux  qui  ne  le  sont  pas,  pour  éviter  de  répé- 
ter souvent  cette  condition,  on  lui  donne  mi  nom  en  cette 
sorte  :  j'appelle  tout  nombre  divisible  en  deux  également  nom- 
bre pair.  Voilà  une  définition  géométrique;  parce  qu'après 
avoir  clairement  désigné  une  chose,  savoir  tout  nombre  divi- 
sible en  deux  également,  on  lui  donne  un  nom  que  l'on  desti- 
tue de  tout  autre  sens,  s'il  en  a,  pour  lui  donner  celui  de  la 
chose  désignée.  D'où  il  paraît  que  les  définitions  sont  très-li- 
bres, et  qu'elles  ne  sont  jamais  sujettes  à  être  contredites,  car 
il  n'y  a  rien  de  plus  permis  que  de  donner  à  une  chose  qu'on  a 
clairement  désignée  un  nom  tel  qu'on  voudra.  11  faut  seulement 
prendre  garde  qu'on  n'abuse  de  la  liberté  qu'on  a  d'imposer 
des  noms,  en  donnant  le  même  à  deux  choses  différentes. 

Ce  n'est  pas  que  cela  ne  soit  permis,  pourvu  qu'on  n'en  con- 
fonde pas  les  conséquences,  et  qu'on  ne  les  étende  pas  de  l'une 
à  l'autre. 

Mais  si  l'on  tombe  dans  ce  vice,  on  peut  lui  opposer  un  re- 
mède très-sûr  et  très-infaillible  :  c'est  de  substituer  mentale- 
ment la  définition  à  la  place  du  défini,  et  d'avoir  toujours  la 
définition  si  présente  que,  toutes  les  fois  qu'on  parle,  par 
exemple,  de  nombre  pair,  on  entende  précisément  que  c'est  ce- 
lui qui  est  divisible  en  deux  parties  égales,  et  que  ces  deux 
choses  soient  tellement  jointes  et  inséparables  dans  la  pensée, 
qu'aussitôt  que  le  discours  en  exprime  l'une,  l'esprit  y  attache 
immédiatement  l'autre.  Car  les  géomètres,  et  tous  ceux  qui 
agissent  méthodiquement,  n'imposent  des  noms  aux  choses 
que  pour  abréger  le  discours,  et  non  pour  diminuer  ou  chan- 
ger l'idée  des  choses  dont  ils  discourent.  Et  ils  prétendent  que 
l'esprit  supplée  toujours  la  définition  entière  aux  termes  courts, 
qu'ils  n'emploient  que  pour  éviter  la  confusion  que  la  multi- 
tude des  paroles  apporte.  Rien  n'éloigne  plus  promptement  et 
plus  puissamment  les  surprises  captieuses  des  sophistes  que 
cette  méthode,  qu'il  faut  avoir  toujours  présente,  et  qui  suffit 
seule  pour  bannir  toutes  sortes  de  difficultés  et  d'équivoques. 

Ces  choses  étant  bien  entendues,  je  reviens  à  l'explication 
du  véritable  ordre,  qui  consiste,  comme  je  disais,  à  tout  défi- 


282  OPUSCULES  Î)Ë   PASCAL 

nir  et  à  tout  prouver.  Certainement  cette  méthode  serait  belle, 
mais  elle  est  absolument  impossible  ;  car  il  est  évident  que 
les  premiers  termes  qu'on  voudrait  définir  en  supposeraient  de 
précédents  pour  servir  à  leur  explication,  et  que  de  même  les 
premières  propositions  qu'on  voudrait  prouver  en  suppose- 
raient d'autres  qui  les  précédassent;  et  ainsi  il  est  clair  qu'on 
n'arriverait  jamais  aux  premières.  Aussi,  en  poussant  les  re- 
cherches de  plus  en  plus,  on  arrive  nécessairement  à  des  mots 
primitifs  qu'on  ne  peut  plus  définir,  et  à  des  principes  si  clairs 
qu'on  n'en  trouve  plus  qui  le  soient  davantage  pour  servir  à 
leur  preuve.  D'où  il  paraît  que  les  hommes  sont  dans  une  im- 
puissance naturelle  et  immuable  de  traiter  quelque  science 
que  ce  soit  dans  un  ordre  absolument  accompli. 

Mais  il  ne  s'ensuit  pas  de  là  qu'on  doive  abandonner  toute 
sorte  d'ordre.  Car  il  y  en  a  un,  et  c'est  celui  de  la  géométrie, 
qui  est  à  la  vérité  inférieur  en  ce  qu'il  est  moins  convaincant, 
mais  non  pas  en  ce  qu'il  est  moins  certain.  Il  ne  définit  pas 
tout  et  ne  prouve  pas  tout,  et  c'est  en  cela  qu'il  lui  cède  ;  mais 
il  ne  suppose  que  des  choses  claires  et  constantes  par  la  lu- 
mière naturelle,  et  c'est  pourquoi  il  est  parfaitement  véritable, 
la  nature  le  soutenant  au  défaut  du  discours  l.  Cet  ordre,  le 
plus  parfait  entre  les  hommes,  consiste  non  pas  à  tout  définir 
ou  à  tout  démontrer,  ni  aussi  à  ne  rien  définir  ou  à  ne  rien  dé- 
montrer, mais  à  se  tenir  dans  ce  milieu  de  ne  point  définir  les 
choses  claires  et  entendues  de  tous  les  hommes,  et  de  définir 
toutes  les  autres  ;  et  de  ne  point  prouver  toutes  les  choses  con- 
nues des  hommes,  et  de  prouver  toutes  les  autres.  Contre  cet 
ordre  pèchent  également  ceux  qui  entreprennent  de  tout  définir 
et  de  tout  prouver,  et  ceux  qui  négligent  de  le  faire  dans  les 
choses  qui  ne  sont  pas  évidentes  d'elles-mêmes. 

C'est  ce  que  la  géométrie  enseigne  parfaitement.  Elle  ne  dé- 
finit aucune  de  ces  choses,  espace,  temps,  mouvement,  nombre, 
égalité,  ni  les  semblables  qui  sont  en  grand  nombre,  parce  que 
ces  termes-là  désignent  si  naturellement  les  choses  qu'ils  signi- 
fient, à  ceux  qui  entendent  la  langue,  que  l'éclaircissement 
qu'on  en  voudrait  faire  apporterait  plus  d'obscurité  que  d'ins- 

i.  C'est-à-dire,  du  raisonnement. 


de  l'esprit  gêomêtriqub  283 

traction.  Car  il  n'y  a  rien  de  plus  faible  que  le  discours  de 
ceux  qui  veulent  définir  ces  mots  primitifs.  Quelle  nécessité 
y  a-t-il,  par  exemple,  d'expliquer  ce  qu'on  entend  par  le  mot 
homme  ?  Ne  sait-on  pas  assez  quelle  est  la  chose  qu'on  veut 
désigner  par  ce  terme?  Et  quel  avantage  pensait  nous  procurer 
Platon,  en  disant  que  c'était  un  animal  à  deux  jambes  sans 
plumes  '?  Gomme  si  l'idée  que  j'en  ai  naturellement,  et  que  je 
ne  puis  exprimer,  n'était  pas  plus  nette  et  plus  sûre  que  celle 
qu'il  me  donne  par  son  explication  inutile  et  môme  ridicule; 
puisqu'un  homme  ne  perd  pas  l'humanité  en  perdant  les  deux 
jambes,  et  qu'un  chapon  ne  l'acquiert  pas  en  perdant  ses 
plumes. 

Il  y  en  a  qui  vont  jusqu'à  cette  absurdité  d'expliquer  un  mot 
par  le  mot  même.  J'en  sais  qui  ont  défini  la  lumière  en  cette 
sorte  :  La  lumière  est  un  mouvement  luminaire  des  corps  lumi- 
neux; comme  si  on  pouvait  entendre  les  mots  de  luminaire  et 
(\e  lumineux  sans  celui  de  lumière  *. 

On  ne  peut  entreprendre  de  définir  l'être  sans  tomber  dan* 
cette  absurdité  :  car  on  ne  peut  définir  un  mot  sans  commencer 
par  celui-ci,  c'est,  soit  qu'on  exprime  ou  qu'on  le  sous-en- 
tende.  Donc  pour  définir  l'être,  il  faudrait  dire  c'est,  et  ainsi 
employer  le  mot  défini  dans  sa  définition3. 

On  voit  assez  de  là  qu'il  y  a  des  mots  incapables  d'être  dé- 
finis ;  et  si- la  nature  n'avait  suppléé  à  ce  défaut  par  une  idée 
pareille  qu'elle  a  donnée  à  tous  les  hommes,  toutes  nos 
expressions  seraient  confuses  ;  au  lieu  qu'on  en  use  avec  la 
même  assurance  et  la  même  certitude  que  s'ils  étaient  expli- 
qués d'une  manière  parfaitement  exempte  d'équivoques;  parce 
que  la  nature  nous  en  a  elle-même  donné,  sans  paroles,  une 

1.  Montaigne,  Apol,  t.  ni,  p.  213,  d'après  Diogène  Laërce,  IV,  40. 

î.  Celte  absurdité  appartient  au  P.  Noël,  jésuite,  qui  avait  attaqué  les  premiers  tra- 
vaux scientifiques  de  Pascal  avec  une  physique  et  une  éloquence  également  ridicules. 
On  lit  en  effet  dans  sa  première  lettre  (imprimée  au  tome  iv  des  OEuvres  de  Pascal)  ces 
incroyables  paroles  :  «...  Puisque  la  lumière,  ou  plutôt  l'illumination,  est  un  mouvement 
luminaire  des  rayons  composés  des  corps  lucides  qui  remplissent  les  corps  transparents 
et  ne  sont  mus  luminairement  que  par  d'autres  corps  lucides.  >  Pascal  releva  sur-le- 
champ  cette  définition  étrange  dans  sa  Réponse  au  P.  Noél,  en  lui  opposant  les  mêmes 
principes  qu'il  énonce  ici.  Mais  le  galimatias  est  tellement  incompatible  avec  l'esprit  de 
Pascal  qu'il  n'a  pu  conserver  celui-là  dans  toute  sa  richesse;  il  l'a  simplifié  et  l'a  rendu 
plus  net  comme  malgré  lui.  Le  P.  Noël,  dans  sa  seconde  lettre  à  Pascal,  essaie  d'expli- 
quer sa  définition,  mais  le  commentaire  n'est  pas  moins  obscur  que  le  texte. 

3.  Voyez  la  même  pensée  dans  l'Entretien  de  Pascal  avec  M.  de  Saci,  p.  cxxviii  de 
l'Introduction. 


284  OPUSCULES  DE  PASCAL 

intelligence  plus   nette  que  celle  que  l'art  nous  acquiert  pai 
nos  explications. 

Ce  n'est  pas  que  tous  les  hommes  aient  la  même  idée  de  l'es- 
sence des  choses  que  je  dis  qu'il  est  impossible  et  inutile  de 
définir.  Car  par  exemple,  le  temps  est  de  cette  sorte.  Qui  le 
pourra  définir?  Et  pourquoi  l'entreprendre,  puisque  tous  les 
hommes  conçoivent  ce  qu'on  veut  dire  en  parlant  du  temps, 
sans  qu'on  le  désigne  davantage?  Cependant  il  y  a  bien  de 
différentes  opinions  touchant  l'essence  du  temps,  lies  uns  di- 
sent que  c'est  le  mouvement  d'une  chose  créée  ;  les  autres,  la 
mesure  du  mouvement1,  etc.  Aussi  ce  n'est  pas  la  nature  de 
ces  choses  que  je  dis  qui  est  connue  à  tous;  ce  n'est  simple- 
ment que  le  rapport  entre  le  nom  et  la  chose  ;  en  sorte  qu'à 
cette  expression,  temps,  tous  portent  la  pensée  vers  le  même 
objet;  ce  qui  suffit  pour  faire  que  ce  terme  n'ait  pas  besoin 
d'être  défini,  quoique  ensuite,  en  examinant  ce  que  c'est  que 
le  temps,  on  vienne  à  différer  de  sentiment  après  s'être  mis  à 
y  penser  ;  car  les  définitions  ne  sont  faites  que  pour  désigner 
les  choses  que  l'on  nomme,  et  non  pas  pour  en  montrer  la 
nature.  Ce  n'est  pas  qu'il  ne  soit  permis  d'appeler  du  nom  de 
temps  le  mouvement  d'une  chose  créée;  car,  comme  j'ai  dit 
tantôt,  rien  n'est  plus  libre  que  les  définitions.  Mais  ensuite 
de  cette  définition  il  y  aura  deux  choses  qu'on  appellera  du 
nom  de  temps  :  l'une  est  celle  que  tout  le  monde  entend  na- 
turellement par  ce  mot,  et  que  tous  ceux  qui  parlent  notre 
langue  nomment  par  ce  terme  ;  l'autre  sera  le  mouvement 
d'une  chose  créée,  car  on  l'appellera  aussi  de  ce  nom  suivant 
cette  nouvelle  définition.  Il  faudra  donc  éviter  les  équivoques, 
et  ne  pas  confondre  les  conséquences.  Car  il  ne  s'ensuivra  pas 
de  là  que  la  chose  qu'on  entend  naturellement  par  le  mot  de 
temps  soit  en  effet  le  mouvement  d'une  chose  créée.  Il  a  été 
libre  de  nommer  ces  deux  choses  de  même  ;  mais  il  ne  le  sera 
pas  de  les  faire  convenir  de  nature  aussi  bien  que  de  nom. 

i.  La  scolastique  distinguait  trois  espèces  de  durée  :  l'éternité,  qui  est  la  permanence 
de  Dieu,  également  immuable  dans  sa  substance  et  dan3  ses  modes;  la  perpétuité  (œvum), 
qui  est  la  permanence  des  créatures  incorruptibles ,  telles  que  les  anges  et  les  âmes, 
quant  à  la  substance,  non  quant  aux  modes  ;  et  enfin  le  temps,  ou  la  mobilité  des  créa- 
tures en  général,  incorruptibles  ou  corruptibles,  celles-là  n'étant  sujettes  à  cette  mobilité 
que  dans  leurs  modes,  celles-ci  l'étant  dans  leur  substance  même.  Voir  la  Somme  de 
saint  Thomas,  quest.  x,  art.  4  et  5.  Cf.  quest,  lui,  art.  3.  —  L'autre  définition  est  d'A- 
ristote,  Phys.,  IV,  il  :  àifiid/j.bs  xjvvjffswj. 


dr  l'esprit  géométrique  é85 

Ainsi,  si  Ton  avance  ce  discours  :  Le  temps  est  le  mouvement 
d'une  chose  créée;  il  faut  demander  ce  qu'on  entend  par  ce 
mot  de  temps,  c'est-à-dire  si  on  rai  laisse  le  sens  ordinaire  et 
reçu  de  tous,  on  si  on  l'en  dépouille  pour  lui  donner  en  cette 
occasion  celui  de  mouvement  d'une  chose  créée.  Que  si  on  le 
destitue  de  tout  autre  sens,  on  ne  peut  contredire,  et  ce  sera 
une  définition  libre,  ensuite  de  laquelle,  comme  j'ai  dit,  il  y 
aura  deux  choses  qui  auront  ce  même  nom.  Mais  si  on  lui 
laisse  son  sens  ordinaire,  et  qu'on  prétende  néanmoins  que  ce 
qu'on  entend  par  ce  mot  soit  le  mouvement  d'une  chose  créée, 
on  peut  contredire.  Ce  n'est  plus  une  définition  libre,  c'est  une 
proposition  qu'il  faut  prouver,  si  ce  n'est  qu'elle  soit  très-évi- 
dente d'elle-même  ;  et  alors  ce  sera  un  principe  et  un  axiome, 
mais  jamais  une  définition,  parce  que  dans  cette  énonciation 
on  n'entend  pas  que  le  mot  de  temps  signifie  la  même  chose 
qu  !  ceux-ci,  le  mouvement  d'une  chose  créée  ;  mais  on  entend 
que  ce  que  l'on  conçoit  par  le  terme  de  temps  soit  ce  mouve- 
ment supposé. 

Si  je  ne  savais  combien  il  est  nécessaire  d'entendre  ceci  par- 
faitement, et  combien  il  arrive  à  toute  heure,  dans  les  discours 
familiers  et  dans  les  dicours  de  science,  des  occasions  pareilles 
à  celle-ci  que  j'ai  donnée  en  exemple,  je  ne  m'y  serais  pas  ar- 
rêté. Mais  il  me  semble,  par  l'expérience  que  j'ai  de  la  confu- 
sion des  disputes,  qu'on  ne  peut  trop  entrer  dans  cet  esprit 
de  netteté,  pour  lequel  je  fais  tout  ce  traité,  plus  que  pour  le 
sujet  que  j'y  traite. 

Car  combien  y  a-t-il  de  personnes  qui  croient  avoir  défini  le 
temps  quand  ils  ont  dit  que  c'est  la  mesure  du  mouvement,  en 
lui  laissant  cependant  son  sens  ordinaire  î  Et  néanmoins  ils  ont 
fait  une  proposition,  et  non  pas  une  définition.  Combien  y  en 
a-t-il  de  même  qui  croient  avoir  défini  le  mouvement  quand  ils 
ont  dit  :  Motus  nec  sbnpliciter  actus,  nec  mera  polentia  est,  sed  ac- 
tus  entis  in  polentia l  !  Et  cependant  s'ils  laissent  au  mot  de  mou- 

1.  Tous  les  éditeurs  sans  exception  donnent  ainsi  cette  phrase  :  Motus  nec  simpliciter 
motus,  non  mera,  etc.,  ce  qui  ne  me  paraît  pas  offrir  de  sens.  En  lisant  actus  et  née 
tnei'a,  on  obtient  l'expression  exacte  des  idées  d'Aristote  sur  le  mouvement  (Phys.,  III, 
1  et  2)  :  €  Le  mouvement  n'est  ni  simplement  un  acte,  ni  une  pure  puissance,  mais  la 
mise  en  action  de  ce  qui  est  en  puissance.  »  Aristote  ajoute,  en  tant  qu'étant  en  puis- 
tance  :  h  toû  Su-jv.jxu  ovtoç  ivrôH/îta,  y}  tojoutov,  xîv/jîi's  èurtv.  Expliquons  cela  en 
langage  moderne.  Voici  un  corps  pesant  que  je    tiens  suspendu  en  l'air;  tant  que  je  le 

19 


286  OPUSCULES  DE  PASCAL 

vement  son  sens  ordinaire  comme  ils  font,  ce  n'est  pas  nne 
définition,  mais  une  proposition;  et,  confondant  ainsi  les  défi- 
nitions qu'ils  appellent  définitions  de  nom,  qui  sont  les  vérita- 
bles définitions  libres,  permises  et  géométriques,  avec  celles 
qu'ils  appellent  définitions  de  chose,  qui  sont  proprement  des 
propositions  nullement  libres,  mais  sujettes  à  contradiction, 
ils  s'y  donnent  la  liberté  d'en  former  aussi  bien  que  des  autres  ; 
et  chacun  définissant  les  mêmes  choses  à  sa  manière  par  une 
liberté  qui  est  aussi  défendue  dans  ces  sortes  de  définitions 
que  permise  dans  les  premières,  ils  embrouillent  toutes  cho- 
ses, et  perdant  tout  ordre  et  toute  lumière,  ils  se  perdent  eux- 
mêmes  et  s'égarent  dans  des  embarras  inexplicables. 

On  n'y  tombera  jamais  en  suivant  Tordre  de  la  géométrie. 
Cette  judicieuse  science  est  bien  éloignée  de  définir  ces  mots 
primitifs,  espace,  temps,  mouvement,  égalité,  majorité,  dimi- 
nution, tout,  et  les  autres  que  le  monde  entend  de  soi-même. 
Mais  hors  ceux-là,  le  reste  des  termes  qu'elle  emploie  y  sont 
tellement  éclaircis  et  définis,  qu'on  n'a  pas  besoin  de  diction- 
naire pour  en  entendre  aucun;  de  sorte  qu'en  un  mot  tous  ces 
termes  sont  parfaitement  intelligibles,  ou  par  la  lumière  natu- 
relle ou  par  les  définitions  qu'elle  en  donne. 

Voilà  de  quelle  sorte  elle  évite  tous  les  vices  qui  se  peuvent 
rencontrer  dans  le  premier  point,  lequel  consiste  à  définir  les 
seules  choses  qui  en  ont  besoin.  Elle  en  use  de  même  à  l'égard 
de  l'autre  point,  qui  consiste  à  prouver  les  propositions  qui  ne 
sont  pas  évidentes .  Car,  quand  elle  est  arrivée  aux  premières 
vérités  connues,  elle  s'arrête  là  et  demande  qu'on  les  accorde, 
n'ayant  rien  de  plus  clair  pour  les  prouver  ;  de  sorte  que  tout 
ce  que  la  géométrie  propose  est  parfaitement  démontré,  ou 
par  la  lumière  naturelle,  ou  par  les  preuves.  De  là  vient  que 
o}i  cette  science  ne  définit  pas  et  ne  démontre  pas  toutes  cho- 
ses, c'est  par  cette  seule  raison  que  cela  nous  est  impossible. 
Mais  comme  la  nature  fournit  tout  ce  que  cette  science  ne 
donne  pas,  son  ordre  à  la  vérité  ne  donne  pas  une  perfection 


tiens,  il  tend  à  tomber,  mais  ce  n'est  qu'une  tendance  sans  résultat,  qu'une  puissance 
sans  acte.  Si  je  le  lâche,  l'acte  se  produit,  mais  tant  que  le  corps  tombe,  l'acte  n'est  pas 
complet,  la  puissance  de  chute  n'est  pas  consommée.  Qu'est-ce  donc  que  le  mouvement 
de  ce  corps?  C'est  la  réalisation  de  la  disposition  à  tomber,  c'est  la  mise  en  action  d'une 
puissance  de  chute. 


D8  l'esprit  géométrique  ?87 

plus  qu'humaine,  mais  il  a  toute  celle  où  les  hommes  peuvent 
arriver.  Il  m'a  semblé  à  propos  de  donner  dès  l'entrée  de  ce 
discours  cette.... 

On  trouvera  peut-être  étrange  que  la  géométrie  ne  puisse 
définir  aucune  des  choses  qu'elle  a  pour  principaux  objets  ;  car 
elle  ne  peut  définir  ni  le  mouvement,  ni  les  nombres,  ni  l'es- 
pace ;  et  cependant  ces  trois  choses  sont  celles  qu'elle  consi- 
dère particulièrement  et  selon  la  recherche  desquelles  elle 
prend  ces  trois  différents  noms  de  mécanique,  d'arithmétique, 
de  géométrie,  ce  dernier  nom  appartenant  au  genre  et  à  l'es- 
pèce1. Mais  on  n'en  sera  pas  surpris,  si  l'on  remarque  que 
cette  admirable  science  ne  s'attachant  qu'aux  choses  les  plus 
simples,  cette  même  qualité  qui  les  rend  dignes  d'être  ses  ob- 
jets les  rend  incapables  d'être  définies;  de  sorte  que  le  manque 
de  définition  est  plutôt  une  perfection  qu'un  défaut,  parce  qu'il 
ne  vient  pas  de  leur  obscurité,  mais  au  contraire  de  leur  ex- 
trême évidence,  qui  est  telle  qu'encore  qu'elle  n'ait  pas  la  con- 
viction des  démonstrations,  elle  en  a  toute  la  certitude.  Elle 
suppose  donc  que  l'on  sait  quelle  est  la  chose  qu'on  entend  par 
ces  mots,  mouvement,  nombre,  espace;  et,  sans  s'arrêter  à  les 
définir  inutilement,  elle  en  pénètre  la  nature,  et  en  découvre 
les  merveilleuses  propriétés. 

Ces  trois  choses,  qui  comprennent  tout  l'univers,  selon  ces 
paroles  :  Deus  fecit  omnia  in  pondère,  in  numéro,  et  mensura,  ont 
une  liaison  réciproque  et  nécessaire2.  Car  on  ne  peut  imaginer 
de  mouvement  sans  quelque  chose  qui  se  meuve;  et  cette 
chose  étant  une,  cette  unité  est  l'origine  de  tous  les  nombres  ; 
et  enfin  le  mouvement  ne  pouvant  être  sans  espace,  on  voit 
ces  trois  choses  enfermées  dans  la  première.  Le  temps  même 
y  est  aussi  compris  ;  car  le  mouvement  et  le  temps  sont  rela- 
tifs l'un  à  l'autre;  la  promptitude  et  la  lenteur,  qui  sont  les 
différences  des  mouvements,  ayant  un  rapport  nécessaire  avec 
le  temps.  Ainsi  il  y  a  des  propriétés  communes  à  toutes  ces 

1.  Le  nom  de  géométrie  n'appartient  aujourd'hui  qu'à  l'espèce;  on  ne  désigne  le  genre 
que  par  celui  de  mathématiques. 

2.  Sagesse,  xi,  21  :  Sed  omnia  in  mensura  et  numéro  et  -pondère  disposuisti.  «  Vous 
avez  ordonné  toutes  choses  avec  mesure,  avec  nombre  et  avec  poids.  >  Dans  l'applica- 
tion contestable  que  Pascal  fait  de  ces  paroles,  on  voit  qu'il  identifie  les  idées  de  poids 
et  de  mouvement;  c'est  parler  en  philosophe  et  en  disciple  de  Descartes.  Voir  les  Prin- 
cipia  philosophice,  II,  26. 


'88  GPUSCLES  DE  PASCAL 

choses,  dont  la  connaissance  ouvre  l'esprit  aux  pins  grandes 
merveilles  de  la  nature. 

La  principale  comprend  les  deux  infinités  qui  se  rencontrent 
dans  toutes  :  l'une  de  grandeur,  l'autre  de  petitesse. 

Car,  quelque  prompt  que  soit  un  mouvement,  on  peut  en 
concevoir  un  qui  le  soit  davantage,  et  hâter  encore  ce  dernier; 
et  ainsi  toujours  à  l'infini,  sans  jamais  arriver  à  un  qui  le  soit 
de  telle  sorte  qu'on  ne  puisse  plus  y  ajouter.  Et  au  contraire, 
quelque  lent  que  soit  un  mouvement,  on  peut  le  retarder  da- 
vantage, et  encore  ce  dernier,  et  ainsi  à  l'infini,  sans  jamais 
arriver  à  un  tel  degré  de  lenteur  qu'on  ne  puisse  encore  en 
descendre  ci  une  infinité  d'autres,  sans  tomber  dans  le  repos. 
De  même,  quelque  grand  que  soit  un  nombre,  on  peut  en  con- 
cevoir un  plus  grand,  et  encore  un  qui  surpasse  le  dernier ,  et 
ainsi  à  l'infini,  sans  jamais  arriver  à  un  qui  ne  puisse  plus  être 
augmenté.  Et  au  contraire,  quelque  petit  que  soit  un  nombre, 
comme  la  centième  ou  la  dix-millième  partie,  on  peut  encore 
en  concevoir  un  moindre,  et  toujours  à  l'infini,  sans  arriver  au 
zéro  ou  néant.  Quelque  grand  que  soit  un  espace,  on  peut  en 
concevoir  un  plus  grand,  et  encore  un  qui  le  soit  davantage 
et  ainsi  à  l'infini,  sans  jamais  arriver  à  un  qui  ne  puisse  plus 
être  augmenté.  Et  au  contraire  quelque  petit  que  soit  un  es- 
pace, on  peut  encore  en  considérer  un  moindre,  et  toujours  à 
l'infini,  sans  jamais  arriver  à  un  indivisible  qui  n'ait  plus  au- 
cune étendue.  Il  en  est  de  même  du  temps.  On  peut  toujours 
en  concevoir  un  plus  grand  sans  dernier,  et  un  moindre,  sans 
arriver  à  un  instant,  et  à  un  pur  néant  de  durée.  C'est-à-dire, 
en  un  mot,  que  quelque  mouvement,  quelque  nombre,  quel- 
que espace,  quelque  temps  que  ce  soit,  il  y  en  a  toujours  un 
plus  grand  et  un  moindre  ;  de  sorte  qu'ils  se  soutiennent  tous 
entre  le  néant  et  l'infini,  étant  toujours  infiniment  éloignés  de 
ces  extrêmes. 

Toutes  ces  vérités  ne  se  peuvent  démontrer  ;  et  cependant 
ce  sont  les  fondements  et  les  principes  de  la  géométrie.  Mais 

mme  la  cause  qui  les  rend  incapables  de  démonstration  n'est 
pas  leur  obscurité,  mais  au  contraire  leur  extrême  évidence, 
ce  manque  de  preuve  n'est  pas  un  défaut,  mais  plutôt  une  per- 
fection. D'où  l'on  voit  que  la  géométrie  ne  peut  définir  les  ob- 
jets, ni  prouver  les  principes;  maie  par  cette  seule  et  avanta- 


de  l'esprit  géométrique  289 

geuse  raison,  que  1rs  uns  et  les  autres  sont  dans  une  extrême 
clarté  naturelle,  qui  convainc  la  raison  plus  puissamment  que 
le  discours  Car  qu'y  a-t-il  de  plus  évident  que  cette  vérité, 
qu'un  nombre,  tel  qu'il  soit,  peut  être  augmenté  ?  ne  peut-on 
pas  le  doubler?  Que  la  promptitude  d'un  mouvement  peut  être 
doublé,  et  qu'un  espace  peut  être  doublé  de  même?  Et  qui  peut 
aussi  douter  qu'un  nombre,  tel  qu'il  soit,  ne  puisse  être  divisé 
par  la  moitié,  et  sa  moitié  encore  parla  moitié?  Car  cette 
moitié  serait- elle  un  néant?  Et  comment  ces  deux  moitiés,  qui 
seraient  deux  zéros,  feraient  elles  un  nombre?  De  même,  un 
mouvement,  quelque  lent  qu'il  soit,  ne  peut-il  pas  être  ralenti 
de  moitié,  en  sorte  qu'il  parcoure  le  même  espace  dans  le 
double  du  temps,  et  ce  dernier  mouvement  encore?  Car  serait- 
ce  un  pur  repos?  Et  comment  se  pourrait-il  que  ces  deux  moi- 
tiés de  vitesse,  qui  seraient  deux  repos,  fissent  la  première  vi- 
tesse? Enfin  un  espace,  quelque  petit  qu'il  soit,  ne  peut-il  pas 
être  divisé  en  deux,  et  ces  moitiés  encore?  Et  comment  pour- 
rait-il se  faire  que  ces  moitiés  fussent  indivisibles  sans  aucune 
étendue,  elles  qui  jointes  ensemble  ont  fait  la  première  éten- 
due? 

Il  n'y  a  point  de  connaissance  naturelle  dans  l'homme  qui 
précède  celles-là,  et  qui  les  surpasse  en  clarté.  Néanmoins, 
afin  qu'il  y  ait  exemple  de  tout,  on  trouve  des  esprits  excellents 
en  toutes  autres  choses,  que  ces  infinités  choquent,  et  qui  n'y 
peuvent  en  aucune  sorte  consentir. 

Je  n'ai  jamais  connu  personne  qui  ait  pensé  qu'un  espace  ne 
puisse  être  augmenté.  Mais  j'en  ai  vu  quelques-uns,  très-ha- 
biles d'ailleurs,  qui  ont  assuré  qu'un  espace  pouvait  être  divisé 
en  deux  parties  indivisibles,  quelque  absurdité  qu'il  s'y  ren- 
contre1.  Je  me  suis  attaché  à  rechercher  en  eux  quelle  pouvait 
être  la  cause  de  cette  obscurité,  et  j'ai  trouvé  qu'il  n'y  en  avait 
qu'une  principale,  qui  est  qu'ils  ne  sauraient  concevoir  un 
continu  divisible  à  l'infini;  d'où  ils  concluent  qu'il  n'y  est  pas 

1.  Tl  s'agit  ici  du  chevalier  de  Méré,  qui  niait  absolument  la  divisibilité  à  l'infini,  et 
qui  s'était  expliqué  là-dessus  avec  Pascal  dans  une  longue  et  curieuse  lettre,  dont  j'ai 
parlé  déjà,  (tome  I.  p.  16.)  Dans  une  lettre  à  Fermât  (de  juillet  1651),  Pascal  s'exprime 
encore  ainsi  sur  Méré  :  «  Il  a  très-bon  esprit,  mais  il  n'est  pis  géomètre;  c'est,  comme 
vous  savez,  un  grand  défaut;  et  même  il  ne  comprend  pas  qu'une  ligne  mathématique 
«oit  divisible  à  l'infini ,  et  croit  fort  bien  entendre  qu'elle  est  composée  de  pointa  eu 
nombre  uni,  et  jamais  je  n'ai  pu  l'eu  tirer:  si  vous  pouviez  le  faire,  on  le  rendrait  par- 
fait, t 


290  OPUSCULES  DE  PASCAL 

divisible.  C'est  une  maladie  naturelle  à  l'homme  de  croire 
qu'il  possède  la  vérité  directement;  et  de  là  vient  qu'il  est  tou- 
jours disposé  à  nier  tout  ce  qui  lui  est  incompréhensible;  au 
lieu  qu'en  effet  il  ne  connaît  naturellement  que  le  mensonge, 
et  qu'il  ne  doit  prendre  pour  véritables  que  les  choses  dont  le 
contraire  lui  paraît  faux.  Et  c'est  pourquoi,  toutes  les  fois 
qu'une  proposition  est  inconcevable,  il  faut  en  suspendre  le 
jugement  et  ne  pas  la  nier  à  cette  marque,  mais  en  examiner 
le  contraire;  et  si  on  le  trouve  manifestement  faux,  on  peut 
hardiment  affirmer  la  première,  tout  incompréhensible  qu'elle 
est.  Appliquons  cette  règle  à  notre  sujet. 

Il  n'y  a  point  de  géomètre  qui  ne  croie  l'espace  divisible  à 
l'infini.  On  ne  peut  non  plus  l'être  sans  ce  principe  qu'être 
homme  sans  âme.  Et  néanmoins  il  n'y  en  a  point  qui  com- 
prenne une  division  infinie  ;  et  l'on  ne  s'assure  de  cette  vérité 
que  par  cette  seule  raison,  mais  qui  est  certainement  suffisante, 
qu'on  comprend  parfaitement  qu'il  est  faux  qu'en  divisant  un 
espace  on  puisse  arriver  à  une  partie  indivisible,  c'est-à-dire 
qui  n'ait  aucune  étendue.  Car  qu'y  a-t-il  de  plus  absurde  que 
de  prétendre  qu'en  divisant  toujours  un  espace,  on  arrive  en- 
fin à  une  division  telle  qu'en  la  divisant  en  deux,  chacune  des 
moitiés  reste  indivisible  et  sans  aucune  étendue,  et  qu'ainsi  ces 
deux  néants  d'étendue  fissent  ensemble  une  étendue?  Car  je 
voudrais  demander  à  ceux  qui  ont  cette  idée,  s'ils  conçoivent 
nettement  que  deux  indivisibles  se  touchent;  si  c'est  partout, 
ils  ne  sont  qu'une  même  chose,  et  partant  les  deux  ensemble 
sont  indivisibles;  et  si  ce  n'est  pas  partout,  ce  n'est  donc  qu'en 
une  partie;  donc  ils  ont  des  parties,  donc  ils  ne  sont  pas  indi- 
visibles. Que  s'ils  confessent,  comme  en  effet  ils  l'avouent 
quand  on  les  presse,  que  leur  proposition  est  aussi  inconce- 
vable que  l'autre,  qu'ils  reconnaissent  que  ce  n'est  pas  par 
notre  capacité  à  concevoir  ces  choses  que  nous  devons  juger 
de  leur  vérité,  puisque  ces  deux  contraires  étant  tous  deux  in- 
concevables, il  est  néanmoins  nécessairement  certain  que  l'un 
des  deux  est  véritable. 

Mais  qu'à  ces  difficultés  chimériques,  et  qui  n'ont  de  pro- 
portion qu'à  notre  faiblesse,  ils  opposent  ces  clartés  naturelles 
et  ces  vérités  solides  :  s'il  était  véritable  que  l'espace  fût  corn- 


DE  L'ESPRIT  GÉOMÉTRIQUE  291 

posé  d'un  certain  nombre  fini  d'indivisibles,  il  s'ensuivrait  que 
deux  espaces,  dont  chacun  serait  carré,  c'est-à-dire  égal  et  pa- 
reil de  tous  côtés,  étant  doubles  l'un  de  l'autre,  l'un  contien- 
drait un  nombre  de  ces  indivisibles  double  du  nombre  des  in- 
divisibles de  l'autre.  Qu'ils  retiennent  bien  cette  conséquence, 
et  qu'ils  s'exercent  ensuite  à  ranger  des  points  en  carrés  jus- 
qu'à ce  qu'ils  en  aient  rencontré  deux  dont  l'un  ait  le  double 
des  points  de  l'autre  ;  et  alors  je  leur  ferai  céder  tout  ce  qu'il  y 
a  de  géomètres  au  monde.  Mais  si  la  chose  est  naturellement 
impossible,  c'est-à-dire  s'il  y  a  impossibilité  invincible  à  ran- 
ger des  carrés  de  points,  dont  l'un  en  ait  le  double  de  l'autre, 
comme  je  le  démontrerais  en  ce  lieu-là  même  si  la  chose  mé- 
ritait qu'on  s'y  arrêtât,  qu'ils  en  tirent  la  conséquence. 

Et  pour  les  soulager  dans  les  peines  qu'ils  auraient  en  de  cer- 
taines rencontres,  comme  à  concevoir  qu'un  espace  ait  une  in- 
finité de  divisibles,  vu  qu'on  les  parcourt  en  si  peu  de  temps, 
pendant  lequel  on  aurait  parcouru  cette  infinité  de  divisibles, 
il  faut  les  avertir  qu'ils  ne  doivent  pas  comparer  des  choses 
aussi  disproportionnées  qu'est  l'infinité  des  divisibles  avec  le 
peu  de  temps  où  ils  sont  parcourus  ;  mais  qu'ils  comparent 
l'espace  entier  avec  le  temps  entier,  et  les  infinis  divisibles  de 
l'espace  *  avec  les  infinis  instants  de  ce  temps  ;  et  ainsi  ils  trou- 
veront que  l'on  parco  i  „  une  infinité  de  divisibles  en  une  infi- 
nité d'instants,  et  un  petit  espace  en  un  petit  temps  ;  en  quoi 
il  n'y  a  plus  la  disproportion  qui  les  avait  étonnés. 

Enfin,  s'ils  trouvent  étrange  qu'un  petit  espace  ait  autant  de 
parties  qu'un  grand,  qu'ils  entendent  aussi  qu'elles  sont  plus 
petites  à  mesure;  et  qu'ils  regardent  le  firmament  au  travers 
d'un  petit  verre,  pour  se  familiariser  avec  cette  connaissance, 
en  voyant  chaque  partie  du  ciel  en  chaque  partie  du  verre. 
Mais  s'ils  ne  peuvent  comprendre  que  des  parties  si  petites 
qu'elles  nous  sont  imperceptibles,  puissent  être  autant  divisées 
que  le  firmament,  il  n'y  a  pas  de  meilleur  remède  que  de  les 
leur  faire  regarder  avec  des  lunettes  qui  grossissent  cette 
pointe  délicate  jusqu'à  une  prodigieuse  masse;  d'où  ils  conce- 
vront aisément  que  par  le  secours  d'un  autre  verre  encore  plus 
artistement  taillé,  on  pourrait  les  grossir  jusqu'à  égaler  ce  fir- 

I.  Divisibles  est  le  substantif,  les  divisibles  ec  nombre  infini. 


29^  OPUSCULES  DE  PASCAL 

marnent  dont  ils  admirent  l'étendue.  Et  ainsi  ces  objets  leur 
paraissant  maintenant  très-facilement  divisibles,  qu'ils  se  sou- 
viennent que  la  nature  peut  infiniment  plus  que  l'art.  Car  en- 
fin qui  les  a  assurés  que  ces  verres  auront  changé  la  grandeur 
naturelle  de  ces  objets,  ou  s'ils  auront  au  contraire  rétabli  la 
véritable,  que  laiigure  de  notre  œil  avait  changée  et  raccourcie, 
comme  font  les  lunettes  qui  amoindrissent? 

Il  est  fâcheux  de  s'arrêter  à  ces  bagatelles  ;  mais  il  y  a  des 
temps  de  niaiser  *. 

Il  suffit  de  dire  à  des  esprits  clairs  en  cette  matière  que  deux 
néants  d'étendue  ne  peuvent  pas  faire  une  étendue.  Mais  parce 
qu'il  y  en  a  qui  prétendent  s'échapper  a  cette  lumière  par  cette 
merveilleuse  réponse,  que  deux  néants  d'étendue  peuvent  aussi 
bien  faire  une  étendue  que  deux  unités  dont  aucune  n'est  nom- 
bre font  un  nombre  par  leur  assemblage  ;  il  faut  leur  repartir 
qu'ils  pourraient  opposer,  de  la  même  sorte,  que  vingt  mille 
hommes  font  une  armée,  quoique  aucun  d'eux  ne  soit  armée; 
que  mille  maisons  font  une  ville,  quoique  aucune  ne  soit  ville; 
ou  que  les  parties  font  le  tout,  quoique  aucune  ne  soit  le  tout; 
ou,  pour  demeurer  dans  la  comparaison  des  nombres,  que 
deux  binaires  font  le  quaternaire,  et  dix  dizaines  une  centaine, 
quoique  aucun  ne  le  soit.  Mais  ce  n'est  pas  avoir  l'esprit  juste 
que  de  confondre  par  des  comparaisons  si  inégales  la  nature 
immuable  des  choses  avec  leurs  noms  libres  et  volontaires,  et 
dépendant  du  caprice  des  hommes  qui  les  ont  composés.  Car 
il  est  clair  que  pour  faciliter  les  discours  on  a  donné  le  nom 
d'armée  à  vingt  mille  hommes,  celui  de  ville  à  plusieurs  mai- 
sons, celui  de  dizaine  à  dix  unités;  et  que  de  cette  liberté  nais- 
sent les  noms  d'unité,  binaire,  quaternaire,  dizaine,  centaine, 
différents  par  nos  fantaisies,  quoique  ces  choses  soient  en  effet 
de  même  genre  par  leur  nature  invariable,  et  qu'elles  soient 
toutes  proportionnées  entre  elles  et  ne  diffèrent  que  du  plus  ou 
du  moins,  et  quoique,  ensuite  de  ces  noms,  le  binaire  ne  soit 
pas  quaternaire,  ni  une  maison  une  ville,  non  plus  qu'une 
ville  n'est  pas  une  maison.  Mais  encore,  quoique  une  maison 
ne  soit  pas  une  ville,  elle  n'est  pas  néanmoins  un  néant  de  ville; 

i.  Expression  suggérée  sans  doute  par  un  passage  célèbre  de  l'Ecclésiaste,  quoiqu'elle 
n'en  soit  pas  traduite  précisément.  Voyez  les  uo.es  sur  xxiv,  12. 


de  l'esprit  géométrique  293 

il  y  a  bien  do  la  différence  entiv  n'être  pas  une  chose  et  en 
être  un  néant. 

Car,  afin  qu'on  entende  la  chose  à  fond,  il  faut  savoir  que  la 
soûle  raison  pour  laquelle  l'unité  n'est  pas  au  rang  des  nom- 
bres est  qu'Euclide  et  les  premiers  auteurs  qui  ont  traité  d'ari- 
thmétique, ayant  plusieurs  propriétés  à  donner  qui  conve- 
naient à  tous  les  nombres  hormis  à  l'unité,  pour  éviter  de  dire 
souvent  qu'en  tout  nombre,  hors  l'unité,  telle  condition  se 
rencontre,  ils  ont  exclu  l'unité  de  la  signification  du  mot  de 
nombre,  par  la  liberté  que  nous  avons  déjà  dit  qu'on  a  de  faire 
à  son  gré  des  définitions.  Aussi,  s'ils  eussent  voulu,  ils  en  eus- 
sent de  même  exclu  le  binaire  et  le  ternaire,  et  tout  ce  qu'il 
leur  eût  plu  ;  car  on  en  est  maître,  pourvu  qu'on  en  avertisse; 
comme  au  contraire  l'unité  se  met  quand  on  veut  au  rang  des 
nombres,  et  les  fractions  de  même.  Et,  en  effet,  l'on  est  obligé 
de  le  faire  dans  les  propositions  générales,  pour  éviter  de 
dire  à  chaque  fois  :  En  tout  nombre,  et  à  l'unité  et  aux  frac- 
tions, une  telle  propriété  se  trouve;  et  c'est  en  ce  sens  indéfini 
que  je  l'ai  pris  dans  tout  ce  que  j'en  ai  écrit.  Mais  le  même  Eu- 
clide  qui  a  été  à  l'unité  le  nom  de  nombre,  ce  qui  lui  a  été  per- 
mis, pour  faire  entendre  néanmoins  qu'elle  n'en  est  pas  un  néant, 
mais  qu'elle  est  au  contraire  du  même  genre,  il  définit  ainsi 
les  grandeurs  homogènes.  Les  grandeurs,  dit-il,  sont  dites 
être  de  même  genre,  lorsque  l'une  étant  plusieurs  fois  multi- 
pliée peut  arriver  à  surpasser  l'autre.  Et  par  conséquent,  puis- 
que l'unité  peut,  étant  multipliée  plusieurs  fois,  surpasser 
quelque  nombre  que  ce  soit,  elle  est  de  même  genre  que  les 
nombres  précisément  par  son  essence  et  par  sa  nature  immua- 
ble, dans  le  sens  du  même  Euclide  qui  a  voulu  qu'elle  ne  fût 
pas  appelée  nombre. 

11  n'en  est  pas  de  même  d'un  indivisible  à  l'égard  d'une 
éti  ndue;  car,  non-seulement  il  diffère  de  nom,  ce  qui  est  volon- 
taire, mais  il  diffère  de  genre,  par  la  même  définition;  puis- 
qu'un indivisible,  multiplié  autant  de  fois  qu'on  voudra,  est 
si  éloigné  de  pouvoir  surpasser  une  étendue,  qu'il  ne  peut  ja- 
mais former  qu'un  seul  et  unique  indivisible  ;  ce  qui  est  natu- 
rel et  nécessaire,  comme  il  est  déjà  montré.  Et  comme  cette 
dernière  preuve  est  fondée  sur  la  définition  de  ces  deux  cho- 


394  OPUSCULES  DE  PASCAL 

ses,  indivisible  et  étendue,  on  va  achever  et  consommer  la  dé- 
monstration. 

Un  indivisible  est  ce  qui  n'a  aucune  partie,  et  l'étendue  est 
ce  qui  a  diverses  parties  séparées. 

Sur  ces  définitions,  je  dis  que  deux  indivisibles  étant  unis  ne 
font  pas  une  étendue.  Car,  quand  ils  sont  unis,  il  se  touchent 
chacun  en  une  partie;  et  ainsi  les  parties  par  ou  ils  se  touchent 
ne  sont  pas  séparées,  puisque  autrement  elles  ne  se  toucheraient 
pas.  Or,  par  leur  définition,  il  n'ont  point  d'autres  parties; 
donc  ils  n'ont  pas  de  parties  séparées  ;  donc  ils  ne  sont  pas  une 
étendue,  par  la  définition  de  l'étendue,  qui  porte  la  séparation 
des  parties.  On  montrera  la  même  chose  de  tous  les  autres  in- 
divisibles qu'on  y  joindra,  par  la  même  raison.  Et  partant  un 
indivisible,  multiplié  autant  qu'on  voudra,  ne  fera  jamais  une 
étendue.  Donc  il  n'est  pas  de  même  genre  que  l'étendue,  par  la 
définition  des  choses  du  même  genre. 

Voilà  comment  on  démontre  que  les  indivisibles  ne  sont  pas 
de  même  genre  que  les  nombres.  De  là  vient  que  deux  unités 
peuvent  bien  faire  un  nombre,  parce  qu'elles  sont  de  même 
genre  ;  et  que  deux  indivisibles  ne  font  pas  une  étendue,  parce 
qu'ils  ne  sont  pas  de  même  genre.  D'où  l'on  voit  combien  il  y 
a  peu  de  raison  de  comparer  le  rapport  qui  est  entre  l'unité  et 
les  nombres  à  celui  qui  est  entre  les  indivisibles  et  l'étendue. 

Mais  si  l'on  veut  prendre  dans  les  nombres  une  comparaison 
qui  représente  avec  justesse  ce  que  nous  considérons  dans  l'é- 
tendue, il  faut  que  ce  soit  le  rapport  du  zéro  aux  nombres; 
car  le  zéro  n'est  pas  du  même  genre  que  les  nombres,  parce 
qu'étant  multiplié,  il  ne  peut  les  surpasser  ;  de  sorte  que  c'est 
un  véritable  indivisible  de  nombre,  comme  l'indivisible  est  un 
véritable  zéro  d'étendue.  Et  on  en  trouvera  un  pareil  entre  le 
repos  et  le  mouvement,  et  entre  un  instant  et  le  temps  ;  car 
toutes  ces  choses  sont  hétérogènes  à  leurs  grandeurs,  parce 
qu'étant  infiniment  multipliées,  elles  ne  peuvent  jamais  faire 
que  des  indivisibles,  non  plus  que  les  indivisibles  d'étendue, 
et  par  la  même  raison.  Et  alors  on  trouvera  une  correspon- 
dance parfaite  entre  ces  choses;  car  toutes  ces  grandeurs  sont 
divisibles  à  l'infini,  sans  tomber  dans  leurs  indivisibles,  de 
sorte  qu'elles  tiennent  toutes  le  milieu  entre  l'infini  et  le  néant. 


de  l'esprit  géométrique  295 

Voilà  l'admirable  rapport  que  la  nature  a  mis  entre  ces  cho- 
ses, et  les  deux  merveilleuses  infinités  qu'elle  a  proposées  aux 
hommes,  non  pas  à  concevoir,  mais  à  admirer  ;  et  pour  en  finir 
la  considération  par  une  dernière  remarque,  j'ajouterai  que  ces 
deux  infinis,  quoique  infiniment  différents,  sont  néanmoins  re- 
latifs l'un  à  l'autre',  de  telle  sorte  que  la  connaissance  de  l'un 
nène  nécessairement  à  la  connaissance  de  l'autre.  Car  dans  les 
nombres,  de  ce  qu'ils  peuvent  toujours  être  augmentés,  il  s'en- 
suit absolument  qu'ils  peuvent  toujours  être  diminués,  et  cela 
clairement;  car  si  l'on  peut  multiplier  un  nombre  jusqu'à 
100,  000,  par  exemple,  on  peut  aussi  en  prendre  une  100,000e 
partie,  en  le  divisant  par  le  même  nombre  qu'on  le  multiplie, 
et  ainsi  tout  terme  d'augmentation  deviendra  terme  de  divi- 
sion, en  changeant  l'entier  en  fraction.  De  sorte  que  l'augmen- 
tation infinie  enferme  nécessairement  aussi  la  division  infinie. 
Et  dans  l'espace  le  même  rapport  se  voit  entre  ces  deux  infinis 
contraires  ;  c'est-à-dire  que,  de  ce  qu'un  espace  peut  être  infi- 
niment prolongé,  il  s'ensuit  qu'il  peut  être  infiniment  dimi- 
nué, comme  il  paraît  en  cet  exemple  :  Si  on  regarde  au  tra- 
vers d'un  verre  un  vaisseau  qui  s'éloigne  toujours  directe- 
ment, il  est  clair  que  le  lieu  du  diaphane  '  où  l'on  remarque 
un  point  tel  qu'on  voudra  du  navire  haussera  toujours  par  un 
flux  continuel,  à  mesure  que  le  vaisseau  fuit 2.  Donc,  si  la 
course  du  vaisseau  est  toujours  allongée  et  jusqu'à  l'infini,  ce 
point  haussera  continuellement;  et  cependant  il  n'arrivera  ja- 
mais à  celui  où  tombera  le  rayon  horizontal  mené  de  l'œil  au 
verre,  de  sorte  qu'il  en  approchera  toujours  sans  y  arriver  ja- 
mais, divisant  sans  cesse  l'espace  qui  restera  sous  ce  point  ho- 
rizontal, sans  y  arriver  jamais.  D'où  l'on  voit  la  conséquence 
nécessaire  qui  se  tire  de  l'infinité  de  l'étendue  du  cours  du 
vaisseau,  à  la  division  infinie  et  infiniment  petite  de  ce  petit 
Bspace  restant  au-dessous  de  ce  point  horizontal. 

Ceux  qui  ne  seront  pas  satisfaits  de  ces  raisons,  et  qui  demeu- 
reront dans  la  créance  que  l'espace  n'est  pas  divisible  à  l'infini, 
ne  peuvent  rien  prétendre  aux  démonstrations  géométriques; 

1.  Dn  milieu  diaphane,  du  verre. 

2.  Le  vaisseau  est  sur  une  mer  supposée  plane,  comme  l'explique  la  Logique  de  Port- 
Royal  en  reprenant  cet  exemple,  (chapitre  premier  de  la  quatrième  partiej. 


296  OPUSCULES  DE  PASCAL 

et,  quoiqu'ils  puissent  être  éclairés  en  d'autres  choses,  ils  le  se- 
ront fort  peu  en  celles-ci  ;  car  on  peut  aisément  être  très-habile 
homme  et  mauvais  géomètre.  Mais  ceux  qui  verront  claire- 
ment ces  vérités  pourront  admirer  la  grandeur  et  la  puissance 
de  la  nature  dans  cette  double  infinité  qui  nous  environne  de 
toutes  parts,  et  apprendre  par  cette  considération  merveilleuse 
à  se  connaître  eux-mêmes,  en  se  regardant  placés  entre  une 
infinité  et  un  néant  d'étendue,  entre  une  infinité  et  un  néant  de 
nombre,  entre  une  infinité  et  un  néant  de  mouvement,  entre 
une  infinité  et  un  néant  de  temps.  Sur  quoi  on  peut  apprendre 
à  s'estimer  à  son  juste  prix,  et  former  des  réflexions  qui  valent 
mieux  que  tout  le  reste  de  la  géométrie  même. 

J'ai  cru  être  obligé  de  faire  cette  longue  considération  en  fa- 
veur de  ceux  qui,  ne  comprenant  pas  d'abord  cette  double  infi- 
nité, sont  capables  d'en  être  persuadés.  Et  quoiqu'il  y  en  ait 
plusieurs  qui  aient  assez  de  lumières  pour  s'en  passer,  il  peut 
néanmoins  arriver  que  ce  discours,  qui  sera  nécessaire  aux  uns, 
ne  sera  pas  entièrement  inutile  aux  autres 


SECOND    FRAGMENT 


L'art  de  persuader  a  un  rapport  nécessaire  à  la  manière  dont 
les  hommes  consentent  à  ce  qu'on  leur  propose,  et  aux  condi- 
tions des  choses  qu'on  veut  faire  croire. 

Personne  n'ignore  qu'il  y  a  deux  entrées  par  où  les  opinions 
sont  reçues  dans  l'âme,  qui  sont  ses  deux  principales  puis- 
sances, l'entendement  et  la  volonté.  La  plus  naturelle  est  celle 
de  l'entendement,  car  on  ne  devrait  jamais  consentir  qu'aux 
vérités  démontrées;  mais  la  plus  ordinaire,  quoique  contre  la 
nature,  est  celle  de  la  volonté,  car  tout  ce  qu'il  y  a  d'hommes 
sont  presque  toujours  emportés  à  croire  non  pas  par  la  preuve, 
mais  par  l'agrément.  Cette  voie  est  basse,  indigne,  et  étran- 
gère; aussi  tout  le  monde  la  désavoue.  Chacun  fait  profession 
de  ne  croire  et  même  de  n'aimer  que  ce  qu'il  sait  le  mériter. 

Je  ne  parle  pas  ici  des  vérités  divines,  que  je  n'aurais  garde 
de  faire  tomber  sous  fart  de  persuader,  car  elles  sont  infini- 


de  l'esprit  géométrique  207 

ment  an  dessus  do  la  nature,  Dieu  seul  peut  les  mettre  dans 
l'âme,  et  par  la  minière  qu'il  lui  plaît.  Je  sais  qu'il  a  voulu 
qu'elles  entrent  du  cœur  dans  l'esprit,  et  non  pas  de  l'esprit 
dans  le  cœur,  pour  humilier  cette  superbe  puissance  du  raison- 
nement, qui  prétend  devoir  être  juge  des  choses  que  la  volonté 
moisit,  et  pour  guérir  cette  volonté  infirme,  qui  s'est  toute 
corrompue  par  ses  sales  attachements.  Et  de  là  vient  qu'au  lieu 
qu'en  parlant  des  choses  humaines,  on  dit  qu'il  faut  les  con- 
naître avant  que  de  les  aimer,  ce  qui  a  passé  en  proverbe1,  les 
saints  au  contraire  disent  en  parlant  des  choses  divines,  qu'il 
faut  les  aimer  pour  les  connaître,  et  qu'on  n'entre  dans  la  vérité 
que  par  la  charité2;  dont  ils  ont  fait  une  de  leurs  plus  utiles  sen- 
tences. En  quoi  il  paraît  que  Dieu  a  établi  cet  ordre  surnaturel, 
et  tout  contraire  à  l'ordre  qui  devait  être  naturel  aux  hommes 
dans  les  choses  naturelles.  Ils  ont  néanmoins  corrompu  cet  or- 
dre en  faisant  des  choses  profanes  ce  qu'ils  devaient  faire  des 
choses  saintes,  parce  qu'en  effet  nous  ne  croyons  presque  que 
ce  qui  nous  plaît.  Et  de  là  vient  l'éloignement  où  nous  sommes 
de  consentir  aux  vérités  de  la  religion  chrétienne,  tout  opposée 
à  nos  plaisirs.  Dites-nous  des  choses  agréables  et  nous  vous 
écouterons,  disaientles  Juifs  à  Moïse3;  comme  si  l'agrément  de- 
vait régler  la  créance  !  Et  c'est  pour  punir  ce  désordre  par  un 
ordre  qui  lui  est  conforme,  que  Dieu  ne  verse  ses  lumières 
dans  les  esprits  qu'après  avoir  dompté  la  rébellion  de  la  vo- 
lonté par  une  douceur  toute  céleste  qui  la  charme  et  qui  l'en- 
traîne. 

Je  ne  parle  donc  que  des  vérités  de  notre  portée  ;  et  c'est 
d'elles  que  je  dis  que  l'esprit  et  le  cœur  sont  comme  les  portes 
par  où  elles  sont  reçues  dans  l'âme,  mais  que  bien  peu  entrent 
par  l'esprit,  au  lieu  qu'elles  y  sont  introduites  en  foule  par  les 
caprices  téméraires  de  la  volonté,  sans  le  conseil  du  raisonne- 
ment. 

Ces  puissances  ont  chacune  leurs  principes  et  les  premiers 

1.  îgnoti  nulla  cupido,  dit  Ovide.  Voyez  Erasme,  A dag.,  au  mot  Occulta.  Tout    le 

monde  sait  le  vers  de  Voltaire  : 

On  ne  peut  désirer  ce  qu'on  ne  connaît  pas. 

t.  II  Thess.  ii,  10,  etc. 

S.  Je  ne  trouve  pis  cela  dans  le  Pentateuque  ;  à  moins  que  Pascal  n'interprète  ainfli 
le  verset  19  du  chapitre  xx  de  l'Exode,  qui  ne  parait  ras  avoir  ce  sens. 


?98  OPUSCULES  DE   PASCAL 

moteurs  de  leurs  actions.  Ceux  de  l'esprit  sont  des  vérités  natu- 
relles et  connues  à  tout  le  monde,  comme,  que  le  tout  est  plus 
grand  que  sa  partie,  outre  plusieurs  axiomes  particuliers,  que 
les  uns  reçoivent  et  non  pas  d'autres,  mais  qui,  dès  qu'ils  sont 
admis,  sont  aussi  puissants,  quoique  faux,  pour  emporter  la 
créance,  que  les  plus  véritables.  Ceux  de  la  volonté  sont  de  cer- 
tains désirs  naturels  et  communs  à  tous  les  hommes,  comme  le 
désir  d'être  heureux,  que  personne  ne  peut  pas  ne  pas  avoir, 
outre  plusieurs  objets  particuliers  que  chacun  suit  pour  y  ar- 
river, et  qui,  ayant  la  force  de  nous  plaire,  sont  aussi  forts, 
quoique  pernicieux  en  effet,  pour  faire  agir  la  volonté,  que  s'ils 
faisaient  son  véritable  bonheur. 

Voilà  pour  ce  qui  regarde  les  puissances  qui  nous  portent  à 
consentir.  Mais  pour  les  qualités  des  choses  que  nous  devons 
persuader,  elles  sont  bien  diverses. 

Les  unes  se  tirent,  par  une  conséquence  nécessaire,  des  prin- 
cipes communs  et  des  vérités  avouées.  Celles-là  peuvent  être 
infailliblement  persuadées  ;  car  en  montrant  le  rapport  qu'elles 
ont  avec  les  principes  accordés,  il  y  a  une  nécessité  inévitable 
de  convaincre,  et  il  est  impossible  qu'elles  ne  soient  pas  reçues 
dans  l'âme  dès  qu'on  a  pu  les  enrôler  à  ces  vérités  qu'elle  a  déjà 
admises. 

Il  y  en  a  qui  ont  une  union  étroite  avec  les  objets  de  notre 
satisfaction  ;  et  celles-là  sont  encore  reçues  avec  certitude1,  car 
aussitôt  qu'on  fait  apercevoir  à  l'âme  qu'une  chose  peut  la  con- 
duire à  ce  qu'elle  aime  souverainement,  il  est  inévitable  qu'elle 
ne  s'y  porte  avec  joie. 

Mais  celles  qui  ont  cette  liaison  tout  ensemble,  et  avec  les 
vérités  avouées,  et  avec  les  désirs  du  cœur,  sont  si  sûres  de  leur 
effet,  qu'il  n'y  a  rien  qui  le  soit  davantage  dans  la  nature. 
Comme,  au  contraire,  ce  qui  n'a  de  rapport  ni  à  nos  créances  ni 
à  nos  plaisirs  nous  est  importun,  faux  et  absolument  étran- 
ger. 

En  toutes  ces  rencontres  il  n'y  a  point  à  douter.  Mais  il  y  en 
a  où  les  choses  qu'on  veut  faire  croire  sont  bien  établies  sur 
des  vérités  connues,  mais  qui  sont  en  même  temps  contraires 


1.  C'est-à-dire,  qu'il  est  encore  certain  qu'elles  seront  reçues. 


DE  [/ESPRIT  géométrique  299 

aux  plaisirs  qui  nous  touchent  le  plus.  Et  celles-là  sont  en 
grand  péril  de  Taire  voir,  par  une  expérience  qui  n'est  que  trop 
ordinaire,  ce  que  je  disais  au  commencement  :  que  cette  âme 
impérieuse,  qui  se  vantait  de  n'agir  que  par  raison,  suit  par  un 
choix  honteux  et  téméraire  ce  qu'une  volonté  corrompue  désire, 
quelque  résistance  que  l'esprit  trop  éclairé  puisse  y  opposer. 
C'est  alors  qu'il  se  fait  un  balancement  douteux  enlre  la  vérité 
et  la  volupté,  et  que  la  connaissance  de  l'une  et  le  sentiment 
de  l'autre  font  un  combat  dont  le  succès  est  bien  incertain, 
puisqu'il  faudrait,  pour  en  juger,  connaître  tout  ce  qui  se  passe 
dans  le  plus  intérieur  de  l'homme,  que  l'homme  même  ne  con- 
naît presque  jamais. 

Il  paraît  de  là  que,  quoi  que  ce  soit  qu'on  veuille  persuader, 
il  faut  avoir  égard  à  la  personne  à  qui  on  en  veut,  dont  il  faut 
connaître  l'esprit  et  le  cœur,  quels  principes  il  accorde,  quelles 
choses  il  aime  ;  et  ensuite  remarquer,  dans  la  chose  dont  il  s'a- 
git, quels  rapports  elle  a  avec  les  principes  avoués,  ou  avec  les 
objets  délicieux  par  les  charmes  qu'on  lui  donne.  De  sorte 
que  l'art  de  persuader  consiste  autant  en  celui  d'agréer  qu'en 
celui  de  convaincre,  tant  les  hommes  se  gouvernent  plus  par 
caprice  que  par  raison  ! 

Or,  de  ces  deux  méthodes,  Tune  de  convaincre,  l'autre  d'a- 
gréer, je  ne  donnerai  ici  les  règles  que  de  la  première  ;  et  encore 
au  cas  qu'on  ait  accordé  les  principes  et  qu'on  demeure  ferme 
à  les  avouer  ;  autrement  je  ne  sais  s'il  y  aurait  un  art  pour  ac- 
commoder les  preuves  à  l'inconstance  de  nos  caprices.  Mais  la 
manière  d'agréer  est  bien  sans  comparaison  plus  difficile,  plus 
subtile,  plusutile,  et  plus  admirable  ;  aussi  si  je  n'en  traite  pas, 
c'est  parce  que  je  n'en  suis  pas  capable  ;  et  je  m'y  sens  tellement 
disproportionné,  que  je  crois  la  chose  absolument  impossible. 
Ce  n'est  pas  que  je  ne  croie  qu'il  y  ait  des  règles  anssi  sûres 
pour  plaire  que  pour  démontrer,  et  que  qui  les  saurait  parfai- 
tement connaître  et  pratiquer  ne  réussît  aussi  sûrement  à  se  faire 
aimer  des  rois  et  de  toutes  sortes  de  personnes,  qu'à  démontrer 
les  éléments  de  la  géométrie  à  ceux  qui  ont  assez  d'imagination 
pour  en  comprendre  les  hypothèses.  Mais  j'estime,  et  c'est 
peut-être  ma  faiblesse  qui  me  le  fait  croire,  qu'il  est  impossible 
d'y  arriver.  Au  moins  je  sais  que  si  quelqu'un  en  est  capable, 


300  OPUSCULES  DE  PASCAL 

ce  sont  des  personnes  que  je  connais,  et  qu'aucun  autre  n'a  sur 
cela  de  si  claires  et  de  si  abondantes  lumières1. 

La  raison  de  cette  extrême  difficulté  vient  de  ce  que  les  prin- 
cipes du  plaisir  ne  sont  pas  fermes  et  stables.  Ils  sont  divers  en 
tous  les  hommes,  et  variables  dans  chaque  particulier  avec  une 
telle  diversité,  qu'il  n'y  a  point  d'homme  plus  différent  d'un 
autre  que  de  soi-même  dans  les  divers  temps.  Un  homme  a 
d'autres  plaisirs  qu'une  femme  ;  un  riche  et  un  pauvre  en  ont  de 
différents;  un  prince,  un  homme  de  guerre,  un  marchand,  un 
bourgeois,  un  paysan,  les  vieux,  les  jeunes,  les  sains,  les  mala- 
des, tous  varient  ;  les  moindres  accidents  les  changent.  Or,  il 
y  a  un  art,  et  c'est  celui  que  je  donne,  pour  faire  voir  la  liai- 
son des  vérités  avec  leurs  principes,  soit  de  vrai,  soit  de  plaisir, 
pourvu  que  les  principes  qu'on  a  une  fois  avoués  demeurent 
fermes  et  sans  être  jamais  démentis.  Mais,  comme  il  y  a  peu  de 
principes  de  cette  sorte,  et  que  hors  de  la  géométrie,  qui  ne 
considère  que  des  figures  très-simples,  il  n'y  a  presque  point 
de  vérités  dont  nous  demeurions  toujours  d'accord,  et  encore 
moins  d'objets  de  plaisir  dont  nous  ne  changions  à  toute  heure, 
je  ne  sais  s'il  y  a  moyen  de  donner  des  règles  fermes  pour  ac- 
corder les  discours  à  l'inconstance  de  nos  caprices. 

Cet  art,  que  j'appelle  l'art  de  persuader,  et  qui  n'est  propre- 
ment que  la  conduite  des  preuves  méthodiques  parfaites,  con- 
siste en  trois  parties  essentielles  :  à  définir  les  termes  dont  on 
doit  se  servir  par  des  définitions  claires  ;  à  proposer  des  princi- 
pes ou  axiomes  évidents  pour  prouver  la  chose  dont  il  s'agit  ; 
et  à  substituer  toujours  mentalement  dans  la  démonstration  les 
définitions  à  la  place  des  définis. 

La  raison  de  cette  méthode  est  évidente,  puisqu'il  serait  inu- 
tile de  proposer  ce  qu'on  veut  prouver  et  d'en  entreprendre  la 
démonstration,  si  on  n'avait  auparavant  défini  clairement  tous 
les  termes  qui  ne  sont  pas  intelligibles  ;  et  qu'il  faut  de  même 
que  la  démonstration  soit  précédée  de  la  demande  des  princi- 

1.  On  se  demande  si  ce  magnifique  éloge  s'adresse  à  Nicole.  Pascal  n'avait  pu  lire  le 
Traité  des  moyens  de  conserver  la  paix  entre  les  hommes,  mais  il  connaissait  l'esprit 
qui  devait  produire  un  jour  cet  ouvrage.  C'est  en  parlant  de  ce  livre,  dont  l'idée  géné- 
rale rentre  tout  à  fait  dans  Y  art  d'agréer,  que  Mme  de  Sévigné  écrivait  :  «  Jamais  le 
cœur  humain  n'a  été  mieux  anatomisé  que  parces  messieurs-là  (Lettre  du  16  août  1671).  > 
Voir  encore  la  lettre  du  30  septembre,  et  le  témoignage  de  Voltaire  dans  le  Siècle  de 
Louis  XIV. 


DE  L*ESPRIt  GÉOMÉTRIQUE  301 

pes  évidents  qui  y  sont  nécessaires,  car  si  L'on  n'assure  le  fon- 
dement on  ne  peut  assurer  l'édifice  ;  et  qu'il  faut  enfin,  en  dé- 
montrant, substituer  mentalement  les  définitions  à  la  pUce  des 
définis,  puisque  autrement  on  pourrait  abuser  des  divers  sens 
qui  se  rencontrent  dans  les  termes.  Il  est  facile  de  voir  qu'en 
observant  cette  méthode  on  est  sur  de  convaincre,  puisque,  les 
termes  étant  tous  entendus  et  parfaitement  exempts  d'équivo- 
ques par  les  définitions,  et  les  principes  étant  accordés,  si  dans 
la  démonstration  on  substitue  toujours  mentalement  les  défi- 
nitions à  la  place  des  définis,  la  force  invincible  des  consé- 
quences ne  peut  manquer  d'avoir  tout  son  effet.  Aussi  jamais 
une  démonstration  dans  laquelle  ces  circonstances  sont  gardées 
n'a  pu  recevoir  le  moindre  doute;  et  jamais  celles  où  elles 
manquent  ne  peuvent  avoir  de  force.  Il  importe  donc  bien  de 
les  comprendre  et  de  les  posséder;  et  c'est  pourquoi,  pour  ren- 
dre la  chose  plus  facile  et  plus  présente,  je  les  donnerai  toutes, 
en  ce  peu  de  règles  qui  enferment  tout  ce  qui  est  nécessaire 
pour  la  perfection  des  définitions,  des  axiomes  et  des  démons- 
trations, et  par  conséquent  de  \d  méthode  entière  des  preuves 
géométriques  de  Fart  de  persuader. 

Règles  pour  les  définitions.  —  1 .  N'entreprendre  de  définir 
aucune  des  choses  tellement  connues  d'elles-mêmes,  qu'on 
n'ait  point  de  termes  plus  clairs  pour  les  expliquer.  2.  N'omet- 
tre aucun  des  termes  un  peu  obscurs  ou  équivoques,  sans  dé- 
finition. 3.  N'employer  dans  la  définition  des  termes  que  des 
mots  parfaitement  connus,  ou  déjà  expliqués. 

Règles  pour  les  axiomes.  —  1.  N'omettre  aucun  des  princi- 
pes nécessaires  sans  avoir  demandé  si  on  l'accorde,  quelque 
clairet  évident  qu'il  puisse  être.  2.  Ne  demander,  en  axiomes, 
que  des  choses  parfaitement  évidentes  d'elles-mêmes. 

Règles  pour  les  démonstrations.  —  1.  N'entreprendre  de  dé- 
montrer aucune  des  choses  qui  sont  tellement  évidentes  d'elles- 
mêmes  qu'on  n'ait  tien  de  plus  clair  pour  les  prouver.  2.  Prouver 
toutes  les  propositions  un  peu  obscures,  et  n'employer  à  leur 
preuve  que  des  axiomes  très-évidents,  ou  des  propositions  déjà 
accordées  ou  démontrées.  3.  Substituer  toujours  mentalement 
les  définitions  à  la  place  des  définis,  pour  ne  pas  se  tromper 
par  l'équivoque  des  ternies,  que  les  définitions  ont  restreints. 


u. 


20 


302  OPUSCULES  DE  PASCAL 

Voilà  les  huit  règles  qui  contiennent  tous  les  préceptes  des 
preuves  solides  et  immuables.  Desquelles  il  y  en  a  trois  qui  ne 
sont  pas  absolument  nécessaires,  et  qu'on  peut  négliger  sans 
erreur  ;  qu'il  est  même  difficile  et  comme  impossible  d'obser- 
ver toujours  exactement,  quoiqu'il  soit  plus  parfait  de  le  faire 
autant  qu'on  peut;  ce  sont  les  trois  premières  de  chacune  des 
parties  : 

Pour  les  définitions  :  Ne  définir  aucun  des  termes  qui  sont 
parfaitement  connus. 

Pour  les  axiomes  :  N'omettre  à  demander  aucun  des  axiomes 
parfaitement  évidents  et  sii  îples. 

Pour  les  démonstrations  :  Ne  démontrer  aucune  des  choses 
très-connues  d'elles-mêmes. 

Car  il  est  sans  doute  que  ce  n'est  pas  une  grande  faute  de  dé- 
finir et  d'expliquer  bien  clairement  des  choses,  quoique  très- 
claires  d'elles-mêmes,  ni  d'omettre  à  demander  par  avance  des 
axiomes  qui  ne  peuvent  être  refusés  au  lieu  où  ils  sont  néces- 
saires, ni  enfin  de  prouver  des  propositions  qu'on  accorderait 
sans  preuves.  Mais  les  cinq  autres  règles  sont  d'une  nécessité 
absolue,  et  on  ne  peut  s'en  dispenser  sans  un  défaut  essentiel  et 
souvent  sans  erreur  ;  et  c'est  pourquoi  je  les  reprendrai  ici  en 
particulier. 

Règles  nécessaires  pour  les  définitions.  —  N'omettre  aucun 
des  termes  un  peu  obscurs  ou  équivoques,  sans  définition. 
N'employer  dans  les  définitions  que  des  termes  parfaitement 
connus  ou  déjà  expliqués. 

Règle  nécessaire  pour  les  axiomes.  —  Ne  demander  en 
axiomes  que  des  choses  parfaitement  évidentes. 

Règles  nécessaires  pour  les  démonstrations.  —  Prouver 
toutes  les  propositions,  en  n'employant  à  leur  preuve  que  des 
axiomes  très  évidents  d'eux  mêmes,  ou  des  propositions  déjà 
démontrées  ou  accordées.  N'abuser  jamais  de  l'équivoque  des 
termes,  en  manquant  de  substituer  mentalement  les  définitions 
qui  les  restreignent  et  les  expliquent. 

Voilà  les  cinq  règles  qui  forment  tout  ce  qu'il  y  a  de  néces- 
saire pour  rendre  les  preuves  convaincantes,  immuables,  et 
pour  tout  dire  géométriques  ;  et  les  huit  règles  ensemble  les 
rendent  encore  plus  parfaites. 


DE  L'ESPRIT  GÉOMÉTRIQUE  303 

Je  passe  maintenant  à  celle  de  l'ordre  dans  lequel  on  doit 
disposer  les  propositions,  pour  être  dans  une  suite  excellente 
et  géométrique. 

Après  avoir  établi , 

Voilà  en  quoi  consiste  cet  art  de  persuader,  qui  se  ren- 
ferme dans  ces  deux  principes  :  Définir  tous  les  noms  qu'on 
impose.  Trouver  tout,  en  substituant  mentalement  les  défini- 
tions à  la  place  des  définis. 

Sur  quoi  il  me  semble  à  propos  de  prévenir  trois  objections 
principales  qu'on  pourra  faire.  L'une,  que  cette  méthode  n'a 
rien  de  nouveau;  l'autre,  qu'elle  est  bien  facile  à  apprendre, 
sans  qu'il  soit  nécessaire  pour  cela  d'étudier  les  éléments  de 
géométrie,  puisqu'elle  consiste  en  ces  deux  mots  qu'on  sait  à 
la  première  lecture  ;  et  enfin  qu'elle  est  assez  inutile,  puisque 
son  usage  est  presque  renfermé  dans  les  seules  matières  géo- 
métriques. Il  faut  donc  faire  voir  qu'il  n'y  a  rien  de  si  inconnu, 
rien  de  plus  difficile  à  pratiquer,  et  rien  de  plus  utile  et  de 
plus  universel. 

Pour  la  première  objection,  qui  est  que  ces  règles  sont  com- 
munes dans  le  monde,  qu'il  faut  tout  définir  et  tout  prouver , 
et  que  les  logiciens  mêmes  les  ont  mises  entre  les  préceptes  de 
leur  art,  je  voudrais  que  la  chose  fût  véritable,  et  qu'elle  fût  si 
connue,  que  je  n'eusse  pas  eu  la  peine  de  rechercher  avec  tant 
de  soin  la  source  de  tous  les  défauts  des  raisonnements,  qui  sont 
véritablement  communs.  Mais  cela  l'est  si  peu  que,  si  l'on  en 
excepte  les  seuls  géomètres,  qui  sont  en  si  petit  nombre  qu'ils 
sont  uniques  en  tout  un  peuple  et  dans  un  long  temps,  on  n'en 
voit  aucun  qui  le  sache  aussi.  Il  sera  aisé  de  le  faire  entendre  à 
ceux  qui  auront  parfaitement  compris  le  peu  que  j'en  ai  dit;  mais 
s'ils  ne  l'ont  pas  conçu  parfaitement,  j'avoue  qu'ils  n'y  auront 
rien  à  y  apprendre.  Mais  s'ils  sont  entrés  dans  l'esprit  de  ces 
règles,  et  qu'elles  aient  assez  fait  d'impression  pour  s'y  enra- 
ciner et  s'y  affermir,  ils  sentiront  combien  il  y  a  de  différence 
entre  ce  qui  est  dit  ici  et  ce  que  quelques  logiciens  en  ont  peut- 
être  écrit  d'approchant  au  hasard,  en  quelques  lieux  de  leurs 
ouvrages. 

Ceux  qui  ont  l'esprit  de  discernement  savent  combien  il  y  a 
de  différence  entre  deux  mots  semblables,  selon  les  lieux  et  les 


3U4  OPUSCULES  DE   PASCAL 

circonstances  qui  les  accompagnent.  Croira-t-on,  en  vérité, 
que  deux  personnes  qui  ont  lu  et  appris  par  cœur  le  même  li- 
vre le  sachent  également,  si  l'un  le  comprend  en  sorte  qu'il  en 
sache  tous  les  principes,  la  force  des  conséquences,  les  répon- 
ses aux  objections  qu'on  y  peut  faire,  et  toute  l'économie  de 
l'ouvrage;  au  lieu  qu'en  l'autre  ce  soient  des  paroles  mortes,  et 
des  semences  qui,  quoique  pareilles  à  celles  qui  ont  produit 
des  arbres  si  fertiles,  sont  demeurées  sèches  et  infructueuses 
dans  l'esprit  stérile  qui  lésa  reçues  en  vain?  Tous  ceux  qui 
disent  les  mêmes  choses  ne  les  possèdent  pas  de  la  même  sor- 
te ;  et  c'est  pourquoi  l'incomparable  auteur  de  l'Art  de  conférer 
s'arrête  avec  tant  de  soin  à  faire  entendre  qu'il  ne  faut  pas 
juger  de  la  capacité  d'un  homme  par  l'excellence  d'un  bon  mot 
qu'on  lui  entend  dire  :  mais,  au  lieu  d'étendre  l'admiration  d'un 
bon  discours  à  la  personne,  qu'on  pénètre,  dit-il,  l'esprit  d'où 
il  sort  ;  qu'on  tente  s'il  le  tient  de  sa  mémoire  ou  d'un  heureux 
hasard;  qu'on  le  reçoive  avec  froideur  et  avec  mépris,  afin  de 
voir  s'il  ressentira  qu'on  ne  donne  pas  à  ce  qu'il  dit  l'estime  que 
son  prix  mérite  :  on  verra  le  plus  souvent  qu'on  le  lui  fera  désa- 
vouer sur  l'heure,  et  qu'on  le  tirera  bien  loin  de  cette  pensée, 
meilleure  qu'il  ne  croit,  pour  le  jeter  dans  une  autre  toute  basse 
et  ridicule,  Il  faut  donc  sonder  comme  cette  pensée  est  logée 
en  son  auteur;  comment,  par  où,  jusqu'où  il  la  possède  :  au- 
trement, le  jugement  précipité  sera  jugé  téméraire1. 

Je  voudrais  demander  à  des  personnes  équitables  si  ce  prin- 
cipe :  La  matière  est  dans  une  incapacité  naturelle  invincible 
rie  penser,  et  celui-ci  :  Je  pense,  donc  je  suis,  sont  en  effet  les 
mêmes  dans  l'esprit  de  Descartes  et  dans  l'esprit  de  saint  Au- 
gustin, qui  a  dit  la  même  chose  douze  cents  ans  auparavant  *. 

1.  De  l'art  de  conférer  est  le  titre  donné  par  Montaigne  au  huitième  chapitre  du  troi- 
sième livre  de  ses  Essais.  On  y  lit  (t.  iv,  p.  439)  :  «  Voicy  un  aultre  advertissement,  du- 
quel ie  tire  grand  usage  :  c'est  qu'aux  disputes  et  conférences,  touts  les  mots  qui  nous 
semblent  bons  ne  doibvent  pas  incontinent  estre  acceptez....  Tl  peult  bien  advenir  à  tel 
de  dire  un  beau  traict,  une  bonne  response  et  sentence,  et  la  mettre  en  avant,  sans  en 

cognoislre  la  force 11  n'y  fault  point  tousiours  céder,  quelque  vérité  ou  beauté  qu'elle 

ayt  :  ou  il  la  fault  combattre  à  escient,  ou  se  tirer  arrière  soubs  couleur  de  ne  l'entendre 
pas,  pour  taster  de  toutes  parts  comment  elle  est  logée  en  .son  auclenr,  etc.  »  Montaigne 
continue  longtemps  sur  ce  ton  avec  beaucoup  d'esprit  et  de  malice,  mais  non  pas  avec  la 
gravité  de  Pascal.  M.  Le  Clerc  arapproché  dutexte  de  Montaigne  le  résumé  que  Pascal 
en  a  fait,  en  ajoutant  :  •  Voilà  le  meilleur  commentaire  de  tout  ce  passage,  et  ce  commen- 
taire est  un  hommage  au  génie  d'un  écrivain  que  Pascal  n'a  pas  toujours  si  bien  traité.  » 

2.  Après  le  premier  étonnement  causé  par  l'originalité  de  la  méthode  de  Descartes,  ou 
«aperçut  que  les  principes  sur  lesquels  il  établissait  sa  philosophie  se  retrouvaient  dans 


de  l'esprit  géométrique  305 

En  vérité,  je  suis  bien  éloigné  de  dire  que  Descartes  n'eu 
soit  pas  le  véritable  auteur,  quand  même  il  ne  l'aurait  appris 
que  dans  la  Lecture  de  ce  grand  saint1  ;  car  je  sais  combien  il 
y  a  de  différence  entre  écrire  un  mot  à  l'aventure,  sans  y  faire 
une  réflexion  plus  longue  et  plus  étendue,  et  apercevoir  dans 
ce  mot  une  suite  admirable  de  conséquences,  qui  prouve  la 
distinction  des  natures  matérielle  et  spirituelle,  et  en  faire  un 
principe  ferme  et  soutenu  d'une  physique  entière,  comme  T^«- 
cartes  a  prétendu  faire.  Car,  sans  examiner  s'il  a  réussi  effica- 
cement dans  sa  prétention,  je  suppose  qu'il  l'ait  fait,  et  c'est 
dans  cette  supposition  que  je  dis  que  ce  mot  est  aussi  différent 
dans  ses  écrits  d'avec  le  même  mot  dans  les  autres  qui  l'ont  dit 
en  passant,  qu'un  homme  plein  de  vie  et  de  force  d'avec  un 
homme  mort. 

Tel  dira  une  chose  de  soi-même  sans  en  comprendre  l'ex- 
cellence, où  un  autre  comprendra  une  suite  merveilleuse  de 
conséquences  qui  nous  font  dire  hardiment  que  ce  n'est  plus 
le  même  mot,  et  qu'il  ne  le  doit  non  plus  à  celui  d'où  il  l'a  appris, 
qu'un  arbre  admirable  n'appartiendra  pas  à  celui  qui  en  aurait 
jeté  la  semence,  sans  y  penser  et  sans  la  connaître,  dans  une 
terre  abondante,  qui  en  aurait  profité  de  la  sorte  par  sa  propre 
fertilité. 

Les  mêmes  pensées  poussent  quelquefois  tout  autrement 
dans  un  autre  que  dans  leur  auteur  :  infertiles  dans  leur  champ 
naturel,  abondantes  étant  transplantées.  Mais  il  arrive  bien 
plus  souvent  qu'un  bon  esprit  fait  produire  lui-même  à  ses 

divers  passages  de  saint  Augustin.  Voir,  à  ce  sujet,  la  Vie  de  Descartes  par  Baillet.  Le 
plus  remarquable  parmi  ces  passages  est  ce  qu'on  lit  au  chapitre  10  du  livre  X  sur  la  Tri- 
nité. Les  hommes,  dit  saint  Augustin,  ont  pu  douter  de  la  nature  du  principe  qui  vit, 
qui  se  souvient,  qui  comprend,  etc.  «  Mais  le  fait  même  de  la  vie,  de  la  mémoire,  de 
l'intelligence,  de  la  volonté,  de  la  pensée,  de  la  connaissance,  du  jugement,  qui  peut 
en  douter?  Car  si  on  doute,  c'est  qu'on  vit;  si  on  doute,  c'est  qu'on  se  souvient  des  rai- 
sops  qu'on  a  de  douter;  si  on  doute,  c'est  qu'on  comprend  qu'on  doute  ;  si  ou  doute,  c'est 
qu'on  veut  s'assurer;  si  on  doute,  c'est  qu'on  pense;  si  on  doute,  c'est  qu'on  sait  qu'on 
De  sait  pas;  si  on  doute,  c'est  qu'on  juge  qu'on  ne  doit  pas  croire  légèrement.  Ainsi, 
celui  même  qui  docte  de  tout  le  reste  ne  peut  douter  de  ces  choses;  car,  sans  ces 
choses,  il  ne  lui  serait  pas  possible  de  douter.»  Il  ajoute  que  Pâme,  se  sachant,  et  ne 
sachant  pas  la  matière,  n'est  donc  pas  matière  ;  qu'elle  est  ce  qu'elle  se  sait,  c'est-à-dire 
pensée.  Voyez  aussi  Le  De  Civ.  Dei,  XI,  26  :  «  Je  ne  crains  pas  ici  [dans  la  croyance  que 
j'ai  à  mon  existence]  les  arguments  des  académiciens  disant  :  Mais  si  vous  vous  trompez' 
Car  si  je  me  trompe,  j'existe.  En  effet,  celui  qui  n'existe  pas  ne  peut  pas  se  tromper,  etc.  t 
Voir  encore  Soliloq .  lï,  1,  3;  De  bb.  arb.  Il,  '6,  etc. 

1.  Descartes  n'en  convient  pas.  Voir  sa  Lettre  à  la  personne   qui  lui  avait  signalé  ceftfc 
rencontre,  tome  u  de  l'édition  de  1667,  lettre    118  (tome   vin,  page   421    de   l'édition  de 

M     CoU:  in    . 


306  OPUSCLES  DE  PASCAL 

propres  pensées  tout  le  fruit  dont  elles  sont  capables,  et  qu'en- 
suite quelques  autres,  les  ayant  ouï  estimer,  les  empruntent 
et  s'en  parent,  mais  sans  en  connaître  l'excellence;  et  c'est  alors 
que  la  différence  d'un  même  mot  en  diverses  bouches  paraît  le 
plus. 

C'est  de  cette  sorte  que  la  logique  a  peut-être  emprunté  les 
règles  de  la  géométrie  sans  en  comprendre  la  force  ;  et  ainsi, 
en  les  mettant  à  l'aventure  parmi  celles  qui  lui  sont  propres, 
il  ne  s'ensuit  pas  de  là  qu'ils  aient  entré  dans  l'esprit  de  la 
géométrie;  et  je  serai  bien  éloigné,  s'ils  n'en  donnent  pas  d'au- 
tres marques  que  de  l'avoir  dit  en  passant,  de  les  mettre  en 
parallèle  avec  cette  science,  qui  apprend  la  véritable  méthode  de 
conduire  la  raison.  Mais  je  serai  au  contraire  bien  disposé  aies 
en  exclure,  et  presque  sans  retour.  Car  de  l'avoir  dit  en  pas- 
sant, sans  avoir  pris  garde  que  tout  est  renfermé  là-dedans ,  et, 
au  lieu  de  suivre  ces  lumières,  s'égarer  à  perte  de  vue  après 
des  recherches  inutiles,  pour  courir  à  ce  que  celles-là  offrent 
et  qu'elles  ne  peuvent  donner,  c'est  véritablement  montrer 
qu'on  n'est  guère  clairvoyant,  et  bien  plus  que  si  l'on  avait 
manqué  de  les  suivre  parce  qu'on  ne  les  avait  pas  aperçues. 

La  méthode  de  ne  point  errer  est  recherchée  de  tout  le 
monde.  Les  logiciens  font  profession  d'y  conduire,  les  géo- 
mètres seuls  y  arrivent ,  et,  hors  de  leur  science  et  de  ce  qui 
l'imite,  il  n'y  a  point  de  véritables  démonstrations.  Tout  l'art 
en  est  renfermé  dans  les  seuls  préceptes  que  nous  avons  dits; 
ils  suffisent  seuls,  ils  prouvent  seuls  ;  toutes  les  autres  règles 
sont  inutiles  ou  nuisibles.  Voilà  ce  que  je  sais  par  une  longue 
expérience  de  toutes  sortes  de  livres  et  de  personnes. 

Et  sur  cela  je  fais  le  même  jugement  de  ceux  qui  disent  que 
les  géomètres  ne  leur  donnent  rien  de  nouveau  par  ces  règles, 
parce  qu'ils  les  avaient  en  effet,  mais  confondues  parmi  une 
multitude  d'autres  inutiles  ou  fausses  dont  ils  ne  pouvaient 
pas  les  discerner,  que  de  ceux  qui,  cherchant  un  diamant  de 
grand  prix  parmi  un  grand  nombre  de  faux,  mais  qu'ils  n'en 
sauraient  pas  distinguer,  se  vanteraient,  en  les  tenant  tous  en- 
semble, de  posséder  le  véritable  aussi  bien  que  celui  qui,  sans 
s'arrêter  à  ce  vil  amas,  porte  la  main  sur  la  pierre  choisie  que 
Von  recherche,  et  pour  laquelle  on  ne  jetait  pas  tout  le  reste. 


de  l'esprit  géométrique  307 

Le  défaut  d'un  raisonnement  faux  est  une  maladie  qui  se 
guérit  par  ces  deux  remèdes.  On  en  a  composé  un  autre  d'une  in- 
finité d'herbes  inutiles,  où  les  bonnes  se  trouvent  enveloppées, 
et  où  elles  demeurent  sans  effet,  par  les  mauvaises  qualités  de 
ce  mélange.  Pour  découvrir  tous  les  sophismes  et  toutes  les 
équivoques  dcz  raisonnements  captieux,  ils  ont  inventé  des 
noms  barbares,  qui  étonnent  ceux  qui  les  entendent;  et  au 
lieu  qu'on  ne  pont  débrouiller  tous  les  replis  de  ce  nœud  si 
embarrassé  qu'en  tirant  l'un  des  bouts  que  les  géomètres  assi- 
gnent, ils  en  ont  marqué  un  nombre  étrange  d'autres  où  ceux- 
là  se  trouvent  compris,  sans  qu'ils  sachent  lequel  est  le  bon.  Et 
ainsi,  en  nous  montrant  un  nombre  de  chemins  différents  qu'ils 
disent  nous  conduire  où  nous  tendons,  quoiqu'il  n'y  en  ait 
que  deux  qui  y  mènent  (il  faut  savoir  les  marquer  en  particu- 
lier), on  prétendra  que  la  géométrie,  qui  les  assigne  certaine- 
ment, ne  donne  que  ce  qu'on  avait  déjà  des  autres,  parce  qu'ils 
donnaient  en  effet  la  même  chose  et  davantage  ;  sans  prendre 
garde  que  ce  présent  perdait  son  prix  par  son  abondance ,  et 
qu'il  ôtait  en  ajoutant. 

Rien  n'est  plus  commun  que  les  bonnes  choses,  il  n'est 
question  que  de  les  discerner  ;  et  il  est  certain  qu'elles  sont 
toutes  naturelles  et  à  notre  portée,  et  même  connues  de  tout  le 
monde,  mais  on  ne  sait  pas  les  distinguer.  Ceci  est  universel. 
Ce  n'est  pas  dans  les  choses  extraordinaires  et  bizarres  que  se 
trouve  l'excellence  de  quelque  genre  que  ce  soit.  On  s'élève 
pour  y  arriver,  et  on  s'en  éloigne;  il  faut  le  plus  souvent  s'a- 
baisser. Les  meilleurs  livres  sont  ceux  que  ceux  qui  les  lisent 
croient  qu'ils  auraient  pu  faire.  La  nature,  qui  seule  est  bonne, 
est  toute  familière  et  commune. 

Je  ne  fais  donc  pas  de  doute  que  ces  règles,  étant  les  véri- 
tables, ne  doivent  être  simples,  naïves,  naturelles,  comme  elles 
le  sont.  Ce  n'est  pas  barbara  et  baralipton  qui  forment  le  rai- 
sonnement1. Il  ne  faut  pas  guinder  l'esprit;  les  manières  ten- 

1.  Des  trois  propositions  dont  se  compose  un  syllogisme,  chacune  est  ou  universelle 
ou  particulière,  chacune  est  aussi  ou  affirmative  ou  négative.  Désignant  par  A,  E,  les  pro- 
positions universelles,  affirmatives  et  négatives;  par  I,  O,  les  propositions  particulières, 
affirmatives  et  négatives,  les  différentes  formes  possibles  du  syllogisme  seront  représen- 
tées par  certaines  combinaisons  des  lettres  A,  E,  I,  O,  [irises  trois  à  trois.  On  a  exprimé 
ee»  combinaisons  par  des  mots  où  entrent  ces  voyelles,  et  afin  de  graver  ces  mots  dans 


308  OPUSCULES  DE  PASCaL 

dues  et  pénibles  le  remplissent  d'une  sotte  présomption  par 
une  élévation  étrangère  et  par  une  enflure  vaine  et  ridicule,  au 
lieu  d'une  nourriture  solide  et  vigoureuse.  Et  l'une  des  rai- 
sons principales  qui  éloignent  autant  ceux  qui  entrent  dans  ces 
connaissances  du  véritable  chemin  qu'ils  doivent  suivre,  est  l'i- 
magination qu'on  prend  d'abord  que  les  bonnes  choses  sont 
inaccessibles,  en  leur  donnant  le  nom  de  grandes,  hautes,  éle- 
vées, sublimes.  Gela  perd  tout.  Je  voudrais  les  nommer  basses, 
communes ,  familières  :  ces  noms-là  leur  conviennent  mieux  ; 
je  hais  ces  mots  d'enflure1 


REMARQUES    SUR    LES   DEUX   FRAGMENTS    DE 
L'ESPRIT    GÉOMÉTRIQUE. 


PREMIER     FRAGMENT. 

La  logique  pratique  de  Pascal  est  excellente  dans  sa  simplicité.  Mais 
les  principes  qu'il  établit  dans  ce  premier  fragment  et  qu'il  prétend 
mettre  au-dessus  de  la  pratique,  sont  faux  et  inacceptables,  comme 
l'est  en  général  le  pyrrhonisme  voulu  et  forcé  des  Pensées.  C'est  une 
étrange  chimère  que  cette  méthode  «  plus  éminente  et  plus  accomplie, 
mais  où  des  hommes  ne  sauraient  jamais  arriver,  car  ce  qui  passe  la 
géométrie  nous  surpasse  »  :  phrase  qui  contient,  pour  ainsi  dire,  la  tran- 
sition de  Pascal  géomètre  à  Pascal  pyrrhonien.  Cette  méthode  consiste 
a  tout  définir  et  h  tout  prouver.  Arrêtons  là,  et  puisque  Pascal  veut 
qu'on   définisse,  définissons  ce  que  c'est  que  prouver  ou  démontrer. 

la  mémoire,  on  les  a  liés  ensemble,  soit  par  le  sens,  comme  dans  cette  phrase  grecque  : 

ypkppkrA.  EypkpE  yp\'j)l$l  tE/vI^Os, 
Boit  par  le  mètre,  comme  dans  ce  vers  latin  : 

barbara  celèrent  àarii  terio  baralî'r/on, 
et  autres  semblables,  composés  de  sons  qui  n'ont  aucun  sens. 

i.  Les  idées  exprimées  dans  ces  deux  derniers  alinéas  sont  prises  de  Montaigne,  T,  25, 
t.  i,  page  2154  :  «  On  a  grand  tort  de  la  peindre  [la  philosophie]  inaccessible  aux  enfants, 
d'un  visage  renfrongné,  sourcilleux  et  terrible...  La  plus  expresse  marque  de  la  sagesse, 
c'est  une  esiouissance  constante...  C'est  baroco  et  baralipton  qui  rendent  leurs  supposts 
ainsi  crottez  et  enfumez;  ce  n'est  pas  elle,  etc.  »  Et  III,  5,  t.  iv,  p.  317  :  «  Les  sciences 
traictent  les  choses  trop  finement,  d'une  mode  artificielle,  et  différente  à  la  commune  et 
naturelle...  Je  ne  recognois  pas  chez  Aristote  la  plus  part  de  mes  mouvemenls  ordinaires; 
on  les  a  couverts  et  revestus  d'une  aultre  robbe,  pour  l'usage  de  l'eschole.  Dieu  leurdoint 
bien  faire  I  Si  i'estois  du  mestier,  i«  naturaliseiois  l'art  autant  comme  ils  artialisent  la 
oature.  » 


de  l'esprit  géométrique  300 

N'est-ce  pas  faire  voir  qu'uni;  proposition  qui  paraît  douteuse  est  ef- 
fectivement contenue  dans  une  autre  dont  on  ne  peut  pas  douter?  Dès 
lors,  il  n'y  a  lieu  à  démonstration  qu'autant  qu'il  y  a  des  propositions 
indubitables  par  elles-mêmes,  et  qui  ne  se  prouvent  pas;  et,  loin  que 
le  véritable  ordre  soit  de  tout  prouver,  on  ne  saurait  même  attacher  à 
ces  deux  mots  réunis  une  idée  nette. 

«  Certainement,  dit  Pascal,  cette  méthode  serait  belle,  mais  elle  est 
absolument  impossible.  »  Elle  est  bien  plus  qu'impossible,  elle  ren- 
ferme une  contradiction  essentielle;  et  ce  qui  implique  contradiction 
ne  peut  s'appeler  un  ordre  absolument  accompli.  C'est  comme  si  on 
disait  qu'un  bâton  accompli  serait  celui  qui  n'aurait  qu'un  bout,  mais 
que  l'homme  est  obligé,  dans  cette  vie,  de  se  contenter  des  bâtons  qui 
en  ont  deux. 

Ce  qui  est  contre  nature  n'est  pas  au-dessus  de  la  lumière  naturelle. 
Le  raisonnement  n'est  pas  quelque  chose  qui  soit  supérieur,  par  soi- 
même,  à  l'évidence  sensible;  car  le  raisonnement  ne  fait  autre  chose 
que  montrer  le  lien  qui  rattache  à  cette  évidence  une  vérité  où  elle 
ne  se  manifeste  pas  tout  d'abord.  Dans  quelles  subtilités  Pascal  s'em- 
barrasse !  Quoi!  parce  que  je  ne  puis  définir  l'espace,  ni  démontrer 
qu'entre  deux  points  on  ne  peut  tirer  qu'une  seule  ligne  droite,  je  ne 
serai  convaincu  de  rien,  même  en  géométrie,  je  ne  pourrai  être  que 
certain  !  Quelle  distinction  ! 

Mais  le  pyrrhonien  m'intéresse  beaucoup  moins  dans  ce  fragment 
que  le  cartésien,  qui,  après  avoir  réduit  l'homme  à  la  géométrie,  pré- 
tend retrouver  dans  la  géométrie  le  reste  des  choses  et  les  clefs  qui 
ouvrent  toute  connaissance.  La  première  de  ces  clefs  est  la  vue  des 
deux  infinis,  sujet  d'un  si  magnifique  développement  dans  les  Pensées  : 
l'infini  en  grand,  qui  fatigue  plutôt  notre  pensée  qu'il  ne  la  trouble; 
l'infini  en  petit,  qui  confond  l'imagination,  parce  qu'il  semble  qu'on  le 
tient,  et  que  pourtant  il  échappe.  Je  voudrais  bien  ne  pas  me  perdre 
dans  cette  question  si  abstruse  de  la  divisibilité  à  l'infini.  L'étendue 
est  divisible  à  l'infini,  cela  est  tout  simple,  il  en  est  de  même  de  la 
durée;  il  en  est  de  même  du  nombre,  qui  n'est  que  le  signe  de  ces 
deux  espèces  de  quantité,  la  durée  et  l'étendue.  Mais  la  matière,  la 
réalité,  est-elle  aussi  divisible  à  l'infini?  Je  répondrais  avec  clarté  à 
cette  question,  si  je  pouvais  dire  avec  clarté  ce  que  c'est  que  la  matière 
et  ce  que  c'est  que  diviser.  Des  philosophes  définissent  la  matière  :  un 
ensemble  de  forces  manifestées  par  des  phénomènes  qui  se  perçoivent 
distinctement  les  uns  des  autres.  Cette  distinction  se  fait,  disent-ils, 
suivant  une  certaine  forme  de  notre  intelligence  qui  est  ce  que  nous 
appelons  l'étendue,  pure  illusion  sans  réalité.  Et  ils  concluent  que  ce 


310  OPUSCULES  DE  PASCAL 

qu'on  appelle  divisibilité  à  l'infini  ne  porte  que  sur  une  intuition  ou 
une  pure  idée. 

De  là  ces  contradictions,  que  Kant  a  rendues  fameuses  sous  le  nom 
d'antinomies,  mais  on  n'avait  pas  attendu  Kant  pour  les  signaler.  Il 
répugne  à  l'esprit  qu'on  puisse  s'arrêter  dans  la  division,  et  il  répu- 
gne également  à  l'esprit  qu'on  ne  puisse  pas  s'arrêter  *.  Pascal  en  conclut 
«  que  ce  n'est  pas  par  notre  capacité  à  concevoir  ces  choses  que  nous 
devons  juger  de  leur  vérité,  puisque,  ces  deux  contraires  étant  tous 
deux  inconcevables,  il  est  néanmoins  certain  que  Vun  des  deux  est  vé- 
ritable. »  D'autres  concluent  au  contraire  que  lorsque,  sur  une  même 
question,  la  thèse  et  l'antithèse  sont  également  inconcevables,  c'est  la 
marque  que  la  question  ne  porte  sur  rien  de  réel,  et  qu'elle  implique 
quelque  illusion  de  notre  esprit. 

Quand  Pascal  considère  l'étendue  comme  une  réalité,  il  cède  donc, 
je  le  crois,  à  une  illusion,  mais  à  une  illusion  universelle  et  peut-être 
inévitable.  C'en  est  une  plus  facile  à  éviter,  et  qui  tient  surtout  à  la 
complaisance  de  son  esprit  pour  l'abstraction,  que  de  parler  des  points 
ou  des  instants  comme  de  quelque  chose  de  réel  (page  296),  tandis  que 
ce  ne  sont  que  des  idées.  Ainsi,  dans  l'exemple  du  vaisseau  qu'on  re- 
garde à  travers  un  verre,  sans  doute  les  deux  lignes  dont  il  parle  ne 
se  confondront  jamais,  mais  à  condition  que  ce  ne  soient  que  des  li- 
gnes, c'est-à-dire  rien,  car  il  n'y  a  pas  de  lignes  dans  la  nature,  il  n'y 
a  que  des  corps. 

De  même  quand  il  dit  :  «  Quelque  mouvement,  quelque  nombre, 
quelque  espace,  quelque  temps  que  ce  soit,  il  y  en  a  toujours  un  plus 
grand  et  un  moindre  » ,  cela  est  bon  pour  le  nombre,  l'espace  et  le 
temps,  abstractions  pures  ;  mais,  quant  au  mouvement,  il  fallait  se  con- 
tenter de  dire  qu'on  en  conçoit  toujours  un  plus  grand  et  un  moindre, 
et  rien  de  plus.  On  conçoit  aussi  toujours  des  corps  plus  grands  qu'un 
corps  donné,  ou  plus  petits,  ou  un  monde  plus  grand  qu'un  monde 
donné,  mais  cela  ne  nous  apprend  pas  ce  qui  est. 

Pascal  demande  si  les  lunettes  changent  la  grandeur  naturelle  des 
objets,  ou  si,  au  contraire,  ils  rétablissent  la  véritable.  Mais  cette  ques- 
tion ne  trahit-elle  pas  une  méprise  de  l'imagination?  L'idée  de  gran- 
deur est  essentiellement  relative  à  celle  d'étendue;  si  celle-ci  est  sans 
réalité,  il  en  est  de  même  de  l'autre  ;  il  n'y  a  plus  de  réel  que  les  rap- 
ports et  les  lois  de  ces  apparences.  L'éléphant  est  plus  grand  que  la 
mouche,  voilà  ce  qui  demeure  réel,  et  rien  de  plus,  mais  cela  suffit. 

Je  relèverai   maintenant  quelques  détails.   Pascal  accorde  que  la 


I.  Voir,  sur  cette  seconde  supposition,  l'article  Zenon  d'Êlie,  dans  le  Dictionnaire  de 
Bayle. 


REMARQUES  SDR   L'ESPRIT  GÉOMÉTRIQUE.  311 

définition  de  nom  est  arbitraire,  au  point  qu'il  est  permis  de  donner 
te  même  nom  ;\  deux  choses  différentes,  pourvu  qu'on  n'en  confonde 
pa  les  conséquences  et  qu'on  ne  les  étende  pas  de  lune  h  Vautre.  Mais 
t'est  ce  qui  est  presque  inévitable*  La  Logique  de  Port-Royal  a  donc 
raison  de  vouloir  qu'on  prenne  bien  garde  d'abuser  de  ce  principe?, 
quoique  vrai  en  rigueur,  que  les  définitions  sont  libres. 

o  On  ne  peut  entreprendre  de  définir  l'être...  :  car...,  pour  définir 
l'être,  il  faudrait  dire,  c'est,  et  ainsi  employer  le  mot  défini  dans  la  défi- 
nition. »  Gela  ne  paraît  pas  bien  rigoureux;  car,  en  y  regardant  de  près, 
on  voit  que  le  mot  c'est,  dans  le  discours,  n'exprime  qu'une  conception 
de  notre  esprit,  et  n'a  pas  le  même  sens  que  dans  cette  expression, 
l'être.  Il  équivaut  à  un  signe  algébrique  tel  que=.  Il  pourrait  y  avoir 
deux  mots  différents  pour  ces  deux  idées  différentes,  et  même  il  y  en 
a  deux  en  effet,  car  on  peut  dire  :  L'existence  est.  Ainsi.,  on  n'emploie 
plus  le  mot  défini  dans  la  définition.  11  est  vrai  pourtant  qu'on  ne  peut 
définir  l'existence,  mais  ce  n'est  pas,  je  crois,  pour  la  raison  que  donne 
Pascal,  c'est  uniquement  à  cause  de  la  simplicité  irréductible  de 
cette  idée. 

«  On  ne  peut  imaginer  de  mouvement  sans  quelque  chose  qui  se 
meuve,  et  cette  chose  étant  une,  cette  unité  est  l'origine  de  tous  les 
nombres.  » 

Gela  est  hien  détourné,  car  la  chose  était  aussi  bien  une  dans  l'état 
de  repos  que  dans  celui  de  mouvement.  La  seule  mesure  du  mouve- 
ment, le  calcul  de  l'espace  parcouru,  rapporté  à  un  autre  espace  pris 
pour  unité,  suffit  pour  donner  le  nombre.  D'ailleurs,  comment  sait-il 
que  cette  chose  est  une,  et  qu'entend-il  par  un?  Ce  mot  bien  analysé 
ne  présente  d'autre  sens  à  l'esprit  que  celui  de  totalité  ou  d'ensemble. 

«  C'est  une  maladie  naturelle  à  l'homme  de  croire  qu'il  possède  la 
vérité  directement...,  au  lieu  qu'en  effet  il  ne  connaît  naturellement 
que  le  mensonge,  et  qu'il  ne  doit  prendre  pour  véritables  que  les  cho- 
ses dont  le  contraire  lui  paraît  faux.  »  Paradoxe  et  non-sens  qu'on 
trouve  aussi  dans  les  Pensées,  vi,  60,  mais  nous  le  surprenons  ici  à 
sa  source,  qui  ne  peut  être  que  la  considération  de  l'infini.  En  effet, 
on  n'arrive  à  l'affirmative  :  Ceci  est  infini,  qu'au  moyen  de  la  néga- 
tive :  Il  n'est  pas  vrai  que  ceci  soit  fini.  Mais  cela  est  tout  simple, 
puisque  l'idée  d'infini  est  une  négation,  et  il  n'y  a  pas  là  grand  mys- 
tère. 


SECOND     FRAGMENT. 


Les  réflexions  par  lesquelles  s'ouvre  ce  fragment,  sur  ce  que  Pascal 
appelle  Varl  d'agréer,  sont  peut-être  ce  qui  s'y  trouve  de  plus  original  ; 


312  OPUSCULES  DE  PASCAL 

mais  on  les  lisant  il  faut  se  défier  de  sa  pensée  de  derrière  (comme  il 
dit  dans  les  Pensées),  qui  est  la  condamnation  de  la  nature  humaine. 
Il  est  injuste  quand  il  suppose  que  des  vérités  démontrées  pour  la  rai- 
son sont  rejetées  par  la  passion.  Gela  est  rare,  si  cela  arrive  jamais 
Ce  qui  arrive  le  plus  souvent,  ce  qui  fait  les  surprises  de  la  passion  et 
celles  de  l'éloquence,  c'est  qu'en  dehors  des  sciences  pures,  et  dans 
l'ordre  des  choses  qui  font  les  grands  intérêts  de  la  vie,  il  n'y  a  guère 
de  vérités  rigoureusement  démontrées,  ni  même  de  vérités  absolu- 
ment vraies,  je  veux  dire  qui  le  soient  en  toutes  circonstances  et  sous 
toutes  les  faces.  La  passion  peut  donc  les  prendre  sous  le  jour  qui  lui 
agrée.  Pascal  va  le  dire  un  peu  plus  loin  :  «  Il  n'y  a  presque  point  de 
vérités  dont  nous  demeurions  toujours  d'accord.  »  Ce  n'est  pas  qu'il 
n'y  ait  d'ordinaire,  à  un  moment  donné,  une  cause  qui  est  la  bonne 
cause,  qu'il  est  juste  d'embrasser,  et  qu'on  est  blâmable  de  combattre. 
Mais,  quoiqu'elle  soit  la  bonne  cause,  elle  n'est  pas  cependant  bonne 
en  tout  point.  En  un  mot,  lorsque  la  passion  prend  parti  contre  la  rai- 
son, ce  n'est  pas  sans  avoir  aussi  des  raisons  pour  elle.  Ces  raisons 
sont  des  vraisemblances,  c'est-à-dire  des  vérités  relatives.  Et  la  rhé- 
torique n'est  que  la  dialectique  des  vraisemblances,  comme  Aristote 
Ta  définie  admirablement. 

On  ne  saurait  consentir  non  plus  au  dédain  avec  lequel  Pascal  traite 
la  sensibilité,  ne  l'appelant  que  des  noms  de  volupté  et  de  caprice. 
L'homme  ne  doit  pas  plus  mépriser  en  lui  la  sensibilité  que  la  raison, 
et  il  n'a  pas  trop  de  toutes  les  deux  pour  se  soutenir.  Il  y  a  des  vérités 
que  nous  ne  devons  pas  seulement  croire,  mais  aimer,  et  des  men- 
songes que  nous  ne  devons  pas  seulement  rejeter,  mais  haïr.  C'est 
donc  le  devoir  de  celui  qui  parle  pour  le  vrai  et  contre  le  faux,  de 
toucher  en  nous  ces  puissances  d'amour  ou  de  haine.  Qu'on  l'entende 
bien  :  ce  n'est  pas  une  nécessité  à  laquelle  il  soit  réduit,  et  dont  il  ait 
à  se  plaindre;  c'est  sa  force,  c'est  son  honneur,  et  ce  doit  être  son 
ambition  et  sa  joie.  Mais  comment  l'auteur  des  Provinciales,  comment 
l'homme  qui  fut  peut-être  le  plus  passionné  des  hommes  éloquents, 
semble-t-il  ne  voir  dans  l'éloquence  passionnée  qu'un  instrument  de 
volupté?  C'est  qu'il  méprise  dans  l'éloquence  la  nature  elle-même,  la 
concupiscence  toujours  présente,  le  misérable  héritage  d'Adam.  Cela 
ne  l'empêche  pas  de  sentir  ce  qu'elle  vaut  humainement ,  et  il  nous 
dira  tout  à  l'heure  combien  c'est  un  art  difficile,  et  combien  admi- 
rable. 

Il  est  vrai  que  cet  art  n'a  point  de  règles  fermes  (p.  300);  mais,  sans 
prétendre  fixer  cette  anatomie  du  cœur  humain,  il  est  possible  de 
faire  un  certain  nombre  d'observations  généralement  vraies,  observa- 


REMARQUES  SUR  L'ESPRIT  GÉOMÉTRIQUE.  313 

tions  utiles  d'abord  en  elles-mêmes,  et  aussi  en  ce  qu'étant  conduites 
méthodiquement  elles  nous  apprennent  à  en  faire  d'autres.  C'est  ce 
qu  Aristote  a  exécuté  dans  sa  Rhétorique.  Il  y  a  marqué  précisément 
les  principales  de  ces  différences  que  Pascal  reconnaît  entre  les  ca- 
ractères des  divers  âges  et  des  diverses  conditions. 

Quand  Pascal  met  en  opposition  (p.  299)  les  suggestions  de  l'esprit  et 
celles  du  cœur,  il  contredit  ee  qu'il  avait  dit  lui-même  :  «  L'amour 
et  la  raison  n'est  qu'une  même  chose  »  (dans  le  Discours  sur  les  pas- 
sions de  l'amour).  C'était  peut-être  trop  donner  au  sentiment  et  à  la 
nature.  Ici  il  leur  refuse  tout,  parce  qu'il  parle  suivant  sa  théologie. 
Il  veut  établir  l'impuissance  de  la  raison,  soit  pour  persuader,  soit 
pour  gouverner,  la  vanité  de  la  pure  logique  et  de  la  pure  sagesse.  Et, 
par  une  étrange  contradiction,  en  même  temps  qu'il  trouve  mauvais 
qu'on  se  détermine  dans  les  choses  humaines  par  le  cœur,  il  trouve 
très-bon  qu'on  soit  pris  par  le  cœur  en  religion,  et  il  voit  là  un  mys- 
tère divin  :  «  Et  c'est  pour  punir  ce  désordre  par  un  ordre  qui  lui  est 
conforme,  que  Dieu  ne  verse  ses  lumières  dans  les  esprits  qu'après 
avoir  dompté  la  rébellion  de  la  volonté  par  une  douceur  toute  céleste 
qui  la  charme  et  qui  l'entraîne.  »  C'est  dans  les  mêmes  termes  qu'il 
explique,  dans  la  XVIIIe  Provinciale,  l'action  de  la  grâce  sur  le  libre 
arbitre  de  l'homme.  C'est  bien  déjà,  en  effet,  le  Pascal  des  Provinciales 
et  des  Pensées  que  nous  entendons  dans  ces  deux  fragments,  et  qui,  à 
la  fin  du  premier,  met  son  âme  à  nu,  pour  ainsi  dire,  dans  cette  phrase  : 
«  Sur  quoi  on  peut  apprendre  à  s'estimer  à  son  juste  prix,  et  former 
des  réflexions  qui  valent  mieux  que  tout  le  reste  de  la  géométrie 
même.  » 

«  Ce  n'est  pas  barbara  et  baralipton  qui  forment  le  raisonnement.  » 
Non,  sans  doute  ;  et  Montaigne  a  bien  fait  de  le  dire,  et  Pascal  de  le 
répéter.  L'esprit  humain  n'avait  que  trop  souffert  de  l'éducation  de 
l'École.  Mais  ce  n'est  pas  à  Aristote  qu'il  faut  imputer  la  science  morte 
du  moyen  âge;  la  sienne  est  vivante  et  originale,  et  il  reste  permis 
d'admirer  chez  lui  l'analyse  si  curieuse,  lors  même  qu'elle  n'est  pas 
utile  pour  la  pratique,  du  mécanisme  du  raisonnement,  et  cette  cri- 
tique déliée  qui  débrouille  habilement  un  à  un  tous  les  fils  mêlés  par 
les  sophistes. 

Pascal  a  raison  de  dire  qu'Augustin  n'a  pas  tenté  comme  Descartes 
de  bâtir  sur  le  Je  pense,  donc  je  suis  une  physique  entière,  c'est-à-dire, 
au  sens  que  ce  mot  avait  alors,  une  philosophie  complète  de  la  nature . 
(Voir  les  Principia  philosophiœ.)  Mais  il  se  trompe,  ainsi  qu'on  l'a  dit 
justement  *,  quand  il  fait  entendre  que  le  saint  docteur  n'a  écrit  ce 

1.  M.  l'abbé  Flottes,  Etudes  sur  saint  Augustin,  1861,  p.  584. 


314  OPUSCULES  DE  PASCAL 

mot  qu'en  passant  et  a  l'aventure.  Augustin  prétend  s'en  servir  pour 
prouver  Dieu,  et  même  la  Trinité  :  Dieu,  en  reconnaissant  dans  nous 
Un  principe  intelligent  qu'il  ne  peut  rapporter  à  la  matière  ;  la  Trinité, 
en  considérant  le  moi  sous  divers  aspects,  sous  lesquels  il  lui  paraît 
un  et  triple,  idée  que  Bossuet  a  reprise  en  plusieurs  endroits. 

Au  reste,  le  débat  a  moins  d'intérêt  pour  ceux  qui  pensent  (et  j'a- 
voue que  je  suis  du  nombre),  que  ce  fameux  principe  n'a  pas  au  fond 
toute  la  valeur  qu'on  lui  attribue,  car  personne  ne  doute  de  la  vie  ni 
de  la  pensée;  la  question  est  seulement  de  savoir  ce  que  c'est  qui  vit 
et  qui  pense,  et  c'est  ce  que  le  Cogito,  ergo  sum  ne  nous  apprend  pas, 
quoi  qu'aient  dit  Augustin  et  Descartes. 

«  C'est  de  cette  sorte  que  la  logique  a  peut-être  emprunté  les  règles 
de  la  géométrie  sans  en  comprendre  la  force,  etc.  » 

M.  Barthélémy  Saint-Hilaire  répond  à  cela  dans  la  Préface  de  sa  tra- 
duction de  la  Logique  d'Aristote,  (p.  xxxviii)  :  «  Les  mathématiques  ont 
presque  la  forme  pure,  la  forme  idéale  de  la  logique.. .  Les  mathéma- 
tiques en  tirent  vanité,  et  c'est  avec  raison.  Seulement  il  ne  faut  pas, 
comme  il  arrive  quelquefois,  qu'elles  se  méprennent  sur  elles-mêmes, 
et  qu'elles  essayent  de  détrôner  la  logique  en  se  substituant  à  elle. 
Pascal  a  commis  cette  énorme  erreur,  que  Malebranche  aurait  partagée 
volontiers.  La  logique,  selon  lui,  a  peut-être  emprunté  les  règles  de 
la  géométrie  sans  en  comprendre  la  force.  Puis,  par  une  confusion 
non  moins  erronée,  il  ajoute  :  La  méthode  de  ne  point  errer  est  recher- 
chée de  tout  le  monde;  les  logiciens  font  profession  d'y  conduire,  les 
géomètres  seuls  y  arrivent.  Pascal,  comme  on  le  voit,  confond  l'art 
avec  la  science;  et  parce  que  les  logiciens  ne  conduisent  pas  infailli- 
blement au  vrai,  il  immole  la  logique  à  ses  chères  mathématiques. 
C'est  Leibnitzqui  a  pleine  raison,  quand  il  dit  contrairement  à  Pascal  : 
La  logique  des  géomètres  est  une  extension  ou  promotion  particulière 
de  la  logique  générale.  Les  mathématiciens  empruntent  donc  la  puis- 
sance de  leur  forme  à  la  logique,  loin  de  la  lui  donner.  » 


SUR  LA  CONVERSION  DU  PECHEUR 


La  première  chose  que  Dieu  inspire  à  l'âme  qu'il  daigne 
toucher  véritablement,  est  une  connaissance  et  une  vue  tout 
extraordinaire  par  laquelle  l'âme  considère  les  choses  et  elle- 
même  d'une  façon  toute  nouvelle. 

Cette  nouvelle  lumière  lui  donne  de  la  crainte,  et  lui  apporte 
un  trouble  qui  traverse  le  repos  qu'elle  trouvait  dans  les 
choses  qui  faisaient  ses  délices.  Elle  ne  peut  plus  goûter  avec 
tranquillité  les  choses  qui  la  charmaient.  Un  scrupule  conti- 
nuel la  combat  dans  cette  jouissance,  et  cette  vue  intérieure 
ne  lui  fait  plus  trouver  cette  douceur  accoutumée  parmi  les 
choses  où  elle  s'abandonnait  avec  une  pleine  eifusion  de  cœur. 
Mais  elle  trouve  encore  plus  d'amertume  dans  les  exercices  de 
piété  que  dans  les  vanités  du  monde.  D'une  part ,  la  présence 
des  objets  visibles2  la  touche  plus  que  l'espérance  des  invi- 
sibles, et  de  l'autre  la  solidité  des  invisibles  la  touche  plus  que 
la  vanité  des  visibles.  Et  ainsi  la  présence  des  uns  et  la  solidité 
des  autres  disputent  son  affection,  et  la  vanité  des  uns  et  l'ab- 
sence des  autres  excitent  son  aversion;  de  sorte  qu'il  naît  dans 
elle  un  désordre  et  une  confusion. 

Elle  considère  les  choses  périssables  comme  périssantes  et 

1.  Fragment  publié  pour  la  première  fois  par  Bossut.  M.  Faugère  l'a  donné  d'après 
les  manuscrits  du  P.  Guerrier.  Quoique  le  P.  Guerrier  dise  qu'il  ne  sait  de  qui  est  cet 
écrit,  et  que  l'auteur  d'une  note  qui  se  trouve  daus  un  antre  manuscrit  croie  pouvoir 
l'attribuer  à  Jacqueline,  je  pense  avec  M.  Faugère  que  Bossut  ne  s'est  point  trompé  en 
le  donnant  comme  de  Pascal,  et  qu'on  ne  peut  y  méconnaître  su  manière.  Mais  je  ne 
puis  rapporter  ce  morceau  à  la  date  à  laquelle  on  l'a  rapporté.  Il  me  semble  que  Pascal 
y  exprime  ce  qui  s'est  passé  dans  son  âme  pendant  ce  temps  critique  de  sa  vie  où  s'ac- 
complit laborieusement  sa  jrandeet  dernière  conversion, c'est-à-dire,  pendant  l'année  1654, 

2.  Je  crois  qu  il  faut  lire  ainsi,  et  non  pas,  la  vanité,  leçon  qui  ne  donne  pas  un  sens 
satisfaisant. 


316  OPUSCULES  DE  PASCAL 

même  déjà  péries;  et,  dans  la  vue  certaine  de  l'anéantissemenV 
de  tout  ce  qu'elle  aime,  elle  s'effraie  dans  cette  considération, 
en  voyant  que  chaque  instant  lui  arrache  la  jouissance  de  son 
bien,  et  que  ce  qui  lui  est  le  plus  cher  s'écoule  à  tout  moment1, 
et  qu'enfin  un  jour  certain  viendra,  auquel  elle  se  trouvera  dé- 
nuée de  toutes  les  choses  auxquelles  elle  avait  mis  son  espé- 
rance. De  sorte  qu'elle  comprend  parfaitement  que  son  cœur 
ne  s'étant  attaché  qu'à  des  choses  fragiles  et  vaines,  son  âme 
doit  se  trouver  seule  et  abandonnée  au  sortir  de  cette  vie,  puis- 
qu'elle n'a  pas  eu  soin  de  se  joindre  à  un  bien  véritable  et  sub- 
sistant par  lui-même,  qui  pût  la  soutenir  et  durant  et  après 
cette  vie. 

De  là  vient  qu'elle  commence  à  considérer  comme  un  néant 
tout  ce  qui  doit  retourner  dans  le  néant,  le  ciel ,  la  terre ,  son 
esprit,  son  corps,  ses  parents,  ses  amis,  ses  ennemis  ;  les  biens, 
la  pauvreté;  la  disgrâce,  la  prospérité;  l'honneur,  l'ignominie; 
l'estime,  le  mépris  ;  l'autorité,  l'indigence8;  la  santé,  la  mala- 
die, et  la  vie  même.  Enfin  tout  ce  qui  doit  moins  durer  que 
son  âme  est  incapable  de  satisfaire  le  désir  de  cette  âme,  qui 
recherche  sérieusement  à  s'établir  dans  une  félicité  aussi  du- 
rable qu'elle-même. 

Elle  commence  à  s'étonner  de  l'aveuglement  où  elle  a  vécu; 
et,  quand  elle  considère  d'une  part  le  long  temps  qu'elle  a  vécu 
sans  faire  ces  réflexions  et  le  grand  nombre  de  personnes  qui 
vivent  de  la  sorte,  et  de  l'autre  combien  il  est  constant  que 
l'âme,  étant  immortelle  comme  elle  est,  ne  peut  trouver  sa  fé- 
licité parmi  des  choses  périssables  et  qui  lui  seront  ôtées  au 
moins  à  la  mort,  elle  entre  dans  une  sainte  confusion ,  et  dans 
un  étonnement  qui  lui  porte  un  trouble  bien  salutaire.  Car  elle 
considère  que,  quelque  grand  que  soit  le  nombre  de  ceux  qui 
vieillissent  dans  les  maximes  du  monde,  et  quelque  autorité 
que  puisse  avoir  cette  multitude  d'exemples  de  ceux  qui  posent 
leur  félicité  au  monde,  il  est  constant  néanmoins  que,  quand 
les  choses  du  monde  auraient  quelque  plaisir  solide,  ce  qui  est 
reconnu  pour  faux  par  un  nombre  infini  d'expériences  si  fu 

1.  Voyez,  dans  les  Pensées,  xxiv,  16,  bis  :  «C'est  une  chose  horrible  de  sentir  s'écouler 
tout  ce  qu  on  possède.  » 

'-.  C'est  encore  une  antithèse,  quoique  moins  nettement  marquée  :  l'indigence  est  l'état 
où  on  u  besoin  des  autres  [indigere],  où  on  dépend  d'eux. 


SUR  TA  CONVERSION   DU   PÊCHEUR.  317 

nestes  et  si  continuelles,  il  est  inévitable  que  la  perte  de  ces 
choses  ou  que  la  mort  enfin  nous  en  prive;  de  sorte  que,  l'âme 
s'étant  amassé  des  trésors  de  biens  temporels  de  quelque  na- 
ture qu'ils  soient,  soit  or,  soit  science,  soit  réputation,  c'est 
une  nécessité  indispensable  qu'elle  se  trouve  dénuée  de  tous 
ces  objets  de  sa  félicité  ;  et  qu'ainsi,  s'ils  ont  eu  de  quoi  la  sa- 
tisfaire, ils  n'auront  pas  de  quoi  la  satisfaire  toujours;  et  que 
si  c'est  se  procurer  un  bonheur  véritable,  ce  n'est  pas  se  pro- 
poser un  bonheur  bien  durable  ,  puisqu'il  doit  être  borné  avec 
le  cours  de  cette  vie.  De  sorte  que,  par  une  sainte  humilité,  que 
Dieu  relève  au-dessus  de  la  superbe,  elle  commence  à  s'élever 
au-dessus  du  commun  des  hommes;  elle  condamne  leur  con- 
duite, elle  déteste  leurs  maximes,  elle  pleure  leur  aveuglement  ; 
elle  se  porte  à  la  recherche  du  véritable  bien  ;  elle  comprend 
qu'il  faut  qu'il  ait  ces  deux  qualités  :  l'une,  qu'il  dure  autant 
qu'elle,  et  qu'il  ne  puisse  lui  être  ôté  que  de  son  consentement, 
et  l'autre,  qu'il  n'y  ait  rien  de  plus  aimable1. 

Elle  voit  que,  dans  l'amour  qu'elle  a  eu  pour  le  monde,  elle 
trouvait  en  lui  cette  seconde  qualité  dans  son  aveuglement; 
car  elle  ne  reconnaissait  rien  de  plus  aimable.  Mais,  comme  elle 
n'y  voit  pas  la  première,  elle  connaît  que  ce  n'est  pas  le  souve- 
rain bien.  Elle  le  cherche  donc  ailleurs,  et  connaissant  par  une 
lumière  toute  pure  qu'il  n'est  point  dans  les  choses  qui  sont  en 
elle,  ni  hors  d'elle ,  ni  devant  elle,  rien  donc  en  elle  ni  à  ses 
côtés,  elle  commence  à  le  chercher  au-dessus  d'elle. 

Cette  élévation  est  si  éminenteet  si  transcendante,  qu'elle  ne 
s'arrête  pas  au  ciel  :  il  n'a  pas  de  quoi  la  satisfaire;  ni  au-dessus 
du  ciel,  ni  aux  anges,  ni  aux  êtres  les  plus  parfaits.  Elle  tra- 
verse toutes  les  créatures,  et  ne  peut  arrêter  son  cœur  qu'elle 
ne  se  soit  rendue  jusqu'au  trône  de  Dieu,  dans  lequel  elle  com- 
mence à  trouver  son  repos ,  et  ce  bien  qui  est  tel  qu'il  n'y  a 
rien  de  plus  aimable,  et  qui  ne  peut  lui  être  ôté  que  par  son 
propre  consentement.  Car,  encore  qu'elle  ne  sente  pas  ces 
charmes  dont  Dieu  récompense  l'habitude  dans  la  piété,  elle 
comprend  néanmoins  que  les  créatures  ne  peuvent  pas  être  plus 
aimables  que  le  Créateur  ;  et  sa  raison,  aidée  des  lumières  de 

I.  Cela  est  pris  d'Augustin,  de  Mor.  ceci.  cath.  I,  i. 

H.  21 


318  OPUSCULES  DE   PASCAL 

la  grâce,  lui  fait  connaître  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  aimable  que 
Dieu,  et  qu'il  ne  peut  être  ôté  qu'à  ceux  qui  le  rejettent,  puis- 
que c'est  le  posséder  que  de  le  désirer,  et  que  le  refuser  c'est 
le  perdre1.  Ainsi  elle  se  réjouit  d'avoir  trouvé  un  bien  qui  ne 
peut  pas  lui  être  ravi  tant  qu'elle  le  désirera,  et  qui  n'a  rien 
au-dessus  de  soi. 

Et,  dans  ces  réflexions  nouvelles,  elle  entre  dans  la  vue  des 
grandeurs  de  son  Créateur,  et  dans  des  humiliations  et  des 
adorations  profondes.  Elle  s'anéantit  en  conséquence,  et  ne 
pouvant  former  d'elle-même  une  idée  assez  basse,  ni  en  conce- 
voir une  assez  relevée  de  ce  bien  souverain ,  elle  fait  de  nou- 
veaux efforts  pour  se  rabaisser  jusqu'aux  derniers  abîmes  du 
néant,  en  considérant  Dieu  dans  des  immensités  qu'elle  multi- 
plie sans  cesse.  Enfin,  dans  cette  conception,  qui  épuise  ses 
forces2,  elle  l'adore  en  silence,  elle  se  considère  comme  sa  vile 
et  inutile  créature,  et  par  ses  respects  réitérés  l'adore  et  le  bé- 
nit, et  voudrait  à  jamais  le  bénir  et  l'adorer.  Ensuite  elle  re- 
connaît la  grâce  qu'il  lui  a  faite,  de  manifester  son  infinie  ma- 
jesté à  un  si  chrtif  vermisseau;  et  après  une  ferme  résolution 
d'en  être  éternellement  reconnaissante,  elle  entre  en  confusion 
d'avoir  préféré  tant  de  vanités  à  ce  divin  maître;  et,  dans  un 
esprit  de  componction  et  de  pénitence,  elle  a  recours  à  sa  pitié 
pour  arrêter  sa  colère,  dont  l'effet   lui  paraît  épouvantable. 

Dans  la  vue  de  ces  immensités ,     . 

Elle  fait  d'ardentes  prières  à  Dieu  pour  obtenir  de  sa  misé- 
ricorde que,  comme  il  lui  a  plu  de  se  découvrir  à  elle,  il  lui 
plaise  de  la  conduire  à  lui,  et  lui  faire  connaître  les  moyens 
d'y  arriver.  Car,  comme  c'est  à  Dieu  qu'elle  aspire,  elle  aspire 
encore  à  n'y  arriver  que  par  des  moyens  qui  viennent  de 
Dieu  même ,  parce  qu'elle  veut  qu'il  soit  lui-même  son  che- 
min, son  objet  et  sa  dernière  fin  8 

Ensuite  de  ces  prières,  elle  commence  d'agir,  et  chcLche  entre 

ceux 

Elle  commence  à  connaître  Dieu,  et  désire  d'y  arriver;  mais, 
comme  elle  ignore  les  moyens  d'y  parvenir,  si  son  désir  est 

1.  Voyez  lr:  Mystère  de  Jésus,  2  :  «  Tu  ne  me  chercherais  pas,  si  tu  ne  m'avais  trouvé.  » 

2.  <  Que,  divisant  encore  ces  dernières  choses,  il  épuise  ses  forces  en  ces  conceptions,» 
P<  nsées,  t.  i,  p.  2. 

3    Voyez  le  fragment  xxv,  43,  dans  les  Pensées, 


SUR   TA  CONVERSION    DTJ    PÉCHEUR  319 

nfncère  el  véritable,  elle  Fail  la  même  cho  6  qa  une  personne 
qui,  désirant  arriver  en  quelque  lieu,  ayant  perdu  le  chemin, 
et  connaissant  son  égarement,  aurait  recours  i  ceux  qui  sau- 
raient parfaitement  ce  chemin3 

Elle  se  résout  de  conformer  à  ses  volontés  le  reste  de  sa  vie; 
mais,  co^nme  sa  faiblesse  naturelle,  avec  l'habitude  qu'elle  a 
aux  péchés  où  elle  a  vécu,  l'ont  réduite  dans  l'impuissance  d'ar- 
river à  cette  félicité,  elle  implore  de  sa  miséricorde  les  moyens 
d'arriver  à  lui,  de  s'attacher  à  lui,  dy  adhérer  éternellement. . . 
Ainsi  elle  reconnaît  qu'elle  doit  adorer  Dieu  comme  créature, 
lui  rendre  grâce  comme  redevable,  lui  satisfaire  comme  coupa- 
ble, le  prier  comme  indigente. 


REMARQUES  SUR  LE  FRAGMENT  DE  LA  CONVERSION 

DU  PÉCHEUR. 

On  a  une  lettre  de  Jacqueline  à  madame  Perier,  d  i  25  janvier  1655, 
où  elle  fait  l'histoire  de  la  conversion  de  son  frère,  et  voici  ce  qu'on 
lit  dans  cette  lettre  :  «  Il  me  vint  voir  [vers  la  fin  de  septembre  1654], 
et,  à  cette  visite,  il  s'ouvrit  à  moi  d'une  manière  qui  me  fit  pitié,  en 
m'avouant  qu'au  milieu  de  ses  occupations,  qui  étaient  grandes,  et 
parmi  toutes  les  choses  qui  pouvaient  contribuer  à  lui  faire  aimer  le 
monde,  et  auxquelles  on  avait  raison  de  le  croire  fort  attaché,  il  était 
de  telle  sorte  sollicité  de  quitter  tout  cela,  et  par  une  aversion  extrême 
qu'il  avait  des  folies  et  des  amusements  du  monde  2,  et  par  le  re- 
proche continuel  que  lui  faisait  sa  conscience,  qu'il  se  trouvait  détaché 
de  tontes  choses  d'une  telle  manière  qu'il  ne  l'avait  jamais  été  de  la 
sorte,  ni  rien  d'approchant;  mais  que  d'ailleurs  il  était  dans  un  si 
grand  abandonnement  du  côté  de  Dieu,  qu'il  ne  sentait  aucun  attrait 
de  ce  côté-la  ;  qu'il  s'y  portait  néanmoins  de  tout  son  pouvoir,  mais 
qu'il  sentait  bien  que  c'était  plus  sa  raison  et  son  propre  esprit  qui 

i.  Il  désigne  ses  maîtres  dans  la  piété,  ses  directeurs,  M.  Singlin,  M.  de  Saci.  Il  em- 
ploie des  expressions  semblables  dans  un  passage  fameux  des  Pensées,  x,  1  (p.  152): 
i  Vous  voulez  aller  à  la  foi,  et  vous  n'en  savez  pas  le  chemin...  Apprenez  de  ceux  qui 
ont  été  liés  comme  vous...  Ce  sont  gens  qui  savent  ce  chemin  que  vous  voudriez 
suivre,  et  guéris  d'un  mal  dont  vous  voulez  guérir.  »  Mais  là,  c'est  lui-même,  pécheur 
converti,  que  Pascal  propose  à  d'autres  pécheurs  comme  un  exemple  des  miracles  de  la 
grâce. 

Depuis  plus  d'un  an,  écrivait  Jacqueline  dans  une  lettre  précédente  (du  8  décembre 
1654.] 


320  OPUSCULES  DE   PASCAL 

l'excitait  à  ce  qu'il  connaissait  le  meilleur,  que  non  pas  le  mouvement 
de  celui  de  Dieu.  » 

Ce  que  raconte  Jacqueline,  est  précisément  ce  que  peint  Pascal. 

Il  exprimait  déjà  ces  pensées  dans  la  Prière  pour  la  maladie.  Il  a 
retrouvé  les  mêmes  sentiments  de  Dieu  qu'autrefois,  comme  dit  encore 
Jacqueline  dans  sa  Lettre. 

Ces  sentiments  remplissent  encore  les  Pensées,  et  particulièrement 
l'article  vm.  L'antithèse  entre  le  néant  de  l'homme  et  la  grandeur  de 
Dieu  est  reprise  dans  le  premier  fragment  des  Pensées  ;  mais  là  son 
point  de  vue  est  plutôt  philosophique,  ici  il  est  surtout  religieux.  Là  il 
contemple  en  silence,  ici  il  adore  en  silence  ;  là  il  songe  plus  à  rabais- 
ser l'homme,  ici  à  exalter  Dieu. 

«  Elle  ne  s'arrête  pas  au  ciel,  il  n'a  pas  de  quoi  la  satisfaire,  ni  au- 
dessus  du  ciel,  ni  aux  anges.  » 

Pascal  prend-il  ces  expressions  figurément,  ou  place-t-il  en  effet  les 
anges  et  Dieu  même  dans  l'espace,  au-delà  d'une  certaine  sphère  qu'il 
appelle  le  ciel?  Ce  serait  le  langage  d'un  poëte  plutôt  que  d'un  philo- 
sophe : 

Par-delà  tous  ces  cieux  le  Dieu  des  cieux  réside. 

Et  Lamartine  : 

Quand  je  pourrais  le  suivre  [le  soleil]  en  sa  vaste  carrière, 
Mes  yeux  verraient  partout  le  vide  et  les  déserts  ; 
Je  ne  désire  rien  de  tout  ce  qu'il  éclaire, 
Je  ne  demande  rien  à  l'immense  univers. 

Mais  peut-être  au-delà  des  bornes  de  sa  sphère. 
Lieux  où  le  vrai  soleil  éclaire  d'autres  cieux, 
Si  je  pouvais  laisser  ma  dépouille  à  la  terre, 
Ce  que  j'ai  tant  rêvé  paraîtrait  à  mes  yeux. 

Là,  je  m'enivrerais  à  la  source  où  j'aspire, 
Là,  je  retrouverais  et  l'espoir  et  l'amour, 
Et  ce  bien  idéal  que  toute  âme  désire, 
Et  qui  n'a  pas  de  nom  au  terrestre  séjour. 


COMPARAISON  DES  CHRETIENS 

DES  PREMIERS  TEMPS  AVEC  CEUX  D'AUJOURD'HUI*. 


Dans  les  premiers  temps,  les  chrétiens  étaient  parfaitement 
instruits  dans  tous  les  points  nécessaires  au  salut;  au  lieu  que 
l'on  voit  aujourd'hui  une  ignorance  si  grossière,  qu'elle  fait  gé- 
mir tous  ceux  qui  ont  des  sentiments  de  tendresse  pour  l'É- 
glise. 

On  n'entrait  alors  dans  l'Église  qu'après  de  grands  travaux 
et  de  longs  désirs.  On  s'y  trouve  maintenant  sans  aucune 
peine,  sans  soin  et  sans  travail. 

On  n'y  était  admis  qu'après  un  examen  très-exact.  On  y 
est  reçu  maintenant  avant  qu'on  soit  en  état  d'être  examiné. 

On  n'y  était  reçu  alors  qu'après  avoir  abjuré  sa  vie  passée, 
qu'après  avoir  renoncé  au  monde,  et  à  la  chair,  et  au  diable. 
On  y  entre  maintenant  avant  qu'on  soit  en  état  de  faire  au- 
cune de  ces  choses. 

Enfin,  il  fallait  autrefois  sortir  du  monde  pour  être  reçu  dans 
TÉglise  ;  au  lieu  qu'on  entre  aujourd'hui  dans  l'Église  au 
même  temps  que  dans  le  monde.  On  connaissait  alors  par  ce 
procédé  une  distinction  essentielle  du  monde  d'avec  l'Église. 
On  les  considérait  comme  deux  contraires,  comme  deux  enne- 
mis irréconciliables,  dont  l'un  persécute  l'autre  sans  discon- 
tinuation, et  dont  le  plus  faible  en  apparence  doit  un  jour 

1.  Rien  n'indique  la  date  de  ce  morceau,  qui  a  été  publié  par  Bossnt.  Ce  passage  :  «  On 
fréquente  les  sacrements ,  et  on  jouit  des  plaisirs  du  monde  »,  peut  paraître  inspiré  par 
le  livre  d'Arnauld,  De  la  Fréquente  communion.  L'esprit  général  du  morceau  est  bien 
l'esprit  de  réforme  que  le  jansénisme  portait  dans  la  religion,  mais  sans  cet  accent  de 
protestation  et  d'opposition  qui  perce  ailleurs  (xxiv,  93,  dans  les  Pensées).  Ici  Pascal 
n'accuse  point  la  discipline  présente  de  l'Église,  il  ne  s'exprime  qu'avec  respect.  Ce  mor- 
ceau peut  donc  paraître  antérieur  aux  Provinciales. 


322  OPUSCULES  DE  PASCAL 

triompher  du  plus  fort;  en  sorte  que  de  ces  deux  partis  con- 
traires on  quittait  l'un  pour  entrer  dans  l'antre  ;  on  abandon- 
nait les  maximes  de  l'un  pour  embrasser  les  maximes  de  l'autre  ; 
on  se  dévêtait  des  sentiments  de  l'un  pour  se  revêtir  des  senti- 
ments de  l'autre  ;  enfin,  on  quittait,  on  renonçait,  on  abjurait 
le  monde,  où  l'on  avait  reçu  sa  première  naissance,  pour  se 
vouer  totalement  à  l'Église,  où  Ton  prenait  comme  sa  seconde 
naissance;  et  ainsi  on  concevait  une  différence  épouvantable 
entre  l'un  et  l'autre  ;  au  lieu  qu'on  se  trouve  maintenant 
presque  au  même  temps  dans  l'un  et  dans  l'autre,  et  le  même 
moment  qui  nous  fait  naître  au  monde  nous  fait  renaître  dans 
l'Église  ;  de  sorte  que  la  raison  survenant  ne  fait  plus  de  dis- 
tinction de  ces  deux  mondes  si  contraires.  Elle  est  élevée  dans 
l'un  et  dans  l'autre  tout  ensemble.  On  fréquente  les  sacre- 
ments, et  on  jouit  des  plaisirs  du  monde.  Et  ainsi,  au  lieu 
qu'autrefois  on  voyait  une  distinction  essentielle  entre  l'un  et 
l'autre,  on  les  voit  maintenant  confondus  et  mêlés,  en  sorte 
qu'on  ne  les  discerne  plus. 

De  là  vient  qu'on  ne  voyait  autrefois  entre  les  chrétiens  que 
des  personnes  très- instruites;  au  lieu  qu'elles  sont  maintenant 
dans  une  ignorance  qui  fait  horreur.  De  là  vient  qu'autrefois 
ceux  qui  avaient  été  régénérés  par  le  baptême,  et  qui  avaient 
quitté  les  vices  du  monde  pour  entrer  dans  la  piété  de  l'Église, 
retombaient  si  rarement  de  l'Église  dans  le  monde  ;  au  lieu 
qu'on  ne  voit  maintenant  rien  de  plus  ordinaire  que  les  vices 
du  monde  dans  le  cœur  des  chrétiens.  L'Église  des  saints  se 
trouve  toute  souillée  par  le  mélange  des  méchants;  et  ses  en- 
fants, qu'elle  a  conçus  et  nourris  dès  l'enfance  dans  son  sein, 
sont  ceux-là  mêmes  qui  portent  dans  son  cœur,  c'est-à-dire 
jusqu'à  la  participation  de  ses  plus  augustes  mystères,  le  plus 
cruel  de  ses  ennemis,  l'esprit  du  monde,  l'esprit  d'ambition, 
l'esprit  de  vengeance,  l'esprit  d'impureté,  l'esprit  de  concu- 
piscence ;  et  l'amour  qu'elle  a  pour  ses  enfants  l'oblige  d 'ad- 
mettre jusque  dans  ses  entrailles  le  plus  cruel  de  ses  persécu- 
teurs. 

Mais  ce  n'est  pas  l'Église  à  qui  on  doit  imputer  les  malheurs 
qui  ont  suivi  un  changement  de  discipline  si  salutaire,  car  elle 
n'a  pas  changé  d'esprit,  quoiqu'elle  ait  changé  de  conduite. 


COMPARAISON   DES  Cn RETIENS.  323 

Ayant  donc  vu  que  la  dilation  du  baptême1  laissait  un  grand 
nombre  d'enfants  dans  la  malédiction  d'Adam,  elle  a  voulu  les 
délivrer  de  cette  mas^o  de  perdition  *  en  précipitant  le  secours 
qu'elle  leur  donne  ;  et  cette  bonne  mère  ne  voit  qu'avec  un  re- 
gret extrême  que  ce  qu'elle  a  procuré  pour  le  salut  de  ses  en- 
fants est  devenu  l'occasion  de  la  porte  des  adultes.  Son  véritable 
esprit  est  que  ceux  qu'elle  retire  dans  un  âge  si  tendre  delà 
contagion  du  monde  prennent  des  sentiments  tout  opposés  à 
ceux  du  monde.  Elle  prévient  l'usage  de  la  raison  pour  préve- 
nir les  vices  où  la  raison  corrompue  les  entraînerait;  et  avant 
que  leur  esprit  puisse  agir,  elle  les  remplit  de  son  esprit,  afin 
qu'ils  vivent  dans  une  ignorance  du  monde  et  dans  un  état 
d'autant  plus  éloigné  du  vice  qu'ils  ne  l'auront  jamais  connu. 
Cela  paraît  par  les  cérémonies  du  baptême  ;  car  elle  n'accorde 
le  baptême  aux  enfants  qu'après  qu'ils  ont  déclaré,  par  la  bou- 
che des  parrains,  qu'ils  le  désirent,  qu'ils  croient,  qu'ils  renon- 
cent au  monde  et  à  Satan.  Et,  comme  elle  veut  qu'ils  conservent 
ces  dispositions  dans  toute  la  suite  de  leur  vie,  elle  leur  com- 
mande expressément  de  les  garder  inviolablement,  et  ordonne, 
par  un  commandement  indispensable,  aux  parrains  d'instruire 
les  enfants  de  toutes  ces  choses;  car  elle  ne  souhaite  pas  que 
ceux  qu'elle  a  nourris  dans  son  sein  soient  aujourd'hui  moins 
instruits  et  moins  zélés  que  les  adultes  qu'elle  admettait  autre- 
fois au  nombre  des  siens  ;  elle  ne  désire  pas  une  moindre  per- 
fection dans  ceux  qu'elle  nourrit  que  dans  ceux  qu'elle  reçoit. 
Cependant  on  en  use  d'une  façon  si  contraire  à  l'intention  de 
l'Église,  qu'on  n'y  peut  penser  sans  horreur.  On  ne  fait  quasi 
plus  de  réflexion  sur  un  aussi  grand  bienfait,  parce  qu'on  ne  l'a 
jamais  souhaité,  parce  qu'on  ne  l'a  jamais  demandé,  parce 
qu'on  ne  se  souvient  pas  même  de  l'avoir  reçu.     ..... 

Mais,  comme  il  est  évident  que  l'Église  ne  demande  pas  moins 
de  zèle  dans  ceux  qui  ont  été  élevés  domestiques  de  la  foi  3  que 
dans  ceux  qui  aspirent  à  le  devenir,  il  faut  se  mettre  devant  les 
yeux  l'exemple  des  catéchumènes,  considérer  leur  ardeur,  leur 
dévotion,  leur  horreur  pour  le  monde,  leur  généreux  renonce- 

1.  Le  fait  de  le  difïôrer. 

î.  Cette  expression  est  prise  de  Paul,  l  Cor.  v,  6,  etc.  (massa  dans  la  Vulgate), 

3.  Latinisme,  qui  sont  d<'  la  maison. 


324  OPUSCULES  DE  PASCAL 

ment  au  monde;  et,  si  on  ne  les  jugeait  pas  dignes  de  recevoir 
le  baptême  sans  ces  dispositions,  ceux  qui  ne  les  trouvent  pas 

en  eux 

Il  faut  donc  qu'ils  se  soumettent  à  recevoir  l'instruction  qu'ils 
auraient  eue  s'ils  commençaient  à  entrer  dans  la  communion 
de  l'Église  ;  il  faut  de  plus  qu'ils  se  soumettent  à  une  péni- 
tence continuelle,  et  qu'ils  aient  moins  d'aversion  pour  l'aus- 
térité de  leur  mortification,  qu'ils  ne  trouvent  de  charmes  dans 
l'usage  des  délices  empoisonnées  du  péché  ' 

Pour  les  disposer  à  s'instruire,  il  faut  leur  faire  entendre  la 
différence  des  coutumes  qui  ont  été  pratiquées  dans  l'Église 

suivant  la  diversité  des  temps , 

Qu'en  l'Église  naissante  on  enseignait  les  catéchumènes,  c'est-à 
dire  ceux  qui  prétendaient  au  baptême,  avant  que  de  le  leur 
conférer;  et  on  ne  les  y  admettait  qu'après  une  pleine  ins- 
truction des  mystères  de  la  religion,  qu'après  une  pénitence  de 
leur  vie  passée,  qu'après  une  grande  connaissance  de  la  gran- 
deur et  de  l'excellence  de  la  profession  de  la  foi  et  des  maximes 
chrétiennes  où  ils  désiraient  entrer  pour  jamais,  qu'après  des 
marques  éminentes  d'une  conversion  véritable  du  cœur,  et 
qu'après  un  extrême  désir  du  baptême.  Ces  choses  étant  con- 
nues de  toute  l'Église,  on  leur  conférait  le  sacrement  d'incor- 
poration par  lequel  ils  devenaient  membres  de  l'Église  ;  au  lieu 
qu'en  ces  temps  le  baptême  ayant  été  accordé  aux  enfants  avant 
l'usage  de  la  raison,  par  des  considérations  très-importantes, 
il  arrive  que  la  négligence  des  parents  laisse  vieillir  les  chré- 
tiens sans  aucune  connaissance  de  la  grandeur  de  notre  reli- 
gion. 

Quand  l'instruction  précédait  le  baptême,  tous  étaient  ins- 
truits ;  mais  maintenant  que  le  baptême  précède  l'instruction, 
l'enseignement  qui  était  nécessaire  est  devenu  volontaire,  et 
ensuite  négligé  et  presque  aboli.  La  véritable  raison  de  cette 


1.  Cette  phrase  n'est  pas  très-nette.  Le  sens  est  qu'il  faut  qu'ils  aient  plus  de  goût  do- 
rénavant pour  l'austérité  de  la  mortification  qu'ils  ne  trouvent  actuellement  de  charmes 
dans  les  délices  du  péché.  Au  lieu  de  plus  de  goût,  il  a  écrit  moins  d'aversion,  ce  qui  re- 
vient au  même  sans  doute,  mais  il  se  trouve  ainsi  qu'une  expression  négative,  celle  d'a- 
version, entre  en  comparaison  avec  une  expression  positive,  celle  de  charm«s;  et  c'est  et 
qui  fait  l'embarras.  Il  y  a  dans  le  choix  de  l'expression  négativo  une  espèce  d'ironie;  ï. 
n'ose  exiger  qu'on  ait  de  l'attrait  pour  la  pénitence,  il  demande  seulement  qu'on  n'en  ail 
point  tant  d'aversion. 


COMPARAISON   DES  CHRÉTIENS  325 

conduite  est  qu'on  est  persua.lt'!  de  la  nécessité  du  baptême,  et 
on  ne  l'est  pas  de  la  nécessité  de  l'instruction.  De  sorte  que, 
quand  l'instruction  précédait  le  baptême,  la  nécessité  de  l'un 
faisait  que  l'on  avait  recours  a  l'autre  nécessairement;  au  lieu 
que,  le  baptême  précédant  aujourd'hui  l'instruction,  comme  on 
a  été  fait  chrétien  s  as  avoir  été  instruit,  on  croit  pouvoir  de- 
meurer chrétien  sans  se  faire  instruire 

Et  qu'au  lieu  que  les  premiers  chrétiens  témoignaient  tant  de 
reconnaissance  envers  l'Église  pour  une  grâce  qu'elle  n'accor- 
dait qu'à  leurs  longues  prières,  ils  témoignent  aujourd'hui 
tant  d'ingratitude  pour  cette  même  grâce  qu'elle  leur  accorde 
avant  même  qu'ils  aient  été  en  état  de  la  demander.  Et  si  elle 
détestait  si  fort  les  chutes  des  premiers,  quoique  si  rares, 
combien  doit-elle  avoir  en  abomination  les  chutes  et  rechutes 
continuelles  des  derniers,  quoiqu'ils  lui  soient  beaucoup  plus 
redevables,  puisqu'elle  les  a  tirés  bien  plus  tôt  et  bien  plus  li- 
béralement de  la  damnation  où  ils  étaient  engagés  par  leur 
première  naissance!  Elle  ne  peut  voir,  sans  gémir,  abuser  d*» 
la  plus  grande  de  ses  grâces,  et  que  ce  qu'elle  a  fait  pour  assu- 
rer leur  salut  devienne  l'occasion  presque  assurée  de  leur  perte, 
car  elle  n'a  pas... 


REMARQUES  SUR  LA  COMPARAISON  DES  CHRÉTIENS. 

Deux  choses  nous  frappent  également  en  lisant  cet  écrit  de  Pascal  : 
la  justesse  de  ses  vues  comme  historien,  et  l'illusion  de  son  zèle  comme 
sectaire.  L'évidence  avec  laquelle  il  prouve  à  un  siècle  de  christia- 
nisme tempéré  et  facile  combien  il  est  loin  du  christianisme  pur  et 
rigoureux  des  premiers  âges,  ne  condamnait-elle  pas  l'obstination  des 
jansénistes  à  prétendre  réformer  l'Église  sur  le  modèle  des  mœurs  et 
de  la  discipline  des  temps  primitifs?  Il  n'est  donné  à  personne  de 
faire  revivre  ce  qui  a  vécu. 

Sur  les  conditions  exigées,  au  quatrième  siècle,  de  ceux  qui  deman- 
daient à  être  reçus  dans  l'Église,  on  peut  consulter  particulièrement 
dans  Augustin  le  chapitre  6  du  livre  De  Fide  et  operibus.  et  tout  le 
livre  De  Catechizandis  rudibus.  Sur  les  cérémonies  du  baptême,  telles 


32G  OPUSCULES  DE  PASCAL 

que  la  renonciation  au  monde  et  au  démon,  voir  les  premiers  chapitres 
du  livre  d'Ambroise  De  Mysteriis. 

On  trouve  des  réflexions  semblables  à  celle  de  Pascal,  quoique 
moins  amères,  à  la  fin  des  Dialogues  de  Fénelon  sur  l'Éloquence,  e 
dans  les  Discours  de  Fleury. 


EXTRAITS  DES  LETTRES  A  MLLE  DE  ROANNEZ 


1. 

...  Pour  répondre  à  tous  vos  articles,  et  bien  écrire  malgré 
mon  peu  de  temps  a. 

Je  suis  ravi  de  ce  que  vous  goûtez  le  livre  de  M.  de  Lavais  et 
les  Méditations  sur  la  Grâce  4;  j'en  tire  de  grandes  conséquen- 
ces pour  ce  que  je  souhaite  5. 

Je  mande  le  détail  de  cette  condamnation  qui  vous  avait 
effrayée  6;  cela  n'est  rien  du  tout,  Dieu  merci,  et  c'est  un  mi- 
racle de  ce  qu'on  n'y  fait  pas  pis,  puisque  les  ennemis  de  la 
vérité  ont  le  pouvoir  et  la  volonté  de  l'opprimer.  Peut-être 
êtes- vous  de  celles  qui  méritent  que  Dieu  ne  l'abandonne  pas, 
et  ne  la  retire  pas  de  la  terre,  qui  s'en  est  rendue  si  indigne; 
et  il  est  assuré  que  vous  servez  à  l'Église  par  vos  prières,  si 
l'Église  vous  a  servi  par  les  siennes*  Car  c'est  l'Église  qui  mé- 
rite, avec  Jésus-Christ  qui  en  est  inséparable,  la  conversion 
de  tous  ceux  qui  ne  sont  pas  dans  la  vérité;  et  ce  sont  ensuite 

1.  Charlotte  Gouffier,  depuis  duchesse  de  La  Feuillade,  sœur  du  duc  de  Roannez,  née 
en  1633,  morte  en  1683.  Elle  vivait  flans  le  monde,  et  pensait  à  se  marier,  lorsqu'elle 
fut  touchée  de  la  grâce,  et  résolut  de  se  donner  à  Dieu.  Elle  s'échappa  de  chez  sa  mère, 
et  entra  à  Port-Royal,  où  elle  fut  reçue  comme  novice.  C'est  à  la  veille  de  cet  événe- 
ment qu'ont  été  écrites  (en  1656)  les  lettres  dont  on  nous  a  conservé  ces  extraits.  MM.  de 
Port- Royal  en  avaieut  détaché  diverses  pensées,  mais  les  neuf  Extraits  ont  été  retrouvés 
3t  publié»  par  M.  Cousin.  —  Voir  tome  I,  pag\.  ut. 

21  C'est-à-dire,  éc  ire  d'une  bonne  écriture.  Mal  écrit  se  trouve  plus  loin  dans  le  même 
sens. 

3.  Pseudonyme  sous  lequel  le  duc  de  Luynes  a  écrit  divers  ouvrages  de  piété.  Si  les 
dates  données  dans  la  Biographie  universelle  sont  exactes,  les  Sentences  tirées  de  l'Ecri- 
ture sainte  et  des  Pères  (1648)  étaient  le  seul  de  ces  ouvrages  qui  eût  j(»aru  en  1656. 

4.  Je  pense  qu'il  s'agit  du  livre  De  la  Grâce  victorieuse  de  Jésus-Chbmt,  par  le  sieur  de 
Bonlieu  (Noël  de  Lalane),  1651. 

5.  C'est-à-dire  la  convi'rsion  de  MUe  de  Roannez,  son  entrée  en  religion. 

6.  Il  semble  naturel  de  rapporter  cela  à  la  censure  prononcée  contre  Arnauld  par  la 
Sorbonne  à  la  fin  de  janvier  1656  (ce  qui  donne  approximativement  1*  date  de  cette 
lettre).  Le  duc  de  Roanne?;  était  probablement  alors  avec  sa  sœur  dans  so»  gouvernement 
de  Poitou,  et  ignorait  les  détails. 


328  OPUSCULES  DE  PASCAL 

ces  personnes  converties  qui  secourent  la  mère  qui  les  a  déli- 
vrées. Je  loue  de  tout  mon  cœur  le  petit  zèle  que  j'ai  reconnu 
dans  votre  lettre  pour  l'union  avec  le  pape.  Le  corps  n'est  non 
plus  vivant  sans  le  chef,  que  le  chef  sans  le  corps.  Quiconque 
se  sépare  de  l'un  ou  de  l'autre  n'est  plus  du  corps,  et  n'appar- 
tient plus  à  Jésus-Christ.  Je  ne  sais  s'il  y  a  des  personnes  dans 
l'Église  plus  attachées  à  cette  unité  du  corps  que  ceux  que 
vous  appelez  nôtres.  Nous  savons  que  toutes  les  vertus,  le 
martyre,  les  austérités  et  toutes  les  bonnes  œuvres  sont  inuti- 
les hors  de  l'Église,  et  de  la  communion  du  chef  de  l'Église, 
qui  est  le  pape  Je  ne  me  séparerai  jamais  de  sa  communion, 
au  moins  je  prie  Dieu  de  m'en  faire  la  grâce;  sans  quoi  je  se- 
rais perdu  pour  jamais. 

Je  vous  fais  une  espèce  de  profession  de  foi,  et  je  ne  sais 
pourquoi;  mais  je  ne  l'effacerai  pas  ni  ne  recommencerai  pas. 

M.  du  Gas  m'a  parlé  ce  matin  de  votre  lettre  avec  autant 
d'étonnement  et  de  joie  qu'on  en  peut  avoir;  il  ne  sait  où  vous 
avez  pris  ce  qu'il  m'a  rapporté  de  vos  paroles  ;  il  m'en  a  dit 
des  choses  surprenantes  et  qui  ne  me  surprennent  plus  tant  *. 
Je  commence  à  m'accoutumer  à  vous  et  à  la  grâce  que  Dieu 
vous  fait,  et  néanmoins  je  vous  avoue  qu'elle  m'est  toujours 
nouvelle,  comme  elle  est  toujours  nouvelle  en  effet.  Car  c'est 
un  flux  continuel  de  grâces,  que  l'Écriture  compare  à  un 
fleuve  2,  et  à  la  lumière  que  le  soleil  envoie  incessamment  hors 
de  soi,  et  qui  est  toujours  nouvelle,  en  sorte  que,  s'il  cessait 
un  instant  d'en  envoyer,  toute  celle  qu'on  aurait  reçue  dispa- 
raîtrait, et  on  resterait  dans  l'obscurité  3. 

Il  m'a  dit  qu'il  avait  commencé  à  vous  répondre,  et  qu'il  le 
transcrirait  pour  le  rendre  plus  lisible,  et  qu'en  même  temps 
il  retendrait.  Mais  il  vient  de  me  l'envoyer  avec  un  petit  billet, 
où  il  me  mande  qu'il  n'a  pu  ni  le  transcrire  ni  l'étendre;  cela 
me  fait  croire  que  cela  sera  mal  écrit.  Je  suis  témoin  de  son 
peu  de  loisir,  et  du  désir  qu'il  avait  d'en  avoir  pour  vous. 


! .  Je  n'ai  trouvé  nulle  part  ce  nom  de  Du  Gas,  qui  est  peut-être  un  faux  nom.  Serait- 
ce  M.  Du  Gué  de  Bagnols? 

2.  Pascal  fait  peut-être  allusion  à  ce  passade  du  psaume  iaiv  :  «  Te  as  visité  la  terre, 
et  tu  l'as  soûlée  de  tes  eaux...  Le  fleuve  de  Dieu  a  coulé  à  pleins  bords.  » 

3.  L'image  de  la  lumière  est  dans  Jean,  i,  4,  9.    Mais   la  paraphrase   qui  suit  est  de 
Pascal. 


EXTRAITS   DES  LETTAtiS  A  MIlu  DE  ROANNEZ  329 

Je  prends  part  à  la  joie  que  vous  donnera  l'affaire  des1  ... 

r  je  vois  bien  que  vous  vous  intéressez  pour  l'Église;  vous 
m  êtes  bien  obligée.  Il  y  a  seize  cents  ans  qu'elle  gémit  pour 
vous.  Il  est  temps  de  gémir  pour  elle,  et  pour  nous  tout  en- 
semble, et  de  lui  donner  tout  ce  qui  nous  reste  de  vie,  puisque 
Jésus-Christ  n'a  pris  la  sienne  que  pour  la  perdre  pour  elle  et 
pour  nous. 

2. 

Il  me  semble  que  vous  prenez  assez  de  part  au  miracle  pour 
vous  mander  en  particulier  que  la  vérification  en  est  achevée 
par  l'Église,  comme  vous  le  verrez  par  cette  sentence  de 
M.  le  grand  vicaire  '. 

Il  y  a  si  peu  de  personnes  à  qui  Dieu  se  fasse  paraître  par  ces 
coups  extraordinaires,  qu'on  doit  bien  profiter  de  ces  occa- 
sions, puisqu'il  ne  sort  du  secret  de  la  nature  qui  le  couvre 
que  pour  exciter  notre  foi  à  le  servir  avec  d'autant  plus  d'ardeur 
que  nous  le  connaissons  avec  plus  de  certitude. 

Si  Dieu  se  découvrait  continuellement  aux  hommes,  il  n'y 
aurait  point  de  mérite  à  le  croire;  et,  s'il  ne  se  découvrait  ja- 
mais, il  y  aurait  peu  de  foi.  Mais  il  se  cache  ordinairement, 
et  se  découvre  rarement,  à  ceux  qu'il  veut  engager  dans  son 
service.  Cet  étrange  secret,  dans  lequel  Dieu  s'est  retiré,  im- 
pénétrable à  la  vue  des  hommes,  est  une  grande  leçon  pour 
nous  porter  à  la  solitude  loin  de  la  vue  des  hommes.  Il  est  de- 
meuré caché,  sous  le  voile  de  la  nature  qui  nous  le  couvre, 
jusques  à  l'Incarnation;  et,  quand  il  a  fallu  qu'il  ait  paru,  il  s'est 
encore  plus  caché  en  se  couvrant  de  l'humanité.  Il  était  bien 

i.  Des  religieuses,  dans  un  manuscrit.  Peut-être  s'agit-il  de  religieuses  du  Poitou  aux- 
quelles s'intéressait  M"e  de  Roannez.  Quant  aux  religieuses  de  Port-Royal,  elle  n'avaient 
à  cette  époque  aucun  sujet  de  joie. 

2.  Il  y  a,  comme  on  va  le  voir,  entre  la  lettre  précédente  et  celle-ci  un  intervalle  de 
plus  de  huit  mois.  Dans  cet  intervalle,  Mlle  de  Roannez  était  revenue  à  Paris,  soit 
avant,  soit  après  le  grand  événement  de  cette  année  1656,  je  veux  dire  le  miracle  de  la 
Sainte-Épine.  Ce  miracle,  qui  avait  éclaté  si  près  de  la  personne  de  Pascal,  dut  toucher 
d'autant  plus  le  duc  de  Roannez  et  sa  sœur.  Marguerite  Perier  raconte  que  M»«  de 
Roannez  pensait  encore  à  se  marier  quand  elle  vint  faire  une  neuvaine  à  la  Sainte-Epine 
pour  un  înai  d'yeux,  et  que  le  dernier  jour  de  la  neuvaine  elle  fut  touchée  de  Dieu  si 
>vement,que  durant  toute  la  messe  elle  fondit  en  larmes;  du  retour,  elle  témoigna  à  sa 
mère  qu'elle  voulait  se  donner  à  Dieu.  On  a  vu  par  l'Extrait  précédent  que  depuis  long- 
temps déjà  cette  conversion  était  désirée  et  préparée  Le  grand  vicaire  était  M.  de  Ho- 
dencq,  agissant  au  nom  de  l'archevêque  de  Paris,  qui  était  le  cardinal  de  Retz,  éloigné 
de  son  diocèse.  Cette  sentence,  qui  approuva  solennellement  le  miracle,  est  du  22  octo- 
bre 1656,  ce  qui  donne  à  peu  près  la  date  de  cette  lettre- 


330  OPUSCULES   DE   PASCAL 

plus  reconnaissais  quand  il  était  invisible,  que  non  pas  quand 
il  s'est  rendu  visible.  Et  enfin,  quand  il  a  voulu  accomplir  la 
promesse  qu'il  fit  à  ses  apôtres  de  demeurer  avec  les  hommes 
jusqu'à  son  dernier  avènement,  il  a  choisi  d'y  demeurer  dans 
le  plus  étrange  et  le  plus  obscur  secret  de  tous,  qui  sont  les 
espèces  de  l'Eucharistie  f.  C'est  ce  sacrement  que  saint  Jean 
appelle  dans  l'Apocalypse  (u,  17)  une  manne  cachée  ;  et  je  crois 
qu'Isaïe  le  voyait  en  cet  état,  lorsqu'il  dit  en  esprit  de  prophé- 
tie (xlv,  15)  :  «  Véritablement  tu  es  un  Dieu  caché.  »  C'est  là 
le  dernier  secret  où  il  peut  être.  Le  voile  de  la  nature  qui 
couvre  Dieu  a  été  pénétré  par  plusieurs  infidèles,  qui,  comme 
dit  saint  Paul  {Rom.  i,  20),  ont  reconnu  un  Dieu  invisible  par 
la  nature  visible.  Les  chrétiens  hérétiques  l'ont  connu  à  tra- 
vers son  humanité,  et  adorent  Jésus-Christ  Dieu  et  homme. 
Mais  de  le  reconnaître  sous  des  espèces  de  pain,  c'est  le  pro- 
pre des  seuls  catholiques  ;  il  n'y  a  que  nous  que  Dieu  éclaire 
jusque-là.  On  peut  ajouter  à  ces  considérations  le  secret  de 
l'Esprit  de  Dieu  caché  encore  dans  l'Écriture.  Car  il  y  a  deux 
sens  parfaits,  le  littéral  et  le  mystique;  et  les  Juifs,  s'arrc  tant  à 
l'un,  ne  pensent  pas  seulement  qu'il  y  en  ait  un  autre,  ef  ne 
songent  pas  à  le  chercher  ;  de  même  que  les  impies,  voyant 
les  effets  naturels,  les  attribuent  à  la  nature,  sans  penser  qu'il 
y  en  ait  un  autre  auteur;  et  comme  les  Juifs,  voyant  un 
homme  parfait  en  Jésus-Christ,  n'ont  pas  pensé  à  y  chercher 
une  autre  nature  :  g  Nous  n'avons  pas  pensé  que  ce  fût  lui  », 
dit  encore  Isaïe  (lui,  3)  ;  et  de  même  enfin  que  les  hérétiques, 
voyant  les  apparences  parfaites  du  pain  dans  l'Eucharistie,  ne 
pensent  pas  à  y  chercher  une  autre  substance.  Toutes  choses 
couvrent  quelque  mystère  ;  toutes  choses  sont  des  voiles  qui 
couvrent  Dieu.  Les  chrétiens  doivent  le  reconnaître  en  tout. 
Les  afflictions  temporelles  couvrent  les  biens  éternels  où  elles 
conduisent.  Les  joies  temporelles  couvrent  les  maux  éternels 
qu'elles  causent.  Prions  Dieu  de  nous  le  faire  reconnaître  et 
servir  en  tout;  et  rendons-lui  des  grâces  infinies  de  ce  que, 
s'étant  caché  en  toutes  choses  pour  les  autres,  il  s'est  découvert 
en  toutes  choses  et  entant  de  manières  pour  nous. 

1.  Mot  consacré  dans  la  langue  de  la  théologie.  Il  signifie  les  apparences  sensibles, 
specie». 


EXTRAITS   DES   LETTRES  A  Mllc   DE   ROANNKZ  33) 

Je  ne  sais  comment  vous  aurez  reçu  la  perte  de  vos  lettres. 
Je  voudrais  bien  que  vous  l'eussiez  prise  comme  il  faut  '.  Il  est 
temps  de  commencer  à  juger  de  ce  qui  est  bon  ou  mauvais  par 
la  volonté  de  Dieu,  qui  ne  peut  être  ni  injuste  ni  aveugle,  et 
non  pas  parla  nôtre  propre,  qui  est  toujours  pleine  de  malice 
et  d'erreur.  Si  vous  avez  eu  ces  sentiments,  j'en  serai  bien  con- 
tent, afin  que  vous  vous  en  soyez  consolée  sur  une  raison  plus 
solide  que  celle  que  j'ai  à  vous  dire,  qui  est  que  j'espère  qu'el- 
les se  retrouveront.  On  m'a  déjà  apporté  celle  du  5  ;  et  quoi- 
que ce  ne  soit  pas  la  plus  importante,  car  celle  de  M.  Du  Gas 
l'est  davantage,  néanmoins  cela  me  fait  espérer  de  ravoir  l'au- 
tre ». 

Je  ne  sais  pourquoi  vous  vous  plaignez  de  ce  que  je  n'avais 
rien  écrit  pour  vous 3;  je  ne  vous  sépare  point  vous  deux,  et  je 
songe  sans  cesse  à  l'un  et  à  l'autre.  Vous  voyez  bien  que  mes 
autres  lettres,  et  encore  celle-ci,  vous  regardent  assez.  En  vé- 
rité, je  ne  puis  m' empêcher  de  vous  dire  que  je  voudrais  être 
infaillible  dans  mes  jugements  ;  vous  ne  seriez  pas  mal  si  cela 
était,  car  je  suis  bien  content  de  vous,  mais  mon  jugement 
n'est  rien.  Je  dis  cela  sur  la  manière  dont  je  vois  que  vous 
parlez  de  ce  bon  cordelier  persécuté,  et  de  ce  que  fait  le...  Je 
ne  suis  pas  surpris  de  voir  M.  N.  s'y  intéresser,  je  suis  accou- 
tumé à  son  zèle,  mais  le  vôtre  m'est  tout  à  fait  nouveau;  c'est 
ce  langage  nouveau  que  produit  ordinairement  le  cœur  nou- 
veau. Jésus-Christ  a  donné  dans  l'Évangile  cette  marque  pour 
reconnaître  ceux  qui  ont  la  foi,  qui  est  qu'ils  parleront  un  lan- 
gage nouveau  ;  et,  en  effet,  le  renouvellement  des  pensées  et  des 
désirs  cause  celui  des  discours4.  Ce  que  vous  dites  des  jours 
où  vous  vous  êtes  trouvée  seule,  et  la  consolation  que  vous 
donne  la  lecture,  sont  des  choses  que  M.  N.  sera  bien  aise  de 
savoir  quand  je  les  lui  ferai  voir,  et  ma  sœur  aussi.  Ce  sontas- 

1.  M,,e  de  Roannez  avait  à  craindre  que  ses  lettres  ne  fussent  surprises  et  ne  compro- 
missent Port-Royal. 

î.  Celle  de  M.  Bu  Gas  parait  signifier,  celle  que  vous  écriviez  à  M.  Du  Gas. 

3.  En  écrivant  au  duc  de  Ruannez. 

4.  Marc,  xvi,  17  :  «  Voici  les  signes  qui  accompagneront  ceux  qui  auront  cru  :  Tls 
chasseront  les  démons  en  mon  nom,  ils  parleront  dans  des  langues  nouvelles.  »  Pascal 
sub-ti  ue  le  sens  mystique  au  .sens  littéral.  On  sait  que  les  derniers  versets  de  cet  évan- 
gile, à  partir  de  xvi,  9,  sont  une  addition  postérieure. 


332  OPUSCULES   DE   PASCAL 

sûrement  des  choses  nouvelles,  mais  qu'il  faut  sans  cesse  re- 
nouveler; car  cette  nouveauté,  qui  ne  peut  déplaire  à  Dieu, 
comme  le  vieil  homme  ne  lui  peut  plaire,  est  différente  des 
nouveautés  de  la  terre,  en  ce  que  les  choses  du  monde,  quel- 
que nouvelles  qu'elles  soient,  vieillissent  en  durant  ;  au  lieu 
que  cet  esprit  nouveau  se  renouvelle  d'autant  plus  qu'il  dure 
davantage.  «  Notre  vieil  homme  périt,  dit  saint  Paul,  et  se  re- 
nouvelle de  jour  en  jour1  »,  et  ne  sera  parfaitement  nouveau 
que  dans  l'éternité,  où  l'on  chantera  sans  cesse  ce  cantique 
nouveau  dont  parle  David  dans  les  psaumes  de  Laudes,  c'est-à- 
dire  ce  chant  qui  part  de  l'esprit  nouveau  de  la  charité  *. 

Je  vous  dirai  pour  nouvelle  de  ce  qui  touche  ces  deux  per- 
sonnes, que  je  vois  bien  que  leur  zèle  ne  se  refroidit  pas  ;  cela 
m'étonne,  car  il  est  bien  plus  rare  de  voir  continuer  dans  la 
piété  que  d'y  voir  entrer.  Je  les  ai  toujours  dans  l'esprit,  et 
principalement  celle  du  miracle,  parce  qu'il  y  a  quelque  chose 
de  plus  extraordinaire,  quoique  l'autre  le  soit  aussi  beaucoup 
et  quasi  sans  exemple 3.  Il  est  certain  que  les  grâces  que  Dieu 
fait  en  cette  vie  sont  la  mesure  de  la  gloire  qu'il  prépare  en 
l'autre.  Aussi,  quand  je  prévois  la  fin  et  le  couronnement  de 
son  ouvrage  par  les  commencements  qui  en  paraissent  dans  les 
personnes  de  piété,  j'entre  en  une  vénération  qui  me  transit  de 
respect  envers  ceux  qu'il  semble  avoir  choisis  pour  ses  élus.  Je 
vous  avoue  qu'il  me  semble  que  je  les  vois  déjà  dans  un  de  ces 
trônes  où  ceux  qui  auront  tout  quitté  jugeront  le  monde  avec 
Jésus-Christ,  selon  la  promesse  qu'il  en  a  faite4.  Mais  quand  je 
viens  à  penser  que  ces  mêmes  personnes  peuvent  tomber,  et 

!•  Coloss.  m,  9-10,  et  ailleurs.  Voir  Augustin,  De  vera  relig.,  xxvi. 

î.  Cantate  Domino  canticum  novum.  Ces  mots  se  trouvent  dans  plusieurs  psaumes, 
dont  lun,  le  psaume  cxlix,  se  chantait  en  effet  aux  Laudes  du  dimanche  à  cette  époque 
comme  on  le  voit  par  le  Bréviaire  de  Paris  de  1653,  partie    d'automne. 

3.  Celle  du  miracle  n'est  pas  la  petite  miraculée  Marguerite  Perier,  car  on  voit  bieQ 
Tite  qu'il  ne  peut  être  question  d'elle  ici.  C'était  une  enfant  de  dix  ans,  tout  à  fait  in- 
capable de  cette  grande  piété  et  de  ce  grand  zèle.  Mais  qui  sont  donc  ces  deux  per- 
sonnes dont  parle  Pascal?  11  ne  les  faut  pas  chercher  bien  loin.  Ce  sont,  je  crois, 
celles-mêmes  à  qui  il  écrit,  MIIe  de  Roannez  et  son  frère.  11  prend  ce  tour  pour  mieux 
donner  le  change  à  ceux  qui  pourraient  surprendre  sa  lettre;  l'accident  qui  est  arrivé, 
et  dont  il  se  plaint  en  commençant,  est  cause  qu'il  redouble  de  précaution.  C'est 
MUe  de  Roannez  qui  est  désignée  par  ces  mots,  celle  du  miracle,  car  c'était  le  miracle 
qui  avait  décidé  sa  conversion.  Voir  plus  haut.  L'autre  personne  est  M.  de  Roannez,  bien 
extraordinaire  aussi  sans  doute  ;  car  quoi  de  plus  extraordinaire,  parmi  les  miracles  de 
la  grâce,  qu'un  duc  et  pair,  seul  héritier  d'un  grand  nom,  qui  avait  renoncé  à  24  ans  au 
monde  et  au  mariage,  pour  attacher  sa  destinée  à  celle  de  quelques  persécutés? 

4.  Multh.  xix,  28. 


EXTRAITS   DBS   LETTRES  A   M       DE   ROANNEZ  333 

être  au  contraire  au  nombre  malheureux  des  jugés,  et  qu'il  y 
en  aura  tant  qui  tomberont  de  la  gloire,  et  qui  laisseront 
prendre  à  d'autres  par  leur  négligence  la  couronne  que  Dieu 
leur  avait  offerte,  je  ne  puis  souffrir  cette  pensée  ;  et  l'effroi  que 
j'aurais  de  les  voir  en  cet  état  éternel  de  misère,  après  les  avoir 
imaginées  avec  tant  de  raison  dans  l'autre  état,  me  fait  détour- 
ner l'esprit  de  cette  idée,  et  revenir  à  Dieu  pour  le  prier  de  ne 
pas  abandonner  les  faibles  créatures  qu'il  s'est  acquises,  et  à 
lui  dire  pour  les  deux  personnes  que  vous  savez  ce  que  l'Église 
dit  aujourd'hui  avec  saint  Paul  :  «  Seigneur,  achevez  vous- 
même  l'ouvrage  que  vous-même  avez  commencé1.  »  Saint 
Paul  se  considérait  souvent  en  ces  deux  états,  et  c'est  ce  qui 
lui  fait  dire  ailleurs  (I  Cor.  ix,  27)  :  «  Je  châtie  mon  corps,  de 
peur  que  moi-même,  qui  convertis  tant  de  peuples,  je  ne 
devienne  réprouvé.  »  Je  finis  donc  par  ces  paroles  de  Job 
(xxxi,  23)  :  <c  J'ai  toujours  craint  le  Seigneur  comme  les  flots 
d'une  mer  furieuse  et  enflée  pour  m'engloutir2.  »  Et  ail- 
leurs :  a  Bienheureux  est  l'homme  qui  est  toujours  en  crainte.» 

(P*.   CXI,  1.) 

4. 
Il  est  bien  assuré  qu'on  ne  se  détache  jamais  sans  douleur. 
On  ne  sent  pas  son  lien  quand  on  suit  volontairement  celui  qui 
entraîne,  comme  dit  saint  Augustin3;   mais  quand  on  com- 
mence à  résister  et  à  marcher  en  s' éloignant,  on  souffre  bien  ; 

1.  Pascal  tourne  en  forme  de  prière  le  verset  6  du  chapitre  premier  de  la  Lettre  4 
ceux  de  Pbilippes  :  Qui  cœpit  in  vobis  opus  bonum,  perficiet  usque  in  diem  Christi  Jesu. 
Mais,  au  temps  de  Pascal,  le  passage  où  se  trouvent  ces  mots  (versets  6—  11),  servait 
à'Epitre  pou»  la  messe  du  xin»  dimanche  après  la  Pentecôte.  C'est  ce  qui  résulte  de  la 
Table  jointe  au  texte  de  la  Vulgate  reçu  par  l'Église,  table  qui  est  intitulée  :  Index 
Epistolarum  et  Evangeliorum  quœ,  e  veteri  et  novo  Testamento  excerpla,  in  Ecclesia  do- 
minicis  et  aliis  festis  diebus  leguntur,  juxta  Missalis  reformationem  ex  décréta  sacrosancti 
Concilii  iridentini  restituti,  PU  V  Pont.  Max.  jussu  editi,  et  démentis  VIII  auctoritale 
recorjnili.  La  même  indication  du  xxue  dimanche  se  retrouve  dans  le  Nouveau  Testa- 
ment de  Mons,  qui  est,  comme  on  sait,  l'œuvre  de  Port-Royal.  Aujourd'hui,  dans  le  Mis- 
sel de  Paris,  Y Ê pitre  du  xxn<'  dimanche  après  la  Pentecôte  n'est  plus  celle-là. 

Maintenant,  ce  dimanche  tombait,  en  1656,  le  5  novembre;  on  a  donc  la  date  de  cette 
lettre.  Quant  à  la  lettre  du  5,  dont  il  est  question  au  commencement,  il  faut  entendre 
par  conséquent  une  lettre  du  5  octobre. 

2.  Fontaine  a  écrit,  en  parlant  de  M.  de  Saci  :  «  Ce  qui  lui  donnait  cette  çrravité  que 
l'on  admirait,  c'est  qu'il  se  disait  sans  cesse  cette  parole  de  Job  :  Semper  enim  quasi  tu- 
mentes  super  me  fluctus  timui  Deum,  et  pondus  ejus  ferre  non  potui  ;  et  je  ne  crois  pas 
qu  il  y  ait  eu  un  de  ceux  qui  l'ont  connu  qui  ne  l'ait  ouïe  de  sa  bouche,  o  Cité  par 
M.  Sainte-Beuve,  Port-Royal,  l™  édit,  t.  n,  p.  318.  Était-ce  de  M.  de  Saci  que  Pascal 
avait  appris  cette  pensée,  ou  au  contraire? 

3.  In  Joann.  evang.  Tract,  xxvi,  5,  à  l'occasion  de  ces  mots  du  texte,  Nemo  venit  ad 
me,  nisi  Patfr  traxent  eum. 


:;;!}  OPUSCULES  de  pascal 

le  lien  s'étend  et  endure  toute  la  violence;  et  ce  lien  est  notre 
propre  corps,  qui  ne  se  rompt  qu'à  la  mort.  Notre  Seigneur  a 
dit  que,  depuis  la  venue  de  Jean-Baptiste,  c'est-à-dire  depuis 
son  avènement  dans  chaque  fidèle,  le  royaume  de  Dieu  souffre 
violence  et  que  les  violents  le  ravissent  {Malt h.  xi,  12).  Avant 
que  l'on  soit  touché,  on  n'a  que  le  poids  de  sa  concupiscence, 
qui  porte  à  la  terre.  Quand  Dieu  attire  en  haut,  ces  deux  ef- 
forts contraires  font  cette  violence,  que  Dieu  seul  peut  faire 
surmonter.  Mais  nous  pouvons  tout,  dit  saint  Léon,  avec  Celui 
sans  lequel  nous  ne  pouvons  rien  *.  11  faut  donc  se  résoudre  à 
souffrir  cette  guerre  toute  sa  vie  :  car  il  n'y  a  point  ici  de  paix. 
«  Jésus-Christ  est  venu  apporter  le  couteau,  et  non  pas  la 
paix.»  (Maltli.  x,  34.)  Mais  néanmoins  il  faut  avouer  que 
comme  l'Écriture  dit  que  la  sagesse  des  hommes  n'est  que  folie 
devant  Dieu  (I  Cor.  m,  19),  aussi  on  peut  dire  que  cette  guerre 
qui  paraît  dure  aux  hommes  est  une  paix  devant  Dieu  ;  car 
c'est  cette  paix  que  Jésus-Christ  a  aussi  apportée.  Elle  ne  sera 
néanmoins  parfaite  que  quand  le  corps  sera  détruit;  et  c'est  ce 
qui  fait  souhaiter  la  mort,  en  souffrant  néanmoins  de  bon 
cœur  la  vie  pour  l'amour  de  Celui  qui  a  souffert  pour  nous  et 
la  vie  et  la  mort,  et  qui  peut  nous  donner  plus  de  biens  que 
nous  ne  pouvons  ni  demander  ni  imaginer,  comme  dit  saint 
Paul  (Eph.  m,  20)  en  l'épître  de  la  messe  d'aujourd'hui*. 

5. 

Je  ne  crains  plus  rien  pour  vous,  Dieu  merci,  et  j'ai  une  es- 
pérance admirable.  C'est  une  parole  bien  consolante  que  celle 
de  Jésus-Christ  :  «  Il  sera  donné  à  ceux  qui  ont  déjà.»  (Matth. 
xi::,  12.)  Par  cette  promesse,  ceux  qui  ont  beaucoup  reçu  ont 
droit  d'espérer  davantage,  et  ainsi  ceux  qui  ont  reçu  extraor- 
dinairement  doivent  espérer  extraordinairement. 

J'essaie  autant  que  je  puis  de  ne  m'affliger  de  rien,  et  de 
prendre  tout  ce  qui  arrive  pour  le  meilleur  3  .  Je  crois  que 

1.  Dans  son  huitième  Sermon  pour  l'Epiphanie,  Léon  commente  ces  paroles  de  Jésus 
{Jean,  xv,  5)  :  Sine  me  nihil  polestis  fac.ere.  Du  reste,  la  même  doctrine  revient  sans  cesse 
dans  les  autres  sermons. 

2.  Cette  épître  est  celle  du  xvi«  dimanche  après  la  Pentecôte,  lequel  tombait  le  24  sep- 
tembre en  1656.  Il  faut  donc  admettre  que  cet  Extrait  n'est  pas  à  sa  place. 

3.  M.  de  Saci,  écrivant  à  Mme  Perier  à  l'occasion  de  la  mort  de  son  rils  aîné,  loi  rap- 
pelait celte  parole  de  Pascal  :  c  Je  ne  doute  pas  que  vous  n'ayez  eu  dans  l'esprit  cette 
peusée  de  monsieur  votre  frère,  qui  me  parait  admirable.,  et  que  je  n'ai   vue  qu'en   lui 


EXTRAITS   DBS  LETTRES  A   M11''   DE  ROANNEZ  33") 

c'est  un  devoir,  et  qu'on  pêche  en  ne  l<i  faisant  pas.  Car  enfin, la 
raison  pour  laquelle  les  péchés  sont  péchés,  c'est  seulement 
parce  qu'ils  sont  contraires  à  la  volonté  de  Dieu;  et  ainsi,  l'es- 
sence du  péché  consistant  à  avoir  une  volonté  opposée  à  celle 
que  nous  connaissons  en  Dieu,  il  est  visible,  cerne  semble,  que, 
quand  il  nous  découvre  sa  volonté  par  les  événements,  ce  se- 
rait un  péché  de  ne  s'y  pas  accommoder1.  J'ai  appris  que  tout 
ce  qui  est  arrivé  a  quelque  chose  d'admirable,  puisque  la  vo- 
lonté de  Dieu  y  est  marquée.  Je  le  loue  de  tout  mon  cœur  de 
la  continuation  faite  de  ses  grâces,  car  je  vois  bien  qu'elles  ne 
diminuent  point. 

L'affaire  du...  ne  va  guère  bien*  :  c'est  une  chose  qui  fait 
trembler  ceux  qui  ont  de  vrais  mouvements  de  Dieu,  de  voir  la 
persécution  qui  se  prépare  non-seulement  contre  les  personnes 
(ce  serait  peu),  mais  contre  la  vérité.  Sans  mentir,  Dieu  est 
bien  abandonné.  Il  me  semble  que  c'est  un  temps  où  le  ser- 
vice qu'on  lui  rend  lui  est  bien  agréable.  Il  veut  que  nous  ju- 
gions de  la  grâce  par  la  nature  ;  et  ainsi  il  permet  de  considé- 
rer que,  comme  un  prince  chassé  de  son  pays  par  ses  sujets  a 
des  tendresses  extrêmes  pour  ceux  qui  lui  demeurent  fidèles 
dans  la  révolte  publique,  de  même  il  semble  que  Dieu  consi- 
dère avec  une  bonté  particulière  ceux  qui  défendent  aujour- 
d'hui la  pureté  de  la  religion  et  de  la  morale,  qui  est  si  fort  com- 
battue. Mais  il  y  a  cette  différence  entre  les  rois  de  la  terre 
et  le  Roi  des  rois,  que  les  princes  ne  rendent  pas  leurs  sujets 
fidèles,  mais  qu'ils  les  trouvent  tels;  au  lieu  que  Dieu  ne 
trouve  jamais  les  hommes  qu'infidèles  et  qu'il  les  rend  fidèles 

seul  :  Il  faut  tâcher,  dit-il,  de  se  consoler  dans  les  plus  grands  maux,  et  de  prendre 
tout  ce  qui  arrive  pour  le  meilleur,  etc.  Cette  parole  est  d'autant  plus  considérable,  que 
celui  qui  l'a  dite  l'a  pratiquée,  et  qu'elle  est  encore  plus  l'effusion  de  son  cœur  que  de 
son  esprit,  o  Note  de  M.  Fougère. 

t.  Voyez  xxv,  105,  dans  les  Pensées.  M"«  de  Roannez  s'était  plainte  sans  doute  de 
quelque  incident  qui  faisait  obstacle  à  l'accomplissement  de  ses  résolutions. 

2.  Qu'il  faille  lire  X affaire  du...  ou  l'affaire  de...  comme  on  lit  dans  l'Extrait  suivant, 
il  est  clair  que  Pascal  veut  parler  de  ce  qui  se  passait  dans  l'Assemblée  du  clergé  de  1656. 
On  pourrait  suppléer  ici,  l'affaire  du  formulaire.  L'assemblée  avait  adopté  et  prescrit  en 
septembre  un  premier  formulaire  pour  l'acceptation  de  la  bulle  d'Innocent  X  contre  les 
cinq  propositions.  Le  16  octobre,  le  nouveau  pape,  Alexandre  Vil,  donna  une  bulle  pour 
confirmer  celle  d'iunocent,  où  il  déclarait  expressément  que  les  cinq  propositions  étaient 
condamnées  au  sens  de  Jansénius.  Les  ennemis  des  Jansénistes  s'occupèrent  aussitôt 
de  faire  accepter  cette  nouvelle  bulle  avec  un  nouveau  formulaire,  dont  on  exigerait  la 
signature  de  toutes  personnes  tenant  à  l'Église,  sous  menace  des  peines  ecclésiastiques 
et  civiles.  Gela  n'était  pas  fait  encore,  et  ne  se  fit  définitivement  qu'en  1661,  mais  cela 
se  préparait  et  paraissait  proche. 


336  OPUSCULES  DE  PASCAL 

quand  ils  le  sont.  De  sorte  qu'au  lieu  que  les  rois  ont  une  obliga- 
tion insigne  à  ceux  qui  demeurent  dans  leur  obéissance,  il  arrive 
au  contraire  que  ceux  qui  subsistent  dans  le  service  de  Dieu  lui 
sont  eux-mêmes  redevables  infiniment.  Continuons  donc  à  le 
louer  de  cette  grâce,  s'il  nous  l'a  faite,  de  laquelle  nous  le  loue- 
rons dans  l'éternité,  et  prions-le  qu'il  nous  la  fasse  encore,  et 
qu'il  ait  pitié  de  nous  et  de  l'Église  entière,  hors  laquelle  il  n'y 
a  que  malédiction. 

Je  prends  part  aux...  persécutés  dont  vous  parlez  l.  Je  vois 
bien  que  Dieu  s'est  réservé  des  serviteurs  cachés,  comme  il  le 
dit  à  Élie  2.  Je  le  prie  que  nous  en  soyons,  bien  et  comme  il 
faut,  en  esprit  et  en  vérité  et  sincèrement. 

6. 
Quoi  qu'il  puisse  arriver  de  l'affaire  de...,  il  y  en  a  assez, 
Dieu  merci,  de  ce  qui  est  déjà  fait  pour  en  tirer  un  admirable 
avantage  contre  ces  maudites  maximes  3.  11  faut  que  ceux  qui 
ont  quelque  part  à  cela  en  rendent  de  grandes  grâces  à  Dieu4 , 
et  que  leurs  parents  et  amis  prient  Dieu  pour  eux,  afin  qu'ils 
ne  tombent  pas  d'un  si  grand  bonheur  et  d'un  si  grand  hon- 
neur que  Dieu  leur  a  faits.  Tous  les  honneurs  du  monde  n'en 
sont  que  l'image  ;  celui-là  seul  est  solide  et  réel,  et  néanmoins 
il  est  inutile  sans  la  bonne  disposition  du  cœur.  Ce  ne  sont  ni 
les  austérités  du  corps,  ni  les  agitations  de  l'esprit,  mais  les 
bons  mouvements  du  cœur  qui  méritent,  et  qui  soutiennent 
les  peines  du  corps  et  de  l'esprit.  Car  enfin  il  faut  ces  deux 
choses  pour  sanctifier,  peines  et  plaisirs.  Saint  Paul  a  dit  que 
ceux  qui  entreront  dans  la  bonne  voie  trouveront  des  troubles 
et  des  inquiétudes  en  grand  nombre  (Act.  xiv,  21).  Gela  doit 
consoler  ceux  qui  en  sentent 5,  puisque,  étant  avertis  que  le 

1.  Un  manuscrit  donne,  aux  quatre  persécutés.  Je  ne  sais  ce  que  c'est. 

2.  Voyez  xxv,  106,  dans  les  Pensées. 

3.  En  même  temps  que  l'assemblée  du  clergé  frappait  les  cinq  propositions,  elle   était 
invitée  à  rendre  un  décret  de  censure  en  sens  contraire,  et  à  faire  droit,  pour  ainsi  dire, 
contre  la  morale  relâchée  des  casuistes,  aux   réquisitoires  des   Provinciales.  L'assemblée 
fut  saisie  dans  les  formes  par  les   curés  de    Paris  vers  la    fin  de  novembre   1656.    C'est 
probablement  à  cette  date  que  Pascal  écrit,  et  qu'il  s'applaudit  de  ce  qui  est  déjà  fait.  D 
reste  l'assemblée,  sous  prétexte  que  le  temps  manquait,  ne  prononça  point  de  censure 
mais  elle  ne  put  s'empêcher  de  faire  publier  une  Instruction,  qui  était  déjà  une  condam 
nation  morale.  Voir,  dans  les  OEuvres  de  Pascal,  le  sixième  Factum   pour  les  curés  d 
Paris. 

4.  C'est-à-dire,  Pascal  lui-même. 

ï>.  11  revient  à  M|le  de  Roauaez  et  à  ses  peines 


EXTRAITS   DES   LETTRES  A   6lUa   DLi   UOANNEZ  337 

chemin  du  ciel  qu'ils  cherchent  en  est  rempli,  ils  doivent  se 
réjouir  de  rencontrer  des  marques  qu'ils  sont  dans  le  véritable 

chemin.  Mais  ces  peines-là  ne  sont  pas  sans  plaisirs,  et  ne  sont 
jamais  surmontées  que  par  le  plaisir.  Car,  de  même  que  ceux 
qui  quittent  Dieu  pour  retourner  au  monde  ne  le  font  que 
parce  qu'ils  trouvent  plus  de  douceur  dans  les  plaisirs  de  la 
terre  que  dans  ceux  de  l'union  avec  Dieu,  et  que  ce  charme 
victorieux  les  entraîne,  et,  les  faisant  repentir  de  leur  premier 
choix,  les  rend  des  pénitents  du  diable,  selon  la  parole  de  Ter- 
tullien  *,  de  même  on  ne  quitterait  jamais  les  plaisirs  du 
monde  pour  embrasser  la  croix  de  Jésus-Christ,  si  on  ne  trou- 
vait plus  de  douceur  dans  le  mépris,  dans  la  pauvreté,  dans 
le  dénûment  et  dans  le  rebut  des  hommes,  que  dans  les  délices 
du  péché.  Et  ainsi,  comme  dit  Tertullien,  il  ne  faut  pas  croire 
que  la  vie  des  chrétiens  soit  une  vie  de  tristesse  2  On  ne  quitte 
les  plaisirs  que  pour  d'autres  plus  grands.  «  Priez  toujours,  dit 
saint  Paul,  rendez  grâces  toujours,  réjouissez- vous  toujours.  » 
(  I  T/icss.  v,  16-  18.)  C'est  la  joie  d'avoir  trouvé  Dieu  qui  est 
le  principe  de  la  tristesse  de  l'avoir  offensé  et  de  tout  le  chan- 
gement de  vie.  Celui  qui  a  trouvé  le  trésor  dans  un  champ  en 
a  une  telle  joie,  que  cette  joie,  selon  Jésus-Christ,  lui  fait 
vendre  tout  ce  qu'il  a  pour  l'acheter  (Matth.  xm,  44).  Les  gens 
du  monde  n'ont  point  cette  joie,  «  que  le  monde  ne  peut  ni 
donner  ni  ôter  »,  dit  Jésus-Christ  même  {Jean,  xiv,  27,  et  xvi, 
22).  Les  bienheureux  ont  cette  joie  sans  aucune  tristesse;  les 
gens  du  monde  ont  leur  tristesse  sans  cette  joie,  et  les  chré- 
tiens ont  cette  joie  mêlée  de  la  tristesse  d'avoir  suivi  d'autres 
plaisirs,  et  de  la  crainte  de  la  perdre  par  l'attrait  de  ces  au- 
tres plaisirs  qui  nous  tentent  sans  relâche.  Et  ainsi  nous  devons 
travailler  sans  cesse  à  nous  conserver  cette  joie  qui  modère 
notre  crainte,  et  à  conserver  cette  crainte  qui  conserve  notre 
joie3, et  selon  qu'on  se  sent  trop  emporter  vers  l'une,  se  pen- 


i.  De  Pœnitentia,  5  . 

2.  De  Spectaculis,  28  :  Quœ  major  voluptas,  qua.n,  faslidium  ipsum  voluptatis!  et  la 
suite.  Il  est  à  remarquer  que  ces  deux  passages  de  fertullieu  se  trouvent  dans  les  Sen- 
tences et  instructions  chrétiennes  tirées  des  anciens  Pères  de  t' Eglise,  par  le  sieur  de  La- 
val, 1680,  et  <c  trouvaient  probablement  déjà  dan?  le  recueil  que  lisait  Mu«  de  Roannea 
(voir  page  327, note  3).  Je  pense  que  c'est  là  que  Pascal  les  avait  lus. 

S.  «  Oui  conserve  notre  joie,  n  Qui  modère  notre  joie,  dans  le  texte  donné  par  M.  Cou- 
sin. 


338  OPUSCULES  DE  PASCAL 

cher  vers  l'autre  pour  demeurer  debout  '.  «  Souvenez-vous 
des  biens  dans  les  jours  d'affliction,  et  souvenez-vous  de  l'afflic- 
tion dans  les  jours  de  réjouissance  »,  dit  l'Écriture  (Ecclésias- 
tique, xi,  27),  jusqu'à  ce  que  la  promesse  que  Jésus-Christ 
nous  a  faite  (Jean,  xn,  24),  de  rendre  sa  joie  pleine  en  nous, 
soit  accomplie.  Ne  nous  laissons  donc  pas  abattre  à  la  tristesse, 
et  ne  croyons  pas  que  la  piété  ne  consiste  qu'en  une  amertume 
sans  consolation.  La  véritable  piété,  qui  ne  se  trouve  parfaite 
que  dans  le  ciel,  est  si  pleine  de  satisfactions,  qu'elle  en  remplit 
et  l'entrée  et  le  progrès  et  le  couronnement.  C'est  une  lumière 
si  éclatante, qu'elle  rejaillit  sur  tout  ce  qui  lui  appartient  ;  et,  s'il 
y  a  quelque  tristesse  mêlée,  et  surtout  à  l'entrée,  c'est  de  nous 
qu'elle  vient,  et  non  pas  de  la  vertu  ;  car  ce  n'est  pas  l'effet  de 
la  piété  qui  commence  d'être  en  nous,  mais  de  l'impiété  qui  y 
est  encore  2.  Ôtons  l'impiété,  et  la  joie  sera  sans  mélange.  Ne 
nous  en  prenons  donc  pas  à  la  dévotion,  mais  à  nous-mêmes, 
et  n'y  cherchons  du  soulagement  que  par  notre  correction. 

7. 

Je  suis  bien  aise  de  l'espérance  que  vous  me  donnez  du  bon 
succès  de  l'affaire  dont  vous  craignez  de  la  vanité.  Il  y  a  à 
craindre  partout,  car  si  elle  ne  réussissait  pas,  j'en  craindrais 
cette  mauvaise  tristesse  dont  saint  Paul  dit  qu'elle  donne  la 
mort,  au  lieu  qu'il  y  en  a  une  autre  qui  donne  la  vie  (II  Cor. 
vu,  10).  Il  est  certain  que  cette  affaire-là  était  épineuse,  et  que 
si  la  personne  en  sort,  il  y  a  sujet  d'en  prendre  quelque  vanité, 
si  ce  n'est  à  cause  qu'on  a  prié  Dieu  pour  cela,  et  qu'ainsi  il 
doit  croire  que  le  bien  qui  en  viendra  sera  son  ouvrage.  Mais 
si  elle  réussissait  mal,  il  ne  devrait  pas  en  tomber  dans  l'abat- 
tement, par  cette  même  raison  qu'on  a  prié  Dieu  pour  cela,  et 
qu'il  y  a  apparence  qu'il  s'est  approprié  cette  affaire  ;  aussi  il 
le  faut  regarder  comme  l'auteur  de  tous  les  biens  et  de  tous 
les  maux,  excepté  le  péché.  Je  lui  répéterai  là-dessus  ce  que  j'ai 
autrefois  rapporté  de  l'Écriture  :  «  Quand  vous  êtes  dans  les 
biens,  souvenez-vous  des  maux  que  vous  méritez  ;  et  quand 
vous  êtes  dans  les  maux,  souvenez  vous  des  biens  que  vous 

I.  Voyez  xxv,  12,  dans  les  Pensées. 

î.  Voyez  xxiv,  fil    ter,  dan?  le"  Ppvip'ps. 


EXTRAITS  DES   LETTRES  A   W1'  DE   ROANNEZ  330 

espérez  '.» Cependant  je  vous  dirai  sur  le  sujet  de  L'autre 
personne  que  vous  savez,  qui  mande  qu'elle  a  bien  des  choses 
dans  l'esprit  qui  rembarrassent,  que  je  suis  bien  fâché  de  la 
voir  eu  cet  état  ■.  J'ai  bien  de  la  douleur  de  ses  peines,  etje 
voudrais  bien  l'en  pouvoir  soulager;  je  la  prie  de  ne  point  pré- 
venir L'avenir,  et  de  se  souvenir  que,  comme  dit  notre  Sei« 
neur,  «  à  chaque  jour  suffit  sa  malice;»  (Malt  h.  vi,  34). 

Le  passé  ne  nous  doit  point  embarrasser,  puisque  nous  n'a- 
vons qu'à  avoir  regret  de  nos  fautes;  mais  l'avenir  nous  doit 
encore  moins  toucher,  puisqu'il  n'est  point  du  tout  à  notre 
égard,  et  que  nous  n'y  arriverons  peut-être  jamais.  Le  présent 
est  le  seul  temps  qui  est  véritablement  à  nous,  et  dont  nous 
devons  user  selon  Dieu.  C'est  là  où  nos  pensées  doivent  être 
principalement  comptées.  Cependant  le  monde  est  si  inquiet, 
qu'on  ne  pense  presque  jamais  à  la  vie  présente  et  à  l'instant 
où  l'on  vit,  mais  à  celui  où  l'on  vivra.  Do  sorte  qu'on  est  tou- 
'ours  en  état  de  vivre  à  l'avenir,  et  jamais  de  vivre  mainte- 
nant3. Notre  Seigneur  n'a  pas  voulu  qae  notre  prévoyance  s'é- 
tendît plus  loin  que  le  jour  où  nous  sommes.  C'est  les  bornes 
qu'il  faut  garder,  et  pour  notre  salut,  et  pour  notre  propre  re- 
pos. Car,  en  vérité,  les  préceptes  chrétiens  sont  les  plus  pleins 
de  consolations  ;  je  dis  plus  que  les  maximes  du  monde. 

Je  prévois  aussi  bien  des  peines  et  pour  cette  personne,  et 
pour  d'autres  et  pour  moi.  Mais  je  prie  Dieu,  lorsque  je  sens  que 
je  m'engage  dans  ces  prévoyances,  de  me  renfermer  dans  mes 
limites;  je  me  ramasse  dans  moi-même,  et  je  trouve  que  je 
manque  à  faire  plusieurs  choses  à  quoi  je  suis  obligé  présen- 
tement, pour  me  dissiper  en  des  pensées  inutiles  de  l'avenir 

i.  11  me  semble  que  l'homme  à  qui  s'adresse  ici  Pascal  ne  peut  être  que  le  duc  de 
RoariDez.  C'est  la  supposition  qui  explique  le  mieux  ces  paroles  :  «Le  bon  succès  de  l'af- 
faire dont  vous  craifjnez  de  la  vanilé  »,  et  celles-ci  :  «  Je  lui  répéterai  là-dessus  ce  que 
j'ai  autrefois  rapporté  de  l'Ecriture.  »  Car  il  répète  en  effet  ce  qu'il  avait  écrit  à  MH°  de 
Roannez  (sixième  Extrait).  Les  lettres  à  la  sœur  étaient  aussi  pour  le  frère,  comme  il  le 
dit  dans  le  premier  Extrait.  Mais  je  ne  puis  dire  ce  que  c'est  que  cette  affaire  épineuse. 

1.  Je  suis  persuadé  qu  ici  surtout,  en  ayant  l'air  de  parler  d'une  tierce  personne,  Pas- 
cal ne  parle  à  M'ie  de  Roannez  que  d'elle-même.  C'est  elle  qui,  à  la  veille  de  se  dérober 
à  sa  mère  pour  s'enfuir  dans  un  couvent,  mande  quelle  a  bien  des  choses  dans  l'esprit 
qui  l'embarrassent,  et  ne  songe  qu'avec  effroi  aux  suites  de  sa  résolution.  C'est  elle  à  qui 
Pascal  compatit  avec  une  sincérité  qui  attendrit  un  moment  sa  parole  sévère.  Remar- 
quons qu'il  dit  elle  et  la  :  on  peut  dire,  il  est  vrai,  que  c'est  à  cause  du  mot  de  per- 
sonne, m  lis  tout  à  l'heure  ce  même  mot  de  personne  ne  l'avait  pas  empêché  de  se  servir 
du  pronom  il.  L'emploi  du  féminin  est  encore   plus  remarquable  dans  l'Extrait  suivant. 

4.  Voyez  m,  :>,  dans  les  Pensées, 


340  OPUSCULES  DE  PASCAL 

auxquelles,  bien  loin  d'être  obligé  de  m'arrêter,  je  suis  au 
contraire  obligé  de  ne  m'y  point  arrêter.  Ce  n'est  que  faute  de 
savoir  bien  connaître  et  étudier  le  présent  qu'on  fait  l'en- 
tendu pour  étudier  l'avenir.  Ce  que  je  dis  là,  je  le  dis  pour 
moi,  et  non  pas  pour  cette  personne,  qui  a  assurément  bien 
plus  de  vertu  et  de  méditation  que  moi;  mais  je  lui  représente 
mon  défaut  pour  l'empêcher  d'y  tomber.  On  se  corrige  quelque- 
fois mieux  par  la  vue  du  mal  que  par  l'exemple  du  bien  ;  et  il 
est  bon  de  s'accoutumer  à  profiter  du  mal,  puisqu'il  est  si  or- 
dinaire, au  lieu  que  le  bien  est  si  rare l. 

8. 
Je  plains  la  personne  que  vous  savez  2,  dans  l'inquiétude  où 
je  sais  qu'elle  est,  et  où  je  ne  m'étonne  pas  de  la  voir.  C'est  un 
petit  jour  du  jugement,  qui  ne  peut  arriver  sans  une  émotion 
universelle  de  la  personne,  comme  le  jugement  général  en 
causera  une  générale  dans  le  monde,  excepté  ceux  qui  se  se- 
ront déjà  jugés  eux-mêmes,  comme  elle  prétend  faire  3.  Cette 
peine  temporelle  garantirait  de  l'éternelle,  par  les  mérites  in- 
finis de  Jésus-Christ,  qui  la  souffre  et  qui  se  la  rend  propre  ; 
c'est  ce  qui  doit  la  consoler.  Notre  joug  est  aussi  le  sien;  sans 
cela  il  serait  insupportable.  «  Portez,  dit-il,  mon  joug  sur 
vous.»  Ce  n'est  pas  notre  joug,  c'est  le  sien,  et  aussi  il  le  porte. 
«  Sachez,  dit-il,  que  mon  joug  est  doux  et  léger.  »  (Matth.  xi, 
29,  30.)  Il  n'est  léger  qu'à  lui  et  à  sa  force  divine.  Je  lui  vou- 
drais dire  qu'elle  se  souvienne  que  ces  inquiétudes  ne  viennent 
pas  du  bien  qui  commence  d'être  en  elle ,  mais  du  mal  qui  y 

1.  Ces  inquiétudes  étaient  le  fruit  inévitable  des  résolutions  de  M1^  de  Roannez. 
On  pouvait  prévoir  aisément  les  transports  d'une  mère  contristée  et  offensée,  ses 
réclamations  d'jà  si  pénibles  à  repousser  par  elles-mêmes,  et  qui  sans  doute  seraient 
appuyées,  comme  elles  le  furent  en  effet,  par  la  puissance  publique.  L'éclat  de  cepieux 
détournement  devait  d'ailleurs  ranimer  contre  Port-Royal  toutes  les  colères  de  la  cour 
et  du  monde.  Quant  à  Pascal,  il  n'était  pas  douteux  qu'on  n'imputât  à  lui  surtout  une 
telle  démarche  de  la  part  de  la  sœur  de  son  ami.  Déjà  auparavant,  en  arrachant  au 
monde  un  jeune  duc  et  pair,  en  lui  faisant  refuser  un  très-beau  mariage,  il  avait  irrité 
profondément  les  parents  de  M.  de  Roannez,  et  cette  colère  se  répandant  chez  tous  les 
domestiques  de  l'hôtel  de  Roannez,  où  Pascal  logeait  alors,  «  la  concierge  de  la  maison 
alla  un  matin,  sur  les  huit  heures,  avec  un  poignard  pour  le  tuer;  heureusement  elle 
ne  le  trouva  point;  il  était  sorti  ce  jour-là,  contre  son  ordinaire,  de  grand  matin.  11 
fut    averti    de  cette  aventure,  et  n'y  retourna  plus.  «  Manuscrits  de  Marguerite  Perier. 

2.  Nous  savons  aussi  maintenant  qui  est  cette  personne  si  agitée. 

3.  Quel  peut  donc  être  ce  petit  jour  du  jugement,  image  de  celui  où  l'âme  se  trouvera 
tout  à  coup  devant  Dieu,  séparée  de  son  corps  et  de  la  vie,  sinon  le  jour  où  Mlle  de 
Roannez,  mettant  le  pied  hors  de  la  maison  de  sa  mère  pour  n'y  plus  rentrer,  rompra 
brusquement  les  liens  de  la  nature  et  dw  monde?  Voir  l'Extrait  suivant. 


EXTRAITS   DES  LETTRES  A  Mlle  DE   ROANNEZ  311 

est  encore  et  qu'il  faut  diminuer  continuellement  *  ;  et  qu'il 
faut  qu'elle  fasse  comme  un  enfant  qui  est  tiré  par  des  voleurs 
d'entre  les  bras  de  sa  mère,  qui  ne  le  veut  point  abandonner; 
car  il  ne  doit  pas  accuser  de  la  violence  qu'il  souffre  la  mère 
qui  le  retient  amoureusement,  mais  ses  injustes  ravisseurs  2. 
Tout  l'office  de  l'Avent  est  bien  propre  pour  donner  courage 
aux  faibles,  et  on  y  dit  souvent  ce  mot  de  l'Écriture  :  «  Prenez 
courage,  lâches  et  pusillanimes,  voici  votre  rédempteur  qui 
vient 3;»  et  on  dit  aujourd'hui  à  Vêpres  :  «  Prenez  de  nouvel- 
les forces,  et  bannissez  désormais  toute  crainte;  voici  notre 
Dieu  qui  arrive,  et  vient  pour  nous  secourir  et  nous  sauver4,  s 

9. 

Votre  lettre  m'a  donné  une  extrême  joie.  Je  vous  avoue  que 
je  commençais  à  craindre,  ou  au  moins  à  m'étonner.  Je  ne 
sais  ce  que  c'est  que  ce  commencement  de  douleur  dont  vous 
parlez  ;  mais  je  sais  qu'il  faut  qu'il  en  vienne.  Je  lisais  tantôt  le 
treizième  chapitre  de  saint  Marc  en  pensant  à  vous  écrire,  et 
aussi  je  vous  dirai  ce  que  j'y  ai  trouvé.  Jésus-Christ  y  fait  un 
grand  discours  à  ses  apôtres  sur  son  dernier  avènement  ;  et 
commetoutce  qui  arrive  àl'Église  arrive  aussi  à  chaque  chrétien 
en  particulier,  il  est  certain  que  tout  ce  chapitre  prédit  aussi 
bien  l'état  de  chaque  personne  qui,  en  se  convertissant,  dé- 
truit le  vieil  homme  en  elle,  que  l'état  de  l'univers  entier,  qui 
sera  détruit  pour  faire  place  à  de  nouveaux  cieux  et  à  une  nou- 
velle terre,  comme  dit  l'Écriture  5.  Et  aussi  je  songeais  que 
cette  prédiction  de  la  ruine  du  temple  réprouvé,  qui  figure  la 
ruine  de  l'homme  réprouvé  qui  est  en  chacun  de  nous,  et  dont 
il  est  dit  qu'il  ne  sera  laissé  pierre  sur  pierre,  marque  qu'il  ne 
doit  être  laissé  aucune  passion  du  vieil  homme  ;  et  ces  effroya- 
bles guerres  civiles  et  domestiques  représentent  si  bien  le  trou- 


1.  Il  la  renvoie  à  ce  qu'il  lui  a  écrit  déjà  :  voir  l'Extrait  sixième. 

2.  Voyc  xxiv,  61  ter,  dans  les  Pensées. 

3.  Pusillanimes  confortamini,  ecce  Dominus  Deus  vester  veniet.  Isaïe,  xxxv,  4. 

4.  Constantes  estote,  videbitis  auxilium  Domini  super  vos.  Ces  paroles  se  trouvaient, 
d'après  le  Bréviaire  de  Paris  de  1653,  dans  le  capitule  des  vêpres  de  la  veille  de  Noël, 
ce  qui  doune  la  date  précise  de  cette  lettre.  N'admire-t-on  pas  comme  à  chaque  instant 
Pascal  fait  entendre  la  voix  même  de  Dieu  qui  appelle  à  lui  son  élue? 

5.  Voir  la  seconde  des  Épîtres  qui  portent  le  nom  de  Pierre,  m,  13,  d'après  Isaïe, 
lxv,  17  et  lxvi,  29.  Voilà  le  commentaire  de  ces  expressions  de  l'Extrait  huitième  : 
■  C'est  un  petit  jour  du  jugement.  • 


342  OPUSCULES  DE  PASCAL 

ble  intérieur  que  sentent  ceux  qui  se  donnent  à  Dieu,  qu'il  n'y 
a  rien  de  mieux  peint. 

Mais  cette  parole  est  étonnante  :  «  Quand  vous  verrez  l'abo- 
mination dans  le  lieu  où  elle  ne  doit  pas  être,  alors,  que 
chacun  s'enfuie  sans  rentrer  dans  sa  maison  pour  reprendre 
quoi  que  ce  soit.  »  Il  me  semble  que  cela  prédit  parfaite- 
ment le  temps  où  nous  sommes,  où  la  corruption  de  la  morale 
est  aux  maisons  de  sainteté,  et  dans  les  livres  des  théologiens 
et  des  religieux  où  elle  ne  devrait  pas  être.  Il  faut  sortir  après 
un  tel  désordre,  et  malheur  à  celles  qui  sont  enceintes  ou  nour- 
rices en  ce  temps-là,  c'est-à-dire,  à  ceux  qui  ont  des  attache- 
ments au  monde  qui  les  y  retiennent1  !  La  parole  d'une  sainte 
est  à  propos  sur  ce  sujet2  :  Qu'il  ne  faut  pas  examiner  si  on  a 
vocation  pour  sortir  du  monde,  mais  seulement  si  on  a  voca- 
tion pour  y  demeurer,  comme  on  ne  consulterait  point  si  on 
est  appelé  à  sortir  d'une  maison  pestiférée  ou  embrasée. 

Ce  chapitre  de  l'Évangile,  que  je  voudrais  lire  avec  vous  tout 
entier,  finit  par  une  exhortation  à  veiller  et  à  prier  pour  éviter 
tous  ces  malheurs,  et  en  effet  il  est  bien  juste  que  la  prière 
soit  continuelle  quand  le  péril  est  continuel. 

J'envoie  à  ce  dessein  des  prières  qu'on  m'a  demandées;  c'est 
à  trois  heures  après  midi.  Il  s'est  fait  un  miracle  depuis  votre 
départ  à  une  religieuse  de  Pontoise,  qui,  sans  sortir  de  son 
couvent,  a  été  guérie  d'un  mal  de  tête  extraordinaire  par  une 
dévotion  à  la  Sainte-Épine.  Je  vous  en  manderai  un  jour  da- 
vantage. Mais  je  vous  dirai  sur  cela  un  beau  mot  de  saint  Au- 
gustin, et  bien  consolatif  pour  de  certaines  personnes;  c'est 
qu'il  dit  que  ceux-là  voient  véritablement  les  miracles  aux- 
quels les  miracles  profitent;  car  on  ne  les  voit  pas  si  on  n'en 
profite  pas  3. 

1.  Vce  autem  prœgnanlibus  et  nutrientibus  in  illis  diebus.  Tout  ce  texte,  ainsi  présenté 
à  M1,e  de  Roannez,  dut  lui  paraître,  comme  dit  Pascal,  étonnant,  et  lui  porter  les  der- 
niers coups. 

2.  Je  ne  puis  dire  quelle  est  cette  sainte. 

3.  Je  ne  puis  indiquer  précisément  l'endroit  d'Augustin  que  Pascal  a  dans  l'esprit 
Mais  je  trouve  à  peu  près  la  même  idée  dans  le  Sermon  cxliii,  et  dans  le  xxiveTraitésur 
l'Evangile  de  saint  Jean,  chap.  6.  —  M.  Frédéric  Chavannes,  dans  le  même  article  sui 
Pascal  que  j'ai  cité  ailleurs  (t.  r,  p.  101),  a  trouvé  d'après  ce  passade  le  moyen  de  déter 
miner  la  date  de  cette  lettre.  Il  renvoie  à  un  opuscule  intitulé,  Réponse  à  un  écrit  pu- 
blié sur  le  sujet  dus  miracles  qu'il  a  plu  à  Lieu  de  faire  à  Port-Royal,  etc.,  qui  se  trouve 
au  tome  m  des  Œuvres  de  Pascal  (édition  de  18 19).  On  y  voit  ce  qui  suit,  à  la  page  4G2  ; 
«  Uns  des  religieuses  ur^ulines  de  Pontoise,  nommée  sœur  Marie  de  l'Assomption,  avait 


REMARQUES  SUR   LES   LETTRES  A   M1'    DE  ROANNEZ         343 

Je  vous  ai  une  obligation  que  je  ne  puis  assez  vous  dire  du 
présent  que  vous  m'avez  fait;  je  ne  savais  ce  que  ce  pouvait 
être,  car  je  l'ai  déployé  avant  que  de  lire  votre  lettre,  et  je  me 
suis  repenti  ensuite  de  ne  lui  avoir  pas  rendu  d'abord  le  res- 
pect que  je  lui  devais.  C'est  une  vérité  que  le  Saint-Esprit  re- 
pose invisiblement  dans  les  reliques  de  ceux  qui  sont  morts 
dans  la  grâce  de  Dieu,  jusqu'à  ce  qu'il  y  paraisse  visiblement 
en  la  résurrection,  et  c'est  ce  qui  rend  les  reliques  des  saints  si 
dignes  de  vénération.  Car  Dieu  n'abandonne  jamais  les  siens, 
non  pas  même  dans  le  sépulcre,  où  leurs  corps,  quoique  morts 
aux  yeux  des  hommes,  sont  plus  vivants  devant  Dieu,  à  cause 
que  le  péché  n'y  est  plus,  au  lieu  qu'il,  y  réside  toujours 
durant  cette  vie,  au  moins  quant  à  sa  racine,  car  les  fruits  du 
péché  n'y  sont  pas  toujours;  et  cette  malheureuse  racine,  qui 
en  est  inséparable  pendant  la  vie,  fait  qu'il  n'est  pas  permis  de 
les  honorer  alors,  puisqu'ils  sont  plutôt  dignes  d'être  haïs. 
C'est  pour  cela  que  la  mort  est  nécessaire  pour  mortifier  en- 
tièrement cette  malheureuse  racine,  et  c'est  ce  qui  la  rend 
souhaitable.  Mais  il  ne  sert  de  rien  de  vous  dire  ce  que  vous 
savez  si  bien  ;  il  vaudrait  mieux  le  dire  à  ces  autres  personnes 
dont  vous  parlez  :  mais  elles  ne  l' écouteraient  pas. 


REMARQUES   SUR   LES    EXTRAITS    DES    LETTRES   A    Mlle  DE 

ROANNEZ. 

Nous  avons  pour  l'histoire  de  Mn°  de  Roannez  trois  sources  princi- 
pales :  1°  Une  notice  qui  se  trouve  dans  les  manuscrits  de  Marguerite 

été  tourmentée  durant  huit  mois  d'un  si  horrible  mal  de  tête-,  etc..  Enfin,  ayant  ouï 
parler  des  merveilles  que  Dieu  T.isait  à  Port-Royal  par  la  Sainte-Epine,  y  envoya  des 
linges  qui  la  touchèrent,  et  qu'elle  appliqua  à  son  mal  le  17  août  dernier,  et  depuis  ce 
jour  elle  sentit  une  si  notable  diminution  de  son  mal,  que,...  le  vendredi  25,  toute  la 
communauté  en  rendit  grâces  à  Dieu  avec  elle;...  ce  qui  a  porté  les  religieuses  à  en- 
voyer à  la  mère  abbesse  de  Port-Royal  une  attestation  de  cette  guérison  miraculeuse, 
signée  des  otficières  de  la  maison,  et  accompagnée  de  l'attestation  des  deux  médecins 
et  du  chirurgien,  qui  déclarent,  etc..  Ces  actes  sont  datés  du  14  du  présent  mois  do 
septembre,  o  11  résulte  clairement  de  cette  dernière  phrase  que  la  Réponse  à  un  écrit, etc. 
a  paru  pendant  le  mois  de  septembre.  Et,  comme  évidemment  Pascal  n'a  pas  attendu, 
pour  donner  cette  nouvelle  à  Mlle  de  Roannez,  que  la  chose  fût  imprimée  et  publique, 
la  lettre  est  donc  antérieure  à  cette  Réponse.  Il  est  probable  même  qu'elle  a  été  écrite 
presque  immédiatement  après  le  prétendu  miracle,  c'est-à-dire  à  la  un  d'août,  ou  dans 
les  premiers  jours  de  septembre.  Mais  comme  le  huitième  Extrait  porte  en  lui-même, 
ainsi  que  je  l'ai  constaté,  la  date  de  l'Avent  de  cette  année,  et  même  la  date  plus  pré- 
ise  de  la  veille  de  Noël,  il  résulte  du  fait  reconnu  par  M.  Chavanms  une  preuve  nou- 
velle de  co  qui  a  déjà  été  indiqué  plus  haut  (page  3 14,  note  2),  que  ces  Extraits  n9  nous 
ont  pas  été  conservés  dans  l'ordre  où  ils  avaient  été  écrits. 


344  OPUSCULES  DE   PASCAL 

Perier,  notice  publiée  pour  la  première  fois  par  M.  Cousin  clans  la 
Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Chartes  (septembre  et  octobre  1843);  2°  Son 
article,  sous  le  nom  de  madame  la  duchesse  de  La  Feuillade,  dans  le 
Nécrologe  de  Port-Royal,  au  13  février  ;  3°  Une  note  du  Recueil  d'Utrccht, 
page  301.  Tous  ces  documents  ne  sont  encore  ni  assez  complets,  ni 
assez  exacts.  M.  Faugère,  clans  l'Introduction  de  son  édition  des  Pen- 
sées, p.  lxv,  a  donné  la  date  précise  de  la  naissance  de  Mlle  de  Roannez 
d'après  son  acte  de  baptême.  Elle  avait,  à  l'époque  de  ces  Lettres,  vingt- 
trois  ans,  dix  ans  de  moins  que  Pascal. 

Elle  subit  son  influence  aussi  bien  que  son  frère;  mais  femme,  et  d'une 
âme  faible,  ce  fut  pour  le  malheur  et  le  déchirement  de  toute  sa  vie 
qu'elle  fut  exposée  à  l'influence  de  ce  terrible  génie  et  au  zèle  farouche 
de  Port -Royal.  Plusieurs  endroits  de  ces  Lettres  témoignent  assez  de 
ce  que  lui  coûta  la  résolution  violente  à  laquelle  on  la  poussait  (voir 
particulièrement  les  Extraits  4,  7  et  8).  A  peine  l'avait-elle  accomplie 
et  était-elle  entrée  au  monastère,  que  sa  mère  obtint  une  lettre  de  ca- 
chet pour  l'en  faire  sortir.  Elle  obéit  avec  douleur,  mais  sa  ferveur  ne 
faisant  que  s'irriter  par  ces  obstacles,  elle  fit  avant  de  sortir  des  vœux 
simples  de  virginité.  Rentrée  chez  sa  mère,  elle  y  vécut  dans  la  retraite, 
soutenue  dans  sa  dévotion  par  celui  qui  l'y  avait  attirée.  Plus  d'un  an 
après  la  mort  de  Pascal,  il  se  présenta  une  circonstance  qui  la  troubla. 
Une  rencontre  préparée  lui  fit  revoir  l'homme  qui  la  recherchait  en 
mariage  à  l'époque  où  elle  s'était  jetée  à  Port-Royal.  «  Cet  homme  lui 
marqua  les  mêmes  empressements  qu'il  avait  fait  il  y  a  six  ou  sept  ans. 
Mlle  de  Roannez  fut  touchée.  »  Mais,  à  défaut  de  Pascal,  Mme  Perier, 
et  M.  Singlin  avec  elle,  ressaisirent  cette  âme  qui  se  laissait  aller  à  la 
douceur  d'être  aimée,  et  la  firent  rentrer  dans  la  voie  étroite  qu'on  lui 
avait  faite.   Puis   M.  Singlin  mourut,  Mme  Perier  quitta  Paris,    et 
Mlle  de  Roannez  fut  livrée  à  d'autres  conseils.  Son  frère,  renonçant  au 
monde,  avait  vendu  son  gouvernement,  et  s'était  retiré  à  la  maison 
des  Pères  de  l'Oratoire.  Ses  deux  sœurs  étaient  religieuses.   Mî!e  de 
Roannez  devenait  un  grand  parti,  et,  avec  l'agrément  de  la  cour,  pouvait 
porter  avec  elle  dans  une  autre  maison  le  duché  de  son  frère.  Un  conseil  de 
conscience  l'autorisa  à  se  faire  relever  de  son  vœu,  et  elle  devint,  en 
1667,  duchesse  de  La  Feuillade  (les  relations  ne  parlent  plus  de  celui  qui 
avait  pensé  àelle  en  d'autres  temps).  Dès  que  Port-Royal  avait  senti  sa 
conquête  lui  échapper  et  retourner  au  monde,  il  avait  été  indigné.  Le 
Recueil  d'Utrecht  (p.  309)  a  transcrit  une   lettre  d'Arnauld  àMme  Pe- 
rier, de  mars  1666,  où  se  lisent  ces  dures  paroles  :  «  Ce  n'est  pas  que 
les  exemples  dont  vous  me  parlez  ne  soient  de  terribles  leçons...  Celui 
que  vous  laissez  entendre  sans  le  marquer  expressément  e?t  \e  plug 


REMARQUES  SUR  LES  LETTRES  À  MeMe  UE  ROANNEZ  345 

effroyable,  n'y  ayant  rien  de  plus  touchant  que  ce  qu'a  écrit  autrefois 
de  ses  dispositions  cette  personne,  lorsqu'elle  s'engageait  à  Dieu  par 
tant  de  vœux,  et  n'y  ayant  rien  au  contraire  de  plus  scandaleux  que 
l'oubli  où  elle  paraît  être  aujourd'hui  de  toutes  ces  grâces  de  Dieu. 
Mais  la  frayeur  salutaire  que  ces  exemples  causent  nous  est  un  puissant 
moyen  pour  éviter  de  semblables  chutes.  Il  y  a  deux  choses  principa- 
lement qui  ont  pu  contribuer  à  la  perte  de  cette,  personne,  etc.  »  Mais 
elle  était  à  peine  mariée,  qu'elle  reconnut  sa  faute,  dit  le  Recueil  d'U- 
trccht,  et  commença  a  en  faire  pénitence.  Dieu  lui  offrit  dans  la  suite 
divers  moyens  de  la  faire,  qu'elle  accepta  avec  joie.  En  effet,  cruelle- 
ment frappée  dans  ses  enfants  l,  atteinte  elle-même  profondément 
dans  sa  santé,  elle  mourut  d'un  cancer  au  sein,  en  1683,  après  quinze 
ans  d'une  vie  qui  ne  fut  pas  seulement  consumée  par  tous  ces  maux, 
mais  par  les  scrupules  et  les  tourments  d'une  conscience  troublée. 
Elle  disait,  suivant  le  Nécrologe,  qu'elle  eût  été  plus  heureuse  de  vivre 
paralytique  à  Port-Royal,  que  comme  elle  vivait  dans  l'éclat  de  sa 
fortune.  Elle  laissa  trois  mille  livres  à  l'abbaye,  en  demandant  qu'on 
y  reçût  une  religieuse  converse  (c'est-à-dire  de  celles  qui  font  l'office 
de  servantes),  qui  remplirait  la  place  qu'elle  devait  tenir  elle-même, 
tâchant  de  perpétuer  ainsi  son  expiation.  Et  cependant  Port-Royal, 
dans  son  impitoyable  zèle,  n'a  pas  eu  pour  elle  une  parole  d'atten- 
drissement. 

Les  fragments  que  MM.  de  Port-Royal  ont  détachés  de  ces  Lettres 
pour  les  donner  au  public  ont  été  placés  dans  les  titres  xxvn  et  xxvm 
de  leur  édition,  Pensées  sur  les  miracles  et  Pensées  chrétiennes.  Ils  n'en 
indiquent  pas  l'origine,  et  surtout  ils  en  ont  effacé  ce  qui  en  fait  au- 
jourd'hui pour  nous  tout  l'intérêt.  Nous  sommes  effrayés,  en  lisant  ces 
Extraits,  des  ravages  qu'ont  dû  faire  dans  un  cœur  faible  l'éloquence 
fougueuse  de  Pascal,  sa  charité  avide  et  jalouse,  son  imagination  qui 
tour  à  tour  éblouit  et  épouvante.  Une  pareille  influence  dévore  autant 
qu'une  passion.  Tantôt  il  l'exalte  par  l'orgueil.  «Il  y  a  si  peu  de  per- 
sonnes à  qui  Dieu  se  fasse  paraître  par  ces  coups  extraordinaires,  qu'on 
doit  bien  profiter  de  ces  occasions,  puisqu'il  ne  sort  du  secret  de  la  nature 
qui  le  couvre  que  pour  exciter  notre  foi  à  le  servir  avec  d'autant  plus 
d'ardeur  que  nous  le  connaissons  avec  plus  de  certitude.  Rendons-lui 
des  grâces  infinies  de  ce  que,  s'étant  caché  en  toutes  choses  pour  les 
autres,  il  s'est  découvert  en  toutes  choses  et  en  tant  de  manières  pour 
nous.»  Le  Dieu  caché  invite  les  âmes  qu'il  aime  à  se  cacher  comme  lui. 
Mais  quel  éclat  sera  le  prix  de  cette  obscurité!  «  J'entre  en  une  vénéra- 

.  •  Le  premier  enfant  qu'elle  eut  ne  reçut  point  le  baptême.  Te  second  vint  au 
de  tout  contrefait.  Le  troisième  fut  une  fille  raine  qui  mourut  à  l'âge  de  dix-neuf 
■  Recueil  d' Utrecht. 


316  OPUSCULES  DE  PASCAL 

tion  qui  me  transit  de  respect  envers  ceux  qu'il  semble  avoir  choisis 
pour  ses  élus.  Je  vous  avoue  qu'il  me  semble  que  je  les  vois  déjà  dans 
un  de  ces  trônes  où  ceux  qui  auront  tout  quitté  jugeront  le  monde  avec 
Jésus-Christ.  »  Je  les  vois,  c'est-à-dire,  je  vous  vois;  mais  le  détour 
qu'a  pris  Pascal  lui  permet  seul  d'adresser  à  celle  à  qui  il  écrit  de  tels 
hommages.  Pourrait-il  lui  dire  en  face  :  Je  vous  vois  déjà  couronnée 

radieuse  au  haut  du  ciel? 

Et  puis  tout  à  coup  il  la  terrasse  en  ajoutant  : 

a  Mais,  quand  je  viens  à  penser  que  ces  mêmes  personnes  peuvent 
tomber,  et  être  au  contraire  au  nombre  malheureux  des  jugés,  et  qu'il 
y  en  aura  tant  qui  tomberont  de  la  gloire,  et  qui  laisseront  prendre  à 
d'autres  par  leur  négligence  la  couronne  que  Dieu  leur  avait  offerte, 
je  ne  puis  souffrir  cette  pensée;  et  l'effroi  que  j'aurais  de  les  voir  en 
cet  état  éternel  de  misère,  après  les  avoir  imaginées  avec  tant  de  rai- 
son dans  l'autre  état,  me  fait  détourner  l'esprit  de  cette  idée,  et  reve- 
nir à  Dieu  pour  le  prier  de  ne  pas  abandonner  les  faibles  créatures 
qu'il  s'est  acquises.  » 

Quelle  péripétie  1  quelle  secousse!  Mlle  de  Roannez  avait-elle  la  tête 
assez  forte  pour  supporter  de  tels  ébranlements?  Pouvait-elle  résister 
longtemps,  ainsi  suspendue  et  ballottée  entre  la  gloire  de  l'apothéose 
et  l'abîme  de  la  damnation? 

«Je  vous  dirai  pour  nouvelle  de  ce  qui  touche  ces  deux  personnes... 
je  plains  la  personne  que  vous  savez,  etc.  »  Ces  désignations  couvertes 
sont  dans  les  habitudes  de  Port-Royal,  réduit  à  s'envelopper  de  mys- 
tère en  toutes  choses.  Voici  ce  qu'on  lit  dans  une  Lettre  de  M.  de  Re- 
bours à  M.  de  Pontchâteau,  de  1651 ,  conservée  dans  le  Recueil  d'Utrecht, 
page  413  :  «  Vous  me  permettrez  encore,  monsieur,  de  vous  dire  qu'il 
esta  propos  que, dans  les  lettres  que  vous  nous  écrirez,  vous  ne  nom- 
miez personne,  comme  vous  pouvez  voir  que  j'ai  fait  en  celle-ci;  afin 
que  si,  par  quelque  mauvaise  rencontre,  les  lettres  venaient  à  se  per- 
dre, ou  à  tomber  en  des  mains  ennemies,  on  ne  pût  pas  avoir  pleine 
lumière  de  ce  qui  s'y  pourra  traiter.  » 


Il  y  a  dans  le  premier  Extrait  un  passage  fort  remarquable  : 
«  Je  loue  de  tout  mon  cœur  le  petit  zèle  que  j'ai  reconnu  dans  votre 
lettre  pour  l'union  avec  le  pape.  Le  corps  n'est  non  plus  vivant  sans 
le  chef  que  le  chef  sans  le  corps.  Quiconque  se  sépare  de  l'un  ou  de  l'au- 
tre n'est  plus  du  corps,  et  n'appartient  plus  à  Jésus-Christ.  Je  ne  sais 
s' il  y  a  des  personnes  dans  l'Église  plus  attachées  à  cette  unité  du  corps 
que  ceux  que  vous  appelez  nôtres.  Nous  savons  que  toutes  les  vertus, 


9/5*7 


REMARQUES  SUR  I,ES  LETTRES  A  Melle  DK  ROANNEZ  3  i  î 

Le  martyre,  les  austérités  et  toutes  los  bonnes  œuvres  sont  inutiles  hor 
de  l'Église,  et  de  la  communion  du  chef  do  l'Église,  qui  est  le  pape.  Je 
ne  me  séparerai  jamais  de  sa  communion  :  au  moins  je  prie  Dieu  de 
m'en  faire  la  grâce;  sans  quoi,  je  serais  perdu  pour  jamais.  » 

IMHe  de  Roannez,  toujours  en  proie  aux  scrupules  et  aux  incertitu- 
des, avait  sans  doute  été  troublée  de  la  crainte  que  ses  amis  ne  se  sé- 
parassent du  chef  de  l'Église.  Pascal  se  montre  tendre  et  même  impa- 
tient sur  ce  point,  où  il  sent  bien  qu'est  le  côté  faible  du  parti.  11  y  a  un 
peu  d'humeur  dans  sa  vive  réponse.  Le  petit  zèle,  ce  n'est  pas  le  peu  de 
zèle,  c'est  une  expression  qui  avertit  Mlle  de  Roannez  de  ne  pas 
prendre  ce  zèle  trop  au  sérieux.  Il  lui  parle  comme  à  un  enfant  à  qui 
on  sait  gré  d'un  bon  mouvement,  même  peu  raisonnable. 

Il  disait  de  même  d'ailleurs  dans  la  xvir*  Provinciale  :  «  Je  n'ai  d'at- 
tache sur  la  terre  qu'à  la  seule  église  catholique,  apostolique  et  romaine, 
dans  laquelle*  je  veux  vivre  et  mourir,  et  dans  la  communion  avec  le 
pape,  son  souverain  chef,  hors  de  laquelle  je  suis  très-persuadé  qu'il  n'y 
a  point  de  salut.  »  C'était  donc  sans  prétendre  se  séparer  de  la  commu- 
nion du  pape  qu'il  écrivait  les  dures  paroles  qu'on  a  lues  dans  les 
Pensées,  xxrv,  66.  Joseph  de  Maistre  a  relevé  fortement  cette  situation 
fausse  du  jansénisme.  (De  l'Eglise  gallicane,  I,  3  et  9.)  Voyez  aussi  le 
Port-Royal  de  M.  Sainte-Beuve,  lre  édit.,  tome  m,  page  26  et  page  157. 

Ces  mots  du  cinquième  Extrait  :  «  Les  rois  ont  une  obligation  in- 
signe à  ceux  qui  demeurent  dans  leur  obéissance  »,  sentent  bien  le 
voisinage  de  la  Fronde.  MM.  de  Port-Royal,  en  1670,  ont  imprimé 
seulement  que  les  rois  témoignent  d'ordinaire  avoir  de  Vobligation  à 
ceux,  etc. 


TROIS  DISCOURS  DE  PASCAL 

SUR   LA  CONDITION    DES  GRANDS. 


Ces  discours  ont  été  publiés  par  Nicole  dans  le  Traité  de  VÊducalion 
d'un  prince,  1670,  au  lendemain  de  la  publication  des  Pensées  de  Pas- 
cal. C'était  un  volume  comprenant  plusieurs  écrits  réunis  sous  ce  titre 
général,  De  C Éducation  d'un  prince,  qui  était  aussi  le  titre  particulier 
du  premier  de  ces  écrits.  L'auteur  n'avait  pas  encore  donné  ses  Essais 
de  Morale,  dont  le  premier  volume  parut  en  1671.  Plus  tard  il  réimpri- 
ma le  Traité  de  V Éducation  d'un  'prince,  en  supprimant  ce  titre  géné- 
ral, comme  second  volume  des  Essais  de  Morale.  Et  enfin,  dans  une 
troisième  édition  de  ce  volume,  qui  est  de  1679,  il  intervertit  l'ordre 
des  Traités  qui  le  composaient.  Celui  qui  porte  pour  titre  particulier, 
De  l'Education  d'un  prince,  ne  vint  plus  que  le  dernier.  Les  discours 
de  Pascal  se  trouvent  à  la  suite  du  traité  De  la  Grandeur.  Nicole  les  a 
fait  précéder  d'un  préambule  que  je  reproduirai  d'abord. 

«  Une  des  choses  sur  lesquelles  feu  M.  Pascal  avait  plus  de  vues, 
était  l'instruction  d'un  prince  que  l'on  tâcherait  d'élever  de  la  manière 
la  plus  proportionnée  à  l'état  où  Dieu  l'appelle,  et  la  plus  propre  pour 
le  rendre  capable  d'en  remplir  tous  les  devoirs  et  d'en  éviter  tous  les 
dangers.  On  lui  a  souvent  ouï  dire  qu'il  n'y  avait  rien  à  quoi  il  désirât 
plus  de  contribuer  s'il  y  était  engagé,  et  qu'il  sacrifierait  volontiers 
sa  vie  pour  une  chose  si  importante.  Et  comme  il  avait  accoutumé 
décrire  les  pensées  qui  lui  venaient  sur  les  sujets  dont  il  avait  l'esprit 
occupé,  ceux  qui  l'ont  connu  se  sont  étonnés  de  n'avoir  rien  trouvé 
dans  celles  qui  sont  restées  de  lui,  qui  regardât  expressément  cette  ma- 
tière, quoique  l'on  puisse  dire  en  un  sens  qu'elles  la  regardent  toutes, 
n'y  ayant  guère  de  livres  qui  puissent  plus  servir  à  former  l'esprit 
d'un  prince  que  le  recueil  que  l'on  en  a  fait. 

«  Il  faut  donc,  ou  que  ce  qu'il  a  écrit  de  cette  matière  ait  été  per- 
du, ou  qu'ayant  ces  pensées  extrêmement  présentes  il  ait  négligé  de 
les  écrire.  Et  comme  par  l'une  et  l'autre  cause  le  public  s'en  trouve 


TROIS  DISCOURS  SUR  LA  CONDITION   DES  GRANDS  349 

également  privé,  il  est  venu  dans  L'esprit  d'une  personne,  qui  a  assisté 
à  trois  discours  assez  courts  qu'il  fit  à  un  enfant  de  grande  condition  *■ 
et  dont  l'esprit,  qui  était  extrêmement  avancé,  était  déjà  capable  de? 
vérités  les  plus  fortes,  d'écrire  neuf  ou  dix  ans  après  2  ce  qu'il  en  a 
retenu.  Or,  quoique  après  un  si  long  temps  il  ne  puisse  pas  dire  que 
ce  soient  les  propres  paroles  dont  M.  Pascal  se  servit  alors,  néanmoins 
tout  ce  qu'il  disait  faisait  une  impression  si  vive  sur  l'esprit,  qu'il 
n'était  pas  possible  de  l'oublier.  Et  ainsi  il  peut  assurer  que  ce  sont  au 
moins  ses  pensées  ou  ses  sentiments.  » 

Nicole  lui-même  est  probablement  cette  personne  qui  avait  assisté  è 
ces  discours,  et  qui  les  a  rédigés  de  mémoire  longtemps  après.  Et,  mal- 
gré son  témoignage  si  remarquable  sur  la  profonde  impression  que 
faisait  cette  grande  parole,  et  sur  l'impossibilité  de  l'oublier,  il  est  clair 
que  ce  n'est  plus  la  voix  même  de  Pascal,  mais  celle  de  Nicole,  que 
nous  entendons.  En  effet,  on  ne  retrouvera  pas  ici,  comme  on  la  re- 
trouvait dans  l'Entretien  avec  M.  de  Saci,  la  fierté  et  la  véhémence  du 
style  de  Pascal,  si  ce  n'est  dans  quelques  traits  détachés,  dont  la  har- 
diesse ou  la  brusquerie  avait  frappé  davantage  l'imagination  de  Nicole, 
et  élait  resiée  dans  sa  mémoire. 

Celte  phrase  de  Nicole  :  Et  comme  par  l'une  et  Vautre  cause  le  public 
s'en  trouve  également  privé,  il  est  venu  dans  V esprit  d'une  personne, 
etc.,  fait  voir  que  Nicole  n'a  songé  à  rédiger  ces  discours  que  vers  le 
temps  de  la  première  édition  des  Pensées,  c'est-à-dire  à  l'époque  même 
où  il  les  a  donnés  au  publie;  et  comme  ils  remontaient  à  neuf  ou  dix 
ans,  ils  sont  donc  des  dernières  années  de  la  vie  de  Pascal.  On  a  sup- 
posé, et  cette  supposition  a  été  admise  généralement,  que  le  jeune 
seigneur  auquel  s'adressait  Pascal  était  le  duc  de  Roannez;  mais  cela 
ne  peut  pas  être.  Le  duc  était  né  vers  1630  3;  on  ne  peut  donc  se  le 
représenter,  vers  1660,  comme  un  enfant  très-avancé  pour  son  âge, 
suivant  les  termes  de  Nicole.  On  ne  gagne  rien  en  reculant  ces  entre- 
tiens, comme  on  a  voulu  le  faire,  jusqu'à  la  date  de  1652;  car  le  duc 
de  Roannez  aurait  eu  déjà  vingt-deux  ans.  Il  n'avait  que  sept  ans  de 
moins  que  Pascal;  il  s'était  lié  avec  lui,  comme  voisin  et  comme  ama- 
teur de  bel  esprit  et  de  science,  dans  un  temps  où  Pascal  vivait  comme 
tout  le  monde,  et  n'avait  point  autorité  pour  prêcher  ainsi.  Il  est 
clair  que  Pascal  n'a  pu  tenir  ce  langage  que  depuis  sa  retraite  à  Port- 
Royal,  et  c'est  ainsi  que  Nicole  a  pu  se  trouver  présent  à  ces  entretiens. 

1.  Dans  les  Essais  de  Morale,  on  trouve  partout  qualité  au  lieu  de  condition. 

t.  Dans  la  première  édition,  Nicole  avait  mis,  sept  ou  huit. 

3.  «  Il  n'avait  guère  que  vingt-quatre  ans,  dit  le  Recueil  d'Utrecht,  lorsque  M.  Pascal 
s'élant  donné  à  Dieu,  lui  persuada  d'entrer  dans  les  mêmes  sentiments  que  lui,  et  de  se 
mettre  sous  la  conduite  de  M.  Singlin.  •  Or  on  sait  que  cette  conversion  de  Pascal  est 
de  1^4.  _„ 

II.  "* 


350  OPUSCULES   DE   PASCAL 

El  il  fallait  bien,  ce  me  semble,  que  celui  à  qui  ces  discours  s'adres- 
saient ne  fût  qu'un  enfant,  comme  le  dit  Nicole,  pour  qu'on  se  permît 
de  lui  faire  la  leçon  de  ce  ton  âpre  et  despotique.  Si  Nicole  lui-même 
a  dit  quelque  part  (Lettre  a  M.  de  Sévigné  sur  les  Pensées)  que  son 
amour-propre  n'aimait  pas  hêtre  régenté  si  fièrement,  à  plus  forte  rai- 
son un  jeune  duc  et  pair  déjà  homme  eût  trouvé  mauvais,  je  crois, 
qu'on  lui  dît  en  face,  et  devant  un  tiers,  ces  vérités  dures  et  durement 
présentées.  Mais  un  enfant  pouvait  écouter  cela  comme  il  écoutait  une 
leçon  en  classe  ou  un  catéchisme.  Maintenant,  quel  nom  faut-il  mettre 
à  la  place  de  celui  du  duc  de  Roannez? 

Je  crois  pouvoir  affirmer  que  cet  enfant  de  grande  condition,  comme 
dit  Nicole,  était  le  fils  aîné  du  duc  de  Luyncs,  connu  depuis  sous  le 
titre  de  duc  de  Ghevreuse,  qui  lui  fut  donné  lors  de  son  mariage. 

On  peut  voir  à  son  sujet  les  Mémoires  de  Saint-Simon,  à  l'année 
1712.  Il  était  né  en  octobre  1646;  il  pouvait  donc  avoir  quatorze  ans 
quand  Pascal  lui  adressait  ces  leçons.  C'est  aussi  pour  lui  que  fut 
composée  la  Logique  de  Port- Royal  ,. 

I. 

Pour  entrer  dans  la  véritable  connaissance  de  votre  condi- 
tion, considérez-la  dans  cette  image. 

Un  homme  est  jeté  par  la  tempête  dans  une  île  inconnue,  dont 
les  habitants  étaient  en  peine  de  trouver  leur  roi,  qui  s'était 
perdu  ;  et,  ayant  beaucoup  de  ressemblance  de  corps  et  de  vi- 
sage avec  ce  roi,  il  est  pris  pour  lui,  et  reconnu  en  cette  qua- 
lité par  tout  ce  peuple.  D'abord  il  ne  savait  quel  parti  pren- 
dre ;  mais  il  se  résolut  eniin  de  se  prêter  à  sa  bonne  fortune. 

1.  Je  transcris  quelques  lignes  de  Saint-Simon,  tome  x,  page  266,  de  l'édition  in-8°  de 
M.  Chéruel  :  «  Né  avec  beaucoup  d'esprit  naturel,  d'agrément  dans  l'esprit,  de  goût  pour 
l'application,  et  de  facilité  pour  le  travail  et  pour  toutes  sortes  de  sciences,  une  justesse 
d'expression  sans  recherche  et  qui  coulait  de  source,  une  abondance  de  pensées,  une 
aisance  à  les  rendre  et  à  expliquer  les  choses  les  plus  abstraites  ou  les  plus  embarras- 
sées avec  la  dernière  netteté  et  la  précision  la  plus  exacte,  il  reçut  la  plus  parfaite 
éducation  des  plus  grands  maîtres  en  ce  genre,  qui  lui  donnèrent  toute  leur  affection  et 
tous  leurs  rares  talents. 

t>  Le  duc  de  Luynes  son  père  n'avait  ni  moins  d'esprit...,  ni  moins  d'application  et  da 
«avoir.  Il  s'était  lié,  par  le  voisinage  de  Dampierre,  avec  les  solitaires  de  Port-Royal- 
des-Champs,  et  après  la  mort  de  sa  première  femme,  mère  du  duc  de  Chevreuse, 
s'y  était  retiré  avec  eux;  il  avait  pris  part  à  leur  pénitence  et  à  quelques-uns  de  leurs 
ouvrages,  et  il  les  pria  de  prendre  soin  d>'  l'insl nie lion  de  ton  fils...  Ces  messieurs  y  mirent 
tous  leurs  soins  par  attachement  pour  le  père,  et  par  celui  que  leur  donna  pour  leur 
élève  le  fonds   de  douceur,  de  sagesse  et  de  talents  qu'ils  y  trouvèrent  à  cultiver.  » 

Saint-Simon  nous  le  représente  clans  ce  même  chapitre  comme  amoureuxpar  nature  des 
voies  obliques  en  matière  de  raisonnement,  comme  possédé  par  un  goût  de  raisonnements 
peu  naturels.  C'était  donc  un  écolier  admirablement  disposé  pour  recevoir  les  leçons 
paradoxales   de  Pascal. 


TROIS  DISCOURS  SOfi  LA  CONDITION   t>ES  CrRANnS  351 

Il  reçut  tous  les  respects  qu'on  lui  voulut  rendre,  et  il  se  laissa 
traiter  de  roi 

Mais  comme  il  ne  pouvait  oublier  sa  condition  naturelle,  il 
songeait,  en  même  temps  qu'il  recevait  ces  respects,  qu'il  n'é- 
tait pas  ce  roi  que  ce  peuple  cherchait,  et  que  ce  royaume  ne 
lui  appartenait  pas.  Ainsi  il  avait  une  double  pensée:  l'une 
par  laquelle  il  agissait  en  roi,  l'autre  par  laquelle  il  reconnais- 
sait son  état  véritable,  et  que  ce  n'était  que  le  hasard  qui  l'a- 
vait mis  en  la  place  où  il  était.  Il  cachait  cette  dernière  pensée, 
et  il  découvrait  l'autre.  C'était  par  la  première  qu'il  traitait 
avec  le  peuple,  et  par  la  dernière  qu'il   traitait  avec  soi-même. 

Ne  vous  imaginez  pas  que  ce  soit  par  un  moindre  hasard 
que  vous  possédez  les  richesses  dont  vous  vous  trouvez 
maître,  que  celui  par  lequel  cet  homme  se  trouvait  roi.  Vous 
n'y  avez  aucun  droit  de  vous-même  et  par  votre  nature,  non 
plus  que  lui;  et  non- seulement  vous  ne  vous  trouvez  fils  d'un 
duc,  mais  vous  ne  vous  trouvez  au  monde,  que  par  une  infi- 
nité de  hasards.  Votre  naissance  dépend  d'un  mariage,  ou  plu- 
tôt de  tous  les  mariages  de  ceux  dont  vous  descendez.  Mais  ces 
mariages,  d'où  dépendent-ils?  d'une  visite  faite  par  rencontre, 
d'un  discours  en  l'air,  de  mille  occasions  imprévues1. 

Vous  tenez,  dites-vous,  vos  richesses  de  vos  ancêtres  ;  mais 
n'est-ce  pas  par  mille  hasards  que  vos  ancêtres  les  ont  acqui- 
ses et  qu'ils  les  ont  conservées?  Mille  autres,-  aussi  habiles 
qu'eux,  ou  n'en  ont  pu  acquérir,  ou  les  ont  perdues  après  les 
avoir  acquises.  Vous  imaginez- vous  aussi  que  ce  soit  par  quel- 
que voie  naturelle  que  ces  biens  ont  passé  de  vos  ancêtres  à 
vous?  Cela  n'est  pas  véritable.  Cet  ordre  n'est  fondé  que  sur 
la  seule  volonté  des  législateurs ,  qui  ont  pu  avoir  de  bonnes 
raisons,  mais  dont  aucune  n'est  prise  d'un  droit  naturel  que 
vous  ayez  sur  ces  choses.  S'il  leur  avait  plu  d'ordonner  que 
ces  biens,  après  avoir  été  possédés  par  les  pères  durant  leur 
vie,  retourneraient  à  la  république  après  leur  mort,  vous  n'au- 
riez aucun  sujet  de  vous  en  plaindre. 

Ainsi  tout  le  titre  par  lequel  vous  possédez  votre  bien  n'est 

t.  Dans  certaines  éditions  des  Essais,  on  renvoie  ici  aux  Pensées  dioerses,  qui  sont  dans 
la  fin  du  vi«  volume.  On  retrouve  en  effet  les  mêmes  idées  dans  la  103e,  qui  a  pour  titre  : 
Etendue  de  la  reconnaissance. 


352  OPUSCULES  T)E  PASCAL 

pas  un  titre  de  nature,  niais  d'un  établissement  humain.  Un 
autre  tour  d'imagination  dans  ceux  qui  ont  fait  les  lois  vous 
aurait  rendu  pauvre  ;  et  ce  n'est  que  cette  rencontre  du  hasard 
qui  vous  a  fait  naître  avec  la  fantaisie  des  lois  favorables  à  vo- 
tre égard,  qui  vous  met  en  possession  de  tous  ces  biens. 

Je  ne  veux  pas  dire  qu'ils  ne  vous  appartiennent  pas  légi- 
timement, et  qu'il  soit  permis  à  un  autre  de  vous  les  ravir;  car 
Dieu,  qui  en  est  le  maître,  a  permis  aux  sociétés  de  faire  des 
lois  pour  les  partager;  et  quand  ces  lois  sont  une  fois  éta- 
blies, il  est  injuste  de  les  violer.  C'est  ce  qui  vous  distingue 
un  peu  de  cet  homme  qui  ne  posséderait  son  royaume  que  par 
l'erreur  du  peuple,  parce  que  Dieu  n'autoriserait  pas  cette  pos- 
session et  l'obligerait  à  y  renoncer,  au  lieu  qu'il  autorise  la 
vôtre.  Mais  ce  qui  vous  est  entièrement  commun  avec  lui,  c'est 
que  ce  droit  que  vous  y  avez  n'est  point  fondé,  non  plus  que 
le  sien,  sur  quelque  qualité  et  sur  quelque  mérite  qui  soit 
en  vous  et  qui  vous  en  rende  digne.  Votre  âme  et  votre  corps 
sont  d'eux-mêmes  indifférents  à  l'état  de  batelier  ou  à  celui 
de  duc;  et  il  n'y  a  nul  lien  naturel  qui  les  attache  à  une  con- 
dition plutôt  qu'à  une  autre. 

Que  s'ensuit-il  de  là?  Que  vous  devez  avoir,  comme  cet 
homme  dont  nous  avons  parlé,  une  double  pensée  ;  et  que,  si 
vous  agissez  extérieurement  avec  les  hommes  selon  votre  rang, 
vous  devez  recpnnaître,  par  une  pensée  plus  cachée  mais  plus 
véritable,  que  vous  n'avez  rien  naturellement  au-dessus  d'eux. 
Si  la  pensée  publique  vous  élève  au-dessus  du  commun  des 
hommes,  que  l'autre  vous  abaisse  et  vous  tienne  dans  une 
parfaite  égalité  avec  tous  les  hommes  ;  car  c'est  votre  état  naturel. 

Le  peuple  qui  vous  admire  ne  connaît  pas  peut-être  ce  se- 
cret. Il  croit  que  la  noblesse  est  une  grandeur  réelle,  et  il  con- 
sidère presque  les  grands  comme  étant  d'une  autre  nature  que 
les  autres.  Ne  leur  découvrez  pas  cette  erreur,  si  vous  voulez; 
mais  n'abusez  pas  de  cette  élévation  avec  insolence,  et  surtout 
ne  vous  méconnaissez  pas  vous-même  en  croyant  que  votre 
être  a  quelque  chose  de  plus  élevé  que  celui  des  autres. 

Que  diriez -vous  de  cet  homme  qui  aurait  été  fait  roi  par 
l'erreur  du  peuple,  s'il  venait  à  oublier  tellement  sa  condition 
naturelle,  qu'il  s'imaginât  que  ce  royaume  lui  était  dû,  qu'il  le 


TROIS  DISCOURS  SUR   LA  CONDITION    DES  GRANDS  353 

méritait,  et  qu'il  lui  appartenait  de  droit?  Vous  admireriez  sa 
Bottise  el  sa  folie.   Mais  yen  a-t-il  moins  dans  les  personnes 
le  condition  qui  vivent  dans  un  si  étrange  oubli  de  leur  état 
naturel? 

Que  cet  avis  est  important!  Car  tous  les  emportements,  toute 
la  violence  et  toute  la  vanité  desgrands  vient  de  cequ'ils  ne  con- 
naissent point  ce  qu'ils  sont,  étant  difficile  que  ceux  qui  se  regar- 
deraient intérieurement  comme  égaux  à  tous  les  hommes,  et  qui 
seraient  bien  persuadés  qu'ils  n'ont  rien  en  eux  qui  mérite  ces 
petits  avantages  que  Dieu  leur  a  donnés  au-dessus  des  autres, 
les  traitassent  avec  insolence.  Il  faut  s'oublier  soi-même  pour 
cela,  et  croire  qu'ona  quelque  excellence  réelle  au-dessus  d'eux; 
en  quoi  consiste  cette  illusion  que  je  tâche  de  vous  découvrir. 

II. 

Il  est  bon,  monsieur,  que  vous  sachiez  ce  que  Ton  vous  doit, 
afin  que  vous  ne  prétendiez  pas  exiger  des  hommes  ce  qui  ne 
vous  est  pas  dû;  car  c'est  une  injustice  visible  :  et  cependant 
elle  est  fort  commune  à  ceux  de  votre  condition,  parce  qu'ils 
en  ignorent  la  nature. 

Il  y  a  dans  le  monde  deux  sortes  de  grandeurs;  car  il  y  a 
des  grandeurs  d'établissement  et  des  grandeurs  naturelles. 
Les  grandeurs  d'établissement  dépendent  de  la  volonté  des 
hommes ,  qui  ont  cru  avec  raison  devoir  honorer  certains 
états  et  y  attacher  certains  respects.  Les  dignités  et  la  no- 
blesse sont  de  ce  genre.  En  un  pays  on  honore  les  nobles,  en 
l'autre  les  roturiers  ;  en  celui-ci  les  aînés,  en  cet  autre  les  ca- 
dets. Pourquoi  cela?  parce  qu'il  a  plu  aux  hommes.  La  chose 
était  indifférente  avant  l'établissement;  après  l'établissement, 
elle  devient  juste,  parce  qu'il  est  injuste  de  le  troubler1. 
,  Les  grandeurs  naturelles  sont  celles  qui  sont  indépendantes 
de  la  fantaisie  des  hommes,  parce  qu'elles  consistent  dans  les 
qualités  réelles  et  effectives  de  l'âme  ou  du  corps,  qui  ren- 
dent l'une  ou  l'autre  plus  estimables,  comme  les  sciences,  la 
lumière  de  l'esprit,  la  vertu,  la  santé,  la  force. 

Nous  devons  quelque  chose  à  l'une  et  à  l'autre  de  ces  gran* 

1.  Il  y  a,  In  troubler,  dans  Nicole  (dan?  ia  troisième  édition  comme  dans  \a  première), 
mais  il  semble  bien  que  c'est  une  faute,  et  plus  tard  ou  a  substitué  le. 


354  OPUSCULES  DE  PASCAL 

deurs  ;  mais  comme  elles  sont  d'une  nature  différente,  nous 
leur  devons  aussi  différents  respects.  Aux  grandeurs  d'établis- 
sement, nous  leur  devons  des  respects  d'établissement,  c'est-à- 
dire  certaines  cérémonies  extérieures,  qui  doivent  être  néan- 
moins accompagnées,  selon  la  raison,  d'une  reconnaissance 
intérieure  de  la  justice  de  cet  ordre,  mais  qui  ne  nous  font 
pas  concevoir  quelque  qualité  réelle  en  ceux  que  nous  hono- 
rons de  cette  sorte.  Il  faut  parler  aux  rois  à  genoux;  il  faut 
se  tenir  debout  dans  la  chambre  des  princes.  C'est  une  sottise 
et  une  bassesse  d'esprit  que  de  leur  refuser  ces  devoirs. 

Mais  pour  les  respects  naturels,  qui  consistent  dans  l'estime, 
nous  ne  les  devons  qu'aux  grandeurs  naturelles  ;  et  nous  de- 
vons au  contraire  le  mépris  et  l'aversion  aux  qualités  contrai- 
res à  ces  grandeurs  naturelles.  Il  n'est  pas  nécessaire,  parce 
que  vous  êtes  duc,  que  je  vous  estime;  mais  il  est  nécessaire 
que  je  vous  salue.  Si  vous  êtes  duc  et  honnête  homme,  je  ren- 
drai ce  que  je  dois  à  l'une  et  à  l'autre  de  ces  qualités.  Je  ne 
vous  refuserai  point  les  cérémonies  que  mérite  votre  qualité 
de  duc,  ni  l'estime  que  mérite  celle  d'honnête  homme.  Mais 
si  vous  étiez  duc  sans  être  honnête  homme,  je  vous  ferais  en- 
core justice;  car,  en  vous  rendant  les  devoirs  extérieurs  que 
l'ordre  des  hommes  a  attachés  à  votre  naissance,  je  ne  man- 
querais pas  d'avoir  pour  vous  le  mépris  intérieur  que  mérite- 
rait la  bassesse  de  votre  esprit. 

Voilà  en  quoi  consiste  la  justice  de  ces  devoirs.  Et  l'injustice 
consiste  à  attacher  les  respects  naturels  aux  grandeurs  d'éta- 
blissement, ou  à  exiger  les  respects  d'établissement  pour  les 
grandeurs  naturelles.  Monsieur  N.  est  un  plus  grand  géomètre 
que  moi;  en  cette  qualité  il  veut  passer  devant  moi  :  je  lui 
dirai  qu'il  n'y  entend  rien.  La  géométrie  est  une  grandeur  natu- 
relle ;  elle  demande  une  préférence  d'estime  ;  mais  les  hommes 
n'y  ont  attaché  aucune  préférence  extérieure.  Je  passerai  donc 
devant  lui,  et  Festimerai  plus  que  moi,  en  qualité  de  géomè- 
tre. De  même  si,  étant  duc  et  pair,  vous  ne  vous  contentiez 
pas  que  je  me  tinsse  découvert  devant  vous,  et  que  vous  vou- 
lussiez encore  que  je  vous  estimasse,  je  vous  prierais  de  me 
montrer  les  qualités  qui  méritent  mon  estime.  Si  vous  le  fai- 
siez, elle  vous  est  acquise,  et  je  ne  pourrais  vous  la  refuser 


TROTS   DISCOURS   SUR    LA   CONDITION    DES  GRANDS  355 

avec  justice;  mais,  si  vous  ne  le  faisiez  pas,  vous  seriez  injuste 
de  me  la  demander;  et  assurément  vous  n'y  réussiriez  pas, 
fussiez-vous  le  plus  grand  prince  du  inonde. 

III. 

Je  vous  veux  faire  connaître,  monsieur,  votre  condition  vé- 
ritable; car  c'est  la  chose  du  monde  que  les  personnes  de  votre 
sorte  ignorent  le  plus.  Qu'est-ce,  à  votre  avis,  que  d'être  grand 
seigneur?  C'est  être  maître  de  plusieurs  objets  de  la  concupis- 
cence des  hommes,  et  ainsi  pouvoir  satisfaire  aux  besoins  et 
aux  désirs  de  plusieurs.  Ce  sont  ces  besoins  et  ces  désirs  qui  les 
attirent  auprès  de  vous,  et  qui  font  qu'ils  se  soumettent  à  vous; 
sans  cela,  ils  ne  vous  regarderaient  pas  seulement.  Mais  ils 
espèrent,  par  ces  services  et  ces  déférences  qu'ils  vous  rendent, 
obtenir  de  vous  quelque  part  de  ces  biens  qu'ils  désirent  et 
dont  ils  voient  que  vous  disposez. 

Dieu  est  environné  de  gens  pleins  de  charité,  qui  lui  deman- 
dent les  biens  de  la  charité  qui  sont  en  sa  puissance  :  ainsi  il 
est  proprement  le  roi  de  la  charité.  Vous  êtes  de  même  envi- 
ronné d'un  petit  nombre  de  personnes,  sur  qui  vous  régnez  en 
votre  manière.  Ces  gens  sont  pleins  de  concupiscence.  Ils  vous 
demandent  les  biens  de  la  concupiscence  ;  c'est  la  concupiscence 
qui  les  attache  à  vous.  Vous  êtes  donc  proprement  un  roi  de 
concupiscence.  Votre  royaume  est  de  peu  d'étendue,  mais  vous 
êtes  égal  en  cela  aux  plus  grands  rois  de  la  terre  :  ils  sont 
comme  vous  des  rois  de  concupiscence.  C'est  la  concupiscence 
qui  fait  leur  force,  c'est-à-dire  la  possession  des  choses  que 
la  cupidité  des  hommes  désire. 

Mais  en  connaissant  votre  condition  naturelle ,  usez  des 
moyens  qu'elle  vous  donne,  et  ne  prétendez  pas  régner  par 
une  autre  voie  que  par  celle  qui  vous  fait  roi.  Ce  n'est  point 
votre  force  et  votre  puissance  naturelle  qui  vous  assujettit  tou- 
tes ces  personnes.  Ne  prétendez  donc  point  les  dominer  par 
la  force,  ni  les  traiter  avec  dureté.  Contentez  leurs  justes  dé- 
sirs, soulagez  leurs  nécessités,  mettez  votre  plaisir  à  être  bien- 
faisant; avancez-les  autant  que  vous  le  pourrez,  et  vous  agirez 
en  vrai  roi  de  concupiscence. 

Ce  que  je  vous  dis  ne  va  pas  bien  loin,  et,  si  vous  en  demeu- 


356  OPUSCULES  DE  PASCAL 

rez  là,  vous  ne  laisserez  pas  de  vous  perdre  ;  mais  au  moins 
vous  vous  perdrez  en  honnête  homme.  Il  y  a  des  gens  qui  se 
damnent  si  sottement,  par  l'avarice,  par  la  brutalité,  par  les 
débauches,  par  la  violence,  par  les  emportements,  par  les  blas- 
phèmes! Le  moyen  que  je  vous  ouvre  est  sans  doute  plus 
honnête;  mais,  en  vérité,  c'est  toujours  une  grande  folie  que  de 
se  damner;  et  c'est  pourquoi  il  ne  faut  pas  en  demeurer  là.  11 
faut  mépriser  la  concupiscence  et  son  royaume,  et  aspirer  à  ce 
royaume  de  charité,  où  tous  les  sujets  ne  respirent  que  la  cha- 
rité, et  ne  désirent  que  les  biens  de  la  charité.  D'autres  que  moi 
vous  en  diront  le  chemin  ;  il  me  suffit  de  vous  avoir  détourné 
de  ces  vies  brutales  où  je  vois  que  plusieurs  personnes  de  votre 
condition  se  laissent  emporter ,  faute  de  bien  connaître  l'état 
véritable  de  cette  condition. 


REMARQUES  SUR    LES    DISCOURS    SUR    LA  CONDITION 

DES    GRANDS. 

Cesdiscours  sont  pleins  d'idées  particulières  à  Pascal  et  qui  se  retrou- 
vent dans  les  Pensées.  On  a  vu  là  cette  île  inconnue  où  l'homme  est 
jeté  (art.  xi,  8);  cette  double  pensée  ou  pensée  de  derrière  (v,  9;  xxiv, 
90);  cette  négation  du  droit  de  propriété  (vi,  7  bis  et  50);  cette  illusion 
que  se  fait  le  peuple  ou  le  grand  nombre  (v,  2,  etc.);  ces  respects  d'éta- 
blissement si  peu  sérieux  (v,  6  et  11  ;  vi,  10,  37;  xxv,  119).  Cependant 
certaines  choses  qui,  dans  les  Pensées,  paraissent  déjà  indiscrètes  et 
hasardées,  semblent  l'être  encore  davantage  ici. 

«  Cet  ordre  n'est  fondé  que  sur  la  seule  volonté  des  législateurs,  qui 
ont  pu  avoir  de  bonnes  raisons,  mais  dont  aucune  n'est  prise  d'un  droit 
naturel  que  vous  ayez  sur  ces  choses.  S'il  leur  avait  plu  d'ordonner 
que  ces  biens,  après  avoir  été  possédés  par  les  pères  durant  leur  vie, 
retourneraient  à  la  république  après  leur  mort,  vous  n'auriez  aucun 
sujet  de  vous  en  plaindre.  » 

Pascal  oublie  que,  pour  qu'on  n'ait  pas  à  se  plaindre,  il  ne  suffit  pas 
qu'il  plaise  aux  législateurs  de  faire  ainsi  ;  il  faut  encore  qu'ils  aient 
de  bonnes  raisons,  comme  lui-même  vient  de  dire.  Tradition  ou  para- 
doxe, rien  ne  peut  plus  se  justifier  aujourd'hui  que  par  les  bonnes  rai- 
sons. Les  systèmes,  vieilleries  ou  nouveautés,  auxquels  manqueraient 
les  raisons,  il  faudrait  les  laisser  tomber  sans  les  défendre. 


REMARQUES  SUR  LES  DISCOURS  SUR  LES  GRANDS  o.r>7 

Quand  Pascal  établit  que  les  grands  sont,  des  rois  de  concupiscence  et 
qu'il  en  conclut  qu'ils  ne  doivent  pas  régner  par  une  autre  voie  que  par 
celle  qui  les  a  faits  rois,  c'est-à-dire  qu'ils  ne  doivent  pas  être  durs, 
mais  satisfaire  de  leur  mieux  la  concupiscence  de  ceux  qui  les  servent, 
quoi  qu'on  doive  penser  de  ce  conseil,  il  contredit  ce  que  Pascal  lui- 
même  a  dit  ailleurs.  Il  soutient,  en  effet,  que  la  soumission  des  hom- 
mes aux  puissants  est  encore  plus  fondée  sur  la  crainte  des  maux  que 
sur  le  désir  des  biens  (voy.  v,  13)  :  d'où  il  s'ensuivrait  que,  quand  ils 
régnent  par  la  dureté  et  la  force,  c'est-à-dire  par  la  crainte,  ils  ré- 
gnent plus  que  jamais  par  la  voie  qui  les  fait  rois. 

L'originalité  de  Pascal  éclate  dans  des  traits  tels  que  ceux-ci  : 

«  Votre  âme  et  votre  corps  sont  d'eux-mêmes  indifférents  à  l'état  de 
batelier  ou  à  celui  de  duc.  »  —  «  Il  n'est  pas  nécessaire,  parce  que  vous 
êtes  duc,  que  je  vous  estime,  mais  il  est  nécessaire  que  je  vous  salue.  » 
—  «  Vous  ne  laisserez  pas  de  vous  perdre,  mais  au  moins  vous  vous 
perdrez  en  honnête  homme  [en  galant  homme}.  Il  y  a  des  gens  qui  se 
damnent  si  sottement!  etc.  » 

Mais  son  génie  est  surtout  dans  ce  singulier  mélange  d'un  scep- 
ticisme qui  semble  tout  détruire,  et  d'un  dogmatisme  qui  acquiesce 
à  tout.  Il  passe  du  plus  grand  mépris  au  plus  grand  respect,  à  l'égard 
des  choses  établies;  il  sape  les  fondements  de  l'édifice,  et  ne  prétend 
pas  qu'on  en  dérange  une  seule  pierre.  Vous  n'avez  droit  à  rien,  dit-il, 
par  la  nature  et  la  raison  ;  et  ensuite  :  Vous  avez  droit  à  tout  par  la 
volonté  de  Dieu.  Il  les  gourmande,  il  les  gronde,  il  les  maltraite;  cha- 
cune de  ses  paroles  les  humilie;  il  les  salue  ironiquement  du  nom  de 
rois  de  concupiscence;  mais  il  ne  lui  vient  pas  même  en  pensée  de  se 
demander  si,  en  effet,  c'est  bien  Tordre  de  Dieu  et  la  loi  du  genre 
humain,  que  quelques  hommes  régnent  ainsi  sur  la  concupiscence  des 
autres  hommes,  et  disposent  selon  leurs  caprices  des  objets  du  désir  de 
tous.  Il  juge  le  présent,  il  n'en  est  pas  dupe,  ou  du  moins  pas  à  la 
façon  vulgaire  ;  c'est  assez  pour  lui,  et  il  ne  va  pas  plus  loin  :  il  n'a  sur 
l'avenir  ni  un  pressentiment  ni  un  vœu.  Et  la  portée  de  sa  morale  ne 
dépasse  pas  celle  de  sa  politique.  S'il  avait  cru  à  la  raison  et  à  la  jus- 
tice, voici  ce  qu'il  pouvait  dire  aux  grands  :  Les  hommes  respectent 
votre  grandeur,  ils  ne  le  feront  pas  longtemps,  si  vous  ne  la  leur  faites 
paraître  respectable  ;  et  le  seul  moyen  qu'elle  le  paraisse,  c'est  que  là  où 
est  la  supériorité  du  rang  et  de  la  fortune,  vous  mettiez  aussi  la  supé- 
riorité de  l'intelligence,  du  dévouement  et  des  services.  Au  lieu  de  croire 
donc  qu'il  y  a  deux  sortes  de  grandeurs  qui  n'ont  rien  de  commun 
l'une  avec  l'autre,  et  que  les  grandeurs  d'établissement  ne  dépendent 
que  de  la  volonté  des  hommes,  croyez  au  contraire  que  les  grandeurs 


358  OPUSCULES  DE  PASCAL 

d'établissement  n'ont  pu  avoir  leur  raison  que  clans  les  grandeurs  na- 
turelles, qui  seules  les  peuvent  soutenir.  Soyez  donc  les  véritables 
grands  de  votre  patrie  :  voilà  vos  devoirs  en  un  mot.  Au  lieu  de  cela,, 
que  dit-il  ?  Répandez  l'argent  autour  de  vous,  répandez  les  grâces,  fai- 
tes qu'on  se  trouve  bien  de  vous  faire  la  cour  :  voilà  à  quelles  conclu- 
sions aboutit,  dans  l'ordre  purement  moral,  une  prédication  en  appa- 
rence si  hardie;  et  cette  conclusion  bien  humble,  il  ne  trouve  pas  même 
un  raisonnement  rigoureux  pour  l'étayer.  Je  ne  doute  pas  cependant 
que  ces  discours  n'aient  produit,  au  temps  où  ils  ont  paru,  une  im- 
pression profonde;  mais  je  crois  que,  comme  il  arrive  souvent  à  Pascal, 
sa  force  a  été  surtout  dans  la  partie  critique  et  négative  de  ses  idées. 
C'est  là  qu'il  est  tout-puissant,  que  sa  logique  est  irrésistible,  son 
ironie  impitoyable,  son  sang-froid  accablant  ;  c'est  là  qu'il  trouve  de 
ces  traits  qui  s'enfoncent  si  bien,  qu'il  n'y  a  pas  moyen  de  les  arracher 
et  qu'ils  restent  au  fond  de  la  blessure.  L'esprit  d'égalité  et  d'indé- 
pendance, déjà  répandu  partout,  quoiqu'il  n'éclatât  pas  encore,se  nour- 
rissait d'autant  plus  avidement  de  ces  mots  terribles,  qu'ils  n'éveil- 
laient point  de  scrupule,  sortant  du  sein  d'une  foi  si  profonde.  Le  nom 
de  Dieu  obligeait  à  la  soumission  extérieure,  mais  il  autorisait  la  ré- 
volte du  dedans.  On  voulait  bien  honorer  les  grands,  mais  on  avait  le 
plaisir  de  leur  dire  en  face  qu'ils  n'avaient  aucun  droit  par  eux-mêmes 
d'être  honorés.  Ainsi,  l'ordre  établi  n'ayant  plus  de  racines  dans  la 
terre,  et  demeurant  seulement  comme  suspendu  au  haut  du  ciel  par  la 
chaîne  mystique  de  la  foi,  il  devait  suffire  un  jour,  pour  tout  emporter, 
qu'un  anneau  de  cette  chaîne  vînt  à  se  détacher  sous  l'effort  du  doute. 


ADDITIONS  ET  CORRECTIONS 


Page  34,  à  la  fin.  —  (Remarque  sur  le  fragment  12)  :  «  La  merveille  de 
rétablissement  du  christianisme  avait  été  exposée  par  Balzac  dans  le 
Socrate  chrétien.  » 

Voici  deux  passages  du  troisième  Discours  :  «  Il  ne  paraît  rien  ici  de 
l'homme,  rien  qui  porte  sa  marque  et  qui  soit  de  sa  façon.  Je  ue  vois  rien 
qui  ne  me  semble  pins  qne  naturel  dans  la  naissance  et  dans  le  progrès 
de  cette  doctrine.  Les  ignorants  l'ont  persuadée  aux  philosophes.  13e  pauvres 
pêcheurs  ont  été  érigés  en  docteurs  des  rois  et  des  nations,  en  professeurs 
de  la  science  du  ciel.  Ils  ont  pris  dans  leurs  filets  les  orateurs  et  les  poètes, 
les  jurisconsultes  et  les  mathématiciens. 

«  Cette  république  naissante  s'est  multipliée  parla  chasteté  et  parla  mort, 
bien  que  ce  soient  deux  choses  stériles  et  contraires  au  dessein  de  multiplier. 
Ce  peuple  choisi  s'est  accru  par  les  pertes  et  par  les  défaites  :  il  a  combattu, 
il  a  vaincu  étant  désarmé.  Le  monde  en  apparence  avait  ruiné  l'Eglise,  mais 
elle  a  accablé  le  monde  sous  ses  ruines.  La  force  des  tyrans  s'est  rendue  au 
courage  des  condamnés.  La  patience  de  nos  pères  a  lassé  toutes  les  mains, 
toutes  les  machines,  toutes  les  inventions  de  la  cruauté... 

«Je  ne  m'étonne  point  que  les  Césars  aient  régné,  et  que  le  parti  quia 
été  victorieux  ait  été  le  maître.  Mais  si  c'eut  été  le  vaincu  à  qui  l'avantage 
fût  demeuré  ;  si  les  déroutes  eussent  fortifié  Pompée  et  rétabli  sa  fortune;  si 
les  proscriptions  eussent  grossi  le  parti  d'un  mort  et  lui  eussent  fait  naître 
des  partisans;  si  un  mort  lui-même,  si  une  tête  coupée  eût  donné  des  lois  à 
toute  la  terre,  véritablement  il  y  aurait  de  quoi  s'étonner  d'un  succès  si 
éloigné  du  cours  ordinaire  des  choses  humaines.  Je  trouverais  étrange 
qu'après  la  bataille  de  Pharsale  et  plusieurs  autres  batailles  décisives  de 
l'empire,  les  amis  de  Pompée  eussent  été  empereurs  de  Rome,  à  l'exclusion 
de  l'héritier  de  César.  J'aurais  de  la  peine  à  croire,  quand  le  plus  véritable 
et  le  plus  religieux  historien  de  Rome  me  le  dirait,  que  des  gens  eussent 
triomphé  autant  de  fois  qu'ils  furent  battus,  qu'une  cause  si  souvent  perdue 
eût  toujours  été  suivie.  Au  moins  me  semble-t-il  que  ce  n'est  pas  bien  le 
droit  chemin  pour  arriver  à  l'empire,  et  que  d'ordinaire  on  se  sert  de  tout 
autre  moyen  pour  obtenir  le  triomphe.  Ce  n'est  pas  la  coutume  des  choses  du 
monde  que  les  bons  succès  ne  servent  de  rien,  que  la  victoire  soit  discréditée, 
et  que  le  gain  aille  aux  malheureux. 

«  Nous  voyons  pourtant  ici  cet  événement  irrégulier,  et  directement 
opposé  à  la  coutume  des  choses  du  monde.  Le  sang  des  martyrs  a  été  fertile, 
et  la  persécution  a  peuplé  le  monde  de  chrétiens.  Les  premiers  persécuteurs, 
voulant  éteindre  la  lumière  qui  naissait  et  étouffer  l'Eglise  au  berceau,  ont 
été  .contraints  d'avouer  leur  faiblesse  après  avoir  épuisé  leurs  forces.  Les 
autres  qui  l'attaquèrent  depuis  ne  réussirent  pas  mieux  en  leur  entreprise  : 
et  bien  qu'il  y  ait  encore  en  la  nature  des  choses,  des  inscriptions  qu'ils 
ont  laissées  :  pour  avoir  purgé  la  terre  de  la  nation  des  chrétiens,  pour 
avoir  aboli  le  nom  chrétien  en  toutes  les  parties  de  l'empire,  l'expérience 
nous  fait  voir  qu'ils  ont  triomphé  à  faux,  et  leurs  marbres  ontété  menteurs. 
Ces  superbes  inscriptions  sont  aujourd'hui  les  monuments  de  leur  vanité,  et 
non  de  leur  victoire;  l'ouvrage  de  Dieu  n'a  pu  être  défait  par  la  main  des 
hommes.  Et  disons  hardiment,  à  la  gloire  de  notre  Jésus-Christ  et  à  la  honte 
de  leur  Dioclétien  :  Les  tyrans  passent,  mais  la  vérité  demeure...  » 

Dans  ces  brillantes  considérations,  on  ne  peut  s'empêcher  de  remarquer 
que  Balzac  s'étonne  de  la  révolutic  chrétienne  en  homme  qui  ne  sait 
ce  que  c'est  que  révolution.  11  oublie  qu'entre  Pontius  Pilatus  et  Cons- 


360  ADDITIONS   ET   CORRECTIONS 

tantin  il  s'était  écoulé  environ  trois  siècles.  Il  n'en  a  pas  fallu  autant, 
à  beaucoup  près,  en  France  pour  passer  de  la  royauté  triomphante  de 
Louis  XIV  à  la  République. 

Page  43,  1.  16  :  «  Mahomet  en  défendant  de  lire.  »  —  Je  trouve  ce 
même  parallèle  dans  un  discours  prononcé  en  1471  par  un  envoyé  du  pape 
Paul  II  devant  l'empereur  Frédéric  111  :  «  Mahomet  détourne  les  hommes 
de  l'étude  de  la  philosophie  et  des  recherches  qui  ont  pour  objet  la  connais- 
sance de  vérité...  Le  Christ,  au  contraire,  à  peine  âgé  de  douze  ans,  disputa 
dans  le  Temple  avec  les  pharisiens  sur  la  Loi  et  sur  les  mystères.  »  Henri 
Vast,  Le  cardinal  Bessariofi,  1878,  p.  394,  en  note. 

Ce  n'est  là  qu'un  préjugé,  que  M.  Garcin  de  Tassy,  si  bon  chrétien,  a 
réfuté  toutes  les  fois  qu'il  en  a  eu  l'occasion.  Voir  notamment  son  Discours 
d'ouverture  du  3  décembre  1866,  p.  39  :  «  C'est  une  grande  erreur  de  croire 
que  les  musulmans  sont  ennemis  de  la  science.  Mahomet  a  dit,  d'après  un 
hadis  :  L'encre  dos  savants  est  plus  précieuse  que  le  sang  des  martyrs.  » 

Page  83,  1.  23  :  «  Elic,  Enoch.  »  —  Au  sujet  du  Livre  d'Enoch,  voir 
mon  ouvrage,  le  Christianisme  et  ses  origines,  t.  III,  p.  370  et  504. 

Page  95,  à  la  fin  :  «  Cachot.  »  —  Pour  expliquer  ce  mot,  se  reporter  au 
fragment  IX,  4,  t.  I,  p.  142. 

Page  97,  ligne  12  :  «  Des  œufs,  sans  coq.  »  —  Tertullien,  Adversus 
V aient isianos,  10  :  «  Miraris  haec!  Et  gallina  sortita  est  de  suo  parère.  » 
Tertullien  ne  voulait  que  se  moquer  de  la  génération  mystique  d'Enthy- 
mésis  ou  la  Pensée,  née  de  Sophia  ou  la  Sagesse,  suivant  les  Valentiniens, 
qui  ne  lui  donnaient  pas  de  père,  mais  l'argument  est  pris  au  sérieux  et 
appliqué  à  la  Vierge  par  Origène,  Contre  Celse,  I,  37. 

Page  121,  I.  19-20  :  «  Pour  la  faire  servir  au  bien  public.  »  —  Ce  frag- 
ment et  les  deux  suivants,  qui  manquent  dans  l'édition  de  Port-Royal  et 
dont  le  premier  seulement  a  été  donné  par  Rossut  (2e  partie,  xvu,  97),  s'éclai- 
rent et  se  complètent  par  les  passages  suivants  de  Nicole  (De  la  Grandeur, 
lre  partie,  ch.  vi)  : 

«  Les  hommes  étant  vides  de  charité  par  le  dérèglement  du  péché,  demeu- 
rent néanmoins  pleins  de  besoins  et  sont  dépendants  les  uns  des  autres  dans 
une  infinité  de  choses.  La  cupidité  a  donc  pris  la  place  de  la  charité  pour 
remplir  ces  besoins,  et  elle  le  fait  d'une  manière  que  l'on  n'admire  pas  assez, 
et  où  la  charité  commune  ne  peut  atteindre... 

«  Il  n'y  a  rien  dont  on  tire  de  plus  grands  services  que  de  la  cupidité 
même  des  hommes.  Mais  afin  qu'elle  soit  disposée  à  les  rendre,  il  faut  qu'il 
y  ait  quelque  chose  qui  la  retienne; car  si  on  la  laisse  à  elle-même,  elle  n'a 
ni  bornes  ni  mesures...  Il  a  donc  fallu  trouver  un  art  pour  régler  la  cupidité,  et 
cet  art  consiste  dans  l'ordre  politique,  qui  la  retient  par  la  crainte  de  la  peine, 
et  qui  l'applique  aux  choses  qui  sont  utiles  à  la  société.  C'est  cet  ordre  qui 
nous  donne  des  marchands,  des  médecins,  des  artisans,  et  généralement  tous 
ceux  qui  contribuent  aux  plaisirs  et  qui  soulagent  les  nécessités  de  la  vie... 

«  L'ordre  politique  est  donc  une  invention  admirable  que  les  hommes 
ont  trouvée,  pour  procurer  à  tous  les  particuliers  les  commodités  dont  les 
plus  grands  rois  ne  sauraient  jouir,  quelque  nombre  d'officiers  qu'ils  aient 
et  quelques  richesses  qu'ils  possèdent,  si  cet  ordre  était,  détruit... 

«  Mais  ce  qui  rend  la  plupart  des  gens  insensibles  à  tout  cela,  est  un 
principe  de  vanité  et  d'ingratitude  qu'ils  ont  dans  le  cœur;  ils  tirent  en 
etîet  les  mêmes  avantages  de  tous  ceux  qui  travaillent  pour  le  public,  dans 
lequel  ils  sont  compris,  que  s'ils  ne  travaillaient  que  pour  eux  seuls;  leurs 
lettres  sont  également  portées  aux  extrémités  du  monde  par  un  courrier 
qui  en  porte  dix  mille  que  s'il  n'en  portait,  qu'une  seule;  ils  sont  aussi  bien 
traités  par  un  médecin  qui  en  voit  plusieurs  autres,  que  s'il  n'était  attaché 
qu'à  eux...  Néanmoins,  parce  qu'ils  savent  qu'ils  ne  sont  pas  les  seuls  qui 
jouissent  de  ces  biens,  ils  n'en  sont  pas  louches...,  et  ils  croient  n'avoir 
d'obligation  à  personne,  parce  qu'il  y  a  une  infinité  de  gens  qui,  participant 
aux  mêmes  biens,  partagent  avec  eux  cette  obligation.  » 

Mme  de  Sévigné,  dans  une  Lettre  à  sa  fille  du  12  juillet  1671,  a  par  dis- 
traction mis  au  compte  de  Pascal  ce  chapitre  de  Nicole,  dont  il  avait  tout 
au  plus  fourni  peut-être  l'idée  fondamentale.  Cet  endroit  de  la  lettre  est 
trop  piquant  pour  ne  pas  le  citer  en  entier. 


ADDITIONS   ET  CORREC1  IONS  361 

«  Nous  avons  commencé  la  Munir  (les  Essais  de  Morale  de  Nicole); 
c'est  de  la  môme  étoffe  que  Pascal.  A  propos  de  Pascal,  je  suis  en  fantaisie 
d'admirer  l'honnêteté  de  ces  messieurs  les  postillons,  qui  sont  incessam- 
ment sur  les  chemins  pour  porter  et  reporter  nos  lettres;  enfin  il  n'y  a  jour 
dans  la  -cm  aine  qu'ils  n'en  portent  quelqu'une  à  vous  et  à  moi;  il  y  en  a  tou- 
jours et  à  toutes  les  heures  par  la  campagne  :  les  honnêtes  gens  !  qu'ils  sont 
obligeants!  el  que  c'esl  une  lionne  invention  que  la  poste,  el  un  bel  effet  de 
la  l'rov  idenceq  le  la  cupidité!  J'ai  quelquefois  envie  de  leur  écrire  pour  leur 
témoigner  ma  reconnaissance,  et  je  crois  que  je  l'aurais  déjà  fait,  sans  que 
je  me  souviens  'I.'  ec  chapitre  de  Pascal,  et  qu'ils  ont  peut-être  envie  de  me 
remercier  de  ce  que  j'écris,  comme  j'ai  envie  de  les  remercier  de  ce  qu'ils 
portent  mes  lettres  :  voilà  une  helle  digression.  »  (Lettres,  édit.  Hachette, 
fn-8,  t.  Il,  p.  276.) 

Cette  distraction  de  Mme  de  Sévigné  n'est  d'ailleurs  pas  peut-être  tout 
à  t'ait  involontaire;  car  dans  une  lettre  à  sa  fille  (du  23  septemhre  de  la 
même  année;  elle  dit  à  propos  de  la  même  Morale  de  Nicole  :  «  Je  trouve 
ce  livre  admirable.  Personne  n'a  écrit  sur  ce  ton  que  ces  Messieurs,  car  je 
mets  Pascal  de  moitié  à  tout  ce  qui  est  beau.  »  (IbicL,  p.  369). 

Page  129,  1.  2  et  3  :  «  Dans  la  personne  de  Galilée.  »  —  On  lit  dans  la 
Revue  de  l'Instruction  publique  du  8  novembre  18G6,  sous  la  signature 
A.  Morel,  au  sujet  d'un  livre  intitulé  :  Galilée,  sa  vie,  ses  découvertes  et  ses 
travaux  (par  le  docteur  Max.  Parchappe),  les  réflexions  suivantes  : 

«.  Peut-être  n'a-t-on  pas  remarqué  suffisamment  le  vif  souvenir  que  Galilée 
a  obtenu  de  Pascal.  L'opuscule  de  l'auteur  des  Provinciales  que  l'on  intitule 
ordinairement  De  l'autorité  en  matière  de  philosophie,  cette  réclamation  si 
ferme  des  droits  de  la  science  dans  le  domaine  qui  lui  est  propre,  cette 
revendication  qui  parait  singulièrement  hardie  quand  on  lacompare  aux  pré- 
cautions du  discours  de  la  Méthode,  qu'est-ce  autre  chose  qu'un  résumé  de 
la  lettre  justificative  adressée  en  1615  par  Galilée  à  la  grande-duchesse  Chris- 
tine? Imprimée  pour  la  première  fois  en  1636,  à  Strasbourg,  elle  paraît  à 
celte  date,  croirait-on,  [tour  mettre  la  franchise  de  Galilée  en  regard  des 
rves  de  Descartes.  «  Il  me  semble,  — osait  écrire  le  philosophe  précur- 
«  seur,  —  que  dans  la  discussion  des  problèmes  naturels,  on  ne  devrait  pas 
*  prendre  pour  point  de  départ  l'autorité  des  textes  de  l'Ecriture,  mais  les 
«  expériences  sensibles  et  les  démonstrations  nécessaires...  Qui  donc  voudrait 
«  poser  des  bornes  au  génie  de  l'homme?  Qui  oserait  affirmer  qu'on  a  déjà 
«  vu  et  su  tout  ce  qu'il  y  a  au  monde  de  visible  et  d'intelligible?...  Dans  les 
«  sciences  démonstratives  on  n'est  pas  maître  de  changer  d'opinion  à  volonté, 
«  et  on  ne  commande  pas  la  conviction  à  un  mathématicien  et  à  un  philosophe 
«  sur  les  phénomènes  de  la  nature  et  du  ciel,  comme  à  un  marchand  et  à  un 
«  légiste  sur  ce  qui  est  licite  dans  un  échange  ou  un  contrat.  »  (P.  120-135.) 

«  Par  ces  belles  paroles,  au  moins  autant  que  par  ses  découvertes,  Galilée 
est  plus  que  le  continuateur  de  Copernic  et  de  Nicolas  de  Cusa,  plus  qu'un 
rénovateur,  il  se  montre  l'apôtre  et  le  libérateur  de  la  science.  » 

Page  138,  après  la  1.  35,  ajouter  :  Louis  Racine,  dans  une  note  sur  le 
v.  299  du  IVe  chant  de  son  poème  de  la  Religion,  a  justifié  Pascal  contre 
une  critique  de  cette  phrase  par  Voltaire.  Mais  on  voit  que  l'attaque  et  la 
défense  portaient  également  sur  un  texte  faux,  et  qui  donnait  un  sens  assez 
différent  à  la  pensée  de  Pascal. 

En  rabaissant  les  traditions  chinoises,  Pascal  a  encore  affaire  aux  Jé- 
suites. Dans  ce  temps-là  précisément  les  Jésuites  étaient  vivement  attaqués 
à  Rome  pour  les  complaisances  que  leurs  ennemis  leur  imputaient  à  l'égard 
de  l'idolâtrie  dans  la  Chine  et  aux  Indes.  Il  y  eut  même  des  décisions  ro- 
maines, cette  fois  fort  approuvées  de  Port-Royal,  contre  la  tolérance  de 
leurs  missionnaires  :  Pascal  a  touché  à  ce  sujet  dans  la  cinquième  Provin- 
ciale,  (Voir  aussi  le  chapitre  xxxix  du  Siècle  de  Louis  XIV  par  Voltaire.)  Le 
P.  Martini,  l'auteur  de  V  Historia  Sinica,  fut  même  mêlé  à  ce  débat  théo- 
logique. De  là  L'importance  et  l'irritation  qu'on  sent  dans  ces  mots  adressés 
aux  interprètes  complaisants  des  histoires  chinoises:  «  Je  ne  crois  que  les 
histoires  dont  les  témoins  se  feraient  égorger.  » 

Page  118,  1.  24  et  25  :  «  Comme  les  animaux.  »  —  Il  semble  que  ces 
mots  indiquent  que  les  animaux,  suivant  Pascal,  font  certaines  choses  qui 
peuvent  faire  dire  qu'ils  ont  de  la  volonté.  Emile  Saissct  l'a  entendu  autre- 


362  ADDITIONS   ET   CORRECTIONS 

ment  :  il  croit  que  Pascal  veut  dire  que  la  machine,  qui  ne  fait  rien  qui 
puisse  faire  dire  qu'elle  a  de  la  volonté,  est  comme  les  animaux  en  cela 
même  Pascal  resterait  ainsi  plus  fidèle  à  l'opinion  de  Descartes,  qu'il  avait 
en  effet  adoptée.  Voir  pages  151-152  et  p.  148. 

Page  158,  fragment  41.  —  J'ai  mis  entre  guillemets  les  mots  :  Jésus-Christ 
rédempteur  de  tous,  dans  la  supposition  que  Pascal  traduisait  ici  le  vers 
latin  cité  dans  la  note  2.  Autrement  j'aurais  dû  plutôt  renvoyer  à  I  77m., 
n,  6  (cf.  II  Cor.,  v.  14,  etc.).  La  théologie  de  Port-Royal  sur  cette  question 
est  expliquée  dans  les  Instructions  sur  le  Symbole,  par  Nicole.  Voir  la  sec- 
tion vi  de  la  IIIe  Instruction,  qui  a  pour  titre  :  De  la  réprobation,  et  prin- 
cipalement le  vie  et  dernier  chapitre  :  Comment  Jésus-Christ  est  mort  pour 
les  réprouvés. 

Page  159,  fragment  16.  —  Cette  pensée  a  été  répétée  ici  mal  à  propos. 
Elle  se  trouve  déjà  t.  I,  p.  194.  —  De  même  le  fragment  186,  p.  200,  se 
trouve  déjà  t.  I,  p.  193. 

Page  180,  1.  11  :  «  L'origine  de  cette  tradition  vient  du  xvie  chapitre  du 
IVe  livre  d'Esdras.  » 

Ce  livre  apocryphe,  dont  le  texte  grec  est  perdu,  s'était  conservé  dans 
une  version  latine.  Le  docteur  Richard  Laurence  en  a  publié  à  Oxford  en 
1820  une  version  éthiopienne  inédite,  sensiblement  différente,  avec  la  tra- 
duction en  latin  et  en  anglais.  Il  y  a  aussi  une  version  arabe.  L'ouvrage 
parait  avoir  élé  composé  au  temps  de  Domilien,  mais  il  est  censé  écrit  par 
Esdras  sous  Artaxercc.  Comme  il  ne  se  trouve  pas  dans  les  Bibles  françaises 
ordinaires,  je  crois  utile  de  donner  ici  le  passage  auquel  se  rapporte  la  note 
de  Pascal. 

«  Et  je  répondis,  et  dis  devant  toi,  Seigneur  :  J'irai  ainsi  que  tu  m'as 
commandé,  et  je  reprendrai  le  peuple  d'à  présent:  mais  ceux  qui  naîtront 
après  nous,  qui  les  reprendra?...  Car  ta  Loi  est  brûlée  :  de  sorte  que  per- 
sonne ne  sait  ce  que  tu  as  fait,  ni  ce  que  tu  dois  faire  encore.  Mais  si  j'ai 
trouvé  grâce  devant  toi,  envoie-moi  ton  Esprit  saint,  afin  que  j'écrive  tout 
ce  qui  a,  été  fait  dans  le  monde  depuis  le  commencement,  et  qui  était  écrit 
en  ta  Loi;  pour  que  les  hommes  puissent  trouver  leur  route,  et  que  ceux 
qui  voudront  vivre  aux  derniers  temps  vivent  en  effet.  Et  il  me  répondit  : 
Va,  assemble  ton  peuple,  et  lui  défends  qu'il  ne  te  cherche  de  quarante 
jours.  Puis  apprête  des  tablettes,  et  prends  avec  toi  les  cinq  que  voici,  qui 
ont  la  main  prompte  à  écrire,  à  savoir  :  Saréa,  Dabrias,  Salcmias,  Echanus 
et  Asiel,  et  viens-t'en  ici  où  j'allumerai  en  ton  cœur  une  lumière  d'enten- 
dement, laquelle  ne  sera  point  éteinte  jusqu'à  ce  que  les  choses  que  lu 
commenceras  à  écrire  soient  achevées.  Puis,  ayant  achevé  le  tout,  tu  en 
publieras  une  partie,  et  communiqueras  le  reste  secrètement  aux  sages,  et 
tu  commenceras  demain  à  cette  heure  à  écrire... 

«  Et  je  pris  ces  cinq  ainsi  qu'il  m'avait  commandé,  et  nous  nous  en 
allâmes  au  champ  et  y  demeurâmes.  Et  le  lendemain  venu,  voici  une  voix 
qui  m'appela  en  disant  :  Esdras,  ouvre  ta  bouche,  et  bois  ce  que  je  te  don- 
nerai à  noire.  J'ouvris  ma  bouche  et  un  vase  plein  me  fut  présenté.  Ce  qui  le 
remplissait  était  comme  de  l'eau,  mais  la  couleur  en  était  semblable  au  feu 
Je  le  pris  et  l'ayant  bu,  mon  cœur  fut  troublé  par  le  travail.de  la  pensée, 
et  la  sagesse  entrait  en  moi  peu  à  peu.  Lors  ma  bouche  fut  ouverte  et  ne 
fut  plus  fermée.  Le  Très-Haut  donna  entendement  aux  cinq,  et  ils  écri- 
virent ce  qui  leur  était  dicté,  et  qu'ils  ne  savaient  point.  Ils  prenaient  leui 
réfection  le  soir,  je  parlais  tout  le  jour  et  ne  me  taisais  point  la  nuit.  El 
furent  écrits,  pendant  quarante  jours,  quatre-vingt-quatorze  livres.  »  J'ai 
modifié  les  derniers  versets  d'après  la  version  du  docteur  Laurence,  qui 
paraît  meilleure. 

Page  292,  1.  4  :  «  Identité  de  numéro.  »  —  Sur  l'identité  de  numéro, 
voir  Aristote,  Topica,  1,  v.  2.  Quant  à  l'ensemble  de  cet  article,  le  meilleur 
argument  que  je  puisse  en  donner  est  de  renvoyer  à  M.  Bouillier,  Histoire 
de  la  philosophie  Cartésienne,  3e  édition,  1868,  t.  I,  p.  447  et  suivantes 
(chap.  xxi),  et  particulièrement  à  la  Lettre  de  Descartes  citée  à  la  p.  454. 

Page  222.  —Ajoutez  ici  l'alinéa  suivant  :  Pascal  n'avait  pas  lu  seulement 
les  évangiles  pour  l'édification  ;  il  en  avait  fait  une  étude  suivie  et  détaillée, 
comme  en  témoigne  un  Abrégé  de  la  vie  de  Jésus-Christ,  que  M.  Faugère  a 


AUDITIONS   ET   CORRECTIONS  363 

publia  pour  la  première  fois  en  i  I  pèce  de  concordance  des 

évangiles  en  français,  où  toute  la  vie  de  Jésus-Christ,  est.  distribuée  en 
35»  versets, précédés  d'une  courte  préface, qui  se  termine  par  ces  paroles  : 
«_Orce  que  les  evangélistes  ont  écrit,  pour  des  raisons  qui  ne  sont  peut- 
être  pas  toutes  connues,  dans  un  ordre  où  ils  n'ont  pas  toujours  eu  égard 
à  la  suite  des  temps,  nous  le  rédigeons  ici  dans  la  suite  des  temps,  en  rap- 
portant chaque  verset  de  chaque  évangéliste  dans  l'ordre  auquel  la  chose 
«1  ni  y  esl  écrite  est  arrivée, autant  que  notre  faiblesse  nous  l'a  pu  permettre. 
Si  le  lecteur  y  trouve  quelque  chose  de  bon,  qu'il  en  rende  grâce  à  Dieu, 
seul  auteur  de  tout  bien,  et  ce  qu'il  y  trouvera  de  mal,  qu'il  le  pardonne 
à  mou  infirmité  '.  » 

Page  266,  note  1.  —  M.  Ch.  Thurot  {Recherches  historiques  sur  le 
principe  d'Archimcde,  1869,  p.  72)  a  montré  que  je  m'étais  trompé  dans 
cette  note  en  rapportant  à  un  Traité  du  Vide  les  paroles  de  la  lettre  de 
Pascal  à  M.  Ribeyre,  qui  se  rapportent  en  réalité,  comme  il  l'a  fait  voir, 
à  son  Traité  de  la  pesanteur  de  la  masse  de  l'air.  Voir  la  conclusion  de 
ce  Traité. 

1.  C'est  à  la  suite  de  cet  écrit  que  M.  Faugère  a  publié  le  Testament  de  Pascal.  Voir 
•    ,  p.  xxxi,  note  2. 


CONCORDANCE 

(voir  l'avant-propos  en  tête  DU  TOME  1er) 


Art.  xvi 

d,  p.  459  —  1  bis,  p.  51  —  2,  p.  123  —  3  p.  110  —  4,  p.  43  —  5,  p.  382 

—  6,  p.  253  —  7,  p.  15  —  8,  p.  29  -  8  bis,   p.  29  —  8  ter,   p.  15  —  9,  p. 
5  —  10,  p.  49  —  10  bis,  p.  255. 

11,  p.  253  —  12,  p.  31  —  13,  p.  35  —  14,  p.  35  —  15,  p.  33  —  16,  p.  33 

—  16  bis,   p.  37  —  16  ter,   37. 


Art.  xvii 

7, 


1,  p.  53  —  2,  p.  55  —  3,  p.  277  —  4,  p.  59  —  5,  p.  49  —  6,  p.  61 
p.  467,  —  9,  p.  61  —  10,  p.  485  —  11,  p.  61  -  12,  p.  227. 

Art.  xvui 

I,  p.  167  —  2,  p.  167  —  3,  p.  405  —  4,  p.  199  —  5,  p.  59  —  6,  p.  165  —  7, 
p.  165,  —  8,  398  —  9,  p.  232  —  10,  p.  197. 

II,  p.  232  —  12,  p.  90  —  13,  p.  222  —  14,  p.  222  —  15,  p.  37  —  16,  p. 
37  _  17?  p.  37  _  18,  p.  77  —  19,  p.  487  —  20,  p.  19  —  21,  p.  229  —  22, 
p.  195. 

Les  traductions  reproduites  dans  mes  Remarques  (p.  30)  sont  aux  pages 
309,  289,  293,  295  de  l'autographe. 

Art.  xix 

1,  p.  489  —  1  bis,  p.  55  —  2,  p.  51  —  2  bis,  p.  61  —  3,  p.  193  —  4,  p. 
49  —  4  bis,  p.  53  -  4  ter,  p.  59  —  5,  p.  11  —  5  bis,  p.  75  —  6,  p.  485  — 
7,  p.  55—7  bis,  p.  467  —  8,  p.  31  —  9,  p.  465  —  9  bis,  p.  457  —  10,  p. 
57  —  10  bis,   p.  467. 


Art.  xx 

p.  27  —  8,  p.  57, 
16,  p.  45  —  18,  p.  153 


Art.  xx 

I,  p.  326  —  3,  p.  443  —  5,  p.  443  —  6,  p.   237   -  7, 
9,  p.  47  —  10,  p.  47. 

II,  p.  17  -  12,  p.  167  -  13,  p.  57  —  15,  p.  59  —  16, 
19,  p.  45. 

Art.  xxi 

1,  p.  239. 

Art.  xxu 

1,  p.   25  -  2,    p.  206  -  5,   p.  416  —  7,  p.  151  -  8,  p.  491  -  9,  p.  185. 


ADDITIONS    ET   HODUKCTIONS  368 


p'.  113  —  40,  p! 


265. 

41,  p.  221  —  42,  p.  485  —  43,  p.  51  —  44,  p.  119  -  45,  p.  205  -  46,  p. 
159  —  46  ter,   p.  447  —  47,  p.  344  —  48,  p.  77  —  49,  p.  127  —  50,  p.  61. 

52,  p.  125  —  53,  p.  4  —  53  bis,  p.  229  —  54,  p.  7  —  55,  p.  481  —  56,  p. 
8  —  56  bis,  p.  11  —  57,  p.  1  —  57  bis,  p.  65  —  57  ter,  p.  73  —  58,  p.  63  — 
59,  p.  149  —  59  bis,   p.  149  —  59  ter,   p.  149  —  60,  p.  265  —  60  bis,  p.  199 

—  60  ter,   p.  199. 

61,  p.  232  —  61  bis,  p.  191  —  61  ter,  p.  9Ï  -  62,  p.  93  —  63,  p.  85  — 
65,  p.  129  —  66,  p.  99  —  66  bis,  p.  100  —  67,  p.  201  —  69,  p.  104  —  70,  p. 
90. 

71,  p.  483  —  72,  p.  429  —  73,  p.  429  —  74,  p.  433  —  75,  p.  109  -  76,  p. 
123  —  77,  p.  123  —  78.  p.  123  —  79,  p.  107  —  80,  p.  407  —  80  bis,   p.  232 

—  80  ter,  p.  405. 

81,  p.  465  —  81  bis,  p.  47  —  82,  p.  27  —  83,  p.  449  —  83  bis,  p.  343  — 
84,  p.  251  -  85,  p.  437  —  86,  p.  213  —  87  bis,  p.  142  —  88,  p.  130  —  89,  p. 
83  —  89  bis,   p.  251  —  90,  p.  231  —  90  bis.  p.  163. 

91,  p.  142  —  92,  p.  142  —  93,  p.  249  —  94,  p.  12  —  95,  p.  427  —  96,  p. 
169  —  96  bis,  p.  169  —  97,  p.  17  -  98,  p.  63  —  99,  p.  47  —  100  bis,   p.  152 

—  100  ter,  p  415  —  101,  p.  61. 


59  —  6,  p.  440 
14,  p.  420  — 

25,  p.  130  -  25  bis, 

27,  p.  277  —  28, 


Art.  xxv 

I,  p.  103  —  2,  p.  229  —  3,  p.  225  —  4,  p.  420  —  5,  p.  1 
7,  p.  440  —  8,  p.  431  —  9,  p.  423  —  10,  p.  423. 

II,  p.  229  —  11  bis,  p.  201  —  12,  p.  427  —  13,  p.  127  • 
16,  p.  67  —  17,  p.  23  —  19,  p.  402  —  20,  p.  41. 

21.  p.  489  —  22,  p.  163  —  23,  p.  193  —  24.  p.  431  —  25,  p 
p.  130  —  25  ter,  p.  441  —  26,  p.  47  —  26  bis,  p.  485  —  2* 
p.  23  —  29,  p.  8  —  30,  p.  265. 

31,  p.  393  —  32,  p.  416  -  32  bis,  p.  47  —  33  bis,  p.  63  —  34,  p.  447 
34  bis,  p.  423  —  35,  p.  331  —  36,  p.  23  —  37,  p.  73  —  38,  p.  4  —  39,  p 
—  39  bis,  p.  8  —  40,  p.  142. 

41,  p.  344  —  42,  p.  485  —  43,  p.  197  —  44,  p.  89  —  45,  p.  27  — 
163  —  47,  p.  24i  —  48,  p.  270  —  49,  p.  273  -  50,  p.  461. 

51,  p.  409  —  52,  p.  i5  —  53,  p.  402  —  54,  p.  90  —  54  bis,   p.  419 
p.  121  —  55  bis,   p.  121  —  57,  p.  427  —  58,  p.  437  —  60,  p.  73. 

61,  p.  453  —  61  bis,   p.  449  —  62,  p.  427  —  63.  p.  73  —  64,  p. 
65,  p.  435  -  66,  p.  69  —  67,  p.  412  —  68,  p.  441  —  69,  p.  441  — 
104.    n.  24 


i,  p.  8 

46,  p. 

55, 


366  ADDITIONS   ET   CORRECTIONS 

71,  p.  142  -  72,  p.  67  —  73,  p.  99  —  74,  p.  123  —  75,  p.  123  —  76.  p. 
415  _  n,  p.  435  —  78,  p.  153  —  79,  p.  469  —  80,  p.  61  —  80  bis,   p.  394 

—  80  ter,  p.  81. 

81,  p.  81.  —  83,  p.  47  —  85,  p.  73  —  86,  p.  165  —  87,  p.  465  —  88,  p. 
41. 

91,  p.  4,  8  —  92,  p.  63  —  92  bis,  p.  440  —  92  ter,  p.  461  —  93,  p.  467  — 
93  bis,   p.  51  —  94,  p.  270  —  94  bis,  p.  169  —  94  ter,   p.  123  —  95,  p.  401 

—  97,  p.  4  —  98,  p.  394  -  99,  p.  130  —  99  bis,   p.  442  —  100,  p.  225. 
101,  p.  43  —  102,  p.  79  —103,  p.  81  —  104,  p.  249  —  105,  p.  97  —  106, 

p.  439  —  107,  p.  90  —  108  bis,  p.  29  —  109,  p.  29  —  109  bis,  p.  485  —  110, 
p  485. 

111,  p.  45  —  111  bis,  p.  15  —  112.  p.  89  —  113,  p.  89  —  114,  p.  99  — 
115,  p.  99  —  116,  p.  393  —  117,  p.  412  —  118,  p.  65  —  118  bis,  p.  130  — 
119,  p.  163  —  120,  p.  83. 

121,  p.  201  —  122,  p.  49  —  123,  p.  201  —  124,  p.  169  —  125,  p.  107  — 
126,  p.  85  -  127,  p.  107  —  128,  p.  225  —  129,  p.  223  —  130.  p.  143  — 
130  bis,   p.  143. 

131,  p.  415  -  132,  p.  125  —  133,  p.  12  —  134,  p.  205  —  135,  p.  205  — 
136,  p.  374  —  137,  p.  485  —  138,  p.  442  —  139,  p.  119  -  140,  p.  491. 

141,  p.  247  —  142,  p.  411  —  144,  p.  267  —  145,  p.  202  —  146,  p.  463  — 
147,  p.  471  —  148,  p.  455  —  149,  p.  119  —  150,  p.  125. 

151,  p.  469  —  152,  p.  31  —  153,  p.  19  —  154,  p.  39  —  155,  p.  270  —  156, 
p.  8  —  157,  p.  90  —  158,  p.  57  —  159,  p.  117  —  160,  p.  221. 

161,  p.  270  —  162,  p.  39  —  163,  p.  442  —  165,  p.  398  —  166,  p.  222  — 
167,  p.  167  —  168,  p.  339  -  169,  p.  329,  333  —  170,  p.  171,  189. 

171  bis,  p.  113  —  172,  p.  232  —  173,  p.  374  —  174,  p.  61  —  175,  p.  91  — 
176,  p.  485  —  177,  p.  255  —  178,  p.  159  —  179,  p.  453  —  180,  p.  115. 

181,  p.  85  —  182,  p.  247  —  183,  p.  398  —  184,  p.  461  —  185,  p.  491  — 
186,  p.  43  —  187,  p.  429  —  188,  p.  439  —  189,  p.  104  —  190,  p.  390  —  191, 
p.  3S1  -  192,  p.  142  —  193.  p.  59  —  194,  p.  141  —  195,  p.  265  —  196,  p. 
19  —  197,  p.  121  —  199,  p.  27  —  200,  p.  29. 

201,  p.  214  —  202,  p.  402  —  203,  p.  449  —  204,  d.  343  —  205,  p.  93  — 
206,  p.  163  —  208,  p  442  —  209,  p.  81 


LISTE 

DBS   FRAGMENTS    QUI   MANQUENT   DANS    L'ÉDITION   DE   PORT-ROYAL. 


Art.        ivi  —  Fr.  5,  16  ter. 

—  xvn  —  Fr.  6-8. 

—  xviii  —  Fr.  15,  18-19. 

—  xx  —  Fr.  10. 

—  xxn  —  Fr.  1,  10. 

—  xxiii  —  Fr.  25-44. 

—  xxiv  -  Fr.  1-4,  6-11,  18,  19,  22,  36,  39  bis,  51,  59-59  bis,  60  bis,  60 

ter,  61  ter,  101. 

—  xxv  —  Tous  les  fragments  compris  dans  cet  article  étaient  inédits 
avant  M.  Cousin.  Ceux  qui  composent  les  autres  articles  avaient  été  publiés 
dans  quelqu'une  des  éditions  antérieures,  et  tous  se  retrouvent  dansBossut. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


DU    TOME    SECOND. 


(Les  indications  entre  parenthèses  se  rapportent  aux  Editions  faites  d'après  Bossut.) 

Art.  xvi.  (2e  partie,  art.  ix  :  Des  Figures;  que  l'ancienne  loi  était  figu- 
rative)     ! 

Remarques  sur  l'article  xvi il 

Art.  xvii.  (2e  partie,  art.  x  :  De  Jésus-Christ) 15 

Remarques  sur  l'article  xvii 19 

Art.  xviii.  (2e  partie,  art.  xi  :  Preuves  de  Jésus-Christ  par  les  Pro- 
phéties)   21 

Remarques  sur  l'article  xvm 30 

Art.  xix.  (2e  partie,  art.  xn  :  Diverses  preuves  de  Jésus-Christ).  .  38 

Remarques  sur  l'article  xix.   .       44 

Art.  xx.  (2e  partie,  art.  xm  :  Dessein  de  Dieu  de  se  cacher  aux  uns  et 

de  se  découvrir  aux  autres) 47 

Remarques   sur  l'article   xx 52 

Art.  xxi.  (2e  partie,  art.  xiv  :   Que  les  vrais  Chrétiens  et  les  vrais 

Juifs  n'ont  qu'une  même  religion) 56 

Remarques  sur  l'article  xxi 59 

Art.  xxii.  (2e  partie,  art.  xv  :  On  ne  connaît  Dieu  utilement  que  par 

Jésus-Christ) C0 

Remarques  sur  l'article  xxii •  63 

Art.  xxiii.  (2e  partie,  art.  xvi  :  Pensées  sur  les  Miracles) 66 

Remarques  sur  l'article  xxm 81 

Art.  xxiv.  (2e  partie,  art.  xvii  :  Pensées  diverses  sur  la  religion).  .  .  87 

Remarques  sur  l'article  xxiv • 127 

Art.  xxv  :  Pensées  publiées  depuis  1842 149 

*-                     —             Le  Mystère  de  Jésus 206 

Remarques  sur  l'article  xxv 211 

Opuscules  de  Pascal.  —  Prière  pour  demander  à  Dieu  le  bon  usage 

des  maladies  (2e  partie,  art.  xix) 223 

Remarques  sur  la  Prière  pour  la  maladie 232 

Lettre  sur  la  mort  de  M.  Pascal  le  père  [2*  partie,  art.  xvm)  .   .   .  235 

Remarques  sur  la  Lettre  sur  la  mort,  etc 241 

Discours  sur  les  Passions  de  l'amour •  250 

Remarques  sur  le  Discours  sur  les  Passions  de  l'amour 262 


370  TABLE  DES  MATIÈRES 

Fragment  d'an  Traité  da  Vide  (1"  partie,  art.  i  :  De  l'autorité  en  matière 

de  philosophie/ 266 

Remarques  sur  le  Fragment  sur  le  Vide 273 

De  l'Esprit  géométrique.  Premier  fragment  (lre  partie,  art.  n  :  Réfle- 
xions sur  la  géométrie  en  général) 278 

—  Second  fragment  (lr#  partie,  art.  in  :  De  l'art  de  persuader).   .   .  •  296 

Remarques  sur  les  deux  fragments  De  l'Esprit  géométrique.   .....  308 

Sur  la  conversion  du  pécheur  (à  la  suite  de  la  2e  partie) 315 

Remarques  sur  le  fragment  de  la  Conversion  du  pécheur 319 

Comparaison  des  chrétiens,  etc.  (à  la  suite  de  la  2e  partie) 321 

Remarques  sur  la  Comparaison  des  chrétiens 325 

Extraits  des  Lettres  à  Mlle  de  Roannez  (passim) 327 

Remarques  sur  les  Lettres  à  Mlle  de  Roannez 343 

Trois  discours  sur  la  condition  des  Grands  (lre  partie,  art.  xn.  ').  .  .  348 

Remarques  sur  les  Discours  sur  la  condition  des  Grands 356 

Additions 359 

Concordance  du    manuscrit  autographe 364 

Liste  des  fragments  qui  manquent  dans  Port- Royal 367 

1.  L'article  xi  de  la  i'»  partie,  dans  les  Editions  d'après  Bossut  (Sur  Epictète  et  Mon- 
taigne) a'est  autre  ihose  que  l'Entretien  avec  M.  de  ïact  (voir  mon  Introduction,  38  par- 
ie). 


FIN  DE  LA  TABLE  DES  MATIÈRES  DU  TOMB  SECOND. 


TABLE 

ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE 

DES  PENSÉES  DE  PASCAL 

ET 

TABLE  DES  NOMS  PROPRES 

POUR    l/lNTRODUCTION    ET    LE    COMMKNI'AIRK 


AVIS 


Ma  première  édition  des  Pensées  se  terminait  par  une  Table  des 
Matières  qui  ne  remplissait  que  treize  pages.  Cette  nouvelle  Table 
analytique  et  lexique,  beaucoup  plus  étendue  et  plus  complète,  a  été 
rédigée  sur  le  même  plan  par  M.  Delzons,  professeur  au  lycée  Saint- 
Louis,  qui  s'est  aidé  aussi  de  l'ancienne  Table  analytique  refaite  par 
l'éditeur  de  1819,  et  du  Vocabulaire  que  M.  Cousin  a  joint  à  son  livre 
sur  les  Pensées  de  Pascal.  J'avais  déjà  beaucoup  d'obligation  à 
M.  Delzons  pour  la  part  qu'il  a  bien  voulu  prendre  à  l'édition  tout 
entière  :  il  a  revu  la  plus  grande  partie  des  épreuves  et  m'a  fourni 
souvent  des  indications  ou  proposé  des  observations  utiles.  Mais  je 
dois  surtout  le  remercier,  et  j'espère  aussi  que  le  public  lui  saura 
gré  de  la  composition  de  cette  Table,  travail  considérable  dont  il 
s'est  chargé  sans  y  avoir  d'autre  intérêt  que  son  zèle  pour  Pascal 
et  ses  lecteurs,  et  son  amitié  pour  moi . 

J'ai  joint  à  cette  Table,  pour  le  texte  de  Pascal,  une  table  des 
noms  propres  pour  l'Introduction  et  16  Commentaire.  —  4866. 


—  Delzons  (Charles-Octave)  est  mort  le  4  janvier  1872.  Voir  sa 
Notice  nécrologique  dans  le  Mémorial  des  Anciens  élèves  de  VÊcole 
normale,  1877  (librairies  Baudry  et  Thorin),  page  378.  Elle  rend 
hommage  en  lui  à  un  des  hommes  qui  ont  le  plus  honoré  l'Univer- 
sité et  l'École  c  par  la  distinction  de  l'esprit  comme  par  la  délica- 
tesse et  l'élévation  du  cœur  •. 


TABLE 

ANALYTIQUE    ET  LEXIQUE 

DES   PENSÉES   DE   PASCAL 


Les  mots  entre  guillemets  sont  des  expressions  citées  textuellement.  —  Les  mots  et  les 
phrases  en  italique,  quand  ce  ne  sont  pas  des  citations  d'auteur  ou  des  titres  d'ouvrage, 
sont  les  indications  ou  étiqui  ttes  qu'on  lit  dans  le  cahier  autographe,  et  que  cette  édition 
a  reproduites  dans  les  notes  au  bas  du  texte  (Voy.  l'Avertissement,  p.  iv).  —  Le  double 
trait  (=),  dai>a  un  article,  distingue  les  divers  sens  et  emplois  d'un  même  mot. 


A 

A.  Divers  emplois  de  cette  préposition.  Voy.  être  (verbe),  laisser,  lécer. 

A  P.  R.  Grandeur  et  misère.  I,  121,  note  1.  —  A  P.  R.  Commen- 
cement, après  avoir  expliqué  Vincompre'hensibilité.  1,  183,  note  1.  — 
A   P.   R.  pour  demain.  Prosopopée.  I,  18'i,  note,  2. 

Abaissement.  «  Un  abaissement  qui  nous  rende  incapable  du  bien.  »  I,  188. 

—  Voy.  Messie. 

Abaisser.  «  S'il  se  vante,  je  l'abaisse;  s'il  s'abaisse,  je  le  vante.  »  I,  121. 

—  La  religion  chrétienne  élève  le  peuple  à  l'inférieur,  et  abaisse  les  superbes 
à  l'extérieur.  I,  170.  —  La  religion  abaisse  l'homme,  mais  sans  désespoir. 
I,  187.-- S'abaisser  sous  Jésus-Christ.  II,  18.— «Abaisser  la  superbe.»  11,  48. 

—  S'abaisser  pour  arriver    à  l'excellence.  II,  307. 

Abandon.  «  L'abandon  des  siens.  »  II,  16.  —  «  L'abandon  de  Dieu  parait 
dans  les  Païens;  la  protection  de  Dieu  paraît  dans  les  Juifs.  Il,  49.  —  Sentir 
son  abandon.  II,  154. 

Abandonné.   «  Misérables    et  abandonnés,  parce  que  personne    ne  les  em- 

f lèche  de  songer  à  eux.  »  I,  53.  —  «  Sans  mentir,  Dieu  est  bien  abandonné.» 
I,  335. 

Abandonner  dans  (S')-  «  M'abandonner  avec  moins  de  retenue  dans  l'abon- 
dance (les  délices  delà  vie.  »  il.  -2:2S. 

Abattement.  «  Un  horrible  abattement  de  cœur.  »  1,  186. 

Abattre.  «  Les  pensées  pures...  le  fatig-ient  et  l'abattent.  »  II,  251.  =s 
S'abattre.  «  Il  (Montaigne)  s'abat  dans  la  lâcheté.  >>  I,  cxxxiv.  —  Opposé  à 
s'élever.  I,  180. 

■  Abeilles.  «  Les  ruches  des  abeilles  étaient  aussi  bien  mesurées  il  y  a  c  ille 
ans  qu'aujourd'hui.  »  II,  270. 

Abel.  II,  71. 

Abêtir.  «  Gela  vous  fera  croire  et  vous  abêtira.    r>  I,  152  et  164. 

Abîme.  «  Ces  deux  abîmes  de  l'infini  et  du  néant.  »  I,  3.  —  «  La  terre  s'ouvre 
jusqu'aux  abîmes.  1.  6  et  23.  —  «  .le  vois  mon  abîme,  d'orgueil,  dp  curiosité. 
de  concupiscence.  »  II,  209. 

Abîmé.  «  Le  petit  espace  que  je  remplis...  abîmé  dans  l'infinie  immensité 
des  espaces.  »  II.  152. 

Abject.  «  Et  alors  l'homme  est  abject  cl  vil.  »  I,  12.  —  «  Cet  abaissement 
le  rendrait  horriblement  abject.  »  1,  18<S.  —  Avènement  abject  du  Messie.  Il, 
200.  —  «  Il  a  été  (Jésus-Christ)  tout  ce  qu'il  y  a  de  grand  et  tout  ce  qu'il  y 
a  d'abject.  »  II,  238.  Voy    Tout. 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 


Abjection.  Opposé  à  orgueil.  I,  189  :  II,  168.  Voy.  Chrétien. 

Abominaislk.  «  Qu'il  (l'homme)  est  vil  et  même  abominable.  »  I,  188.  — 
«  I1  (Jésus-Christ)  est  plus  abominable  que  moi.  »ÏI,  209.  —  C'est  un  abomi- 
lable-  »  II,  210.  —  «  Tout  ce  qui  est  dans  les  hommes  est  abominable.  » 
H,  238. 

Abomination."  L'abomination  était  répandue  sur  toute  la  terre...  »  1, 172.  - 
«  Nos  prières  et  nos  vertus  sont  abomination  devant  Dieu,  si  elles  ne  sont  les 
prières  et  les  vertus  de  Jésus-Christ...  »  II,  173. 

Abondamment,  pour  surabondamment.  I,  200. 

Abondant.  Voy.  Infertile. 

Abraham.  Dieu  lui  a  fait  connaître  le  mystère  du  Messie.  I,  172.  —  Pro- 
messes de  Dieu  à  Abraham.  1,  174.  —  Pourquoi  Dieu  fit  naître  de  lui  le  peuple 
juif.  I,  205.  —  Fausses  idées  des  Jttiïs  sur  Abraham.  I,  206.  —  «  Le  Dieu 
d'Abraham.  »  II,  61.  Ci    1,  cvi.  —  Le  juste  comparé  à  Abraham.  Il,  172. 

Aijreuver.  S'abreuver  d'une  créance.  1,   156. 

Absolu.  Voy.  Empire. 

Absorber.  «La  petite  duréede  ma  vie  absorbée  dans  l'éternité.  »  II,  152.  - 
«  Sa  volonté  est  absorbée  en  Dieu.  »  II,  240. 

Abstraire.  «  Tout  abstraits  de  notre  société.  »  I,  79. 

Académiciens.  Philosophes  grecs.  I,  43.  —  Origine  de  leur  secte.  I,  187. 

Acceptation.  Celle  que  Dieu  fait  du  sacrifice  de  l'hostie  couronne  loblation. 
11,  238.  —  Est  une  action  de  Dieu  vers  la  créature,  laid. 

Accepter,  pour  Faire  ac  eption  de.  Il,  56,  57. 

Accommoder  (S').  C'est  un  péché  de  ne  pas  s'accommoder  aux  événements. 
II,  175.  Voy.  Evénement. —  «  C'est  une  vie  unie  à  laquelle  il  ne  peut  s'accom- 
moder. »  11,  251. 

Accompagner  (S')*  «  Nos  rois  se  sont  accompagnés  de  gardes,  de  halle- 
bardes. »  I,  33. 

Accorder,  pour  Mettre  d'accord,  concilier.  I,  cxxxiv,  185;  II,  7.  Voy.  Con- 
trariété.   =  S'accorder.  «  La  force  s'accorde  avec  cette  bassesse.  »  I,  153. 

Accroissement.  «  En  priant  Dieu  de  bénir  ces  semences  et  de  leur  donner 
de  l'accroissement.  »  II,  244. 

Acheminement.  «  Un  merveilleux  acheminement  à  la  passion.  »  II,  260. 

Achever.  «  Ce  qui  achève  notre  impuissance  à  connaître  les  choses.  »  I,  7. 
—  «  Le  péché  n'est  pas  achevé,  si  la  raison  ne  consent.  »  II,  247. 

Achoppement.  Jésus-Christ,  pierre  d'achoppement.  II,  50. 

Achopper.  «  C'est  là  où  tous  ont  achoppé.  »  I,  4. 

Acte.  «  Le  dernier  acte  (de  la  comédie  de  la  vie)  est  sanglant.  »  H,  112. 

Action.  «  Tout  a  eu  sa  place  entre  les  actions  vertueuses.  »  I,  38.  — 
«  Les  belles  actions  cachées  sont  les  plus  estimables.  »  I,  73.  —  «  La  concu- 

f>iscence  et  la  force  sont  la  source  de  toutes  nos  actions.  »  II,  114.  —  «  Dans 
a  grâce,  la  moindre  action  importe  pour  ses  suites  à  tout.  »  II,  121.  —  Ce 
qu'il  faut  regarder  en  chaque  action.  Ibid. 

Ad  tuum,  Domine  Jesu,  tribunal  appello.  II,  118  et  141. 

Adam.  Dépositaire  de  la  promesse  du  Sauveur.  I,  173.  —  Sa  tradition  dans 
Noé  et  dans  .Moïse.  I.  174.  —  Nous  ne  concevons  ni  son  état  glorieux,  ni  la 
nature  de  son  péché,  ni  la  transmission  qui  s'en  est  faite.  1,  187.  —  «  Toute 
la  foi  consiste  en  Jésus-Christ  et  en  Adam.  pII,  88.  — «  Adam  forma  futuri.» 
IL  170.  —  «  Le  premier  Adam  (le  secontl  est  Jésus-Christ).  »  II,  206. 
Voy.  Jardin. —  «  Ce  qui  était  juste  en  Adam  est,  injuste  et  criminel  en  nous.» 
Il,  242.  Voy.  Amour-propre.  —  «  Il  y  a  dans  ciiaque  homme  un  serpent,  une 
Eve  et  un  Adam...  L'Adam  est  la  raison.  »  II,  247. 

Adhérer.  «  Adhérer  éternellement  (à  Dieu).  »  II,  319. 

Admirateurs.  Chacun  veut  en  avoir.  I,  25. 

Admiration."  L'admiration  gâte  tout  dès  l'enfance.  »  II,  164. 

Admirer,  pour  S'étonner.  «  Qui  n'admirera  que  notre  corps,  etc.  ?»  I,  3. 
Cf.  1,  75,  175.  —  «  Vous  admireriez  sa  sottise  et  sa  folie.  »  11,  362. 

A(Iorateur.  Païens  adorateurs  de  bêtes;  païens  adorateurs  d'un  seul  Dieu. 
1,211.  —  J'aime  les  adorateurs  inconnus  au  monde.  »  II,  173. 

Adorer.  «  Il  (Epictète)  mériterait  d'être  adoré  si...  »  I,  cxxv. —  «  L'on 
adore  souvent  ce  qui  ne  croit  pas  être  adoré.  »  1J,  259. 

Afkection.  L'affection  ou  la  haine  change  la  justice  de  face.  1,  33.  — 
Affections  païennes  ;  affections  chrétiennes.  1,  211.  —  «  Seigneur,  prenez  mes 
affections  que  le  monde  avait  volées.  »  II,  226. 

Apfbrmir  (S').  Voy.  Attachbr. 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  3 

Affirmatif.  «  Les  discours  du  pvrrhonisme  sont  matière  d'affirmation  aux 
affirmât  ils.  »  1,75. 

Affliction.  «  Que  je  m'estime  heureux  dans  l'affliction.  »  II,  238.  —  Senti- 
ments qu'il  faut  avoir  dans  les  afflictions.  [1,244-245.  —  «  Les  afflictions  tempo- 
relles couvrent  les  biens  éternels  où  elles  conduisent,  d  11.  330. 

Affliger.  «  l'eu  do  chose  nous  afflige,  x  1,77.  —  J'essaie  autant  que  je  puis 
<!<•  ne  m'affliger derien.»  Il,  334.  Pour  Frapper,  abattre  {affligera) .  «Quand 
elle  (la  mort)  affligeait  un  corps  innocent.  o  11,  243. 

Affronter.  \  oy.  Courage. 

A6AMEHN0N.  -N'a  pas  existé.     1.   -01.   Voy.  Troie. 

AGGRAVER,  pour  appesantir.  I,  7  (note). 

Agilité.  Agilité  de  l'Ame.  I,  77. 

Agir.  «  Leurs  conseils  qui  sont,  encore  vivants  et  agissants  en  nous.  »  II,  2'i6. 

Agitation.  II,  155,  note  2.  —  Les  hommes    tendent  au  repos  par  L'agitation. 

I,  51. 

Agneau.  «  Je  suis  l'agneau  qui  ôte  les  péchés.  »  II,  203. 

Agonie.  Jésus  dans  l'agonie.  H,  206-20S. 

Agrandir.  «  Il  y  a  des  passions  qui  resserrent  l'âme,...  il  y  en  a  qui  l'agran- 
dissent. »  II,  259. 

Agréarle.  Il  faut  de  l'agréable.  I,  104.  —  Définition  de  l'agréable.  Il,  200. 
Voy.  Beau. 

Agréer.  «  La  chose  m'agrée   ou  me   choque.  »    II,  162.  —  L'art  d'agréer, 

II,  299. 

Agrément.  ((  La  mode  fait  l'agrément.  »  I,  71.  —  Un  certain  modèle  d'agré- 
ment et  de  beauté  :  en  quoi  consiste.  I,  103.  —  Est  l'objet  de  la  poésie.  1,104. 
—  Voy.  Amouu. 

Ah  eu  r  ne.  «  On  ne  serait  pas  aheur té  à  Jésus-Christ.  II,  50. 

Aidant.  Aidé.  «  Toutes  choses  étant  aidées  et  aidantes.  »  I,  7. 

Aiguillon.  «  Cet  aiguillon  d'envie  et  de  gloire.  »  II,  16i. 

Aimable,  a  C'est  en  cela  qu'il  m'est  aimable  (Jésus-Christ).  »  II,  41.  —  Voy. 
Chrétien. 

Aimer.  On  n'aime  jamais  personne,  mais  seulement  des  qualités.  1,65-66.  — 
Il  ne  faut  pas  vouloir  être  aimé.  II,  106,  110,  114,  149.  —  Injustice  de  ceux  qui, 
reconnaissant  que  Dieu  seul  est  digne  d'être  aimé  et  admiré,  ont  désiré  d'être 
aimés  et  admirés  des  hommes.  II,  114.  —  Pourquoi  on  n'aime  plus  une  personne 
qu'on  aimait  il  y  a  dix  ans.  II,  162.  —  L'homme  n'est  fait  que  pour  aimer,  il, 
253.  —  «  Reprendre  des  forces  pour  mieux  aimer.  »  II,  256.  —  «  Le  plaisir 
d'aimer  sans  l'oser  dire  a  ses  peines,  mais  aussi  il  a  ses  douceurs.  »  II,  257.  — 
Les  esprits  délicats  aiment  plus  longtemps;  les  esprits  grossiers  aiment  plus 
vite.  IL  25S.  -  D'où  vient  qu'on  est  irrésolu  quand  on  est  près  de  ce  qu'on 
aime.  II,  "261. 

Aimer  Dieu.  Marque  de  la  vraie  religion.  I,  169  et  178,  182,  210-211,  219.  — 
«  Il  ne  faut  aimer  que  Dieu.  »  II,  110,  113,  lli.  Cf.  II,  105.  Voy.  être  (substan- 
tif). «  Qu'il  y  a  loin  de  la  connaissance  de  Dieu  à  l'aimer!  »  II,  174. 

Aîné.  «  La  plaisanterie  des  aînés  qui  ont  tout.  »  11,  174. 

Air.  Le  bon  air,  pour  Les  façons  d'honnête  homme,  l'honnêteté,  les  belles 
manières  du  monde.  «  Qu'il  (Montaigne)  cherchait  le  bon  air.  »  I,  80.  —  «Cela 
est  si  mal  pris,...  et  si  éloigné.  .  de  ce  bon  air  qu'ils  cherchent.  »  I,  141.=» 
Pour  La  piété  de  bienséance,  par  opposition  à  la  bonne  piété.  11,  178. 

Alcoran.  Fondement  de  la  religion  mahométane.  IL  41.  Voy.  Mahombt.  — 
Son  authenticité.  II,  43.  —  «  L'Alcoran  dit  que  saint  Matthieu  était  homme 
de  bien.  »  Ibid. 

Alexandre.  On  imite  plutôt  ses  vices  que  ses  vertus.  I,  79.  —  Sa  jeunesse 
opposée  à  la  maturité  de  César,  1,  84.  —  Voy.  Iwangile. 

Aliment.  «  Les  passions...  donnent  a  l'âme  de  leur  aliment.  »  II,  173. 

Allée.  «  La  nature  de  l'homme  a  ses  allées  et  venues.  »  11,  124. 

Allégement.  «  Trouver  un  solide  allégement.  »  II,  236. 

Allemands.  «  Les  fantaisies  et  les  caprices  des  Perses  et  Allemands.  »  I,  38. 

Aller,  suivi  d'un  gérondif.  «  Ainsi  se  vont,  les  opinions  succédant  du  pour 
au  contre.  »  I,  60  L 

1.  Môme  tour  dans  La  Fontaine,  PMlémon  et  Baucis,  v.  73  : 

Plut  le  vase  versait,  moins  il  s'allait  vidant. 
Voy.  les  Observations  de  Ménage  sur  Malherbe,  p.  368  370  de  la  2»  édit.  (88). 


4  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Aller  a,  pour  Tendre  à,  avoir  pour  but.  «  La  foi  chrétienne  ne  va  princi- 
palement qu'à  établir,  etc.  »  I,  1U).  —  «  Tout  ce  qui  ne  va  point  à  la  charité 
est  figure.»  II,  9.  — .  «Le  bon  air  va  à  n'avoir  point  de  complaisance  pour  les 
autres.  »  II,  178.  =  Aller  à,  pour  Arriver  à.  «Vous  voulez  aller  à  la  foi,  et  vous 
n'en  savez  pas  le  chemin.  >;I,52.  —  Aller  à  Dieu,  pour  S'élever  à  la  connaissance 
de  Dieu.  II,  155. 

Alliance,  pour  Rapport,  dépendance.  «  Tout  tombe  sous  son  alliance  (de 
l'homme).  »  I,  7.  =  L'alliance  de  Moïse.  Il,  57.  —  La  nouvelle  et  l'ancienne 
alliance.  II,  58.  —  Jésus-Christ  nous  a  admis  à  son  alliance.  11,  173. 

Allumer.  «  Les  yeux  s'allument  et  s'éteignent  dans  un  même  moment.  » 
II,  257. 

Amant.  On  ne  peut  faire  semblant  d'aimer  qu'on  ne  soit  bien  près  d'être 
amant.  11.261. 

Ambiguïté.  «  Ambiguïté  ambiguë  (de  la  cabale  pyrrhonnienne)  .  »  I,  43. 

Ambition.  Les  passions  les  plus  convenables  à  l'homme  sont  l'amour  et 
l'ambition.  11,  251 

Ambitiosa  recidet  ornamenta  (Hor.)  I,  86. 

Ame.  «  Grandt«ur  de  l'âme  humaine.  »  I,  cvn.  Cf.  1,  73.  —  Nous  avons  une 
si  grande  idée  de  l'âme  de  l'homme,  que  nous  ne  pouvons  souffrir  de  n'être  pas 
dans  l'estime  d'une  âme.  »  I,  10.  —  Agilité  de  l'âme,  comparée  un  tison  de 
feu.  I,  77.  —  L'âme  a  diverses  inclinations.  1,81.  —  «  Rien  n'est  simple  dece 
qui  s  offre  à  l'âme,  et  l'âme  ne  s'offre  jamais  simple  à  aucun  sujet.  »  Ibid.  —  Ne 
se  tient  pas  aux  grands  efforts  d'esprit.  I,  100.  —  Importance  de  la  question  de 
l'immortalité  del'âme  :  toute  la  conduite  de  la  vie  endépend.  1, 137;  11,95,  111. 
Voy.  Morale  .  —  Le  doute  sur  l'immortalité  de  l'âme  est  un  grand  mal.  I,  138- 

139.  —  Dilemme  des  philosophes  sur  ce  sujet.  1.  144.  —  Pascal  n'entreprend  pas 
de  prouver  par  des  raisons  naturelles  l'immortalité  de  l'âme.  I,  154.  —  «  La  sain- 
teté, la  hauteur  et  l'humilité  d'une  âme  chrétienne.  »  I,  177.  —  «  Incompréhen- 
sible que  l'âme  soit  avec  le  corps,  que  nous  n'ayons  pas  d'âme.  »  II,  126.  — 
«  Il  n'est  point  parfaitement  clair  que  l'âme  soit  matérielle.  »  Ibid  —  «  Tout  ce 
(jui  est  arrivé  à  Jésus-Christ  doit  se  passer  dans  l'âme  et  dans  le  corps  de  cha- 
que chrétien.  >  II,  243.  Cf.  II,  237.  —  «  L'âme  souffre  et  meurt  au  péché  dans  la 
pénitenceet  dans  lebaptême.»  II,  243.  Voy.  Baptême.  —  <  L'âme  quitte  la  terre 
et  monte  au  ciel  à  l'heure  de  la  mort.  »  Ibid.  —  La  mort  du  corps  et  la  mort 
de  l'âme.  II,  245.  — «  Dans  une  grande  âme  tout  est  grand.  »  II,  252.  —  «  Les 
grandes  âmes  aiment  beaucoup  mieux.  »  II,  261.  —  Par  quelles  entrées  les 
opinions  sont  reçues  dans  l'âme.  II,  296.  Voy.  Entrée.  —  Par  quelles  portes 
les  vérités  sont  reçues  dans  l'âme.  II,  297.  Voy.  Porte.  —  Sentiments  d'une 
âme  qui  se  convertit.  II,  315-319. 

Ami.  Comment  on  parle  de  ses  amis.  1,28.  —  Un  vrai  ami  est  une  chosse  si 
avantageuse,  même  pour  les  grands,  qu'ils  doivent  tout  faire  pour  en  avoir, 
mais  ne  pas  prendre  des  sots  pour  amis.  1,  87  et  91.  —  Faux  amis.  —  II,  150. 
—  Voy.  Parents. 

Amitié.  «  Peu  d'amitiés  subsisteraient,  si  chacun  savait  ce  que  son  ami  dit 
de  lui  lorsqu'il  n'y  est  pas.  »  I,  28.  —  Incertitude  de  l'amitié  des  rois.  1,81.=. 
Dans  le  sens  d'amour  «  Une  haute  amitié.  »  II,  255.  — «  L'amitié  des  dames.  » 
II,  259. 

Amoindrir.  Voy    Eternité. 

Amour.  Devoir  d'amour  rendu  à  l'agrément.  I,  72.  —  Les  amours  brutaux 
ne  valent  rien,  dans  la  comédie.  I,  80.  —  La  cause  de  l'amour  est  un  je  ne 
sais  quoi.  I,  83.  —  Ses  effets.  1,  84.  —  L'amour  dans  la  comédie.  II,    116  et 

140.  —  Les  beautés  et  les  douceurs  de  l'amour.  Il,  117.  — Pourquoi  il  change. 
II.  162.  —  L'amour  est  la  passion  la  plus  naturelle  à  l'homme.  Il,  251,  255.  — 
«  Nous  naissons  avec  un  caractère  d'amour,  etc.  »  II,  253.  Voy.  Beauté.  — 
«  A  force  de  parler  d'amour,  on  devient  amoureux...  L'amour  n*a  point  d'âge... 
L'amour  donne  del'esprit.. .  C'est  un  tyran  qui  ne  souffre  point  de  compagnon.  » 
II,  235.  —  Ses  défaillances.  II,  257.  —  «  Tant  plus  le  chemin  est  long  dans 
l'amour,  tant  plus  un  esprit  délicat  sent  de  plaisir.  »  II,  258.  —  Le  premier 
effet  de  l'amour,  c'est  d'inspirer  un  grand  respect...  En  amour,  un  silence  vaut 
mieux  qu'un  la-ngage.  »  Ibid.  —  Amour  des  héros  :  il  faudrait  être  héros  pour 
le  bien  peindre.  Ibid.  —  «  L'amour  et  la  raison  n'est  qu'une  même  chose.  » 
II,  259.  —  Voy.  Poète. 

Amour-propre.  Sa  nature  I,  26.  —  «  Qui  ne  hait  en  soi  son  amour-propre 
est  bien  aveuglé.  11.  111.  —  «  Rien  n'est  si  opposé  à  la  justice  et  la  vérité. 
Ibid.  —  «  Aucune  religion  n'a  remarqué  que  ce  fût  un  péché.  »  Ibid.  —  Origine 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEftQÙË.  5 

de  Pimour-propre.  Il  était  naturels  Adam,  el   juste  en  son  innocence.  Ji   242. 

Amour  de  Dieu.  Sa  nécessité.  I,  188.  —  Recommandé  au  Juifs  en  tout  le 
Deutéronome.  11,57. —  «  Dieu  ;i  créé  L'homme  avec  deux  amours,  Tune  pour 
Dieu,  l'autre  pour  soi-même.»  11,  242.  —  Voy.  Aimer  Dibu. 

r  de  soi.  Gréé  dans  l'homme  par    Dieu.  II.  242,  Voy.  Vie.  —  Règles 
de  l'amour  uY  soi.  II.  '  13. 

Amoi  •  busement,  eu  parlant  d'une  mère.  Il,  341.  Cf.  II.  115. 

Amoureux.  «  A  force  <!<■  parler  d'amour,  on  devient  amoureux.  »  11,  255. — 
a  L'on  dit  qu'il  y  a  des  nations  plus  amoureuses  les  unes  (pic  les  autres  ;... 
cela  n'esl   pas  vrai  en  tout  sens.  »  11,  261. 

Ample.  «  L'ample  sein  de  li  nature  »  1,  1.  —  «  La  diversité  est  si  ample, 
etc.  »  11,  163.   —  Tradition  ample.   11,  181. 

Amplitude.  «  Amplitude  d'esprit.  »  1,  96. 

Ami  sèment.  Ce  n'est  pas  l'amusement  seul  qu'on  recherche  :  un  amusement 
languissant  et  sans  passion  ennuie.  1,  52. 

Analyse.   Eloge  de  l'analyse  (mathématique).   11.  279. 

Ananias.  II,  72.  Cf.  Il,  183. 

Anatomiser.  ((  Un  homme  est  un  suppôt:  mais  si  on  Fanatomise,  sera-ce, 
etc.?»  11,  163. 

Anciens  (Les).  Bornes  du  respect  que  nous  devons  avoir  pour  eux.  II,  269.  — ■ 
((  Ceux  que  nous  appelons  anciens  étaient  véritablement  nouveaux  en  toutes 
choses.  »  II,  271  et  27 i.  —  Voy.  Antiquité. 

Ancré.  Vanité  ancrée  dans  le  cœur  de  l'homme.  1,  25. 

Anéantir.  Voy.  Eternité,  Fini. 

Ange.  «  L'homme  n'est  ni  ange  ni  bête,  et...  qui  veut  faire  l'ange  fait 
la  bête.  »  I,  100.  Cf.  I,  11.  Voy.  Béte.  —  Les  anges  voient  la  religion  de  plus 
loin  que  les  autres  esprits.  11,  94. 

Angélique.  Dira  des  choses  angéliques.  II,  42. 

Angleterre.  Voy.  Boi. 

Animaux.  Ne  sont  pas  machines.  II,  118.  — N'ont  pas  d'esprit.  II,  151.  — 
Leur  instinct.  II,  270  —  «  La  nature  les  instruit  à  mesure  que  la  nécessité 
les  presse.  »  Ibid. 

Antéchrist.  11,72. — Delacroyanceàl'Antechristetdeses miracles.  II,  73-74. 

Antiochus.  «  Ântiochus  Deus,  roi  de  Syrie.  »  II,  32. 

Antiquité.  «  Si  l'antiquité  était  la  règle  de  la  créance,  les  anciens  étaient 
donc  sans  règle.  »  II,  160.  —  Respect  excessif  qu'on  porte  à  l'antiquité.  II,  266. 
—  La  vérité  doit  avoir  l'avantage  sur  elle.  II,  373.  =  L'antiquité,  pour  la  tra- 
dition de  l'Eglise  et  des  Pères.  I,  117. 

Antithèse.  Les  antithèses  forcées  comparées  à  de  fausses  fenêtres  pour 
la  symétrie.  I,  103. 

Apercevoir.  Voy.  Sens  (les). 

Apéritif.  Vertu  apéritive.  II,  178. 

Apocalyptiques  (Les).  II,  1.  —  Extravagances  des  Apocalyptiques,  Préa- 
damites,  Millénaires,  etc.  II,  185. 

Apôtres.  Une  des  preuves  de  la  religion  chrétienne.  1,  177.  —  «  Ils  nous 
ont  appris  que  les  ennemis  de  l'homme  sont  ses  passions.  »  II,  4.  —  «  Ces 
gens  simples  et  sans  force...  ôtent  l'idolâtrie  de  toute  la  terre.  »  II,  25.  — 
«  Les  apôtres  ont  été  trompés,  ou  trompeurs.  L'un  ou  l'autre  est  difficile.  » 
II,  38.  —  Pourquoi  ont  fait  des  miracles.  II,  39.  Cf.  I,  174.  —  Ont  ordonné 
de  lire.  II,  43.  —  Leurs  preuves.  II,  68.  —  Apôtres  et  exorcisme.  II,  72.  — 
Voy.  Circoncision,  Ecriture. 

Appareil.  «  Tout  cet  appareil  auguste  était  fort  nécessaire.  »  I,  33.  Voy. 
Magistrat. 

Apparence,  ce  Apparence  du  milieu  des  choses.  »  I,  3.  —  «  Notre  raison 
est  toujours  déçue  par  l'inconstance  des  apparences.  »  I,  6. 

Applsantlssement.  Voy.  Main. 

Appétit.  L'appétit  concupiscible.  II,  217.  Voy.  Eve. 

Approprier  (S').  «  Il  y  a  apparence  qu'il  (Dieu)  s'est  approprié  cette  af- 
faire. »  II,  338. 

Appui,  Appuyer.  Voy.  Principe. 

Après  avoir  entendu  la  nature  de  Vliomme.  I,  170.  note  1. 

Archimède.  Sa  grandeur  dans  l'ordre  de  l'esprit.  11,  15-16.  Voy.  Prince. 

Arianisme.   «  Que  ne  les  accusez-vous  d'arianisme  (les  Jansénites)?  »  II,  117. 

Ariens.    Leur  hérésie.  II,  91-92. 

Akistote.  «  On  ne  s'imagine  Platon  et  Aristote  qu'avec  de  grandes   robes 


6  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

de  pédants.  C'étaient  des  gens  honnêtes  et  comme  les  autres.  I,  85.  — 
«  S'ils  ont  écritde  politique,  c'était  comme  pour  régler  un  hôpital  de  fous.  »  1,86. 

Arithmétique.   Voy.  Euclide,  Machine 

Arius.  La  vérité  a  parlé  au  temps  d'Arius.  II,  80  et  80. 

Ahnaulu     Sa  condamnation  par  la  Sorbonne.  II,  327.  Cf.  II,  100  et  133. 

Art  d'agréer.  Voy.  Agréer. 

Art  {/' ;  de  conférer  (de  Montaigne).  H,  304. 

Art  de  persuader.   Voy.  Persuader. 

Art  de  plaire.  Voy.  Plaire. 

Artifice,  pour  art.  II,  271. 

Ase  (IL),  auteur  du  Talniud  babylonique.   II,  182. 

Asseoir,  au  figuré.  «  Asseoir  son  imagination.  »  I,  6.  —  Voy.  Créance. 

Assiette,  la  position  dans  laquelle  on  est  assis,  au  propre  et  au  figuré 
status).  1,  cxxvn.  —  «  Trouver  une  assiette  ferme.  »  1,  6.  —  «Démonter  un 

i'ugement  de  son  assiette  naturelle.   »  I,  82.   —  «  Assis    dans  une    assiette 
iasse  et  sûre.  »  II,  103. 

Assoupissement,  pour  Indifférence,  insouciance.  «  Un  assoupissement  sur- 
naturel. »  1,  141. 

Assujettir.  Voy.  Equité. 

Assurance.  «  Kien  ne  donne  l'assurance,  que  la  vérité.  »  II,  97. 
Assurer.  «  11  faut  savoir  assurer   où   il  faut.  »  I,  193.  —  «  On   assure  la 
conscience...  ;  on  n'assure  pas  La  bourse...   »  II,  183.   =    S'assurer    «  Sur  ce 
qu'ils  s'assuraient  de  connaître  seuls  le  véritable  sens  de  l'Ecriture.  »  I,  cxxvn. 

—  «  Voyant  trop  pour  nier,  et  trop  peu  pour  m'assurer.  »  1,197. 
Astrologues   11,  152. 

Athanase.  «  Au  temps  où  on  le  persécutait,  ce  grand  saint  était  un  homme 
qui  s'appelait  Athanase.  »  II,  99. 

Athée,  m  Athées  endurcis.  »  I,  155.  Cf.  I,  167,  et  Introduction,  p.  x.  — 
Athées  combattus  sur  la  résurrection  et  sur  l'enfantement  de  la  Vierge.  11,97.  — 
«  Les  athées  doiventdire  des  choses  parfaitement  claires.»  11,126.  —  Voy.  Déses- 
poir. 

Athéisme.  «  Marque  de  force  d'esprit,  mais  jusqu'à  un  certain  degré  seu- 
lement. »  II,  127.  —  Voy.  Déisme. 

Atome.  «  -Nous  n'enfantons  que  des  atomes.  »  I,  1.  —  «  Dans  l'enceinte  de 
ce  raccourci  d'atome.  »  1,  2  et  21. 

Attache.  «  Je  n'ai  pu  y  premlre  d'attache.  »  I,  175.  —  «  Tout  ce  qui  nous 
excite  5  autre  attache  que  Dieu  seul.  »  II.  110. 

Attachement.  «  L'attachement  à  une  même  pensée  fatigue  et  ruine  l'esprit 
de  l'homme.  »  II,  256.  —  «  Sales  attachements.  »  11,297.  —  «  A  ceux  qui  ont 
des  attachements  aumonde  qui  les  y  retiennent.  »  11,  3*2. 

Attacher.  «  Cordes  qui  attachent  le  respect  à  tel  et  tel.  »  1, 89.  =  S'attacher. 
«  Quelque  terme  où  nous  pensions  nous  attacher  et  nous  affermir.  »  1,  5. — 
«  Il  est  injuste  qu'on  s'attache  à  moi.  »  II,  106. 

Attendue.  C'est  en  n'attendant  rien  de  vous  que  vous  devez  l'attendre  (le 
salut,  ou  Dieu).  »  11,  209. 

Attente.  L'Ancien  Testament  regarde  Jésus-Christ  comme  son  attente.  II, 
18.  —  «  Ce  prophète  qui  devait  être  îa  dernière  attente  du  monde.»  II,  41.  = 
«  Il  y  a  une  place  d'attente  dans  leur  cœur.  »  II,  254.  » 

Attirant.  «  Un  objet  attirant.  »  1,  50. 

Attractif.  Vertu  attractive.  II,  178. 

Auguste.  Sa  jeunesse  opposée  à  la  maturité  de  César.  1,  84.  —  Bon  mot  d'Au- 
guste. Il,  203. 

Augustin  (Saint).  N'a  pas  vu  la  règle  des  partis.  1,62.  —  Cité.  I,  8,  193; 
II,  201,  244,  247,  342.  —  «  A  «lit  que  les  forces  seraient  ôtées  au  juste.  «  II, 
203.  —  Désigné.  II,  241.  —  Saint  Augustin  et  Descartes.  II,  304.  —  Voy 
Échauffer,  Miracle. 

Aussi,  eu  phrase  négative,  pour  Non  plus.  «Comme  je  ne  sais  d'où  je  viens, 
aussi  je  ne  sais  où  je  vas.  »  1,  140.  —  «  Je  ne  prétends  pas  aussi  vous  rendre 
raison,  »  I,  185.  —  «  11  ne  pensait  pas  aussi  à  en  faire  une  histoire.  »  I,  201. 

—  «  11  ne  faut  pas  aussi  qu'il  en  voie  assez  pour  croire.  »  II,  89.  Voy.  Pas  et  Point. 
Austérité.  Voy.   Eglise. 

Auteur.  «  Toutce  qui  n'est  que  pour  l'auteurne  vaut  rien.  »  I,  86. —  Auteur 
et  homme  mis  en  opposition.  I,  105.  —  «  Jamais  auteur  canonique  ne  s'est  servi 
de  la  nature  pour  prouver  Dieu.  »  1,  155  et  1(57.  —  Auteurs  contemporains,  ne 
»ont  pas  suspects.  1,201.  —  Auteurs  qui  disent  :  Mon  livre,  mon  commentaire 


ÎABLE  ANALYTIQUE  Et  LEXIl  7 

mon  histoire,  etc.  Il,  118.      '*u  il  fanl  recourir  nui  livres  des  auteurs.  II,  207. 

Authentique,  pour  Public,  c<  Qui  ne  peut  résister  à  cette  montre  si  authen 
tique.  »  J,  33. 

\i  roMATB.  «  Nous  sommes  automate  autant  qu'esprit.  »  1.  155.  -~  «  La  cou- 
tume incline  Pau  tomate,  qui  entraîne  l'esprit.  »  I,  186.  Cf.  J,  168-109.  — 
Voy.  Dbscabtbs,  Machine. 

Ai  rOBlSÉ.  «  Cette  religion...  déjà  assez  autorisée  par  une  si  divine  morale.  » 

I,  113. 

AUTORISER.  «  Dieu  n'autoriserait  pas  cette  possession,...  au  lieu  qu'il  autorise 

re.  »  II,  358. 
Autorité.  «  L'ennui,  de  son  autorité  privée  ne  laisserait  pas,  etc.  »  I,  81. 

—  ..  Attirer  autorité  à...  »  1,  185.  —  L  autorité  de  celui  qui  parle,  une  des 
deuv  manières  de  persuader  les  vérités  de  la  religion.  II.  89.  —  Contre  l'auto- 
rité. 11,  100.  —  .Matières  où  elle  règne.  Il,  207.  Voy.  THÉOLOGIE.  —  Où  elle 
est  inutile.  Ibid.  —  L'autorité,  II,  100.  Note  2. 

Autre.   Les  autres  (opposé  aux  Chrétiens).  II,  52,  330.    Voy.  Dieu   caché. 

Avancer,  pour  Procurer  de  l'avancement.  Il,  355. 

Avances     Pourquoi  ce  sont  les  hommes  qui  les  font.  11,  259. 

Avantage.  Avoir  un  avantage.  I,  il  :  II,  2'tf.  —  Trouver  des  avantages. 
11,245.  —  Tirer  avantage.  Ibid.  Cf.  II,  336. 

Avantages  du  peuple  juif.  I,  200,  note  3. 

Avaricieux.  «  lin  avaricieux  qui  aime  devient  libéral.  »  II,  259. 

Avènement.  «  Les  hérauts  de  ce  grand  avènement.  »  I,  198.  —  <<  L'avéne- 
ment  ignominieux  et  pauvre  du  Messie.  »  1,  208.  —  «  Le  temps  du  premier 
avènement  est  prédit;  le  temps  du  second  ne  Test  point.  »  1,  210, Cf.  II,  175. 

—  Deux  avènements,  un  de  misère,  l'autre  de  gloire.  II,  4.  —  «.  Il  a  voulu 
paraître  dans  son  avènement  de  douceur.  »  II,  47.  —  «  Qu'il  y  a  deux  avè- 
nements, glorieux  et  abject,  du  Messie.  11,  200.  —  La  venue  de  Jean- 
Baptiste,  époque  de  l'avènement  de  Jésus-Christ  dans  chaque  fidèle.   II,  334. 

—  Application  morale  du  discours  de  Jésus-Christ  sur  son  dernier  avènement. 

II,  341. 

Avenir.  «  Nous  anticipons  l'avenir.  »  1,  30.  Cf.  II,  339.  —  «  Le  seul 
avenir  est  notre  fin.  »  1,  37.  Voy.  Passé,  Présent.  —  L'avenir  ne  nous  doit 
point  toucher.  11,  339.  Voy.  Vivre. 

Avenir.  (Verbe.)  II,  197. 

Avent.  «  Tout  l'office  de  l'Avent  est  bien  propre  pour  donner  courage 
aux  faibles.  »  II,  341. 

Aversion.  Voy.  Vérité. 

Aveugle.  Voy.  Aveugler. 

Aveuglé.  «  Qui  ne  hait  en  soi  son  amour- propre  est  bien  aveuglé.  »  II,  111. 

Aveuglement.  Effroyable  aveuglement  de  l'homme.  I,  175.  —  «  Un  aveu- 
glement pareil  à  celui  que  la  chair  jette  dans  l'esprit.  »  I,  208.  —  Deux 
sortes  d'aveuglement.  II,  111.  Voy.  Vivre. 

Aveugler.  «  Jésus  est  venu  aveugler  ceux  qui  voyaient  clair,  et  donner 
la  vue  aux  aveugles.  «11,  50.  —  «  Dieu  a  voulu  aveugler  les  uns  et  éclairer 
les  autres.  »  II,  52.  —  «  Un  homme...  qui  déclare  son  dessein  et  d'aveugler 
et  d'éclairer.  »  II,  186.  —  «  L'erreur  qui  a  aveuglé  tous  les  hommes  dans  le 
premier.  »  II,  237.  =  S'aveugler.  «  Les  Juifs  s'aveuglaient  en  jugeant  des 
miracles  par  l'Ecriture.  »  II,  184. 

Avocat.  «  Combien  un  avocat  bien  payé  par  avance  trouve-t-il  plus  juste 
la  cause  qu'il  plaide  !  »  1,  33.  —  Nous  ne  pouvons  pas  voir  un  avocat  en  sou* 
tane...  sans  une  opinion  avantageuse  de  sa  suffisance.  »  1,  34. 

Avoir  (V).  «  N'y  ayant  rien  de  si  inconcevable  que  de  dire...  »  J,  7.  — 
«  N'y  ayant  point  de  certitude,  hors  la  foi..    »  1,  113. 

Axiomes.  Règles  pour  les  axiomes.  11,  301-302. 


E 

Babylone.  Fleuves  de  Babylone  (paraphrase  mystique  du  Ps.  Super  /lu 
mina).  II,  103. 

Babyloniens,  hnnemis  des  Juifs.  I,  209. 
Bagit    Courir  la  bague,  li,  10).  Voy.  Monde. 


\ 


8  TABLE  ANALYTIQUE  ET  Lh'XIQUE. 


Balancement.  «  11  se  fait  un  balancement  douteux  entre  la  vérité  et  la 
volupté.  »  11,  299. 

Balle.    L'homme    affligé  qui   joue   à    la  balle   de    paume.  1,52    (note  2) 
Cf.  51.  —  Bien  écrire,  c'est  bien  placer  la  balle.  1,  99. 

Ballet,  o  Le  ballet  des  esprits.  »  H,  151. 

Baptême.  L'aine  ressuscite  à  une  nouvelle  vie  dans  le  baptême.  II,  243 
—  Réflexions  sur  le  baptême.  11,  323. 

Baptiser.  «  De  peur  qu'une  qualité  ne  remporte,  et  ne  fasse  baptiser 
(c'est-à-dire  ne  fasse  donner  une  qualification   particulière),  1,  75. 

Barbara.  «  Ce  n'est  pas  barbara  et  baralipton  qui  forment  le  raisonne- 
ment. »  11,  307. 

Barbouiller.  «  Les  enfants  qui  s'effrayent  du  visage  qu'ils  ont  barbouillé. 
i,  52;  II,  125.  —  Voy.  Prédicateur. 

Barjésu.  II,  72     Voy.  Paul  (Saint). 

Barre.  «  Placer  adroitement  une  barre.  »  1,53. 

Barreaux  (Des).   Voy.  Des  Barreaux. 

Base.  «  Trouver...  une  dernière  base  constante.  »  l,  6. 

Bassesse,  pour  Humilité.  1,  153  ;  11,  96.  —  11  faut  des  mouvements  de 
bassesse,  non  de  nature,  mais  de  pénitence.  »  I,  188.  --•  Bassesse  de  l'homme, 
I,  171.  Voy.  Grandeur.  —  Bassesse  apparente  de  Jésus-Christ.  II,  16,  = 
Bassesse  d'esprit.   Mépris  intérieur  qu'elle  mérite.  II,  35 i. 

Bateau.  «  On  ne  choisit  pas  pour  gouverner  un  bateau  celui  qui  est  de 
meilleure  maison.  »  I,  62  (note  1).  —  Voy.  Vaisseau. 

Batelier.  Voy.  Duc. 

Battre.  «  Ton  maître  te  flatte  ;  il  te  battra  tantôt.  »  II,  154. 

Béatitude,  pour  Bonheur  éternel.  1,  150.  —  Béatitude  de  l'âme  et  béati- 
tude du  corps.  11,  244.  Voy.  Mort  (La). 

Beau.  «  L'agréable  et  le  beau  n'est  que  la  même  chose.  »  II,  260.  = 
Beau,  ironiquement.  «  Cette  belle  raison  corrompue.  »  I,  38.  —  «  La  belle 
chose,  de  crier  à  un  homme,  etc.  !  »  II,  155.  =  Avoir  beau.  «  Nous  avons 
beau  enfler  nos  conceptions.  »  I,  1.  —  «  Les  philosophes  ont  beau  dire.» 
I,  118.  —  «  On  a  beau  se  cacher.  »  II.  253. 

Beau  temps.  Voy.  Temps. 

Beauté.  «  Celui  qui  aime  une  personne  à  cause  de  sa  beauté,  l'aime-t-il?  » 
I,  65.  —  Un  certain  modèle  d'agrément  et  de  beauté  :  en  quoi  consiste. 
I,  103-104.  Cf.  11,  253.  —  La  beauté  est  l'objet  propre  de  l'amour.  II,  253  — 
L'idée  générale  de  la  beauté  est  gravée  dans  le  fond  de  nos  âmes.  ïbid.  — 
«  Chacun  a  l'original  de  sa  beauté.  »  II,  254.  —  «  La  mode  même  et  les 
pays  règlent  souvent  ce  que  l'on  appelle  beauté.  »  Ïbid.  —  «  La  beauté  est 
partagée  en  mille  différentes  manières.  »  Ïbid. —  «  Pour  la  beauté,  chacun  a 
sa  règle  souveraine  et  indépendante  de  celle  des  autres.  »  II,  256.  =  Beau- 
tés.  Voy.  Cicl'uon. 

Beauté  poétique.  I,  104.  note  1.  —  Pourquoi  on  ne  dit  pas  beauté  géo- 
métrique et  beauté  médicinale,  comme  on  dit  beauté  poétique.  1, 104. —  Ce  qu'on 
appelle  ainsi  est  un  jargon.  ïbid. 

Bénéficia  eo  usque  lœta  sunt  etc.  (Tac.)  1,5. 

Bénignité.  Voy.  Epaminondas. 

Besogne  (La),  pour  L'acte  charnel.  Il,  150. 

Besoin.  «  L'homme  est  plein  de  besoins.  »  I,  74.  —  Les  besoins  et  les  désirs 
des  hommes  les  attirent  auprès  des  grands.  IL  355. 

Bête.  «  Il  ne  faut  pas  que  l'homme  croie  qu'il  est  égal  aux  bêtes,  ni  aux 
anges.  »  I,  11.  —  L'homme  n'est  ni  ange  ni  bête.  »  I,  100.  —  «  Les  bêtes  ne 
s'admirent  point.  »  Ïbid. —  «  Les  autres  (disent)  :  Baissez  vos  yeux...  et 
regardez  les  bêtes,  dont  vous  êtes  le  compagnon.  »  I,  171.  —  Réponse  à 
l'objection  des  impies,  que  les  bêtes  vivent  et  meurent  comme  les  hommes.  » 
11,94-95. 

Biais.   «  A  contre-biais.  »  1,  35. 

Bien.  «  Voulez-vous  qu'on  croie  du  bien  de  vous,  n'en  dites  pas.  »  I,  87.  == 
«  Nous  sommes  incapables  et  de  vrai  et  de  bien.  »  I,  41.  —  Le  bien  comparé 
au  mal.  1,  88.  —  Se  réjouir  du  bien  sans  se  fâcher  du  mal  contraire,  secret 
difficile  à  trouver.  I,  89.  —  Impuissance  d'arriver  au  bien.  I,  116-118.  — 
Dieu  est  seul  le  véritable  bien  de  l'homme.  I,  117.  —  Depuis  qu'il  a  perdu 
le  \rai  bien,  tout  peut  lui  paraître  tel.  ïbid  —  Sentiment  de  ceux  (les  Stoï- 
ciens) qui  en  ont  plus  approché.  ïbid.  —  «  Il  n'y  a  de  bien  en  cette  vie 
qu'en  l'espérance  d'une  autre  vie.  »  I,  138.  —  Le  vrai  bien  de  l'homme   est 


rABLË  ANALYTIQUE  Kl  LEXIQUE,  » 

inséparable  de  la  connaissance  de  La  vraie  religion.  1,  170.  —  Est-ce  celui 
que  nous  proposent  les  philosophes  .'  I,  L82,  —  «  Pour  les  philosophes,  288; 
souverains  biens.  11.  ol<-  —  Recherche  du  vrai  bien.  Il,  150,  note  1.  —  Le 
touverain  bien  :  dispute  du  souverain  bien.  II,  156,  note  4.  —  Voy.  Mal. 

Bien.  (Adverbe).  Pour  A  bon  titre.  Il,  73. 

Bienfait.  «  Trop  de  bienfaits  irritent.  »  1,  •>. 

Biens  (Les).  Egalité  des  biens.  1,  71.  —  Dieu  a  voulu  priver  les  siens  des 
biens  périssables.  I,  205.  —  Ce  que  1rs  Juifs  auraient  dû  entendre  par  biens. 

I,  ^09. —  «  J'aime  les  biens,  parce  qu'ils  donnent  le  moyen  d'en  assister  les 
misérables.  »  II,  11!>.  —  Ordre  des  biens  de  famille  :  sur  quel  titre  il  est 
fondé.  11,  351-352.  Cf.  I,  il.  Voy.  Richesses. 

Blamek.  Lire  blâme  et  loué  :  n'être  ni  loué  ni  blâmé.  11,  177,  Cf.  11,  164. 

Blasphémer.  «  Ils  blasphèment  ce  qu'ils  ignorent.  »  1,  176.  Voy.  Religion. 
—  Blasphémer  la  doctrine...  Blasphémer  les  miracles.    11,78. 

Blessé.  «  Votre  raison  n'est  pas  plus  blessée.  »  I,  150. 

Blond.  «  Il  y  un  siècle  pour  les  blondes,  un  autre  pour  les  brunes.  »  II,  254. 

Boiteux.  «  D'où  vient  qu'un  boiteux  ne  nous  irrite  pas,  et  un  esprit  boi- 
teux nous  irrite  ?  »  1,  03. 

Bon.  «  Il  faut  juger  de  ce  qui  est  bon  ou  mauvais  par  la  volonté  de  Dieu.  » 

II,  U3.  =  Tout  de  bon.  «  Quelquefois,  en  faisant  semblant  d'avoir  compassion, 
elles  l'ont  tout  de  bon.  »  il,  257. 

Bon  sens  {Le).  11,  157,  note  1. 

Bonheur.  «  Le  bonheur  n'est  ni  hors  de  nous,  ni  dans  nous  ;  il  est  en 
Dieu,  et  hors  et  dans  nous.  »  I,  12.  Cf.  I,  118.  —  Nous  sommes  incapables 
de  bonheur.  I,  121.  —  Point  de  bonheur  pour  ceux  qui  n'ont  aucune  lumière 
de  l'éternité.  I,  138.  —  11  reste  aux  hommes  un  instinct  impuissant  du  bon- 
heur de  leur  première  nature.  I,  183. 

Bonnet.  Bonnets  carrés  des  docteurs  et  des  médecins.  1,  33,  34.  — 
«  Quand  un  soldat  prend  le  bonnet  carré  d'un  premier  président,  et  le  fait 
voler  par  la  fenêtre.  II,  154. 

Bons  mots.  «  Diseur  de  bons  mots,  mauvais  caractère.  »  1,  76. 

Borgne.  Epigramme  des  deux  borgnes.  I,  86. 

Borné.  Les  hommes  bornés  en  tout  genre.  1,  5. 

Bornes.  «  Il  n'y  a  point  de  bornes  dans  les  choses.  »  I,  70.  —  Voy# 
Dieu,  Infini. 

Bourreau.  Voy.  Monde. 

Branche.  «  Il  (le  Pape)  tient  la  maîtresse  branche.  »  II,  120. —  Voy.  Vices. 

Branler.  «  Il  (le  terme)  branle  et  nous  quitte.  »  I,  5.  —  «  Les  actions 
des  hommes  ne  branlent  presque  que  par  ses  secousses  (de  l'imagination)  » 
I,  33.  —  Tout  branle  avec  le  temps.  »  I,  38. 

Bras.  «  Ce  n'est  pas  une  simple  superficie,  ni  un  simple  harnais,  d'avoir 
plusieurs  bras.  Plus  on  a  de  bras,  plus  on  est  fort.  »    I,  64. 

Brave.  «  Faisons  tant  que  nous  voudrons  les  braves.  »  I,  138.  —  «  Rien 
n'est  plus  lâche  que  de  faire  le  brave  contre  Dieu.  »  I,  142.  =  Brave, 
pour  Bien  mis.  «  Etre  brave,  est  montrer  sa  force.  »  I,  64. 

Brocatelle.   «  Un  homme  vêtu  de  brocatelle.  »  I,  64. 

Brochet.  Le  brochet  et  la  grenouille  de  Liancourt.  II,  152. 

Brodeur.  Le  métier  de  brodeur.  I,  74. 

Brouillard.  Voy.  Temps  (Beau). 

Brouiller.  «  Ceux  qui  savent  brouiller  et  mépriser  leurs  idées.  »  II,  253. 

Bruit.  Il  r.e  faut  que  le  bruit  d'une  girouette  ou  d'une  poulie  pour  empê- 
cher les  pensées  de  1  homme.  I,  40.  —  D'où  vient  que  les  hommes  aiment 
tant  le  bruit  et  le  remuement.  I,  49. 

Brûler  de.  «  Ce  saint  sacrifice...  a  été  reçu  dans  le  sein  de  Dieu,  où  il 
brûle  de  la  gloire  dans  les  siècles  des  siècles.  »  II,  240. 

Brun.  Voy.  Blond. 


Cabale.   La    cabale   pyrrhonnienne.    î,   43,    114.   —  «  Entendu  dans   la 
cabale.  »  II,  42. 

Caché.  Voy.  Action,  Dieu  caché.  Sens. 

Cacher.  —    «  Nous    nous    Ci*cl,,J"»  ***•  nous   déguisons  à  nous-mêmes.  » 


H. 


25 


10  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

I,  75.    —  Que  Dieu  s'est  voulu  cacher.  1,    171,  note   2.  Voy.  Dieu  caché. 

Cachette.  «  11  (l'amour)  s'y  trouve  secrètement  et  en   cachette.  »  11,253. 

Cachot.  «  De   ce  petit  cachot  où  il  se   trouve  logé,  j'entends  l'univers.  » 

1,2.  —    Un    homme    dans    un     cachot...  Image  de   la  vie  humaine.  1,  143. 

II,  95. 

Caïn.  II,  71. 

Calomniateurs  et    Calomniés    (Jésuites  et  jansénistes).  Les  miracles  dis 
cernent  entre  eux.  II,  71. 

Calvinistes.  II,  90.  —  Source  de  leur    hérésie.  II,  92. 

Campagne.  Tout  ce  qui  s'enveloppe  sous  ce  nom.  Il,  163. 

Cannibales.  Se  rient  d'un  enfant  roi.  I,  65. 

Canonique.  «  Les  hérétiques  servent  à  prouver  les  canoniques.  »  II,  202. 

—  Les  livres  canoniques.  11,  237.  —  Voy.  Auteur. 
Cantique.  Voy.  Nouveau. 

Canton.  «  Qu'il  se  regarde  comme  égaré  dans  ce  canton  détourné  de  la 
nature.  »  I,  2. 

Capable.  «  On  se  croit  naturellement  bien  plus  capable  d'arriver  au  centre 
des  choses  que  d'embrasser  leur  circonférence.  »  I,  4.  —  «  11  n'est  qu'un 
homme,...  c'est-à-dire  capable  de  peu  et  de  beaucoup,  de  tout  et  de  rien.  » 
I,  52    (note  2).   —  Capable  d'être  mystérieux....   Capable  de  sottise.  »  11,  42. 

—  «  Les  hommes  sont  tout  ensemble  indignes  de  Dieu,  et  capables  de 
Dieu.  ï)  II,  49.  —  Voy.  Passion. 

Capacité.  «  Sans  une  capacité  infinie  comme  la  nature,  »  I,  3.  -  «  11  ne 
faut    pas  moins  de  capacité    pour  aller  jusqu'au  néant  que  jusqu'au    tout.  » 

I,  4.  —  «  La  capacité  de  connaître  la  vérité  et  d'être  heureux.  »  1,  11.  — 
Double  capacité  commune  à  tous,  de  la  grâce  et  du  péché.  I,  187. —  Choses 
qui  passent  notre  capacité  présente.  Ibid.  —  Les  passions  remplissent  toute 
la  capacité  de  l'esprit.  II,  252.  —  Les  petites  choses  flottent  dans  la  capacité 
du  cœur.  II,  255.  —  11  ne  faut  pas  juger  de  la  capacité  d'un  homme  par 
l'excellence  d'un  bon  mot  qu'on  lui  entend  dire.  (Montaigne.)  II,  304. 

Caprice.  «  Les  hommes  se  gouvernent  plus  par  caprice  que  par  raison  » 
11,299.  — Voy.  Législateur. 

Caractère.  «  Diseur  de  bons  mots,  mauvais  caractère.  »  I,  70.  —  Le 
caractère    chrétien  distingué  du   caractère  inhumain  et  du  caractère  humain 

II,  165.  =  Four  -Marque,  type,  modèle  inné.  «  Le  caractère  de  la  Divinité. 
I,  61.  —  «  Nous  sentons  en  nous-mêmes  des  caractères  ineffaçables  d'excel- 
lence. »  I,  187.  —  «  Jésus-Christ,  qui  est  votre  image  et  le  caractère  île  votre 
substance.  »  II,  226.  —  «  Nous  naissons  avec  un  caractère  d'amour  dans  nos 
cœurs,  etc.  »  II,  253. 

Caractériser  (Se).  «  Autant  de  fois  qu'une  femme  sort  d'elle-même  pour 
se  caractériser  dans  le  cœur  des  autres.  »  II,  256. 
Cardinal  (M.  le).  (Mazarin.)  II,  154. 
Carrosse.  «  Carrosse  verse  ou  renversé.  »  II,  178. 

Casuistes.  «  Le  christianisme  est  bien  différent  dans  les  livres  saints  et 
dans  les  casuistes.  »  II,   41. 

Catéchumènes.    Nom  donné  dans  l'Eglise  naissante  à  ceux  qui  prétendaient 
au  baptême.  II,  323-324. 

Catholique.  Les  miracles  discernent  entre  les  catholiques  et  les  hérétiques. 
L  71-72.  —  Ce  qu'est  la  foi  catholique.  Il,  92.  —  Voy.  I'élagiens,  Religion. 
Causalité.  «  La  dignité  de  la  causalité.  »  11,  161. 
Causant,  Causé.  «  Toutes  choses  étant  causées  et  causantes.  »  I,  7. 
Causes.   «   Les  causes  sont  visibles  seulement   à    l'esprit.    »    1,  63.  Voy. 
Effets. 

Ce.  Ce  qui  est  de,  devant  un   adjectif.  «  Unissant   tout  ce  qui  est  de  vrai 
et  sachant  tout  ce  qu'il  y  a  de  faux.  «  I,  cxxxiv.  Voy.  Tout. 
Cendre.  Voy.    Terre. 

Centre.  Le  centre  des  choses,  I,  4.  =  Les  deux  Testaments  regardent 
Jésus-Christ  comme  leur  centre.  II,  18.  —  Voy.  Sphère,  Théologie. 

Cérémonies.  Dans  l'Ancien  Testament,  toutes  les  cérémonies  ordonnées  sont 
figures    11,  11. 

Certain.   «  Une  certaine  persuasion  »,  pour  Une  persuasion  certaine. I,  153. 
-  «  La  religion  n'est  pas  certaine...  Rien  n'est  certain.  II,  124. 
Certainement,  pour  D'une  manière  certaine.  I,  151. 

Certitude.  «  Certitude.  Incertitude.  »  1.  cvi.  —  Nulle  certitude,  selon  les 
}  nhoniens.  1,  112.  —  Certitude,  de  la  connaissance  des  Dremiers  principes. 


TAULE  ANALYTIQUE  ET  LEXÎQÛE.  Il 

1,   119.  —  «Nous  sommes  incapables  ni    de  certitude  ni  de  bonheur.  »  I.  1-1. 

—  Certitude  et  incertitude,  dans  le  parti.  1,  151.  —  Certitude  de  damnation. 

I,  18 

vu.  Sa  maturité  opposée  à   la  jeunesse  (l'Alexandre  et  d'Auguste.  1,84. 

Cessation.  «  Une  cessation  d'inquiétudes.  »  11,  "202. 

Cet,  Cbxtb.  «  Cette  est  la  rie  éternelle,  qu'ils  te  connaissent  seul  vrai 
Dieu.  »  I,  c.vii.  (Archaïsme, ou  italianisme  :  Questa  è  lavita  eterna,  che,  etc.) 

Chacun.  «  l  n  chacun.  11,  105. 

Chagrin.  Voy.  Ennui. 

Chair.  Aveuglement  que  la  chair  jette  dans  l'esprit  quand  il  lui  est  assu 
jetti.  1,  108.  —  o  Crands  de  chair.  »  11,  15.  —  Voy.  Royaume, 

Chambre,  pour  Classe.  «  Diverses  chambres,  de  forts,  de  beaux,  de  bons 
esprits,  etc.  »  1,  8i. 

Chancelier  (Le).  «  Son  poste  est  faux.»  I,  35.—  Qu'est-ce  qu'être  chance- 
lier ?  I,  53. 

Changer.  «  Le  ton  de  voix...  change  un  discours  et  un  poëmede  force.  »I,  33. 

Chaos.  «  Quel  chaos  (l'homme)  1  »  I,  114.  —  «  Il  y  a  un  chaos  infini  qui 
nous  sépare.  »  I,  149.  —  «  Que  nous  crie  donc  ce  chaos  et  cette  confusion 
monstrueuse,  sinon...  ?  »  1,  187. 

Chapithe.  pour  Capitule.  11,  180. 

Charité.  Au  sens  théologique  amour  de  Dieu.  I,  32,  209;  II,  9,23.  —  L'ordre 
de  la  charité  :  en  quoi  il  consiste.  1,  102.  —  La  cupidité  et  la  charité,  deux 
principes  qui  partagent  les  volontés  des  hommes.  1.  209.  Cf.  II,  184.  Voy. 
Cupiditk.  — «  L'unique  objet  de  L'Ecriture  est  la  charité.  »  II,  9. — Distance 
infinie  des  esprits  à  la  charité.  Il,  15.  —  «  De  tous  les  corps  et  esprits,  on 
n'en  saurait  tirer  un  mouvement  de  vraie  charité.  »  II,  17.  —  C'est  le  manque 
de  charité  qui  fait  qu'on  ne  croit  pas  les  vrais  miracles,  et  qu'o/i  croit  les 
faux.  11,  7i.  —  «  La  charité  n'est  pas  un  précepte  figuratif.  »  11,  104. —  Hors 
de  la  charité,  la  vérité  n'est  pas  Dieu.  11,  116.  --  Fausse  image  de  la  charité. 

II,  121.  Voy.  Concupiscence.  —  «On  n'entre  dans  la  vérité  que  par  la  charité.» 
II,  297.  —  «  Dieu  est  environné  de  gens  pleins  de  charité...  :  ainsi  il  est  pro- 
prement le  roi  de  la  charité.  »  II,  355.  —  Il  faut  aspirer  à  ce  royaume  de 
charité,  etc.  »  II,  356.  =  Pour  Acte  charitable.  «  Une  des  plus  solides  et  plus 
utiles  charités  envers  les  morts  est  de  faire  les  choses  qu'ils  nous  ordonne- 
raient s'ils  étaient  encore  au  monde.  »  II,  245. 

(Chaules  1",  roi  d'Angleterre).  Désigné.  1,81. 

(Charles  II,  roi  d'Angleterre).  Désigné.  I,  37. 
Charme.  «Ces  charmes  dont  Dieu  récompense  l'habitude  dans  la  piété.  II, 
317.  —  «  Ce  charme  victorieux  les  entraine.  »  II,  337. 

Charnel.  Erreurs  charnelles.  I,  206.  — Sens  charnel.  I,  203.  —  Juifs  char- 
nels. I,  207-211.   —  Chrétiens  charnels.  I,  210  et  216.  Voy.  Chair  et  Figure. 

—  Grandeurs  charnelles.  II,  15,  16.  —  «  Les  charnels  sont  les  riches,  les  rois: 
ils  ont  pour  objet  le  corps.  »  II,  199. 

Charogne,  a  Ne  considérons  plus  un  corps  comme  une  charogne  infecte.» 
II,  241. 

Charron.  Ses  divisions  attristent  et  ennuient.  1,  80. 

Chautreux.  Comparaison  d'un  soldat  et  d'un  chartreux,  quant  à  l'obéis- 
sance. II,  105  —«Le  chartreux  fait  vœu  de  n'être  jamais  quedépendant.  »Ibid. 

Chasse,  liaison  du  plaisir  de  la  chasse.  I,  49,  50. 

Chasteté.  «  Peu  parlent  de  la  chasteté  chastement.  »  I,  75.  —  Exemple 
de  la  chasteté  d'Alexandre.  I,  79. 

Chat.  Chats  fourrés,  parlant  des  magistrats.  I,  33. 

Chek,  pour  Objet  ou  point  principal.  «  L'établissement  des  deux  chefs  de 
cette  religion.  »  I,  177.  —  Voy.  Coin. 

Chemin.  Le  vrai  chemin,  le  véritable  chemin.  II,  158,  337.  —  Voy.  Amour, 
Ciel,  Rivière,  Vouloir. 

Cher.  «  Rien  ne  me  serait  trop  cher  pour  l'éternité .  »  1,  197. 

Chercher.  Chercher  Dieu  de  tout  son  cœur.  I,  142.  Voy.  Raisonnable.  — 
Ceux  qui  s'emploient  à  chercher  Dieu,  et  ceux  qui  vivent  sans  le  chercher. 
II,  109.  —  ce  Console-toi  :  tu  ne  chercherais  pas,  si  tu  ne  m'avais  trouvé.  » 
II.  207.  —  «  Chercher  Dieu  au  dehors.  Il,  228.  Voy.  Chose. 

Cheval.  «  Un  cheval  n'admire  point  son  compagnon.  »  I,  100. 

Cheveux.  Figures  un  peu  tirées  par  les  cheveux.  II,  1. 

Chez.  Un  «  chez  moi  ».  11,  119.  Voy.  Moi. 


12  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Chien.  «  Ce  chien  est  à  moi  disaient  ces  pauvres  enfants,  etc.  »  I,  85  et 
93.  Voy.  Usurpation. 

Chiffre.  «  Les  langues  sont  des  chiffres.  »  I,  103.  —  «  Le  chiffre  à  deux 
sens.  »  II,  4.  Voy.  Paul  (Saint).  —  «  Le  vieux  Testament  est  un  chiffre.  » 
II,  184.  —  Clef  de  ce  chiffre.  Ibid. 

Chimère,  pour  Monstre.  I,  114  et  130. 

Chine.  Religion  de  la  Chine.  I,  198.  —  «  Histoire  de  la  Chine.  »  II,  107, 108. 

Chinois.  Leurs  histoires.  I,  201. 

(Chiquenaude).  «  11  (Descartes)  n*a  pu  s'empêcher  de  lui  faire  (à  Dieu) 
donner  une  chiquenaude,  pour  mettre  le  monde  en  mouvement.  »  II,  148. 
Voy.  Descartes. 

Choisir  de.  «  Il  a  choisi  d'y  demeurer  dans  le  plus  étrange  et  le  plus 
obscur  secret  de  tous.  »  11,  330. 

Choix.  Voy.  Métier.  Sort. 

Choquer.  «  La  justice  envers  les  réprouvés  est  moins  énorme  et  doit  moins 
choquer  que  la  miséricorde  envers  les  élus.  »  I,  153.  —  «  Si  on  choque  les 
principes  de  la  raison,  notre  religion  sera  absurde  et  ridicule.  »  I,  193.  — 
Comment  les  choses  choquent.  Il,  162. 

Chose.  Peu  de  chose.  I,  77.  Voy.  Peu.  —  «  Les  choses  sont  vraies  ou 
fausses,  selon  la  face  par  où  on  les  regarde.  »  I,  41.  —  «  Nous  ne  cherchons 
jamais  les  choses,  mais  la  recherche  des  choses.  »  I,  80. —  «  Les  choses  ont 
diverses  qualités,  etc.  »  1,81.  —  «  L'éloquence  est  un  art  de  dire  les  choses,  etc.» 
II,  123.  —  Il  faut  connaître  les  choses  humaines  avant  que  de  les  aimer: 
il  faut  aimer  les  choses  divines    pour  les    connaître.  II,  297.  —  «  Rien  n'est 

Îilus  commun  que  les  bonnes  choses,  il  n'est  question  que  de  les  discerner.  » 
I,  307.  — Noms   qui  leur  conviennent.  Il,  308.  —  Faire   les  petites   choses 
comme  grandes,  et  les  grandes  comme  petites,  à  cause  de  Jésus-Christ.  II,  175. 

Chrétien.  Les  chrétiens  parfaits,  distingués  des  dévots  qui  ont  plus  de 
zèle  que  de  science.  1,60.  Voy.  Grands.  —  «  Les  chrétiens  professent  une  religion 
dont  ils  ne  peuvent  rendre  raison.  »  1,  149.  Voy.  Créance.  —  Nul  n'est  heu- 
reux, ni  raisonnable,  ni  vertueux,  ni  aimable  comme  un  vrai  chrétien.  I,  188. 
—  Est  sans  orgueil  et  sans  abjection.  I,  189.  —  Chrétiens  par  sentiments. qui 
croient  sans  preuves.  I,  195.  —  Vrais  chrétiens,  et  chrétiens  grossiers  ou 
mauvais  chrétiens.  1,  210-211.  —  Religion  chrétienne  comparée  à  la  païenne 
et  à  la  juive,  II,  61.  Voy.  Dieu  et  Religion.  —  Les  chrétiens  et  les  infidèles. 
II,  72.  —  Mauvais  chrétiens  qui  déchirent  l'Eglise  au  dedans.  II,  77. 
Voy.  EbLiSE.  —  Chrétiens  haïs,  pour  avoir  dit  qu'il  n'y  a  qu'un  Dieu.  II,  96. 
Voy.  Juifs  et  Haine.  — «  Les  seuls  chrétiens  ont  été  contraints  prendre  leurs 
règles  hors  d'eux-mêmes.  »  II,  106.  —  Les  chrétiens  sont  les  enfants  libres. 
II,  107.  —  «  Il  y  a  peu  de  vrais  chrétiens.  »  II,  159.  —  La  république  chré- 
tienne. II,  203.  —  «  La  vie  des  chrétiens  est  un  sacrifice  continuel  qui  ne 
peut  être  achevé  que  par  la  mort.  »  11,  237.  —  Comparaison  des  chrétiens 
des  premiers  temps  avec  ceux  d'aujourd'hui.  II,  321-325.  —  «  Les  chrétiens 
doivent  reconnaître  Dieu  en  tout.  »  II,  330.  —  Leur  vie  n'est  pas  une  vie  de 
tristesse.  II,  337.  —  Les  préceptes  chrétiens  sont  les  plus  pleins  de  consola- 
tions. »  II,  339.  —  «  Tout  ce  qui  arrive  à  l'Eglise  arrive  aussi  à  chaque  chré- 
tien. »  II,  341.  Cf.  II,  243.  (Voy.  Ame.)  —  Voy.  Turcs. 

Christ.  «  Le  Christ  promis  dès  le  commencement  du  monde.  »  I,  172.  — 
«  Il  fallait  que  le  Christ  souffrît.  »  II,  5. 

Christianisme.  Ce  que  le  christianisme  a  d'étrange.  I,  188.  —  En  quoi 
consiste  le  vrai  christianisme.  I,  193.  Voy.  Raison.  —  Un  des  grands  prin- 
cipesdu  christianisme.  II,  243. — Voy.  Casuistes. 

(Christine  de  Suède).  Désignée.  X  81.  Cf.  II,  164  et  217. 

Cicéron.  Toutes  ses  fausses  beautés  ont  des  admirateurs.  I,  106.  — 
Phrase  citée  sur  les  philosophes.  II.  204. 

Ciel.  Le  pain  du  ciel.  I,  206.  Cf.  II,  5-6.  —  Tomber  en  regardant  le  ciel. 
Il,  166.  —  Dieu  doit  consumer  au  dernier  jour  le  ciel  et  la  terre.  II,  224.  — 
Le  chemin  du  ciel  est  rempli  de  troubles  et  d'inquiétudes.  Il,  336-337. 
Voy  .Voie. 

Circoncision.  «  La  circoncision  n'était  qu'un  signe.  »  II,  57.  N'est  plus 
nécessaire  après  la  venue  de  Jésus-Christ.  Ibid.  —  Circoncision  chez  les  sau- 
vages. Il,  76.  —  Saint  Pierre  et  les  apôtres,  plus  attachés  à  l'Esprit-Saint  qu'à 
la  loi,  abolissent  la  circoncision.  II,  93-94.  —  Celle  du  corps  et  celle  du  cœur. 
I,  206.  Cf.  II,  5-6,  57,  101.  Voy.  Incirconcis. 

Circonférence.  La  circonférence  des  choses.  I,  4.  —  Voy.  Sphère. 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  13 

Circulation  du  sang.  I!,  1 T  «  » . 

(-Ikon .  L'infini  dans  un  ciron.  I,  2. 

Civil.  Voy.  Guerre. 

Clair.  «  Il  n'est  point  parfaitement  clair  que  l'Ame  soit  matérielle.  »  II, 
116. 

Clameur.  «  Les  bons  papes  trouveront  encore  L'Eglise  en  clameurs.  »  II ,  117. 

Clarté.  Clarté  admirable  de  Jésus-Christ,  II.  17.  —  Clarté  tempérée  de 
Dieu.  II.  18.  Cf.  I,  17*.  Voy.  Obscurité.  —  Les  clartés  divines.  11,49. 

ClÉOBULINR.    Sa   passion.    II.    164  et  317. 

Ci  i  o pâtre.  1,  84.  Voy.  Nez. 

Cloaque.  Kn  parlant  de  l'homme.  «  Cloaque  d'incertitude  et  d'erreur.  » 
1,114. 

u.   ■<  Que  le  cœur  do  l'homme  est  creux  et  plein  d'ordure!  »  I,  48.  — 
«  l.e  cœur    a    son  ordre.   »  1,   LOS.   —  Le  cœur  connaît  la  vérité.   I,  119.    — 
«  Le  cœur  sent  qu'il    y    a  trois  dimensions   dans    l'espace.  »  Ibid.  —  On   ne 
peut  connaître   Dieu  que  par  le  cœur.  I,    120,  194-178.  Voy.  Connaissanck  el 
roi.  —  La  circoncision  du  cœur.  I,  206.  —  «  Le  cœur  a  ses  raisons,  que   la 
raison  ne  connaît    point,  etc.    II,  88.  —  Cœur  humilié.  II,  96.  Cf.   I,  206.  — 
L'imagination  et  le  cœur.  II,  109.  Voy.  Imagination.  —  «  On  ne  consulte  que 
l'oreille,  parce  qu'on    manque  de  cœur.  »  11,  125.  —  «  Ces    gens    mmquent 
de  cœur.  »  II,  175.  —  «  Les  yeux  sont  les  interprètes  du  cœur.  »  II,  235.  — 
L'esprit  et  le   cœur.  Ii,   297.   Voy.    Porte.  =   «  Cœur   nouveau.   »    II,    331. 
Voy.   Renouvellement.  —  «  Ce  sont  les   bons  mouvements  du  cœur  qui  mé- 
ritent,  et  qui  soutiennent  les  peines  du  corps  et  de  l'esprit.  II,  336. 
Coin.  «  Le  chef  du  coin  (caput  anguli).  »  II,  26. 
Colosse.   Voy.  Corps. 

Combat.  C'est  le  comhat  qui  plaît  en  toutes  choses,  non  pas  la  victoire,  I,  80. 
Voy.  Dispute. 

Comble.  La  mort,  comble  éternel  de  malheur.  1,  117. 
Comédie.  La  comédie,  pour  Le  théâtre    I,  80.  —  Ce  qui  y    plaît.  Ibid.  — 
Dangers  de  la  comédie    II    116.  —  La  comédie  de  la  vie.  II,  112.   Voy.  Acte. 
—  «  Comédies  fausses.  »  II,  176. 

Comète.  «  La  terre  a  vu  sensiblement  des  comètes  s'enflammer  et  disparaître  » 
II,  272. 

Commandements.  Dans  l'Ancien  Testament,  tous  les  commandements  qui  ne 
sont  pas  pour  la  charité  en  sont  les  figures.  II,  11. 

COMMÉMORATION.    Voy.    SACREMENT. 

Commencement.  II,  67,  note  3.  Cf.1, 183,  note  1.  —  «  La  mort  est  le  com- 
mencement de  la  béatitude  du  corps.  II,  244. 

Commentaire.  Voy.  Auteur. 

Commettre.  «  Dieu  a  commis  tout  un  peuple   pour  la  garde  de   ce  livre.  » 
I,  212. 

Commodité  «  Ils  (les  Jésuites)  déshonorent  ses  miracles,  quand  ils  sont  con- 
traires à  leurs  commodités.  »  II,  80. 

Commun.  «  Le  commun  des  hommes.  »  II,  155. 

Communautés.  Les  communautés  naturelles  et   civiles  ont   des  membres    et 
sont  elles-mêmes  membres  d'un  corps  plus  général.  11,  111. 

Communication.  Si  l'homme  est  capable  et  digne  de  la  communication  avec 
Dieu.  I.  189;  II,  122.  Cf.  I,  171  :  II,  61. 

Communier.  Trois  manières  dont  Jésus-Christ  s'est  donné  à  communier.  II 
210. 

Communion.  «  La  comm-inion  du  chef  de  l'Eglise.  »  II,  328. 
,  Communiquer.  De.  «  Sans  espérance  d'en  jamais  communiquer.  »  I  ,26. 

Compagnie.  Les  sots  médisent  par  compagnie.  1,  87.  —  «  Jésus  cherche  de  la 
compagnie  de  la  part  des  hommes.  »  II,  206.  Voj.  Songe. 

Comparaison.  Voy.  Chrétien  et  Foudre. 


Voy.  Etre,  (substantif). 

Comprendre,  pour  contenir  (Capere).  «  Par  l'espace,  l'univers  me  comprend 
et  m'engloutit  comme  un  point:  par  la  pensée,  je  le  comprends.  »  1,  11. 

Compter.  «  C'est  là  (le  présent)  où  nos  pensées  doivent  être  principalement 
tomptées.    »  II,  339. 

Conatus  recedendi.  II,  151. 


14  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Conception.  «  Nous  avons  beau  enfler  nos  conceptions.  »  1,1.  —  «  Qu'il 
épuise  ses  forces  en  ces  conceptions.  »  I,  22. 

Concevoir.  «Elle  (l'imagination)  se  lassera  plutôtde  concevoir  que  la  nature 
de  fournir.   »  1,  1. 

Concile.  «  11  n'y  a  presque  plus  que  la  France  où  il  soit  permis  de  dire  que 
le  Concile  est  au-dessus  du  Pape.  »  11,  12. 

Conclure.  Cette  impuissance  ne  conclut  autre  chose  que  la  f?:,blesse  de 
noire  raison.  »  1,   119.  — «  Les  propositions  se  concluent.  »  Ibid. 

Concupiscence.  Sens  de  ce  mot.  I,  91  (note  2).  —  «  La  concupiscence  est  la 
source  de  tous  nos  mouvements.  »  I,  80.  — ■  «  La  concupiscence  et  la  force 
sont  la  source  de  toutes  nos  actions.  »  11,  114.  —  Malice  de  la  concupiscence. 
1,  105. —  Les  trois  concupiscences.  I.  117;  11,  103,199.  Voy.  Orgueil. —  Elles 
ont  fait  trois  sectes.  J,  118-119.  — Nos  concupiscences  nousdétournent  d'aimer 
Dieu.  1,  82.  —  La  concupiscence  est  devenue  la  seconde  nature  des  hommes. 

I,  183.  —  Est  l'une  de  nos  deux  maladies  principales.  1,  184.  Voy.  Orgueil.— 
Nous  attache  à  la  terre.  Ibid.  —Toute  la  morale  (  c'est-à-dire  la  science  du  cœur 
humain)  consiste  en  la  concupiscence  et  en  la  grâce.  II,  88. —  C'est  la  concu- 
piscence, et  non  la  raison,  qui  nous  fait  fuir  la  religion.  11,96.  —  Les  trois 
concupiscences  comparées  à  trois  fleuves  defeu.  il,  103.  —  «  On  esthaïssable 
par  sa  concupiscence.  »  II,  105.  —  «  On  s'est  servi  comme  on  a  pu  de  la  con- 
cupiscence pour  la  faire  servir  au  bien  public.  »  II,  121.  Voy.  Charité.  — 
Abîme  de  concupiscence.  II,  209.  —  La  concupiscence  des  membres.  II,  237. 

—  Les  grands  sont  desroisde  concupiscence.  II,  355.  Cf.  II,  176.  —  «  11  faut 
mépriser  la  concupiscence  et  son  royaume.  »  11,356. 

Concupiscible.  L'appétit  concupiscible.  11,247. 

Condamné.  Des  condamnés  à  mort,  attendant  leur  tour  :  image  de  la  con- 
dition des  hommes.  1.  55,  143. 

Condamner.  «  Si  mes  lettres  sont  condamnées  à  Rome,  ce  que  j'j  condamne 
est  condamné  dans  le  ciel.  »  II,  118. 

Condition.  Ce  qui  forme  le  bonheur  des  personnes  de  grande  condition. 
1,52-53.  Voy.  Grands  (Les).  —  Image  delà  condition  des  hommes.  1,  54-r>5. 
Voy.  Condamné.  —  «  Si  notre  condition  était  véritablement  heureuse,  il  ne  nous 
faudrait  pas  divertir  d'y  penser  pour  nous  rendre  heureux.  »  1,  77.  —  «  Con- 
dition de  l'homme  :  inconstance,  ennui,  inquiétude.  »  I,  83.  —  «  Le  nœud  de 
fiotre  condition.  »  I,  115.  —  «  Nous  éprouvons  à  toute  heure  les  effets  de  notre 
déplorable  condition.  »  1,  187.  —  «  Les  conditions  les  plus  aisées  à  vivre  selon 
le  monde  sont  les  plus  difficiles  à  vivre  selon  Dieu.  »  II,  101.  —  Comment  cha- 
cun est  déterminé  à  chaque  condition.  II,  166.  Voy.  Sort.  —  Inégalité  de  con- 
dition dans  l'amour.  H,  255.  —  Voy.  Ecriture,  Grands. 

Condrieu.  Haisins  de  Condrieu.  II,  163. 

Conducteur,  pour  Directeur  de  conscience.  II,  210. 

Conduire.  «  Ce  sont  les  admirables  degrés  par  lesquels  vous  conduisez  vos 
ouvrages.  »  11,  230.  =  Conduire  à  la  mort.  «  Me  laisser  mollement  conduire  à 
la  mort  »,  1,140  :  pour  dire,  y  arriver  insensiblement  (en  latin,  Adduci  ou  delabi 
ad  morterri)  1.  —  Voy.  Laisser. 

Conduite.  «  Quelle  a  été  la  conduite  de  Dieu.  »  1,208.  —  «  La  conduite  de 
Dieu...  est  de  mettre  la  religion  dans  l'esprit  parles  raisons,  et  dans  le  cœur 
par  la  grâce.  »  II,  87.  Voy.  Religion  2.  —  «  Dieu  ne  fait  point  de  miracles 
dans  la  conduite  ordinaire  de  son  Eglise.  »  II,  122.  —  «  Par  l'ordre  et  la  con- 
duite de  qui  [cujus  imperio  ductuqué]  ce  lieu  et  ce  temps  a-t-il  été  destiné 
à  moi?  II,  152.  —  «  La  conduite  de  Dieu  sur  la  vie  et  sur  la  maladie.  »II,  235. 

—  «  La  conduite  de  sa  providence.  »  II,  236.  —  «  Les  admirables  conduites 
de  la  sagesse  de  Dieu.  »  11,  244. 

Confesseurs.  Pourquoi  ils  demeurent  chez  les  grands.  II,  162. 
Confession.  Sur  les  confessions  et  absolutions  sans  marque  de  regret. 

II,  116,  note. —  La  confession  est  une  des  principales  raisons  qui  a  fait  révolter 
contre  l'Eglise  une  grande  partie  de  l'Europe.  1,27.  Voy.  Homme.  —  Sentiments 
qu'elle  doit  laisser.  11,  102. 

1  Saint-Simon  a  dit  du  prince  de  Conti  (mort  en  1709)  :  «  Il  périt  lentement  dans  le* 
regrets  d'avoir  été  conduit  à  lamort  par  la  disgrâce,  et  de  ne  pouvoir  être  ramené  à  la  vio 
par  ce  retour  inespéré  du  roi  et  par  l'ouverture  d'une  brillante  carrière.  »  Mémoires,  t.  VIIi 
p.  89  do  l'édit  in-h°  de  M.  Chéruel. 

2.  «  Dans  le  christianisme,  on  tâche  de  rendre  les  hommes  meilleurs  par  la  douceur  de 
la  porsi:n<s'on.  plnr*t  rpp  vit  1« .  vMw«  etnar  la  contrainte.  »  Saint  Jean  Chrysostome, 
Du  Sacerdoce,  liv.  11,  vli.  il  ip.  «iu  de  b  trud.  Ut,  IC.V2), 


TABLE  ANALYT1Q1  I    BT  LEXIQUE.  18 

Confondre, .pour  Réduire  à  ne  savoir  que  répondre.  La  nature  confond  les 
pyrrhoniena  et  U  raison  confond  les  dogmatiques.  »  I,  114. 

Conformer.  «  Faites-moi  la  grâce,  Seigneur,...  de  conformer  mes  sentiments 
nu\  vôtres.  »  11,  228.  —  Conformeras  volonté  a  celle  de  Dieu.  11,  231-232. — 
Membre. 

ifFORMiTÉ.  Voy.  Idée. 
i     .       ion.  Voy.  Chaos  et  Montaigne.  =  Confusion  des  damnés.  Il,  93. 
Connaissable.  «Q ne  Uieu  ne  peut  se  rendre  connaissable  et  aimable  à  lui.  » 

I,  189.  Cf.  II,  a7,  236. 

Connaissance.  «  Connaissances  du  cœur  et  de  l'instinct,  fondement  de  la 
raison.  1,  I  19.  —  Deux  connaissances  également  nécessaires  «a  l'homme.  I,  177, 
lSf>.  —  Divines  connaissances,  pour  Connaissance  delà  religion.  1,  186. 

CONNAISSANCE  de  Dieu.  Coque  produit  la  connaissance  de  Dieu  qui  se  tire 
sans  Jésus-Christ.  I,  154.  —  La  connaissance  de  Dieu  ne  se  faitque  par  Jésus- 
hvist  11.  tr2-i)3.  Yoy.  Dieu,  Jésus-Christ.  —  Qu'il  y  a  loin  de  la  connais- 
.    ace  de  Dieu  à  l'aimer!  »  II,  153. 

CONNAITRE.  Comment  nous  connaissons  les  premiers  principes.  I,  119.  — 
Ce  que  nous  connaissons  et  ce  que  nous  ignorons,  1,  148  149.  —  Connaître 
Jésus-Chris»;  est  connaître  la  raison  de  tout.  1,  154.  —  Ce  qu'il  nous  importe 
de  connaître.  I,  176-177,  188.  —  Nous  ne  connaissons  Dieu  que  par  Jésus- 
Christ.  11,  62-63.  —  Connaître  (Dieu).  «  Deux  sortes  de  personnes  con- 
naissent. »  II,  96.  —  Se  connaître.  Comment   nous   pouvons  nous   connaître,, 

II,  94.  —  Voy.  Soumission.  —  «  Il  faut  se  connaître  soi-même.  »  II,  162. 
Conscience.  Différence  entre   repos  et   sûreté  de   conscience.  II,    97.  — 

«  Jamais  on  ne  fait  le  mal  si  pleinement  et  si  gaiement  que  quand  on  le  fait 
par  conscience.  »  II,  107.  —  «  On  assure  la  conscience  en  montrant  la  faus- 
seté. »  II,  183. 

Conseil.  Les  arrêts  du  Conseil.  II,  117. 

Consentir  a.  «  Consentir  à  la  conduite  de  l'âme,  etc.  »  II,  112.  —  «  Con- 
sentir aux  vérités.  »  II,  206,297. 

Considération.  Considération  de  la  vie  et  de  la  mort  dans  la  vérité  que 
le  Saint-Esprit  nous  a  apprise.  II,  237-245  —  Considération  de  la  double  in- 
îinité  de  la  nature.  II,  296.  —  Considération  que  l'âme  convertie  fait  des 
choses,  de  Dieu,  et  d'elle-même.  II,  315-318. 

Considérer.  «  Qu'on  le  laisse  considérer  et  faire  réflexion  sur  ce  qu'il  est.  » 

I,  49.  =  «  Considérer  votre  âme  triste  jusqu'à  la  mort...  »  II,  230. 

Consister  a.  I,  176. 

Consolatif.  «  Un  discours  bien  consolatif.  »  II,  236.  —  «  Un  beau  mot 
de  saint  Augustin,  et  bien  consolatif.  »  11,  342. 

Consolation.  «  Le  Dieu  des  chrétiens  est  un  Dieu  d'amour  et  de  consola- 
tion. »  II,  61.  Cf.  II,  229.  —  Lettre  de  consolation  sur  la  mort  de  M.  Pascal  le 
fière,  II,  235-247.  —  «  Il  n'y  a  de  consolation  qu'en  la  vérité  seulement.  » 
I,  236.  —  Aider  vos  consolations.  »  II,  244.  —  «  Il  est  juste  que  la  conso- 
lation de  la  grâce  l'emporte  par-dessus  les  sentiments  de  la  nature.  •->  Ibid. 

Consoler.  «  Peu  de  chose  nous  console,  parce  que  peu  de  chose  nous 
afflige.  »  I,  77.  —  Console-toi  :  tu  ne  chercherais  pas,  si  tu  ne  m'avais 
trouvé.   »  II,  207. 

Consommation.  «  11  est  venu  en  la  consommation  des  temps.  »  I,  172. 

Consommer.  «  Pour  consommer  plus  de  soins  et  de  veilles  à  votre  service.  » 
yl,  228.  —  Que  nos  afflictions  soient  comme  la  matière  d'un  sacrifice  que 
sa  grâce  consomme.  »  II,  215.  Voy.  Sacrifice. 

Conspirkr.  «  Opprimé  par  les  uns  et  les  autres  qui  conspirent  à  sa 
mort.  »  11,  24. 

Constant.  «  Une  dernière  base  constante.  »  I,  6.  —  «  Cette  justice  cons- 
tante. 1,37.  -   «  Des  chrétiens  constants.  »  I,  118.  —  «  Une  mort  constante.  » 

II,  17. 

Conte.  «  Des  sots  contes.  »  If,  42.  —  Voy.  Sottise. 
Contemporain.  Voy.  Acteur,  Histoire,  Historien. 

Contenter  (Se),  pour  Etre  content,  être  satisfait.  «  Il  se  contente  de  cela.  » 
I,  78. 

Contention.  «  En  la  contention  du  vrai  Dieu.  »  II,  72. 

Contestation.  II,  71,  72. 

Continu.  «  L'éloquence  continue  ennuie.   »  I,  84. 

Continuité.  «  La  continuité  dégoûte  en  tout.  »  I,  84. 

Contradiction.  «  Contradiction  est  une  mauvaise  marque  de  vérité.  »  ï,  43 


!G  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE, 

Voy.  Incontradiction,  Miracle.  —  <x  Quel  sujet  de  contradiction  (que 
l'homme)  !  »  I,  114.  Cf.  I,  121.  — «  En  Jésus-Christ  toutes  les  contradictions 
sont  accordées  »  II,  7  =  «  Saus  contradiction  (c'est-à-dire  il  n'y  a  pas  là 
de   contradiction).    »  II,  171.  —   Contradiction.  I,  25,  note  1  ;  II,  7,  note  4. 

Contraire  «  Nous  naissons  si  contraires  à  cet  amour  de  Dieu.  »  I,  185.  — 
«  Ainsi,  mon  Dieu,  je  vous  ai  toujours  été  contraire.  »  II,  228.  —  Passages 
contraires  dans  TEcriture  :  comment  il  faut  les  accorder.  II,  7,  202. —  Erreurs 
contraires  qui  combattent  l'Eglise.  II,  90.  —  «  Les  deux  raisons  contraires.  » 
II,  202.=  Contraires  (Les).  «  Les  sages  du  monde  placent  les  contraires  dans 
un  même  sujet,  au  lieu  que  la  foi  nous  apprend  à  les  mettre  en  des  sujets 
différents.  »  1,  cxxxiv. 

Contrariété,   pour  Contradiction.  «  Les  contrariétés  d'un  même  esprit.  » 

I,  cxxvn.  —  «  La  vérité  de  l'Evangile  accorde  les  contrariétés  par  un  art  tout 
divin.  »  I,  cxxxiv.  —  «  Pour  accorder  ces  contrariétés.  »  I,  185.  —  Contrariétés 
dans  la  nature  de  l'homme.  I,  cxxxiv,  114,  12',  155,  175,  182,  183,  186. 

Contrariétés.  Après  avoir  montré  la  bassesse  et  la  grandeur  de 
V homme.  I,  12,  note  1.  —  Sources  des  contrariétés.  II,  6,  note  2. 

Contre  ceux  qui  abusent  des  passages  de  l'Ecriture,  et  qui  se  pré- 
valent de  ce  qu'ils  en  trouvent  quelques-uns  qui  semblent  favoriser 
leur  erreur.  II,  180,  note  2. 

Contre  ceux  qui,  sur  la  confiance  de  la  miséricorde  de  Dieu,  demeu- 
rent dans  la  nonchalance,  sans  faire  de  bonnes  œuvres.  II,  103,  note  1. 

Contre  le  pyrrhonisme.  I,  43,  note  4. 

Contre  Mahomet.  II,  43,  note  3. 

Contredire  a.  «  Et  se  contredisent  à  eux-mêmes  par  leur  propre  senti- 
ment. »  I,  10.  —  «  J'ai  contredit  aux  saintes  maximes  que  vous  avez  apportées 
au  monde.  »  II,  228.  —  Voy.  Vér;té. 

Contrefaire.  Pour  Jouer  (un  personnage).  Contrefaire  le  gueux.  I,  cxxiv. 
-«Contrefaire  (Se).  I,  141. 

Contre-peser.  «  Orgueil,  contre-pesant  toutes  les  misères.  »  I,  25.  Cf.  II,  89. 

Convaincant.  «  Cela  n'est  pas  convaincant  de  la  dernière  conviction.  I,  43. 

Convaincre.  L'art  de  convaincre.  II,  299.  Voy.  Méthode. 

Conversation.  Les  bonnes  ou  les  mauvaises  conversations  forment  ou  gâtent 
l'esprit  et  le  sentiment.  I,  100.  —  «  L'homme  fait  lui  seul  une  conversation  in- 
térieure,  qu'il  importe  de  bien  régler.  »  II,  105. 

Conversion.  En  quoi  consiste  la  conversion  véritable.  I,  194.  —  Celle  des 
païens  réservée  à  la  grâce  du  Messie.  II,  18.  —  Sur  la  Conversion  dd  pé- 
cheur. II,  315-319. 

Convertir.  «  Si  vous  continuez  à  discourir  de  la  sorte,  en  vérité  vous  me 
convertirez.  »  Mot  d'une  personne  (Pascal?)  à  des  libertins.  1,  142.  —  «  Les 
hommes  croient  être  convertis  dès  qu'ils  pensent  à  se  convertir.  »  II,  109.  =»■ 
Convertir,  pour  Ramener.  II,  171. 

Coopérateur.  «  Un  corps  soumis  et  coopérateur  à  ses  volontés.  »  II,  243. 

Coopérer.  «  Tout  coopère  en  bien  pour  les  élus.  >•>  II,  245. 

Copernic  «  L'opinion  de  Copernic.  »  II,  95  et  128-131. 

Corde.  «  Qui  voudra  danser  sur  la  corde  sera  seul.  »  II,  125.  =  Au  figuré, 
a  Ces  cordes  qui  attachent  le  respect  à  tel  ou  tel  sont  des  cordes  d'imagina- 
tion. »  I,  89. 

Corneille  Cité,  I,  83:  II,  165.  —  Imité.  I,  197.  —  Manière  chaste  et  hon- 
nête dont  il  a  peint  l'amour.  II,  116  et  140. 

CORPORELLEMENT.  I,  8.  Voy.  SPIRITUELLEMENT. 

Corps.  Notre  corps  est  un  colosse,  un  monde,  ou  plutôt  un  tout,  à  l'égard 
du  néant.  1,  3.  —  Ce  que  valent  les  corps.  II.  16,  Voy.  Esprit,  Réussir.  — 
«  Les  corps  saints  sont  habités  par  le  Saint-Esprit  jusqu'à  la  résurrection.  » 
11,241.  Cf.  II,  343.  — La  béatitude  du  corps.  11,244. —  La  mort  du  corps  n'est 
que  l'image  de  celle  de  l'âme.  »  II,  245.  =  Au  figuré,  a  Dieu  a  voulu  faire  des 
êtres  qui  le  connussent  et  qui  composassent  un  corps  de  membres  pensant.  » 

II,  112.  Voy.  Membre. 

Correction,  pour  Réprimande.  «  Le  juste,  quand  il  reprend  ses  serviteurs, 
attend  autant  de  Dieu  que  de  ses  répréhensions,  et  prie  Dieu  de  bénir  ses 
corrections.  »  II,  161  L 

I,  Molière,  Le  Misanthrope,  a.  III,  se.  5  : 

11  faut  mettre  le  poids  d'une  vie  exemplaire 
Dans  les  corrections  qu'aux  autres  on  veut  falrt 


TÀRI.r  AN Al.VTInl  i:  ET  LEXIQUE.  17 

Corriger.  «  Et   corrigeons  ainsi...  Les  sentiments  d'erreur.  »  11,  241.  — 
On  se  corrige  quelquefois  mieux    par  la  vue  du  mal   que  par  L'exemple  «lu 
oien.  »  II,  340 

Corrompu.  «  Nous  sommes  misérables,  corrompue,  etc.  »  1,  198.  Cf.  Il,  49. 
Voy.  COMDTOON. 

CorrumpU7it mores  hoiws  coUoquia  prava.  (D'après  un  vers  do  Ménandre 
dans  saint  Paul.)  II.  108. 

Corruption.  Corruption  de  l'homme.  I,  27,  187  :  II,  48-'»9.  —  «Il  est  juste 
que  ceux  qui  sont  m  cet  état  le  connaissent.  »  II.  90.  Voy.  Rédemption.  — 
Corruption  de  la  raison.  II,  168.  Cf.  1,  38.  —  Corruption  de  la  morale  dans 
des  maisons  de  sainteté,   et   dans  des  livres  de   théologiens  et  de  religieux. 

li,  .5 1 1. 

Couler  (actif).  «  Pour  couler  insensiblement  une  doctrine  fausse  et  sub- 
tile. »  H,  71. 

Coun.  <'  Ceux  de  la  cour  sont  mieux  reçus  dans  l'amour  que  ceux  de  la 
ville.  «  II,  200. 

Courage.  Est-ce  courage  à  un  mourant  d'affronter  Dieu?  Il,  107. — Donner 
courage.  11,  341.  Voy.  A  vent. 

Couronne.  La  couronne  de  lagloire,  offerte  par  Dieu.  11,333. 

Couronnement.  «  La  mort  est  le  couronnement  de  la  béatitude  de  l'âme.  » 
II,  2 44. 

Courtisan.  «  Nul  ne  dit  courtisan  que  ceux  qui  ne  le  sont  pas.  »  II,  178. 

Coutume.  Force  de  la  coutume  :  elle  contraint  la  nature.  I,  36.  —  Elle  fait 
toute  l'équité.  I,  38.  —  Fondement  mystique  de  son  autorité.  Ibid. —  Danger  de 
"examiner quand  elle  est  établie.  1,  .'19.  Voy.  Ktat.  —  Une  coutume  différente 
donnera  d'antres  principes  naturels.  I,  41.  —  La  coutume  est  une  seconde 
nature.  1,  42:  II,  168-  —  Effet  de  la  coutume  de  voiries  rois  accompagnés  de 
gardes,  etc.  1,61.  —  Ne  doit  être  suivie  que  parce  qu'elle  est  coutume:  mais  le 

f>euple  la  suit  parce  qu'il  la  creit  juste    1.82.  — «  La  coutume  fait  nos  preuves 
es  plus  fortes...  C'est  elle   qui  fait  tant  de  chrétiens,  etc.   »  I,  156.  —  Est 
un  des  trois    moyens    de  croire.  II,  107.  —  «  C'est  une  chose  étrange  que  la 
coutume  se  mêle  si  fort  de  nos  passions    »  II,  254. 
Couvreur.  Voy.  Vocation. 

Couvrir,  pour  Cacher  (Occuicre).  «  Couvrir  ses  défauts  aux  autres  et  a  soi- 
même.  »  1,  20.  —  «  Vous,  Miton,  le  couvrez  (le moi),  vous  ne  l'ôtez  pas.  »  I,  76 . 

—  «  II  (Dieu)  les  a  couvertes  néanmoins  de  telle  sorte,  etc.  »  1, 136.  Cf.  1,208 
II,  329.  Voy.  Voile.  =  Se  couvrir,  pour  S'envelopper,  se  voiler  «  Il  s'est  e  a 
core  plus  caché  en  se  couvrant  de  L'humanité.  »  11,  '629. 

Cracher.  Être  craché  (Conspui).  11,27. 

Crainte  Devoir  de  crainte  rendu  à  la  force.  I,  72.  —  Comme  dans  la 
maladie  les  craintes  nous  troublent.  1,  75.  Voy.  Etat.  =  Rester  en  crainte. 
II,  102.  —  Etre  toujours  en  crainte.  IL  333.  —  Crainte  de  Dieu  :  la  bonne  et 
la  mauvaise.  II,  108.  —  Crainte  qui  conserve  la  joie  du  chrétien.  II,  337 

Craquer.  «  Tout  notre  fondement  craque.  »  I,  6. 

Créance,  pour  Croyance.  Asseoir  sa  créance.  I.  cxxvi.  —  «  La  volonté  est 
un  des  principaux  organes  de  la  créance.  »  I,  41.  —  Devoir  de  créance  rendu 
à  la  science,  1,  72.  —  -  Qui  blâmera  les  chrétiens  de  ne  pouvoir  rendre  raison 
de  leur  créance?  »  I,  149.  —  Acquérir  une  créance.  I,  156.  —  Soumet're  sa 
créance.  I,  185.  —  «  Toute  la  créance  est  sur  les  miracles.  »  II,  08.  —  Préoc- 
cuper la  créance.  IL  71.  —  La  créance  des  hommes  s'est  pliée  par  là.  »  II,  75. 

—  Affermir  la  créance.  II,  104.    Récrier  la  créance.   II,   297.  —   «  Ce  qui  a 
rapport  à  nos  créances.  «  II,  298.  —  Voy.  Antiquité. 

Créateur.  «  Si  je  voyais  partout  des  marques  d'un  créateur,  je  reposerais 
en  paix  dans  la  foi.  »  I,  197. 

Création.  Preuves  de  la  création.  1.  212-213.  Voy.  Moïse. 

Créature.  Toutes  les  créatures  ou  affligent  ou  tentent  l'homme,  et  dominent 
sur  lui.  I,  183.  —  «  Les  créatures,  quoique  bonnes,  sont  ennemies  des  juste», 
quand  elles  les  détournent  de  Dieu.  »  1,  209.  —  Dignité  de  l'homme,  par  rap- 
port aux  créatures.  II,  90.  —  Jouir  des  créatures.  Il,  110.  —  Nous  attacher 
aux  créatures  nous  empêche  ou  de  servir  Dieu  ou  de  chercher.  Ib'nl.  - 
Donner  son  cœur  aux  créai  mes.  II,  227.  —  Jouir  des  créatures  est  offenser  Dieu. 
Il,  228.  —  Dans  la  mort,  la  créature  rend  à  Dieu  tout  l'hommage  dont  elle 
est  capable.  Il,  238. 

Crédule.  «  L'homme  est  naturellement  crédule,  incrédule.  I,  121;  II,  175, 

Creux.  Voy.  Coeur. 


18 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 


Crever.  «  Titre  qui  crève  les  yeux,  »  1,  4.  «  Nous  crever  les  yeux  agréa- 
blement. «  1.  35  et  46. 

Crieh.  «  Qu'est-ce  doncque  nous  crie  cette  avidité  et  cette  impuissance?  » 
I,  117.  —  «  Us  crient  que  rien  ne  leur  montre  la  vérité.»  I,  137.  —  «  Qt« 
nous  crie  donc  ce  chaos,  etc.?»  I,  187.  —  «  11  faut  crier  d'autant  plus  haut 
qu'on  est  censuré  plus  injustement.  »  11,117. 

Crime,  pour  Péché.  «  Dien  que  ma  vie  passée  ait  été  exempte  de  grands 
crimes.  »  11,  227.  --  Voy.  Elus,  Réprouvés. 

Crocheteur.  «Un  crocheteur  se  vante.  »  I,  25. 

Choire.  Pourquoi  il  est  dit,  Croyez  à  l'Eglise,  et  il  n'est  pas  dit,  Croyez  aux 
miracles.  II,  70. — Trois  moyens  de  croire  :  raison,  coutume,  inspiration.  11,  107. 

—  «  Le  croire  est  si  important!  »  II,  160.  —  «  Cequi  fait  croire  les  chrétiens, 
c'est  la  croix  :  »  Ibid.  Cf.  II,  200.  —  Les  hommes  presque  toujours  emportés 
à  croire,  non  parla  preuve,  mais  par  l'agrément.  Il,  290. —  Raisons  pour- 
quoi on  ne  croitpoint.  11,  74,  note  2. 

Croix.  «  Il  se  joue  un  jeu  où  il  arrivera  croix  ou  pile.»  1,  149.  Voy.   Pari. 

—  La  mort  de  la  croix.  11,  6.  Voy.  Humilié.  —  Les  deux  croix.  H,  71,  72. — 
Croix  de  saint  André.  II,  76.  —  Figures  de  la  croix  et  de  la  gloire.  Il,  92. 
Voy.  Sacrement.  — La  folie  de  la  croix.  II,  200.  Voy.  Croire. 

Cromwell.  Cause  et  effets  de  sa  mort.  I,  37. 

Croyance.  Voy.  Créance,  Incliner. 

Cru  (partie,  de  Croire) .  «  Nos  preuves  les  plus  crues...  Qu'y  a  t-il  de  plus 
cru?  »  I,  156. 

Cru  (partie,  de  Croître).  «  Il  est  crû,  il  est  changé.  »  II,  126. 

Cupidité.  «  La  cupidité  use  de  Dieu  et  jouit  du  monde;  et  la  charité,  au 
contraire.  »  I,  209.  —  Voy.  Charité,  Juifs. 

Cuisinier.  «  Un  cuisinier  se  vante.  »  I,  25, 

Curieux.  Les  curieux  et  les  savants  ont  pour  objet  l'esprit.  II,  199. 

CuRiosiTé.  N'est  que  vanité.  I,  25.  — Curiosité  inutile,  maladie  principale 
de  l'homme.  1,  101.  —  La  curiosité,  ou  concupiscence  des  yeux:  règne  propre- 
ment dans  les  choses  spirituelles.il,  199. 

Cyrus.  Prédiction  de  Cyrus.  Il,  190. —  Voy.  Evangile. 

D 

D'abord  que.  II,  67. 

Dames.  Les  dames  jvuent  quelquefois  la  compassion.  II,  257.  —  L'amitié 
des  dames.  II,  259. 

Damné.  «  Ce  sera  uli  des  confusions  des  damnés,  de  voir  qu'ils  seront 
condamnés  par  leur  propro  raison.  »  II,  93. 

Damner  (Se).  «  11  y  a  des  gens  qui  se  damnent  si  sottement,  par  l'avarice 
par  la  brutalité,  par  les  débauches,  etc.  !  »  II,  356. 

Damoiselle.  «  Une  jolie  demoiselle  toute  pleine  de  miroirs  et  de  chaînes.  » 
J,   104. 

Daniel.  La  petite  pierre  de  Daniel,  II,  24,  26.  — Ses  70  semaines.  II,  29.  — 
Extraits  du  livre  de  Daniel.  II,  29-34. 

Danse.  Sa  raison.  I,  50. 

Danser.  Voy.  Monde. 

Darius.  Voy.  Evangile. 

David.  N'a  point  prouvé  Dieu  parla  manquede  vide.  I,  155.  —  Sagrandeur, 
Les  prophéties  plus  claires  de  lui  que  de  Jésus-Christ.  II,  1.  —  Un  mot  d* 
David  ou  de  Moïse  fait  juger  de  leur  esprit.  II,  101.  — Règne  éternel  de  \b 
race  de  David.  II,  185.  --  «  David,  établissement.  »  11,200. 

De,  pour  Par  ou  d'après.  I,  2  (note  I).  =  Avec  un  verbe  passif.  «  L'on  esi 
également  combattu  de  l'espérance  et  de  la  crainte.  »  II,  261.  =  «  Vous  agi 
riez  de  mauvais  sens...  de  refuser  de  jouer,  etc.  »  I,  150. 

De  omni  scibili  (titre  de  livre).  I,  4  et  19  i. 

Débordé.  —  «Vous  retenez  dans  l'Eglise  les  plus  débordé?,  »  II,  115. 

Débordement.  «  Mais  cela  ouvre  la  porte  aux  plus  grands  débordements*  » 
1,70. 


1.  «De  falct.  par  tout»  les  carrefours  de  la  ville  (Pantagruel)  mlst  conclusions  en  nom- 
bre de  rienf  mille  sept  cents  soixante  et  quatre  en  tout  savoir,  touchant  en  icelles  les  plus 
forts  doubtes  qui  fassent  en  toutes  sciences,  d  Rabelais,  Pantagruel,  liv.  II,  ch.  x. 


TAHLK  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  10 

Débordku  (Se).  (>  Cet  amour-propre  s'est  étendu  et  débordé  dans  le  vide  que 
l'amour  de  Dieu  a  quitté.  »  11,  -'»-• 

Dkbout.  «  Nous  demeurons  debout,  comme  entre  deux  vents  contraires.  » 
11, 132. 

Décevant.  «  Partie  décevante  dans  l'homme  (l'imagination).  »  1,31. 

Déchoir.  «  Endangerde  déchoir  de  leur  justice.  »  11,  228.  Voy.  Juste.  — 
«  L'homme  est  déchu  d'un  état  de  gloire  et  de  communication  avec  Dieu  en  un 
état  de  tristesse,  de  pénitence  et  d  éloignement  de  Dieu.  »  1,  171.  Cf.  I,  9. 
Voy.  Homme. 

Décider.  «  Un  méridien  décide  de  la  vérité.  »  I,  38. 

Décime,  pour  Dlme.  «  Manger  les  décimes.  »  11,  7. 

Décliner.  «  L'on  décline  misérablement.  »  II,  257. 

Découvert  (A),  pour  Sans  voile.  «  IL  i",  00. 

Découvrir,  opposé  à  cacher.  Découvrir  une  pensée.  II,  351.  — «  J'ai  décou- 
vert que...  »1,4S.  —  Voy.  Dieu  caché.  =  Pour,  dévoiler,  faire  comprendre 
(Aperire).  Découvrir  une  illusion.  11,353  '. 

Déçu.  «  La  nature  corrompue  et  déçue.  »  II,  240.  —  Voy.  Raison. 

Dedans  (Au).  Voy.  Trouver. 

Défaire  (Se).  «  Ceux-là  se  défont  des  fausses  religions,  et  delà  vraie  même.  » 
II,  153. 

Défaut,  pour  Manque.  «  L'extrême  défaut  (d'esprit).  »  I,  73.  —  Le 
défaut  de  droite  méthode.  »  I,  80.  —  Le  défaut  de  raison  en  cette  doctrine.  » 

I,  185.  —  Voy.  Mortifier. 

Défectuosité.  11,  242.  Voy.  Mort  (La). 

Défendu.  «  Tout  ce  que  Dieu  ne  veut  pas  est  défendu.  »  II,  173. 
Défini.  Le  défini.  II,  281.  —  «  A  la  place  des  définis.  »  II,  301. 
Définir.   11   est   impossible   de  définir  ce  que   c'est  qu'être.   I,   cxxvm; 

II,  383.  — Tout  définir  et  tout  prouver  est  un  ordre  impossible.  II,  281-2S2. — 
Ce  qu'on  définit  en  géométrie.  II,  282.  —  «  11  y  a  des  mots  incapables  d'être  dé- 
finis. »  11,  283.  —  La  géométrie  ne  peut  définir  les  objets  :  pourquoi    11,  288. 

Définition.  Définitions  en  géométrie.  II,  280-287.  —  Les  définitions  sont 
libres.  II,  281,  284.  —  Définition  absurde  de  la  lumière.  11,283.-  Définition 
du  temps.  II,  284-285.  —  Différence  d'une  définition  et  d'une  proposition.  II, 
285-286.  —  Règles  pour  les  définitions.  11,  301-302. 

Degré.  Voy.  Fortune. 

Dégi  isement.  «  L'homme  n'est  que  déguisement.  »  I,  28. 

Déguiser.  «  Nohs  nous  déguisons  à  nous-mêmes.»  I,  75.  —  Voy.  Masquer. 

Dehors  (Au). Voy.  Chercher. 

Déisme.  Presque  aussi  éloigné  de  la  religion  chrétienne  que  l'athéisme. 
I,  176.  Cf.  II,  62.  Voy.  Dieu. 

Déité.  «  Les  Grecs  et  les  Latins  ensuite  ont  fait  régner  les  fausses  déités.  » 
I,  172. 

Délasser.  «  Qui  délasse  hors  de  propos,  il  lasse.  I,  105. 

Délectation.  L'empire  de  la  délectation.  I,  82. 

Délibérer.  «  C'est  une  chose  déplorable  de  voir  tous  les  hommes  ne 
délibérer  que  des  moyens,  et  point  de  la  fin.  »  II,  166.  —  Voy.  Heure. 

Délicat.  Les  esprits  délicats.  II,  258. 

Délicatesse.  «  Les  femmes  aiment  à  apercevoir  une  délicatesse  dans  les 
hommes...  La  délicatesse  est  un  don  de  la  nature.  »  II,  250. 

Délia  opinione  regina  delmondo  (titre  de  livre).  I,  34. 

Déluge.  Miracle  qui  prouve  le  pouvoir  et  la  volonté  que  Dieu  avait  de 
sauver  le  monde.  I,  174.  —  La  création  et  le  déluge,  les  deux  choses  les  plus 
mémorables  qui  se  soient  jamais  imaginées.  I,  212.  Voy.  Création.  —  Tra- 
dition du  déluge  chez  les  sauvages.  Il,  76. 

Démarche.  «  Qui  suivra  ces  étonnantes  démarches?  »  I,  3  et  22.  —  «  La 
dernière  démarche  de  la  raison.  »  I,  192. 

Demi-Savants.  Se  moquent  du  peuple.  I,  64.  —  Voy.  Entre-deux,  Il  a  iules 
(Les). 

Démocrite.  Cité.  I,  4. 

Démon.  L'homme  ne  sait  s'il  n'est  pas  créé  pai  un  démon  méchant.  I,  H3. 
—  «  Jésus-Christ  n'a  point  voulu   des  témoignages  des  démons.   »  II,  98. 

Démonstratif.  «  Cela  est  démonstratif.  1,  152.  —  Voy.  Figure. 


i  CV  fnt  "Tir  ''pin  qu'il  me  découvrit  l'esprit  de  la  Société.  »  Provinciales.  5*  Lettre. 


20  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Démonstration.  De  la  méthode  des  démonstrations  géométriques, 
II,  279-296.  —  Règles  pour  les  démonstrations.  11,  301-302. 

Démontré.  «  Combien  y  a-t-il  peu  de  choses  démontrées!  »  II,  155. 

Dépeindre.  «  Elles  y  dépeignent  ou  les  parties  des  beautés  qu'elles  ont,ou 
celles  qu'elles  estiment.  »  II,  254.  —  «  Les  poètes  n'ont  pas  eu  raison  de  nous 
dépeindre  l'amour  comme  un  aveugle.  »  II,  200. 

Dépendance.  II,  167.  —  Sentir  sa  dépendance.  II,  154. 

Dépendait.  «Les  capitaineset  pi  inces même  sont  toujours  esclaves  et  dépen- 
dants. »  11,  105.  Voy.  Chahtkei'x  et  Soldat. 

Dépit.  Voy.  Ennui. 

Déplaisir.  Effet  de  l'absence.  II,  4.  Voy.  Plaisir.  —  Profit  que  nous  de- 
vons tirer  du  déplaisir  (de  la  mort).  II.  245. 

Dépositaire.  «   Dépositaire  du  vrai  (l'homme).  I,  114.  —  Voy.  Adam. 

Dépravé.  Nous  naissons  dépravés.  II,  111. 

Dérèglement.  «  Ceux  qui  sont  dans  le  dérèglement  croient  suivre  la  nature  » 
I,  70.  —  «  Quand  tous  vont  vers  le  dérèglement,  nul  ne  semble  y  aller.  » 
I,  78.  —  Dérèglement  de  jugement.  IL  149. 

Dernier.  «  La  dernière  chose  qu'on  trouve  en  faisant  un  ouvrage  est  de 
savoir  celle  qu'il  faut  mettre  la  première.  »  I,   105.  —  Voy.  Principe. 

Derrière.  Pensée    de    derrière.  Voy.  Pensée. 

Desargues.  Raisins  de  Desargues.  Il,  163. 

Désarmer.  «  Vous  désarmez  toute  l'Église.  »  II,  76  et  85. 

Des  Rarreaux.  I,  130. 

Dès-la,  pour,  en  conséquence.  I,  213. 

Descartes.  Allusion  à  son  livre  des  Principes  de  la  Philosophie  (Principia 
Philosophiœ) .  I,  4.  Cf.  II,  126  et  148  ;  II,  151.  —  «  Descartes  inutile  et 
incertain.  »  II,  126.  —  (Pascal  était  du  sentiment  de  Descartes  sur  Vautomate, 
et  n'en  était  point  sur  la  matière  subtile..  Il  ne  pouvait  souffrir  sa  manière 
d'expliquer  la  formation  de  toutes  choses.  Il,  148.  Voy.  Chiquenaude.)  — Le 
principe  de  Descartes,  Je  pense,  donc  je  suis,  se  trouve  déjà  dans  saint  Augus- 
tin, 11,  304. — Descartes  a  prétendu  faire  de  ce  mot  un  principe  ferme  et  sou- 
tenu d'une  physique  entière.  Il,  305.  —  Descaries.  II,  126,  note  3. 

Désespoir  L'homme  dans  un  désespoir  éternel  de  connaître  ni  le  principe 
ni  la  fin  des  choses.  I,  3.  —  «  J'admire  comment  on  n'entre  point  en  désespoir 
d'un  si  misérable  état»  »  1,  175.  —  Désespoir  des  athées,  qui  connaissent 
leur  misère  sans  Rédempteur.  II,  177,  Cf.  II,  62.  —  Sans  les  divines  connais- 
sances, les  hommes  pouvaient  bien  éviter  la  vanité,  mais  c'était  en  se  préci- 
fntant  dans  le  désespoir.  I,  187.  —  La  religion  abaisse  infiniment  plus  que 
a  raison,  mais  sans  désespoir.  Ibid.  —  «  La  misère  persuade  le  désespoir.» 

I,  188.  —  Double  péril  pour  l'homme,  de  désespoir  ou  d'orgueil.  Ibid.  On 
%'abaisse  sous  Jésus-Christ  sans  désespoir.  II,  18.  —  Voy.  Ennui. 

Déshonorer.  Voy.  Miracle. 

Désir.  Illusion  des  désirs.  I,  54,  75.  Voy.  Etat.  —  Désir  du  vrai  bien 
naturel  à  l'homme.  I,  117.  —  Désir  delà  vérité  et  du  bonheur,  nous  est  laissé 
pour  nous  punir.  I,  121.  —  Voy.  Resoin. 

Désirer  de.  «  Il  désirerait  de  l'anéantir.   »  I,  26. 

Dessous.  «  Voir  le  dessous  du  jeu.  »  I,  152.  —  «  Nous  aurons  toujours  du 
dessus  et  du  dessous,  de  plus  habiles  et  de  moins  habiles,  etc.  II,  168. 

Destituer.  «  Un  nom  que  l'on  destitue  de  tout  autre  sens.  »  II,  281,  285. 
—  «  Considérant  l'homme  destitué  de  toute  révélation.  »  I,  cxxv.  —  «  Ces 
personnes  destituées  de    foi  et  de  grâce.  »  11,  60. 

Détacher  (Se).  «  On  ne  se  détache  jamais  sans  douleur.  »  H,  333. 

Déterminer.  «La  raison  n'y  peut  rien  déterminer.  »  I,  149.  —  «  Leur  cupi- 
dité, qui  déterminait  ce  sens  aux  biens  de  la  terre  »  I,  209.  »  —  «  L'âge 
ne  détermine  point   ni   le  commencement  ni  la   fin  de  ces  deux  passions.  » 

II,  251. — Déterminer  un  original  de  beauté.  IL  254.  —  «  L'amour  se  déterminant 
autre  part  que  dans  la  pensée.  »  U,  261.  --  Pour  Engager,  pousser.  «  Ce 
qui  détermine  chacun  à  chaque  condition.  »  II,  166  1. 

Détourner.  «  Il  ne  faut  point  détourner  l'esprit  ailleurs  (dans  un  ouvrage), 
ainon  pour  le  délasser.  »  I,  105.   —  Voy.  Occuper. 

1.  C'est  ainsi  que  La  Bruyère  (De  quelques  usages)  dit  que  l'étude  des  langues  ne  se  peut 
bien  faire  que  dans  l'enfance,  lorsque  tout  s'imprime  dans  l'âme  profondément,  que  la 
mémoire  est  neuve,  l'esprit  et  le  cœur  vides  de  passions,  «  que  Von  est  déterminé  à  de  longs 
travaux  par  ceux  fie  qui  l'on  dépend  ».  Et,  Pascal,  dans  les  Provinciales,  2e  Lettre  :  «  Dieu 
leur  donne  une  grâce  efficace  qui  détermine  réellement  leur  volonté  à  Vaclion.  * 


PABLE  ANALYTIQUE  Eï  LEXIQUE.  $1 

Df.ttk.  Voy.   Sdrp  v\  i  i.. 

Deus  absconditus.  \,  130,  171  :  II,  6i,  Voy.  Dieu  caché. 

Di  \  ,\i  Qu'il  est  Jim. mt  qu'Abraham.  >•  [,  207.  —  «  Devant  que  l'on 
eût  atteint  l'âge  île  raison.  »  I,  213.  —  Devant  ce  temps  l'on  est  enfant.  » 
11,  252.        Tour,  auparavant.  [,  cxxvu. 

Deviner.  «  II.  le  Cardinal  (Mazarin)  ne  voulait  point  être  deviné.  »  II,  154. 
—  hn  amour,  il  faut  deviner,  mais  bien  deviner.  Il, 

Devoir.  «  On  rend  différents  devoirs  aux  différents  mérites.  »  I,  72.  — 
il  d'amour,  devoir  de  crainte,  devoir  île  créance.  Ibid.  —  «  Il  y  a  un 
devoir  réciproque  entre  Dieu  et  les  hommes.  »  II,  00.  —  Le  devoir  de  Dieu. 
11.  71.  —  Le  devoir  de  l'homme  est  de  penser  comme  il  faut.  II,  1(M>.  —  Moyen 
de  ne  pas  oublier  son  devoir.  11,  149.  —  C'est  un  devoir  de  ne  s'affliger  de 
rien.  11,  335.  Devoirs  de  respect  envers  les  rois  et  les  grands.  Il,  354.  — 
Justice  de  ces  devoirs.  Ibid. 

Devoir.  (Verbe.)  Ce  que  les  hommes  doivent  à  Dieu;  ce  que  Dieu  doit  aux 
hommes.  11,  70.  —  Dieu  ne  doit  que  suivant  ses  promesses.  »  11,  161. 

Dévot.  Les  dévots  opposés  aux  chrétiens  parfaits.  1,  59-00.  =  a  Un  zèle 
tout  dévot.  »  1,32. 

Dévotion.  «  L'expérience  fait  voir  une  différence  énorme  entre  la  dévotion 
et  la  bonté.  »  11.  Ib4.  —  Voy.  Simiutuel. 

Dextre.    «  Monter  au  ciel,  et  seoir  à   la  dextre.  II.  243. 

Diable  (Le).  A  troublé  le  zèle  des  Juifs  avant.  Jésus-Chrit.  I,  212.  —  «  Ce 
lieu  (Port-Royal)  qu'on  dit  être  le  temple  du  diable...  »  II,  75.  —  «  Ceux  qui 
guérissent  par  L'invocation  du  diable  ne  font  pas  un  miracle.  »  11,  81.  — 
«  La  force  naturelle  du  diable.  Ibid.  —  «  Point  de  miracle  qui  oblige  à  dire 
que  c'est  le  diable.  Il,  181.  Cf.  II,  183.  —  Jésus-Christ  agissait  contre  le 
diable  et  détruisait  son  empire.  II,  199.  —  «  Pénitents  du  diable  (expression 
de  Tertullien).  11,  337. 

Dialogue.  ■<  Ordre  par  dialogues.  »  II,  174.  —  Ce  qu'il  faut,  en  tout  dia- 
logue et  discours,  qu'on  puisse  dire  à  ceux  qui  s'en  offensent.  11,  125. 

Dieu.  Le  seul  véritable  bien  de;  l'homme.  1,  117.  —  On  ne  peut  le  con- 
naître que  par  le  cœur,  1,  120,  194-195.  —  A  établi  des  marques  sensibles 
dans  TLglise  pour  se  faire  reconnaître.  I,  130.  Voy.  Dieu  caché.  —  Ceux  qui 
vivent  sans  connaître  et  sans  chercher  Dieu  sont  méprisables.  1,  1-12.  Le 
malheur  d'un  homme  sans  Dieu.  Ibid.  Cf.  II,  109,  157.  —  Dieu  perdu  (pour 
la  perte  de  Dieu).  1,  180.  —  Dieu  n'a  ni  étendue  ni  bornes.  1,  149.  —  Dieu 
infiniment  incompréhensible  :  nous  sommes  incapables  de  connaître  ni  ce 
qu'il  est  ni  s'il  est.  Ibid  Cf.  II,  126.  —  Ne  peut  être  connu  que  par  Jésus- 
Christ.  I,  154;  11,  02-03,  198.  —  Ne  se  prouve  pas  par  la  nature.  1,  155  ;  II, 
00-02,  204.  —  De  la  preuve  de  Dieu  par  le  manque  de  vide.  I,  155.  —  Notre 
religion  est  la  seule  qui  ait  ordonné  d'aimer  Dieu.  I,  109.  Voy.  Aimer  Dieu.  — 
Notre  vraie  félicité  est  d'être  en  lui.  I,  182.  Cf.  II,  00.  —  Ce  que  nous  dit  sa 
Sagesse.  I,  183.  Voy.  Sagesse.  —  Réponse  à  l'objection  que  Dieu  est  incompré- 
hensible et  hors  de  proportion  avec  nous.  I,  189.  —  «  11  est  juste  qu'un  Dieu 
si  pur  ne  se  découvre  qu'à  ceux  dont  le  cœur  est  purilié.  »  I,  213.  —  «  Que 
ceux  qui  cherchent  Dieu  de  tout  leur  cœur...  se  consolent:  je  leur  montrerai 
qu'il  y  a  un  Dieu  pour  eux,  etc.  »  II,  10.  —  «  Dieu  parle  bien  de  Dieu.  » 
II,  39.  Cf.  I,  lvi.  —  «  Les  choses  qui  sont  de  Dieu.  »  II,  01.  —  Le  Dieu  des 

Baïens  et  des  épicuriens  ;  le  Dieu  des  Juifs.  II,  01. —  «  Le  Dieu  d'Abraham,  le 
ieu  d'Isaac,  le  Dieu  de  Jacob,  le  Dieu  des  chrétiens,  est  un  Dieu  d'amour  et 
de  consolation.  »  Ibid.  Cf.  I,  cvi.  —  Ce  que  fait  le  Dieu  des  chrétiens.  II,  01-02. 

—  Ceux  qui  cherchent  Dieu  hors  de  Jésus-Christ  tombent  ou  dans  l'athéisme 
ou  dans  le  déisme, II,  02.  —  «  Dieu  doit  aux  hommes  de  ne  les  point  induire 
en  erreur.  »  II,  70.  Voy.  Devoir.  —  Sa  miséricorde  et  sa  justice.  II,  102-103, 
173.  —  Moyen  de  se  persuader  Dieu  à  soi-même.  II,  105.  —  Trois  sortes  de  per- 
sonnesà  l'égard  de  Dieu,  11,  109.  —  Dieu  a  voulu  faire  des  êtres  qui  le  connussent. 
II,  112,  —  Dieu  et  l'Eglise.  Il,  115.  —  Dieu  ne  regarde  que  l'intérieur.  Ibid. 
Voy.  Pénitence.  —  «Il  est  meilleur  d'obéir  à  Dieu  qu'aux  hommes.  »  II,  118. 

—  «  Il  est  indigue  de  Dieu  de  se  joindre  à  l'homme  misérable.  »  II,  122  -- 
«  Qu'il  y  a  loin  de  la  connaissance  de  Dieu  à  l'aimer  f  »  II,  153.  Dieu  ne 
peut  être  la  fin  s'il  n'est  le    principe.  II,  100.  —    Tout  ce   que    Dieu  ne  veut 

fias  est  défendu.  »  II,  173.  —  Chose  visible,  qu'il  faut  aimer  un  seul  Dieu. 
1,  200.  —  Ce  que  Dieu  ne  peut  pas,  parce  qu'il  est  tout-puissant.  II,  201.  — 
Dieu  maître  de  la  république  chrétienne,  de  la  judaïque.  Il,  203.  —  «  Enfin 
tyieu  parle  dans   les  dernières  oppressions.  »  II,  204.  —  Dieu  n'est  pas  moins 


22  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Dieu  quand  il  afflige  et  punit.  II,  223.  —  Dieu  ne  considère  les  hommes  que  par 
le  médiateur,  Jésus-Christ.  11,238.  — Dieu  seul  met  les  vérités  divines  dans  l'âme. 
11,  ^'.'7.  —  Le  service  de  Dieu.  11,  335-336.  —  «  Dieu  s'est  réservé  des  serviteurs 
cachés.  »  II,  336.  —  «  Dieu  n'abandonne  jamais  les  siens,  non  pas  même  dans 
le  sépulcre.  »  II,  343.  —  «  Dieu  est  proprement  le  roi  de  la  charité.  »  11,  355. 
Cf.  11,  176.  — Voy.  Conduite,  Connaissance,  Jésus-Christ,  Miracle,  Mort  (La) 
Royaume,  Volonté,  etc. 

Dieu  caché.  Deus  absconditus.  «11  ne  se  trouve  que  par  les  voies  enseignées 
dans  l'Evangile  »  I,  cvii.  -•  Dieu  s'est  caché  à  la  connaissance  des  hommes. 
I,  136  et  147.  Cf,  1,171.  —  A  établi  des  marques  sensibles  dans  l'Eglise  pour  se 
faire  reconnaître, et  les  a  couvertes  de  manière  à  n'être  aperçu  que  de  ceux  qui 
le  cherchent  de  tout  leur  cœur.  1,  136.  —  A  voulu  paraître  à  découvert  à  ceux 
qui  le  cherchent,  et  caché  à  ceux  qui  le  fuient;  aveugler  les  uns  et  éclairer  les 
autres.  11,  17-52.  —  L'Ecriture  dit  que.  Dieu  est  un  Dieu  caché,  et  que  ceux  qui 
le  cherchent  le  trouvent,  II,  61.  —  Dieu  ne  sort  du  secret  de  la  nature  qui  le 
couvre  que  pour  exciter  notre  foi  à  le  servir,  etc.  »  II,  329.  —  «  Il  se  cache  or- 
dinairement, et  se  découvre  rarement.  »  Ibid.  — «  S  étant  caché  en  toutes 
choses  pour  les  autres,  il  s'est  découvert  en  toutes  choses  pour  nous.  »  II,  330. 

Dieu  par  Jésus-Christ.  11,  63,  note  1. 

Différence.  «  Qu'il  y  a  de  différence  d'un  livre  à  un  autre!  »  I,  201.  — 
Différence  (pour  Dieu)  entre  tenter  et  induire  en  erreur.  II,  70.  —  Différence 
entre  n'être  pas  pour  Jésus-Chrisi,  et  le  dire,  ou  n'être  pas  pour  Jésus-Christ 
et  feindre  d'en  être.  II,  71.  —  Entre  repos  et  sûreté  de  conscience.  11,  97,  — 
«  Différence  entre  le  dîner  et  le  souper.  »  II,  201.  —  Voy.  Disciples. 

Différence  entre  Jésus-Christ  et  Mahomet.  11,  43,  note  4;  11,  159,  note  3. 

Difficulté.  Voy.  Recevoir. 

Dignité.  «  Les  sens  reçoivent  des  paroles  leur  dignité.  »  1,  105.  —  Dignité 
de  l'homme  :  en  quoi  consistait  dans  son  innocence,  et  en  quoi  consiste  aujour- 
d'hui. 11,  90.  Voy.  Espace,  Pensée. 

Dilation.  «  La  dilation  du  baptême.  »  11,  323. 

Dilemme.  Fausseté  du  dilemme  des  philosophes  sur  l'immortalité  de  l'âme. 

I,  144. 

Diligence,  pour  Soin,  exactitude.  I,  207. 

Dîner.  Voy.  Différence. 

Directeur.  «  Soumission  totale  à  Jésus-Christ  et  à  mon  directeur.  »  I,  cvn. 
—  «  Interroge  ton  directeur.  »  II,  209. 

Discernement.  Faire  le  discernement  des  miracles.  II,  79,  80.  —  «  C'est  un 
discernement  qui  passe  la  force  des  hommes  et  des  anges,  etc.  »  II,  231. 

Discerner.  «  Les  miracles  discernent  la  doctrine,  et  la  doctrine  discerne 
1  ;s  miracles.  »  II,  66  et  82.  —  «  Les  miracles  discernent  aux  choses  dou- 
Vîuses.  »  II,  71.  Cf.  II,  78.  —  Voy.  Chose. 

Djscipliîs  (de  Jésus-Christ).  Dorment  pendant  sa  passion.  II,  206-207.  =s 
différence  entre  les  disciples  et  les  vrais  disciples.  11,  171. 

Discours.  «  Oh  !  ce  discours  me  transporte,  me  ravit.  »  1,  153.  —  Four 
raisonnement,  dialectique  :  «Que  la  raison  y  fonde  tout  son  discours.  »  I,  119. 
Cf.  II,  101,  282,  289.,—  Sots  discours.  »  11,  156.  —  Pour  Style  (oratio).  Effet 
d'un  discours  naturel.  I,  104.  —  Voy.  Dialogue. 

Discours  (Fin  de  ce).  I,  153,  note  1. 

Diseur.  «  Diseur  de  bons  mots,  mauvais  caractère.  »  I,  76. 

Disgrâce.  Les  disgrâces  mêmes  qui  arrivent  aux  élus  sont  des  effets  de  la 
miséricorde  de  Dieu.  II,  223. 

Dispenser.  «  Qui  dispense  la  réputation  ?»  I,  32. 

Disposition.  La  disposition  différente  des  matières  forme  un  autre  corps  de 
discours.  I,  99.  Voy.  Pensée.  —  La  disposition  du  corps,  pour  La  bonne 
grâce  du  corps.  II,  260. 

Disproportion  de  l'homme.  I,  8,  note  4.  —  Disproportion  entre  notre 
justice  et  celle  de  Dieu.  I,  153.  Voy.  Justice. 

Dispute.  «  On  aime  à  voir  dans  les  disputes  le  combat  des  opinions.  »  1,80. 
Voy.  Vérité.  —  Etre  en  dispute.  11,  78.  Voy.  Erreur. 

Dissemblance.  La  dissemblance  des  Evangélistes,  utile.  II,  201. 

Dissiper  (Se).  «  Pour  me  dissiper  en  des   pensées  inutiles  de  l'avenir.   » 

II,  339. 

Distance.  Voy.  Esprit. 

Distinguer.  On  a  bien  fait  de  distinguer  les  hommes  par  l'extérieur.  1,  61. 

Diversité.  II,  163,  note  2. 


TAULE  ANALYtiQUÈ  Et  LEXIQUE.  23 

Divertit,,  pour  Détourner.  «  Il  ne  nous  faudrait  pas  divertir  d'y  penser.  » 
I,  77.  —  <■  Doui  ils  ne  peuvent  être  divertis  par  quelques  menaces.  Il,  22. — 
Se  divertir,  pour  Se  distraire.  1,  \S, 

Divertissement.  Ce  qu'on  appelle  divertissement.  1,  48,  L9,  73.  —  Instinct 

?ui  porto  les  hommes  à  chercher  le  divertissement  et  l'occupation  au  dehors. 
,  50.  —  «  Sans  divertissement,  il  n'y  a  point  de  joie:  avec  le  divertissement, 
il  n'y  a  pont  do  tristesse.  »  I,  52.  —  <«  Le  divertissement  est  la  plus  grande 
de  nos  misères  ..  Il  nous  amuse  et  nous  fait  arriver  insensiblement  à  la  mort. 

I,  ■">'«.  —  «  (He/  leur  divertissement,  vous  les  verrez  se  Bêcher  d'ennui.  »  1,  88, 
—  «    Tous  les  grands  divertissements  sont  dangereux  pour  la  vie  chrétienne.» 

II,  116.  --  Il  n'y  en  a  point  de  plus  à  craindre  que  la  comédie.  Ibid.  —  Di- 
vertissement.  1,  48,  note  2  :  53,  note  .'5;  54,  notes  1  et  4;  73,  note;  89, 
note  2. 

Divination.  Des  divinations  par  les  songes.  II,  75. 

Divinité.  D'où  viennent  ces  mots  :  Le  caractère  de  la  divinité  est  empreint 
sur  son  visage.  I,  61.  —  «  Prouver  la  divinité  par  les  ouvrages  de  la  nature.» 
11,  60.  —  La  divinité  de  Jésus-Christ.  H,  62.  —  Voy.  Marquer. 

Divisiiiu:  (substantif).  «  Les  divisibles  do  l'espace...  Une  infinité  de  divi- 
sibles, etc.  »  11,  291,  —  Voy.  Infini. 

Division.  Contre  les  divisions  en  morale.  1,78.  Voy.  Charron.  —  Division 
dans  l'Eglise  :  les  miracles  y  décident.  II,  70.  —  «  Jésus-Christ  met  la  divi- 
sion. »  \i^  171. 

Docilité.  Trop  de  docilité  fait  la  superstition.  1,  194.  Cf.  Il,  150. 

Docteur.  Pourquoi  il  faut  aux  docteurs  des  bonnets  carrés  et  des  robes 
trop  amples  de  quatre  parties.  1,  33.  — On  aime  que  les  docteurs  graves  soient 
infaillibles  dans  les  mœurs.  II,  120.  —  Le  docteur  de  la  comédie.  Il,  165. 

Doctrine.  Doctrine  de  Dieu.  «  Les  Juifs  avaient  une  doctrine  de  Dieu,  et 
confirmée  par  miracles.  »  II.  68.  —  Voy.  Miracle, 

Dogmatique.  iMatières  ou  connaissances  dogmatiques  :  leur  objet.  11,266.= 
Dogmatiques  (Les).    <«  La  raison  confond  les  dogmatiques.»  I,  114. 

Dogmatiser.    Qui  ne  dogmatisent  que  sur  ces   vains  fondements.   »  1,  113. 

Dogmatisme.  Se  ranger  au  dogmatisme.  I,  114.  — m  Invincible  à  tout  le  dog- 
matisme. »  I,  120. 

Dogmatistes.  Leur  unique  fort.  1,  113.  —  Sont  encore  à  répondre  depuis 
que  le  monde  dure.  Ibid.  et  124.  —  D'où  vient  leur  secte.  I,  187. 

Domestique.  «  La  vérité  est  domestique  du  ciel.  »  1,  115  (note).  —  «  Ceux 
qui  ont  été  élevés    domestiques  de  la  foi.  »  II,  323. 

Dominer.  «  Toutes  les  créatures  dominent...  sur  lui.  »  I,  183.  — Dominer 
sur  les  créatures.  II,  90.  —  «  Que  sa  grâce  règne  et  domiue  sur  la  nature.  » 
II,  245.  =  «  Dominant  des  uns  et  des  autres.  »  II,  24. 

DONATIf.TES.   Il,  184. 

Donner.  «  Donner  sujet.  »  II,  60.  =  Donnera  ..  «  Ainsi,  donnant  à  trembler 
à  ceux  qu'elle  justifie.  »  I,  187.  =  «  Ceux    qui  se  donnent  à  Dieu.  »  II,  342. 

Dormir.  Voy.  Disciples. 

Douceur.  Le  plaisir  d'aimer  sans  l'oser  dire  a  ses  douceurs.  II,  257. 

Douleur.  Il  n  y  a  rien  en  nous,  que  nos  seules  douleurs,  qui  puisse  agréer  à 
Dieu.  11.  229.  —  Voy.  Plaisir,  Temps. 

Doute.  Le  doute  sur  l'immortalité  de  l'âme  est  un  grand  mal,  digne  de  com- 
passion. 1,  U7-139.  —  Celui  qui  est  dans  ce  doute,  et  en  fait  profession  et 
vanité,  est  une  extravagante  créature.  I,  139.  —  «  La  nature  ne  m'offre  rien 
qui  ne  soit  matière  de  doute  et  d'inquiétude.  »I,  197.  —  La  fausse  ou  mauvaise 
crainte  de  Dieu  vient  du  doute.  II,  108.  =  <  11  est  sans  doute  »,  pour  11  est 
hors  de  doute.  1,  3,  115,  189,  155:  II,  237,  302. 

Douter.  Peu  parlent  du  pyrrbonisme  en  doutant.  I,  75.  —  «  Il  faut  savoir 
douter  où  il  faut.  »I,  193.  —  L'homme  sans  Dieu  est  dans  l'ignorance  de  tout: 
il  ne  peut  même  douter.  II,  157,  Cf.  I,  114.  -  «  Nier,  croire,  et  douter  bien, 
sont  à  l'homme  ce  que  le  courir  est  au  cheval.  »  II,  160. 

Doutkur.  «  Que  je  hais  ceux  qui  font  les  doutcurs  de  miracles  l  »  II,  162. 

Douteux  de.  «  Discours  douteux  d'être  philosophes  ou  chrétiens.  »  II,  101. 

Droit  (Le)  «  Le  droit  a  ses  époques.»  1,  38.  =  Voy.  Epiîe,  Main. 

Droiture.  «  Droiture  d'esprist.  »  I,  96. 

Du  désir  d'être  estimé  de  ceux  avec  qui  on  est.  I,  25,  note  2. 

Duc  L'âme  et  le  corps  sont  indifférents  à  l'état  de  batelier  ou  à  celui  de 
duc.  II,  352.  —  «  Il  n'est  pas  nécessaire,  parce  que  vous  êtes  duc,  que  je 
vous  estime,  mais  il  est  nécessaire  aue  je  vous  salue.  »  II,  35i.   Voy.  Estime. 


iï  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Duché  (féminin).  1,  89. 

Du  Gas  (M.).  II,  328. 

Dupeu.  «  Jamais  ils  n'auraient  dupé  le  monde.  »  1,33.  —  Juges  dupés  par 
l'apparence  de  l'avocat.  Ibid. 

Duplicité  (au  sens  propre).  «  Cette  duplicité  de  l'homme  (grandeur  et  misère) 
est  si  visible,  qu'il  y  en  a  qui  ont  pensé  que  nous  avions  deux  âmes.  »  I,  180. 

Durer.  Voy.  Temps. 

E 

Eau.  «  De  l'autre  côté  de  l'eau.  »  I.  70.  Tuer.  =  Eau  bénite,  messes,  etc. 
pour  s'aider  à  croire.  I,  152.  Voy.  Extérieur. 

Ebranlement.  La  fermeté  est  ruinée  par  l'ébranlement.  II,  261. 

Ebranler.  «  Oepuis  qu'on  commence  à  être  ébranlé  par  la  raison.  »  II,  252. 

«  Etre  ébranlé  par  quelque  objet.  »  II,  255.  Cf.  II,  261.  Voy.  Inondation. 

Ecacher.  «  Ils  en  écachent  la  pointe.  »  I,  35. 

Ecclésiaste  (L').  Cité.  II,  157. 

Echappé.     Pensée    échappée  :  leçon  qui  s'en   tire.  1,  85.  Cf.  ibid.,    note  2. 

Echapper  (actif).  «  Nous  échappons  sans  réflexion  le  seul  (temps)  qui  sub- 
siste. »  I,  36.  =  Echapper  à.  «  11  échappe  à  nos  prises.  »I,  6.  —  «  Ma  pensés 
m'échappe  quelquefois.  »  I,  85.  =  S'échapper  à,  pour  Se   dérober  à.    II,  292. 

Echauffer.  Jésus-Christ,  saint  Paul,  saint  Augustin,  voulaient  échauffer, 
non  instruire.  I,  102.  =  S'échauffer.  «  Faites-le  jouer  pour  rien,  il  ne  s'y 
échauffera  pas.  »  I,  52. 

Echec.  «  Chassez  cet  animal  qui  tient  sa  raison  en  échec.  »  I,  41. 

Eclairer.  Dieu  a  voulu  aveugler  les  uns  et  éclairer  les  autres.  II,  52.  Voyez 
Aveugler.  —  «  Il  n'y  a  que  nous  que  Dieu  éclaire  jusque-là.  »  II,  340.  = 
Eclairer  à.  «  Le  soleil  éclaire  à  tous.  »  II,  158. 

Eclat.  Voy.  Jésus-Christ. 

Éclater.  «  Oht  qu'il  (Archimède)  a  éclaté  aux  esprits  1  »  11,  16.  —  «  Pour 
éclater  dans  son  règne  de  sainteté  (Jésus-Christ).  »  Ibid.  —  La  grandeur  de 
la  foi  éclate  bien  davantage,  etc.  »  11,244. —  «  Une  vie  d'action  qui  éclate  en 
événements.  »  II,  260. 

Eclipses.  Pourquoi  on  dit  qu'elles  présagent  malheur.  II,  152. 

Ecole  (L').  Parce  qu'on  vous  a  dit  dans  l'école  quil  n'y  apoint  de  vide...» 
A,  o5. 

Economie.  «  Sur  quoi  fondera-t-il  l'économie  du  monde?  »  1,37. 

Ecoulement,  pour  Dérivation.  «  Cet  écoulement  ne  nous  paraît  pas  seule- 
ment impossible.  »  Écoulement.  I,  115.  —  II,  95,  note  3. 

Ecouler,  «  Voir  écouler  toutes  les  choses  périssables  ».  II,  103.=  S'écou- 
ler. »  C'est  une  chose  horrible  de  sentir  s'écouler  tout  ce  qu'on  possède.  » 
II,  95.  Cf.  II,  316. 

Ecrire.  11  n'est  plus  permis  de  bien  écrire,  tant  l'Inquisition  est  corrom- 
pue ou  ignorante!»  II,  118. 

(Ecrit  trouvé  dans  l'habit  de  Pascal  après  sa  mort.)  I,  cvi. 

Ecriture  (L').  N'a  pas  prouvé  Dieu  par  la   nature.  I,  155  et  167.  Cf.  11,  61. 

—  «  Les  merveilles  de  l'Ecriture  sainte.  »  I,  177.  —  Le  voile  qui  est  sur  les 
livres   de    l'Ecriture  pour  les   Juifs  y    est  aussi  pour  les  mauvais    chrétiens. 

I,  211.  —  Ce  qu'il  faut  pour  entendre  l'Ecriture.  If,  7.  — l'Ecriture  a  deux  sens. 

II,  8,  200,  330.  Voy.  Sens.  —  «  L'unique  objet  de  l'Ecriture  est  la  charité.  » 
II,  9.  —  «  C'est  le  plus  ancien  livre  du  monde,  et  le  plus  authentique.  »  II, 
42.  Cf.  I,  200-201;  IL  169.  —  Moïse  a  ordonné  à  tout  le  monde  de  la  lire- 
II,  42.  —  Elle  a  des  obscurités  bizarres,  mais  des  clartés  admirables.  Ibid.  — 
«  Sans  l'Ecriture,  qui  n'a  que  Jésus-Christ  pour  objet,  nous  ne  connaissons 
rien.  »  11,  63.  Voy.  Obscurité.  —  «  L'Ecriture  a  pourvu  de  passages  poul 
consoler  toutes  les  conditions,  et  pour  intimider  toutes  les  conditions.  «11,  10S. 

—  Difficultés  de  certains  passages.  II,  180.  —  Pourquoi  Dieu  et  les  apôtres 
ort  mis  dans  l'Ecriture  et  dans  les  prières  de  l'Eglise  des  mots  et  des  sentences 
cont mires.  Il,  202.  —  L'Ecriture  dit  que  la  sagesse  des  hommes  n'est  que  folie 
devant  Dieu.  II,  334.  —  Voyez  Contre  ceux  qui  abusent,  etc. 

Effectif.  «  Ce  que  je  trouve  d'effectif.  »  I,  198,  213.  — Voy.    Pyrhonîen. 

Effet.  «  Toutes  ces  personnes  ont  vu  les  effets,  mais  ils  n'ont  pas  vu  les 
causes...  Car  les  effets  sont  comme  sensibles,  et  les  causes  sont  visibles  seule- 
ment à  l'esprit.  »  I,  63.  —  Faux  effets  de  la  lune.  11,  75.  Voy.  Lune.  —  «  Lci 


TABLE  A.WU  CIQUE  ET  LEXIQUE.  *» 

sens  diversement  ranges  font  différente  effets.  Il,  177.  =  Pour  Uéalité.  «Visible 
ou  dans  la  peinture  ou  dans  L'effet.  »  [1,2.  —  Voy.  liaison  des  effets. 

KrvoNDHâ,  i,  121. 

Effort.  «  Ces  grands  efforts  d'esprit  où  L'Ame  bouche  quelquefois.  »  J,  100. 

—  L'effort  de  la  douleur.  L'effort  du  plaisir.  Succomber   sous  l'effort,  il,  150. 

—  «  Ces  deux  efforts  contraires  font  cette  violence.  »  II, 33 i . 
Effroi.  Entrer  en  effroi.  1.  17B. 

Egaler.  «  Deux  sortes  de  gens  égalent  les  choses.  »  II,  163. 

Egalité.  «  Sans  doute  L'égalité  des  biens  est  juste.  »  I,  71.  — Une  parfaite 
égalité  avec  tous  les  hommes  est  l'état  naturel  des  grands.  II,  352. 

Egard  (A  l').  Pour  Par  rapport  ou  par  comparaison.  1,  1.  —  A  l'égard  de 
l'infini;  à  L'égard  du  néant.  1,  3. 

Egaré.  «L'hommeest  visiblement  égaré,  et  tombé  de  son  vrailieu.»  I,  1,  121. 

—  «  Egaré  <ians  ce  recoin  de  l'univers.  »  I,  175.  =  Comme  substantif.  «  Ces 
misérables  égarés...  »  J,  175. 

Egarement.  «  Un  égarement  bien  visible.  »  II,  Sd.  —  L'égarement  a  aimer 
en  divers  endroits  est  monstrueux.  II.  258.  —  Voy.  Raison. 

Eglise  (L').  11  y  adansl'Eglise  une  justice  véritable  et  nulle  violence.  I,  72. 

—  Dieu  y  aétabli  des  marques  simples  pour  se  faire  reconnaître.  I,  136.  —  Elle 
a  subsisté  saus  interruption.  I,  172.  Cf.  II,  80.  —  La  vérité  s'y  est  toujours 
conservée.  1,  174.  —  Dans  l'Eglise,  la  vérité  est  couverte,  et  reconnue  par  le 
rapport  à  la  figure.  »  I.  210.  —  Figurée  dans  la  synagogue.  II,  2.  — N'offre  le 
sacrifice  que  pour  les  fidèles.  II,  1.  —  Pourquoi  il  est  dit  :  Croyezà  l'Eglise. 
II,  76.  — L'Eglise  a  trois  sortes  d'ennemis,  les  Juifs,  les  hérétiques,  les  mauvais 
chrétiens.  11,  77.  —  A  toujours  eu  contre  eux  des  miracles.  Ibicl.  — A  toujours 
été  combattue  par  des  erreurs  contraires.  II,  90.  —  Excommuniés  de  l'Eglise 
qui  sauvent  l'Eglise.  II.  100.  — «L'histoire  de  l'Eglise  doit  être  proprement 
appelée  l'histoire  de  la  Vérité.  »  II  102.  —  L'Eglise  ne  juge  que  par  l'extérieur. 
Il,  115.  Voy.  Diku-  — «Les  bons  papes  trouveront  encore  l'Eglise  en  clameurs.  » 
II,  117.  — L'Eglise  et  le  Pape.  II,  122.  —  «  Dieu  ne  fait  pas  de  miracles  dans 
la  conduite  ordinaire  de  s  >n  Eglise.  »  Ibid.  —  «  Bel, état  de  l'Eglise  quand 
elle  n'est  plus  soutenue  que  de  Dieu.  »  II,  200.  L'Eglise  est  le  monde  des 
fidèles  et  particulièrement  des  élus.  II,  240.  —  L'Eglise  des  premiers  temps. 
II,  321-325.  —  L'Eglise  est  redevable  à  chaque  fidèle,  comme  chaque  fidèle  à 
l'Eglise.  II,  327.  —  «  Toutes  les  vertus,  le  martyre,  les  austérités  et  toutes  les 
bonnes  œuvres  sont  inutiles  hors  de  l'Eglise  et  de  la  communion  du  chef  de 
l'Eglise.  »  II,  328.  — Hors  l'Eglise  il  n'y  a  que  malédiction.  Il,  336.  —  «Tout 
ce  qui  arrive   à  l'Eglise  arrive  aussi  à  chaque  chrétien.  »  II,  41. 

Eglise,  Pape.  II,  122,  note  3. 

Egyptiens.  Leur  religion  pas  plus  recevable  que  les  autres  :  pourquoi. 
I,  198.  —  Les  peuples  juif  et  égyptien  visiblement  prédits.  II,  184.  —  Voy. 
Ennemi,  Idolâtrie. 

Elévation,  pour  Hauteur  d'esprit.  «  Une  élévation  étrangère.  »  II,  308. 

Elever.  La  religion  élève  l'homme  sans  l'entier.  I,  187.  =  S'élever,  opposé 
à  s'abattre.  1,  186.  —  «  On  s'élève  par  cette  passion  ('amour),  et  on  devient 
toute  grandeur.  »  II,  260. 

Elie.  Les  miracles  discernent  entre  lui  et  les  faux  prophètes.  II,  71-72. 
Cf.  II,  173,  336. 

Eloignement.  «  Les  hommes  sont  dans  l'éloignement  de  Dieu.  I,  136. 

Eloigner.  «  Qu'il  éloigne  sa  vue  des  objets  bas  qui  l'environnent.  »  I,  i 
et  20.  =  S'éloigner.  Voy.  Naturk,  Ouvrage. 


r 

se 

II,  123.  -  -  «L'éloquence  est  une  peinture  de  la  pensée.  Ibid.  —  L'éloquence 
persuade  en  tyran.  II.  176.  —  L'éloquence  de  deux  personnes.  II,  253.  — 
L'éloquence  d  action  II,  257. —  Voy.  Portrait.  Silence. 

Eloquence.  I,  104,  note  3. 

Elus  (Les).  Miséricorde  de  Dieu  envers  les  élus.  I.  153.  Cf.  IL  223.  — 
«  Jésus-Christ  sauve  les  élus  et  damne  les  réprouvés  sur  les  mêmes  crimes.  » 
ÏI,  2.  —  Dans  les  marques  que  Dieu  donne  de  soi.  il  y  a  assez  de  clarté  pour 
éclairer  les  élus,  et  assez  d'obscurité  pour  les  humilier.  11,48.  —  «  Tout  tourne 
en  bien  pour  les  élus,  jusqu'aux  obscurités  de  l'Ecriture.  »  II,  49  Cf.  Il,  2i5. 
Voy.  Coopérer.  —  «  Les   élus   ignoreront   leurs    vertus,  et  les  réprouvés  la 

il.  26 


16  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Grandeur  de  leurs  crimes.  »  II,  98.  —  Enfants  de  la  promesse  (expression  de 
.  Paul).  »  II,  161. 
Embarqué.  Au  figuré.  «  Gela  n'est  pas  volontaire,  vous   êtes   embarqué.  ï> 
I,  150. 

Embrouillement.  «  Qui  démêlera  cet  embrouillement?  »  I,  114. 
Embrouiller.  «  Gela  suffit  pour  embrouiller  au  moins  la  matière.  »  1.  43. 
Emotion,  «  Une  émotion  universelle  de  la  personne...  Une  émotion  générale 
dans  le  monde.  »  II,  340. 

Empêcher.  «  Trop  de  jeunesse  et    trop  de  vieillesse  empêchent  l'esprit.  » 

I,  o.  Voy.  Bruit. 

Empesté.  «  Les  plaisirs  empestés.  »  I,  152. 

Empire.  Les  grands  génies,  les  saints,  ont  leur  empire.  II,  15.  —  «  Il 
n'y  a  que  la  maîtrise  et  l'empire  qui  fait  la  gloire.  »  II,  150.  —  «  Comme  elles 
ont  (les  femmes)  un  empire  absolu  sur  l'esprit  des  hommes.  »  II,  2">'i. 

Empoisonner.  Quand  les  passions  sont  vices,  l'âme  s'en  nourrit  et  s'en  em- 
poisonne. II,  173. 

Emporté.  «  Faire  ainsi  l'emporté.  »  I,  141.  =  Etre  emporté  à  croire.  II, 
296. 

Emporter  (S').  «  Je  vous  demande  pardon...  de  m'emporter  ainsi  devant 
vous  dans  la  théologie.  »  I,  cxxxiv.  Cf.  I,cxxv. 

Empreindre.  Vcry.  Teindre. 

Enceinte.  Voy.  Atome. 

Enceinte  (adjectif).  «  Malheur  à  celles  qui  sont  enceintes  ou  nourrices  en 
ce  temps-là!  II,  342. 

Enchantement.  «    C'est  un    enchantement     incompréhensible.  »  1,  141. 

Encoiffer  (S').  «  On  s'entête  et  on  s'encoiffe.  »  I,  30. 

Encore  que.  1,  149;  II,  40. 

Endurci.  Voy.  Athée. 

Enfance.  Voy.  Sagesse. 

Enfant.  Enfants  qui  s'effraient  du  visage  qu'ils  ont  barbouillé.  I,  52.  Cf. 

II,  125.  —  Les  hommes  sont  des  enfants.  Il,  126  et  147.  —  Doit-on  exciter  les 
enfants  par  la  gloire?  II,  164.  Voy.  Port-Royal.  =  Enfants  libres.  II,  107. 
Voy.    Chrétien.  =  Enfants    de  la  promesse,  pour  dire  les  élus.  II,  161. 

Enfanter.  «  Nous  n'enfantons  que  des  atomes.  »  I,  1. 

Knfer  (L').  Plus  terrible  pour  l'incrédule  que  pour  le  croyant.  I,  153.  — 
Voy.  Entre-deux. 

Enfler.  Voy.  Conception. 

Enflure.  «  Une  enflure  vaine  et  ridicule...  Je  hais  ces  mots  d'en 
flure.  »    II,  308. 

Engager  (S').  Voy.  Prévoyance. 

Engloutir,  a  L'infini  où  il  est  englouti.  »  3.  —  Voy.  Comprendre. 

Ennemi.  «  Les  qualités  ej^essives  nous  sont  ennemies  et  non  pas  sensibles.  » 

I,  5.  —  Sens  équivoque  ei  mystique  du  mot  ennemi  dans  l'Ecriture.  205, 
206,  209;  II,  10,  11,25.  — Ce  que  les  hommes  et  les  saints  appellent  dece  nom. 

II,  93.  —  «  Les  ennemis  de  l'homme  sont  ses  passions.  »  II,  4.  —  «  Dans  la 
vérité,  les  Egyptiens  ne  sont  pas  ennemis,  mais  les  iniquités  le  sont.  »  11,10. 

—  «  Il  n'y  a  pas  d'autre    ennemi  de  l'homme    que   la  coucupi«cence.  »  Ibid. 

—  L'Eglise  a  trois  sortes  d'ennemis.  II,  77.  — Voy.  Parents. 

Ennui.  «  L'enDui  a  des  racines  naturelles  au  fond  du  cœur.  »  I,  51.  — Est 
dans  la  condition  de  l'homme.  I,  83.  —  «  Incontinent  il  sortira  du  fond  de 
son  âme  l'ennui,  la  noirceur,  la  tristesse,  le  chagrin,  le  dépit,  le  désespoir.  » 
II,  155.  —  «  L'ennui  qu'on  a  de  quitter  les  occupations  où  l'on  s'est  attaché.» 
II,  166.  —  Ennui.  II,  155,  note  1. 

Ennuyer.  Voy.  Amusement,  Eloquence.  =  S'ennuyer.  Voy.  Roi. 

Enoch.  II,  72. 

Enorme.  «  Il  faut  que  la  justice  de  Dieu  soit  énorme  comme  sa  miséricorde.  » 
I,  153.  Voy.  Elus,  Réprouvés. 

Enseigne.  «  Les  gens  universels  ne  veulent  point  d'enseigne.  I,  74.  Voy. 
Poète. 

Enseignement.  «  Pratiquons  cet  enseignement  que  j'ai  appris  d'un  grand 
homme.  »  II,  236. 

Ente,  pour  Greffe.  II,  16-}. 

Entendement.  Voy.  Entrée. 

Entendu  (adjectif).  Voy.  Faire. 

Entêter  (S').  «  Si  on  y  songe  trop,  on  s'onlôte.  »  I,  30  et  218. 


TABLE  AiNÀLl  HyUÉ  Et  LEXIQUE.  « 

Entre-deux.  «  Ceux  d'entre-deux  (les  demi-savants).  »  I,  44.  —  «  Remplis- 
sant tout  rentre-deux.  »  I,  77.  «  Entre  nous  et  l'enfer  ou  le  ciel,  il  n'y  a 
que  la  vie  entre-deux,  qui  eal  La  chose  du  monde'  la  plus  fragile.  »  1,  143. 

Entrés,  m  11  i  a  deux  entrées  par  où  les  opinions  sont  reines  dans  Pâme, 
qui  sont  l'entendement  et  la  volonté.  »  11,  UN). 

l.\  iiiE-ELATTEti  (S').  «  On  ne  fait  que  s'entre-tromper  et  s'entre-flatter.  » 
1, 18. 

Bntrxpbsndrb,  pour  Attaquer.  11,  104.  Voy,  Etoiles.  Cf.  r.xxvn. 

ENTRER.  «  Voyez-le  entrer  dans  un  sermon.  »  I.  32.  =  Si  on  considère  (son 
ouvrage)  troj)  longtemps  après,  on  n'y  entre  plus  (c'est-à-dire,  on  n'est  plus 
dans  le  vrai  point  de  vue  pour  en  bien  juger).  »  I,  31.  —  «  Ils  entraient  dans 
leurs  principes  pour  modérer  leur  folie.  »  I,  80.  —  Voy.  Effroi. 

Entre-tenir  (S').  «  l  outes  choses  s'entre-tenant  (c'est-à-dire  se  tenant  entre 
elles)  par  un  lien  naturel,  etc.  »  1,  7. 

Entre-tromper  (S').  Voy.  Entrë-flatter  (S'). 

Envelopper  (S').  Voy   Campagne. 

Envi  (A  l').  L'imagination  rend  les  fous  heureux  à  l'envi  de  la  raison.  I,  31. 

—  a  Les  sens  mentent  et  se  trompent  à  l'envi.  »  I,  45. 
Epaminondas.  Avait  l'extrême  valeur  et  l'extrême  bénignité.  1,  76. 
Epée.  «Le  droit  de  l'épée.  »  1,  71. 

Epictète.  Sa  doctrine  morale.  I,  cxxiv.  —  Comparé  avec  Montaigne,  I, 
cxxxn.  Voy.  Sectes.  —  Utilité  et  danger  de  la  lecture  d'Epictète.  1,  cxxxvi, 
cxxxv.  —  Réponse  à  une  question  d'Epictète.  I,  63.  —  Sa  manière  d'écrire.  I, 
101. —  Cité.  I,  cxxiv,  118,  171.  —  Il  ne  mène  pas  au  vrai  chemin.  II,   158. 

Epicuriens.  D'où  vient  leur  secte.  1,187.  —  Voy.  Sectes. 

Epigramme.  Pensées  sur  les  épigrammes.  I,  86. 

Epine  (La  sainte).  Voy.  Miracle.  Port-Royal. 

Epreuve,  pour  Expérience.  I,  116. 

Epuiser.  «  L'on  épuise  tous  les  jours  les  manières  de  plaire.  »  II,  255.  — 
«Il  est  difficile  qu'il  n'épuise  bientôt  tous  les  mouvements  dont  il  est  agité.» 
II,  257.  —  Voy.  Conception. 

Equité.  «  L'éclat  delà  véritable  équité  aurait  assujetti  tous  les  peuples.  » 
I,  37.  —  «La  coutume  fait  toute  l'équité.  »I,  38. 

Equivoque  (substantif).  «  L'équivoque  est  ôtée.  »  II,  10. 

Equivoque  (adjectif).  «  Les  lieux  où  le  sens  spirituel  est  caché  sont  équi- 
voques et  peuvent  convenir  aux  deux;  au  lieu  que  les  lieux  où  il  est  décou- 
vert sont  univoques,  et  ne  peuvent  convenir  qu'au  sens  spirituel.»  I,  108. 

Errer.  «  Tous  errent  d'autant  plus  dangereusement  qu'ils  suivent  chacun 
une  vérité.  »  II,  92.  Voy.  Hérésie. 

Erreur.  «  Cette  maîtresse  d'erreur  et  de  fausseté  (l'imagination).  »  I,  31, 

—  Autres  principes  d'erreur  qui  sont  en  nous.  I,  34,  44-45.  Voy.  Homme.  — 
«  Lorsqu'on  ne  sait  pas  la  vérité  d'une  chose,  il  est  bon  qu'il  y  ait  une  erreur 
commune  qui  fixe  l'esprit  des  hommes.  »  I,  101.  Cf.  I,  99-100.  —  Erreurs 
charnelles.  I,  206.  —  Induire  en  erreur  :  ce  que  c'est.  Dieu  ne  doit  point  le 
faire,  et  ne  le  fait  pas.  II,  70.  —  Jamais  il  n'est  arrivé  miracle  du  côté  de 
l'erreur,  qu'il  n'en  soit  arrivé  de  plus  grands  du  côté  de  la  vérité.  II,  72.  — 
«  L'Antéchrist  ne  peut  bien  indure  en  erreur.  »  II,  73.  —  «  Quand  l'erreur 
est  en  dispute.  »  II,  78.  — Erreurs   contraires  qui  combattent  l'Eglise.  11,70. 

—  Erreur  du  peuple  touchant  la  noblesse.  II,  352. 

ESCORBARTINES   (MOEURS).    II,    117. 

Esdras.  De  la  tradition  sur  Esdras.  II,  179-180.  — La  fable  d'Esdras.  IbicU 

—  Sur  Esdras.  II,  180,  note  1. 

Espace.  «  Ce  n'est  point  de  l'espace  que  je  dois  chercher  ma  dignité.  » 
1, 11.  —  «  Ces  effroyables  espaces  de  l'univers  qui  m'enferment.  »  I,  139.  — 
«  Un  espace  infini,  égal  au  fini.  »  1,189  et  192.  —  «  Le  petit  espace  que  je 
remplis,  abîmé  dans  l'infinie  immensité  des  espaces  que  j'ignore.  »  II,  152.  — 
«Le  silence  éternel  de  ces  espaces  infinis  m'effraie.  »  II,  153.  —  «  Les  nombres 
imitent  l'espace.  »  II,  164.  —  Rapports  du  mouvement,  du  nombre  et  de 
l'espace.  II,  287.  Voy.  Néant.  —  On  peut  concevoir  un  espace  s'aug  mentant 
à  l'infini,  ou  divisible  à  l'infini.  II,  288.  —  De  la  divisibilité  de  l'espace  à 
l'infini.  II,  289-296. 

Espèces.  «  Les  espèces  de  l'Eucharistie.  »  II,  330. 

Espérance.  «  L'espérance  nous  pipe.  »  I,  116.  —  «  Trouver  des  prétextes 
d'espérance.  »  II,  150.  —  L'espérance  des  chrétiens  est  mêlée  de  jouissance 


13  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

aussi  bien  que  de  crainte.  II,  165.  —  Espérance,  privilège  spécial  des  chré. 
tiens.  II,  241. 

Esprit.  Presque  tous  les  philosophes  parlent  des  corps  comme  des  esprits, 
et  des  esprits  comme  des  corps.  I,  8.  Voy.  Mouvement.  —  L'esprit  opposé  aux 
sens,  et  l'esprit  qui  voit  les  causes  opposé  à  l'esprit  qui  voit  les  effets.  I,  63.  — 
Un  esprit  boiteux.  Ibid. —  «Il  est  nécessaire  de  relâcher  un  peu  l'esprit.  »  I,  70. 

—  «  L'extrême  esprit  est  accusé  de  folie.  »  I,  73.  —  «  A  mesure  qu'on  a  plus 
d*esprit,  on  trouve  qu'il  y  a  plus  d'hommes  originaux.  »  I,  95.  —  Il  y  a  deux 
sortes  d'esprit  :  l'esprit  de  justesse  et  l'esprit  de  géométrie.  I,  95-96.  —  Diffé- 
rence entre  l'esprit  de  géométrie  et  l'esprit  de  finesse.  1,90-98:  II,  252.  —  Es- 
prits fins,  et  esprits  faux.  I,  97.  —  «  L'esprit  croît  naturellement.  »  I,  99.  — 
Gomment  on  seformeou  on  se  gâte  l'esprit.  I,  100.  — L'esprit  a  son  ordre. 
1,102.  Cf  II,  15.  — Le  royaume  de  Dieu  ne  consiste  pas  en  la  chair,  mais  en 
l'esprit  1,206.  —  Distance  infinie  des  corps  aux  esprits,  et  des  esprits  à  la 
charité.  Il,  15.  —  «  Tous  les  corps,  le  firmament,  les  étoiles,  la  terre  et  ses 
royaumes  ne  valent  pas  le  moindre  des  esprits.  »  II,  16  et  20.  — Volubilité 
de  notre  esprit.  II,  104.  —  L'esprit  opposé  à  l'instinct   des   animaux.   Il,  151. 

—  L'esprit  dans  l'amour.  Il,  252.  Voy.  Passion.  —  Esprits  délicats.  JI.  258.  — 
Fécondité  inépuisable  de  l'esprit.  II,  268.  —  L'esprit  et  le  cœur  introduisent 
les  vérités  dans  l'âme.  II,  297.  Voy.  Porte.  =  Esprits,  ou  esprits  animaux. 
II,  112.  —  «  Le  ballet  des  esprits.  »  II,  151.  Voy.  Plaisir.  —  «  La  peti- 
tesse des  esprits  qui  entrent  dans  les  pores.  »  Ibid.  —  Voy.  Faiblesse, 
Vérité. 

Esprit  de  Dieu  (L').  Est  véritablement  sur  les  chrétiens  qui  croient  sans 
preuves.  I,  195.  —  «  Le  secret  de  l'esprit  de  Dieu  caché  dans  l'Ecriture.  »  II,  330. 

Esprit  (Le  Saint-).  «  La  fin  de  la  loi  n'était  que  le  Saint-lisprit.  »  II,  94. 
Voy.  Circoncision.  —  Le  Saint-Esprit  repose  dans  les  corps  des  sain  t  s.  11, 241 ,  343. 

Estime.  Etre  dans  l'estime  d'une  âme,  dans  l'estime  des  hommes.  I,  10.  — 
«  Toute  la  félicité  consiste  dans  cette  estime.  »  Ibid.  —  «  L'estime  de  cinq  on 
six  personnes  nous  amuse  et  nous  contente.  »  I,  25.  — Quelle  est  la  seule  voie 
pour  acquérir  de  l'estime.  I,  141.  —  «  Etre  en  estime  de  piété.  »  I.  81.  — 
Préférence  d'estime.  II,  354.  —  On  ne  doit  à  un  duc  et  pair  que  l'estime 
qu'il  mérite.  Ibid. 

Estimer.  On  ne  se  soucie  pas  d'être  estimé  dans  les  villes  où  l'on  ne  fait 
que  passer.  I,  26.  —  Pour  être  estimé,  il  faut  le  mériter.  I,  65.  —  «  On  témoi- 
gne estimer  plus  l'estime  des  hommes  que  la  recherche  de  la  vérité.  »I,  197.= 
Pour  Apprécier  {œ~timare).  S'estimer  son  prix.  1, 11.  —  S'estimer  k  son  juste 
prix.  Il,  296.  —  «  Estimons  ces  deux  cas.  »  I,  150.  =  Pour  Juger,  penser  {exi- 
stimare).  «■  Nous  n'estimons  pas  que  toute  la  philosophie  vaille  une  heure  de 
peine  »  II,  126.  —  <■<■  Je  crois  qu'on  en  doit  es'imer  de  la  sorte.  »  II,  247.  — 
Du  désir    d'être  estimé  de  ceux  avec  qui  on  est.  I,  25,  note  2. 

Etabli.  Voy.  Coutume,  Loi. 

Etablir.  «  Il  n'aurait  pas  établi  cette  maxime.  .  »  I,  37.  —  a  11  (Dieu)  com- 
mença d'établir  un  peuple  sur  la  terre,  etc.  »  I,  205. 

Etablissement.  Grandeur  d'établissement:  respect  d'établissement.  II,  176. 
Cf.  II,  353,  354.  Voy.  Grandeurs,  Titre. 

Etat.  Deux  états  différents  de  l'homme,  à  sa  création  et  à  présent.  I.  cxxxm. 
Cf.  I,  171.)  —  Où  conduisent  ces  deux  états,  connus  séparément.  Ibid.  Cf. 
I,  184,  187.  Voy.  Nature,  Orgueil,  Paresse.  —  Nos  désirs  nous  figurent  un 
état  heureux.  I,  5i.  —  Dans  la  maladie,  la  nature  donne  des  passions  et  des 
désirs  conformes  à  l'état  présent.  I,  75.  —  v  Les  craintes  nous  troublent, 
parce  qu'elles  joignent  à  l'état  où  nous  sommes  les  passions  de  l'état  où 
nous  ne  sommes  pas.  »  Ibid.  —  Caractère  des  hommes  qui  vivent  volontaire- 
ment dans  l'ignorance  de  leur  état.  I,  139-143.  —  Misérable  état  de  l'homme. 
I,  175,  197.  =  Etre  en  état.  Voy.  Vivre.  =  Faire  état,  pour  Faire  compte, 
faire  estime.  «  Pour  se  plaindre  du  peu  d'état  que  vous  faites  d'eux.  »  1,65. 
Cf.  II,  79.  z=  Etat  {cioitas).  «  L'art  de  bouleverser  les  Etats,  est  d'ébranler 
les  coutumes  établies.  »  I,  39.  —  Voy.  Loi,  République. 

Eteindre.  Voy.  Allumer. 

Etendu.  «  Nous  sommes  finis  et  étendus  comme  lui  (le  fini).  »  I,  148. 

Etendue.  «  L'étendue  visible  du  monde  nous  surpasse  visiblement.  »  I,  4. 
—  «  11  (l'infini)  a  étendue  comme  nous.  »  I,  148.  —  Dieu  n'a  ni  étendue  ni 
bornes.  I,  149. 

Eternel.  Yoy.  Etre  (substantif). 


TABLE   ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  29 

Eternellement.  «  Eternellement  on  joie  pour  un  jour  d'exercice  sur  la 
terre.  »  I,  cvu. 

Eternité.  Combien  notre  imagination  l'amoindrit.  I,  37.  —  Deux  éternités. 

I,  139;  11.  159.  Cf  I.  143.  -  «  Rien  n'est  si  redoutable  à  L'homme  <|ue  l'éter- 
nité. »  1,  140.  —  «Gomme  s'ils  pouvaient  anéantir  l'éternité  en  en  détournant 
leur  pensée.   t>  1,  j  13. 

Eterndbment.  m  L'éternnemenl    absorbe    toutes  les  fonctions  de   l'Ame.  » 

II,  I 

Lu  i.. m  i  i;,  employé   connue  substantif     Voy.    Le. 

Etienne  (Saint).  Sa  morl  plus  forte  que  celle  de  Jésus-Christ.  II,  17. 

Etoiles,  b  On  entreprenait  franchement  l'Ecriture  sainte  sur  le  grand  nom- 
bre des  étoiles.  »  II,  loi. 

Etonner.  «  Trop  de  vérité  nous  étonne.»  1,5.  —  «  L'éternité  des  choses... 
doit  étonner  notre  petite  durée.  »  I,  7  (note  3).  =  S'étonner.  «  Le  membre 
séparé...  s'étonne  dans  l'incertitude  de  son  être.  »  11,  112. 

Etrangement.  «  La  raison  est  étrangement  ébranlée  en  la  présence  de 
l'objet   (aimé).  »  II,  261. 

Etre  (substantif).  Impossible  de  définir  l'être.  I,cxxvm.  Cf.  II,  282.  — 
«  Ce  que  nous  avons  d'être.  »  I,  5.  Cf.  II,  112.  —  «  Notre  être  composé.  »  I,  8. 

—  «  C'est  son  propre  être.  »  Ibîd.  Cf.  I,  24.  —  «  Je  ne  suis  pas  un  être  né- 
cessaire. Je  ne  suis  pas  aussi  éternel,  ni  infini  ;  mais  je  vois  bien  qu'il  y  a  dans 
la  nature  un  être  nécessaire,  éternel  et  infini.  »  I.  13.  —  Etre  imaginaire, 
pour  Vie  imaginaire.  I,  24.  —  «  Avant  qu'il  fût  en  être.  »  I,  115.  —  «  Cet 
Etre  infini  et  sans  parties,  auquel  il  soumet  tout  le  sien.  »  I,  153.  —  La  diffi- 
culté de  notre  être.  Le  nœud  de  notre  être.  II,  94.  —  «  Il  faut  aimer  un  être 
qui  soit  en  nous,  et  qui  ne  soit  pas  nous...  Or,  il  n'y  a  que  l'Etre  universel 
qui  soit  tel.  »  II,  105-106.  —  Sentir  le  bonheur  de  son  être.  S'étonner  dans 
l'incertitude  de  son  être.  II,  112.  —  Dieu  a  voulu  faire  des  êtres  qui  le  con- 
nussent. Ibid,  —  «  Le  membre  séparé...  n'a  plus  qu'un  être  périssant  et  mou- 
rant. »  Ibid.  —  La  raison  fait  l'être  de  l'homme.  II,  155.  —  «  L'Eire  éternel 
est  toujours,  s'il  est  une  fois.  »  II,  168.  —  «  En  croyant  que  votre  être  a 
quelque  chose  de  plus  élevé  que  celui  des  autres.  »  II,  352. 

Etre  (verbe).  Etre  à...  «  L'homme  est  à  lui-même  le  plus  prodigieux  objet 
de  la  nature.  »I,  8.  —  «  Quel  paradoxe  vous  êtes  à  vous-même.  »  I,  114.  — 
Etre,  pour  Exister.  «  Je  sens  que  je  peux  n'avoir  point  été.  .  Moi  qui  pense 
n'aurais  point  été,  si...  »  I,  13.  —  «  L'avenir  n'est  point  du  tout  à  notre 
égard,  et  nous  n'y  arriverons  peut-être  jamais.  »  II,  3J9. 

Etude.  L'étude  de  l'homme  semble  la  vraie  étude  qui  est  propre  à  l'homme. 

I,  77.  Voy.  Science. 

Etudier.  Etudier  le  présent,  étudier  l'avenir.  II,  340.  =  S'étudier.  «  L'on 
s'étudie  tous  les  jours  pour  trouver  les  moyens  de  se  découvrir.  »  II,  257. 

Eucharistie.  «  Les  chrétiens  prennent  même  l'Eucharistie  pour  figure  delà 
gloire  où  ils  tendent.  II,  10.  —  Sottise,  de  ne  pas  croire  l'Eucharistie.  Il,  161. 

—  Impiété  de  ne  pas  croire  l'Eucharistie,  II,  200.  —  Sur  l'Eucharistie.  II,  201, 
202,  205,  330.  —  On  donnait  autrefois  l'Eucharistie  dans  la  bouche  des  morts  : 
pourquoi  l'Eglise  a  changé  cette  coutume.  II,  241.  — Les  hérétiques  ne  voient 
d'antre  substance  dans  l'Eucharistie  que  celle  du  pain.  II,  330. 

Euclide.  A  exclu  l'unité  de  la  signification  du   mot  de  nombre.  II,  293.  — 
Sa  définition  des  grandeurs  homogènes.  Ibid. 
Eusèse.  Cité,  II,  180. 

Evangélique.  Le-  historiens  évangéliques.  II,  39. 
Evangélistes.  Observations  sur  la  manière  dont  ils  parlent  de  Jésus-Christ. 

II,  17.  —  Plusieurs  evangélistes  :  pourquoi.  II,  201. 

Evangile.  Dans  b>s  évangiles,  tout  est  par  rapport  à  Jésus-Christ.  II,  18.  — 
Le  style  de  l'Evangile  admirable  en  une  infinité  de  manières.  II,  39.  —  Qu'il 
est  beau  de  voir.  .  Darius  et  Cyrus,  Alexandre,  les  Romains,  Pompée  et  Hérode 
agir,  sans  le  savoir,  pour  la  gloire  de  l'Evangile  1  »  II,  41  et  45.  —  Les  fi- 
guras de  l'Evangile.  II,  201.  —  Voy.  Contrariété. 

Eve.  Il  y  a  une  Eve  dans  chaque  homme  :  c'est  l'appétit  concupiscible, 
II,  2*7,  Voy.  Adam. 

Evénement.  Les  événements  sont  des  maîtres  donnés  par  Dieu.  Il,  175, 
Voy.  Accommouer  (S').  —  «  Quelque  sinistre  qu'ils  nous  paraissent,  nous  devons 
espérer  que  Dieu  en  tirera  la  source  de  notre  joie,  si  nous  lui  en  remettons 
la  conduite.  »  II,  247, 


90  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Évêque.  «  Je  ne  crains  rien,  je  n'espère  rien.  Les  évêques  ne  sont  pas 
ainsi.  »  II,  H8. 

Evidence.  «  L'évidence  de  Dieu,  »  11,61. —  Evidence  de  la  religion.  11,96. 
Voy.  Preuve. 

Ex  senatus  consultis  et  plebiscilis,  etc.  (Sénèque.)  I,  38. 

Excéder.  «  Ils  ont  excédé  toute  borne.  »  II,  117. 

Excellemment.  «  Qui  n'est  pas  contre  eux  (les  pyrrhoniens)  est  excellem. 
ment  pour  eux.  »  I,  114. 

Excellence.  Excellence  et  bassesse  de  rhomme.  I,  171.  —  Excellence  et 
corruption  de  l'homme.  I,  187.  Voy.  Caractère. 

Exception.  Voy.  Règle. 

Excès.  L'excès  d'une  vertu.  I,  76,  —  Deux  excès.  I,  194,  Voy.  Raison. 

Excessif.  Voy.  Ennemi. 

Exclusion.  Voy.  RÉDEiMPTioN. 

Excuse.  Mauvaise  excuse.  I,  85.  Voy.  Compliment. 

Exemple.  11  y  a  une  illusion  dans  la  manière  dont  on  se  sert  des  exemples 
pour  prouver.  I,  98.  —  «  L'exemple  ne  nous  instruit  point.  »  I,  116.  —  Les 
exemples  des  morts  généreuses  des  païens  ne  nous  touchent  guère;  mais 
l'exemple  de  la  mort  des  martyrs  nous  touche  :  pourquoi.  II,  97.  —  Voy. 
Grands    hommes. 

Exempt.  «  Avec  Jésus-Christ,  l'homme  est  exempt  de  vice  et  de  misère.  » 
II,  63.  —  «  Un  homme  exempt  de  tous  ces  maux.  »  II,  119. 

Exemption.  «  L'exemption  d'injustice.  »  II.  165.  Cf.  II,  157. 

Exercice,  pour  Épreuve.  I,  cvn.  Voy.  Eternellement. 

Exorcisme.  Figure  de  la  destruction  par  Jésus-Christ  de  l'empire  du  diable 
sur  les  cœurs.  II,  199. 

Exorcistes.  II,  72. 

Expédient,  pour  Utile.  II,  231,  247. 

Expéruînce.  o  Deux  choses  instruisent  l'homme  de  toute  sa  nature,  l'ins- 
tinct et  l'expérience.  »  I,  12. 

Extérieur.  On  a  bien  fait  de  distinguer  les  hommes  par  l'extérieur  plutô» 
que  par  les  qualités  intérieures.  I,  61.  —  L'extérieur  et  l'intérieur  dans  hv 
religion  chrétienne.  I,  170.  —  «  L'Eglise  ne  juge  que  par  l'extérieur.  »  II,  115. 
Voy.  Intérieur.  —  Œuvres  extérieures.  II,  177. 

Extraordinairement.  »  Ceux  qui  ont  reçu  extraordinairement  doivent  espé* 
rer  extraordinairement.  »  II,  334. 

Extravagance.  Voy.  Ignorance. 

Extravaguer.  Voy.  Nature. 

Extrême.  «  Nos  sens  n'aperçoivent  rien  d'extrême.  »  I,  5.  —  «  Les  choses 
extrêmes  nous  échappent,  ou  nous  à  elles.  »  Jbid.  —  Condamnation  de»  *«- 
trêmes.  I,  73.  77.  —  Voy.  Vertu. 

Extrémité.  «  Les  extrémités...  se  retrouvent  en  Dieu,  et  en  Dieu  seule- 
ment. »  I,  4-5.  —  «  Les  sciences  ont  deux  extrémités  qui  se  touchent.  »  I,  4*. 
—  «  On  ne  montre  pas  sa  grandeur  pour  être  à  une  extrémité,  mais  bien  en 
touchant  les  deux  à  la  fois.  »  I,  77. 

Ezéchiel.  Cité.  II,  7,  109. 

F 

Fable.  «  Un  prince  sera  la  fable  de  toute  l'Europe,  et  lui  seul  n'en  saur» 
rien.  »  I,  28.  =  Fable  d'Esdras.  II,  179-180. 

Faculté.  Facultés  hétérogènes.  I,  45. 

Faible.  Les  faibles.  I,  32  ;  IL  341. 

Faiblesse.  Faiblesse  de  l'homme.  I,  30.  —  «  La  plus  grande  et  importante 
chose  du  monde  a  pour  fondement  la  faiblesse.  »  I,  62.  —  Une  pensée  oubliée 
fait  souvenir  de  sa  faiblesse.  I,  85.  —  Toutes  les  faiblesses  très-apparentes 
sont  des  forces.  »  I,  212.  =  Faiblesse  d'esprit.  «  Rien  n'accuse  davantage  une 
extrême  faiblesse  d'esprit  que  de  ne  pas  connaître  le  malheur  d'un  homme 
sans  Dieu.  »  I,  142.  —  Faiblesse.  I,  41,  note  4. 

Faillir.  «Comme  il  arrive  à  tout  le  monde  de  faillir.  »  I,  80.  —  «  U  y  en 
a  qui  taillent  contre  ces  trois  principes.  »  I,  193. 

Faim.  «  La  faim  des  chosesspirituelles...  Faim  de  la  justice.  »  II,  164. 

Faire.  Emploi  elliptique  de  ce  verbe.  I.  31,  54,  73.  =  Pour  Contrefaire, 
jouer  (agere,  simulare).  —  Faire  le  philosophe,  I,  50-  —  F?,ire  le  dégoûté. 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  31 

I,  85.  —  Faire  l'ange,  faire  la  bête.  I,  100.  —  Faire  le  brave,  I,  138,  142.  — 
«  Faire  l'entendu.  I,  il  ;  H,  350.  —  Faire  le  prince.  II,  16.  —  «  Ceux  qui 
font  les  douteiirs  de  miracles.  »  II,  162.  —  Tout  le  momie  fait  le  Dieu  en 
jugeant.  »  II.  175  '.  —  Faire  pour  constituer.  «  L'hommt  »*^git  point  par  la 
raison  qui  fait  son  être  »  II,  155.  —  Faire  a,  faire  contre,  faire  pour.  «  Tout 
ce  que  vous  dites  fait  à  un  des  desseins,  et  rien  contre  l'autre.  »  II,  108.  Cf. 

II,  74,  198.  —  Faire  de.  «  Nous  faisons  de  l'éternité  un  néant,  et  du  néant 
une  éternité.  I,  37.  —  Se  faire.  Instinct  qui  porte  à  se  faire  Dieu.  II,  111. 

Famille  (de  Pascal).  «  Dieu  n'a  pas  rendu  de  famille  plus  heureuse.  »  II,  205. 

Fantaisie.  Distinction  de  la  fantaisie  et  du  sentiment.  I,  98.  —  Chacun  a 
ses  fantaisies  contraires  à  son  propre  bien.  »  I,  100.  —  Voy.  Législateur, 
Titre. 

Fantastisque.  «  Par  une  estimation  fantastique.  »  1,  41. 

Fastueux.  Titres  (d'ouvrages)  fastueux.  I,  4. 

Fatal.  Adjectif  poétique.  1,   101  et  110. 

Fausseté,  pour  Erreur.  I,  44,  150. 

Faute  de  (A).  I,  104. 

Fautif.  Rien  n'est  si  fautif  que  ces  lois  qui  redressent  les  fautes.  »  I,  38. 

Fauteuil.  «  Si  le  respect  était  d'être  en  fauteuil...  I,  64. 

Faux.  Voy.  Chrétien,  Effet,  Imposteur,  Jiste,  Miracle,  Paix,  Prophètes, 
Religion. 

Fécondité.  Voy.  Esprit. 

Félicité,  pour  Bonheur,  parfait.  I,  115.  —  La  félicité  de  l'homme  est  en 
Dieu  et  avec  Dieu.  I,  182:  II,  60.  —  Eu  Jésus-Christ  est  toute  notre  félicité  : 
II,  63.  —  Les  hommes  ordinaires  et  les  saints  aspirent  tous  à  la  félicité  :  ils  ne 
diffèrent  qu'en  l'objet  où  ils  la  placent.  II,  93.  —  Voy.  Estime. 

Femme.  Comment  la  vue  d'une  femme  qui  plaît  peut  rendre  un  homme  mi- 
sérable. II,  166.  —  Les  femmes  ont  un  empire  absolu  sur  l'esprit  des  hommes. 
II,  25i.  —  «  Le  sujet  le  plus  propre  pour  soutenir  la  beauté,  c'est  une  femme... 
Quand  elle  a  de  l'esprit,  elle  l'anime  et  la  relève  merveilleusement.  »  Ibid. 

Fenêtre.  Voy.  Passant. 

Fermeté.  Voy.  Ebranlement. 

Ferox  gens,  etc.  (T.  Liv.)  I,  81. 

Feu  (au  sens  figuré).  «Elles  (les  passions;  demandent  beaucoup  de  feu.  » 
II,  251.  —  «Tant  que  l'on  a  du  feu,  l'on  est  aimable;  mais  ce  feu  s'éteint.  » 
II,  252.  —  «  Les  passions  de  feu.  »  Ibid  2.  —  «  Le3  ims  sont  tout  de  feu.» 
II,  260.  —  «  Un  feu  d'esprit  naturel  et  prompt.  »  II,  261 .  =  Feu  (ardeur  mys- 
tique). I,  cvi. 

Fidèles  (Les).  Voy.  Membre. 

Figmentum  malum.  Voy.  Fond. 

Figurantes  (Choses).  I,  20!),  207.  —  «  Les  figurantes  des  exclusions.  » 
II,  158. 

Figuratif.  II,  184.  —  «  L'Ancien  Testament  n'est  que  figuratif.  »  II,  2.— 
Sacrement   figuratif.  II,  92.  —  Précepte   figuratif.   II,  104.    Voy.  Charité.  — 
Chapitre  des  figuratifs.  II.  175.  —  «  Parler  contre  les  trop  grands  figuratifs.  » 
Ibid.  =  Figuratives.  II,  184.  —  Que    la  loi  était  figurative.  Figures.  II 
5,  note  1. 

Figure.  La  grâce,  figure  de  la  gloire.  I,  205.  Voy.  Grâce.  —  Raison  de* 
figures.  Toute  Ta  religion  juive  n'est  que  figures.  I,  206-211.  Cf.  IL  184.  -. 
La  figure  et  la  vérité.  I,  210;  II,  2.  Voy.  Vérité.  —  «  Il  y  a  des  figure* 
claires  et  démonstratives:  mais  il  y  en  a  d'autres  qui  semblent  un  peu  tirées 
par  les  cheveux.  »  II,  1.  Voy.  Joseph,  Pophètes,  Synagogue,  Testament.  — 
La,  réalité  et  la  figure.  II,  3.  Voy.  Réalité.  —  «  Tout  arrivait  en  figures.  » 
II,  5.  Cf.  II.  6-7.  —  «  Tout  ce  qui  ne  va  point  à  la  charité  est  figure.  II,  9. 
—  «  Changer  de  figure  à  cause  de  notre  faiblesse.  »  Ibid.  —  L'Eucharistie 
même  est,  figure.  II,  10.  —  Secret  des  figures  (dans  l'Ancien  Testament). 
II,  11.  Cf.  11,  101.  — Figures  ou  sottises.  II,  11.  «Figures  (dest)le).  «Faira 
des  figures  justes.  1,  103.  Voy.  Antithèse. 

FÙ/ures.  I,  174,  note  1;  I,  205,  note  3  :  II,  3,  note  2  et  3  ;  II,  4,  note  2; 
II,  S,  6:  II,  11,  note  3:  II,  27,  note  5.  Cf.  II,  188.  —  Raisons  pourquoi 
Figures.  I,  209,  note  4. 

1.  D;ins  les  Provinciales,  lre  Lettre  :«  Je  connu3  bien  que  Pavais  trop  ■'ait  le  janséniste.» 
3.  Molière,  dans  La  Gloire  du   Vaï-de-Grdce,  a  dit  de  même  : 

Et  les  emplois  de  feu  demandent  tout  un  nomma. 


32 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 


Figures  particulières.  II,  5,  note  2. 

Figuré.  Les  choses  figurées.  I,  20b\  —  «  Dans  les  Juifs,  la  vérité  n'était 
que  figurée    »  I,  210. 

Figurer.  «  Elle  (la  grâce)  a  été  figurée  par  la  loi,  et  figure  elle-même  la 
gloire.  »  I,  -Oo.  —  «  Celle  prédiction  de  la  ruine  du  temple  réprouvé,  qui 
figure  la  ruine  de  l'homme  réprouvé  quiest  en  chacun  de  nous.  »  II,  341.  — 
Se  figurer.  «  La  nature  trompeuse  se  le  figure  (le  coins)  de  la  sorte.  »  II,  241. 

Fille.  II,  76.  99.  Voy.  Port-Royal,  Thérèse  (Sainte). 

Fin  (substantif).  La  fin  de  l'homme  :  considéré  selon  sa  fin,  il  est  grand  et 
incomparable.  I,  12.  Cf.  II,  109.  Voy.  Ordre.  —  a  Le  présent  n'est  jamais 
notre  fin...  ;  le  seul  avenir  est  notre  fin.  »  I,  37. —  Négligence  étonnante  de 
ceux  qui  passent  leur  vie  sans  penser  à  la  dernière  fin  delà  vie.  I.  138.  — 
Un  seul  principe  et  une  seule  fin  de  tout.  I,  185.  —  «  La  dernière  fin  est  ce 
qui  donne  le  nom  aux  choses.  »  I,  209.  —  «  Je  ne  suis  la  fin  de  personne.  » 
II,  106.  —  «  Il  est  impossible  que  Dieu  soit  jamais  la  fin,  s'il  n'est  le  prin- 
cipe. »  II,  166.  —  Voy.  Délidérer. 

Fin  de  ce  discours.  I,    153,  notes  1  et  165. 

Fin  (adjectif).  Esprits  fins.  I.  97.  —  «  Les  fins  qui  ne  sont  que  fins.  »  Ibid. 

Finesse.  De  l'esprit  de  finesse.  I,  96  ;  II,  252.  Voy.  Géométrie.  —  «  La 
finesse  est  la  part  du  jugement.  »  I,  106.  —  Géométrie,  Finesse.  I,  106, 
note  1. 

Fini.  «  Dans  la  vue  de  c\s  infinis,  tous  les  finis  sont  égaux.  »  I,  6.  » 
«  Nous  connaissons  l'existence  et  la  nature  du  fini.  »  I,  148.  —  Hasarder  le 
fini:  gagner  le  fini    I,  151-152  —  «  Le  fini  s'anéantit  en  présence  de  l'infini.  : 

I,  153. 

Firmament.  «  Les  astres  qui   roulent  dans  le   firmament.  »  I,  1.  Cf.  I,  2; 

II,  16. 

Fléau.  «  L'inquisition  et  la  Société,  les  deux  fléaux  de  la  vérité.  »  II,  117. 

—  «  Que  votre  fléau  me  console.  »  II,  225. 
Fleurs   de  lis.  I,  33. 

Fleuve.  Image  des  trois  fleuves  de  feu.  II,  103.  Voy.  Concupiscence.  — 
Des  fleuves  de  Babylone.  Ibid,  —  Voy.  Flux. 

Flotter.  «  Nous  voguons  sur  un  milieu  vaste,  toujours  incertains  et  flot 
tants.  »  I,  5.  —  «  Les  petites  choses  flottent  dans  sa  capacité  (du  cœur).  » 
II,  255. 

Flux.  «  C'est  un  flux  continuel  de  grâces,  que  l'Ecriture  compare  à  un 
fleuve.  »  II,  328. 

Foi.  Jamais  personne,  sans  la  foi  n'est  arrivé  à  être  heureux.  I,  116.  — 
Sans  le  sentiment  de  cœur,  la  foi  n'est  qu'humaine  et  inutile  pour  le  salut.  I, 
,120.  Cf.  II,  109.  —  La  foi  chrétienne  va  principalement  à  établir  la  corruption 
de  la  nature  et  la  rédemption  de  Jésus-Christ.  I,  140.  Cf.  I,  cxxxiv.  —  La 
foi  est  un  pari.  I,  150.  —  La  foi  est  un  don  de  Dieu.  I,  157.  Cf.  11,  158.  —  La 
foi  est  au-dessus  des  sens,  et  non  pas   contre.  I,  194.  —  Reposer  dans  la  foi. 

I,  197.  —  Donner  foi  au  JVlessie.  I,  207.  —  «■  Toute  la  foi  consiste  en  Jésus- 
Christ  et  en  Adam.  »  II,  88.  —  «  Voilà  ce  que  c'est  que  la  foi  :  Dieu  sen- 
sible au  cœur,  non  à  la  raison.  »  Ibid.  et  127.  Cf.  II,  297.  —  La  foi  catholi- 
que. II,  92.  —  «  Le  juste  agit  par  foi  dans  les  moindres  choses.  »  II,  161.  — 
«  La  foi  n'est  pas  en    notre  puissance  comme  les  œuvres  de  la  loi.  >>  II,  179. 

—  «  La  grandeur  de  la  foi  éclate  bien  davantage  lorsqu'on  tend  à  l'immor- 
talité par  les  ombres  de  la  mort.  »  II,  234.  —  Marque  donnée  par  Jésus-Christ 
pour  reconnaître  ceux  qui  ont  la  foi.  II,  331. 

Foison.  «  Des  foisons  de  religions.  »  I,  198. 

Folie.  La  puissance  des  rois  fondée  sur  la  folie  du  peuple.  I,  61,  86.  — 
«  L'extrême  esprit  est  accusé  de  folie,  comme  l'extrême  défaut  (d'esprit).  » 
I?  73.  —  Le  péché  originel  est  folie  devant  les  hommes...  Mais  cette  folie 
est  plus  sage  que  toute  la  sagesse  des  hommes.  I,  185.  —  La 
folie  des  incrédules  est  un  exemple  qui  garantit  les  autres,  II,  89,  —  Les 
vrais  chrétiens  obéissent  aux  folies  (c'est-à-dire,  aux  institutions  humaines), 
par  respect  de  l'ordre  de  Dieu.  II,  172.  —  La  folie  de  la  croix.  II,  200.  Voy. 
Fou.  —  C'est  toujours  une  grande  folie  que  de  se  damner.   II,  356. 

Fond.  «  Ce  vilain  fond  de  l'homme,  ce  figmenlum  malum,  n'est  que 
couvert:  il  n'est  pas  ôté.  »  II,  121. 

Fondé.  «  Notre  religion  est...  la  plus  fondée  en  miracles,  prophéties,  etc.» 

II,  160. 

Fondement.  «  Tout  notre  fondement  craque.  »  I,   6*  —  «  C'est  le  fond» 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  33 

ment  mystique  do  son  autorité.»  1,38. —  Fondement  s  de  Iareligion  chrétienne 
indubitables.  I,  198.  -  -  La  religion  païenne  sans   fondement.  Fondements  de 

la  religion  manométane;  de  la  religion  juive.  11,41.  —  De  la  religion  chré 
tienne.  11,  i-\  7.;.  — ■  Los  miracles  sont  fondement.  II,  C7.  —  Le  chapitre 
des  fondements.  11,  17.ri.  —  Voy.   Faiblesse. 

Force.  «  L'empire  de  la  force  règne  toujours...  La  force  est  le  tyran  du 
monde,  n  1,  <>l.  Yov.  Opinion.  —  «  La  force  est  la  reine  du  monde,  et  non 
pas  l'opinion  :  mais  l'opinion  est  celle  qui  use  de  la  force.  »  11,  125.  —  «  Ne 
pouvant  fortifier  la  justice,  ou  a  justifié  la  force.  »  I,  71.  —  La  force  et  la 
justice.  I,  72.  —  «  La  force  n'est  maîtresse  (pie  des  actions  extérieures.  »  1, 
81.  —  On  ne  peut  mettre  la  religion  dans  l'esprit  et  dans  le  cœur,  par  la 
force.  II,  88.  —  La  concupiscence  et  la  force,  source  de  toutes  nos  actions. 
II,  114.  —  <<  Quand  la  force  attaque,  la  grimace. ..  »  II,  15.'$.  — «  Les  armes 
et  la  force  à  la  main.  »  II,  157.  —  Dans  l'amour  il  ne  faut  rien  de  force.  11, 
200.  — «  Le  ton  de  voix...  change  un  poëme  de  force.  >.  I,  33.  =  Forces, 
pour,  raisons,  motifs  :  «  Les  principales  forces  des  pyrrhoniens.  »  I,  112. 
=  11  est  force  de,  pour,  on  est  forcé  de.  «  Ne  pouvant  faire  qu'il  soit 
force  d'obéir  à  la  justice...  »  I,  71.  —  «  On  appelle  juste  ce  qu'il  est  force 
d'observer.  »  Ibid.  —  Justice,  Force.  I,  72,  note  1. 

Forma   futuri.  Voy.  Adam. 

Formaliste  (Point).  II,  94,  note  2. 

Formalités.  Ce  qu'elles  valent  dans  la  religion.  II,  106. 

Fort  (substantif).  «  L'unique    fort  des  dogmatistes.  »  I,  113. 

Fortune.  «Chaque  degré  de  bonne  fortune  qui  nous  élève...  nous  éloigne 
de  la  vérité.  »  I,  28.  —  «  Les  plus  grandes  fortunes...  Les  moindres...  » 
Ibid. 

Fou.  L'imagination  rend  les  fous  heureux  à  l'envi  de  la  raison.  I,  31.  — 
«  Un  hôpital  de  fous  (le  monde).  »  I,  86.  Voy.  Aristote.  —  «  Les  hommes 
sont  si  nécessairement  fous,  que  ce  serait  être  fou  par  un  autre  tour  de 
folie,  de  ne  pas  être  fou.  »  II,  119.  —  Notre  religion  est  folle  et  sage  II, 
160,  200. 

Foudre  (le).  «  Si  le  foudre  tombait  sur  les  lieux  bas,  etc.  »  I,  101.  — 
Avec  un  tel  éclat  de  foudres.  »  II,  47. 

Fournir.  Voy.  Concevoir. 

France.  «  Il  n'y  a  presque  plus  que  la  France  où  il  soit  permis  de  dire 
que  le  Concile  est  au-dessus  du  Pape.  »  II,  122. 

Froissé.  «  Je  ne  puis  voir  sans  joie  la  superbe  raison  si  invinciblement 
froissée  par  ses  propres  armes.  I,  cxxxi. 

Fronde.  Injustice  de  la  Fronde.  1,  72. 

Fronder.  «  L'art  de  fronder.  »  I,  39. 

Fuir.  «  Il  (le  terme)  fuit  d'une  fuite  étemelle.  »  1,  7.  —  «  Rien  ne  peut 
fixer  le  fini  entre  les  deux  infinis  qui  l'enferment  et  le  fuient.  »  Ibid. 

G. 


Gager.  Gager  sur  le  salut  et  sur  l'existence  de  Dieu.  I,  149-150. 

Gagner.  «  Les  académiciens  auraient  gagné.  I,  43.  »  —  «  Si  on  peut 
gagner  sur  lui  de  le  faire  entrer  en  quelque  divertissement.  »  I,  52.  —  Tout 
à  gagner  à  croire  que  Dieu  est.  I,  150-153. 

Gain.  «  Pesons  le  gain  et  la  perte  en  prenant  croix,  que  Dieu  est...  »  I,  150. 
— ,  Certitude  de  gain  à  ce  jeu.  1,  151-153.  Voy.  Hasard. 

Galilée.  Ce  mot,  prononcé  par  les  Juifs,  fait  en vover  Jésus-Christ  à  Hérode. 
II,  101. 

Gamme.  «  C'est  une  bizarrerie  qui  met  hors  de  gamme.  »  I,  100  l. 

Garantir,  pour,  préserver.  «  En  garantir  les  autres.  »  II,  89. 

Gas  (M.  du).  Voy.  Du  Gas. 

Gâter.  «  Comme  on  se  gâte  l'esprit,  on  se  gâte  aussi  le  sentiment.»  I,  100. 

_  Généalogie.  —  Différence  entre  les  deux  généalogies  de  Jésus-Christ  dans 

saint  Matthieu  et  dans  saint  Luc.I,  212.—  Soin  particulier  qu'avaient  les  an- 


1.  Mettre  quelqu'un  hors  de  gamme,  le  déconcerter,  lui  rompre  ses  mesures,  le  réduire  à 
n»  savoir  plus  que  répondre.  Dict.  de  V Académie. 


34  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

ciens  peuples  de  conserver  leurs  généalogies.  I,  213,  —  Généalogie  de  Jésus- 
Christ  dans  l'Ancien  Testament.  Il,  51. 

Génération.  Raison  du  petit  nombre  des  générations  dans  Moïse.  I,  212. 

Génie.  «  Les  grands  génies  ont  leur  empire...  et  n'ontnul  besoin  des  gran- 
deurs charnelles.  »  11,  15.  —  Voy.  Inquiétude. 

Gens.  Gens  d'esprit.  Leur  ordre  de  grandeur.  II,  15.  =  Gens  honnêtes, 
honnêtes    gens.  Voy.  Honnête.— Gens  de  guerre.  S'établissent  par  la  force. 

I.  33.  =  Gens  (jeunes).  Voy.  Jeunes  gens.  =z  Gens  universels.  Ce  qu'ils  sont. 
i\  74. 

Gentil.  Le  peuple  gentil.  II,  17.  =:  Gentils  (les).  Voy.  Jésus-Christ. 

Gentilhomme.  «  Le  gentilhomme  croit  sincèrement  que  la  chasse  est  un 
plaisir  grand  et  un  plaisir  royal.  »  I,  50. 

Géomètre.  Genre  d'esprit  des  géomètres.  I,  96-97,  106.  —  Les  géomètres 
gont  en  très-petit  nombre.  II,  303.  —  Différence  entre  un  géomètre  et  un  duc. 

II,  354. 

Géométrie.  «  La  géométrie  comprend  un  grand  nombre  de  principes.  »  1,95 

—  De  l'esprit  de  géométrie  et  de  l'esprit  de  finesse.  I,  96.  Cf.  Il,  252. — 
L'objet  de  la  géométrie  consiste  en  preuves.  I,  104.  —  «  La  finesse  est  la 
part  du  jugement,  la  géométrie  est  celle  de  l'esprit.  »  I,  106.  —  En  quoi 
excelle  la  géométrie.  II,  279. —  Est  presque  la  seule  des  sciences  humaines  qui 
produise  des  démonstrations  infaillibles.  II,  280.  —  «  Ce  qui  passe  la  géo- 
métrie nous  surpasse.  »  Ibid.  —  «  La  géométrie  est  une  grandeur  naturelle.  » 
H,  354.  —  Les  nommes  n'y  ont  attaché  aucune  préférence  extérieure.  Ibid. 

Géométrie,  Finesse.  I,  106,  note  1. 

Géométrique.  De  l'esprit  géométrique.  II,  251,  278-308.  —  Des  démons- 
trations géométriques.  Il,  279.  —  Des  définitions  géométriques.  II,  280-281. 

Gibier.  «  La  vérité  n'est  pas  de  notre  portée  et  de  notre  gibier.»  I,  114 
(note  6). 

Girouette.  Voy.  Bruit. 

Glisser.  «  Il  (le  terme)  nous  glisse...  »  1,6. 

Gloire.  La  recherche  de  la  gloire  est  la  plus  grande  bassesse  de  l'homme 
et  la  plus  grande    marque    de  son  excellence.  I,  10.  —  Douceur  de  la  gloire. 

I,  24.  —  «  Ceux  qui  écrivent  contre  veulent  avoir  la  gloire  d'avoir  bien 
écrit.  »  1,  25.  —  a  Gloire  et  rebut  de  l'univers  (l'homme).  »  I,  114.  =  A  la 
gloire  (locut.  adverbiale).  «  A  la  gloire  de  la  cabale  pyrrhonienne.  »  I,  43. 
=  Gloire,  pour,  état  glorieux  des  élus.  I,  149,  205.  Cf.  II,  10,  92,  333.  Voy. 
Brûler,  Grâce,  Sacrement.  =  Gloire  du  royaume  (la),  expression  orientale, 
pour,  le  peuple.  II,  33.  —  Gloire.  I,  100,,  note  3.  —  La  gloire.  II,  164,  note  1. 

Glorieux.  Voy.  Avènement. 

Glorifier.  «  Ceux  qui  ont  connu  Dieu  sans  connaître  leur  misère  ne  l'ont 
pas  glorifié,  mais  s'en  sont  glorifiés.  >•  II,  63. 

Gond.  «  Hors  des  gonds.  »  I,  33.  Voy.  Raison. 

Gorge.  «  Nos  misères...  qui  nous  tiennent  à  la  gorge.  »  1,25. 

Gouffre,  au  figuré.  «  Ce  gouffre  infini  ne  peut  être  rempli  que  par  un  objet 
infini.  »I,  117. 

Goujat.  «  Un  goujat  se  vante.  »  I,  25. 

Gourmander.  «  Il  (Montaigne)  gourmande  si  fortement  et  si  cruellement 
la  raison  dénuée  de  la  foi...  »  I,  cxxix. 

Goût.  En  quoi  il  consiste.  1,  103.  —  «  Ceux  qui  ont  le  bon  goût  (pour,  le 
bon).  »  Ibid. 

Goûter  (probare).  «Je  suis  ravi  de  ce  que  vous  goûtez  le  livre  de  M.  de 
Layal.  »  II,  327. 

Goutte.  «  J'ai  versé  telles  gouttes  de  sang  pour  toi.  »  II,  208. 

Gouverner.  Voy.  Laisser. 

Grâce  (la).  I,  cxiv-cxix. —  La  nature  en  est  une  image.  I,  205;  II,  5.  — 
«  La  grâce  n'est  que  la  figure  de  la  gloire.  »  1,205.  —  La  grâce  du  Messie.  II, 
18.  Voy.  Conversion. —  «Toute  la  morale  consiste  en  la  concupiscence  et  en 
la  grâce.»  11,88.  —  La  grâce  sera  toujours  dans  le  monde.  »  II,  93.  —  C'est  la 
grâce,  et  non  la  raison,  qui  fait  suivre  la  religion.  II,  96.  —  Peut  seule  faire 
de    l'homme    un     saint.  II,  120.  —  »  La  grâce  donne  ce  à  quoi  elle  oblige.  » 

II,  160.  —  Ni  l'Ecriture,  ni  les  miracles,  etc.,  ne  sont  rien  sans  elle.  II,  225. 

—  Dieu  veut  que  nous  jugions  de  la  grâce  par  la  nature.  II,  335. 
Gradation.  I,  59. 

Grain.  «  Sans  un  petit  grain  de  sable  qui  se  mit  dansson  uretère...»  1,37. 
Voy.  Crûmwell. 


TAULE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE,  33 

Grand.  «Dans  une  grande  Anio  tout  est  grand.  »  11,  282. 
Grand  bbigniur.  Ce  que   c'est  que  d'être  grand  seigneur.  Il,  365.  =  Au  fi- 
guré. «  Ce  sont  misères  <l<"  grand  seigneur.  »  1.  9.  Voy.  Misère,  ca  Le  Grand 
Seigneur,  pour,  le  Sultan.  I,  34;  II,  Ï72. 

Grandeur.  II,  121,  note  ï.  —  A.  /'.  22.  Grandeur  et  misère.  I,  121, 
note  I. 

Grandeur.  «  La  grandeur  de  l'homme  est  grande  eo  ce  qu'il  se  connaît  misé- 
rable. «1,9.  —  11  faut  montrera  l'homme  &  la  fois  sa  grandeur  et  sa  bassesse. 
1,  11.  —  Grandeur e1  misère  de  1  homme.  1,121.  —  «11  faut  des  mouvements 
de  grandeur,  non  de  mérite, mais  de  grâce.  »  1,  188.  —  Grandeur  de  l'homme 
dans  sa  concupiscence  même.  11,  121.  —  Grandeur  de  sainte  Thérèse.  II,  177 
—  «  On  devient  toute  grandeur.  »  II,  260.  =  Ce  que  c'est  que  la  grandeur 
naturelle  des  objets.  11,292. —  Les  grandeurs  homogènes  (en  mathématique)  : 
leur  définition  parEuclide.  11,293. 

Grandeurs.  Deux  sortes  de  grandeurs  dans  le  monde  :des  grandeurs  d'éta- 
blissement et  des  grandeurs  naturelles.  II,  353.  Cl.  Il,  176.  —  «  Lagrandeu* 
a  besoin  d'être  quittée  pour  être  sentie.  »  1,84.  —  «  C'est  une  sottise  de 
chercher  les  grandeurs.  »  I,  87. 

Grands.  Ce  qui  fait  la  différence  entre  les  grands  et  les  petits.  I,  79.  — 
Analyse  de  la  condition  des  grands.  I,  52-53  ;  59-60.  —  «  Le  plaisir  des  grands 
est  de  pouvoir  faire  des  heureux.  »  II,  176. —  Trois  discours  sur  la  condition 
des   grands    II,  348-356.  —  «  Les  grands  de  chair.  »  11,  15. 

Grands  hommes.  Effets  de  leurs  exemples.  Ils  sont  par  leurs  vices  du 
commun  des  hommes.  I,  79-80. 

Gras.  Terre  grasse,  pour,  la  terre  promise.  I,  205,  206. 

Gravier.  I,  37.  Voy.  Grain. 

Grecs.  Malédiction  des  Grecs,  etc.  II,  186.  — Voy.  Idolâtrie, Législateur. 

Grenouille.  Voy.  Brochet. 

Grimace.  S'établir  par  grimace.  I,  33.  —  La  force  et  la  grimace.  Ibid. 
Cf.  11,  153. 

Grossier.  Les  Juifs  grossiers.  1,210.  —  Les  chrétiens  grossiers.  I,  211. 

Guerre.  «C'est  un  homme  seul  qui  en  juge,  et,  encore  intéressé.  »  1,72.  — 
Guerres  civiles,  le  plus  grand  des  maux.  1,  60.  —  Guerre  intérieure  de  la  rai- 
son contre  les  passions.  I,  120;  II,  111. — La  plus  cruelle  guerre  que  Dieu 
puisse  faire  aux  hommes  en  cette  vie  est  de  les  laisser  sans  guerre,  II,  115. 
Voy.  Jésus-Christ.  —  «  Il  faut  se  résoudre  à  souffrir  cette  guerre  (entre  la 
grâce  et  la  concupiscence)  toute  sa  vie.  »  II,  334.  —  «Cette  guerre...  est  une 
paix  devant.  Dieu.  »  Ibid. 

Guerrier.  «  C'est  un  bon  guerrier.  Il  me  prendrait  pour  une  place  assié- 
gée. »  1,74. 

Gueux.  Contrefaire  le  gueux.  I,  cxxiv. 

Guinder.  «  Il  ne  faut  pas  guinder  l'esprit.  »  II,  307. 

H. 

Habiles  (les).  «Les  habiles  par  imagination.  »  I,  31.  —  «  Le  peuple  et  les 
habiles  composent  le  train  du  monde.  »  I,  44.  Voy.  Peuple.  —  Les  demi-ha- 
biles méprisent  les  personnes  de  grande  naissance;  les  habiles  les  honorent. 

I,  59-61.  — Voy.  Dessous. 

Habit.  «  Cet  habit,  c'est  une  force.  »  I,  64. 

Haï.  Les  Juifs  haïs,  les  chrétiens  encore  plus  :  pourquoi.  II,  96. 
Haine.  Les  hommes  ont  haine  de  la  religion.  II,  100.  Voy.    Chrétien.  — 
Au  fond,  il  n'y  a  que  haine  entre  les  hommes.  II,  121.  —  Voy.  Justice. 

Haïr  (se).  Est  un   devoir  de  l'homme  dans  la  religion    chrétienne.  1,  170  ; 

II,  110.  —  Les  vrais  chrétiens  se  haïssent  et  ne  veulent  haïr  qu'eux-mêmes. 
I,  195,  211.  —  «  La  vraie  et  unique  vertu  est  de  se  haïr.  »  II,  105.  —  «  11 
faut  n'aimer  que  Dieu,  et  ne  haïr  que  soi.  »  II,  113.  —  «  Tous  les  hommes 
se  haïssent  naturellement  l'un  l'autre.  »  II,  121. 

Haïssable.  «  Le  Moi  est  haïssable.  »  I,  76 1.  —  «  On  est  haïssable  par 
sa  concupiscence.  »  II,    105. 

1.  M""-8  de  Sévigné.  Lettre  à  Bussy.  du  13  nov.  1867  :  «  Je  sais,  et  c'est  Salomon  qui  le 
dti,  qui  celui-là  est  /mïsmble  qui  parle  toujours  de  lui.  »  --  Ecclésiastique ,  XJX,  5. 


36  TABLE  ANALYTIQUE  ET   LEXIQUE. 

Hardi    «  Trop  de  deux  mots  hardis.  »  11,  154  et  213. 
Hardiesse.    Pascal    admire    la   hardiesse  de    ceux    qui  entreprennent  de 
parler  de  Dieu  aux  impies.  II,  60  et  66. 
Harnais.  Voy.  Bras. 
Hasard.  Du  hasard  de  gain  et  de  perte  à  jouer  que  Dieu  est  ou  n'est  pas. 

I,  149-152.  —  Le  hasard  en  apparence  fut  la  cause  de  l'accomplissement  d'un 
mystère.  II,  102.  —  Donne  les  pensées  et  les  ôte.  II,  125.  —  Voy.  Naissance, 
Richesses. 

Hasarder.  Ce  que  Ton  hasarde  dans  le  parti.  I,  150-151.  —  «  Dans  l'amour 
on  n'ose  hasarder  parce  que  l'on  craint  de  tout  perdre.  »  II,  261. 

Héraut.  Voy.  Avènement,  Juifs. 

Hérédité.  Ce  qu'il  faut  penser  de  l'hérédité  des  biens.  II,  351.  —  Voy. 
Mal,  Sot. 

Hérésiarque,  m  Les  hérésiarques  sont  punis  en  l'autre  vie  des  péchés  aux- 
quels ils  ont  engagé  leurs  sectateurs.  »  II,  246. 

Hérésie.  Hérésies  contraires.  II,  18. —  Soupçon  d'hérésie.  II,  77.  —  Source 
de  toutes  les  hérésies.  II,  91.  —  Moyen  de  les  empêcher  et  de  les  réfuter.  II, 
92.  —  Double  hérésie  sur  l'explication  du  mot  omnes..  II,  120.  —  Dieu,  pré- 
voyant les  hérésies,  a  mis  dans  l'Ecriture  et  dans  les  prières  de  l'Eglise  des 
mots  et  des  sentences  contraires.  II,  202. 

Hérétique.  Chose  plaisante  à  considérer,  que  les  soldats  de  Mahomet, 
les  voleurs,  les  hérétiques,  se  sont  fait  eux-mêmes  des  lois.  I,  85.  —  Les 
catholiques    cl,  les  hérétiques.  II,  72.  —  Les  hérétiques,  ennemis  de  l'Eglise. 

II,  77.  Voy.  Eglise.  —  Les  Jansénistes  et  les  hérétiques.  II,  81.  Voy.  Jansé- 
nistes. —  Les  hérétiques  conviennent  que  l'Eucharistie  est  figurative,  mais 
nient  la  présence  réelle.  Il,  92.  Cf.  II,  330.  Voy.  Eucharistie.  —  «  Leshéréti- 
ques,  au  commencement  de  l'Eglise,  servent  à  prouver  les  canoniques.  »  II, 
202.  —  Voy.  Soumission. 

Hérétiques.  II,  109,  note  1. 

Héritier.  L'homme  en  présence  des  dogmes  et  des  preuves  de  la  religion, 
comparé  à  un  héritier  qui  trouve  les  titres  de  sa  maison.  II,  96. 

Hermine.  Voy.  Magistrat. 

HÉRodE.  Agit  sans  le  savoir  pour  la  gloire  {de  l'Evangile.  II,  41.  —  Cru 
le  Messie.  Il,  186.  —  Mot  d'Auguste  sur  Hérode.  Il,  203. 

Héroïque.  «  Ame  parfaitement  héroïque.  »  II,  17.  Voy.  Jésus-Christ. 

Héros.  Amour  des  héros.  II,  258. 

Hésiode.  I,  200. 

Hétérogène.  Voy.  Faculté. 

Heure.  «  11  (les  philosophes)  délibèrent  de  passer  une  heure.  »  II,  111.  — 
Toute  la  philosophie  ne  vaut  pas  une  heure  de  peine.  II,  123.  ~  Sur  l'heure, 
pour,  à  l'improviste.  «  Juges  injustes,  ne  faites  pas  des  lois  sur  l'heure.  » 
II,  80. 

Heureux.  «  Nous  disposant  toujours  à  être  heureux,  il  est  inévitable  que 
nous  ne  le  soyons  jamais.  »  I,  37.  —  Etrange  manière  de  rendre  les  hommes 
heureux.  I,  48.  —  On  n'est  pas  heureux  par  le  divertissement.  I,  73.  — 
«  Tous  les  hommes  recherchent  d'être  heureux.  »  I,  116.  —  Comment  la  re- 
ligion peut  rendre  l'homme  heureux.  I,  182.  Cf.  II,  103.  —  «  Nul  n'est  heu- 
reux comme  un  vrai  chrétien.  »  I,  188.  —  «  Il  n'y  a  que  la  religion  chré- 
tienne qui  rende  l'homme  aimable  et  heureux  tout  ensemble.  II,  157.  =  Les 
heureux.  I,  86. 

Heurter.  «  Rien  ne  nous  heurte  plus  rudementque  cette  doctrine.  »  I,  115. 

Hiérusalem.  II,  56,  58,  103,  104,  198. 

Hilaire  (Saint).  Cité.  II,  180. 

Histoire.  «  Leur  histoire  (des  Juifs)  enferme  dans  sa  durée  celle  de  toutes 
;os  histoires.  »  I,  200.  —  «  Toute  histoire  qui  n'est  pas  contemporaine  est 
suspecte.  »  I,  201.  —  Idée  de  l'histoire  universelle,  vue  par  les  yeux  de  la 
foi.  Il,  41  et  45.  —  Histoire  de  l'Eglise.  Voy.  Eglise.  —  De  la  Chine.  Voy. 
Chine.  —  «  Je  ne  crois  que  les  histoires  dont  les  témoins  se  feraient  égorger.  » 
11,  107  et  138.  —  «  Mon  histoire.  »  Voy.  Auteur.  —  Histoire  des  choses 
passée.  Voy.  Patriarches. 

Historien.  «  Dieu  a  pourvu  d'un  historien  unique  contemporain  (de  la 
création  et  du  déluge).  »  I,  212  et  217.  —  Les  historiens  ont  à  peine  aperçu 
J  sus-Christ.  II,  17.  —  Raisons  du  silence  des  historiens  sur  Jésus-Christ.  II, 
198.  — Les  historiens  évangéliques  :  leur  modestie.  11,39. 


Table  analytique  et  lexkïué.  37 

Historique.  Matières  ou  connaissances  historiques  :  leur  objet  et  lmr 
etraetère.  Il,  2<'>ti. 

Holocauste.  «  Jésus-Christ  s'est  offert  à  Dieu  comme  un  holocauste  et 
une  rentable  victime.  »  II.  837.  —  «  Noa  imperfections  Berriront  <le  matière 
à  ces  holocaustes  .  »  il,  248. 

Homère.  Antiquité  des  livres  d'Homère,  d'Hésiode,  etc  I ,  -(JO .  — Homère 
no  s'est  jamais  servi  (lu  nom  de  loi.  Ibid.  —  «  Homère  fait  un  roman,  qu'il 
donne  comme  tel,  el  qui  est  reçu  pour  tel.  »  1,201  et  204. 

Hommr.  «  Que  L'homme  considère  ce   qu'il  est  au  prix  de  ce    qui  est.  I,  2. 

—  «Qu'est-ce  qu'un  homme  dans  L'infini  ?  »  Ibid.  —  L'homme,  dans  la  nature 
est  nu  néant  à  L'égard  de  l'infini,  un  tout  à  l'égard  du  néant.  1,  3  —  Etat 
ïéi  table  des  hommes.  I.  8.  —  L'homme  a  rapport  à  tout  ce  qu'il  connaît. 
I,  0.  —  Est  à  lui-même  le  plus  prodigieux  objet  de  la  nature.  I,  8.  —  (îran- 
deur  et  misère,  bassesse  el  excellence  de  l'homme.  1,9-11,  121,  L82  ;  II,  lf>.">. 
Voy.  Contrariété,  Grandeur,  Misérable,  Misère.  —  «  Il  esl  déchu  d'une 
meilleure  nature  qui  lui  était  propre  autrefois.  »  I,  9.  Cf.  1,  r.xxxn,  115,  117, 
121.  171,  l^i).  —  «  N'est  qu'un  roseau,  mais  c'est  un  roseau  pensant.  »  1,  11). 
Cf.  Il,  16  et  20.  —  «  11  a  en  lui  la  capacité  de  connaître  la  vérité  et  d'être 
heureux  :  mais  il  n'a   point    de  vérité  ou  constante    ou  satisfaisante.  »  I,  li. 

—  Deux  manières  de  considérer  la  nature  de  l'homme  1,  12.  Voy.  Fin, 
Multitude.  —  Vanité  ancrée  dans  le  cœur  de  l'homme.  I,  24.  —  Corruption 
de  l'homme,  montrée  par  son  aversion  pour  la  confession.  I,  27.  —  Son 
aversion  pour  la  vérité.  Ibid.  Voy.  Fortune.  —  L'union  entre  les  hommes 
n'est  fondée  que  sur  une  mutuelle  tromperie.  I,  28.  —  L'homme  n'est  que 
déguisement,  que  mensonge  et  hypocrisie.  Ibid.  Cf.  I,  75.  —  Faiblesse  de 
l'homme.  I,  30.  —  Puissance  de  l'imagination  sur  l'esprit  de  l'homme.  1,31- 
41.  —  Son  esprit  sujet  à  être  troublé  par  le  premier  tintamarre  1,  40.  — 
«  Le  plaisant  Dieu  que  voilà!  »  I,  41.  (Cf.  Il,  111  :  «Cet  instinct  qui  le 
porte  à  se  faire  Dieu.  »)  —  «  N'est  qu'un  sujet  plein  d'erreur  naturelle  et 
ineffaçable  sans  la  grûce.  »  I,  44.  Cf.  II,  119.  —  Tous  les  soins  dont  on 
charge  les  hommes  dès  l'enfance  les  empêchent  d'être  malheureux  en  les 
empêchant  de  penser  à  ce  qu'ils  sont.  I.  48.  —  «  Que  le  cœur  de  l'homme 
est  creux  et  plein  d'ordure  !  »  Ibid.  —  L'homme  ne  peut  demeurer  chez  soi 
avec  plaisir.  I,  49.  —  Les  hommes  ne  cherchent  que  l'agitation.  1,  50.  —  Un 
instinct  secret  les  porte  à  chercher  le  divertissement  et  l'occupation  au  dehors, 
et  un  autre  instinct  leur  fait  connaître  que  le  bonheur  n'est  que  dans  le  repos. 
Ibid.  —  Heureuxparle  divertissement;  sans  divertissement, malheureux.  1,51-52. 
Cf.  I,  73,  77.  —  Se  sont  avisés,  pour  se  rendre  heureux,  de  ne  point  penser 
à  leurs  maux.  I,  54.  —  Image  de  la  condition  des  hommes.  I,  54-55.  Voy. 
Conoamné.  —  «  L'homme  est  plein  de  besoins  :  il  n'aime  que  ceux  qui  peu- 
vent les  remplir  tous.  »  I,  74.  —  Condition  de  l'homme:  inconstance,  ennui, 
inquiétude.  I,  83.  — Vanité  de  l'homme,  considérée  dans  l'amour.  Ibid.  — 
«  L'homme  aime  la  malignité.  »  I,  86.  —  S'il  y  a  beaucoup  d'hommes  origi- 
naux. I,  95.  Voy.  Esprit.  —  «  L'homme  n'est  ni  ange  ni  bête.  »  I,  100.  — 
«  Quelle  chimère  est-ce  donc  crue  l'homme!  etc.  »  I,  114.  Voy.  Chaos,  Contra- 
diction, PaRADOXE,  etc.  —  «  L'nomme  passe  infiniment  l'homme.  »  Ibid.  — 
«  Tous  les  hommes  recherchent  d'être  heureux.  »  I,  110.  —  Personne  n'y 
arrive  sans  la  foi.  Ibid.  —  L'homme  ne  peut  trouver  le  vrai  bien  qu'en  Dieu. 

I,  117-118.  —  N'est  heureux  qu'en  Dieu  :  pourquoi  si  contraire  à  Dieu.  I,  121. 

—  Est  visiblement  égaré  et  tombé  de  son  vrai  lieu.  Ibid.  Cf.  I,  171.  — 
«  L'homme  connaît  qu'il  est  misérable...  mais  il  est  bien  grand  puisqu'il  le 
connaît.  »  I,  121.  —  Est  un  monstre  incompréhensible.  Ibid.  —  Contrariétés. 
L'bomme  naturellement  crédule,  incrédule   :  timide,    téméraire.  »    Ibid,  Cf. 

II,  175  Voy.  Contrariété.  —  «  Rien  n'est  si  important  à  l'homme  que  son 
état:  rien  ne  lui  est  si  redoutable  que  l'éternité.  I,  140.   Voy.  Insensebiliié. 

—  <f  Les  hommes  n'aiment  naturellement  que  ce  qui  leur  peut  être  utile.  » 
I,  141  et  148.  —  Malheur  de  l'homme  sans  Dieu.  1,  141;  II,  60,  157.  —Com- 
ment raisonnent  les  hommes  qui  vivent  de  parti  pris  dans  l'ignorance  de  leur 
état.  1,  143.  Cf.  139.  —  La  connaissance  de  la  vraie  nature  de  l'homme  et 
celle  de  la  vraie  religion  sont  inséparables.  I,  170-177.  Cf.  I,  188.  —  Hommes 
dans  les  temps  de  l'idolâtrie.  I,  172.  —  Misérable  état  de  l'homme  aban- 
donné à  lui-même.  I,  175,  197.  —  L'homme  par  sa  présomption  est  devenu 
semblable  aux  bêtes.  I,  183.  —  Maladies  principales  de  l'homme.  I,  184.  — 
Duplicité  de  l'homme.  I,  186  —  Sans  la  religion,  les  hommes  ne  peuvent 
fuir  ou  l'orgueil  ou  la  paresse,   les  deux  sources  de   tous   lee  vices.  Ibid.  — 


58  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Tous  recherchent  leur  satisfaction.  I,  205.  Cf.  II,  93.  Voy.  Saint.  —  Deux 
sortes  d'hommes  en  chaque  religion.  I,  21  i.  —  Les  hommes  se  rendent  indi- 
gnes de  leur  salut  et  de  la  clémence  de  Dieu.  II,  47.  —  Tout,  dans  le 
monde,  instruit  les  hommes  et  de  leur  corruption  et  de  leur  rédemption.  II, 
48-49.  —  «  Les  hommes  sont  tout  ensembles  indignes  de  Dieu  et  capables 
de  Dieu.  II,  49.  Cf.  II,  122.  —  «  11  n'y  a  rien  sur  la  terre  qui  ne  montre... 
ou  l'impuissance  de  l'homme  sans  Dieu,  ou  la  puissance  de  l'homme  avec  Dieu.  » 
Ibid.  — Devoir  réciproque  entre  Dieu  et  les  hommes.  II,  69-70.  —  Ignorance 
des  hommes  avant  Jésus-Christ,  II,  87.  —  «  Il  faut  que  l'homme  envoie  assez 
pour  connaître  qu'il  l'a  perdu  (le  bien).  »  II,  89.  —  L'homme,  tombé  de  sa 
place,  la  cherche  avec  inquiétude.  Il,  90.  —  Sa  dignité  :  en  quoi  consistait, 
dans  son  innocence  ;  en  quoi  elle  consiste  aujourd'hui.  Ibid.  —  «  L'homme 
est  ainsi  fait  qu'à  force  de  lui  dire  qu'il  est  un  sot,  il  le  croit.  »  II,  105.  — 
Fait  lui  seul  une  conversation  intérieure.  Ibid.  —  «  Les  hommes  prennent 
souvent  leur  imaginaton  pour  leur  cœur.  II,  109.  —  «  L'homme  est  visible- 
ment fait  pour  penser. . .  Tout  son  devoir  est  de  penser  comme  il  faut.  »  Ibid. 
Cf.  II,  251.  —  «  Toute  la  dignité  de  l'homme  est  en  la  pensée.  »  II,  110.  Cf. 
I,  11  ;  II,  90.  —  Folie  des  hommes.  II,  119.  Voy.  Fou.  —  Ce  qu'il  faut  pour 
faire  d'un  homme  un  saint.  II,  120.  Voy.  Grâce.  —  La  nature  de  l'homme  a 
ses  allées  et  venues.  Il,  124  et  145.  —  L'homme  n'agit  point  par  la  raison, 
qui  fait  son  être.  »  II,  155.  —  Ne  peut  de  lui-même  aller  à  Dieu.  Ibid.  —  Il 
n'y  a  que  deux  sortes  d'hommes  :  les  justes,  qui  se  croient  pécheurs  :  les  pé- 
cheurs qui  se  croient  justes.  II,  164  —  Tous  les  hommes  ne  délibèrent  que 
des  moyens,  et  point  de  la  fin.  II,  166.  —  Description  de  l'homme.  Nature  de 
l'homme.  II,  167.  —  Les  hommes  jugent  de  Dieu  par  eux-mêmes.  II,  174.  — 
L'homme  comparé  à  des  orgues.  II,  175.  —  Dieu  a  créé  l'homme  avec  deux 
amours.  II,  242.  Voy.  Amour-Propre,  Amour  de  Dieu.  —  L'homme  est  trop 
infirme  pour  juger  sainement  de  la  suite  des  choses  futures.  II,  247.  —  Ce 
qu'il  y  a  dans  chaque  homme.  Ibid.  Voy.  Apam.  —  L'homme  n'aime  pas 
à  demeurer  avec  soi  :  il  ne  peut  vivre  sans  aimer.  II,  253-255.  —  Est  la  plus 
belle  créature  que  Dieu  ait  formée.  II,  253.  —  Est  né  pour  le  plaisir.  Il,  254. 

—  «  L'homme  n'est  produit  que  pour  l'infinité.  »  II,  270.  —  «  Toute  la  suite 
des  hommes  doit  être  considérée  comme  un  même  homme  qui  subsiste  tou- 
jours et  qui  apprend  continuellement.  »  II,  271.  —  Disproportion  de 
l'homme.  I,  8,  note  4.  —  La  grandeur  de  l'homme.  I,  10,  note  1  etnote3. 

Homme-Dieu.  «  L'union  ineffable  de  deux  natures  dans  la  seule  personne 
d'un  homme-Dieu.  »  I,  cxxxiv. 

Homogène.  Voy.  Grandeur. 

Honnête.  Honnête  homme,  pour,  homme  du  monde,  ou  opposé  à,  homme 
de  métier  :  et  Honnêtes  gens  de  même.  I,  74,  75.  —  On  n'apprend  pas  aux 
hommes  à  ktre  honnêtes  hommes,  et  c'est  ce  qu'ils  se  piquent  le  plus  d'être. 
I,  80.  —  Platon  et  Aristote,  qu'on  ne  s'imagine  qu'avec  des  robes  de  pédants, 
étaient  des  gens  honnêtes  et  comme  les  autres.  I,  85.  —  «  Qu'ils  soient  au 
moins  honnêtes  gens,  s'ils  ne  peuvent  être  chrétiens.  »  1, 142.  Voy.  Honnêteté 

—  Si  vous  êtes  duc  et  honnête  homme,...  je  ne  vous  refuserai  point  l'estime 
que  mérite  la  qualité  d'honnête  homme.  »  II,  354. 

Honnêteté,  pour,  l'état  et  les  quotités  de  Yhonnête  homne,  distingué  du 
chrétien.  Il,  157,  169.  —  Voy.  Règle. 

Honneur.  «  Qui  ne  mourrait  pour  conserver  son  honneur,  celui-là  serait  in- 
fâme. »  I,  24. 

Honte.  «  Il  n'y  a  de  honte  qu'à  n'en  point  avoir  (c'est-à-dire,  qu'à  n'être 
pas  honteux  d'être  sans  lumière  et  sans  croyance).  »  I,  142. 

Hôpital.  Voy.  Fou. 

Horace.  Cité.  I,  86  ;  II,  124. 

Horreur.  Voy.  Mort  (la). 

Hostie,  pour,  victime.  II,  27,  28,  Cf.  Il,  24  et  34  ;  II,  230,  238. 

Huguenots.  Excluent  l'unité.  II,  120. 

Humain.  Voy.  Caractère,  Vie  humaine. 

Humanité,  pour,  qualité  d'homme.  II,  283.  —    Pour,    nature  humaine.  Il 
339.  —  L'humanité  de  Jésus-Christ.  II,  92. 

Humble.  Epictète  veut  que  l'homme  soit  humble.  I,  cxxiv. 

Humeurs.  «  Le  temps  et  mes  humeurs  ont  peu  de  liaison.  »  I,  84. 

Humilié.  «  Un  Dieu  humilié,  et  jusqu'à  la  mort  de  la  croix.  »  II,  6.  — 
.*  Ceux  qui  ont  le  coeur  humilié,  et  qui  aiment  la  bassesse.  »  H,  96,  — 
Voy.  Jeûner. 


TABLE!  ANALYTIQUE  Et  LEXIQUE.  39 

Humilier  (s').  «  lluniilie/.-vous,  raison  impuissante.  »  I,  114. 

Humilité.  Discours  d'humilité.  1,  75.  —  «  l'eu  parlent  »le  l'humanité  hum- 
blement, a  Ibul.  —  Humilité  d'une  &me  chrélienue.  I,  177  et  181.  — Humi- 
lité apparente.  1,  189.  Voy.  Raisonnement.  -  «  Fausse  humilité,  orgueil,  » 
11,  100.  -  Les  humiliations  disposent  à  l'humilité.  11,170.  Voy.  Pénitence. 

Hypocrisie.  «  L'homme  n'est  que  mensonge  et  hypocrisie.  »  1,28. 

HYPOCRITE.  Les  hypocrites  bien  déguisés  sont  soufferts  par  l'Eglise  et  sont 
reçus  des  hommes;  mais  ils  ne  sont  pas  reçus  de  Dieu,  qu'ils  ne  peuvent 
tromper.  11,  118, 


Ici,  pour,  sur  la  terre,  dans  la  vie.  I,  cxxiv.  —  «  Chaque  chose  est  ici 
rraie  en  partie,  fausse  en  partie.  »  I,  88.  —  «  Ce  n'est  point  ici  le  pays  de 
U  vérité.  »  II,  78. 

IoBK.   «  Presque  tous  Les  philosophes  confondent  les  idées  des  choses.  » 

I,  8.   —  La  conformité  d'idée  n'est  pas  certaine.  I,  43. 

Identité.  Ce  que  c'est.  II,  202. 

Idolâtrie.  Générale  dans  le  premier  âge  du  monde.  I,  172.  —  Idolâtrie 
des  Egyptiens,  des  Grecs  et  des  Latins.  Ibib.  —  Ruine  de  l'idolâtrie  prédite. 

II,  24. 

Idole.  «  On  se  fait  une  idole  de  la  vérité  même.  »  II,  116. 

Ignorance,  a  L'ignorance  et  l'incuriosité  sont  deux  doux  oreillers  pour  une 
têle  bien  faite.  »  (Montaigne)  I,  cxxxn.  Cf.  I,  cxxvi.  —  L'ignorance  naturelle 
et  l'ignorance  savante.  I,  4't.  —  Ignorance  de  son  état  :  déraison  des  hommes 
qui  choisissent  d'y  vivre.  1,  139-143.  —  v<  Ce  repos  dans  cette  ignorance  est 
une  chose  monstrueuse,  dont  il  faut  faire  sentir  l'extravagance  et  la  stupidité 
à  ceux  qui  y  passent  leur  vie.  »  I,  14^.  — L'homme  sans  Dieu  est  dans  1  igno- 
rance de  tout.  II,  157.  —  Ignorance  de  Dieu.  II,  197.  —  Les  chrétiens  sont 
maintenant  dans  une  ignorance  qui  fait  horreur.  II,  322. —  Voy.  Inconstance, 

MOUT  (LA). 

Ignorer.  «  Ignorant  ce  que  je  suis  et  ce  que  je  dois  faire,  je  ne  connais 
ni  ma  condition  ni  mon  devoir.  »  I,  197. 

Il  (neutre),  pour,  cela.  I,  42,  82,  152,  208;  II,  116,  164,  258,  353.  Cf.  1, 
lxxix,  lxxxi  ;  76,  note  2  (phrase  de  La  Bruyère).  Voy.  Le.  =  Explétif.  «  Tant 
il  est  vrai  ce  que  vous  venez  de  me  dire,  etc.  »  I,  cxxxm.  Cf.  I,  cxxxiv.  =» 
Masculin,  après  le  mot  personne.  Voy.  Personne.  =  Impersonnel,  devant 
un  verbe  suivi  d'un  sujet  singulier  déterminé.  «  Il  est  venu  enfin  Jésus-Christ 
dire...  »  II,  197. 

Ile.  Pascal  se  compare  à  un  homme  abandonné  endormi  dans  une  île  dé- 
serte et  effroyable.  I,  175  —  Histoire  d'un  homme  jeté  par  la  tempête  dans 
une  île  inconnue  :  image  de  la  condition  des  grands.  II,  350.  \ 

Illusion.  «  La  vie  humaine  n'est  qu'une  illusion  perpétuelle.  »  I.  28.— 
«  Tout  le  monde  est  dans  l'illusion.  »  I,  60. 

Image.  Voy.  Condition,  Ile. 

Imaginaire.  Vie  imaginaire.  ;  être  imaginaire.  24. 

Imaginant  (adjectif)  Faculté  imaginante.  I,  32. 

Imagination.  Etre  d'imagination.  1,  24.  —  Critique  de  l'imagination.  I,  31. 

—  Maîtresse  d'erreur  et  de  fausseté  ;  ennemie  de  la  raison  ;  a  établi  dans 
l'homme  une  seconde  nature,  etc.  Ibid.  —  Force  de  l'imagination.  I,  32.  — 
Ses  effets.  I,  33-34.  —  «  Le  roi  n'a  que  faire  de  l'imagination.  »  I,  36.  Voy. 
Juge.  —  L'imagination  grossit  le  temps  présent  et  amoindrit  l'éternité.  I,  37. 

—  Grossit  les  petits  objets  et  amoindrit  les  grands.  I,  41.  —  «  Les  hommes 
prennent  souvent  leur  imagination  pour  leur  cœur.  »  II,  109.  =»  Pour,  idée. 
c  L'imagination  qu'on  prend  d'abord.  »  II,  308. 

Imbécile.  Voy.  Nature,  Ver.  =  Imbécile  à...  I,  8  (note  4). 

Imiter.  «  La  nature  s'imite.  »  II,  163. 

Immatérialité  de  l'ame.  II,  155. 

Immédiat  de.  «  Sa  sanctification  a  été  immédiate  de  son  oblation.  »  11,239 

Immobilement.  Il,  103. 

Immortalité.  Voy.  Ame,  Foi. 

Impénétrabilité.  Est  une  propriété  des  corps.  Il,  202. 

Impénétrable.  «  (Dieu)  Impénétrable  à  la  vue  des  hommes.  »  II,  329, 


40  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Imperceptible.  «  L'univers  imperceptible  dans  le  sein  du  tout.  »  1,3. 

Impie.  Les  plus  impies  sont  capables  de  la  grâce.  1,187.  — Les  impies  devraient 
être  étrangement  forts  en  raison.  II,  94.  —  Faux  raisonnement  des  impies 
fondé  sur  ce  qu'il  n'y  a  point  de  Dieu.  II,  110. 

Impiété.  C'est  elle  qui  fait  la  peine  qu'il  y  a  en  entrant  dans  la  piété.  II, 
114-115,  338.  =  Au  pluriel.  «  Qu'ils  laissent  ces  impiétés  à  ceux, etc.  »  I,  142. 

Impliqué,  pour,  embarrassé  ou  obscur.  «  Les  preuves  de  Dieu  métaphysiques 
sont  si  impliquées,  qu'elles  frappent  peu.  »  I,  154. 

Important.  «  Tout  est  important.  »  II,  121. 

Importer.  «  Il  importe  de  tout.  »  I,  100.  —  «  Le  moindre  mouvement 
importe  à  toute  la  nature.   »  II,  121. 

Imposer.  «  Le  ton  de  voix  impose  aux  plus  sa^es.  »  1,33. 

Imposteur.  Ce  qui  fait  qu'on  ajoute  foi  à  tant  d'imposteurs,  qui  disent  qu'ils 
ont  des  remèdes,  c'est  qu'il  y  en  de  vrais,  comme  il  y  en    a  de  faux.  II,  75. 

Impression.  Impressions  anciennes:  faussas  impressions;  mauvaises  impres- 
sions, faire  impression.  I,  34-35. 

Impuissance.  «  Notre  impuissance  à  connaître  les  choses.  »  I,  7.  —  «  Une 
impuissance  de  prouver.  »  I,  120  --  «  Impuissance  à  croire.  »  I,  152.  —  «  La 
vraie  religion  doit  avoir  connu  la  concupiscence  et  l'impuissance  (c'est-à-dire 
la  concupiscence  de  l'homme  et  son  impuissance  de  la  vaincre  en  faisant  le 
bien).  »  I,  169.  Voy.  Prière.  —  «  Nos  impuissances.  »  I,  5;  II,  168. 

Incapacité  de  lliomme.  I,  8,  note  4. 

Incarnation.  Montre  à  l'homme  la  grandeur  de  sa  misère,  par  la  grandeur 
du  remède  qu'il  a  fallu.  1,  188.  —  Secret  de   Dieu  dans   ce  mystère.  II,  329. 

Incertain.  Travailler  pour  l'incertain.  I,  62,  65;  II,  124. 

Incertainement.  I,  151. 

Incertitude.  «  Cloaque  d'incertitude  (l'homme).  »  I,  114.  —  «  Nous  ne  trou- 
vons en  nous  qu'incertitude.  »  I,  120.  —  «  Dans  l'incertitude  de  l'éternité  de 
ma  condition  future.  »  I,  140.  —  Gagner  avec  incertitude.  I,  151.  —  Voy. 
Montaigne. 

Incirconcis.  «  Les  incirconcis  de  cœur.  »  II,  57.  Voy.  Circoncision.  =  Au 
propre.  H,  94. 

Inclination.  «  Nous  ne  donnerions  point  cette  inclination  à  notre  volonté.  » 
II,  110. 

Incliner.  Incliner  le  cœur  à  aimer,  à  croire.  I,  104,  194.  —  «  La  coutume 
incline  l'automate.  »  I,  156.  —  «  L'habitude,  qui  incline  toutes  nos  puissances 
à  cette  croyance.  »  Ibid. 

Incommoder  (s').  «  Le  respect  est,  Incommodez-vous.  »  1,  63. 

Incompré tiens ibilite  (A  P.  R.  Commencement,  après  avoir  expliqué  V). 
I,  83,  note  1. 

Incompréhensible.  Réponse  à  l'objection  que  Dieu  est  incompréhensible. 
I,  189.  —  «  Incompréhensible  que  Dieu  soit,  et  incompréhensible  qu'il  ne  soit 
pas.  »  II,  126.  —  «  L'homme  est  toujours  disposé  à  nier  tout  ce  qui  lui  est 
incompréhensible.  »  H,  290.  —  Voy.  Monstre. 

Inconsolable.  «  Des  mouvements  bien  plus  inconsolables.  »  II,  245. 

Inconstance.  I,  81,  note  4:  II,  176,  note  1.  —  Inconstance  et  bizarrerie, 
I    172,  note  1. 

Inconstance.  «  Le  sentiment  de  la  fausseté  des  plaisirs  présents,  et  l'igno- 
rance de  la  vanité  des  plaisirs  absents,  causent  l'inconstance.  »  I,  84.  —  Voy. 
Apparence,  Condition. 

Incontinent,  (adverbe).  II,  60,  90. 

Incontradiction.  «  Ni  la  contradiction  n'est  marque  de  fausseté,  ni  Tincon- 
tradiction  n'est  marque  de  vérité.  »  1,  44. 

Incorrompu.  I,  186.  208. 

Incrédule.  Plaindre  les  incrédules  etne  pas  les  injurier.  II,  88.  Cf. I,  142. 
—  «  Incrédules,  les  plus  crédules.  »  II,  126.  —  Voy.  Crédule. 

Incroyable.  Réponse  à  l'objection:  incroyable  que  Dieu  s'unisseà  nous.  1,  189. 

Indiens  (les),  I,  38. 

Incuriosité  (mot  de  Montaigne).  I,  cxxxn.  Voy.  Ignorance. 

Indépendance.  Désir  d'indépendance.  11,  167. 

Indifférence.  «  Il  faut  avoir  perdu  tout  sentiment  pour  être  dans  l'indifférence 
de  savoir  ce  qui  en  est  (de  l'immortalité  de  l'âme).  »  I,  137.  Voy.  Négligence. 

Indifférent.  Voy.  Pyrrhonien. 

Indivisible.  Espace  indivisible;  parties  indivisibles:  deux  indivisibles, etc. 
II,283-2S0. 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  41 

Indubribli  l,  138;  II,  111.  —  Voy.  Fondement. 

InOI  i  61  mi  es.  11,  92. 

lw. \nu.  Il  es1  nécessaire  qu'il  y  on  ail  parmi  Les  nommes.  1,  70. 

In,  mi.ii!,ii.ii  i  .  Contre  L'infaillibilité  d'un  seul.  Il,  122.  Voy.  Multitude. 

Im  mllidle.  Voy.  Docteur,  Papk. 

[ni  \mv:.  Voy.  Honneur. 

Infertile.  «  Pensées  infertiles  dans  leur  champ  naturel,  abondantes  étant 
transplantées.  »  11,  72. 

[ni ■mm  LE,  pour,  qui  n'a  pas  la  foi.  II,  49,  50,  330.  —  Les  chrétiens  et  les 
infidèles.  11,  72. 

Infidélité,  pour,  manque  de  foi,  incrédulité.  I,  152:  II,  23,  161. 

Infini,  rien.  1,  153,  note  2. 

Infini  (subtantif).  «  Ces  deux  infinis  desciences.  »  1.4.  —  Les  deux  infinis. 
I,  6.  Cf.  I,  9;  II,  163,  168.=  L'infini.  «  Qu'est-ce  qu'un  homme  dans  l'infini?  » 
I,  2.  —  L'infini,  ou  le  tout,  opposé  au  néant.  I,  3:  11,  288.  —  Nous  connaissons 
L'existence  de  l'infini,  et  nous  ignorons  sa  nature,  parce  qu'il  a  étendue  comme 
nous,  mais  non  des  bornes  comme  nous.  I,  148.  — La  nature,  les  espaces,  les 
nombres,  font  une  espèce  d'infini.  II,  151. 

INFINI  (adjectif).  «  Une  sphère  infinie.  »  I,  1.  —  Une  capacité  infinie  comme 
la  nature.  »  I,  3.  —  «Une  vitesse  infinie.  »1I,  87.  —  «  L'infinie  immensité  des 
espaces.  »  II.  152.  —  «  Espaces  infinis.  »  II,  153.  =  A  l'infini.  II,  153,  288, 
289,  etc. 

Infiniment.  "  Infiniment  éloigné  de  comprendre  les  extrêmes.  »  I,  3.  — ■ 
«  Divisible  infiniment.  »  I,  4.  — «  La  durée  de  notre  vie  n'est-elle  pas  infiniment 
éloignée  de  l'éternité?  »I,  6.  — «  La  distance  infiniment  plusinfinie des  esprits 
à  la  charité.  »  II,  15.  —  «  Ces  êtres  terminés  se  multiplient  infiniment.  »  II, 
loi 

Infinité  .  «  Une  infidité  d'univers,  dont  chacun  a  son  firmament,  etc  »  1,2. 

Infinité.  «  Une  infinité  d'infinités  de  propositions.  — I,  3.  —  «  Je  ne  vois 
que  des  infinités  de  toutes  parts.  »  I,  139.  —  «  Il  y  a  ici  une  infinité  de  vie 
infiniment  heureuse  à  gagner.  »  I,  KiO  =•  La  double  infinité  de  la  nature.  I,  9. 
Cf.  11,  296.  —  Les  deux  infinités,  de  grandeur  et  de  petitesse.  II,  288.  —  x> 
L'infinité  en  petitesse  est  bien  moins  visible.  »  I,  4.  —  «  L'homme  n'est 
produit  que  pour  l'infinité.  »  II,  270. 

(Infinitif,  employé  comme  substantif).  Voy.  Le. 

Infirme,  pour,  faible.  II,  247. 

Influer  (actif).  «  Du  soin  que  la  nature  a  d'y  influer  les  esprits.  »  II,  112. 
—  «  Inutile  au  corps  qui  lui  a  influé  sa  vie.  »  II,  113. 

Iniquité.  Les  iniquités  sont  les  vrais  ennemis  de  l'homme.  II,  10-11. 

Injustice.  «Nous  naissons  injustes  et  dépravés.  »  II,  111.  =  «  Et  par  les 
justes  Juifs  et  par  les  injustes.  »  1,209.=  Etre  injuste  de,  avec  l'infinitif.  11,355. 

Injustice.  L'injustice  dans  l'esprit.  II,  258.  —  Injustice.  1,83,  note  1;  U, 
167,  note  5. 

Inondation.  «  Il  faut  une  inondation  de  passion  pour  les  ébranler  (les 
grandes  âmes)  et  pour  les  remplir.  »  II,  260. 

Inquiétude.  «  L'inquiétude  de  son  génie.  »  II,  154  et  213.  —  Saint  Paul  a  dit 
que  ceux  qui  entreront  dans  la  bonne  voie  trouveront  des  troubles  et  des  inquié- 
tudes en  grand  nombre.  »  II,  336.  Cf.  II,  340.  —  Voy.  Condition. 

Inquisition.  «  L'Inquisition  et  la  Société,  les  deux  fléaux  de  la  vérité.  »  Il 
117.  —  L'Inquisition  corrompue  ou  ignorante.  II.  118. 

Insensibilité.  Etrange  insensibilité  de  certains  hommes  sur  leur  état  et  sur 
l'éternité.  I,  140-142. 

Insinuer  (Neutre).  «  Ayant  pouvoir  d'insinuer  dans  tout  le  corps.  »  II,  120. 
=  S'insinuer.  «  Il  tient  la  maîtresse  branche  qui  s'insinue  partout.  »  Ibid. 

Inspiration.  Un  des  trois  moyens  de  croire.  II,  107. 

Instinct.  L'instinct  instruit  l'homme.  1, 12.  Voy.  Expérience. —  «  Nous  avons 
un  instinct  qui  nous  élève.  »  I,  25.  —  Deux  instincts  contraires  dans  l'homme, 
du  divertissement  et  du  repos.  1,50. —  «  Cet  instinct  qui  le  porte  à  se  faire 
Dieu.  »  II,  111.  —  Instinct  des  animaux  comparés  à  l'esprit  de  l'homme.  II,  151 1 
270.  —  <(  Instinct  et  raison,  marques  de  deux  natures.  »  II,  152.  —  Instinct» 
Raison.  I,  120,  note  3. 

Instruction.  Trop  et  trop  peu  d'instruction  empêche  l'esprit.  1,  5 

Instruisant.  «  Toute  religion  qui  n'en  rend  pas  la  raison  n'est  pas  instrui- 
sante. »  I,  171. 

Instrument.  «  Nos  instruments  (au  figuré).  »  1,  35,  —  Voy.  Intérêt.  Pointe. 


H. 


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»* 


Table  analytique  et  lexique. 


Intelligence.  Rang  que  tient  notre  intelligence  dans  Tordre  des  choses 
intelligibles.  I,  5.  =  Au  pluriel,  pour,  connaissances.  «  L'homme  ne  peut 
parvenir  à  ces  hautes  intelligences.  >>  II,  267. 

Intérkssek  (s1).  <f  Je  vois  bien  que  vous  vous  intéressez  pour  l'Eglise.  »  l  , 
329.  Cf.  II,  331. 

Intérêt.  «  Notre  propre  intérêt  est  encore  un  merveilleux  instrument  pour 
nous  crever  les  yeux  agréablement.  »  I,  35. 

Intérieur.  L'extérieur  et  l'intérieur.  I,  171).  —  Dieu  ne  regarde  que  Tinté- 
rieur.  »  II,  115.  Voy.  Extérieur.  =a  «  Joseph  si  intérieur  dans  une  loi  tout 
extérieure.  »  II,  179. 

Intime.  «  Dans  l'intime  de  la  volonté  de  Dieu.  »  II,  236. 

Intimider.  Voy.  Ecriture. 

Inventeurs.  Sont  rares,  et  on  leur  refuse  souvent  la  gloire  qu'ils  cherchent 
par  leurs  inventions.  I,  66. 

Inventions.  «  Archimède  a  fourni  à  tous  les  esprits  ses  inventions.  »  II,  16. 
—  Mouvement  des  inventions  des  hommes  de  siècle  en  siècle.  II,  124.  —  «  Les 
inventions  de  l'esprit  peuvent  être  tout  ensemble  sans  fin  et  sans  interruption.  » 
II,  268  et  273. 

Invincirle  a.  I,  120. 

Invinciblement.  «  Invinciblement  cachés  dans  un  secret  impénétrable.  » 
1,3. 

Irréconcujoble.  »  Quand  elle  en  calme  la  dissension  irréconciliable.  »  II 
243. 

Irréparable,  en  parlant  de  la  nature.  I,  186. 

Irréprochable.  «  Témoins  irréprochables.  »  II,  25. 

Isaaé.  Vivait  en  la  foi.  I,  172.  —  «  Le  Dieu  d'isaac.  II,  61.  Cf.  I,  cvi. 

Is.ue.  Cité.  I,  209,  212  :  II,  5,  56,  57,  80,  340.  —  Le  mem  fermé  d'Isaie. 
II,  8,  50.  —  Traduction  de  plusieurs  chapitres  de  ce  prophète.  II,  188-196.  — 
«  Isaie  prince  du  sang.  »  II,  200. 

Israël.  «  Les  prophètes  ont  dit  clairement  qu'Israël  serait  toujours  aimé  de 
Dieu.  »  II,  4.  —  «  Tous  les  païens  disaient  du  mal  d'Israël,  »  II,  109. 

Itus  et  reditus.  II,  124.  Voy.  Nature. 


Jacob.  Foi  de  Jacob  :  son  attente  du  Sauveur.  I,  172*  —  «  Le  Dieu  de  Ja- 
cob. »  II,  61.  Cf.  I,  cvi.  —  Jacob  mourant  et  bénissant  ses  enfants  leur  pré 
dit  la  royauté  de  Juda.  II,  187.  —  Voy.  Prophéties. 

Jacques  (Saint)  .  Comment  saint  Thomas  explique  le  lieu  de  saint  Jacques 
sur  la  préférence  des  riches. 

Jamais.  «  Et  en  voilà  pour  jamais.  »  II,  112  et  139. 

Janissaires.  Les  quarante  mille  janissaires  du  Grand  Seigneur.  I,  34. 

Jansénistes.  Ressemblent  aux  hérétiques  par  la  réformation  des  mœurs. 
II,  81.  —  Comparés  aux  jésuites  sur  la  profession  des  deux  contraires  (le 
libre  arbitre  et  la  grâce?).  II,  93.  Cf.  II,  81.  —  Désignés.  11,73,  77,  100,  117, 
335,  342.  Voy.  Port-Royal. 

Jansénius.  Nommé.  II,  79.  —  Cité.  II,  103.  —  Analysé.  II,  241. 

Jardin.  «  Jésus  (dans  sa  passion)  est  dans  un  jardin,  non  de  délices,  comme 
le  premier  Adam,...  mais  dans  un  de  supplices.  »  II,  206. 

Je  ne  sais  quoi.  La  cause  de  l'amour  est  un  «  je  ne  sais  quoi  »,  si  peu  de 
chose  qu'on  ne  peut  le  reconnaitre,  etc.,  1  83-84. 

Jean  Baptiste  (Saint).  Les  prophéties  sont  plus  claires  de  lui  que  de  Jé- 
sus-Christ. II,  1.  Voy.  David.  —  Devait  convertir  le  cœur  des  pères   aux  en 
fants.  II,  171.  —  A  déclaré  aux  Juifs  le  mystère  de  la  Pénitence.  II,  185.  — 
Sa  venue.  II,  334.  Voy.  Avènement. 
*    Jean  (Saint).  Cité.  II,  74,  78,  79,  80,  171,  184,  330. 

(Jean-Casimir,  rci  de  Pologne.)  Désigné.  I,  81. 

Jérémie.  II,  72.  Cité.  II,  87.59. 

Jérodoam.  II,  125.  Voy.  Prêtre. 

Jérusalem.  Première  église  de  Jésus-Christ.  II,  24.  —  Voy.  Hiérusalem, 
Rome. 

Jésuites.  Désignés.  I,  210:  II,  73,  76,  77,  78,  80,  81,  104,  106.  115,  117, 
118,  119,  120,  122,  125,  175,  205,  342,  -    Leur   doctrine,  II,  77,  122.  —  S* 


TAULE  ANALYTIQUE  Kl   LEXIQUE.  43 

joignent  aux  ennemis  de  l'Eglise.  Il,  77-78.  -     Comparés  aux  Jansénistes.  II, 
93.  —  «  S'il  se  faisait  un  mincie  su  Jésuite*?  »  II.  204. 

Iksds-Ghbist.  Dieu  el  Jeans-Christ.  I,  cvi-cvn,  —  «Jésus-Christ,  s. uni  Paul 
ont  L'ordre  de  la  charité...  Ilsvoulsienl  échauffer,  non  instruire.  »  I,  102.  — 
«  La  rédemption  de  Jésus-Christ.  »  I,  140.  Voy.  Foi.  —  Jésus-Christ  est  l'ob- 

i'ct  de  tout  et  le  rentre  où  tout  tend.  »  I.  15V.  —  Médiateur  pour  connaître 
tien.  ïbid.  Cf.  1.  194:  II,  62,  19S,  238.  La  connaissance  «le  Jésus-Christ 
nous  f;tit  connaître  Dieu  et  notre  misère.  [,  154;  II,  62.  —  "  Jésus-Christ  en 
particulier  (prouve  la  vérité  de  la  religion).  »  I,  177.  —  blst  venu  dans  le 
temps  prédit, mais  non  dans  l'éclal  attendu.  I,  206.  Cf.  II,  24.  —  A  été  en 
scandale  aux  Juifs.  I.  209.  Selon  les  chrétiens  charnels,  est  venu  nous  dis- 
penser  d'aimer  Dieu.  1,  210,  et  210'.  —  Jésus-Christ  figuré  par  Joseph,  II,  2. 
\o\.  Larron.  —  Ce  qu'il  a  appris  aux  hommes.  Il,  4-5.  —  Deux  natures  en 
Jésus-Christ,  deux  avènements.  II,  4,  6.  —  «  En  Jésus-Christ  tontes  les  con- 
tradictions sont  accordées.  »  II,  1.  —  Portrait  de  Jésus-Christ  :  son  ordre;  sa 
bassesse  et  sa  grandeur.  II,  16.  —  Son  obscurité  et  son  éclat.  II,  17.  —  Sim- 
plicité et  clarté  admirable  de  ses  discours.  Ibid.  —  Ame  en  lui  parfaitement 
héroique.  Ibid.  —  Aussi  difficile  pour  l'Eglise  de  montrer  qu'il  était  homme 
que  de  montrer  qu'il  était  Dieu.  11,  18.  —  «  Est  un  Dieu  dont  on  s'approche 
sans  orgueil,  et  sous  lequel  on  s'abedsse  sans  désespoir.  »  Ibid.  —  Centre  des 
deux  Testaments...  Est  prédit  et  prédisant...  Est  universel.  Ibid.  —  A  offert 
le  sacrifice  de  la  croix  pour  tous.  II,  19.  —  Prouvé  par  les  prophéties.  Il,  21- 
29.  —  Roi  des  Juifs  et  des  Gentils;  fait  de  Jérusalem  sa  première,  et  de 
Rome  sa  principale  Eglise.  II,  24-25.  —  Jésus-Christ  et  ses  apôtres  ôtent  l'ido- 
lâtrie de  toute  la  terre.  II,  25.  —  Vocation  des  Gentils  par  Jésus-Christ.  II, 
27.  —  «  Jésus-Christ  est  venu  dans  toutes  les  circonstances  prédites.  »  II,  29. 
-  Pourquoi  a  fait  des  miracles.  Il,  39.  Cf.  I,  174.  —  Comparé  avec  Mahomet. 
II,  43,  159.  —  Est  venu  in  sanctifteationem  et  in  scandolum.  II,  49-50.  — 
Généalogie  de  Jésus-Christ  dans  l'Ancien  Testament.  II,  51.  —  Pourquoi  il 
ne  dit  pas  qu'il  n'est  point  de  Nazareth.  Ibid.  —  Hors  de  Jésus-Christ  toute 
communication  avec  Dieu  est  ôtée.  II,  61.  —  Jésus-Christ  est  le  véritable  Dieu 
des  hommes...  Le  réparateur  de  notre  misère.  II,  62.  Nous  ne  nous  connaissons 
nons-mèmes  que  par  Jésus-Christ...  En  lui  est  toute  notre  vertu  et  toute 
notre  félicité...  Sans  lui,  le  monde  ne  subsisterait  pas.  Il,  63. —  Jésus-Christ 
a  vérifié  qu'il  était  le  Messie  par  ses  miracles.  II,  69,  73.  Cf.  I,  174.  —  Deux 
manières  de  n'être  pas  pour  Jésus-Christ.  II,  71.  Voy.  Différence.  —  Jésus- 
Christ  et  les  Pharisiens.  II,  72-73.  —  «  Jésus-Christ  ne  parlait  ni  contre  Dieu 
ni  contre  Moise.  »  II,  73.  — Eu  quoi  diffère  de  l'Antéchrist.  Ibid.  —  «  Toute 
la  foi  consiste  en  Jésus-Christ  et  en  Adam.  »  II,  88.  —  Si  Jésus-Christ  est 
mort  pour  tous  II,  90,  158  et  3612-  —  Vérités  opposées  en  Jésus-Christ.  II, 
91-92.  —  Jésus-Christ  n'a  point  voulu  des  témoignages  des  démons,  mais  de 
Dieu  et  Jean-Baptiste,  II,  98.  —  Devait  être  jugé  parles  Juifs  et  les  Gentils. 
II,  101-102.  Voy.  Mystère.  —  Est  venu  dter  les  figures  pour  mettre  la  vé- 
rité. II,  104.  —  On  aime  Jésus-Christ,  parce  qu'il  est  le  corps  dont  on  est 
membre.  »  II,  113.  —  Est  venu  apporter  la  guerre...  Avant  lui  le  monde  vi- 
vait dans  une  fausse  paix.  II,  115.  Cf.  II,  171,  334.  Voy.  Division.  —  A  aimé 
la  pauvreté.  II,  119,  —  Précepte  qu'il  a  posé  à  ses  disciples.  II,  120.  —  Jésus- 
Christ  rédempteur.  II,  148  Cf.  I,  176,  177,  211  ,  II,  90.  Voy.  Rédempteur. 
—  Seul  mène  au  vrai  chemin.  II,  158.  —  Tout  en  tous,  et  modèle  de  toutes 
conditions.  II,  158-159,  —  Veut  que  son  témoignage  ne  soit  rien.  II,  159.  — 
«  Jésus-Christ  sera  à  la  droite,  pendant  que  Dieu  lui  assujettira  ses  ennemis.  » 
II,  170.  —  «  Il  a  adopté  nos  péchés,  et  nous  a  admis  à  son  alliance  »  II, 
173.  —  Dit  que  lui  et  les  siens  seront  en  miracles.  II,  183.  —  Ce  qu'il  a  dit 
à  sa  venue.  II,  197.  —  Preuves  de  Jésus-Christ:  les  juifs;  prophéties;  figures; 
silence  des  historiens.  II,  198.  —  Vocation  des  Gentils,  et  ruine  des  Juifs  et 
dés  païens  par  Jésus-Christ.  Ibid.  —  Détruisait  l'empire  du  diable  sur  les 
coeurs.  II,  199,  Voy.  Exorcisme.  —  N'a  jamais  condamné  sans  ouir.  II,  199.  — 
Dit  :  «  Je  ne  sais  pas.  »  comme  homme  ou  comme  légat.  II,  201.  —  Le  Mys- 
tère de  Jésus.  II,  206-211.  Cf.  I,  cvi-cvh.  —  Ce  qui  est  arrivé  en  Jésus-Christ 
doit  arriver  en  tous  ses  membres.  II,  237.  Cf.  II,  243.  Voy.  Ame.  —  Consi- 
dérations mystiques  sur  le  sacrifice  de  Jésus-Christ.  II,  238-240.  —  Jésus- 
Christ  n'a  pris  sa  vie  que  pour  la  perdre  pour  l'Eglise  et  pour  nous.  IK329.  — 

1.  Voir  les  Provinciales,  10e  Lettre,  dans  la  dernière  partie. 

2.  Voir  aussi  la  17»  Lettre  dans  les  Provincial**. 


44  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

N'est  reconnu  sous  des  espèces  de  pain  que  des  seuls  catholiques.  II,  330.  — 
A  donné  dans  l'Evangile  une  marque  pour  reconnaître  ceux  qui  ont  la  foi.  Il, 
331.  —  Parole  consolante  de  Jésus-Christ.  II,  334.  —  Son  discours  à  ses 
apôtres  sur  son  dernier  avènement.  II,  341.  —  Voy.  Adam,  Homme-Dieu, 
Messie.  —  Jésus-Christ.  Offices.  II,  28,  note  2.  —  Dieu  par  Jésus-Christ. 
I,  63,  note  1.  —  Sépulcre  de  Jésus-Christ.  II,  209,  note  4, 

Jeu.  Raison  du  plaisir  du  jeu.  1,  49,  52.  =  Au  figuré.  «  Il  se  joue  un  jeu 
ii  l'extrémité    de  cette  distance  infinie,  etc.  »    I,  149.  —   Le  dessous  du  jeu. 

I,  152. 

Jeûner.  «  Il  vaut  mieux  ne  pas  jeûner  et  en  être  humilié,  que  jeûner  et 
en  être  complaisant.  »  II,  177. 

Jeunes  Cens    Sont  tous  dans  le   bruit,  dans   le  divertissement,  etc.  I,  88. 
Job.  «  Salomon  et  Job  ont  le  mieux  connu  la  misère  de  l'homme.  »  II,  108. 

—  «  Les  deux  plus  anciens  livres  du  monde  sont  Moïse  et  Job.  »  II,  169.  — 
Cité.  II,  333. 

Joie.  Figures  de  la  joie  future  dans  l'Ancien  Testament.  II,  101.  —  Joie 
des  chrétiens.  II,  337.  Cf.  cvi,  cvn,  214.  —  «  Les  joies  temporelles  couvrent 
les  maux  éternels  qu'elles  causent.  »  II,  330.  —  Voy.  Sentiment. 

Joseph.  Figure  de  Jésus-Christ.  II,  2.  —  «  Joseph  si  intérieur  dans  une 
loi  tout  extérieure.  »  II,  179.  —  Recommandation  de  Joseph  mourant  à  ses 
enfants.  II,  187. 

Josèihe.  Cité.  I,  199;  II,  179-180.  —  Silence  de  Josèphe  sur  Jésus-Christ. 

II,  198.  Voy.  Historien. 
Jouer.  Voy,  Personmage. 

Joug.  Ce  que  certaines  gens  appellent  avoir  secoué  le  joug.  I,  141.  —  Le 
joug  de  Jésus-Christ  n'est  léger  qu'à  lui  et  à  sa  force  divine.  II,   340. 

Juda.  Le  sceptre  de  Juda.  II,  40,  51.  —  Voy.  Jacob. 

Judaïque.  La  répub  ique  judaïque,  II,  203. 

Judaïsme.  Plénitnde  de  maux  sans  consolation,  état  de  judaïsme.  II,  229. 
Voy.  Consolation. 

Judas.  Aucune  invective  contre  lui  dans  les  historiens  évangéliques.  II, 
39. 

Judée.  Elle  avait  toujours  des  hommes  choisis  qui  prédisaient  la  venue 
du  Messie.  II,  172. 

Judith.  II,  204. 

Juge.  «  Les  juges,  médecins,  etc.,  n'ont  que  l'imagination.  »  I,  36.  — 
«  Ce  souverain  juge  du  monde  (l'homme).  »  1,  40. 

Jugé.  Etre  au  nombre  malheureux  des  jugés.  Il,  333. 

Jugement.  Il  est  difficile  de  proposer  une  chose  au  jugement  d'un  autre, 
sans  corrompre  son  jugement.  I,  82.  —  Peu  de  jugements  fermes  et  stables. 
Ibid.  Voy.  Assiette.  —  «  Le  jugement  est  celui  à  qui  appartient  le  senti- 
ment. »  i,  106.  =  Jugement  (le),  pour,  le  jugement  dernier  ou  général. 
«  Un  petit  jour  du  jugement.  »  II,  340. 

Juger.  «  Le  monde  juge  bien  des  choses.  »  I,  44.  —  Juger  d'un  ouvrage 
par  règle.  I,  98.  —  Ceux  qui  sont  accoutumés  à  juger  par  le  sentiment  ne 
comprennent  rien  aux  choses  de  raisonnement.  I,  105.  —  On  ne  peut  juger 
de  son  ouvrage  qu'en  s'en  éloignant  un  peu.  II,  163  et  217.  —  Voy. 
Volonté. 

Juif  (adjectif).  Le  peuple  juif.    I,  199,  205  ;  II,  179.  Voy.  Peuple  de  Dieu. 

—  La  religion  juive.  I,  210  ;  II,  41.  —  Philon  juif.  I,  200  :  II,  23,  203. 
Juifs.  Ennemis  irréconciliables  de  la  religion  et  de  l'Eglise.  T,  188,  214; 

II,  77.  —  Leur  loi.  I,  199-200;  II,  3,  5,  6.  —  Avants-coureurs  et  hérauts  de 
l'avènement  d'un  libérateur.  I,  198.  —  Subsistent  toujours,  témoins  admira- 
bles et  irréprochables  de  la  vérité  des  prophéties.  I,  199,  214  ;  II,  22,  25,  40, 
41,  59.  —  Avaient  vieilli  dans  des  pensées  terrestres.  1,206. — Juifs  charnels 
grands  amateurs  des  choses  prédites,  et  grands  ennemis  de  l'accomplisse- 
scment.  I,  207.  —  Leur  cupidité.  I,  209  ;  II,  184.  —  Leur  religion,  figure  de 
la  vérité  uu  Messie.  I,  210.  —  Les  Juifs  charnels  et  les  vrais  Juifs  :  les  uns 
n'avaient  que  les  affections  païennes,  les  autres  avaient  les  affections  chrétiennes. 
1,  211.  Cf.  II.  40,  56,  59,  72,  1S7-191.  —Distinguer  leur  doctrine  d'avec  la 
doctrine  de  leur  loi.  Leur  doctrine  n'est  pas  vraie,  parce  qu'elle  n'a  pas  ce 
point,  de  n'adorer  et  n'aimer  que  Dieu.  Il,  6.  Cf.  II,  68.  —  Prophéties  tou- 
chant les  Juifs.  II,  24,  27,  57-59.  —  Les  Juifs  ont  accompli  les  prophéties.  II, 
25,  41.  —  Comment,  après  avoir  rejeté  Jésus-Christ,  ils  n'ont  pas  été  exter- 
minés. II,  29,  40.  —  Témoins  suspects,  s'ils  eussent  été    tous    convertis  par 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  45 

Jésus-Christ.   II,  40.  —  Leur  unique  raison  do  refuser  Jésus-Christ.  II,  40-41. 

—  <(  La  protection  «le  Dieu  parait  dans  les  Juifs.  »  11,  49.  — -Leur  religion  : 
en  quoi  elle  Bemblait  consister  essentiellement.  11.  56.  —  Consistait  seule- 
ment en  l'amour  de  Dieu.  Ibid.  —  Véritable  doctrine  <le  leur   loi.    Il,  rit  1-69. 

—  La  portion  «les  Juifs.  Leur  Dieu  distingué  du  Dieu  d'Abraham,  d'Isaac,  de 
Jacob,  des  chrétiens.  IL  01.  —  Contestation  entre  les  Juifs,  touchant  Jésus- 
Christ.  11.  71-7*2.  .lui l s  haïs  parce  qu'ils  disaient  qu'il  n'y  a  qu'un  Dieu.  IJ, 
96.  Cf.  L  176.  —  Les  Juifs  appelés  à  dompter  les  nations,  ont  été  esclaves 
du  péché.  II,  107.  —  «  Les  Juifs  s'aveuglaient  en  jugeant  des  miracles  par 
l'Ecriture.  »  II,  184.  —  Dieu  s'est  servi  de  leur  concupiscence,  pour  les  faire 
servir  à  Jésus-Christ.  Ibid.  —  A  la  fois  très-conformes  et  très-contraires 
au  Messie.  Ibid.  —  N'ont  connu  des  mystères  que  la  pénitence  11,  185.  — 
Captivité  des  Juifs  sans  retour  (Prophéties).  11,  188.  —  Réprobation  des 
Juifs.  II,  191,  198.  —  «  C'est  la  malédiction  des  Juifs  et  des  païens  (d'être 
abandonné  aux  douleurs  de  la  nature  sans  les  consolations  de  l'esprit 
de  Dieu).  Il,  229.  —  »  Les  Juifs,  voyant  un  homme  pariait  en  Jésus-Christ, 
n'ont  pas  pensé  à  y  chercher  une  autre  nature.  »  II,  330.  —  Voy.  Peuple  de 
Dieu.  —  Avantages  du  peuple  Juif.  I,  200,  note  3.  —  Since'rilë  des  Juifs. 

I,  201,  note  3.  —  Pour  montrer  que  les  vrais  Juifs  elles  vrais  Chrétiens 
n'ont  qu'une  même  religion.  II,  59,  note  1. 

Juridicunt,  Juridicié,  Juridiction.  «  La  juridiction  ne  se  donne  pas  pour 
le  juridiciant  mais  pour  le  juridicié.  >•  II,  167. 

JrmspRUDENCE.  «  Trois  degrés  d'élévation  du  pôle  renversent  toute  la 
jurisprudence.  »  I,  38. 

Juste,  (substantif).  Deux  hommes,  deux  mondes  dans    les    justes.  II,  91. 

—  «  Des  justes  justifiés  sans  charité  !...  »  II,  122.  —  «  Le  juste  agit  par  foi 
dans  les  moindres  choses.  »  II,  561.  —  Les  justes  se  croient  pécheurs.  II,  164. 

—  Comparaison  de  la  conduite  du  juste  à  celle  d'Abraham.  II,  172.  —  Les 
faux  justes  comparés  à  Dilate.  II,  211.  —  La  vie  des  justes  doit  être  une  péni- 
tence continuelle,  sans  laquelle  ils  sont  en  danger  de  déchoir  de  leur  justice. 

II,  228.  —  Voy.  Créature  et  Augustin. 

Juste,  (adjectif).  «  Rien,  suivant  la  seule  raison,  n'est  juste  de  soi.  »  I, 
38.  —  «  On  ne  voit  rien  de  juste  ou  d'injuste  qui  ne  change  de  qualité  en 
changeant  de  climat.  >:  Ibid.  —  «  On  appelle  juste  ce  qu'il  est  force 
d'observer.  »  I,  71  —  «  Il  faut  faire  que  ce  qui  est  juste  soit  fort,  et  que  ce 
qui  est  fort  soit  juste.  »  I,  72.  —  Le  peuple  suit  la  coutume  et  les  lois  parce 
qu'il  les  croit  justes.  I,  82-83.  =  Au  neutre,  «  Le  juste  est  de  ne  point 
parier.  »  I,  150. 

Justice.  «  L'affection  ou  la  haine  changent,  la  justice  de  face.  »  I,  33.  — 
La  véritable  justice.  I,  34,  72.  Voy.  Magistrats,  Eglise.  —  La  justice  et  la 
vérité  sont  deux  pointes  subtiles.  I,  35  —  L'homme  ignore  la  justice.  I,  37.  — 
«  Plaisante  justice,  qu'une  rivière  borne!  »  I,  38  Cf.  I,  70.  — Diverses  défi- 
nitions de  la  justice.  1,  38.  Cf.  1,  83. Voy.  Equité,  Loi.  —  La  mode  fait  la  justice 
I,  71.  —  La  justice  est  ce  qui  est  établi.  Ibid.  —  «  Ne  pouvant  fortifier  la 
justice,  on  a  justifié  la  force.  »  Ibid.  —  La  justice  sans  la  force  est  impuis- 
sante. I,  72.  —  L'empire  de  la  justice  n'est  point  tyrannique.  I,  82.  —  La 
doctrine  du  péché  originel  contraire  aux  règles  de  notre  misérable  justice. 
I,  115.  —  Disproportion  entre  notre  justice  et  celle  de  Dieu.  I,  153  et  166. 
Voy.  Mséricorde,  Réprouvés.  La  justice  éternelle,  opposée  à  la  justice 
légale.  II,  11.  —  Miséricorde  et  justice  de  Dieu.  II,  102.  Cf.  I,  153.  —  La 
justice  partie  de  la  terre  (Virgile).  »  II,  156  et  361.  Voy.  Péché.  =  Pour, 
justification.  «  Dieu  a  promis  d'accorder  la  justice  aux  prières.  »  II,  161.  — 
Justice.  I,  71,  note  2.  —  Justice,  Force.  I,  72,  note  1. 

Justifier, pour,  rendre  juste.  I,  71.  =»  Justifier  les  pécheurs.  II,  50. 


La.  Voy.  Quitter. 
L'autorité.  II,  170,  note  2. 
La  gloire.  II,  164,  note  1. 
La  grandeur  de  l'homme.  I,  10,  note  1. 
La  prévention  induisant  en  erreur.  II,  166,  note  2. 
Lacédémomens.    Pourqaoi    les  morts    généreuses    des   Lacédémoniens  et 
autres  ne  nous  touchent  guère.  Il,  97.    Voy.    Martyrs. 


46  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Lâche.  Voy.  Brave. 

Lâchement.  «  Il  (Montaigne)  ne  pense  qu'à  mourir  lâchement  et  molle- 
ment par  tout  son  livre.  »  II,  98. 

Lâcheté,    pour,  mollesse,  paresse.  I,  cxwm,  cxxxiv,  186. 

Laisser,  (dans  le  sons  du  latin  omittere).  Ne  pas  laisser  de.  «  Celte 
médecine  ne  laisse  pas  d'être  amère  à  l'amour-propre.  »  I,  28.  —  «  Elle  ne 
laisse  pas  de  recevoir  de  très-grandes  différences  dans  l'application.  »  11,253. 
=  Se  laisser,  avec  un  verbe  à  l'infinitif,  suivi  de  la  préposition  a.  «  Se  laissant 
conduire  à  leurs  inclinations  et  à  leurs  plaisirs.  »  1,  143.  —  Laisse-toi  con- 
duire à  mes  règles,  »  11,  208.  —  «  Avec  quelle  soumission  se  laisserait-il 
gouverner  à  la  volonté  qui  régit  le  corps!  »  II,  114.  —  «  Ne  nous  laissons 
donc  pas  abattre  à  la  tristesse.  »  II,  338  i. 

Lait  (la  Voie  de).  II,  2712. 

Lamech.  I,  172. 

Langage.  I,  105,  note  4.  —  Miscell.  Langage.  I,  103,  note  2.  —  Voy. 
Morale. 

Langues.  <(  Les  langues  sont  des  chiffres  :...  de  sorte  qu'une  langue  incon- 
nue est  déchiffrable.  »  1,  103. 

Languissant.  Voy.  Amusement. 

Langueur,  pour,  maladie.  «  Pour  y  recevoir  ces  soulagements  miraculeux 
dans  leurs  langneurs.  »  II,  80. 

Laquais.  «  11  a  quatre  laquais...;  c'est  à  moi  àcéder.  »  I,  61  et  62. Cf.  I,  04. 

Larron.  Jésus-Christ  entre  deux  larrons.  Il,  2. 

Lasser.  Voy.  Délasser. 

Latins.  Voy.  Idolâtrie. 

Laval  (M.  de).  II,  327. 

Le  (au  neutre).  I,  33  ;  II,  257.  —  Le,  Les,  avec  des  infinitifs.  «  Le 
croire...  le  courir.  »  II,  160.  —  «  Les  marchers,  toussers,  mouchers,  éter- 
nuers.  »  II,  163. 

Le  bon  sens  II,  157,  note  1. 

V Ordre.  Contre  Vobjection  que  V Ecriture  [n'a  pas  d'ordre.  I,  102, 
note  1. 

Le  souverain  bien  :  dispute  du  souverain  bien.  II,  156,  note  4. 

Lecture.  Lectures  des  philosophes  :  quelle  est  leur  utilité,  comment  elles 
doivent  être  réglées.  1,  cxxxiii-cxxxvi. 

Légal.  Justice  légale.  11,  11.  Voy.  Justice. 

Légat.    Jésus-Christ  parle  comme  légat.  11,201. 

Léger  a.  Voy.  Joug. 

Législateur.  Si  l'homme  connaissait  la  justice,  les  législateurs  n'auraient 
pas  pris  pour  modèle,  au  lieu  de  cette  justice  constante,  les  fantaisies  et  les 
caprices  des  Perses  et  Allemands  et  des  Indiens.  I,  37.  —  Les  anciens  légis- 
lateurs grecs  et  romains  ont  emprunté  de  la  loi  juive  leurs  principales  lois. 
I,  200.  —  L'ordre  des  biens  n'est  fondé  que  sur  la  seule  volonté  des  législa- 
teurs. II,  351. 

Le  xMaitre  (M.).  Un  de  ses  plaidoyers  cité.  II,  178. 

Léon  (Saint).  Cité.  II,  334. 

Lettre.   «  La  lettre  tue.  »  II,  5.  —  Voy.  Peuple. 

Lettres.  Titres  de  lettres  projetées  par  Pascal,  et  qui  devaient  entrer 
dans  son  ouvrage.  1,156,  174.  Voy.  Machine.  —  Lettres  à  un  Provincial^ 
rappelées.  II,  77,118,  178.  Voy.  Rome. 

1.  Cette  construction  est  on  latinisme,  comme  on  le  voit  bien  par  cette  phrase  des  Pro~ 
vinciales  (6e  Lettre),  dans  laquelle  Pascal  cite  et  traduit  un  casuiste  :  «  J'avance  cette  opi- 
«  nion  ;  mais  parce  qu'elle  est  nouvelle,  je  la  laisse  mûrir  au  temps,  l'clinquo  tempori 
a  maturandam.y>  Dans  ces  exemples  et  dans  tous  ceux  du  même  genre  qu'on  pourrait  citer, 
le  substantif  précédé  de  la  préposition  à  e?t  un  complément  indirect  du  premier  verbe  ; 
le  second  est  au  présent  de  l'infinitif  actif  on  vertu  de  la  même  ellipse  qui,  en  latin,  fait 
mettre  ce  verbe  au  participe  futur  passif,  accordé  avec  le  complément  direct  de  relinquere 
ou  de  son  équivalent.  Ainsi,  dans  levers  si  connu  de  Racine  (Iphigénie,  a.  II,  se.  I), 

Je  me  laissai  conduire  i  cet  aimable  guide 

(en  latin,  permisi  me  juveni  deducendam),  à  n'a  pas,  comme  on  l'a  dit,  le  sens  de  par,  puis- 
qu'il ne  dépend  point  du  verbe  conduire,  avec  lequel  il  ne  pourrait  faire  qu'une  équivoque 
ou  un  non-sens.  Ce  vers  signifie  en  effet  :  je  me  laissai  conduire  par  cet  aimable  guide,  mais 
d'après  une  construction  toute  différente,  et  plus  latine  que  française  ;  ce  qui  l'a  fait  aban- 
donner  avec  le  temps. 

2.  La  voie  lactée  est  encore  ainsi  appelée  dans  les  Mondes  de  Fontenelle,  V*  Soir. 


TAULE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  47 

Levain.  Mauvais  levain  mis  dans  l'homme  dès  l'heure  ofj  il  est  formé.  II, 
181,  181, 

Liaison.  «Nous  n'avons  point  de  liaison  à  eux.  »  II,  97. 

Lincourt.  Voy.  Brochet. 

Libéral.  Voy.  Avaricieux. 

Libérateur.  «Je  tends  les  bras  a  mon  libérateur.  »  I,  213. 

Liberté.  «  La  vérité  n'a  |>lns  de  liberté  de  paraître.  »  11,80.  =  Pour,  vo- 
lonté. Aimer  Dieu  avec  une  liberté  entière.  Il,  227. 

Lirertin.  pour,  esprit  tort,  incrédule.  I,  LXIXl. 

Libertinage.  Oppose  -\  superstition.  Il,  159. 

Libre.  «  11  n'est  pas  bon  dêtre  trop  libre.  »  II,  165.  —  Voy.  Enfant,  Puis- 
sance. 

Librement,  pour,  volontairement.  II,  227. 

Lien.  Nous  avons  un  lien  commun  avec  les  martyrs.  II,  97.  —  Sentir  son 
lien.  11,  333. 

Lieu,  pour,  place,  rang.  «  L'homme  est  visiblement  égaré...  et  tombé  de 
son  vrai  lieu.  »  I,  121.  =  Pour,  endroit,  passage.  «  Il  y  a  des  lieux  où  il  faut 
appeler  Paris  Paris.  »  I,  102.  Cf.  I,  208.  —  «  Le  lieu  de  saint  Jacques  sur  la 
préférence  des  riches.  »  II,  172.  =  Pour,  champ,  au  iiguré.  «  Le  lieu  est  ou- 
vert au  blasphème.  »  II,  78.  Cf.  1,176.  =  Avoir  lieu  de.  «  La  raison  seule  a 
lieu  d'en  connaître.  »  II,  267. 

Limite.  «  Je  prie  Dieu...  de  me  renfermer  dans  mes  limites.  »  11,  339. 

Lion.  «  L'entrée  de  Saturne  au  Lion  nous  marque  l'origine  d'un  tei  crime.  » 
1,38. 

Lire.  Mahomet  a  défendu  de  lire;  Moïse,  les  apôtres  ont  ordonné  délire. 
II,  42,  43. 

Littéral.  Sens  littéral.  Voy.  Ecriture,  Sens. 

Livre.  «  Quand  en  voyant  un  homme  on  se  souvient  de  son  livre,  c'est 
mauvais  signe.  »  1,75.  —  «  Qu'il  y  a  de  différence  d'un  livre  à  un  autre!  »  I, 
201.  —  «  Certains  auteurs...  disent  :  Mon  livre...  Ils  feraient  mieux  de  dire  : 
Notre  livre,  etc.  »  11,  118.  —  «  Les  meilleurs  livres  sont  ceux  que  ceux  qui  les 
lisent  croient  qu'ils  auraient  pu  faire  »  II,  307.  =  Le  livre  qui  contient  la  loi 
des  Juifs  est  le  plus  ancien  livre  du  monde.  I,  200-201  ;  II,  42.  Voy.  Ecri- 
ture. Moïse.  —  Lavres  canoniques.  II,  237. 

Loger  (se).  Au  figuré.  «  Elle  s'y  logerait  (dans  leur  cœur).  »  II,  254. 

Logique.  Logique  de  Pascal.  II,  301.  —  La  logique  a  emprunté  les  règles 
de  la  géométrie  sans  en  comprendre  la  force.  II,  300. 

Loi.  L'essence  delà  loi.  I,  39. —  Homère  ne  s'est  jamais  servi  du  nom  de 
loi.  I,  200.  e=  Lois  humaines:  il  n'y  en  a  point  d'universelles.  I,  38.  —Lois 
naturelles.  Ibid.  —  «  En  un  peu  d'innées  de  possession  les  lois  fondamentales 
changent.  »  Ibid.  —  Recourir  aux  lois  fondamentales  et  primitives  de  l'Etat  : 
jeu  sûr  pour  tout  perdre.  1,39.  —  Pourquoi  suit-on  les  anciennes  lois.  I,  61. 
—  Lois  établies,  tenues  pour  justes  sans  être  examinées.  I,  71.  —  «  Il  serait 
donc  bon  qu'on  obéît  aux  lois  et  coutumes,  parce  qu'elles  sont  lois.  »  I,  82. — 
Le  peuple  n'y  obéit  qu'à  cause  qu'il  les  croit  justes.  I,  83. —  «  Il  y  a  des  gens... 
qui,  ayant  renoncé  à  toutes  les  lois  de  Dieu  et  de  la  nature,  s'en  sont  fait  eux- 
mêmes  auxquelles  ils  obéissent  exactement.  »  1,  85.  —Les  Etats  périraient, 
si  on  ne  faisait  ployer  souvent  les  lois  à  la  nécessité.  »  I,  174.  —  «  Deux 
lois  suffisent  pour  régler  toute  la  république  chrétienne.  »  II,  94.  —  «  Dieu, 
qui  est  le  maître  des  biens,  a  permis  aux  sociétés  de  faire  des  lois  pour  les 
artager;  et,  quand  ces  lois  sont  une  fois  établies,  il  est  injuste  de  les  violer.  » 

352. 

Loi  (la).  Caractères  et  doctrine  Je  la  loi  des  Juifs.  I,  199-200;  II,  3-7, 
56-59.  Voy.  Juifs.  —  Loi  ancienne,  loi  nouvelle.  I,  211.  —  «  La  loi  n'a  pas 
détruit  la  nature...  :  la  grâce  n'a  pas  détruit  la  loi.»  II,  116.  Voy.  Figu- 
ratif. 

Lors,  pour,  alors.  II,  152. 

Louer.  Voy.  Blâmer. 

Luc  (Saint).  I,  212.  Voy.  Généalogie. 

Lumière.  Explication  de  la  lumière  parle  conatus  recc?.en<H.  II,  151.  — 
Définition  absurde  de  la  lumière.  II,  283.  =  Au  figuré.  «  Il  y  a  (en  Dieu) 
assez  de  lumière  pour  ceux  qui  ne  désirent  que  de  voir,  et  assez  d'obscuri  é 
pour  ceux  qui  ont  une  disposition  contraire.  »  11,48.  Voy.  Clarté.  Dieu  cache 

1.  €  C63  libertins  qui  n«  cherchent  qu'à  douter  de  la  religion.  »  Provinciales,  4*  Lettre. 


lï 


48  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

—  Lumière  de  la  foi.  II,  60.  —  «  Recherchant  de  toute  leur  lumière.  Ibid.  et 
gg t.  —  Si  la  lumière  est  ténèbres,  que  seront  les  ténèbres?  »  II,  104.  —  La 
véritable  piété  est  une  lumière  éclatante.  II,  338. 

Lune,  Prétendue  influence  dç  la  lune.  I,  101.  — Faux  et  vrais  effets  de  la 
lune. II,  7o. 

Lunettes.  «  Combien  les  lunettes  nous  ont-elles  découvert  d'êtres  !  » 
II,  104. 

Luxuriant.  Style  trop  luxuriant,  II,  154  et  213. 

M 

Machine.  La  machine  d'arithmétique:  ses  effets. II,  118.  Cf.  I,  lxvii-lxviii. 
r=  Machine  (la),  pour  la  partie  de  l'homme  par  laquelle  il  est  machine.  «  Les 
choses  qui  ploient  la  machine  vers  le  respect  et  la  terreur.  »  I,  61.  Cf.  1,  156. 
Voy.  Automate.  —  Preuves  par  la  machine.  I,  156  et  169.  Voy.  Lettres.  — 
«  Les  esprits  médiocres  sont  machines  partout.  »  11,  252.  —  «  Nous  serions 
des  machines  très-désagréables.  »  II,  260. 

Magiciens.  II,  71.  Voy.   Miracle. 

Magistrat.  Le  magistrat  au  sermon.  I,  32.  —  «  Nos  magistrats  ont  bien 
connu  ce  mystère.  Leurs  robes  rouges,  leurs  hermines,  etc.  »  1,  33.  —  Les 
magistrats  n'ont  pas  la  véritable  justice.  1,34. 

Magnifique.  Par  l'amour,  on  devient  magnifique,  sans  l'avoir  jamais  été. 
II,  259.  Voy.  Libéral 

Mahomet.  «  Les  soldats  de  Mahomet.  »  I,  85.  Voy.  Hérétique.  —  Sa  reli- 
gion n'a  pas  de  marques  de  vérité.  I,  198.  —  Mahomet  comparé  avec  Jésus- 
Christ.  Il,  41-43,  159.  —  Son  livre.  11,42,43.  Vov.Alcoran.  —A  défendu  de 
lire.  Ibid.  —  «  Qui  rend  témoignage  de  Mahomet?  lui-même.  »  II,  159.  — 
Païens.  Mahomet.  II,  197.  —  Contre  Mahomet.  II,  43,  note  3.  — 
Voy.  Différence,  etc. 

Mahométan.  Les  Mahométans  n'ont  pas  apporté  le  remède  à  nos  concupis- 
cences.  I,  182.  —  La  religion  mahométane.  II,  41. 

Main.  Tomber  dans  les  mains  d'un  Dieu  irrité.  I,  140.  —  «  C'est  un  appe- 
santissement  de  la  main  de  Dieu  »  I,  144.  =  «  Fait  de  main  (manu  factus).  » 

I,  206.  =>  Défendre  son  droit  les  armes  et  la  force  à  la  main.  II,  157. 

Maintenant.  Voy.VivRE. 

Maison.  Pour,  famille,  race.  I,  62.  —  Voy.   Port-Royal,  Sainteté. 

Maîtresse,  ce  Cette  maîtresse  d'erreur  et  de  fausseté.  »  I,  31.  Voy.  Imagi- 
nation. =  Maîtresse,  pour,  personne  aimée.  II,  262.  =  «  Maîtresse  forme.  » 
(Montaigne)  I,  cxxvi. 

Maîtrise,  pour,  supériorité.  «  Leur  maîtrise  est  de  divers  genres.  »  I,  81. 

—  «  Il  n'y  a  que  la  maîtrise  et  l'empire  qui  fait  la  gloire.  »  II,  150. 

Mal.  Le  mal  à  craindre  d'un  sot  qui  succède  par  droit  de  naissance.  I,  60. 

—  «  Le  mal  est  aisé...  Mais  un  certain  genre  de  mal  est  aussi  difficile  à 
trouver  que  ce  qu'on  appelle  bien.  »  I,  88.  Voy.  Bien,  Conscience.  —  «  N'ap- 
pelons mal  que  ce  qui  rend  la  victime  de  Dieu  victime  du  diable.  »  II,  237. 

—  La  vue  du  mal  corrige  quelquefois  mieux  que  l'exemple  du  bien.  II,  340.  — 
Le  mal  est  ordinaire,  le  bien  est  rare.  Ibid.  =  Au  moins  mal  (locut.  adver- 
biale). I,  86.  =  Mal,  pour,  maladie.  I,  75  ;  II,  227,  229.  —Voy.  Maux. 

Malade.   Les  malades  de    l'Evangile  figurent  l'âme  malade.   II,    201.  Cf. 

II,  527. 

Maladie.  «  La  maladie  est  l'état  naturel  des  chrétiens.  I,  xc.  —  Les  mala- 
dies sont  un  principe  d'erreur.  I,  35.  —  Disposition  de  l'âme  dans  la 
maladie.  I,  75.  —  Maladie  principale  de  l'homme.  I,  101.  Cf.  I,  184.  Voy. 
Concupiscence.  —  Prière  pour  demander  à  Dieu  le  bon  usage  des  maladies. 
223-232.  —  Voy.  Conduite. 

Malchus.  Voy.  Pierre  (saint). 

Malédiction.  Malédiction  des  Grecs.  II,  186.  —  La  malédiction  des  Juifs 
et  des  païens.  11,229.  Voy.  Consolation. — Hors  l'Eglise  il  n'y  a  que  malédic- 
tion. Il,  336. 

Malheur.  Tout  le  malheur  des  hommes   vient  de  ne  savoir  pas    demeurer 

1.  Dans  les  Provinciales,  7e  Lettre,  au  commencement  :  «  Ils  ont  eu  besoin  de  tovtt  leur 
lumière  pour  trouver  des  expédients,  etc.  » 


TABLE   ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  49 

en  repos.  I,  18.  -  Malheur  naturel  de  notre  condition.  1,49.  — Malheur  d'un 
homme  sans  Dieu.  I.  ni    Voy.  Homme. 

M  \i  m  i  i.i  i  >..  «  Plaindre  1rs  malheureux  D 'est pas  contre  la  COnCUpi8C6DCe.  0 
I,  SI.  b  «  Les  malheureux  I...  (les  malheureux   !..  (les  Jésuites).  »>  11,  132. 

Malice.  Voy.  Théologie. 

Malignité*  <(  Quand  la  malignité  a  la  raison  de  son  coté,  elle  devient 
fière.  »  I,  173.  —  «L'homme  aime  la  malignité...  contre  les  heureux  su- 
oerbes.  »  1,  80.  —  La  malignité  est  dans  le  cœur  de  l'homme  dès  son 
mfance.  II,  L8i. 

MAMELLE.  «  Les   mamelles  de   l'Epouse  »,  figure  selon  les  rabbins.  Il,  10 

Manier.  Voy.  Principe,  Haison. 

Manière.  «  Les    belles  manières  du  monde.  »  I,  141.  Voy.  Air. 

Manque.  «  Le  manque  de  charité.  »  II,  74.  Voy.  Miracle.  =  De  manque. 
«  Qu'il  n'y  ait  rien  de  trop  ni  rien  de  manque.  »  II,  120.  —  «  On  la  trouve 
de  manque  dans  son  cœur.  »    II,  202.  =  Manque  de,  pour,  faute  de.   «  Man- 

Îue  d'avoir  contemplé  ces    infinis.   »  I,  3. —  «  Manque    d'y    faire  réflexion.  » 
,37.  Cf.  I,  77,  90, 154,  193. 

Manquer  a,  suivi  d'un  infinitif.  I,  70;  II,  339. 
Marc  (Saint).  Cité    II,  79,  341. 
Marcher  (substantif).   Voy.  Le. 
Mariage.  Voy.  Naissance,  Paul  (Saint).  j 

Marque.  «  11  les  faut  laisser,  c'en  est  la  marque.  »  I,  102.  —  Marque  que 
doit  avoir  la  vraie  religion.  I,  109.  —  Laisser  ou  donner  des  marques  de  soi. 
I,  175.  205;  II,  48.  Voy.  Dieu,  Elus.  —  «  Les  marques  d'un  Créateur.  »  I,  197. 

—  «  La  dernière  marque  de  Messie.  »  II,  25.  —  Les  trois  marques  de  la 
religion.  II,  77.  —  Marque  donnée  par  Jésus-Christ  dans  l'Evangile  pour  re- 
connaître ceux  qui  ont  la  foi.  II,  331.  —  «  Rencontrer  des  marques 
qu'ils  sont  dans  le  véritable  chemin.  »   II,  337.  —  Voy.  Athéisme. 

Marquer.  «  Si  je  n'y  voyais  rien  qui  marquât  une  Divinité.  »  I,  197. 
=  Marquer  que...  II,  341. 

Martial.  Epigrammes  de  Martial.  I,  86. 

Martyre.  Voy.  Eglise,  Miracle. 

Martyriser.  «  Jamais  on  ne  s'est  fait  martyriser  pour  les  miracles  qu'on 
dit  avoir  vus.  »  II,  108  et  138. 

Martyrs.  «  S'il  n'y  avait  des  martyrs  qu'en  notre  religion,  Dieu  y  serait 
bien  manifeste.  »  I,  171.  —  La  mort  des  martyrs  nous  touche:  car  ce  sont 
nos  membres  :  leur  résolulion  peut  former  la  nôtre.  II,  97.  Voy.  Exemple. 

Masquer.  «  Masquer  la  nature  et  la  déguiser.  I,   102. 

Masse.  «  Masse  déperdition.  »  II,  323. 

Mathématicien.  «  L'enseigne  de  mathématicien.  »  I,  74. 

Mathématique.  «  La  mathématique.  »  II,  174.  Cf.  I.  lxv.  =  C'est  un  bon 
mathématicien,  dira-t-on.  Mais  je  n'ai  que  faire  de  mathématiques.  »  I.  74. 
Voy.  Prop  sition. 

Matière.  «  Embrouiller  la  matière.  »  I,  43.  —  «  Matière  de  doute  et 
d'inquiétude.  »  I,  197.  =  Matières.  Voy.  Disposition. 

Matthieu  (Saint).  V0y.  Alcoran,  Généalogie. 

Maudit.  Voy.  Maxime 

Mauvais.  Voy.  Volonté. 

Maux.  «  Les  philosophes  ont-ils  trouvé  le  remède  à  nos  maux  ?  »  I,  182. 

—  Les  accidents  que  nous  appelons  maux  ont  pour  unique  cause  la  Provi- 
dence de  Dieu.  II,  236. 

,  Maxime.  «  Toutes  les  bonnes  maximes  sont  dans  le  monde  :  on  ne  man- 
que qu'à  les  appliquer.  »  I,  70.  —  «  Ces  maudites  maximes.  »  336. 

(Mazarin).  Désigné.  II,  154. 

Médecine.  Au  figuré,   parlant  de  la  confession.  I,  28. 

Médecins.  Leurs  soutanes,  leurs  bonnets  carrés,  etc.  I,  33,  34.  —  N'ont 
que  l'imagination.  I,  36.  —  «  Les  médecins  ne  te  guériront  pas...  mais  c'est 
moi  qui  guéris.  »  II,  208. 

Médiatement.  II,  238. 

Médiateur.  Voy.  Jésus-Christ. 

Médiocrité,  v  Rien  que  la  médiocrité  n'est  bon.  »  I,  73. 

Médire.  Les  sots  médisent  par  compagnie.  1,  87. 

Méditation.  «  Cette  personne  qui  a  bien  plus  de  vertu  et  de  méditation 
que  mci.  »  II,  340.  —  Méditations  sur  lu  Grâce  (titre  de  livre).  »  II,  327, 

Meilleur.  »>  Prendre  tout  ce  qui  arrive  pour  le  meilleur.  »  II,  334. 


KO 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 


Mem.  Le  men  fermé  d'Isaïe.  II,  8,  50. 

Membre.  Nous  ne  sommes  que  des  menbres.  Il,  112,  113.  —  «  Pour  faire 
que  les  membres  soient  heureux,  il  faut  qu'il  aient  une  volonté  et  qu'ils  la  con 
forment  au  corps.  II,  114.  —  Les  membres  du  corps  de  Jésus-Christ,  c'est 
à-dire  les  fidèles.  11,232.  —   Voy.  Corps,  Martyrs, 

Membres.  Commencer  par  là.  II,  113,  note  2. 

Mémoire.  «  La  mémoire  est  nécessaire  pour  toutes  les  opérations  de  l'es 
prit.  »  II,  152.  —  Voy.  Sentiment. 

Mensonge.  L'homme  n'est  que  mensonge.  I,  28.  —  L'homme  ne  connaît 
naturellement  que  le  mensonge,  11,  290. 

Mentir.  «  H  y  a  des  gens  qui  mentent  simplement  pour  mentir.  »  I,  79. 
«=  Sans  mentir  (locution  adverbiale).  II,  335. 

Mépris.  Certaines  preuves  de  la  religion  ne  sont  propres  qu'à  en  faire  naître 
le  mépris.  11,  60-61.  —  «  Les  hommes  ont  mépris  pour  la    religion.  »  II,  10Q 

Méprise.  «  L'essence   de  la    méprise   consiste   à   ne   la   pas   connaître.   » 

I,  cxxvii. 

Mépriser.  Avantage  qu'il  y  a  à  être  méprisé.  11,157. 

Mère.  Dieu  comparé  à  une  mère  qui   arrache    son   enfant  à  des    voleurs. 

II,  115,  341.  Voy  Violence. 
Méridien.  Voy.  Vérité. 

Mérite.  Difficulté  de  récompenser  les  mérites.  I,  60.  Cf.  II,  174.  —  «  Les 
rrais  Juifs  ne  considéraient  leur  mérite  que  de  Dieu.  »  II,  56. 

Mériter,  au  neutre  :  être  méritant,  ou  méritoire.  I,  60;  II,  336. 

Merveille.  «  Merveille  de  nos  jours.  »  1,  104.  —  Les  six  merveilles  à  l'entrée 
des  six  âges.  II,  170. 

Merveilleusement.  11,254.  Voy.  Femme.  ««  Merveilleusement  persuadé.  » 

I,  LXXX. 

Messc  Faire  dire  des  messes.  I,  152. 

Messie  (le).  Promis  dès  le  commencement  du  monde;  sa  venue.  I,  172  ;  II, 
22,  Voy.  Temps. —  A  toujours  été  cru.  1, 174.  —  Sa  grandeur  et  son  abaissement. 
I,  207.  —  Marques  et  preuves  du  Messie.  I,  174,  II,  25-29.  —  Prédiction  du 
Messie.  II,  39,  50,  186.  —  Voy.  Avènement,  Hérode.  —  Pendant  la  durée  du 
Messie.  II,  27,  note  4. 

Mesure.  A  mesure,  pour,  en  proportion.  1,  95,  121  ;  II,  256. 

Méthode.  «  Droite  méthode.  »  1,  80.  —  Deux  méthodes,  l'une  de  con- 
vaincre, l'autre  d'agréer.  II,  299. 

Métier.  Choix  du  métier  :  le  hasard  en  dispose.  I,  36.  Cf.  II,  166.  —  Le 
métier  de  poëte.  I,  74.  —  C'est  la  coutume  qui  fait  les  métiers.  I,  156.  — 
Métiers.  I,  24,  note  1. 

Mexico.  Les  historiens  de  Mexico.  II,  108. 

Michée.  II,  72. 

Mien,  tien.  I.  85,  note  4. 

Milieu.  Le  milieu  des  choses.  I,  3.  —  «  Nous  voguons  sur  un  milieu  vaste.  » 

I,  5.  —  «  Deux  infinis,  milieu.  »  1,9.  —  «Qui  tient  le  juste  milieu  ?»  I,  34. — 
«  C'est  sortir  de  l'humanité  que  de  sortir  du  milieu.  »  I,  73.  —  «  La  connais- 
sance de  Jesus-Christ  fait  le  milieu.  »  II,  62. 

Millénaires.  11,  185. 

Ministres.  «  En  montrant  l'injustice  des  ministres,  on  ne  la  corrige  pas.  » 

II,  183. 

Miracle.  Définition  du  miracle.  Il,  81.  —  Divers  sens  de  ce  mot.  II,  183.  — 
Sur  ceux  qui  disent  qu'ils  se  convertiraient  s'ils  avaient  vu  un  miracle.  I,  196. 
Cf.  II,  104.  —  Fendant  combien  de  temps  il  a  fallu  des  miracles.  11,  39,  80.— 
Les  miracles  discernent  la  doctrine,  et  la  doctrine  discerne  les  miracles.  II,  64. 
72.  —  Règles  pour  les  discerner.  Il,  67.  —  «  Toute  la  créance  est  sur  les  mira- 
cles. »  II,  68.  —  Miracles  de  Jésus-Christ.  II,  69,  73.  —  Dieu  doit  aux  hommes 
que  les  miracles  ne  puissent  les  tromper.  H,  70.  Voy.  Division.  —  Miracles 
contre  miracles.  11,71-72. —  «  Toujours  le  vrai  prévaut  en  miracles.  »  II,  72. 
Les  miracles  fondement  de  la  religion.  11,73.  — Miracles  de  l'Antéchrist.  Ibid 
—  Importance  et  force  des  miracles.  11,74.  —  Ce  qui  fait  qu'on  ne  croit  pas  les 
vrais  miracles,  et  ce  qui  fait  croire  les  faux,  est  le  manque  de  charité.  Ibid.  — 
On  n'en  croirait  pas  de  faux,  s'il  n'y  en  avait  de  vrais.  II,  75.  —  Croire  aux 
miracles  est  natarel.  11,76.  Voy.  Croipe. —  Les  miracles,  une  des  trois  marques 
de  la  religion.  II,  77,  169.  —  Le  miracle  de  la  Sainte-Epine.  II,  76-79.  Cf.  II. 
204-205,  342. —  Ceux  qui  déshonorent  les  miracles  de  Jésus-Christ.  U,  80. 
Voy.    Jésuites.  —  «  Les  miracles  prouvent   le   pouvoir   que  Dieu  a  sur  les 


TAHLK  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  81 

cœurs  par  celui  qu'il  exerce  sur  les  corps.  »  11,  SI.  —  Los  miracles  ne  sont 
pas  obsolumenl  convaincants.  Il,  96.  —  l'our  les  miracles  qu'on  eroil  par  tra- 
dition, la  folie  des  hommes  va  peut-être  jusqu'au  martyre,  mais  non  pour  ceux 
qu'on  a  vus.  Il,  IOS.  —  «  (léserait  un  étrange  miracle,  si  l'infaillibilité  était 
•  fans  un.  »  11,  122.  Voy.  Bouse.  I.«'^  incrédules  croient  les  miracles  de 
Vespasien,  pour  ne  pas  croire  ceux  de  Moïse.  II,  1*26.  —  «  Les  miracles  ne 
servent  pas  à  convertir,  mais  à  condamner.  »  II,  158.  —  Sentiments  de  Mon- 
taigne sur  les  miracles.  II,  162.  —  «  Je  ne  serais  pas  chrétien  sans  les 
miracles,  dit  saint  Augustin.  »  II,  169.  —  Miracles  des  faux  prophètes.  Il,  L82 

—  Etre  en  miracles.  II,  183.  —  Nécessite  des  miracles.  Ibid.  —  a  Quand 
saint  Xavier  fait  des  miracles!...  S'il  se  faisait  un  miracle  aux  Jésuites!  »  [1,204. 

—  La  personne  du  miracle;.  11,  332.  —  Miracle  de  Pontoise.  II,  342.  —  «  Saint 
Augustin  ditque  ceux-là  voient  véritablement  les  miracles  auxquels  les  miracles 
prolitent.  »  Ibid.  —  Miracles.  I,  99.  note  1  ;  il,  162,  note  3.  —  Sur  le 
miracle  .  II,  205,  note  1.  —  Voy.  Titre. 

Miroirs.  Voy.  Damoiselle. 

Miscell.  Langage.  I,  103,  note  2.  —  Miscell  [anea]  .  II,  178,  note  1. 

Misérable.  L'homme  se  connaît  misérable.  I,  9.  26,  121.  —  «  Nous  sommes 
misérables,  corrompus,...  mais  rachetés  par  Jésus-Christ.  »  1,  188.  —  «  Misé- 
rables comme  nous  (nos  semblables),  impuissants  comme  nous.  »  I,  197. — 
«  Il  n'y  a  que  l'homme  de  misérable.  —  II,  167.  =  Les  misérables,  pour  les 
malheureux,  les  pauvres.  II,  119. 

Misérablement.  Voy.  Décliner,  Vie. 

Misère.  Misères  de  l'homme,  misères  de  grand  seigneur,  de  roi  dépossédé, 
I,  9.  —  «  Orgueil,  contre-pesant  toutes  les  misères.  »  1,  25.  —  Nos  misères 
nous  tiennent  à  la  gorge.  Ibid.  —  La  plus  grande  de  nos  misères.  I,  54. 
Voy.  Mort(la).  —  Grandeur  et  misère  de  l'homme.  1,121/Voy. Incarnation,  Job. 

—  Effroyable  misère  de  l'homme.  I,  175.  —  «  La  misère  persuade  le  déses- 
poir. »  I,  188.  —  Misère  de  l'homme  sans  Dieu.  II,  60.  —  Avec  Jésus-Christ, 
l'homme  est  exempt  de  vice  et  de  misère.  11,63. —  Etat  éternel  de  misère 
des  réprouvés,  II,  333.  —  Misère,  1,  54,  note  3;  II,  108,  note  4.  — 
Voy.  Grandeur. 

Miséricorde.  La  miséricorde  de  Dieu.  II,  102-103.  Cf.  Il,  49.  —  Voy.  Elus, 
Enorme.  Justice. 

Miton.  I,  76  ;  II,  168,  169. 

Mode.  La  mode  fait  l'agrément  et  fait  la  justice.  I,  71.  —  «  La  mode  même 
et  les  pays  règlent  souvent  ce  que  l'on  appelle  beauté.  »  II,  254. 

Modèle.  Un  certain  modèle  d'agrément  et  de  beauté  :  en  quoi  consiste. 
I,  103.  —  «  On  ne  sait  ce  que  c'est  que  ce  modèle  naturel  qu'il  tant  imiter.  » 

I,  104.  Voy.  Testament. 

Modus  quo  corporibus,  etc.,  (S.  Auo.)  I,  8. 

Moeurs.  Suivre  les  mœurs  de  son  pays  :  maxime  la  plus  générale  parmi  les 
hommes.  I,  37.  —  La  science  des  moeurs.  I,  83.  —  La  réformation  des  mœurs. 

II,  81.  —  Tant  de  différentes  et  extravagantes  mœurs  marquent  la  corruption 
de  la  raison.  II,  168.  —  Voy.  Escobartines  (moeurs). 

Moi.  Le  moi  humain  :  sa  nature.  I,  26.  Cf.  II,  153.  —  «  Le  moi  consiste 
dans  ma  pensée.  »  I,  13.  —  Le  moi  distingué  des  qualités.  I,  65.  —  «  Le  moi 
est  haïssable.  »  I,  76  et  91  —  «  Chaque  moi  est  l'ennemi  et  voudrait  être  le 
tyran  de  tous  les  autres.  »  I,  76.  =  «  Moi  qui  pense.  »  I,  13.  —  «  Il  est  injuste 
qu'on  s'attache  à  moi.  »  II,  106  ;  Cf.  II,  110.  —  Certains  auteurs  sentent 
leurs  bourgeois  qui  ont  toujours  un  «  chez  moi  »  à  la  bouche.  II,  119.  —  «  Ce 
n'est  pas  dans  Montaigne,  mais  dans  moi,  que  je  trouve  tout  ce  que  j'y  vois.  » 
II,   154. 

Moïse.  Sa  foi  au  Messie.  I,  172.  —  Envoyé  par  Dieu.  I,  174.  —  «  La  tradi- 
tion d'Adam  était  encore  nouvelle  en  Noé  et  en  Moïse.  »  Ibid.  »  —  Moïse  his- 
torien de  la  création.  I,  212.  —  Etait  habile  homme.  Ibid.  —  Enseigna  la 
Trinité,  le  péché  originel,  le  Messie.  II,  1.  —  A  ordonné  à  tout  le  monde  de 
lire  son  livre.  II,  42.  —  Moïse  et  les  magiciens.  II,  71.  —  «  Les  deux  plus 
anciens  livres  du  monde  sont  Moïse  et  Job.  »  IL  169.  —  Moïse  opposé  à 
Joséphe.  II,  179.  Voy.  David.  — Preuve  de  Moïse.  I,  212,  note  4. 

Moïse  Maymonide.  Il,  200. 

Molinistes.  IL,  177. 

Mon.  Mon  livre,  mon  commentaire,  mon  histoire,  etc.  II,  118-119, 
Voy. Auteur, 

Bonde.  «  Sur  quoi  fondera-t-il  l'économie  du  monde  qu'il  veut  gouverner?  » 


52  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

I,  37.  —  «  Le  monde  juge  bien  des  choses.  »  I,  44.  —  Le  train  du  monde. 
lbid.  —  Le  monde  ne   subsiste    que  par  Jésus-Christ   et  pour  Jésus-Christ. 

II,  48,  63.  Cf.  II,  88.  —  Le  monde  ne  pense  qu'à  danser,  jouer  du  luth,  courir 
la  bague,  etc.  II,  109.  —  Avant  Jésus-Christ,  le  monde  vivait  dans  une  fausse 
paix.  II,  115.  —  «  Le  monde  ordinaire.  »  II,  153.  —  Pascal  s'accuse  d'avoir 
fait  du  monde  l'objet  de  ses  délices.  Il,  226.  —  Le  monde  est  le  bourreau  de 
Jésus-Christ.  II,  230.  —  «  L'Eglise  et  le  monde.  II,  321.  =  Les  deux  mondes. 
]I,  {)]  .  =  Le  monde  visible.  1,1,2.  Voy.  Etendue.  —  Notre  corps  est  un  monde,  à 
l'égard  du  néant.  I,  3.  —  «  Rendre  raison...  de  toute  la  conduite  du  monde 
en  général.  »  I,  176. 

Monnaie.  Voy.  Plaisir. 

Monstre.  L'homme  est  un  monstre  incompréhensible.  1,  121.  Cf.  I,  114.  — 
«  Cette  négligence...  est  un  monstre  pour  moi.  »  1,  138.  —  «  Voilà  un 
étrange  monstre  et  un  égarement  bien  visible.  II,  89. 

Monstrueux.  Une  chose  monstrueuse.  1,  110,  143.  Voy.  Egarement. 

Montagne.  II,  98,  note  3. 

Montaigne.  Sa  doctrine  morale,  I,  cxxv-cxxxn.  —  «  Son  incertitude  roule 
sur  elle-même  dans  un  cercle  perpétuel  et  sans  repos.  »  I,  cxxvi.  —  Est 
pur  pyrrhonien.  1,  cxxvi.  —  Agit  en  païen.  I,  cxxxi.  —  Comparé  avec  Kpictète. 
I,  cxxxn.  Voy.  Sectes.  —  Utilité  et  danger  de  la  lecture  de  Montaigne.  I, 
cxxxv,  —  N'a  pas  vu  la  raison  de  ce  qu'on  s'offense  d'un  esprit  boiteux.  I, 
62-63.  —  «  Montaigne  est  plaisant  de  ne  pas  voir,  »  etc.  I,  04,  —  Confusion 
de  Montaigne.  I,  80.  —  Critiqué.  I,  80,  82,  99.  —  «  Le  sot  projet  qu'il  a  de 
se  peindre  1  »  1,  80  et  92.  —  Sa  manière  d'écrire.  I,  101.  —  Dilemme  dans 
Montaigne.  I,  144.  —  Renvoi  à  Montaigne.  1,  173;  II,  48.  —  Défauts  de  Mon- 
taigne. II,  98.  —  Ses  sentiments  sur  les  miracles.  Il,  162.  —  Appelé  par 
Pascal.  «  l'incomparable  auteur  de  VArt  de  Conférer  ».  II,  304.  —  Voy. 
Capacité,  Moi. 

Montalte.  II,  117,  note  1. 

Montre,  pour,  démonstration,  parade.  «  Qui  ne  peut  résister  à  cette  montre 
si  authentique.  »  1,  33.  —  Faire  montre.  I,  104. 

Montre  (d'horlogerie)    «  Ils   ne    savent  pas  que  je  juge  par  ma  montre.  » 

I,  98  et  108. 

Morale.  Principe  de  la  morale.  I,  11,  Voy.  Penser.  —  La  morale, 
manque  d'un  point  fixe  pour  juger.  I,  71.  —  Critique  des  divisions  de  la  mo- 
rale. I,  78.  —  «  La  vraie  morale  se  moque  de  la  morale.  »  I,  106.  —  Toute  la 
morale  consiste  en  la  concupiscence  et  en  la  grâce.  II,  88.  —  Les  anciens 
philosophes  ont  conduit  leur  morale  indépendamment  de  la  question  de  l'im- 
mortalité de  Pâme.  II,  111.  —  «  Morale  et  langage  sont  des  sciences  particu- 
lières, mais  universelles.  »  II,    116.    —    «    La    corruption    de    la  morale.  » 

II,  342.  —  Morale.  II,  112,  note  2. 
Mordre,  au  figuré.  Voy.  Pluralité. 

Mort  (La).  La  mort  d'un  Dieu  a  été  le  remède  du  péché.  I,  cxxxv.  —  «  Les 
hommes  n'ayant  pu  guérir  la  mort,  la  misère,  l'ignorance,  ils  se  sont  avisés, 
pour  se  rendre  heureux,  de  ne  point  y  penser.  »  I,  54.  —  «  La  mort  est  plus 
aisée  à  supporter  sans  y  penser,  que  la  pensée  de  la  mort  sans  péril.  » 
I,  87.  —  L'espérance...,  de  malheur  en  malheur,  nous  mène  jusqu'à 
la  mort,  qui  en  est  un  comble  éternel.  I,  117.  —  La  mort  nous  menace 
à  chaque  instant.  I,  138.  —  «  Ce  que  j'ignore  le  plus  est  cette  mort 
même  que  je  ne  saurais  éviter.»  1,139.  —  Comment  il  faut  craindre  la  mort... 
Mort  soudaine  seule  à  craindre.  II,  162.  —  Lettre  sur  la  mort  de  M.  Pascal 
le  père.  Il,  235-217.  —  Erreur  de  croire  la  mort  naturelle  à  l'homme.  II,  237. 
—  La  mort  est  une  peine  dn  péché,  lbid.  —  Peut  seule  délivrer  l'âme  de  la 
concupisc  nce  des  membres  lbid.  —  Sans  Jésus-Christ,  elle  est  horrible, 
détestable;  en  Jésus-Christ  elle  est  la  joie  du  fidèle.  II,  240.  —  Horreur  de 
la  mort  naturelle  à  Adam  innocent.  II.  242.  —  Origine  de  l'horreur  de  la 
mort,  et  cause  de  sa  défectuosité,  lbid.  —  «  La  mort  est  le  couronnement  de 
la  béatitude  de  l'âme,  et  le  commencement,  de  la  béatitude  du  corps.  »  II, 
244,  —  «  Les  ombres  de  la  mort  »  (Expression  biblique),  lbid.  —  La  mort 
du  corps  n'est  que  l'image  de  celle  de  Pâme.  II,  215.  —  Ce  qui  fait  souhaiter 
la  mort.  II,  334,  313.  —  Voy.  Conduire,  Martyrs,  Repos. 

Mort  (adjectif).  Le  juste  :  mort,  vivant:  vivant,  mor4.  II,  91.  =  Les 
morts.  II,  211,215.  Voy.  Charité,  Eucharistie. 

Mortifier,  Ceux   qui   avertissent  des  défauts   mortifient.  II,  157.  —  «  La 


ÎÀBLE   \\  \\a  riQI  E  Et  LEXIQUE.  te 

mort  est  oécessa ire  pour  mortifier  entièrement  cette  malheureuse  racine  (du 
péché).  "  II.  '>V-'>. 

Mot,  Diseur  de  bons  mots.  I,  70.  —  Mois  répétés  dans  le  discours-  1,  102. 

—  «  Les  mots  diversemenl  rangés  tout  un  divers  sens.  »  11,177.  Cf.  1,  99. 
=-•  ««  11  y  a  des  mois  incapables  d'être  définis.  »  11,  283.  —  «  Mois  pri  ■ 
mi  tifs.  »  11,  186.       Montaigne  montre  qu'il  ne  faut  pas  juger  de  la  capacité 

d'un  homme  par  l'excellence  d'un  bon  moi  qu'on  lui  entend  dire.  Il,  304.  — 
K  Je  liais  ces  mois  d'enflure.  »  II,  308. 

Motus,  etc.  Il,  285.  Voy.  Mouvement. 

Moochb.  Une  mouche  tient  la  raison  de  l'homme  en  échec.  I,  40.  —  «  La 
puissance  'les  mouches.  >-  II,  176. 

Moucheb  (substantif).  11,  163.  Voy.  Le. 

MOURIR.  «  On  mourra  seul.  »  I,  197.  -  <»  Ne  suis-je  pas  prêt  à  mourir?  et 
ainsi  L'objet  de  leur  al  lâchement  mourra.  »  11,  106.  Cf.  1,  iaxxiv.  —  Est- 
ce  courage  a  un  homme  mourant  d'affronter  Dieu?  Il,  107.  —  «  Plusieurs 
pensent  se  porter  bien  quand  ils  sont  pioche  de  mourir.  »  II,  loi.  •=  Mourir 
à.  «  Jésus-Christ  est  morl  à  cette  vie  mortelle.  »  11,  243.  —  «  L'âme  souffre 
et  meurt  au  péché  dans  la  pénitence  et  dans  le  baptême.  »  Ibid. 

Moussk.  «  Nos  instruments  sont  trop  mousses.  »  I,  35. 

MOUVEMENT.  Les  philosophes  attribuent  aux  esprits  le  mouvement  d'une 
place  à  une  autre,  1,  8.  —  Le  mouvement  perpétuel.  I,  89.  —  «  Le  moindre 
mouvement.  »  U,  150.  —  Prétendue  définition  du  mouvement  [Motus  nec 
Simpliciter  actus,  etc.).  II,  285.  —  Rapports  du  mouvement,  du  nombre  et 
de  l'espace.  II,  287.  =  Au  figuré.  Mouvements  naturels  de  crainte.  1,  cxxxi. 

—  Mouvement  de  l'àme.  I,  77.  —  Mouvements  de  bassesse;  mouvements  de 
grandeur  et  de  gloire.  I,  183,  188.  —  Mouvements  de  grâce.  11,201.  —  Mou- 
vements d'horreur.  II,  241.  —  Voy.  Charité,  Coeur. 

Moyen.  Voy.  Croire.  Délibérer,  Passé,  Pauvreté. 

Muet.  c(  Cm  regardant  tout  l'univers  muet.  »  I,  175. 

Multitude.  Considération  de  la  nature  de  l'homme  selon  la  multitude.  I, 
12.  —  L'unité  et  la  multitude  (dans  l'Eglise).  II,  120,  122.  —  L'infaillibilité 
dans  la  multitude  paraît  naturelle.  II,  122. 

Mystkke.  «  Nos  magistrats  ont  bien  connu  ce  mystère.  I,  33.  —  On  se 
fait  des  mystères  des  obscurités  de  l'antiquité.  II,  266.  —  Le  mystère  le  plus 
éloigné  de  notre  connaissance   est  celui  de  la  transmission    du  péché.  I,  115. 

—  Mystère  du  jugement  de  Jésus-Christ  II,  101-102.  —  Le  Mystère  de  Jésus. 
II,  206-211.  Cf.  II,  330.  —  Voy.  Pénitenck. 

Mystérieux.  Etre  capable  d'être  mystérieux.  II,  42. 

Mystique.  Sens  mystique.  Voy.  Ecriture,  Sens.  =  Pour,  mystérieux,  se- 
cret. I,  38.  Voy.  Fondement. 

N 


N.  (M.)  II,  331,  354. 

Nabuchodonosor.  II,  40. 

Naissance.  Par  droit  de  naissance.  I,  60.  Voy.  Mal.  —  Hasard  de  la  nais- 
sance. II,  351.  —  Elle  dépend  des  mariages,  qui  dépendent  de  mille  hasards. 
lbid.  —  Première  naissance,  seconde  naissance,  II,  03.  Voy.  Pélagtens. 

Naïveté.  «  Vous  le  devez  faire  (le  personnage  de  gueux)  avec  toute  la  naï- 
veté qui  vous  sera  possible.  »  I,  cxxiv. 

Nature.  La  nature,  pour  l'universalité  des  choses  créées.  Vue  générale 
de' la  nature.  I,  1.  — Tout  ce  monde  visible  n'est  qu'un  trait  imperceptible 
dans  l'ample  sein  de  la  nature.  »  Ibid,.  —  Qu'est-ce  que  l'homme  dans  la 
nature?  »  I,  3.  —  «  L'étendue  de  la  nature.  »  I,  5.  —  «  L'homme  n'est 
qu'un  roseau,  le  plus  faible  de  la  nature.  »  1,  10.  —  La  nature  ne  peut  prou- 
ver Dieu  I,  155:  II,  60.  —  «  La  nature  ne  m'offre  rien  qui  ne  soit  matière 
de  doute  et  d'inquiétude.  »  I,  197.  =  Pour,  la  puissance  des  choses  natu- 
relles. «  La  nature  ne  s'assujettit  pas  à  ses  propres  règles.  »  I,  43.  —  «  La 
nature  soutient  la  raison  impuissante,  et  l'empêche  d'extravaguer  jusqu'à  ce 
point  (dans  le  pyrrhonisme).  »  I,  114.  —  «  La  nature  confond  les  pyrrho- 
niens.  »  lbid.  —  «  Taisez-vous,  nature  imbécile!  »  lbid.  —  Ce  que  notre 
âme  appelle  et  croit  la  nature.  I,  148.  Cf.  II,  108.  —  La  nature  n'est  que 
l'image  de  Dieu.  II,  119.  —   La  nature  agit   par  progrès}  itus  et  reditus.  » 


54  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

11,  12  V.  —  «  La  nature  recommence  toujours  les  mêmes  choses.  »  II,  151.  - 
«  Quelle  raison  a  eue  la  nature...  ?  »  11,  153.  —  «  Il  ne  faut  pas  juger  de 
la  nature  selon  nous,  mais  selon  elle.  »  lbid.  «  La  nature  s'imite.  »  11,  163. 
—  Les  deux  infinis  naturels  et  moraux  de  la  nature.  Il,  168.  Cf.  I,  3-4.  Voy. 
Infini.  =  Pour,  l'essence,  les  attributs,  la  condition  naturelle  d'un  être  ou 
d'une  chose.  La  nature  du  moi.  I,  26.  —  La  nature  du  fini,  de  l'infini,  de 
Dieu,  etc.  1,  140-149.  —  La  nature  de  l'homme.  1,  170,  178;  11.  150,  167. 
Voy.  Homme.  —  Corruption  de  la  nature  (humaine).  1,140, 176,  183,184, 186;  11, 
60,  168.  — Les  deux  natures,  humaine  et  divine,  unies  en  Jésus-Christ.  1,  176. 
Voy.  Rédempteuk.  —  L'union  des  deux  natures  en  Jésus-Christ,  source  de 
plusieurs  vérités  qui  semblent  se  contredire.  II,  91.  —  Deux  états,  deux  na- 
tures en  nous.  I,  184  ;  II,  152.  Voy.  Instinct.  —  «  La  nature  de  l'homme  est 
toute  nature,  omme  animal.  »  II,  167.  —  La  vraie  nature  étant  perdue, 
tout  devient  sa  nature.  »  lbid.  «=•  Pour,  le  naturel.  La  nature  opposée  à  la 
coutume.  1,  36.  —  J'ai  bien  peur  que  cette  nature  ne  soit  elle-même  qu'une 
première  coutume.  »  I,  42.  Cf.  II,  168.  —  S'éloigner  de  la  nature.  Suivre  la 
nature.  1,  70.  —  «  Masquer  la  nature  et  la  déguiser.  »  1,  102.  —  «  La  nature 
peut  parler  de  tout,  et  même  de  théologie.  »  I,  105.  —  «  La  nature,  qui 
seule  est  bonne,  est  toute  familière  et  commune.  »  II,  307.  —  Après  avoir 
entendit  la  nature  de  Vhomme.  I,  170,  note  1.  —  Nature  corrompue. 
II,  155,  note  3. 

Naturel.  Principes  naturels.  I,  41.  —  Modèle  naturel  qu'il  faut  imiter.  I, 
104.  —  Effet  d'un  discours  naturel,  lbid.  —  «  Il  n'y  a  rien  qu'on  ne  rende 
naturel;  il  n'y  a  naturel  qu'on  ne  fasse  perdre.  »    II,  167.  —  Voy.  Mort  (la). 

Nazareth.  Pourquoi  Jésus-Christ  ne    ait  pas  qu'il  n'en  est  point.  Il,  51. 

Ne.  Ellipse  de  ne  dans  l'interrogation.  Il,  161. 

Ne  quid  nimis.  I,  75. 

Néant.  L'homme  dans  la  nature  est  un  néant  à  l'égard  de  l'infini,  un  tout  à 
l'égard  du  néant.  I,  3.  —  «Il  ne  faut  pas  moins  de  capacité  pour  aller  jus- 
qu'au néant  que  jusqu'au  tout.  »  I,  4.  —  Grande  marque  du  néant  de  notre 
propre  être.  I,  24.  —  «  Nous  faisons  de  l'éternité  un  néant,  et  du  néant  une 
éternité.  »  I,  37.  —  Tomber  dans  le  néant.  1,  140.  —  «  Vous  verrez...  tant 
de  néant,  de  ce  que  vous  hasardez.  »  I,  153.  —  Sentir  son  néant.  Il,  154.  — 
Les  mouvements,  les  nombres,  les  espaces,  les  temps  se  soutiennent  tous 
entre  le  néant  et  l'infini.  II,  288.  —  «  Un  pur  néant  de  durée.  »  lbid  .  — 
«  Il  y  a  bien  de  la  différence  entre  n'être  pas  une  chose  et  en  être  un  néant.  » 
II,  293.  —  L'âme  convertie  considère  comme  un  néant  tout  ce  qui  doit 
retourner  dans  le  néant.  II.  316. 

Nécessaire.  «  Il  n'est  pas  bon  d'avoir  touc  le  nécessaire.  »  II,  165.  —  «  Je 
ne  suis  pas  un  être  nécessaire.  »  I,  13. 

Nécessité  (participe),  pour,  forcé,  contraint.  «  Etant  nécessités  d'être  con- 
vaincus. »  II,  79. 

Négligence,  pour,  indifférence  en  fait  de  religion.  I,  137,  138.  =*>  Négli- 
gent, dans  le  même  sens.  I,  212. 

Nemo  ante  obitum  beatus  est.  II,  156. 

Net,  pour,  propre,  II,  165.  =  «  Un  esprit  grand  et  net.  »  II,  252. 

Netteté.  «  La  netteté  d'esprit  cause  aussi  la  netteté  de  la  passion.  » 
11,252. 

Neutralité.  Est  l'essence  de  la  cabale  pyrrhonienne.  1,114. 

Neutre.  «  Demeurer  neutre.  »  I,  114.  —  «  Ils  sont  neutres,  indifférents.  » 
lbid.  Voy.  Pyrrhonien. 

Nez.  Le  nez  de  Cléopâtre.  I,  84. 

Niaiser  (nugari).  «  H  y  a  des  temps  de  niaiser.  »  II,  292. 

Nicodème.  II,  69. 

(Nicole).  Désigné.  II,  300. 

Niveau    «  Ils  y  sont  tous  à  même  niveau.  »  I,  79  et  91. 

Noblesse.  «  Le  peuple...  ne  connaît  pas  peut-être  ce  secret.  Il  croit  que 
la  noblesse  est  une  grandeur  réelle.  »  II,  352.  —  Que  la  noblesse  est  un 
grand  avantage,  qui  dès  dix-huit  ans  met  un  homme  en  passe.  I,  65. 

Noé.  Figure  du  Messie.  I,  172.  —  Envoyé  et  sauvé  par  Dieu.  I,  174. 

Noeud.  «  Le  nœud  de  notre  condition  prend  ses  replis  et  ses  tours  dans 
cet  abîme.  »  I,  115  et  219.  —  Dieu  nous  a  caché  le  nœud  de  notre  être.  II,  94. 

Noirceur  (alra  bilis).  Voy.  Ennui. 

Nombre.  «  Le  nombre  infini.  »  I,  189  et  191.  —  «  Les  nombres  imitent 
i'esjiace.  »   II,  164.  —  Rapports   du  mouvement,  du    nombre   et  de  l'espace. 


BLË  ANALYTXMï;  ET  LEXÎQllA.  5°* 

IL  287.  Voj.Nrant.  —  Signification  «lu  mot  dénombre.  11,29;*.  Voy.  Euclide. 

Non.  «  !..  Où  non  les 'lettres  .sont  changées  <m  lettres,  mais,  etc.  (ctrastr. 
latine).  »  i.  103.  \ua  pas,  entre  deux  que.  11,  94.  —  Entre  que  et  £wewd . 
Il, 

Nonchalance.  Voy.  Cont><   < ,  uw  qui  sut  la  confiant  e  etc. 

Nonobstant.  «  Et,  nionobstaut  toutes  ces  oppositions,  etc.  (terme  da 
Palais).  »  11,  25. 

\  iurrici.  Voy-  Enceinte  (adjectif). 

RSia,  Nourriture  (dans  les  attributs  de  Jésus-Christ).  II,  27. 

Nouveau.  Comment  Pascal  est  nouveau.  1,  99.  =  Langage  nouveau,  cœur 
nouveau,  esprit  nouveau,  cantique   nouveau.  U,  331-332.  Voy.  Vieil  (hom )• 

Nouveauté.  Los  charmes  de  la  nouveauté.  1,  34.  Cf.  Il,  237.  —  «  Quelle 
nouveauté  (que  L'homme)  t  »  I,  Il  i.  —  «  Quand  on  aime  fortement,  c'est  ion- 
jours  une  nouveauté  île  voir  la  personne  aimée.  »  1J,  262.  —  «  Cette  nouveauté 
(|ui  ne  peut  déplaire  à  Dieu...  est  ditlérente  des  nouveautés  de  la  terre.  »  11, 
332. 

Nouvelle.  »  Je  leur  annonce  une  heureuse  nouvelle  :  il  y  a  un  libérateur 
pour  eux.  »  II,  10. 

Nument.  «  L'on  ne  souhaite  pas  nûmont  une  beauté.  »  11,  251. 

Numéro.  «  Identité  de  numéro.  »  11,  202. 


0  ridicolosissimo  eroe  f  I,  41. 

Obéir.  «  Il  serait  bon  qu'on  obéit  aux  lois  et  coutumes  parce  qu'elles  sont 
lois.  »  I,  82.  —  «  Il  est  meilleur  d'obéir  à  Dieu  qu'aux  hommes.  »  II,  118.  — 
Voy.  Chartreux. 

Obéissance.  «  On  ne  fût  entré  dans  l'obéissance  de  l'Evangile...  »  II,  244. 

Oblation.  L'oblatiou  et  la  sanctification,  dans  le  sacrifice  de  Jésus-Christ. 
11,  238-239. 

Obligé.  «  Vous  lui  êtes  bien  obligée  (à  l'Eglise).  »  II,  329. 

Obscurcir.  «  Pour  éclairer  les  uns  et  obscurcir  les  autres.  »  II,  96. 

Obscurcissement.  «  Les  obscurcissements  de  l'âme.!,  cxxvni. 

Obscurité.  «Je  ne  vois  partout  qu'obscurité.  »  I,  197. —  Sans  1  Ecriture... 
nous  ne  voyons  qu'obscurité  et  confusion  dans  la  nature  de  Dieu..-  »  11,  63. 
=  Au  pluriel.  «  Des  obscurités  se  multiplient  par  le  commentaire.  »  I,  cxxvi. 

—  Obscurités  de  l'Ecriture  et  de  la  religion.  1,  174;  II,  1,  4-2.48-52,  89,  96. 

—  «  Qui  mêle  des  obscurités  parmi  des  choses  claires  qui  arrivent.  »  11,  186. 
=  Pour,  état  obscur.  Obscurité  de  Jésus-Christ.  11.  17.  —  On  peut  aimer 
l'obscurité  totale  ;  un  peu  d'obscurité  déplaît.  II,  116. 

Occasionné.  Passions  occasionnées  par  le  corps    II,  252. 

Occupation.  «  Toutes  les  occupations  des  hommes  sont  à  avoir  du  bien.  » 
I,  41.  —  «  Ils  ne  cherchent  en  cela  qu'une  occupation  violente  et  impétueuse 
qui  les  détourne  de  penser  à  soi.  »  1,  50.  Voy.  Divertissement.  —  Ennui  de 
quitter  ses  occupations,  et  d'y  retourner.  II,  166. 

Occuper.  «  On  ne  peut  trop  occuper  les  nommes  et  les  détourner.  »  I,  48. 
Cf.  1,  52. 

Odorer.  «  Dieu  a  odoré  et  reçu  l'odeur  du  sacrifice.  »  II,  238. 

OEil.  Voy.  Yeux  (les). 

Œuvres.  Œuvres  extérieures.  II,  177.  —  Les  bonnes  œuvres.  II,  328.  Voy. 

Ppr  TOIT 

Offices.  II,  28,  note  2. 

Oiseaux.  Le  ciel  et  les  oiseaux  ne  prouvent  pas  Dieu.  II,  204. 
Ombre.  Voy.  Mort  (la). 
Omne  animal.  Voy.  Nature. 
Omnes.  Voy.  Hérésie. 

Opinion  Vanité  et  faiblesses  des  opinions.  1,  cxxvi-cxxvn.  —  «  Ainsi  se 
vont  les   opinions  succédant   du  pour  au    contre,  selon  qu'on  a  de  lumière.  » 

—  Les  opinions  du  peuple  sont  saines.  I,  60,64.  —  «  L'opinion  est  comme  la 
reine  du  monde.  »  1,  61.  Cf.  I,  34. —  «  Le  combat  des  opinions.  »  I,  80.  Voy. 
Vérité.  —  «  Toute  opinion  peut  être  préférable  à  la  vie.  »  I,  82.  —  «  La 
vérité  de  Jésus-Christ  demeure  parmi  les  opinions  communes.  »  II,  51.  —  La 
force  et  l'opinion.  II,  125.—  Les  opinions  relâchées.  II,  117. —  Deux  entrées 


86  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

des  opinions  dans  l'âme.  II,  296.  —  Opinions  du  peuple  saines,  f,  60,  note 
5;6i,  note  2. 

Opposition.  «  Ces  oppositions  que  nous  avons  à  Dieu  et  à  notre  propre 
bien.  »  I,  182.  Cf.  II,  25, 

Oppression.  «  Les  dernières  oppressions.  »  II,  201. 

Ordinaire.  Il    faut   mesurer    la    vertu   d'un    homme    par    son    ordinaire. 

I,  79. 

Ordre.  «  Le  cœur  a  son  ordre  ;  l'esprit  a  le  sien.  I,  102.  —  L'ordre  de  la 
charité  :  en  quoi  consiste.  Ibid.  —    Trois    ordres    différents    de    grandeur. 

II.  15.  —  L'ordre  de  Dieu.  «  Il  ne  faut  adorer  que  son  ordre  »  II,  116.  = 
«  L'ordre  de  la  pensée  est  de  commencer  par  soi,  et  par  son  auteur  et  sa  fin.  » 
II,  109.  —  Ordre  géométrique.  II,  279,  282.  —   Ordre  par  dialogues,  II,  174. 

—  En  quoi  consiste  le  véritable  ordre.  II,  281-282.  —  Voy.  Dernier.  = 
D'ordre  {ex  ordine)  :  «  En  exposant   d'ordre  les  causes  de  l'amour.  »  I,  102. 

—  Ordre.  I,  78,  note  4  :  II,  90.  note  1 :  101,  note  1  et  4  ;  174,  note  2;  204, 
note  1.  Cf.  I,  156. 

Ordure.  «  Que  le  cœur  de  l'homme  est  creux  et  plein  d'ordure  !  »  I,  48. 

Oreille.  Voy.  Coeur. 

Oreiller.  Voy.  Ignorance. 

Orgueil.  «  Orgueil,  contre-pesant  toutes  les  misères.  I,  25.  Cf.  II,  89.  — 
Une  des  deux  maladies  principales  de  l'homme.  I,  184.  —  L'orgueil  et  la  pa- 
resse sont  les  deux  sources  de  tous  les  vices.  I,  186  Cf.  I,  cxxxm  .  II,  102.  — 
«  L'orgueil  persuade  la  présomption.  »  I,  188.  —  Orgueil  et  désespoir.  II,  18, 
62.  Cf.  I.  187.  —  «  Orgueil  de  la  vie.  »  II,  103,  199.  Voy.  Concupiscence, 
-  Orgueil.  1,  26,  note  1. 

Orgues.  L'homme  comparé  à  des  orgues.  Il,  175. 

Orient.  «  Les  six  orients  à  l'entrée  des  six  âges.  »  II,  170. 

Original.  «  A  mesure  qu'on  a  plus  d'esprit,  on  trouve  qu'il  y  a  plus  d'hommes 
originaux.  »  I,  95.  —  «  A  mesure  que  l'on  a  plus  d'esprit,  l'on  trouve  plus 
de  beautés  originales.  »  II,  256.  =  «  Chacun  a  l'original  de  sa  beauté.  »  II, 
254. 

Originel.  Voy.  Péché. 

Osée.  Ses  prédictions.  II,  7. 

OTER.La  maladie  ôte  la  science.  1,41.  —  «  L'équivoque  est  ôtée.  »  II,  10.  — 
«  Ce  vilain  fond...  n'est  pas  ôté.  »  II,  121.  —  «  Otés  ceux  qui  sont  intéressés.  » 
II,  235.  —  Voy.  Sceptre. 

Ourli.  «  Oubli  du  monde  et  de  tout,  hormis  Dieu.  »  I,  cvn. 

Ourlier.  «  Cela  me  fait  souvenir  de  ma  faiblesse,  que  j'oublie  à  toute 
heure.  »  I,  85.  Voy.  Pensée.  =  S'oublier,  pour,  ne  pas  connaître  ce  qu'on  est. 
II,  353. 

Outre.  Voy.  Passer. 

Ouvrage.  Quelle  est  la  dernière  chose  qu'on  trouve  en  faisant  un  ouvrage. 
I,  105.  —  S'éloigner  de  son  ouvrage,  pour  en  juger.  II,  163.  Voy.  Entrer, 
Peintre. 

Ouvrir.  «  La  mort,  qui  la  doit  ouvrir  (l'éternité).  »  I,  143. 


Païen.  La  religion  païenne.  II,  41.  Voy.  Fondememt.  —  Le  peuple  païen. 

H,  71. 

Païen  .  Comparaison  des  païens  avec  les  Juifs  et  les  chrétiens.  I,  211.  — 
La  conversion  des  païens  réservée  à  la  grâce  du  Messie.  II,  18.  —  «  L'aban- 
don de  Dieu  paraît  dans  les  païens.  »  II,  49.  —  Prophéties  sur  les  païens. 
II  56-58.  —  La  part  des  païens  et  des  épicuriens.  II,  61.  —  Les  exemples 
des  païens  ne  nous  touchent  pas.  II,  97.  —  «  Tous  les  païens  disaient  du  mal 
d'Israël.  »  II,  109. 

Paix.  I,  cvi.  —  La  paix  est  le  souverain  bien.  I,  71.  —  Peuples  qui  aiment 
mieux  la  mort  que  la  paix.  I,  81-82.  —  Fausse  paix  du  monde  avant  Jésus- 
Christ.  II,  115.  —  Paix  apportée  par  Jésus-Christ.  11,334. 

Pan.  «  Le  grand  Pan.  »  Voy.  Prophétie. 

Pape.  On  ne  propose  plus  que  le  pape...  Le  pape  a  été  surpris,  prévenu... 
Ce  qui  en  résulte.  Il,  80.  —  «  Jusqu'à  ce  qu'il  vienne  un  pape  qui  écoute 
les  deux  parties.  »  II,  117.  —  Désigné.  II,  118.  —  On  aime  que  le  pape  soit 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE,  5? 

infaillible  en  la  foi.  »  II,  120.  —  Comment  il  faut  juger  le  pape...  Puissance 
du  pape.  Ibid.  —  Ce  qu'est  le  pape  dans  l'Eglise.  II,  122  —  Le  con- 
cile est  au-dessus  du  pape.  Tbid.  Voy.  FRANCE.  —  l'oint  de  salut  hors  de  la 
Communion    du    pape  :   Pascal    ne   s'en    séparera  jamais.    II,  328  et  347.  Voy. 

Zble. —  Eglise,  Pape.  11.  l--\ note  3. 

Papier.  «  Il  faut  mettre  papiers  sur  table.  »  II,  108. 

PAPISTES.  Les  papistes  excluent  la  multitude.  II,  120. 

Paradoxe.  L'homme  est  on  paradoxe  à  lui-même.  1,  114. 

Paraître  [conspici).  «  Nous  nous  efforçons  pour  cela  de  paraître.  »  I,  24. 

—  Faire  paraître.  «  Il  y  a  si  peu  île  personnes  à  qui  Dieu  se  fasse  paraître 
par  ces  coups  extraordinaires.  »  II,  319, 

Par-dessus.  «  Que  la  consolation  de  la  grâce  l'emporte  par  dessus  les  sen- 
timents de  la  nature.  »  II,  244. 

Parents.  Une  âme  véritablement  touchée  de  Dieu  considère  comme  un 
néant  ses  parents,  ses  amis,  ses  ennemis,  etc.  II,  316. 

Paresse.  Source  de  tous  les  vices.  I,  186.  Voy.  Orgueil. 

Parfait.  Voy.  Science. 

Parier.  Il  faut  parier  pour  ou  contre  Dieu.  I,  150  et  159-166.  —  «<  On  me 
force  à  parier,  et  je  ne  suis  pas  en  liberté.  »  I.  152. 

Paris.  «  Il  y  a  des  lieux  où  il  faut  appeler  Paris  Paris,  etc.  »  I,  102. 

Parler.  Il  y  en  a   qui  parlent  bien  et  qui  n'écrivent  pas  bien  :  pourquoi. 

I,  99.  =«  Si  un  animal    parlait   par   esprit    ce  qu'il   parle  par  instinct...  » 

II,  151. 

Parole.  «  Les  sens  reçoivent  des  paroles  leur  dignité.  »  I,  105.  =  La 
parole  de  Dieu.  Quand  elle  est  fausse  littéralement,  elle  est  vraie  spirituelle- 
ment. II,  8. 

Part.  «  C'est  la  part  des  païens  et  des  épicuriens.  »  11,61.  Voy.  Portion. 

—  La  part  que  y  prends  à  votre  déplaisir.  II,  154. 

Partace.  «  Le   partage  qu'il  y  a  entre  les  femmes  sur  l'estime  des  unes 
ou   des    autres    fait  aussi  le  partage  entre  les  hommes,  etc.  »  II,  254. 
Partagé.  Voy.  Beauté 
Parti.  Les    partis,  ou  la  règle    des  partis.  1,62,  151    et  161;  II,  95,  124 

—  Dans  le  même  sens  :  «  Le  parti.  »  I,  151,  154;  II,  168.  —  «  Cela  est  tout 
parti.  »  1,  151.  —  Partis.  II,  95,  note  4. 

Participation.  La  religion  chrétienne  élève  les  justes  jusqu'à  la  partici- 
pation de  la  divinité  même.  I,  187. 

(Participe,  en  construction  absolue.)  «  N'y  ayant  rien  de  si  inconcevable 
que  de  dire. ..  »  I,  7.  —  «  Etant  juste  et  qu'ils  nous  connaissent  ..  et  qu'ils 
nous  méprisent.  »  1,27. —  «  N'y  ayant  point  de  certitude,  hors  la  foi...  »  I, 
113.  —  «  Etant  nécessaire...  et  qu'ils  subsistent...  et  qu'ils  soient  misé- 
rables. »  II.  40.  —  «  Etant  difficile  que  ceux  qui  se  regarderaient  intérieu- 
rement, etc.  »  II,  353. 

Partie.  Première  et  seconde  partie  (du  plan  de  Pascal).  II,  60.  Voy.  Pré' 
face,  et  Seconde  partie  :  etc. 

Pas  aussi.   Pour,  pas  non  plus.I,  13,  26,  89,  etc.  Voy.  Aussi. 

Pascal.  Son  amour  de  la  pauvreté  et  des  pauvres.  I,  lxxx,  lxxxvi,  xc.  — 
Son  zèle  pour  la  gloire  de  Dieu  et  pour  le  service  du  roi.  I,  lxxxv.  —  Ses 
idées  sur  la  puissance  royale.  Ibid.  Voy,  Répurlique.  Ce  qui  l'a  le  plus  tôt 
conduit  à  la  véritable,  religion.  I,  186.  —  Ses  sentiments  expliqués  par 
lui-même.  II.  118-119.  —  Sur  la  philosophie  de  Descartes.  II,  148.  — Sa 
tendresse    pour   ses  sœurs.  11,246.  —  Sa  logique    II,  301.  — Voy.  Famille. 

Pascal  (M.)  le  père.  Lettre  sur  sa  mort.  II,  235-247.  —  Son  fils  lui  doit 
son  salut.  II,  246. 

Passant.  «  Un  homme  qui  se  met  à  la  fenêtre  pour  voir  les  passants,... 
puis-je  dire  qu'il  s'est  mis  là  pour  me  voir?  »  I,  65. 

Passe.  Mettre  en  passe.  1,65.  Voy.  Norlesse. 

Passé.  «  Nous  rappelons  le  passé,  pour  l'arrêter  comme  trop  prompt.  » 
I,  36.  —  Nos  pensées   sont  toujours  occupées   au   passé  et  à  l'avenir.  I,  37. 

—  «  Le  passé  et  le  présent  sont  nos  moyens;  le  seul  avenir  est  notre  fin.  » 
Ibid.  —  «  Le  passé  ne  nous  doit  point  embarrasser.  »  II,  339. 

Passer,  pour,  être  au-dessus  de  la  portée  de  l'esprit:  «  L'homme  passe 
infiniment  l'homme.  »  I,  114.  —  «  Ce  ?ont  choses...  qui  passent  notre 
capacité  présente.  »  I,  187.  Cf.  II,  231.  =  Passer  outre   I,  1,  6. 

Passion.  La  passion  de  Jésus-Chist  s'achève  dans  ses  membres,  c'est-a- 
diredans  les  fidèles  prédestinés.  11,232,  237. 

h.  28 


5»  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Passions.  «  Les  passions  de  l'âme  troublent  les  sens.  »  I,  45.  —  «  Il  y  a 
du  plaisir  à  voir  deux  passions  contraires  se  heurter.  »  I,  80.  —  «  En 
sachant  la  passion    dominante  de    chacun,  on  est  sûr  de  lui  plaire.  »  I,  100. 

—  «  Les  passions   sont   toujours  vivantes  dans  ceux  qui  y  veulent  renoncer.  » 

I,  120.  —  Guerre  intestine  de  l'homme  entre  la  raison  et  les  passions,  II, 
111.  —  Ce  que  le  juste  doit  accorder  à  ses  passions.  II,  172.  —  «  Les  passions 
dominées  sont  vertus.  »  Ibid.  et  219.  Voy.  Vice.  —  Quelque  étendue 
d'esprit    que    l'on    ait,  l'on  n'est  capable  que    d'une  grande,  passion  »  11,251. 

—  Les  passions  sont  en  proportion  de  l'esprit.  II,  252.  —  «  Il  y  a  des  passions 
qui  resserrent  l'âme,... ily  enaqui  l'agrandissent.  »  11,259.  —Voy. Plénitude.» 
Pour,   affections    (physiques),  infirmités.    II,  100.   Cf.    I,  cxxvn,    75;  II,  251 

Patois.  «    Elle    est    toute    le    corps    de    Jésus-Christ,   en  son  patois.  ». 

II,  201 . 

Patriarches.    La    longueur    de   leur  vie  servait  à  conserver  les  histoire* 
des  choses  passées.  1,213. 
Patrie.  Voy.  Sort. 
Paul   (Saint).    Est    venu    apprendre   aux  hommes  la  doctrine  des  figures. 

I,  200.    Voy.  Royaume.  —  Nous  donne  le  chiffre.  II,  5.  —  Opposé  à  Barjesu. 

II,  72.  —  «  Saint  Paul  est  venu  en  sagesse  et  signes.  »  II,  160.  —  Saint 
Paul  et  Corneille  rapprochés.  II,  165.  Voy.  Caractère.  —  Comment  parle 
du  mariage.  II,  184.  Voy.  Ratière.  —  Cité  II,  74,  332,  336,  338.  —  Voy. 
Echauffer. 

Paul-Emile,  comparé  à  Persée.  1,9,10. 

Pauvre.  «  J'ai  remarqué  (disait  Pascal)  que.  quelque  pauvre  que  Ton  soit, 
on  laisse  toujours  quelque  chose  en  mourant.  »  I,  lxxx. 

Pauvreté.  «  J'aime  la  pauvreté,  parce  que  Jésus-Christ  l'a  aimée.  »  II 
119.  Cf.  1,  lxxxvi.  —  «  Je  suis  merveilleusement  persuadé  (disait  Pascal), 
que  la  pauvreté  est  un  grand  moyen  pour  faire  son  salut.  »  I,  lxxx. 

Pays.  «   Des   pays   sont    tous  de    maçons,  d'autres  tous  de  soldats,  etc.  » 

I,  36.  — Voy.  Mode,  Vérité. 

Péché  En  quoi  consiste  l'essence  du  péché.  II,  335.  —  Le  mystère  de  la 
transmission  du  péché  d'Adam  explique  seul  la  nature  humaine.  I,  115,  187. 
Voy.  Justice.  —  «  Nulle  religion  que  la  nôtre  n'a  enseigné  que  l'homme 
naît  en  péché.  »  I,  171.  —  Le  Rédempteur  en  a  retiré  les  hommes.  I.  176- 
177.  —  «  Le  péché  originel  est  folie  devant  les  hommes.  »    I,  185.  —  «  Les 

Séchés  vrais  ennemis  de  l'homme.  II,  10  II.  Voy.  Iniquité.  —  Deux  sources 
e  nos  péchés,  orgueil  et  paresse;  deux  remèdes  pour  les  guérir,  miséricorde 
et  justice  de  Dieu.  Il,  102.  —  «  Incompréhensible  que  le  péché  originel  soit 
et  qu'il  ne  soit  pas.  »  II,  126.  —  Les  anciens,  pour  avoir  dit  que  la  justice 
est  partie  de  la  terre  ont-ils  connu  le  péché  originel?  II,  156.  —  Jésus-Christ 
a  adopt  •  nos  péchés.  II,  173.  —  «  Tradition  ample  du  péché  originel  selon 
les  Juifs.  »  II,  181.  —  «  Le  péché  n'est  pas  achevé,  si  la  raison  ne  consent.  » 

II,  247.  —  ((  Les  péchés  sont  péchés...  seulement  parce  qu'ils  sont  contraires 
à  la  volonté  de  Dieu.  »  II,  335. 

Pécheur.  Justes  qui  se  croient  pécheurs;  pécheurs  qui  se  croient  justes. 
II,  164.  —  «  Des  pécheurs  purifiés  sans  pénitence!...  »  II,  122. 

Pédant.  «  On  ne  s'imagine  Platon  et  Aristote  qu'avec  de  grandes  robes 
de  pédants.  »  I,  85. 

Peindre.  Se  peindre-  Voy.  Montaigne. 

Peine.  Il  faut  deux  choses  pour  sanctifier,  peines   et  plaisirs.  II,  336-337. 

—  Voy.  Piété. 

Peint.  «  Il  n'y  a  rien  de  mieux  peint.  »  II,  342. 

Peintre.  Comment  les  peintres  jugent  leur  ouvrage.  II,  163  et  217. 

Peinture.  Vanité  de  la  peinture  I,  105.  —  «  L'éloquence  est  une  pein- 
ture de  la  pensée.  »  II,  123. 

Pélagiens.  «  H  y  aura  toujours  des  pélagiens,  et  toujours  des  catholiques... 

La  première  naissance  fait  les  uns,  et  la  grâce  de  la  seconde  naissance  fait 
les  autres.»  II,  93. 

Pendant  la  durée  du  Messie.  II,  27,  note  4. 

Pendant  que  (quamdiu).  I,  cxxiv.  Voy.  Tandis  que. 

Pénétrer.  «  Le  voile  de  la  nature  qui  couvre  Dieu  a  été  pénétré  par  plu- 
sieurs infidèles.  »  II,  330. 

Pénitence.  «  Si  nos  sens  ne  s'opposaient  pas  à  la  pénitence,...  il  n'y  aurait 
en  cela  rien  de  pénible  pour  nous.  »  il,  115.  —  «  Dieu  absout  aussitôt,  qu'il 
Toit  la  pénitence  dans  le  cœur;  l'Eglise,  quand  elle  la  voit  dans  les  œuvres,  d 


TABLE  ANALYTIQUE  Et  LEXIQUE.  59 

Tbid. —  «  Les  pénitences   extérieures  disposent  à  l'intérieure.  »  II,  179.  — 
Le  seul  mystère    de    la  pénitence  a  été  déclaré   manifestement  aux  Juifs  par 
saint  Jean,  précurseur.  Il,  185. 
l'i  munis    Voy.  Diable. 

Pensée.  «  Je  ne  puis  concevoir  l'homme  sans  pensée.  »  1,  9. —  Toute  notre 
dignité  consiste  en  la  pensée.  I,  11.  Cf.  11,  109-110.  —  Parla  pensée  l'homme 
comprend  L'univers.  1.  11.  —  «  En  écrivant  ma  penséi  .  elle  m'échappe  quel- 
quefois: mais  cela  me  lait  souvenir  de  ma  faiblesse...  :  ce  qui  m'instruit  autant 
3ue  ma  pensée  oubliée.  »  I,  8."i.  —  Les  mêmes  pensées  forment  un  autre  corps 
e  discours,  comme  les  mêmes  mots  forment  d'autres  pensées,  par  une  dispo- 
sition différente.  1,  99. —  L'ordre  de  la  pensée.  11,  109,  Voy  Okure.  —  «L'élo- 
quence est  une   peinture  de  la  pensée.   »  II,  123.    Voy.   Portrait,   Tableau. 

—  La  pensée  est  sotte.  11,  110.  —  «  Le  hasard  donne  les  pensées,  le  hasard 
les  ôte.»ll,  125.  —  «  Lesmèmes  pensées  poussent  quelquefois  tout  autrement 
dans  un  autre  que  dans  leur  auteur.  »  11,  305.  =  Pensée  de  derrière.  «  11  faut 
avoir  une  pensée  de  derrière,  et  juger  de  tout  par  là.  »  II,  12i.  —  «  J'aurais 
aussi  mes  pensées  de  derrière  la  tête.  »  II,  124,  205.  —  Les  grands  doivent 
avoir  une  double  pensée.  11,  351-352.  — Pensée.  II,  110,  note  i.  —  Pensées. 

I,  77,  note  3  :  11,  160,  note  3. 

Penser.   «  Travaillons  à  bien  penser  :  voilà  le  principe  de  la  morale.  »  I,  11. 

—  «  Moi  qui  pense.  »  1,  13.  —  «L'homme  est  visiblement  fait  pour  penser...; 
tout  son  devoir  est  de  penser  comme  il  faut.  »  II,  109.  Cf.  II,  251.  Quand 
nous  voulons   penser  à  Dieu,  plus  d'une  chose  nous  tente  de  penser  ailleurs. 

II,  110.  =  Pour,  croire,    se  flatter  de.  «  Qui    pensera    demeurer    neutre...  » 

I,  114. 

Pente.    «   La   pente    vers   soi   est  le   commencement  de  tout  désordre.  » 

II,  110. 

Perceptible,  a  Notre  corps,  qui  tantôt  n'était  pas  perceptible  dans  l'uni- 
vers... »  1,  3. 

Perdre  (se).  «  Voici  comment  il  se  perd  dans  la  présomption  de  ce  que 
l'on  peut.  »  1,  cxxv.  —  Se  perdre  en  honnête  homme.  Il,  356. 

PÈRE.  <(  Père  juste,  le  monde  ne  t'a  point  connu.  »  I,  cvn. 

Pères  (Saints).  II,  200.  —  Autorité  de  l'Ecriture  et  des  Pères.  II,  268 

Pekfection.  Voy.  Prendre,  Science. 

Péri.  «  Elle  considère  les  choses  périssables  comme  périssantes  et  même 
déjà  péries.  »  II,  315-316  Cf.  11,241  i. 

Périlleux.  «  Il  n'y  a  rien  de  si  périlleux  que  ce  qui  plaît  à  Dieu  et  aux 
hommes.  »  II,  177. 

Perpétuité.  I,  174,    note  2;  IJ,  29,  note  1.  —  Perpétuité  de  la   religion. 

I,  177.  Cf.  I,  175-174;  II,  28.  —  La  perpétuité,  une  des  trois  marques  de  la 
religion.  II,  77. 

Perroquet.  Le  bec  du  perroquet.  II,  165. 

Persécution.  Confiance  qu'on  doit  avoir  dans  les  persécutions  qui  travaillent 
l'Eglise.  II,  102.  —  «  Le  silence  est  la  plus  grande  persécution.  »  II,  117.  — 
«  C'est  une  chose  qui  fait  trembler...  de  voir  la  persécution  qui  se  prépare... 
contre  la  vérité.  »  II,  335. 

Persée.  Voy.  Paul-Emile. 

Perses.  Voy.  Allemands. 

Personnage.  «  Souvenez-vous  (dit  Epictète),...  que  vous  jouez  le  personnage 
d'une  comédie...  C'est  votre  fait  déjouer  bien    le   personnage   qui   vous  est 
donné...  »  I,  cxxiv. 
Personne.  Ce  qui  forme  le  bonheur  des  personnes  de  grande  condition.  1,52 

—  «  On  n'aime  jamais  personne,  mais  seulement  des  qualités.  »  1,66.  —  Les 
personnes  simples  croient  sans  raisonnement.  1,194.  —  Personne,  pour,  nul 
homme,  1,28,  1 13.  —  «  Il  n'y  a  personne  raisonnable  qui  puisse  parler  de  la 
sorte.  »  1,137.  =  Pour,  quelqu'un.  1,142;  II,  102.  =  Pour,  homme.  1,63,  175  . 

II,  42,  338.  =  Deux  personnes,  pour,  un  homme  et  une  femme,  II,  253,  258; 
(Dans  presque  tous  ces  exemples,  personne  est  suivi  du  pronom  il.)  ^Per- 
sonne, pour,  femme.  1,65  ;  II,  257,  339,  340.  =  Deux  sortes  de  personnes.  1,142. 
Voy.  Raisonnable.  —  Quatre  sortes  de  personnes.  Il,  10 J.  Voy.  Zèle.  — Trois 
sortes  de  personnes.  11,109.  Voy.  Dieu. 

1 .  «  Si  elle  (la  vérité)  n'avait  point  d'autres  protecteurs,,  elle  serait  périe  en  des    main 
si  faibles.  »  Provinciales,  2e  Lettre.  Et  dans  la  18*  :  o  Puisque  cela  a  procuré    la  connais 
•ance  de  l'Evangile  à  tant  de  peuples,  qui  fussent  pêrU  dans  leur  infidélité.  » 


m 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 


Perspective.  Voy.  Point. 

Persuadé.  \y:'^  comme  adjectif.  «  ...  Si  Ton  n'en  est  pas  assez  persuadé; 
on  le  deviendra  bien  vite,  et  peut-être  trop.  »  1,113. 

Persuader.  On  se  persuade  mieux  par  les  raisons  qu'on  a  soi-même  trouvées 
que  parcelles  des  autres.  1.99.  — Sur  l'art  de  persuader.  11,296-308.—  Ses 
trois  parties  essentielles,  II,  300.  —  Ses  règles.  11,301.  — Les  deux  principes 
dans  lesquels  il  se  renferme.  II,  303.  Voy    Misère,  Orgueil. 

Petit,  pour,  faible.  «  Pour  aider  vos  consolations  par  mes  petitsefforts.  II, 
2i4.  =  Pour,  un  certain.  «  Un  petit  zèle.  »  11,328.  —  «Un  petit  jour  du  juge- 
ment. »  II,  3i0. 

Peu.  ((  Peu  de  chose  nous  cousole,  parce  que  peu  de  chose  nous  afflige.  * 
I,  77.  «=  Peu  [pauci).  Voy.  Humilitp;.  Pyhrhonisme. 

Peuple.  Le  peuple  secoue  le  joug  dès  qu'il  le  reconnaît.  1,39.  — Honore  les 
personne-  de  grande  naissance.  I,  59.  Cf.  II,  352.  Voy.  Noblesse.  —  Est 
vain,  mais  pas  si  vain  qu'on  dit.  1,60.  —  Ses  opinions  à  la  fois  très-fausses  et 
très-saines.  I,  60,  64.  —  Croit  les  lois  et  coutumes,  et  y  obéit,  mais  est  sujet 
à  se  révolter  dès  qu'on  lui  montre  qu'elles  ne  valent  rien.  1,83.  — Comment  il 
raisonne.  11,75.  =  Le  peuple,  pour,  le  vulgaire,  opposé  aux  habiles.  «  Il  faut 
que  le  peuple  entende  l'esprit  de  la  lettre,  et  que  les  liabiles  soumettent  leur 
esprit  à  la  lettre.»  1,  170.  Cf.  I,  44.  =  Pour,  le  peuple  juif.  I.  212;  II,  40. 

Peuple  de  Dieu  (le).  1,  173,  198,  205.=  «  11  (Jésus-Christ)  devait...  pro- 
duire un  grand  peuple;...  en  faire  le  temple  de  Dieu;...  le  délivrer  de  la  ser- 
vitude du  péché,...  donner  des  lois  à  ce  peuple,...  se  sacrifierpour  eux;  etc.» 
U,  27-28. 

Pharao.  Son  incrédulité.  II,  70. 

Pharisiens.  II,  72,  73.  —  Paroles  des  Pharisiens  (dans  8-  Jean)  citées, 
par  allusion  à  Port-Royal.  II,  78-79.  —  «  Pharisien,  publicain  {Luc,  xvm,  9- 
14).  »  II,  177.  Voy.  Jeûner. 

Philon.  Cité.  I,  200;  II,  23,  203. 

Philosophe  (adjectif).  1,  86  ;  H,  101. 

Philosophes.  «  Presque  tous  les  philosophes  confondent  les  idées  des 
choses.  »  I,  8.  —  Erreurs  des  philosophes  sur  le  bonheur.  I,  12.  —  Les  phi- 
losophes mêmes  veulent  des  admirateurs,  I,  25.  Cf.  II,  114.  —  «  Ceux  qui 
font  sur  cela  les  philosophes...   ne   connaissent  guère  notre   nature.  »    I,  50. 

—  Fausseté  des  philosophes  qui  ne  discutaient  pas  l'immortalité  de  l'âme.  I, 
144.  —  Nulle  secte  de  philosophes  n'a  dit  que  l'homme  naît  en  péché.  I,  171. 

—  Les  philosophes  n'ont  pas   trouvé    le  remède  à  nos  maux.    1,  182,    184  t. 

—  D'où  viennent  les  diverses  sectes  des  philosophes.  I,  187.  —  «  Les  philo- 
sophes ne  prescrivaient  point  des  sentiments  proportionnés  aux  deux  états 
(de  l'homme).  »  1,  188.  Cf.  I,  cxxxm,  171.  —  Phrase  de  Cicéron  sur  les  phi- 
losophes. II,  204.  —  Voy.  Bien,  Vice.  —  Philosophes.  1,  118,  note  1  ;  114, 
note  4  ;  155,  note  4, 

Philosopher.  Voy.  Philosophie. 

Philosophie.  «  Se  moquer  de  la  philosophie,  c'est  vraiment  philosopher.  »  I, 
106.  —  «  Nous  n'estimons  pas  que  toute  la  philosophie  vaille  une  heure  de 
peine.  »  II,  126  et  148. 

Physionomie,  pour,  portrait.  «  On  ne  peut  faire  une  bonne  physionomie 
qu'en  accordant  toutes  nos  contrariétés.  »  II,  6 

Physique  (la).  Est  affaire  de  raisonnement,  non  d'autorité.  II,  268.  =  Dans 
le  sens  de  science  générale  de  la  nature,  y  compris  Dieu  et  l'âme.  «  Un  prin- 
cipe ferme  et  soutenu  d'une  physique  entière.  »  II,  305.  Voy.  Descartes. 

Pièce,  pour,  partie.  «  Nos  deux  pièces  »  (l'esprit  et  l'automate).  1,  156. 

Pied.  «  Ils  (les  grands  hommes)  ont  les  pieds  aussi  bas  que  les  nôtres.  »  I, 
79.  —  Devoir  du  pied  envers  le  corps.  II,  113-114.  Voy.    Membre. 

Pierre.  Voy.  Daniel. 

Pierre  (Saint).  Comment  saint  Pierre  et  les  apôtres  délibérèrent  d'abolir 
la  circoncision.  Il,  93.  —  Saint  Pierre  frappe  Malchus.  11,210  et  221. 

Piété.  «  La  piété  est  différente  de  la  superstition.  »  I,  193.  —  On  est  tou- 
jours obligé  de  n'en  point  détourner.  II,  98.  —  «  Il  faut  renoncera  toute  piété 


1 .  «  Pensera-t-on  que  ces  philosophes  qui  vantaient  si  hautement  la  puissance  de  sa 
nature  en  connussent  l'infirmité  et  le  médecin  ?...  Qui  pourra  croire  que  les  épicuriens, 
qui  niaient  la  Providence  divine,  eussent  des  mouvements  de  prier  Dieu?  eux  qui  disaient 
qui  c'était  Jui  faire  injure  de  l'implorer  dans  nos  besoins,  comme  s'il  eût  été  capable  de 
^'.amnser  a  penser  à  nous.  »  Provinciales.  4e  Lettre. 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  61 

•î  on  no  viMit  :ui  moins  mourir  chrétiennement ■  »  Ibid.  —  Peines  de  la  piété. 
IL  114-115:  33(3-337;  339-3*1      Voy.   Impiété.  —  La   bonne    piété.  11, 178.  — 

«  Ne  croyons  |>as  qne  la  piété  né  consiste  qu'en  ane  amertume  sans  consolation.  » 
11.  338.  —  La  véritable  piété  esl  pleine  de  satisfaction.  Ibid. 

Pignon    «  Ils  sentent  leurs  bourgeois  qui  on1  pignon  sur  rue.    »  II,  II'.'. 

Pilatk.  Aucune  invective  des  historiens  évangéliques  contre  Judas,  Pilate. 
ni  aucun  «les  Juifs.  11,  39.  —  hausse  justice  de  Pilate  :  image  des  faux  justes. 
11.  211. 

PlPER.  «  Pour  le  bien  des  hommes,  il  faut  souvent  les  piper.  »  1,39.  — Se 
piper  soi-même.   I.  52.  —  «  L'espérance  nous  pipe.  »  I,  110. 

Piperik.  1,45.  Voy.  Sens   (les). 

Piquer  (se).  «  !.s  ne  se  piquent  de  savoir  que  la  seule  chose  qu'ils  n'ap- 
prennent point.  «  1.  80.  Voy.    Honnête. 

Piquet.  Condamné  à  mort  jouant  au  piquet.  I,  143-144  et  148. 

Place.  «  Place  au  soleil.  »  1,  85.  —  Il  n'y  a  rien  dans  la  nature  qui  n'ait  été 
capable  de  tenir  à  l'homme  la  place  de  Dieu.  I,  117.  — «  Il  semble  que  nous 
avons  une  place  à  remplir  dans  nos  cœurs.  »  11,  253.  —  «  11  y  a  une  place 
d'attente  dans  leur  cœur.  »  II,  254.  —  Notre  amour-propre  nous  représente  à 
nous-mêmes  comme  pouvant  remplir  plusieurs  places  au  dehors.  Il,  235.  — 
Voy.  Guerrier,  Mouvement.  =  Place,  pour,  ville  :  au  figuré.  «  Entrer  dans 
celte  place  rebelle  (mon  cœur)  que  les  vices  ont  occupée.  »  11,226. 

Plaies.  «  Jésus-Christ  ne  laissa  toucher  que  ses  plaies,  après  sa  résurrec- 
tion. »  II,  210. 

Plaindre.  «  Plaindre  les  malheureux  n'est  pas    contre   la  concupiscence.  » 

I,  81  et  92. 

Plaire.  Difficulté  de  plaire.  I.  100.  Cf.  II,  300.  —  «  L'on  épuise  tous  les 
jours  les  manières  de  plaire  :  cependant  il  faut  plaire,  et  l'on  plaît.  »  II,  255. 

—  II  y  a  des  règles  sûres  pour  plaire  :  mais  il  est  impossible  d'y  arriver.  II, 
299.  —  Voy.  Agréer.  Combat.  =  Se  plaire.  «  Que  Dieu  ne  se  plaisait  pas  aux 
temples  faits  de  main,  mais  en  un  cœur  pur  et  humilié.  »  I,  200. 

Plaisant.  «  Montaigne  est  plaisant  de  ne  pas  voir,  etc.  »  I,  64.  —  «  Nous 
sommes  plaisants  de  nous  reposer  dans  la  société  de  nos  semblables.  »  I,  197. 

—  Voy.  Justice. 

Plaisir.  «  Xous  ne  pouvons  prendre  plaisir  à  une  chose  qu'à  condition  de 
nous  fâcher  si  elle  réussit  mal.  »  I,  89.  —  Le  plaisir  est  la  monnaie  peut 
laquelle  nous  donnons  tout  ce  qu'on  veut.  I,  105.  —  «  Tous  nos  plaisirs  ne 
sont  que  vanité.  »  I,  138.  —  «  Les  plaisirs   empestés.  »  I,  152.  —  Quitter  les 

Îilaisirs.  I,  153.  —  Un  portrait  porte  absence  et  présence,  plaisir  et  déplaisir.  > 
I,  4.  —  «  Il  n'est  pas  honteux  à  l'homme  de  succomber  sous  la  douleur,  et  il 
est  honteux  de  succomber  sous  le  plaisir.  »  II,  150.  —  Le  plaisir  n'est  que  le 
ballet  des  esprits  II,  151.  —  ce  L'homme  est  né  pour  le  plaisir  :  il  le  sent,  etc.  » 

II,  254.  —  «  Un  plaisir  vrai  ou  faux  peut  remplir  également  l'esprit.  Ibid.  —  Les 

Erincipes  du  plaisir  ne  sont  pas  fermes  et  stables.  Us  sont  divers  en  tous  les 
ommes,  et  variables  en  chaque  particulier.  »  II,  300.  — Plaisirs  très-différents 
chez  les  hommes.  Ibid.  —  Peines  et  plaisirs  de  la  vie  chrétienne.  II,  336-337. 

—  Voy.  Aimer,  Douceur,  Inconstance. 
Planté,  pour,  établi.  I,  38. 

Platon.  Comparé  au  christianisme.  II.  23. —  «  Platon,  pour  disposer  au 
christianisme.»  II,  111.  —  Sa  définition  de  l'homme.  II,  283.  —  Voy.  Aristote. 

Plein.  «  Un  plein  repos.  »  II,  154.  —  «  L'esprit  est  plein  (dans  l'amour).  » 
II.  259.  =  A  plein,  pour,  pleinement.  «  Qui  voudra  connaître  à  plein  la  vanité 
de  l'homme...  »  I,  83. 

Plus  poetice  quant  humane  locutus  es.  (Pétr.)  I,  105. 

Plénitude.  «Plénitude  de  consolation. ..  Plénitude  de  maux.»  11,229.— 
«  Dans  la  plénitude  de  son  temps.  »  II,  236.  —  «  Il  y  a  une  plénitude  de  pas- 
sion. >»  II,  259.  Cf.  II,  257. 

Plerumque  gratœ  principibus  vices.    (Hor.)  II,  124. 

Pleurer.  D'où  vient  donc  qu'on  pleure  et  qu'on  rit  d'une  même  chose.  I,  81. 

Ployable.  «  La  raison  est  ployable  à  tous  sens.  »  I,  98. 

Ployer.  «  Les  choses  qui  ploient  la  machine  vers  le  respect  et  la  terreur.  » 

I,  61.  Voy.  Incliner.  =  «Il  fautque  toutes  les  passions  ploient  et  lui  obéissent.  » 

II,  255. 

Pluralité.  «  Pourquoi  suit-on  la  pluralité  ?  »  I,  61.  —  La  pluralité  est  la 
règle  dans  les  choses  extraordinaires.    Force    qui    est  en  elle,  I,  71.  —  a  La 


62  TABLE  ANALYTIQUE  ET. LEXIQUE. 

pluralité  est  la  meilleure  voie.  »  Jbid.  —  «  C'est  la  pluralité  qui  a 'établi  cela 
et  qui  mord    quiconque  s'en  échappe.  »  I,  73.   —  Voy.  Roi. 

Plus.  «  Tant  plus  »  répété.  Il,  258. 

Poésie.  L'agrément  est  l'objet  de  la  poésie.  I,  104. 

Poète.  «  L'enseigne  de  poëte...  Le  métier  de  poëte.  »  I,  74.  — «  Si  la 
foudre  tombait  sur  les  lieux  bas,  etc.,  les  poètes...  manqueraient  de  preuves.  » 
I,  101.  —  Pourquoi  les  poètes  représentent  l'amour  comme  un  enfant.  II,  255. 

—  N'ont  pas  eu  raison  de  dépeindre  l'amour  comme    un    aveugle.     II,    260. 

—  Voy.  Théologie. 

Poétique.  Voy.  Beauté  poétique. 

Point.  Ce  que  nous  appelons  point  indivisible  dans  les  choses  matérielles. 

I,  4.  —  Il  n'y  a  qu'un  point  indivisible  qui  soit  le  véritable  lieu  (de  la  pers- 
pective). »  I,  31.  —  «  Où  prendrons-nous  un  point   dans  la    morale?  »    I,  71. 

—  Hypothèse  d'un  point  se  mouvant  partout  d'une  vitesse  infinie.  II,  87.  — 
Trouver  le  point.  1,89. 

Point  aussi,  pour,  point  non  plus.  1,  138.  Voy.  Aussi. 
Point  formaliste.  II,  94,  note  2. 

Pointe.  «  La  justice  et  la  vérité  sont  deux  pointes  si  subtiles,  que, nos  ins- 
truments  sont  trop  mousses  pour  y  toucher  exactement.  »  1,  35.  Voy.  Ecacher. 

—  «  Ce  vaste  tour  lui-même  n'est  qu'une  pointe  très-délicate.  »  I,  1. 
Police,  pour,  administration,  gouvernement.  II,  111. 

Politique.  Comment  Platon  et  Aristote  ont  écrit  de  politique.  I,  86.  = 
Pour,  conduite  {consilium).  «  C'est  une  mauvaise  politique  de  les  séparer.  » 

II,  118.  Voy.  Port-Royal. 
Pologne.  Voy.  Roi. 

Poltron.  «  Nous  serions  volontiers  poltrons  pour  acquérir  la  réputation 
d'être  vaillants.  »  I,  24. 

Pomme.  La  pomme  d'or.  I,  201.  Voy.  Troie. 

Pompée.   Voy.  Évangile. 

Pontoise.  Voy.  Miracle. 

Porphyre.  Celse  et  Porphyre  n'ont  jamais  désavoué  l'Evangile.  II,  43. 

Port.  «  Le  port  juge  ceux  qui  sont  dans  le  vaisseau.  »  I,  70-71. 

Port-Royal.  Les  filles  ou  religieuses  de  Port-Royal  désignées.  II,  76.  — 
Dieu  fait  de  ce  lieu  son  temple  et  le  sanctuaire  de  ses  grâces.  Ibid .  —  Port- 
Royal  calomnié.  II,  77.  —  «  Cette  maison  n'est  pas  de  Dieu...  —  Cette  mai- 
son est  de  Dieu...  »II,  79.  —  «  Le  P.  R.  craint,  et  c'est  une  mauxaise  poli- 
tique de  les  séparer,  car  ils  ne  craindront  plus,  et  se  feront  plus  craindre.  » 
II.  118.  —Education  des  enfants  de  Port-Royal.  II,  164.  —  Voy.  A  P.  R.  etc. 

Porte.  L'esprit  et  le  cœur  sont  les  portes  par  où  les  vérités  sont  reçues 
dans  l'âme.  11,297.  =  Ouvrir  la  porte  :  au  figuré.  Voy.  Débordement. 

Portée.  «  Connaissons  donc  notre  portée.  »  I,  5.  —  «  La  vérité  n'est  pas 
de  notre  portée.  »  I,  115  (note).  —  Les  vérités  de  notre  portée.  Il,  297 

Portentum.  II,  183. 

Porter,  pour,  comporter.  II,  4.  —  Voy.  Plaisir. 

Portion.  «  C'est  la  portion  des  Juifs.  >>  II,  61.  —  «...  De  vos  saints  dont 
j'espère  par  votre  grâce  faire  une  portion.  »  II,  231. 

Portrait.  Ce  que  porte  un  portrait.  II,  4.  Voy.  Plaisir.  —  L'éloquence 
doit  être  le  portrait  de  la  pensée.  II,  123.  —  Voy.  Physionomie. 

Posséder.  «  Posséder  Dieu  à  découvert  et  sans  voile.  »  I,  136.  —  «  C'est 
une  chose  horrible  de  sentir  s'écouler  tout  ce  qu'on  possède.  »  II,  95. 

Poule.  Voy.  Vierge. 

Poulie.  Voy.  Bruit. 

Pour,  devant  un  infinitif,  équivalant  à  quoique  ou  à  parce  que.  I,  6,  77. 
Voy.  Extrémité. 

Pour  montrer  que  les  vrais  Juifs  et  les  vrais  chrétiens  n'ont  qu'une 
même  religion,  II,  59,  note  1. 

Pourquoi.  «  Il  n'y  a  point  de  raison  pourquoi  ici  plutôt  que  là,  pourquoi 
à  présent  plutôt  que  lors.  »  II,  152  :  cf.  153. 

Pratiques.  Voy.  Eau  (bénite),  Extérieur. 

Préadamites.  Il,  185. 

Précepte.  «  Les  préceptes  chrétiens  sont  les  plus  pleins  de  consolations.  » 
II,  339. 

Précipice.  Puissance  de  l'imagination  sur  la  raison,  à  l'idée  d'un  précipice. 
Jt  32.  =  «  Nous  courons  sans  souci  dans  le  précipice.  »  I,  144. 

Précipitation.  L'amour  est  une  précipitation  de  pensées.  Il,  25& 


TADLK  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  63 

Précipiter.  Se  précipiter  dans  le  désespoir.  I,  IS7. 

PRÉCURSEUR.  Voy.  Iban-Baptisti  'Saint). 

bstination.  «  Une  prédestination  Bana  mystère!...  »  II,  122. 

Prédicateur.  Le  prédicateur  mal  rasé  el  barbouillé.  1,32.  Voy.  Magistrat. 

Prédiction.  Il,  24,  note  l.  —  Prédictions.  11,23,  note  3.  —  Prédictions 
des  choses  particulières.  11,  187.  —  Prédiction  de  Cyrus.  II.  190. 

Prédire.  Pourquoi  Dieu  a  voulu  prédire  des  choses  qu'il  n'a  pas  voulu 
lécouvrir  à  son  peuple.  I.  200. 

face.  1,  155,  note  1.  —  Prt'face  de  la  première  partie.  I,  SI,  note  1. 
—  Préface  de  la  seconde  partie.  II,  60. 

Préférence.  Préférence  d'estime,  et  préférence  extérieure.  Il,  354.  Voy. 
GÉOMÉTBlK. 

Premier.  Voy.  Dernier. 

Prendre,  neutre,  et  au  figuré.  «  Ses  plus  saintes  paroles  ne  prennent 
point  en  nous.  »  II,  244.""  Se  prendre,  pour,  s'abuser  {decipi).  «  On  se  prend 
à  la  perfection  même.  »  II.  103.  =  S'en  prendre  a  Ne  nous  en  prenons  donc 
pas  a  la  dévotion,  mais  à  nous-mêmes.  »  II,  338. 

Préoccuper.  Voy.  Créance. 

PrÉORDONNÉ.  «  De  tous  temps  prévu  et    préordonné   en  Dieu.  »  II,  236. 

Présence.  Ceux  qui  nient  la  présence  (réelle)  sont  hérétiques.  II,  92. 

Présent.  «  Nous  ne  nous  tenons  jamais  au  temps  présent.  »  I.  30.  — 
«  Le  présent  n'est  jamais  notre  fin.  »  I,  37.  —  Notre  imagination  nous  grossit 
le  temps  présent.  Ibid.  —  «  Le  présent  est  le  seul  temps  qui  est  véritable- 
ment à  nous.  »  II,  339. 

Président.  Qu'est-ce  qu'être  premier  président?  I,  53. 

Présomption.  Voy.  Orgueil,  Perdre  (se),  Raisonnement. 

Présomptueux.  Combien  nous  sommes  présomptueux.  I,  25. 

Presser.  «  Prendre  le  vrai  et  le  bien  sur  la  première  apparence,  sans  les 
presser  (sentiment  de  Montaigne).  »  I,  cxxxi.  Voy.  Vrai. 

Présu,  pour,  su  d'avance.  Il,  236.  Voy  Préordonné. 

Prêt  a,  pour,  destiné  à.  «  Ne  suis-je  pas  prêt  à  mourir?  »  II,  106.  =  Pour, 
disposé  à    «  Ceux  qui  seraient  prêts  à  consentir  au  mensonge.  »  Ibid. 

Prétendre.  «  Ne  peuvent  rien  prétendre  aux  démonstrations  géométriques.  » 
II,  295.  =  Prétendre  de.  I,  4. 

Prêtre.  «  Est  fait  prêtre  qui  veut  l'être,  comme  sous  Jéroboam.  »  II.  125 
et  146.  —  Les  uns  défendent  aux  chrétiens  ce  qui  est  défendu  aux   prêtres 
les  autres  permettent   aux   prêtres  ce  qui    est  permis  aux   chrétiens.  II,  163 

Preuve.  «  On  trouve  toujours  claire  la  chose  qu'on  emploie  à  la  preuve.  » 

I,  98.  Voy.  Exemple.  —  «  C'est  en  manquant  de  preuve  qu'ils  (les 
chrétiens)  ne  manquent  pas  de  sens.  »  I,  149.  Voy.  Prouver.  —  Les  preuves 
de  Dieu  métaphysiques  frappent  peu.  I,  154.  —  «  Les  preuves  ne  convainquent 

?[ue  l'esprit.  La  coutume  fait  nos  preuves  les  plus  fortes  et  les   plus  crues.  » 
,  155-156.  —  Preuves   de  la   religion.  I,  177;  II,  60.  —  «  Les  preuves  que 
Jésus-Christ  et  les  apôtres  tirent  de  l'Ecriture  ne  sont  pas  démonstratives.  » 

II,  68-69.  —  Les  preuves  delà  religion  ne  sont  pas  absolument  convaincantes; 
mais  l'évidence  est  telle,  qu'elle  surpasse  ou  égale  pour  le  moins  l'évidence 
du  contraire.  II,  96.  Voy.  Héritier.  —  Il  faut  ouvrir  son  esprit  aux  preuves 
de  la  religion  II.  107.  —  Preuves  de  Jésus-Christ.  II,  198.  Voy.  Prophétie.  — 
Preuves  que  l'Ecriture  a  deux  sens.  II,  200.  —  Preuve  de  Moïse.  I,  212, 
note  4.  —  Preuve  des  deux  Testaments  à  la  fois.  II,  2,  note  2.  —  Preuve 
de  Jésus-Christ.  II,  38,  note  1.  —  Preuves  de  Jésus-Christ.  Il,  17,  note  2; 
II,,  40,  note  2. 

Prévention.  «  De  peur  que  cette  prévention  ne  me  suborne.  »  II,  88.  — 
La  prévention  induisant  une  erreur.  II,  l(i6,  note  2. 

Prévenu.  Etre  prévenu  de  son  ouvrage.  I,  31.  —  «  Ils  ont  été  prévenus 
chacun  que  c'est  le  meilleur.  »  II,  166.   —  Pape. 

Prévoyance.  Au  pluriel.  «  Par  les  prévoyances  des  besoins  et  des  utilités 

3ue  nous  aurions  de  sa  présence.  »  II,  246.  —  «    Ne  nous  fatiguons   pas  par 
es  prévoyances  indiscrètes  et  téméraires.   »  II,  247.  —  «  Lorsque  je  sens  que 
je  m'engage  dans  ces  prévoyances.  »  II,  339. 

Prière.  La  prière  est    un  remède   à    la    concupiscence  et  à  l'impuissance. 

I,  169.  Cf.  I,  182:  II,  168.  —  «  Pourquoi  Dieu  a  établi  la  prière.  »  II,  161. 
Voy.  Justice  —  Prière  pour  demander  à  Dieu    le   bon    usage  de  la  maladie. 

II,  223-232. 

Prince.  «  Un  prince  sera  la  fable  de  toute  l'Europe,  et  lui  seul  n'en  saura 


64  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

rien.  »  I,  28.  —  Archimède  était  prince.  II,  16,  —  «  Prince,  à  un  ro;,  plaît, 

f>arce  qu'il  diminue  sa  qualité  »  II.  I6i.  — «  Le  prince  de  ce  monde  »,  poui, 
e  démon.  II,  79.  —  «  Un  prince  chassé  de  son  pays  par  ses  sujets  a  des  ten- 
dresses extrêmes  pour  ceux  qui  lui  demeurent  fidèles  dans  la  révolte  publique.  » 
II,  345.  —  «  Il  faut  se  tenir  debout  dans  la  chambre  des  princes.  »  II,  354.  — 
Voy.  Roi. 

Principe.  «  Les  principes  qu'on  propose  pour  les  derniers...  sont  appuyés 
sur  d'autres,  qui,  en  ayant  d'autres  pour  appui,  ne  souffrent  jamais  de 
dernier.  »  I,  4.  —  Vaine  prétention  des  philosophes  d'arriver  aux  principes 
des  choses.  —  Ibid.  —  «  Des  principes  de  la  philosophie  »  (livre  de  Des- 
cartes). Ibid.  —  Principes  d'erreur.  I,  34-35.  —  «  Qu'est-ce  que  nos  principes 
naturels,  sinon  nos  principes  accoutumés?»  I,  41.  —  Deux  principes  de  vérité, 
la  raison  et  les  sens.  I,  44.  —  «  Les  uns  tirent  bien  les  conséquences  de  peu 
de    principes...  Les    autres...  des  choses  où  il  y  a    beaucoup   de  principes.  » 

I,  95.  —  «  L'omission  d'un  principe  mène  à  l'erreur.  »  I.  96.  —  «  Les  principes 
nets  et  grossiers  de  géométrie.  »  1,  97.  —  Manier  les  principes.  Ibid.  — 
Ceux  qui  raisonnent  par  principes  ne  comprennent  rien  aux  choses  de  senti- 
ment. I,  106.  —  Les  premiers  principes  sont  connus  par  le  cœur.  1,  119.  — 
«  Les  principes  se  sentent,  les  propositions  se  conchient.  »  Ibid.  —  «  Tous 
leurs  principes  sont  vrais,  des  pyrrhoniens,  des  stoïques,  d\>â  athées,  etc.  Mais 
leurs  conclusions  sont  fausses,  parce  que  les  principes  oj. posés  sont  vrais 
aussi.  »  II,  155.  —  «  Un  principe,  jeté  dans  un  bon  esprt,  produit.  »  II,  164. 
Voy.  Superbe,  Théologie. 

Pris.  «  Cela  est  si  mal  pris  »,  pour,  si  mal  conçu.   I,  141. 

Prise.  «  Il  échappe  à  nos  prises.  »  I,  6.  Cf.  11,  118  fnote  6).  =  Pourquoi 
on  aime  mieux  la  chasse  que  la  prise.  I,  49,  50. 

Prison.  D'où  vient  que  la  prison  est  un  supplice  si  horrible.  I,  49. 

Privilège.  Voy.  Espérance. 

Prix.  Voy.  Estime  a.  =  Au  prix  de.  1,  1,  2. 

Probabilité.  I,  107,  note  i.  —  «  Us  détruisent  la  perpétuité  par  la  proba- 
bilité. »  II,  77.  —  «  Est-il  probable  que  la  probabilité  assure?  »  II,  97.  Cf. 

II,  120.  —  «  Otez  la  probabilité,  on  ne  peut  plus  plaire  au  monde;  mettez  la 
probabilité,  on  ne  peut  plus  lui  déplaire.  »  11,  119. 

Proche  (préposition).  «  Proche  de  mourir.  »  II,  151. 

Prodige,  «  Les  prodiges  de  l'imaginstion  humaine.  »  I,  39.  —  «  Quel  pro- 
dige (que  l'homme)!  »  I,  114. 

Prodigieux.  Voy.  Homme. 

Production.  Il  est  juste  déconsidérer  dans  les  productions  des  esprits  les 
efforts  qu'ils  font  pour  imiter  la  vérité  essentielle.  I,  cxxxm.  —  «  Production 
de  science.  »  II,  16. 

Produire  «  Qu'estai  plus  difficile,  de  produire  un  homme  ou  un  animal, 
que  de  le  reproduire?  »  II,  97. 

Profession.  Voy.  Vanité. 

Progrès  «  La  nature  agit  par  progrès,  ilus  et  reditus.  »  II,  124.  —  »  Tout 
ce  qui  se  perfectionne  par  progrès  périt  aussi  par  progrès.  »II.  126.  —  «L'homme 
s'instruit  sans  cesse  dans  son  progrès.  »  II,  270.  —  »  Tous  les  hommes  ensem- 
ble font  un  continuel  progrès  dans  les  sciences,  à  mesure  que  l'univers  vieil- 
lit. »  11,271. 

Projet.  Voy.  Dialogue,  Lettres,  Montaigne. 

Promesses.  La  promesse  des  biens  temporels  dans  les  prophètes, n'est  que 
figurative.  H,  2  3.  —  »  Dieu  ne  doit  que  suivant  ses  promesses.  »  II,  161.  — 
«  Les  enfants  de  la  promesse  »,  pour,  les  élus.  Ibid. 

Prophètes.  «  Tandis  qne  les  prophètes  ont  été  pour  maintenir  la  loi,  le 
peuple  a  été  négligent.  Mais  depuis  qu'il  n'y  a  plus  de  prophètes,  le  zèle  a 
succédé.  »  1,212  —  «  Les  prophètes  entendaient  par  les  biens  temporels  d'autres 
biens.  «11,2.  —Ce  qu'ils  voyaient  dans  la  loi  et  les  sacrifices.  II,  4, 5,  8. —  «Les 
prophètes  ont  prédit,  et  n'ont  pas  été  prédits.  »  II,  18.  —  «  Dieu  a  suscité 
des  prophètes  durant  seize  cents  ans.  »  11,21.  — Les  prophètes  mêlés  de  cho- 
ses particulières,  et  de  celles  du  Messie  :  pourquoi.  11,29.  —  Que  disent  les 
propriétés  de  Jésus-Christ?. . .  Leurs  desseins  formels.  11,50.  —  Faux  prophètes. 
U,  72,  73.  —  «  On  n'entend  les  prophètes  que  quand  on  voit  les  choses  arri- 
vée •  »  II,  179.  — «Les  prophètes  prophétisaient  par  figures.  »  II,  184.  — Ont 
prédit  que  le  sceptre  ne  sortirait  pas  deJuda  jusqu'au  roi  éternel.  II,  185. 

Prophétie.  La  religion  chrétienne  seule  a  des  prophéties  I,  175.  —  Les 
prophéties  sont   plus   claires  de  David  que  de  Jésus-Christ.  II,  1.  —  Ont  deux 


TABLE  ANALYTIQUE  KT  LEXIQUE.  65 

aens.  II,  ?.  Cf.  ],  208.  Voy.  Sens.  —  La  prophétie  de  Jacob.  II,  7  et  13.  —  Les 
prophéties  Boni  la  plus  mande  tics  preuves  de  Jésus-Christ.  II,  2i.  t'>2.  —  Les 
prophéties  «lu  Messie  mêlées  de  prophéties  particulières.  IL  29.  —  Les  pro- 
phéties citées  dans  l'Evangile  sont  rapportées  pour  vous  éloigner  de  croire.  II,  52. 
—  «  La  prophétie  n'es!  point  appelée  miracle.  »  II.  68.  —   Les   prophéties  ne 

sont  pas  absolument  convaincantes.  11,96.  — «  Prophéties.  Le  grand  l'an  est  mort.  » 

II.  186.  —  Prophéties  (extraits).  IL  189,  173.  —  Prophétie,  II,  24,  note  4.  — 

Prophéties.   IL  22,  notes  2  et  3:  29,   note  a:   170,  note  1. 

Prophétiser.  Il,  l.  —  Ce  que  c'est.  II,  183.  —  «Jésus-Christ  prophétisé.  » 
II,  273.  =  Prophétiser  de.  Il,  200. 

Propos.  Etre  à  propos.  11,  342. 

Proposer,  pour,  mettre  en  avant.  11,80.    Voy.  Lape. 

Proposition.  «  Les  propositions  se  concluent.  »  I,  IL).  —  »  Les  propositions 
géométriques  deviennent  sentiments.  »  I,  120.  Voy.  Sentiment.  —  Il  (un  ma- 
thématicien) me  prendrait  pour  une  proposition.  »  1,  74. 

Propre.  «  De  mon  propre.  II,  244. 

(Propriété).  Voy.  Hérédité,  Usurpation. 

Prosopopee  [A.  P.  R.  pour  demain.)  I,  184,  note  2.  Voy.  Sagesse. 

Prouver.  Ce  que  valent  les  exemples  pour  prouver.  I,  98.  — «Nous  avons 
une  impuissance  de  prouver  invicible  à  tout  le  dogmatisme.  >•  I,  120  —  Les 
chrétiens  ne  prétendent  pas  prouver  la  religion.  I,  149.  —  Pascal  n'entreprend 
pas  de  prouver  par  des  raisons  naturelles  ou  l'existence  de  Dieu,  ou  la  Trinité, 
ou  l'immortalité  de  l'âme,  etc.  I,  134-155. 

Provence.  Comment  les  sauvages  n'ont  que  faire  de  la  Provence.  II,  100. 

Providence.  La  providence  de  Dieu  est  l'unique  et  véritable  cause  des  acci- 


dents que  nous  appelons  maux.  II,  236. 
Provincial.  «  Nul  ne  dit  provincial,  < 


qu'un  provincial.  »  II,  178.  —  «    Let- 
tres au  Provincial.  »  Ibid. 

Provoquer.  «  Provoquer  à  courroux,  à  jalousie.  »  II,  57. 

Psaumes.  «  Les  psaumes  chantés  par  toute  la  terre.  »  II,  159. 

Pugio  fvdei.  II,  182.  Cf.   II,  8,  note  6. 

Puissance.  Idées  de  Pascal  sur  la  puissance  royale.  I,  lxxxv.  =  Puissances; 

Sour,  facultés  de  l'âme.  «  Que  ces  deux  puissances  (l'esprit  et  la  volonté)  sont 
onc  libres.  »  I,  cxxv.  —  «Commencer  par  là  le  chapitre  des  Puissances 
trompeuses.  »  1,  45. 

Puissant.  «  Qu'il  était  puissant  de  leur  donner  les  (biens)  invisibles.  »  II,  5. 

Pur.  «  Pensées  pures.  »  II,  251.  —  Voy.  Pyrrhonien. 

Pureté.  Voy.  Religion. 

Pyrénées.  Vérité  au  deçà,  erreur  au  delà.  I,  38.  Cf.  II,  174. 

Pyrrhonien.  «  II  (Montaigne)  est  pur  pyrrhonien.  »  I,  cxxvi.  —  «La  cabale 
pvrrhonienne.  »  1,  43.  —  Principales  forces  des  pyrrhoniens.  I,  112.  —  «  Qui 
n  est  pas  contre  eux  est  excellemment  pour  eux.  »  I.  114.  —  «  Ils  sont  neutres, 
indifférents,  suspendus  à  tout.  »  Ibid.  —  «  Il  n'y  a  jamais  eu  de  pyrrhonien 
effectif  parfait.  »  Ibid.  —  La  nature  les  confond.  Ibid.  —  Travaillent  inuti- 
lement à  combattre  les  premiers  principes.  I,  119.  —  «  Il  faut  avoir  ces  trois 
qualités,  pyrrhonien, géomètre,  chrétien  soumis.  »  I,  193  (note).  —  «  Pyrrho- 
nien, pour  opiniâtre.  II,  178. 

Pyrrhonisme.  «  Rien  ne  fortifie  plus  le  pyrrhonisme  que  ce  qu'il  y  en  a  qui 
ne  sont  point  pyrrhoniens.  »  I,  30.  —  «  Peu  parlent  du  pyrrhonisme  en  dou- 
tant. »  I,  75.  Voy.  Affirmatif.  —  Dogmatisme  et  pyrrhonisme.  I,  114.  —  «  Nous 
avons  uneidée  de  la  vérité  invincible  à  tout  le  pyrrhonisme.  »  I,  120.  —  «Le 
pyrrhonisme  est  le  vrai.  »  II,  87.  —  «  Le  pyrrhonisme  sert  à  la  religion.  »  —  II. 
156.   Voy.  Rabattre. —  Pyrrhonisme.  1,59. note  1;  73.  note4;88,note  i. 

Pyrrhus.  «  Le  conseil  qu'on  donnait  à  Pyrrhus...  recevait  bien  des  difficul- 
tés. »  I,  51. 


Qualité.  Les  qualités  excessives  nous  sont  ennemies,  et  non  pas  sensibles.  » 
I,  5.  —  Les  qualités  distingués  du  moi.  I,  63-00.  Voy.  Moi.  —  On  n'aime  que 
des  qualités.  »  I,  00.  —  a  On  n'aime  personne  que  pour  des  qualités  emprun- 
tées. Ibid.  —  «  Cette  qualité  universelle  (d'honnête  homme)  me  plaît  seule.  » 
lj  75.  —  «  Je  voudrais  qu'on  ne  s'aperçût  d'aucune  qualité  que  par  la  rencontre 


6fl  TABLE  ANALY1TQUE  ET  LEXIQUE. 

et  l'occasion  d'en  user.  »  Ibid.  —  L'amour  fait  naître  des  qualités  que  l'on 
n'avait  pas  auparavant.  II,  259.  —  Voy.  Noblesse. 

Quasi.  «  Quasi  sans  exemple.  »  II,  332.  Cf.  II,  3"23. 

Que,  pour,  si  ce  n'est.  I,  137,  177  ;  II,  97, 157.  =  Que  non  pas  que.  Voy.  Non. 

Que  Dieu  s'est  voulu  cacher.  I,  171,  note  2. 

Que  la  loi  était  figurative.  Figures.  II,  5,  note  1. 

Que  sais-jel  Devise  de  Montaigne.  I,  cxxvi. 

Quel  (qualis).  «Qu'ils  apprennent  au  moins  quelle  est  la  religion  qu'ils 
combattent.  »  II,  130. 

Querelle.  Voy.  Temps. 

Qui  (si  quis) .  «  Qui  ne  mourrait  pour  conserver  son  honneur,  celui-lb  serait 
infâme.  »  1.  24.  —  Qui,  au  commencement  d'une  phrase,  pour,  celui  qui.  I, 
38,  39,  83,88,  89,  104,  114,  etc. 

Quitter,  pour,  abandonner.  «  Mon  Dieu,  me  quitterez-vous?  »  I,  cvu.  = 
Pour,  laisser.  On  quitte  tout  là.  »  I,  105.  —  Dans  le  vide  que  l'amour  de 
Dieu  a  quitté.  »  11,  242. 

Quod  curiositate  cognoverint  superbia  amiserunt.  1,  154  l. 

Quoi,  conjonclif  neutre.  «  Je  manque  à  faire  plusieurs  choses  à  quoi  je  suis 
obligé.  »  II,  339.  —  «  En  quoi  consiste  cette  illusion  que  je  tâche  de  vous 
découvrir.  »  II,  353.  Cf.  I,  t.xxiu,  193.  =  Quoi?  que...  (Quid,  quod..?)\l, 
151.  —  Voy.  Je  ne  sais  quoi. 

Quant  veritatem,  qua  liberetur,  etc.  (S.  Aug.)  I,  39. 


B 

Rabattre.  «  Pyrrhonisme...  rabattra  cette  vanité.  «  II,  156. 
Rabbinisme.  «  Chronologie  du  Rabbinisme.  »  II,  182. 
Rabbins.  Cités;  leurs  principes.  Il,  181-182. 
Racourci.  Voy.  Atome. 

Race.  «  Roture  de  race.  »  I,  62.  Voy.  Suisses. —  Règne  éternel  de  la 
race  de  David .  Il,  185. 

Racine.  «  Couper  la  racine,  des  doutes  d'où  naissent  les  procès.  »  I,  cxxvi. 

—  Toutes  ces  dispositions...  ont  une  racine  naturelle  dans  son  cœur.  »    I,  28. 

—  «  Tout  cela  a  ses  racines  si  vives  en  nous.  »  I,  37.  —  Où  il  a  des  racines 
naturelles.  »  I,  51..  Voy.  Ennui.  — La  racine  du  péché.  11,343. 

Radical,  pour,  fondamental.  «  Beauté  radicale.  »  II,  254. 

Raison.  Montaigne  incomparable  pour  convaincre  la  raison  de  son  peu  de 
lainière  et  de  ses  égarements.  I,  cxxxv.  —  «  Notre  raison  est  toujours  déçue 
par  l'inconstance  des  apparences.  »  I,  6.  —  «   La  raison  a  beau  crier,  elle  ne 

S  eut  mettre  le  prix  aux  choses.  »  I,  31.  —  L'imagination  la  contrôle  et  la 
omine.  Ibid.  —  Choses  qui  emportent  la  raison  hors  des  gonds.  I,  33. — 
a  Plaisante  raison  qu'un  vent  manie!  »  Ibid.  —  «  Cette  belle  raison  corrom- 
pue a  tout  corrompu.  »  I,  38.  —  «  La  raison  et  les  sens...  s'abusent  réci- 
proquement. »  I,  44.  —  «  La  raison  nous  commande  bien  plus  impérieuse- 
ment qu'un  maître.  »  I,  70.  —  «  La  raison  s'offre  (pour  règle),  mais  elle  est 
ployable  à  tous  sens.  »  I,  98.  Cf.  II  89.  —  «  Humiliez-vous,  raison  impuis- 
sante! »  I,  114.  —  Il  faut  que  la  raison  s'appuie  sur  la  connaissance  des  pre- 
miers principes.  I,  119.  —  La  raison  n'est  pas  seule  capable  de  nous  ins- 
truire. Ibid.  —  «  La  raison  rend  les  sentiments  naturels,  et  les  sentiments 
naturels  s'effacent  par  la  raison.  »  I,  120.  —  Guerre  intérieure  de  la  raison 
contre  les  passions  :  ses  effets.  Ibid.  —  Dans  l'examen  de  ce  point  :  Dieu 
est  ou  il  n'est  pas;  de  quel  côté  pencher?  La  raison  n'y  peut  rien  détermi- 
ner. I,  <49.  —  «  Votre  raison  n'est  pas  plus  blessée...  en  choisissant  l'un 
que  l'autre.  »  I,  150.  —  Une  infinité   de  choses  surpassent   la  raison    I,  193. 

—  «  Soumission  et  usage  delà  raison,  en  quoi  consiste  le  vrai  christianisme.  » 
Ibid.  et  II,  200  Voy.  Religion.  —  ce  Deux  excès  :  exclure  la  raison,  n'ad 
mettre  que  la  raison.  »  I,  194.  —  Faiblesse  de  la  raison  pour  persuader  le» 
vérités  de  la  religion.  II,  89.  —  «  Toutes  les  religions  et  les  sectes  du 
monde  ont  eu  la  raison    naturelle   pour  guide.  »  II,  106.   —  Différence  de  la 

1.  S.  Augustin,  Serm.  CXLI;  t.  V,  p.  683,  E  de  l'édit.  des  Bénédictins.  Le  texte  est:  Quod 
eurtositate  invenerunt  (philosoptn),  superbia  perdiâerun'. Voir  aussi  les  Confessions,  V,  3. 


T\BLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  67 

raison  et  du  sentiment,  par  rapport  a  la  foi.  II,  100.  —  <•  Instinct  et  raison, 
marques  de  deux  natures.  »  il.  Loi.  —  «  L'homme  n'agit  poinl  parla  raison, 
qui  tait  son  être.»  Il,  185.  — «  Que  j'aime  à  voir  cette  superbe  raison  humi- 
liée et  suppliante,  a  II,  1,*>7.  Cf.  t,  i:\wi.  •<  La  Corruption  de  la  raison 
parait  par  tant  de  différentes  et  extravagantes  moeurs.  »  11.  168.  —  On  a 
>ppOSé  sans  fondement  la  raison  et  l'amour.  II,  259.  Voy.  AMOUR.  —  La 
aiaon  seule  •  lieu  de  connaître  des  sujets  qui  tombent.  SOU 8  le  sens  ou  sous 
e  raisonnement.  11.  "207.  —  Raisons.  «  On  se  persuade  mieux  par  les  raisons 
ju'on  a  soi-même  trouvées.  »  I,  99.  —  Inutilité  «les  raisons  naturelles  pour 
prouver  ou  Dieu  ou  l'immortalité  de  lame,  etc.  1,  155.  —  a  Le  cœur  a  ses 
raisons,  que  la  raison  ne  connaît  point.  »  11,  88.  —  Les  raisons  de  ce  qui 
l'abord  agrée  ou  choque  ne  viennent  qu'après.  II,  162.  Voy.  Roannez  (M.dk). 
—  Raison  pourquoi  Figures.  1,  209.  note  4.  —  Raisons  des  effets.  1,  60, 
notes  2,  3,  4;  64,  note  3;  II,  124,  note  2:  124,  note  5.  Cf.  1,  63;  IL  121,  — 
Raisons  pourquoi  on  ne  croit  point.  11,  74,  noie  2. 

Raisonnable.  «  Il  n'y  a  que  deux  sortes  de  personnes  qu'on  puisse  appe- 
ler raisonnables  :  ou  ceux  qui  servent  Dieu  de  tout  leur  cœur,...  ou  ceux  qui 
le  cherchent  de  tout  leur  cœur.  »  I,  142.  —  Voy.  Raisonnement. 

Raisonnement.  «  Tout  notre  raisonnement  se  réduit  à  céder  au  sentiment.  » 
I,  98. —  Les  choses  de  raisonnement.  I,  106.  —  Le  raisonnement  n'a  point  de 
part  à  la  connaissance  des  premiers  principes.  1,  119.  —  «  Toutes  les  autres 
(connaissances)  ne  peuvent  être  acquises  que  par  le  raisonnement.  »  I,  120. — 
Raisonnement  supposé  de  celui  qui  doute  par  profession  et  par  vanité.  «  Com- 
ment se  peut-il  faire  que  ce  raisonnement-ci  se  passe  dans  un  homme  raison- 
nable? »  I,  139.  —  Présomption  insupportable  dans  des  raisonnements  sur 
Dieu,  fondés  sur  une  humilité  apparente  qui  n'est  ni  sincère  ni  raisonnable. 
I,  189.  —  Le  raisonnement,  ne  mène  pas  à  la  foi.  II,  158. 

Raisonner.  Pourquoi  nous  nous  fâchons  de  ce  qu'on  dit  que  nous  raison- 
nons mal.  1,  63.  —  Ceux  qui  sont  accoutumés  à  raisonner  par  principes  ne 
comprennent  rien  aux  choses  de  sentiment.  I,  106. 

Ramassé.  «  Elle  est  toute  ramassée  en  soi  :  elle  est  loi,  et  rien  davantage.  » 
1,39. 

Ramasser  (se),  pour,  se  recueillir.  «  Je  me  rainasse  dans  moi-même,  et  je 
trouve,  etc.  »  II,  339. 

Rang.  «  L'homme  ne  sait  à  quel  rang  se  mettre.  »  I,  121. 
Ranger  a  (se).  I,  114. 
Rapport.  Avoir  rapport  à.  I,  6,  7,  149. 

Rapporter,  pour,  se  rapporter.  «  L'amour  pour  soi-même  serait  fini  et 
rapportant  à  Dieu.  »  11,  242. 

Ratière.  Saint  Paul  parle  du  mariage  aux  Corinthiens  d'une  manière  qui 
est  une  ratière.  II,  184. 

Ravir.  Voy.  Discours,  RoyAUME. 

Réalité.  «  Au  prix  de  la  réalité  des  choses.  »  I,  1.  =  La  réalité  et  la 
figure.  II.  3. 

Rebut.  "  Gloire   et   rebut  de  l'univers    (l'homme).  »  I,  114.  —  «  Dans  le 
dénûment  et  dans  le  rebut  des  hommes.  »  II,  337. 
Réception.  Voy.  Recevoir. 

Recevoir.  Si  les  Juifs  reçoivent  Jésus-Christ,  ils  le  prouvent  par  leur 
réception.  I,  210.  Voy.  Renoncer.  —  «Les  (Juifs)  saints  le  reçoivent,  et  non 
les  charnels.  »  II,  40.  Voy.  Refuser.  —  a  11  est  visible  que  ce  n'est  que  sa 
vie  qui  les  a  empêchés  de  le  recevoir.  »  II,  41.  =  Recevoir  des  difficultés. 
I,  51.  Voy.  Pykrhus.  —  Recevoir  des  différences.  II,  253.  ==  Recevoir,  pour, 
prendre  (au  figuré).  «  Je  ne  sais  comment  vous  aurez  reçu  la  perte  de  vos 
lettres.  »  II,  331. 

Recherche.    «  La  recherche  des  choses.  »  I,  80.  —  Voy.  Repos,  Science. 
—  Recherche  du  vrai  bien.  II,  156,  note  1. 
Rechercher  de,  avec  l'infinitif.  I,  116. 

Recolx.  «  Comme  égaré  dans  ce  recoin  de  l'univers.  »  I,  175. 
Récompense.  «  Ridicule  de  dire  qu'une  récompense  éternelle  est  offerte  à 
des  mœurs  escobartines.  »  II,  117. 

Rédempteuk.  La  religion  chrétienne  consiste  proprement  au  mystère  du 
Rédempteur,  qui,  unissant  en  lui  les  deux  natures,  a  retiré  les  hommes  de  la 
corruption  du  péché  pour  les  réconcilier  à  Dieu  en  sa  personne  divine.  I,  176- 
177.  —  «  Il  n'y  a  de   rédempteur  que    pour  les  chrétiens.  »  I,  211.   —  «  Je 


68  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

bénis  tous  les  jours  de  ma  vie  mon  rédempteur.  »  II,  119.  —  «   Jésus-Christ 
rédempteur  de  tous.  »  Oui  et  non.  11,  158. 

Rédemption.  Preuves  de  la  corruption  et  de  la  rédemption.  1,  188.  — Le 
monde  instruit  les  hommes  et  de  leur  corruption  et  de  leur  rédemption. 
11,  48.  —  «  11  n'est  pas  juste  que  tous  voient  la  rédemption.  »  II,  90.  — 
Figures  de  la  totalité  de  la  rédemption.  11,  158.  —  Figures  de  l'exclusion  de 
la  rédemption.  Ibid. 

Redresser,  pour,  corriger,  remettre  dans  la  bonne  voie.  1,  141. 

Réel.  «  Il  faut  de  l'agréable  et  du  réel.  »  I,  104.  Voy.  Vrai. 

Refuser.  «  J'aurais  refusé  la  religion  de  Mahomet,  etc.  »  1,  198.  —  «  Les 
Juifs  le  refusent  (Jésus-Christ),  mais   non  pas    tous.  »  11,  40.  Voy.  Recevoir. 

Réfusion.  Une  réfusion  d'amour.  II,  246. 

Règle.  La  règle  des  partis.    Voy.    Paiiti.  —  «  Les    seules  règles  univer 
selles  sont  les  lois  du  pays  aux  choses  ordinaires,  et  la  pluralité  aux  autres.  > 
1,  71.  —  Des  règles  en  critique.    1,    98.  —  La  règle  et  l'exception.  1,  99.   - 
Règle  pour  les  miracles.  11,  67.  — Les  chrétiens  ont  été  astreints  à  prendre 
leurs  règles  hors    d'eux-mêmes,  et   à  s'informer  de   celles    que  Jésus-Christ  a 
laissées  aux  anciens.  II,  106.  —   «  La  règle  est  l'honnêteté.  »   II,  125.  —  S'il 
y  a  des  règles   pour  plaire.  II,  299.  Voy.  Plaire.  -  Règles  de   l'art  de  per- 
suader. II,  301. 

Règlement.  Le  règlement  de  la  pensée.  I,  11. 

Régler.  «  Comme  pour  régler  un  hôpital  de  fous.  »  I,  86.  Voy.  Aristote. 

Règne.  «  Pour  éclater  dans  son  règne  de  sainteté.  »  II,  16. 

Reine.  La  reine  de  Suède.  Voy.  Roi.  =  Reines  de  village.  I,  104.  Voy. 
Sonnet. 

Relâché.  Voy.  Opinion. 

Religieuses.  Voy.  Port-Royal.  =  Religieuse  de  Pontoise  guérie  d'un 
mal  extraordinaire  par  une  dévotion  à  la  Sainte-Epine.  II,  342. 

Religieux.  Voy.  Corruption. 

Religion.  Rien  heureux  ceux  à  qui  Dieu  a  donné  la  religion  par  senti- 
ment de  cœur.  I,  120.  —  Marques  de  la  vraie  religion.  I,  136,  169-170:  II, 
68,  77.  —  De  quelle  manière  agissent  ceux  qui  s'en  instruisent  avec  négli- 
gence. I,  137.  «  Il  est  glorieux  à  la  religion  d'avoir  pour  ennemis  des 
hommes  si  déraisonnables.  »  1,  140.  —  La  religion  nous  oblige  de  regarder 
toujours  les  impies,  tant  qu'ils  sont  en  cette  vie,  comme  capables  delà 
grâce.  1,  142.  —  «  Les  chrétiens  professent  une  religion  dont  ils  ne  peuvent 
rendre  raison.  »  I,  149.  Voy.  Preuve.  —  C(  Nulle  religion  (que  la  nôtre)  n'a 
demandé  à  Dieu  de  l'aimer  et  de  le  suivre.  »  I,  169.  —  Est  la  seule  propor- 
tionnée à  tous,  aux  habiles  et  au  peuple.  I,  170.  —  La  seule  qui  ait  ensei- 
gné que  l'homme  naît  en  péché.  I,  171.  —  A  toujours  subsisté  sur  la  terre. 
I,  172,  174,  175;  11.  157.  —  «  Je  vois  plusieurs  religions  contraires,  et  par- 
tant toutes  fausses,  excepté  une.  »  I.  175.  —  La  religion  chrétienne  a  des 
prophéties.  Ibid.  —  La  seule  religion  contre  la  nature,  contre  le  sens  com- 
mun, contre  nos  plaisirs  Ibid.  —  Consiste  en  deux  points  et  enseigne  deux 
vérités.  I,  176.  —  Rlasphémée  par  ceux  qui  la  connaissent  mal.  Ibid.  —  En 
quoi  elle  diffère  du  déisme.  Ibid.  Voy.  Déisme.  —  Résumé  des  preuves  de  la 
religion.  I,  177.  —  La  religion  chrétienne  est  la  seule  qui  satisfasse  aux 
conditions  d'une  véritable  religion.  I,  182,  187.  —  La  véritable  religion  peut 
seule  nous  enseigner  les  remèdes  à  nos  impuissances  et  à  nos  faiblesses,  et 
les  moyens  d'obtenir  ces  remèdes.  1,  182-185.  Cf.  Il,  16*.  —  «  Toutes  ces 
contrariétés,  qui  semblaient  le  plus  m'cloigner  de  la  connaissance  de  la  reli- 
gion, est  ce  qui  m'a  le  plus  tôt  conduit,  à  la  véritable.  »  I.  186.  —  «  Si  on 
soumet  tout  à  la  raison,  notre  religion  n'aura  rien  de  mystérieux  et  de  sur- 
naturel. Si  on  choque  les  principes  de  la  raison,  notre  religion  sera  absurde 
et  ridicule.  »  I,  193.  —  «  Je  vois  la  religion  chrétienne  fondée  sur  une  reli- 
gion précédente.  »  1,  198.  Cf.  II,  42.  —  Les  religions  de  Mahomet,  de  h. 
Chine,  des  anciens  Romains,  des  Egyptiens,  n'ont  ni  morale  ni  preuves,  e 
doivent  être  refusées  également.  I,  198.  —  Deux  sortes  d'hommes  en  chaqut 
Teligion.  I,  211.  —  Religion  païenne,  mahométane,  juive.  11,  41.  Voy.  Fon- 
dement. —  Obscurités  de  la  religion.  II,  47,  89.  —  Religion  des  Juifs.  Il,  56, 
61.  Voy.  Juifs.  —  «  Fondement  de  la  religion.  C'est  les  miracles.  »  II,  73. 
—  Les  hommes  ne  se  fussent  pas  imaginé  tant  de  faites  religions,  s'il  n'\ 
en  avait  une  véritable.  II,  75-75,  —  Religion  des  sauvages.  Il,  76.  —  «  Vou- 
loir mettre  la  religion  dans  l'esprit  et  dans  le  cœur  par  la  force 
et  par  les  menaces,  ce  n'est  pas  y   mettre  la  religion,  mais   la  terreur.  »  U 


fABLK  ANAL1  HQUE  ET  LEXIQUE.  66 

88.  Voy.  Conduite.  —  «  11  faut  avouer  que  la  religion  chrétienne  a  quel- 
que chose  d'étonnant.  »  II,  88.  -  Deux  manières  «le  persuader  les  vérités  de 
l.i  religion  :  la  force  de  la  raison  et  l'autorité  de  celui  qui  parle.  II.  88-89. 
La  vérité  de  la  religion  se  prouve  suffisamment  par  son  seul  établissement. 
II.  04.  Comment  il  faul  guérir  les  hommes  du  mépris,  de  la  haine  et  de 
la  peur  qu'ils  ont  à  l'égard  de  la  religion.  II.  180.  —  «  La  pureté  d<>  la  reli- 
gion est  contraire  à  nos  corruptions.  »  11,  117.  —  «  Sur  ce  que  la  religion 
chrétienne  n*esl  pas  unique.  »  11.   12'A.  —  Elle  n'esi    pas  certaine.  [I,  124.  — 


Comment  se  conservent  les  fausses  religions,  et  In  vraie  même,  à  l'égard  de 
beaucoup  de  gens.  [I,  i:>:>.  —  «  Nulle  secte  ni  religion  n'a  toujours  été  sur 
la  terre,  que  la  religion  chrétienne.  »  II,  lf>7.  —  «  Il  n'y  a  que  la  religion 
chrétienne  qui  rende  l'homme  aimable  et  heureux  tout  ensemble.  »,  Jbid.  — 
a  Notre  religion  est  sage  et  folle.  »  II,  160,  200.  —  Grandeur  de  la  religion. 
11,  W2U).  =  Religion  catholique.  Ne  commande  de  découvrir  le  fond  de  son 
cœur  qu'à  un  seul  homme,  I,  27.  Voy.  Confession. 

Reliques.  Pourquoi  nous  honorons  les  reliques  des  morts.  11,  241.  —  Ce 
qui  rend  les  reliques  des  saints  si  dignes  de  vénération.  II,  343. 

Reluire,  au  figuré.  Il,  48. 

Remède.  Voy.  Religion. 

Remplir.  Voy.  Capacité,  Egaler,  Inondation,  Place,  Plaisir,  Vide. 

Remuement.  Les  hommes  aiment  le  bruit  et  le  remuement.  1,  49.  — Sentir 
des  remuements.  II,  257. 

Remuer  (se).  «  Quand  tout  se  remue  également,  rien  ne  se  remue  en  appa- 
rence, »  I,  77. 

Renoncer.  Si  les  Juifs  renoncent  Jésus-Christ,  ils  le  prouvent  par  leur 
renonciation.  I,  210.  Voy.  Recevoir.  —  «  Je  l'ai  fui,  renoncé,  crucifié.  »  I,  cvil. 

Renonciation,    pour     renoncement.  «    Renonciation     totale    et    douce.    » 

I,  GVH. 

Renouvellement.  «Le  renouvellement  des  pensées  et  des  désirs  cause 
celui  des  discours.  »  II,  331.  Cf.  II,  341.  Voy.  Nouveau. 

Renversement.  «  Renversement  continuel  du  pour  au  contre.  »  I,  00.  — 
«  Un  étrange  renversement  dans  la  nature  de  l'homme.  »  I,  141.  —  «  Un  tel 
renversement  de  la  nature  (au   dernier  jour).  »  II,  47. 

Répandre.  «  Répandre  on  verser,  selon  l'intention.   »  II,  178. 

Réparateur.  «  Qu'il  y  a  un  réparateur.  »  II,  60.  —  Jésus-Christ  est  le 
réparateur  de  notre  misère.  II,  63.  Cf.  I,  cxxxiii. 

Répétitions.  Les  répétitions  de  mots  ne  sont  pas  toujours  fautes.  I,  102- 
103. 

Repos.  Un  instinct  secret  porte  les  hommes  à  y  tendre  par  l'agitation.  1,  50- 
M.  —  Après  les  obstacles  surmontés,  le  repos  devient  insupportable.  I,  51.  Cf. 
.1,  154.  —  «  Rien  ne  donne  le  repos  que  la  recherche  sincère  de  la  vérité. 
j,  97.  Voy.  Conscience.  —  Le  repos  entier  est  la  mort.  »  II,  150. 

Reposer.  Reposer  en  paix    dans  la  foi.    I;  197.  — Voy.  Esprit  (le  Saint). 

Répréhension.  Quand  le  juste  reprend  ses  serviteurs,  il  prie  Dieu  de  les 
corriger,  et  attend  autant  de  Dieu  que  de  ses  répréhensions.  Il,  161. 

Reprendre.  Manière  de  reprendre  avec  utilité.  I,  78. 

Représenter,  pour,  figurer.  II,    341.  =  Pour,  remontrer.  143  :  II,  340. 

Réprobation.  Des  Juifs.  II,  57,  191.  —  Du  temple.  II,  192.  =  De  Joseph 
par  ses  frères.  II,  2. 

Reproche.  «  Des  témoins  sans  reproche.  »  II,  41.  Voy.  Irréprochable. 

Reprocher.  Reprocher  de  ce  que.  .  1,  10. 

Reproduire.  Voy.  Produire. 

Réprouvés.  Justice  de  Dieu  envers  les  réprouvés.  I,  153.  —  «  Jésus-Christ 
sauve  les  élus,  et  damne  les  réprouvés,  sur  les  mêmes  crimes.  »  II,  2.  —  Dans 
les  marques  que  Dieu  donne  de  soi,  il  y  a  assez  d'obscurité  pour  aveugler  les 
réprouvés,  et  assez  de  clarté  pour  les  condamner.  II.  48.  —  Les  réprouvés 
ignoreront  la  grandeur  de  leurs  crimes.  II,  98.  —  Voy.  Rome,  Ruine. 

République.  Pascal  disait  que,  dans  un  Etat  établi  en  république,  comme 
Venise,  c'était  un  grand  mal  de  contribuer  à  y  mettre  un  roi.  1,  lxxxv.  — 
«  Deux  lois  suffisent  pour  régler  toute  la  république  chrétienne,  »  II,  94.  — 
«  La  république  chrétienne,  et  même  judaïque,  n  a  eu  que  Dieu  pour  maître.  » 

II,  203.  =  La   république,    pour,   l'Etat.    Il,  352.    —  République.   II,  203. 
note  1. 

Répudier.  Voy.  Synagogue. 


70  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE 

Répugnance,  pour,  contradiction.  I,  cxxxvi  1, 

Répugnant,  pour  contradictoire.  «  Un  grand  nombre  de  vérités  et  de  foi 
et  de  morale,  qui  semble   répugnantes.  »  II,  91. 

Réputation.  Voy.  Dispenser. 

Résider.  II,  341,  343. 

Résolution.  Epictète  veut  que  l'homme  cache  ses  bonnes  résolutions  :  rien 
ne  les  ruine  davantage  que  de  les  produire.  I,  cxxiv.  =  Au  sens  chrétien.  La 
résolution  des  martyrs  :  comment  elle  peut  former  la  nôtre.  Il,  97. 

Respect.  «  Le  respect  est:  Incommodez-vous.  »  I,  63.  —  Cordes  qu'attache 
ou  qui  attachent  le  respect.  I,  88,  89.  —  Recevoir  des  respects.  11,  351.  — 
Respects  d'établissement  dus  aux  grandeurs  d'établissement  :  respects  naturels 
dus  aux  grandeurs  naturelles.  II,  354. 

Ressemblance.  Deux  visages  semblables  font  rire  par  leur  ressemblance. 
I,  106. 

Ressentiment,  pour,  sentiment.  «  Qui  vient  du  ressentiment  de  leurs 
misères  continuelles.  »  I,  50.  —  «  Ce  n'est  pas  que  je  souhaite  que  vous  soyez 
sans  ressentiment  (c-à-d.    insensibles).  »  II,  244. 

Ressentir  (se),  pour,  avoir  du  ressentiment,  s'offenser.  «  Se  ressentir  d'un 
soufflet.  »  I,  65. 

Resserrer.  «  IL y  a  des  passions  qui  resserrent  l'âme.  »  II,  259. 

Ressusciter.  «  Quelle  raison  les  athées  ont-ils  de  dire  qu'on  ne  peut  res- 
susciter ?  »  II,  97. 

Résurrection.  «  Qu'ont-ils  à  dire  contre  la  résurrection  ?  »  II,  96. 

Réussir,  pour,  sortir,  résulter  {riuscire).  «  De  tous  les  corps  ensemble,  on 
ne  saurait  en  faire  réussir  une  petite  pensée.  »  II,  16  2.  =  Réussir  mal.  I,  cxxxvi. 

Revancher  (se).  I,  42. 

Revenir.  «  Etant  revenu  à  soi.  »  I,  2. 

Rêver.  Voy.  Songe. 

Révérence.  «  Révérence  parler.  »  I,  85. 

Riches.  Explication  par  saint  Thomas  du  passage  de  saint  Jacques  sur  la  pré- 
férence des  riches.  II,  172. 

Richesse.  «  Le  propredela  richesse  est  d'être  donnée  libéralement.  »  II,  176. 
=  Les  richesses  qu'on  tient  des  ancêtres  ont  été  acquises  ou  conservées  par 
mille  hasards.  II,  351. 

Ridicule.  La  morale  de  la  religion  juive  est  ridicule,  dans  la  tradition  du 
peuple.    II,  41.  Voy.  Récompense. 

Rire.  Voy.  Pleurer. 

Rivière.  «  Les  rivières  sont  des  chemins  qui  marchent.  »  I,  106.  Voy. 
Justice. 

Roannez  (M.  de).  Observation  de  Pascal  sur  le  mot  de  M.  de  Roannez  :  Les 
raisons  me  viennent  après,  etc.  II,  162. 

Roannez  (Mlle  de).  Extraits  Je  neuf  lettres  que  Pascal  luiécrivait.  11,327-343. 

Robe.  Voy.  Docteur,  Magistrat,  Pédant. 

Roi.  Les  rois  n'ont  pas  l'habit  seulement,  ils  ont  la  force.  I,  34,  36.  Voy. 
Imagination.  —  Misère  d'un  roi  réduit  à  lui-même.  I,  49,  53.  — Ce  qui  fait  que 
le  visage  des  rois,  mêmeseul,  imprime  le  respect  et  la  terreur.  I,  61.  —  Leur 
puissance  est  fondée  sur  la  raison  et  sur  la  folie  du  peuple.  I,  61-62.  — Enfant 
roi.  I,  65.  Voy.  Cannibales.  —  Les  rois,  parce  qu'ils  ont  la  force  d'ailleurs, 
ne  suivent  pas  la  pluralité  de  leurs  ministres.  I,  71. —  «  Qui  aurait  eu  l'amitié 
du  roi  d'Angleterre,  du  roi  de  Pologne  et  de  la  reine  de  Suède,  aurait-il  cru 
pouvoir  manquer  de  retraite  et  d'asile  au  monde?  »  I,  81. —  «  Les  princes  et 
les  rois  ne  sont  pas  toujours  sur  leurs  trônes:  ils  s'y  ennuient.  »  I,  84.  —  «  Les 
rois  de  la  terre  s'unissent  pour  abolir  cette  religion  naissante.  »  II,  25.  —  «  Roi, 
tyran.  »  II,  205.  —  Différence  entre  les  rois  de  la  terre  et  le  roi  des  rois.  II, 
335.  Voy.  Prince.  —  «  Il  faut  parler  aux  rois  à  genoux.  »  II,  354. 

Romains.  Religion  dan  anciens  Romains.  1,  198.  Cf.  1, 172.  —  Voy.  Evangile, 
Législateur. 

Rome.  Principale  église  de  Jésus-Christ.  II,  25.  —  «  Que  Jérusalem  serait 

1.  Dans  les  Provinciales,  lr«  Lettre  :  Vous  y  verriez  une  répugnance  et  une  contradiction 
•1  grossière,  que  vous  aurez  peine  à  me  croire.  » 

2«  Voyons  ce  qui  pourra  de  ceci  7'éussir. 

Molière,  Le  Tartufe,  a.  Il,  80.  4. 


TABLE  ANALYTIQUE  BT  LÉXIQUÏ.  71 

réprouvée,  et  Rome  admise.  »  11,  £>S.  a  Si  mes  Lettres  «ont  condamnées  à 
Home,  ce  que  j'y  condamne  est.  condamné  dans  le  ciel.  »  11,  ii8. 

Roseau.  «  L'homme  n'est  qu'on  roseau,...  mais  c'est  un  roseau  pensant.  » 
1,  10.  —  Roseau  pensant,  1,  11. 

Roture,  Roturier.  Voy.  Suisses. 

Royaume.  Saint  Paul  a  appris  au  hommes  que  le  royaume  de  Dieu  ne  con- 
sistait pas  en  l.i  chair,  mais  on  l'esprit.  1,  200.  —  Le  royaume  de  Dieu  est 
dans  ses  fidèles.  U,  228.  —Jésus-Christ  a  dit  nue  le  royaume  de  Dieu  Booffre 
violence  et  que  les  violents  le  ravissent.  11.  35».  —  Voy.  Charité,  Concupis- 
cence. 

Royauté.  «  La  royauté  est  le  plus  beau  poste  du  monde.  »  I,  49. 

Ruink.  La  ruine  du  temple  réprouvé  figure  la  ruine  de  l'homme  réprouvé 
qui  est  en  chacun  de  nous.  II,  34l. 

Ruiner.  «  Ils  ruinent  les  vérités  aussi  bien  que  les  faussetés  l'un  de  l'autre.» 
1,  cxxxrv. —  «  Elles  (les  passionsdc  l'amour  ei  de  l'ambition)  s'affaiblissent  l'une 
l'autre  réciproquement,  pour  ne  pas  dire  qu'elles  se  ruinent.  »  11,  251.  —  L'at- 
tachement à  une  même  pensée  fatigue  et   ruine  l'esprit  de  l'homme.»  Il,  256. 

Voy.  Résolution. 

Ruth.  II,  51.  —  «  Pourquoi  le  livre  de  Ruth  conservé.  »  II,  198. 


Saci  (M.  de).  Entretien  de  Pascal  avec  M.  de  Saci.  I,  cxxi-cxxvm.  —  Pas- 
cal se  soumet  entièrement  à  sa  direction.  I,  cxxxm. 

Sacrement.  Vraie  doctrine  du  Sa  in  I -S  acre  nient  :  commémoration  de  la  croix 
et  de  la  gloire  ;  sacrifice  et  commémoration   de  sacrifice.  II,  92. 

Sacrificateur.  Voy.  Sacrifier 

Sacrificature  (ou  Sacrification).  U,  58. 

Sacrifice.  Les  sacrifices  et  cérémonies  dans  l'ancien  Testament,  figures  ou 
sottises.  11,11». —  «Que  les  sacrifices  des  païens  seront  reçus  de  Dieu,  etqueDieu 
retirera  sa  volonté  des  sacrifices  des  Juifs.  »  II,  58.  —  Sacrifice  de  Jésus- 
Christ,  continuel  ou  sans  interruption.  II,  238.  —  «  Que  ces  sacrifices  particu- 
liers (de  nos  afflictions)  honorent  et  préviennent  le  sacrifice  universel  où  la 
nature  entière  doit  être  consommée  par  la  puissance  de  Jésus-Christ.  » 
II,  245. 

Sacrifier.  «  Il  devait  (le  Messie)...  se  sacrifier  pour  eux,  et  être  une  hostie 
sans  tache,  et  lui-même  sacrificateur,  etc.  »  II,  28.  Cf.  II,  27. 

Sage.  C'est  parmi  les  plus  sages  que  l'imagination  a  le  don  de  persuader  les 
hommes.  I,  31.  —  «  Le  ton  de  voix  impose  aux  plus  sages.  »  I,  33.  —  Les 
sages  unis  avecles  savants  et  les  rois  contre  Jésus-Christ.  11,25.  —  Sages  per- 
sécutés pour  avoir  dit  qu'il  n'y  a  qu'un  Dieu.  II,  96.  —  Les  sages  ont  pour 
objet  la  justice.  II.  199.  =  Notre  religion  est  sage  et  folle.  II,  160,  200. 

Sagesse.  La  Sagesse  (divine).  Discours  ou  prosopopée  où  Pascal  la  fait  parler. 
I,  183-184  et  190.  La  grandeur  de  la  Sagesse.  U,  15,  16  et  20.  —  «  La  Sagesse 
nous  envoie  à  l'enfance.  »  II,  167.  —  Sagesse  humaine.  «  La  sagesse  vous  éga- 
lera à  Dieu,  si  vous  voulez  la  suivre  (disent  certains  philosophes).  »  I,  171.  — 
L'orgueil  y  règne.  II,  199.  Voy.  Superbe.  —  Dieu  seul  la  donne.  Ibid.  —  Voy. 
Stoiques. 

Saint.  «  Saint,  saint  à  Dieu.  »  II.  16. —  «  Pour  faire  d'un  homme  un  saint, 
il  faut  bien  que  ce  soit  la  grâce.  »  11,120.  — Les  saints  :  quels  ilsétaient  dans 
dans  le  premierâge  du  monde.  1,172.  —Les  saints  recherchent  leur  satisfaction 
comme  les  hommes  ordinaires,  et  ne  diffèrent  qu'en  l'objet  où  ils  la  placent. 

I,  205.  Cf.  II,  93.  Voy.  Félicité.  —  «  Les  saints  ont  leur  empire,  leur  éclat, 
etc.  »  II,  15.  —  Les  saints  étaient  des  hommes  comme  nous.  II,  99-100.  — 
«  L'ardeur  des  saints  à  rechercher  et  pratiquer  le  bien  était  inutile,  si  la 
probabilité  est  sûre.  »  II,  120.  — Sentence  des  saints  sur  la  connaissance  des 
choses  divines.  II,  297.  Voy.  Charité. —  Dieu  n'abandonne  pas  les  saints,  même 
dans  le  sépulcre.  II,  343.  Voy.  Reliques. 

Saint-Sacrement  (le).  II,  208. 

Sainteté.  «  Une  sainteté  exempte  du  mal.  »  1,  188.  —  L'ordre  de  sainteté. 

II,  16.  Voy.  Règne.  —  Marque  de  sainteté.  II,  77.  —  Maisons  de  sainteté.  II, 
342.  Voy.  Corruption.  —  Sainteté.  II,  23,  note  4. 

Saison,  pour,  temps  (tempestas).  I,  101. 


72 


TABLE  A  N  AL  Y  TIQUE  ET  LEXIQUE. 


Salomon.  Salomon  et  roi.  II,  185.  —  Voy.  Job. 

Salomon  de  Tultie.  (Louis  de  Montalte) .  I,  101. 

Salut.  «  Dieu  a  voulu...  ouvrir  le  salut  à  ceux  qui  le  chercheraient.  »  II,  47. 

Sanctification.  Voj.  Oblation. 

Sanctifier.  Il  faut  deux  choses  pour  sanctifier  :  peines  et  plaisirs.  11,336. 

—  Voy.  Souffrance. 
Sang.  Voy.  Goutte. 

Santé.  «  J'ai  fait  un  usage  tout  profane  de  la  santé.  »  II,  223.  —  «  Oui, 
Seigneur,  je  confesse  que  j'ai  estimé  la  santé  un  bien,  etc.  »  II,  228. 

Satisfaction.  Voy.  Saint.  Piété. 

Saturne.  Voy.  Lion. 

Sauter.  «  Il  (Montaigne)  l'évitait(le  défautd'une  droite  méthode),  en  sautant  de 
sujet  en  sujet.  »  I,   80.  =  «  Elle  y  saute   seulement  (en   parlant  de  l'âme.)  » 

I,  100.  Voy.  Toucher. 

Sauvages.  Les  sauvages  ont  une  religion  :  réponse  à  l'objection  qu'on  tire 
de  ce  fait.  II.  76.  —  N'ont  que  faire  de  la  Provence.  II,  166. 

Sauveur.  Un  des  attributs  de  Jésus-Christ.  II,  27.  Cf.  I,  172. 

Savant,  (adjectif).  «  Ignorance  savante,  qui  se  connaît.  »  1,44. 

Savants.  Voy.  Curieux,  Sage. 

Savoir.  Nous  sommes  incapables  de  savoir  certainement  et  d'ignorer  abso- 
lument. I,  5.  Cf.  II.  157.  —  Savoir  qu'on  ne  sait  rien.  I,  44.  —  «  Les  hommes 
ne  se    piquent  de  savoir  que  la  seule  chose  qu'ils  n'apprennent  point.  »  I,  80. 

—  «  Seigneur,  je  sais  que  je  ne  sais  qu'une  chose  :  c'est  qu'il  est  bon  de  vous 
suivre,  et  qu'il  est  mauvais  de  vous  offenser,  etc.  »  II,  231. 

Scandaliser  (se.)   «  Il  est  bien  ridicule  de  se  scandaliser  de  la  bassesse  de 
Jésus-Christ.  II,  16. 
Scaramouche.  11,165. 
Scène.  Voy.  Sévérité. 
Sceptre.  Le  sceptre  éternellement  en  Juda,  et   ôté  de  Juda  pour  jamais. 

II,  40,  51. 

Schismatiques.  «  Un  miracle  parmi  les  schismatiques  n'est  pas  tant  à 
craindre.  »  II,  78. 

Schisme.  Quand  il  n'y  a  point  de  schisme,  et  que  l'erreur  est  en  dispute,  le 
miracle  discerne.  »  II,  78. 

Scibili  (deomni).  Voy.  De  omni  scibili. 

Sciemment.  «  Et  qu'en  suite  vous  croyiez  sciemment.  »  I,  185. 

Science  «  Toutes  les  scienses  sont  infinies  en  l'étendue  de  leurs  recher- 
ches. »  I,  3.  —  La  maladie  ôte  la  science.  I,  41 .  —  «  Les  sciences  ont  deux 
extrémités  qui  se  touchent.  »  I,  44.  —  Sciences  abstraites,  ne  sont  pas  propres 
à  l'étude  de  l'homme.  I.  77.  Voy.  Etude.  —  Science  des  choses  extérieures  et 
science  des  mœurs.  I,  83.  —  Science  sans  zèle.  II,  100.  Voy.  Zèle.  —  Sciences 
universelles.  II,  166.  Voy.  Morale  — «  Toutes  les  sciences  qui  sont  soumises  à 
l'expérience  et  au  raisonnement  doivent  être  augmentées  pour  devenir  par- 
faites... Leur  perfection  dépend  du  temps  et  de  la  peine.  »  II,  268.  —  Progrès 
des  sciences    »  II,  271. 

Séance.  «  Sa  séance  éternelle  à  la  droite.  »  II,  237. 

Sebonde.  (Raymond  de).  Son  apologie  par  Montaigne.   I,  cxxvii.    Cf.  II,  48. 

Second.    «Il  faut   qu'il    (homme)  trouve   un    second  pour  être  heureux.  » 
,  2oo. 

Seconde  partie  :  Que  Vhomme  sans  la  foi  ne  peut  connaître  le  vrai 
bien  ni  la  justice.  I,  117,  note  3. 

Secousse.  Les  secousses  de  l'imagination.  I,  33. 

Secret.  Le  secret  dans  lequel  Dieu  s'est  retiré.  II,  329-330.  =  Le  secret 
d'entretenir  toujours  une  passion.  II.  257.  —  Voy.  Noblesse. 

Sectes.  Montaigne  et  Epictète  les  deux  plus  grands  défenseurs  des  deux 
plus  célèbres  sectes  du  monde.  1,  cxxxn  =  Source  des  erreurs  de  ces  deux 
sectes  1,  cxxxm.  Cf.  1,187.  —  «  Toutes  les  sectes  du  monde  ont  eu  la  raison 
naturelle  pour  guide.  »  II,  106. 

Seigneur.  Voy.  Grand  Seigneur. 

Selon  que,  pour,  a  proportion  que.  II,  357. 

Sem.  I.  213. 

Semaine.  Les  70  semaines  de  Daniel.  II,  29  et  36. 

Semblant.  «  L'on  ne  peut  presque  faire  semblant  d'aimer,  que  l'on  ne  soit 
bien  près  d'être  amant...  Il  faut  avoir  l'esprit  et  les  pensées  de  l'amour  pour 
ce  semblant.  »  II,  261. 


TAULE  ANALYTIQUE  Kl  LEXIQUE.  73 

Sénateur,  pour,  magistrat.  «  le  parie  la  perte  de  la  gravité  de  notre  séna- 
teur. »  I,  M 

Si  nèqi  i:    Voy.  Sociute. 

s.  Les  prophéties  onl  un  sens  caché el  spirituel  sous  le  charnel.  I,  208. 

—  Toute  la  question  est  de  savoir  si  elles  onl  deux  sens  II,  2.  —  «  Le  chiffre 
à  deux  sens.  »  II,  1.  a  Pour  entendre  L'Ecriture,  il  tant  avoir  un  sens  dans 
lequel  tous  les  passages  contraires  s'accordent.  »  II,  7.  =  L'écriture  a  deux 
srii^.  II.  8,200.  —  H  y  a  dans  l'Ecriture  deux  sens  parfaits,  le  littéral  et  le 
mystique.  II,J330.e=«  Les  sens  reçoivent  des  paroles  leur  dignité.  II,  105.  — 
'(Les  mots  diversement  ranges  fonl  un  divers  sens.  II,  77. Cf.  »  1.  99.  Voy. 
Ei-ket.  =  «  Sens  commun.  La  religion  chrétienne  est  la  seule  contre  le  sens 
commun.    I,    165.  —  Sens  droit.    Diverses      sortes     de    sens   droit.   I,    95. 

—  Le  bon  sens.  II,  157,  note  1. 

Sens  (les).  «  Nos  sens  n'aperçoivent  rien  d'extrême.  »  1,  5.  Voy.  Trop.  — 
Illusion  des  sens.  1,  35.  —  «  Ces  deux  principes  de  vérités,  la  raison  et  les 
sens,...  s'abusent  réciproquement  l'un  l'autre.  »  I,  44.  —  «  Cette  même  pipe- 
rie  qu'ils  apportent  à  la  raison,  ils  la  reçoivent  d'elle  à  leur  tour.  »  I,  45.  — 
«  Les  appréhensions  des  sens.  »  I,  79.  —  Indépendants  de  la  raison,  et  sou- 
vent maîtres  de  la  raison,  emportent  l'homme  à  la  recherche  des  plaisirs.  1, 181. 

—  Voy.  Pénitence. 
Sensible.  Voy.  Foi,  Qualité. 

Sentence,  pour,  principe.  «  Dont  ils  ont  fait  une  de  leurs  plus  utiles  sen- 
tences. »  II,  297.  Voy.  Saint. 

Sentiment.  I,  cvi.  —  «  Tout  notre  raisonnement  se  réduit  à  céder  au  sen- 
timent. »  1,  98.  —  On  ne  peut  distinguer  entre  la  fantaisie  et  le  sentiment. 
lbid.  —  On  se  forme  ou  on  se  gâte  le  sentiment  par  les  conversations.  I,  100. 
Voy.  Esprit.  — Ceux  qui  jugent  par  le  sentiment...  Les  choses  de  sentiment. 

I,  105,  106.  —  «  La  mémoire,  la  joie  sont  des  sentiments,  et  même  les  propo- 
sitions géométriques  deviennent  sentiments.  »  I,  120.  — Les  sentiments  natu- 
rels et  la  raison.  Ibid.  —  Ma  raison  et  le  sentiment.  II,  109.  —  «  Il  faut 
mettre  notre  foi  dans  le  sentiment.  »  Ibid.  Voy.  Foi. 

Sentir.  «  Nous  ne  sentons  ni  l'extrême  chaud  ni  l'extrême  froid.  »  I,  5. — 
«  Les  principes  se  sentent.  »  I,  119.  — «  Il  sent  alors  son  néant,  son  aban- 
don,... son  vide.  »  II,  154.  —  Voy.  Souffrir. 

Seoir  .  Seoir  à  la  dextre  ;  seoir  à  la  droite.  II,  243.  244. 

Séparer.  <»  Se  séparer  de  Jésus-Christ....  Etre  séparé  de  Dieu  éternelle- 
ment. »  I,  CVH. 

Sépulcre  de  Jésus-Christ.  II,  209,  note  4. 

Sérail.  «  Le  grand  Seigneur...  dans  son  superbe  sérail.  »  I,  34. 

Sermon.  Le  magistrat  qui  rit  au  sermon.  I,  32.  —  «  Il  y  a  beaucoup  de 
gens  qui  entendent  le  sermon  de  la  même  manière  qu'ils  entendent  vêpres.  » 
F,  106. 

Serpent.  Voy.  Adam. 

Service.  «  Le  service  qu'on  rend  à  Dieu.  »  II,  335.  Cf.  II,  336. 

Servir. «  Ceux  qui  servent  Dieu  de  tout  leur  cœur.  »  I,  142. 

Seul.  «  On  mourra  seul;  il  faut  donc  faire  comme  si  on  était  seul.  »  l,  197 
et  202. 

Sévérité.  «  Dans  la  comédie,  les  scènes  contentes  sans  crainte  ne  valent 
rien,...  ni  les  amours  brutaux,  ni  les  sévérités  âpres.  »  I,  80. 

Si.  «  Si  ne   marque   pas  l'indifférence.  »  II,  170.  —  «  Si  faut-il.  »  II,  160. 

Sibylles.  Leurs  livres  sont  suspects  et  faux.  1,  201. 

Siècle.  «  Siècle  d'or.  »  I,  104  et  110. 

Signe,  pour,  miracle.  IL  78.  —  Voy.  Livre. 

Silence.  «  Il  faut  se  tenir  en  silence  autant  qu'on  peut,  et  ne  s'entretenir 
que  de  Dieu.  »  II,  105.  —  «  Le  silence  est  la  plus  grande  persécution.  »  II,  117. 

—  «  Le  silence  éternel  de  C9s  espaces  infinis  m'effraie.  »  II,  153.  —  «  En 
amour,  un  silence  vaut  mieux  qu'un  langage...  Il  y  aune  éloquence  de  silence.  » 

II,  258. 

Simple.  Les  personnes  simples  croient  sans  raisonnement  :  Dieu  leur  donne 
l'amour  de  soi  et  la  haine  d'eux-mêmes.  I,  194.  —  Les  simples  jugent  par  le 
cœur  comme  les  autres  par  l'esprit.  1, 195. 

Sincérité  des  Juifs.  I,  201,  note  3. 

Six.  «Les  six  âges.  Les  six  Pères  des  six  âges.  Les  six  merveilles,  etc.  » 
II,  170.  6 

Société  (de  Jésus).  Voy.  Inquisition. 

ii.  2U 


74  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Socrate.  Socrate  et  Sénèque  n'ont  rien  de  persuasif  pour  consoler  de  la 
mort.  II,  237. 

Soi.  «  Tout  tend  à  soi.  Cela  est  contre  tout  ordre...  La  pente  vers  soi 
est  le  commencement  de  tout  désordre.  »  II,  110.  —  Vivre  en  soi-même. 
II,  168. 

Soldat.  Un  soldat  veut  avoir  ses  admirateurs,  1.  25.  —  Différence 
entre  un  soldat  et  un  chartreux  quant  à  l'obéissance.  II,  105.  Voj.  Dépen- 
dant. —  «  Le  soldat  espère  toujours  devenir  maître,  et  ne  le  devient  jamais.  » 
Ibid. 

Soleil.  Les  cinq  soleils  des  Mexicains.  Il,  108.  —  Marche  apparente  du 
soleil.  II,  124.  Cf.  1,  1.  Voy.  Copernic.  =  «  Place  au  soleil.  »  I,  185. 

Solitude,  «  Le  plaisir  de  la  solitude  est  une  chose  incompréhensible.  » 
1,  49. 

Sommeil.  «  Qui  sait  si  cette  autre  moitié  de  la  vie  où  nous  pensons  veiller 
n'est  pas  un  autre  sommeil  un  peu  différent  du  premier,  etc.  ?  »  I,  113  et 
135.  Voy.  Songe. 

Songe.  Diversité  et  effets  des  songes.  I,  42.  —  «Alors  on  dit  :  Il  me 
semble  que  je  rêve;  car  la  vie  est  un  songe  un  peu  moins  inconstant.  »  Ibid. 
Cf.  I;  cxxix,  113  (notel). 

Songer.  «  Le  monde  ordinaire  a  le  pouvoir  de  ne  pas  songer  à  ce  qu'il  ne 
veut  pas  songer...  Mais  il  y  en  a  qui  n'ont  pas  le  pouvoir...  et  qui  songent 
d'autant  plus  qu'on  leur  défend.  »  II,  153. 

Sonnet.  Ridicule  d'un  faux  sonnet,  1,  103.  —  «  Nous  appelons  les  sonnets 
faits  sur  ce  modèle-là  les  reines  de  village.  »  1, 104. 

Sort.  «  Pour  le  choix  de  la  condition,  et  de  la  patrie,  le  sort  nous  le 
donne.  »  II,  16G. 

Sohtiléges.  11  yen  a  devrais.  11,75. 

Sortir.  «  L'ennui...  ne  laisserait   pas  de  sortir  du  fond  du  cœur.  »  I,  51. 

—  «  Il  sortira  du  fond  de  son  âme  l'ennui,  la  noirceur,  etc.  »  II,  155. 

Sot.  «  Les  plus  sots  de  la  bande.  »  1,  51.  — Mal  à  craindre  d'un  sot  qui 
succède  par  droit  de  naissance,  I,  60.  —  En  désobéissant  à  la  raison  on  est  un 
sot.  1,70.  —  Les  sots  sont  des  amis  inutiles.  I,  87,  Voy.  Médire.  =  Sot  pro- 
jet. 1,80.  —  Dire  des  sots  contes.  II,  42.  «  Mais  qu'est-ce  que  cette  pensée? 
qu'elle  est  sotte  !  »  II,  110.  —  Sots  discours.  II,  156. 

Sottise.  Dire  des  sottises  par  hasard  et  par  faiblesse  est  un  mal  ordinaire; 
mais  en  dire  par  dessein  n'est  pas  supportable.  I,  80.  —  Les  chrétiens  décla- 
rent, en  exposant  leur  créance,  que  c'est  une  sottise,  stultitiam.  1,  149.  — 
Figures  ou  sottises.  Il,  II.  Voy.  Sacrifice.  —  «  Ily  ades  choses  claires  trop 
hautes,  pour  les  estimer  des  sottises.  »  Ibid.  —  «  Incapable  de  telle  sottise... 
Capable  de  sottise.  »  11,  42. 

Soufflet.  Le  vulgaire  a  raison  de  s'offenser  d'un  soufflet.  I,  65. 

Souffrance.  «  Aimez  mes  souffrances,  Seigneur,  et,  que  mes  maux  vous 
invitent  à  me  visiter.  «  11,  229.  —  «  Jésus-Christ  a  souffert  et  est  mort  pour 
sanctifier  la  mort  et  les  souffrances.  »  11,238.  Cf.  11,  230,  232. 

Souffrir.  Opposé  à  sentir.  I,  5.  =  On  souhaite  la  présence  de  sa  maîtresse 
par  l'espérance  de  moins  souffrir  ;  cependant,  quand  on  la  voit,  on  croit  souf- 
frir plus  qu'auparavant.  \i,  202. 

S<»uler  (se),  (v  Qu'il  s'en  soûle  (des  plaisirs  des  sens) et  qu'il  y  meure.  » 
il,  10. 

Soumettre.  Se  soumettre  où  il  faut.  1,193.  —  «  11  est  juste  que  la  raison 
0e  soumette  quand  elle  juge  qu'elle  se  doit  soumettre.  »  Ibid. 

Soumission.  «  Soumission  totale  à  Jésus-Christ  et  à  mon  directeur.  ))I,cvii. 

—  «  Soumission  et  usage  de  la  raison,  en  quoi  consiste  le  vrai  christianisme.  » 
I,  193:  il.  200.  —  «Les hérétiques  nous  reprochent  cette  soumission  supersti- 
tieuse. «  Ibid. —  «  Ce  n'est  pas  par  les  agitations  de  la  raison,  mais  par  la 
simple  soumission  de  la  raison,  que  nous  pouvons  véritablement  nous  con- 
naître. »  II,  94.  —  Soumission.  1,  192,  note  2. 

Soupçon.  Voy.  Hérésie. 

Souplesse.  «  Uni»  souplesse  de  pensée.  »  11,  252. 

Sources  des  contrariétés.  II,  6,  note  2. 

Soutane.  Voy.  Avocat,  Médecins. 

Soutenir.  «  Soutenir  la  piété  jusqu'à  la  superstition.  »  I,  193.  —  «  Si  un 
Dieu  la  soutient  (la  nature).  »  I,  197.  —  «  S'il  pouvait  toujours  les  soutenir 
(les  pensées  pures).  »  II,  251.  —  «  Le  sujet  le  plus  propre  pour  la  soutenir 
(la  beauté),  cest  une  femme.  »  II.  254.  —  Voy.  Suer.  =  Au  neutre.  «  11  les 


TAULE  ANALYTIQUE  BT  LEXIQUE.  75 

prie  de  soutenir  un  peu  avec  lui.  »  II,  206.  =  Se  soutenir,  a  L'amour  se  sou- 
tient par  l'esprit.  »  II,  888.  Cf.  II,  260. 

Spécial*  Voy.  Ebpérance. 

Sphère.  «  C  est  une  sphère  infinie,  dont  le  centre  est  partout,  la  circonfé- 
rence nulle  part.  »  1,  1  et  17. 

Spirituel.  «  Le  zèle  pieux  d'une  dévotion  spirituelle.  1,  138.  —  Sens 
spirituel.  I.  208.  Voy.  Prophétie.  —  lirandeurs  spirituelles.  II,  15. 

SFIRITOSLLBMBNT.  «  Presque  tous  les  philosophes  confondent  les  idées  des 
choses,  et  parlent  des  choses  corporelles  spirituellement  et  des  spirituelles 
corporelleruent.  »  I,  8. 

Spongia  solis.  I,  43,  note  5. 

Stoïque  (adjectif).  Voy.  Vertu. 

Stoï\)ies  (stoïciens).  *  Les  diverses  sectes  des  stoïqueset  des  épicuriens.  » 

I,  187.  Cf.  I,  12.  —  Leurs  principes  sont  vrais,  mais  leurs  conclusions  sont 
fausses.  II,  155.  —  «  Ce  que  les  stoïques  proposent  est  si  difficile  et  si  vain!  » 

II,  178.  —  Pensent  que  tous  ceux  qui  ne  sont  point  au  haut  degré  de  sagesse 
sont  également  vicieux.  Ibid.  — Stoïques.  I.  118,  note  2. 

Stupidité.  Voy.  Jgnorance. 

Style.  Le  style  de  l'Evangile  est  admirable.  II,  39.  —  Remarques  de  style. 
II,  154.  Voy.  Discours. 

Subsister,  pour,  demeurer,  persister.  «  Ceux  qui  subsistent  dans  le  service 
de  Dieu.  »  IL  336. 

Succéder  (se).  Voy.  Opinion. 

Succomber   Voy.  Plaisir. 

Suède.  Voy.  Roi. 

Suer.  «  Plusieurs  n'en  sauraient  soutenir  la  pensée  sans  pâlir  et  suer.  » 
1,  32.  Voy.  Précipice.  =  Au  figuré.  «  Les  autres  suent  dans  leur  cabinet  pour 
montrer  aux  savants  qu'ils  ont  résolu  une  question  d'algèbre  qu'on  n'aurait  pu 
trouver  jusqu'ici.  »  1,  5i. 

Suffisance,  pour  habileté,  talent.  Voy.  Avocat. 

Suisses.  S'offensent  d'être  dits  gentilshommes,  et  prouvent  la  roture  de 
race.  I,  62.  Cf.  1,  89. 

Suivre.  Suivre  une  hypothèse.  II,  38.  —  «  Qu'on  suive  cela.  x>  Ibid.  =  Suivre 
Dieu.  II,  231.  Voy.  Savoir. 

Sujet.  «  Donner  sujet  de  croire.  »  II,  60.  =  Sujet  propre  à  soutenir  h 
beauté.  H,  254.  Voy.  Femme. 

Summum  jus  summa  injuria.  I,  71. 

Superbe,  pour,  orgueil.  »  Ces  principes  d'une  superbe  diabolique.  »  cxxv. 
—  «  Ce  qui  le  mène  au  comble  de  la  superbe.  »  cxxxm.  Cf.  I,  170,  171,  177, 
184,  186  (note  2),  187.  —  «  Abaisser  la  superbe.  »  II,  48.  —  «  Le  lieu  propre 
à  la  superbe  est  la  sagesse.  »  II,  199.  —  «  Par  une  sainte  humilité,  que  Dieu 
relève  au-dessus  delà  superbe.  »  II,  317. 

Superbe  (adjectif).  «  Les  superbes.  »  I,  170.  — Etre  superbe.  II,  199.  Voy. 
Superstitieux. 

Superficie.  Voy.  Bras. 

Superstitieux.  «  C'est  être  superstitieux,  de  mettre  son  espérance  dans  les 
formalités;  mais  c'est  être  superbe,  de  ne  vouloir  s'y  soumettre.  »  II,  106. 

Superstition.  Attendre  de  l'extérieur  le  secours  est  superstition.  I,  170.  — 
«  La   piété  est  différente  de  la  superstition    Soutenir  la  piété  jusqu'à  la  su- 

ferstition,  c'est  la  détruire.  »  I,  193.  —  Trop  de  docilité  fait  la  superstition. 
,  194;  II,  159.  Voy.  Libertinagk. 

Supposition.  Diverses  suppositions  selon  lesquelles  il  faut  vivre  dans  le 
monde.  II,  95. 

Suppôt.  «  Un  homme  est  un  suppôt.  »  II,  163.  Cf.  1,  8  (note).  Voy.  Sujet. 

Sur  Esdras.  II,  180,  note  1. 

Sur  le  miracle.  II,  205,  note  1. 

Sur  les  confessions  et  absolutions  sans  marques  de  regret.  II,  116, 
note  1. 

Surcroît.  «  Si  le  hasard  l'a  encore  barbouillé  de  surcroît.  »  I,  32. 

Surintendant.  Qu'est-ce  qu'être  surintendant?  I,  53. 

Surnaturel.  «  Que  si  les  choses  naturelles  la  surpassent  (la  raison),  que 
dira-t-on  des  surnaturelles?  »  1, 193.  —  «  Un  aveuglement  surnaturel.  »  II,  111. 

Surpayer.  «■  Nous  voulons  avoir  de  quoi  surpayer  la  dette.  »  I,  5.  Voy. 
Bienfait. 

Surprendre,  pour,  saisir  vivement.  «  La  vie  de  tempête  surprend,  frappe 


76  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

et  pénètre.  »  II,  260i.  =  Pour,  prendre  par  surprise.  Ibid.  =  «Surpris,  pour, 
trompe     Voy.  Pape. 

Susceptible.  «Le  peuple  n'est  pas  susceptible  de  cette  doctrine.  I,  82. 

Suspendre.  «  Elle  (l'imagination)  suspend  les  sens.  »  I,  31. 

Suspendu.  «  Ils  (les  grands  hommes)  ne  sont  pas  suspendus  en  l'air,  tout 
abstraits  de  notre  société.  »  I,  79.  —  «  Suspendus  à  tout.  »  I,  114.  Voy.  Pyr- 

RHONIEN. 

Symétrie.  Ce  que  c'est,  et  sur  quoi  fondée.  11,  165  et  361.  —  Voy.  Antithèse. 

Synagogue.  «  Et  cette  synagogue  qui  est  prédite,  et  ces  misérables  qui  la 
suivent.  »  I,  214  et  217.  —  La  Synagogue,  figure  de  l'Eglise.  II,  2.  —  Pour- 
quoi tombée  dans  la  servitude.  Ibid.  —  «  Quel  est  ce  libelle  de  divorce  par 
lequel  j'ai  répudié  la  Synagogue?  »  11,  195. 


Tableau,  pour,  image.  «  Un  tableau  de  la  charité.  »  II,  121.  =  Pour,  des- 
cription. «  Ceux  qui,  après  avoir  peint,  ajoutent  encore,  font  un  tableau,  au 
lieu  d'un  portrait.»)  II,  123.  Voy.  Portrait. 

Tables  (Les  Douze).  Empruntées  de  la  loi  des  Juifs.  I,  200. 

Talent.  «  Talent  principal  qui  règle  tous  les  autres.  »  II,  178. 

Talmud.  Détails  historiques  sur  le  Talmud.  II,  181-182.  Cf.  II,  41. —Cité. 
II,  193. 

Talon.  «  Talon  bien  tourné...  Talon  de  soulier.  »  II,  166. 

Tandis  que,  pour,  aussi  longtemps  que.  I,  212. 

Tant  plus,  répété.  II,  258. 

Teindre.  «  Nous  les  teignons  (les  idées  des  choses)  de  nos  qualités,  et 
empreignons  de  notre  être  composé  toutes  les  choses  simples  que  nous  con- 
templons. »  I,  8.  —  «  Afin  de  nous  abreuver  et  de  nous  teindre  de  cette 
créance .  »  I,  156. 

Téméraire.  L'homme  est  naturellement  timide  et  téméraire.  I,  121  ;  F*.  175. 

Témérairement,  pour,  au  hasard  [temere).  I,  33. 

Témérité.  «  La  témérité  du  hasard.  »  I,  38. 

Témoignage.  De  quel  témoignage  Jésus-Christ  a  voulu.  II,  98.  —  Il  veut 
que  son  témoignage  ne  soit  rien.  Il,  159. 

Témoins.  Voy.  Histoire,  Reproche. 

Tempérament,  pour,  ménagement.  «  Tant  de  détours  et  de  tempéraments.  » 

I,  27, 

Tempête.  «  La  vie  de  tempête.  II,  260. 

Temple.  «  En  faire  (d'un  peuple  saint)  le  temple  de  Dieu2.  II.  272.  —  Pré- 
diction de  la  réprobation  du  temple.  II,  192,  341.  — Gloire  du  nouveau  temple. 

II,  197.  —  Voy.  Port-Royal. 

Temporel.  «  Le  sens  spirituel  a  été  couvert  sous  le  temporel  en  la  foule  des 
passages.  »  1.  208. 

Temps,  a  Lt  temps  guérit  les  douleurs  et  les  querelles.  »  I,  83.  —  «  Le 
temps  ne  vous  dure  guère...  Que  le  temps  me  dure.  »  I,  98.  —  Le  temps  de  la 
venue  du  Messie.  II,  22.  Voy.  Avènement.  —  Diverses  définitions  du  temps. 
II,  284.  —  Voy.  Présent. 

Temps  (Beau).  «  J'ai  mes  brouillards  et  mon  beau  temps  au  dedans  de  moi.  » 
I,  84. 

Tendresse,  a  J'ai  une  tendresse  de  cœur  pour  ceux  à  qui  Dieu  m'a  uni  plus 
étroitement.  »  II,  119.  —  «  Un  prince  chassé  par  ses  sujets  a  des  tendresses 
extrêmes  pour  ceux  qui  lui  demeurent  fidèles.  »  II,  335. 

Tendu.  «  Les  manières  tendues  et  pénibles.  II,  307-308. 

Tenir,  pour,  croire.  «  Je  tiens  impossible.  &  I,  7.  =  Se  tenir  à.  «  Nous  ne 
nous  tenons  jamais  au  temps   présent.  »  I,  36. 

Tenter.  «  Dieu  tente,  mais  il  n'induit  pas  en  erreur.  »  II,  70. 

Terbe.  «  Comme  il  était  terre  et  cendre  (Epictète).. .  »  cxxv.  —  «  Que  la 
terre  lui  paraisse  comme  un  point,  au  prix  du  vaste  tour,  etc.  »  I,  1.  —  «  On 

1.  C'est  là  ce  qui  surprend,  frappe,  saisit,  attache. 

Boileau,  Art  Poét.,  m,  188. 

2.  Toy.  S.  Paul,  /  Cor.  ni,  16-17  ;  vi,  19  ;  II  Cor.  vi,  16. 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  77 

jette  enfin  de  la  terre  sur  la  tète,  et  en  voilà  pour  jamais.  »  II,  112.  =  Au 
figuré  :  «  Malheureuse  la  terre  de  malédiction  que  ces  trois  fleuves  de  feu 
embrasent  I  »  U,  103.  Voy.  Concupiscence. 

Terreur.  Voy.  Religion. 

Terrorem  potius  (/><" >>>  religionem.  11,  88. 

Terti  i  i  ii UN    t'.ité.  Il,  ;537. 

Testament.  Preuve  des  deux  Testaments  11,2.  —  L'Ancien  n'est  que  figu- 
ratif. Ibid.  Cf.  11,  11.  —  Fait  pour  aveugler  les  uns  et  éclairer  les  autres.  Il,  5. 

—  Les  «leuv  Testaments  regardent  Jésus-Christ,  l'Ancien  comme  son  attente, 
le  Nouveau  comme  son  modèle  ;  tous  deux  connue  leur  centre.  II,  18.  —  «  L'An- 
cien Testament,  contenait  les  figures  de  la  joie  future,  et  le  nouveau  contient 
les  moyens  d'y  arriver.  »  II,  101. 

Tète.  On  peut  concevoir  un  homme  sans  tête  :  on  ne  peut  concevoir  l'homme 
sans  pensée.  1,  9.  —  Les  grands  hommes  ont  la  tête  plus  élevée  que  nous, 
mais  ils  ont  les  pieds  aussi  bas.  1,  79.   Voy.  Terre. 

Thamar.  II,  51,  19S. 

Théologie.  «  La  théologie  est  le  centre  de  toutes  les  vérités.  «  1,  cxxxiv. 

—  «  La  nature  peut  parler  de  tout,  et  même  de    théologie.  »  I,  105.  —  «  Les 

f>oëtes  ont  fait  cent  diverses  théologies.  »  I,  172.  — C'est  dans  la  théologie  où 
'autorité  a  la  principale  force.  II,  207.  —  «  Ses  principes  sont  au-dessus  de 
la  nature  et  de  la  raison.  »  Ibid.  —  Il  faut  avoir  de  l'horreur  pour  la  malice  de 
ceux  qui  emploient  le  raisonnement  seul  dans  la  théologie.   II,  208. 

Théologien.  Voy.  Corruption. 

Thérèse  (Sainte).  De  son  vivant,  n'était  qu'une  fille.  Il,  99.  Voy. 
Athanase  (Saint).  —  Péril  d'une  grandeur  telle  que  celle  de  sainte  Thérèse. 
H,  177. 

Thomas  (Saint).  N'a  pas  gardé  l'ordre.  II,  174  et 2 19-220. 

Tien.  Voy.  Mien,  tien. 

Timide.  Voy.  Téméraire. 

Tintamarre.  L'homme  est  sujet  à  être  troublé  par  le  premier  tintamarre 
qui  se  fait  autour  de  lui.  I,  40. 

Tirer.  Voy.  Avantage,  Cheveux,  Evénement. 

Tison.  Comparaison  tirée  du  tison  de  feu  en  mouvement,  pour  figurer  l'agi- 
lité de  l'âme.  I,  77. 

Titre.  «  Les  hommes  ne  sauraient  avoir  de  titre  pour  montrer  qu'il  pos- 
sèdent du  bien  par  justice,  car  ils  n'ont  que  la  fantaisie  des  hommes.  »  I,  41. 

—  «  Tout  le  titre  par  lequel  vous  possédez  votre  bien  n'est  pas  un  titre  de 
nature,  mais  d'un  établissement  humain.  »  II,  351-352.  =  Titres.  Voy.  Héri- 
tier. —  Titre.  D'où  vient  qu'on  croit  tant  de  menteurs  qui  disent  qu'ils 
ont  vu  des  miracles,  et  qu'on  ne  croit  aucun  de  ceux  qui  disent  qu'ils  ont 
des  secrets  pour  rendre  l'homme  imnviv  tel  ou  pour  rajeunir.  Il,  76,  note  1. 

Tomber.  Au  figuré.  «  L'homme  est  visiblement  égaré,  et  tombé  de  son  vrai 
lieu  sans  le  pouvoir  retrouver.  »  I,  121.  —  «  H  y  en  aura  tant  qui  tomberont 
de  la  gloire.  »  II,  333.  —  «  Afin  qu'ils  ne  tombent  pas  d'un  si  grand  bonheur, 
et  d'un  si  grand  honneur  que  Dieu  leur  a  faits.  »  II,  336.  —  Voy.  Main,  Néant. 

Torrent.  «  Le  torrent  de  l'incertitude.  »  I,  cxxvi. 

Totalité.  Voy.  Rédemption. 

Toucher,  pour,  être  près  jusqu'à  toucher.  «  Malgré  la  vue  de  toutes  nos  mi- 
sères, qui  nous  touchent.  »  I,  25.  =  Au  figuré  :  «  En  touchant  l'homme.  » 
II,  175.  Voy.  Orgues.  =  Touché  à.  «  Ces  grands  efforts  d'esprit  où  Pâme 
touche  quelquefois.  »  I,  100.  =  Toucher  (de  la  grâce),  «  Avant  que  l'on  soit 
touché,  on  n'a  que  le  poids  de  sa  concupiscence.  »  II,  331. 

Tour,  cercle.  «Au  prix  du  vaste  tour  que  cet  astre  décrit.  »  I,  i. 

Tour,  édifice  :  au  figuré.  »  Pour  édifier  une  tour  qui  s'élève  à  l'infini.  » 
I,  6  et  218. 

Tous.  Voy.  Hérésie. 

Tousser.  «  Les  toussers.  »  II,  163.  Voy.  Le. 

Tout.  «  Un  tout.  »  I,  3.  Voy.  Corps,  Infini  (substantif).  —  Il  importe  donc 
de  tout.  »  I,  100.  —  «  Il  s'agit  de  nous-mêmes,  et  de  notre  tout.  »  I,  137.  Cf. 
I,  138.  —  '<  Chacun  est  un  tout  à  soi-même.  »  II,  153.  —  «  Elle  est  toute  le 
corps  de  Jésus-Christ,...  mais  il  ne  peut  dire  qu'elle  est  tout  le  corps  de  Jésus- 
Christ.  »  II,  201.  Voy.  Eucharistie.  =  Tout,  exprimant  le  superlatif.  «  Il  (Jésus- 
Christ)  a  été  tout,  ce  qu'il  y  a  de  grand  et  tout  ce.  qu'il  y  a  d'abject  (  c.-à.-d. 
ce  qu'il  a  de  plus  grand  et  ce  qu'il  y  a  de  plus  abject).  »  II,  2  3  S.  Cf.  II,  159» 
Voy.  Ce.  —   <  On  devient  toute  grandeur.  »  II,  260. 


78  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Tracas.  Nous  cherchons  le  tracas,  qui  nous  divertit.  I.  49. 

Tracasser.  «Des  affaires  qui  les  font  tracasser  dès  la  pointe  du  jour.  »  1,48. 

Tradition.  La  tradition  des  livres  saints,  et  la  tradition  du  peuple.  11,  41. 

—  Voy.  Adam,  Déluge,  Péché. 

Train.  «  Le  peuple  et  les  habiles  composent  le  train  du  monde.  »  1,  44.  » 
■a  «  Suivre  le  train  de  leurs  pères.  »  11,  166. 

Traiter.  «  On  nous  traite  comme  nous  voulons  être  traités.  »  1,28.  =  Trai- 
ter de.  «  Ont  traité  d'une  superbe  ridicule  ces  sentiments  de  grandeur.  »  I,  171. 

—  «  11  se  laissa  traiter  de  roi.  »  II,  351.  =  Traiter  avec.  «  Il  traitait  avec  le 
peuple...  Il  traitait  avec  soi-même.  »  Ibid. 

Transir.  «  J'entre  en  une  vénération  qui  me  transit  de  respect.  »  II,  332. 

Transporter.  Voy.  Discours. 

Travailler  (se).  «  En  traitant  avec  mépris  ceux  qui  se  travailleront  de  ce 
soin.  »  1,  140. 

Travers  (a).  «  Les  chrétiens  hérétiques  l'ont  connu  à  travers  son  humanité.  » 
II.  330. 

Trinité.  Pascal  n'entreprend  pas  de  prouver  la  Trinité  par  des  raisons 
naturelles.  1,   154-155. 

Trismégiste.  Ses  livres  suspects  et  faux.  I,  201. 

Tristesse.  Les  bienheureux  ont  une  joie  sans  aucune  tristesse.  H,  337.  — 
Tristesse  des  gens  du  monde,  et  tristesse  des  vrais  chrétiens.  Ibid.  —  Dans 
la  piété,  la  tristesse  vient  de  nous  et  non  pas  de  la  vertu.  11,  338.  —  Mauvaise 
tristesse,  qui  donne  la  mort,  opposée  à  la  tristesse  qui  donne  la  vie  (S.  Paul). 
Ibid. 

Trogne.  «  Ces  trognes  armées  qui  n'ont  de  mains  et  de  force  que  pour  eux 
(pour  les  rois).  »  1,  34   et  46. 

Troie.  «  Personne  ne  doutait  que  Troie  et  Agamemnon  n'avaient  non  plus 
été  que  la  pomme  d'or.  »  I,  201. 

Tromper  (se).  Ce  que  c'est.  I,  78.  —  On  ne  veut  pas  s'être  trompé.  D'où 
vient  cela.   Ibid. 

Trompeur.  Voy.  Apôtres. 

Tronc.   Voy.  Vice. 

Trône.  «  Dans  un  de  ces  trônes  où  ceux  qui  auront  tout  quitté  jugeront  le 
monde  avec  Jésus-Christ.  »  II,   332. 

Trop.  «  Trop  de  bruit  nous  assourdit  ;  trop  de  lumière  éblouit;  trop  de 
vérité  nous  étonne. . .  trop  de  plaisir  incommode,  etc.  »  1,  5. 

Trouble.  Voy.  Inquiétude. 

Troubler.  «  Voilà  ce  que  je  vois  et  ce  qui  me  trouble.  »  I,  197.  —  «  Cet 
homme  qui...  était  ce  matin  si  troublé.  »  I,  52. 

Tultie.  Voy.  Salomon  de  Tultie. 

Trouver.  Trouver  Dieu  en  soi-même.  II.  228. 

Tuer.  «  Pourquoi  me  tuez-vous?  Eh  quoi  !  ne  demeurez-vous  pas  de  l'autre 
côté  de  Peau  ?  »  I,  70.  =  «  La  lettre  tue.  »  II,  5.  =  Se  tuer,  au  figuré.  «  Et 
enfin  les  autres  se  tuent  pour  remarquer  toutes  ces  choses.  »  1,  51. 

Tumultueux.  «  La  vie  tumultueuse  est  agréable  aux  grands  esprits.  » 
II,  252. 

Turcs.  C'est  la  coutume  qui  fait  les  Turcs.  I,  156.  Cf.  II,  166.  — Réponse 
à  l'objection  des  impies,  que  les  Turcs  meurent  et  vivent  comme  les  chrétiens. 
II,  94-95.  —  Miracles  qu'ils  croient  par  tradition.   11,  108. 

Tyran.  C(  C'est  être  faux  et  tyran  de  dire,  etc.  »  I,  73.  —  Voy.  Moi,  Roi. 

Tyrannie.  «  La  tyrannie  est  de  vouloir  avoir  par  une  voie  ce  qu'on  ne  peut 
avoir  que  par  une  autre.  »  I,  72.  —  «  Consiste  au  désir  de  domination  univer- 
selle et  hors  de  son  ordre.  »  I,  81.  —  Voy.  Unité.  —  Tyrannie.  1,73,  notel. 

Tyrannique.  «  La  force  sans  la  justice  est  tyrannique.  »  I,  72.  —  «  Ces 
discours  sont  faux  et   tyra uniques.  »  Ibid. 


Uni.  «  C'est  une  vie  unie  à  laquelle  il  ne  peut  s'accommoder.  »  H,  251. 

Unique.  Sur  ce  que  la  religion  chrétienne  n'est  pas  unique.  II,  123. 

Unité.  «  L'unité  jointe  à  l'infini  ne  l'augmente  de  rien.  »  I,  153.  —  Voy. 
Euclide.  =  L'unité  et  la  multitude.  II,  120.  —  l'Eglise  considérée  comme 
unité  et  comme  multitude.  II,  122.  —  «  La  multitude  qui  ne  se  réduit  pas  à 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE.  79 

l*nnite  est  confusion;  l'unité  qui  ne  dépend  pas  de  la  mnltitnde  est  tyrannie.» 

Ibid. 

I  mvkrs.  d  Qu'il  y  voie  une  infinité  d'univers,  dont  chacun  a  son  firma- 
ment, etc.  »  1,  2  et  15-91 .  —  L'univers  imperceptible  (huis  le  sein  du  tout. 
1,  3.  —  «  Ce  recoin  de  l'univers.  »  I,   176.  —  Voy.  GàCH 

Universel.  Les  seules  règles  universelles.  I,  71.  —  Los  cens  universels. 
1,74.  —  Qualité  universelle.  1,75.  —  Sciences  universelles.  Il,  160.  —  Uni- 
versel. Il,  ltib\  note  I . 

Univoqbe.  Lieux  univoques.  I,  208.  Voy.  Equivoque. 

Usage.  Voy.  Raison. 

Usurpation.  «  L'usurpation  a  été  introduite  autrefois  sans  raison,  elle  est 
devenue  raisonnable.  »  I.  39.  —  Commencement  et.  imago  de  L'usurpation  de 
toute  la  terre.  I,  85. 

Ut  olim  vitiis,  sic  nunc  legibus  laboramus .  (Tac.)  1,  3K. 

Utilité.  Au  pluriel.  IJ,  246.  Voy.  Prévoyance. 


Vaillant.  Voy.  Poltron. 

Vain,  pour  léger,  frivole  (dans  le  sens  du  latin  vanus)  ;  en  parlant  de  per- 
sonnes :  I,  25,  36,  52,  60,  88.  etc.:  en  parlant  de  choses  :  1,  63,  6i. 

Vaisseau.  «  On  ne  choisit  pas  pour  gouverner  un  vaisseau  celui  qui  est  de 
la  meilleure  maison.  »  I,  62.  Voy.  Bateau.  —  «  Ceux  qui  sont  dans  un  vais- 
seau croient  que  ceux  qui  sont  au  bord  fuient.  »  I,  70.  Cf.  I,  78.  Voy.  Dérè- 
glement. 

Valoir.  Voy.  Philosophie. 

Vanité.  Ancrée  dans  le  cœur  de  l'homme.  I,  25.  =  «  Curiosité  n'est  que 
vanité.  »  lbid.  —  Vanité  de  l'homme.  I,  83.  Voy.  Vain.  —  Vanité  des  plai- 
sirs. I,  84.  —  Vanité  du  monde.  I,  87.  —  «  Qui  ne  voit  pas  la  vanité  du  monde 
est  bien  vain  lui-même.  »  I,  88.  =  Pour  orgueil.  Faire  profession  et  faire 
vanité,  d'un  état  d'indifférence  et  de  doute.  I,  139.  —  «  Us  pouvaient  bien 
éviter  la  vanité,  mais  c'était  en  se  précipitant  dans  le  désespoir  »  I,  187.  — 
«  H  y  a  sujet  d'en  prendre  quelque  vanité.  »  II,  338.  —  Vanité.  I,  87, note 
3.  —  Vanité  des  sciences:  1,  83,  note  2. 

Vanter.  L'objet  que  l'homme  a  dans  ses  plus  grands  travaux  est  de  se 
vanter  ensuite.  1,  51.  —  Voy.  Abaisser. 

Variétés,  pour  variations.  '<  Incapable  de  telle  et  si  soudaines  variétés.  » 
I,  186. 

Vaste.  «  Il  (l'homme)  a  le  cœur  trop  vaste.  »  II,  253.  -  Voy.  Milieu, 
Vour. 

Venise.  Du  rétablissement  des  Jésuites  à  Venise.  II,  205.  —  Voy.  Répu- 
blique. 

Vent.  Voyez  Debout. 

Venue.  Voy.  Allée,  Messie. 

Vêpre,  pour  soir.  «  Au  temps  du  sacrifice  du  vêpre.  »  II,  29,  note  5  t.em 
Vêpres.  Voy.  Sermon. 

Ver.  «  Imbécile  ver  de  terre  (l'homme).  »  1,  114.  — -  «  Avec  combien  peu 
d'abjection  un  chrétien  s'égale-fc-il  aux  vers  de  la  terre!  »  I,  189. 

Vérité.  «  Trop  de  vérité  nous  étonne.  »  I,  5.  —  «  Nous  haïssons  la  vérité, 
et  ceux  qui  nous  la  disent.  »  1,  27.  —  Cette  aversion  pour  la  vérité  est,  dans 
tous  en  quelque  degré,  parce  qu'elle  est  inséparable  de  l'amour-propre.  Ibid.  — 
«  Nous  haïssons  la  vérité,  on  nous  la  cache.  »  I,  28.  —  Ceux  qui  disent  la 
vérité  se  font  haïr  2.  Ibid.  —  «  L'homme  ne  veut  pas  qu'on  lui  dise  la  vérité, 
il  évite  de  la  dire  aux  autres.  »  Ibid.  —  «  La  justice  et  la  vérité  sont  deux 
pointes  subtiles.  »  I,  35.  —  «  Un  méridien  décide  de  la  vérité.  »  I,  38.  Voy. 
Pyrénées.  —  «  11  ne  faut  pas  qu'il  sente  la  vérité  de  l'usurpation.  »  I.  39.  — 
Marque  de  vérité.  I,  43-44.  Voy.  Contradiction.  —  Rien  ne  montre  à  l'homme 
la  vérité.  1,  44.  —  Le  peuple  pense  que  la  vérité  est  où  elle  n'est  pas.  1,  60.  — 

1.  Ainsi  dans  Molière  :  «  Je  donne  le  bon  vfipre  à  tonte  l'honorable  compagnie.  »  Lm 
ctmtesse  (FEscarbagnas,  se.  xvu. 

%.  Obsequium  amicos,  veritas  odium  parit. 

Ter.  Andr    1,  1,  43, 


30  TABLE  ANALYTIQUE  ET  LEXIQUE. 

Dans  'es  disputes  on  aime  le  combat  des  opinions,  non  la  conquête  de  la 
vérité,  I,  80.  —  «La  vérité  essentielle...  est  toute  pure  et  toute  vraie.  » 
l,  88.  Cf.  1,  cxxxiii.  Voy.  Production.  —  «  Xous  connaissons  la  vérité,  non- 
seulement  par  la  raison,  mais  encore  par  le  cœur.  »  1,  119.  —  Nous  sommes 
incapables  de  ne  pas  souhaiter  la  vérité,  et  incapables  de  certitude.  I,  120.  — 
«  Il  y  aurait  trop  d'obscurité,  si  la  vérité  n'avait  pas  des  marques  visibles.  » 
[,  174.  —  Trois  états  de  la  vérité  (du  Messie),  dans  les  Juifs,  dans  l'Eglise, 
et  dnns  le  ciel.  1,  210.  —  «  La  figure  a  été  faite  sur  la  vérité,  et  la  vérité  a  été 
"econnue  sur  la  figure,  »  Ibid.  —  «  La  vérité  ne  s'altère  que  par  le  changement 
les  hommes.  »  1.  212.  —  C(  La  figure  a  subsisté  jusqu'à  la  vérité,  »  II,  2.  — 
Miracles  du  côté  de  la  vérité.  II,  72  Voy.  Erreur.  —  «  Ce  n'est  point  ici  le 
pays  de  la  vérité  :  elle  erre  inconnue  parmi  les  hommes.  »  II,  78.  —  La  foi 
embrasse  plusieurs  vérités  qui  semblent  se  contredire.  11,  91-92.  —  La  vérité 
donne  l'assurance.  Il,  97,  Voy.  Repos.  —  «  On  se  fait  une  idole  de  la  vérité 
même.  »  II,  116.  —  Elle  n'est  rien  hors  de  la  charité.  Ibid.  —  Est  toujours 
plus  ancienne  que  toutes  les  opinions  qu'on  en  a  eues.  11,273.  — Trois  prin- 
cipaux objets  dans  son  étude,  II,  2/8.  —  Méthode  de  la  prouver.  11,298-279.  — 
Vérités  qui  ne  se  peuvent  démontrer.  II,  288.  — L'homme  ne  possède  pas  la 
vérité  directement.  II,  290.  —  Les  vérités  divines,  infiniment  au-dessus  de  la 
nature  :  Dieu  seul  peut  les  mettre  dans  l'âme.  II,  296  297.  —  «  On  n'entre  dans 
la  vérité  que  par  la  charité.  »  II,  297.  Voy.  Porte.  —  Combat  de  la  vérité 
et  de  la  volupté.  II,  299.  Voy.  Balancement.  —  «  Il  y  a  un  art  pour  faire  voir 
la  liaison  des  vérités  avec  leurs  principes.  »  II,  300.  —  Voy.  Eglise,  Vivre.  = 
La  vérité,  ou,  la  vérité  de  Jésus-Christ,  pour  désigner  le  Jansénisme.  II,  51. 
80,  159  et  215,  335.  —  Fléaux  de  la  vérité.  II,  117.  Voy.  Inquisition. 

Verjus.  Voy.  Vigne. 

Vermisseau.  «  Un  si  chétif  vermisseau  (l'homme).  »  II,  318. 

Vers,  pour  envers.  «  Elle  est  plutôt  une  action  de  Dieu  vers  la  créature, 
que  de  la  créature  envers  Dieu.  »  II,  238  l. 

Verser.  Voy.  Répandre. 

Vertu.  Comment  on  peint  la  vertu  stoïque.  I.  cxxxn.  —  Vertus  que  nous 
attachons  à  notre  être  imaginaire.  I,  24.  —  «  Je  n'admire  point  l'excès  d'une 
vertu,  si  je  ne  vois  en  même  temps  l'excès  de  la  vertu  opposée.  »  I,  76.  —  Par 
où  doit  se  mesurer  la  vertu  d'un  homme.  I,  76.  —  La  vertu  des  bêtes  se  sa- 
tisfait d'elle-même.  I,  100.  —  «  La  vraie  vertu  et  la  vraie  religion  sont  choses 
dont  la  connaissance  est  inséparable.  »  I,  170.  —  Toute  notre  vertu  est  en 
Jésus-Christ.  11,63.  Cf.  II,  173.  Voy.  Abomination.  «  La  vraie  et  unique  vertu 
est  de  se  haïr.  »  II,  105.  —  Nous  ne  nous  soutenons  dans  la  vertu  que  par  le 
contre-poids  de  deux  vices  opposés.  II,  152.  —  «  Les  chrétiens  ont  consacré 
les  vertus.  »  II,  155.  «  Quand  on  veut  poursuivre  les  vertus  jusqu'aux 
extrêmes,  il  se  présente  des  vices  qui  s'y  insinuent,  etc.  «  II,  162-163,  — 
Comment  les  passions  sont  vertus.  II,  172.  —  Toutes  les  vertus  sont  inutiles 
hors  del'Eglise.  11,328.  =  Vertu,  pour,  force.  Vertu  apéritive,  attractive.  II, 
178.  —  «  Par  la  vertu  de  cet  esprit  qui  réside  en  eux.  »  II,  250. 

Vespasien.  Ses  miracles.  II,  126.  —  Vespasian.  II,  179. 

Vice.  «  Il  y  a  des  vices  qui  ne  tiennent  à  nous  que  par  d'autres,  et  qui,  en 
ôtant  le  tronc,  s'emportent  comme  des  branches.  »  I,  73.  —  Vices  des  grands 
hommes.  I,  79.  —  Le  vice  nous  est  naturel;  il  résiste  à  la  grâce  surnaturelle. 
II,  115.  —  «  Les  philosophes  ont  consacré  les  vices,  en  les  mettant  en  Dieu 
même.  »  H,  155.  —  «  Vices  et  vertus.  II,  162-163.  —  Quand  les  passions  sont 
vices.  II,  173.  Voy.  Vertu. 

Victime.  Victime  de  Dieu,  victime  du  diable.  II,  237. 

Victoire.  Voy.  Combat 

Victorieux.  «  Qu'il  serait  victorieux  de  ses  ennemis.  »  H,  27.  —  «  La  der- 
nière devient  victorieuse  de  l'autre.  »  II,  261  2. 


1,  Ce  monarque,  en  un  mot,  a  vers  vous  déteatô 
Sa  lâche  ingratitude  et  sa  déloyauté. 

Molière,  Le  Tartufe,  a.  V,  so.  S* 

2.  Ménage,  sur  Malherbe  (2*  édit.,  p.  256),  a  traité  de  l'emploi  du  mot  victorieux  avec 
de,  et  entre  autres  exemples,  il  cite  cette  expression  de  Balzac  (dans  «a  consolation  au 
Cardiu'-il  de  La  Valette),  l'ennemi  (t  Je  victorictix  des  Barbares. 


TABLE   ANALYTIQUE   ET   LEXIQUE.  81 

Vide.  Question  du  vide.  I,  35.  —  Le  vide  employé  à  prouver  Dieu.  I,  551. 

—  Contre  la  prétendue  horreur  du  vide.  Il,  205.  Cf.  II,  262-273.  —  Fragment 

d'un  Traité  du  vide.  Il,  266-273,  =  Au  figuré.  Vide  dans  le  cœur  de  l'homme. 
«  Il  sent  alors  son  néant,  son  abandon,...  son  vide.  »  II,  154.  —  «  Dans  le 
vide  une  l'amour  de  Dieu  a  quitté.  «  II,  242.  —  «  L'homme  cherche  de  quoi 
remplir  le  grand  vide  qu'il  a  fait  en  sortant  de  soi-même.  »  II,  253.  —  «  Ne 
aléser  naitre  aucun  vide  dans  l'esprit.  »  II,  257.  —  Faire  une  place  vide  dans 
s  >u  cœur.  II,  256. 

Yik.  «  Nous  ne  nous  contentons  pas  de  la  vie  que  nous  avons  en  nous  : 
nous  voulons  vivre  dans  l'idée  des  autres  d'une  vie  imaginaire.  »  I,  2k  — 
Nous  perdons  la  vie  avec  joie,  pourvu  qu'on  en  parle.  »  I,  25.  —  «  La  vie 
humaine  n'est  qu'une  illusion  perpétuelle.  »  I,  28.  —  h  La  vie  est  un  songe 
nn  peu  moins  inconstant.  »  I,  42.  Cf.  I,  113.  —  Brièveté  de  la  vie.  I,  139.  — 
«  La  vie  est  la  chose  du  monde  la  plus  fragile.  »  I,  143.  Voy.  Entre-deux.  — 
Image  de  la  vie  humaine.  Ibid.  Voy.  Cachot.  —  La  vie  religieuse  :  rien 
n'est  si  difficile  selon  le  monde;  rien  n'est  plus  facile  que  de  la  passer  selon 
Dieu.  II,  101. —  La  vie  des  chrétiens  considérée  comme  un  sacrifice  con- 
tinuel, qui  ne  peut  être  achevé  que  par  la  mort.  II,  237.  —  Amour  pour 
la  vie  naturel  et  donné  à  l'homme  par  Dieu.  II,  243.  —  «  Une  vie  unie.  »  II, 
251.  —  «  La  vie  humaine  est  misérablement  courte.  »  Ibid.  —  Le  chrétien 
souhaite  la  mort,  en  souffrant  néanmoins  de  bon  cœur  la  vie  pour  l'amour  de 
Celui  qui  a  souffert  pour  nous  la  vie  et  la  mort.  II,  33 i.  —  Vies  brutales, 
où  plusieurs  personnes  de  condition  se  laissent  emporter.  II,  356.  —  Voy.  Cet, 
Vivre. 

Vieil.  «  Trop  vieil.  »  I,  30,  84.  —  «  Le  vieil  homme;  notre  vieil  homme. 
II,  332,  341. 

Vierge  (La).  Les  Évangiles  ne  parlent  de  sa  virginité  que  jusqu'à  la  nais- 
sance de  Jésus-Christ.  II,  18,  —  Enfantement  de  la  Vierge  expliqué  par  la 
poule  qui  fait  des  œufs  sans  coq.  II,  97. 

Vigne.  «  Par  cette  raison  que  la  vigne  élue  ne  donnerait  que  du  verjus.  » 
II,  24.  Cf.  II,  188. 

Violence.  Violence  amoureuse  que  Dieu  fait  à  l'âme.  II,  115,  334,  341.  — 
Voy.  Royaume. 

Visible.  «  Tout  ce  monde  visible.  «  I,  1.  —  L'étendue  visible  du 
monde  nous  surpasse  visiblement.  I,  4.  —  «  Visible,  pour  évident,  mani- 
feste. «  Il  est  visible  que,  etc.  »  II,  335.  —  «  C'est  une  injustice  visible.  » 
II,  353. 

Vivre.  •  Nous  voulons  vivre  dans  ridée  des  autres  d'une  vie  imagi- 
naire. »  I,    24.  —  Nous  ne  vivons  jamais,  nous  espérons  de  vivre.   »   I,  7. 

—  «  Si  c'est  un  aveuglement  surnaturel  de  vivre  sans  chercher  ce  qu'on  est, 
c'en  est  un  terrible  de  vivre  mal  en  croyant  Dieu.  »  II,  111.  —  «  Il  a  fallu 
que  la  vérité  soit  venue,  afin  que  l'homme  ne  vécût  plus  en  soi-même.  » 
II,  168.  —  «  On  ne  pense  presque  jamais  à  la  vie  présente  et  à  l'instant  où 
l'on  vit,  mais  à  celui  où  l'on  vivra.  De  sorte  qu'on  est  toujours  en  état  de 
vivre  à  l'avenir  et  jamais  de  vivre  mainienant.  »  H,  339.  —  Voy.  Suppo- 
sition. 

Vocation.  «  Hommes  naturellement  couvreurs,  et  de  toutes  vocations,  hor- 
mis en  chambre.  »  l,  36.  —  «  Ceux  qui  n'avaient  pas  vocation.  »  II,  98.  —  «  H 
ne  faut  pas  examiner  si  on  a  vocation  pour  sortir  du  monde,  mais  seulement 
si  on  a  vocation  pour  y  demeurer.  »  II,  342. 

Voguer.  «  Nous  voguons  sur  un  milieu  vaste.  »  I,  5. 

Voie.  La  voie  parfaite.  II,  24.  —  «  Ceux  qui  entreront  dans  la  bonne  voie 
trouveront  des  troubles  et  des  inquiétudes  en  grand  nombre.  »  II,  336. 
Voy.  Lait  (la  Voie  de). 

Voile,  au  figuré.  «  Sous  le  voile  de  la  nature  qui  nous  le  couvre  (Dieu).  » 
II,  329.  —  «  Toutes  choses  sont  des  voiles  qui  couvrent  Dieu.  »  II,  330.  — 
Voy.  Ecriture. 

Voir.   «  Pour  connaître  qu'on  a  perdu,  il  faut  voir  et  ne  voir  pas.   »  II, 

Ou. 

Voix.  «  Le  ton  de  voix  impose  aux  plus  sages.  »  I,  33. 
Voler,  pour,  s'élever.  «  Pourquoi   ils  (les  hommes)  ne  peuvent  voler  plus 
haut.  »  II,  169. 

Voleurs.  Voy.  Hérétique. 

Volonté.  «  La  volonté  est  un  des  principaux  organes  de  la  créance.  I,  41. 

—    La  volonté    aime    naturellement.    I,   99.   La   volonté   ne    fait    jamais 


82 


TABLE   ANALYTIQUE   ET   LEXIQUE. 


la  moindre  démarche  que  vers  cet  objet  (d'être  heureux).  >•  J,  116.  —  La  cupi- 
dité et  la  charité  partaient  les  volontés  des  hommes.  1,  209.  —  «  Dieu  veut 
plus  disposer  la  volonté  que  l'esprit.  »  II,  48.  —  On  ne  peut,  être  plus  heureux 
qu'en  renonçant  à  sa  volonté  propre.  Il,  105.  —  «  Si  les  pieds  et  les  mains 
avaient  une  volonté  particulière,  jamais  ils  ne  seraient  dans  leur  ordre  qu'en 
la  soumettant  à  la  volonté  qui  gouverne  le  corps  entier.  »  II,  113.  —  «  La 
machine  d'arithmétique...  ne  fait  rien  qui  puisse  faire  dire  qu'elle  a  de  la 
volonté,  comme  les  animaux.  »  II,  118  et  361.  —  L'entendement  et  la  volonté. 
II.  296.  Voy.  Entrée.  =  La  volonté  de  Dieu.  Il  faut  juger  de  ce  qui  est  bon  ou 
mauvais  par  la  volonté  de  Dieu,  et  non  par  la  nôtre.  11,93  *.  —  Conformer  sa 
volonté  à  celle  de  Dieu.  II,  231-232.  —  «  La  volonté  de  Dieu  est  accomplie 
en  lui.  »  II,  240.  —  Les  péchés  y  sont  contraires.  Il,  335.  — Les  événements 
nous  la  découvrent.  Ibid.  Cf.  II,  175.  —  Voy.  Sacrifice. 
Volubilité.   «  Rien  n'arrête  la  volubilité  de  notre  esprit.  »  II,  104. 


Vouer.  ■ 
240. 

Vouloir. 

Voyager 
en  parler.  I 


Sa  vie  était  vouée  à  Dieu.. .  Il  a  donc  fait  ce  qu'il  avait  voué.  »II, 


Le  vrai  chemin  est  de  vouloir  ce  que  Dieu  veut.  II,  158  l. 
On  ne  voyage  pas  sur  la  mer  pour  le  plaisir  de  voir,  mais  pour 
,  25-26. 

Vrai.  Le  vrai  et  le  bien,  selon  Montaigne,  sont  si  peu  solides,  que,  quelque 
peu  quon  serre  les  mains,  ils  s'échappent  entre  les  doigts.  I,  cxxxi.  — 
«  Nous  sommes  incapables  et  de  vrai  et  de  bien.  »  I,  41.  —  «  Rien  n'est 
purement  vrai  ;  et  ainsi  rien  n'est  vrai,  en  l'entendant  du  pur  vrai.  »  I,  88. 
Voy.  Ici.  —  Il  faut  que  l'agréable  soit  pris  du  vrai.  I,  104.  —  «  Nous  n'avons 
aucune  idée  du  vrai.  »  1, 113.  —  «  Vous  avez  deux  choses  à  perdre,  le  vrai  et 
le  bien.  ■>■>  1,  150.  —  Le  vrai  a  toujours  été  dans  l'Église.  I,  174.  —  «  Le 
pyrrhonisme  est  le  vrai.  »  IL  89.  Cf.  II,  155.  Voy.  Principe.  —  «  11  y  a  bien 
des  gens  qui  voient  le  vrai,  et  qui  n'y  peuvent  atteindre.  »  II,  117.  —  Vrais 
Juifs,  vrais  païens,  vrais  chrétiens.  I,  210;  II,  56,59  (note),  170.  —  Voy.  Reli- 
gion. 

Vraisemblance,  au  pluriel.  I,  cxxxi. 


Xaviek  (Saint).  «  Quant  saint  Xavier  fait  des  miracles!..  »  II,  204. 


Y,  pronom.  «  Compare-t'y  (à  moi).  Mais  qui  compareras-tu  ?  «  II,  210. 

Yeux  (les).  La  concupiscence  des  yeux  (la  curiosité).  II,  103,  192  2.  — 
«  Des  yeux  il  va  jusques  aux  cœur,  d  II,  252.  —  Langage  des  yeux.  II,  255  2. 
Voy.  Coeur.  —  «  Les  yeux  s'allument  et  s'éteignent  dans  un  môme  moment.  » 
II,  257.  —  Au  figuré  :  «  Aux  yeux  du  cœur,  qui  voient  la  Sagesse.  II,  16. 


Zèle.  Le  zèle  du  peuple,  chez  les  Juifs,  depuis  qu'il  n'y  a  plus  eu  de  pro- 
phètes. 1, 212.  Voy.  Diable.  —  «  Quatre  sortes  de  personnes  :  zèle  sans  science  ; 
science  sans  zèle;  ni  science  ni  zèle  :  zèle  et  science.  »  H,  100.  —  «  Je  loue 
de  tout  mon  cœur  le  petit  zèle  que  j'ai  reconnu  dans  votre  lettre  pour  l'union 
avec  le  pape.  »  II,  328. 

Zéro.  «  J'en  sais  qui  ne  peuvent  comprendre  que  qui  de  zéro  ôte  4  reste 
zéro.  »  1,5.  —  «  Le  zéro...  est  un  véritable  indivisible  de  nombre,  comme  l'in 
divisible  est  un  véritable  zéro  d'étendue.  II,  204. 


1. 


Vouloir  ce  que  Dieu  veut,  est  la  seule  science 
Qui  nous  met  en  repos. 

Malherbe,  Consolation  à  Du  Perier. 


2.  Voir  le  chap.  xxxv  du  X°  livre  des  Confessions  de  S.  Augustin 


TABLE 


DES  NOMS  PROPRES 


POUR 


L'INTRODUCTION  ET  LE  COMMENTAIRE 


Acon  et  Léonilla.  I,  86,  notes. 

Annat  (le  Père),  cix. 

Archimède.  Figure  Pascal  lui-même. 
II,  21. 

Apistote.  Dit  que  la  coutume  est  une 
secondenature.  1,42, notes.—  Cité 
sur  la  question  de  l'amour  de  Die  u. 

I,  179,  219  et  221.  —  Ses  erreurs 
en  physique.  II,  271,  272,  notes. 
—  Sa  définition  du  mouvement. 

II,  285,  notes.  —  Sa  II  hé  torique. 
11,  143,  343.  Cf.  II,  13. 

Arnauld.  Critique  une  pensée  de  Pas- 
cal. I,  47.  —  Ses  Pensées  sur  les 
miracles.  II,  87. 

Arnobe.  Cité  sur  l'argument  du  pari. 

I,  159. 

Arnoul  (M.).  I,  lxxvi,  note;  lxxxviii, 
notes,  et  cvu. 

Augustin  (Saint).  Le  Père  du  jansé- 
nisme. I,  cxvi,  219.  —  Son  livre 
De  la  véritable  religion.  I,  8,  no- 
tes, 220  ;  II,  332,  notes,  361.  —  Ci- 
tation de  sa  Cité  de  Dieu.  I,  39, 
notes,  219;  II,  275.  —  Ses  idées 
bizarres  sur  les  âges  du  monde. 

II.  218, 275.  —  Son  «  Je  doute,  donc 
je  suis  ».  II,  303,  notes,  et  313. 

Bacon  (François).  Sur  la  superstition 
de  l'antiquité.  II,  274. 

Bacon  (Roger).  Ibid. 

Balzac  (Guez  de).  Passages  de  son 
Arislippe.  I,  35  et  37,  notes.  — 
Du  Socrate  chrétien.  I,  100,  164, 
118,  notes;  II,  34  et  87,  notes  et 
359-360.  —  De  la  Relation  à  Mé- 
nandre.  1, 173,  notes.  —  De  la  Ré- 
ponse à  quelques  questions,  etc.  I, 
131. 

Barthélémy  (l'abbé).  Cité  sur  l'amour 
de  Dieu.  I,  219. 

Bautru.  Mot  de  lui. 

Bayle.  I,  159.  Voy.  Arnobe.  —  Son 
fameux  article  sur  David.  II,  12. 


Belley  (l'évêque  de).  I.  lxx,  note. 

Bertrand  (M.  Joseph).  II,  131,  notes. 

Besonone  (l'abbé).  I,  lxxiv,  notes. 

Beurrier  (le  Père).  1,  lxxxviii,  notes. 

Blois  (les  pauvres  de).I,  lxxx,  notes. 

Boileau.  Son  Epître  sur  l'Amour  de 
Dieu.  I,  216;  II,  136, 

Boileau  (l'abbé).  Sur  une  hallucina- 
tion de  Pascal.  I,  cvm. 

Boissonade(J.-F.)  Son  témoignage  sur 
mon  commentaire.  I,  204. 

Bordas-Demoulin.  I,  xliv,  note. 

Bossuet. Comparé  avec  Pascal.  I,  xxxi 
xxxiv,  et  xxxvn.  —  Pascal  l'a-t-il 
imité?  I,  123.  —  Cité.  I,  154,  no- 
tes, 181,  191,  220;  11,37,  102,  no- 
tes;  142,  242,  notes,  250.  —  Sa 
doctrine  sur  la  Grâce.  I,  cxiv.  — 
A,  dans  le  Discours  sur  l'histoire 
universelle ,  rempli  un  plan  tracé 
par  Pascal.  I,  203. 

Bossur.  Son  édition  de  Pascal.  1,  xlii 
et  xcvii. 

Bruscambille.  Rapproché  de  Pascal. 
I,  131. 

Bruyère  (La).  Voy.  La  Bruyère. 

Buffon.  Sur  la  mémoire.  II,  212.  — 
Son  analyse  de  la  Mort.  II,  2i8. 

BussY(le  comte  de).  Son  témoignage 
sur  les  Pensées.  I,  xxxix,  note. 

Calvin.  Cité.  II,  54. 

Caulier  (Clément).  Trisaïeul  de  l'au- 
teur du  présent  commentaire. 
Extrait  d'un  Journal  manuscrit 
qu'il  a  laissé.  II,  146. 

Chaise  (La.)  Voyez  La  Chaise. 

Charron.  Défendu  par  Saint-Cyran 
contre  le  P.  Garasse.  1,  xi.  —  Sur 
l'antithèse  qui  est  dans  la  nature 
de  l'homme.  I,  130. 

Chateaubriand.  Rapproché  de  Pascal. 
I,  58.  —  Cité  sur  Pascal.  I,  xlii, 
93. 

Chavaisnes  (M.  Frédéric).  A  déchiffré 


84 


TABIE  DES   NOMS   PROPRES 


le  nom  de  Salomon  de  Tultie.  I, 
101, notes.  —  A  établi  la  date  d'une 
lettre  à  Mlle  de  Roanne/.  II,  342, 
note. 

Chevreuse  (le  duc  de).  C'est  à  lui  que 
sont  adressés  les  Discours  sur  la 
condition  des  Grands.  Il,  350. 

Christine  de  Suède.  Est  la  Cléobuline 
du  Cyrus.  II,  218. 

Cicéron.  Jugé  sévèrement  par  de 
grands  esprits.  I,  112.  — Cité  sur 
la  question  de  l'amour  de  Dieu.  I, 
219.  —  Sur  la  mort.  II,  247. 

Clément  IX  (Paix  de).  I,  xciv. 

Clerc  (Le).  Voy.  Le  Clerc. 

Colrert,  évêque  de  Montpellier.  I, 
xcvi,  et  II,  81. 

Collet  (M.).  Sa  découverte  sur  les 
rapports  de  Méré  avec  Pascal.  I, 
civ.  Voy.  Méré. 

Condorcbt.  Son  jugement  sur  l'élo- 
quence de  Pascal.  1,  xxxviii.  — 
Son  édition  des  Pensées.  I,  xl, 
xcvii.  —  Cité.  I,  111;  II,  136.  — 
Réfutation  de  sa  critique  de  Pas- 
cal sur  l'argument  du  pari.  I,  160. 

Copernic.  Sur  l'opinion  de  Copernic. 
II,  128-131. 

Corneille.  Citation  de  Rodoqune.  I, 
84,  notes.  —  De  Mèdée.  'lbid.  Cf. 
II,  140.  —  WHéraclus.  I,  197,  no- 
tes. —  Voy.  Voltaire. 

Cousin  (M.).  A  montré  le  besoin  que 
le  jansénisme  a  du  pyrrhonisme. 

I,  xii.  — A  établi  le  scepticisme  de 
Pascal.  I,  xiu.  —  Son  livre  des 
Pensées  de  Pascal  (1842).  I,  xliii, 
xcvii.  —  De  la  Société  française 
au  xviie  siècle.  II,  217.  —  Sa  dé- 
couverte du  Discours  sur  les  pas- 
sais de  Vamour.  II,  262.  —  Voir 
encore  1,  166. 

Daniel  (le  livre  de).  Sa  date.  I,  xxn; 

II,  34. 

Daniel  (le  Père).  Critique  qu'il  adresse 
à  Pascal.  II,  125,  notes. 

De  Long-Champ.  Voy.  Rruscambille. 

Delzons  (M.).  Voy.  l'Avis. 

De  Maistre  (Joseph).  —  Son  senti- 
ment sur  Pascal.  I,  xlii,  note. 

Desargues,  le  géomètre.  1,  lxvii,  no- 
tes; II,  163,  noies. 

Descartes.  I,  xxx,  I,  219.  —  Son 
homme  sans  tête.  I,  9,  notes.  — 
Mot  de  lui  sur  les  comparaisons. 

I,  109.  —  Son  objection  contre  la 
valeur  de  nos  connaissances.  1, 
122,  123.  —  Son  sentiment  sur 
X automate.  I,  16S.  —  Découragé 
par  la  condamnation  de  Galilée. 

II,  129.  Voy.  Galilée.  —  Mot  de 
Pascal  sur  lui.  II,  148.  —  Sa 
physique,  II,  151,  notes.  —  Nie 
qu'il  ait  emprunté  ses  principes 
à  saint  Augustin    II,  305,  notes. 


Deschanel  (M.).  Cité  au  sujet  du  nez 
de  Cléopdtre,  I,  93. 

Des  Molets  (le  Père).  I,  xli,  xcvi  et 
cxxn. 

Des  Pennes  (Mme).  II,  217. 

Domat.  II,  106,  notes. 

Duclos.  Mot  qu'on  lui  attribue.  1,146, 

Duguet.  Son  livre  sur  les  Figures.  I, 
xxiv,  note,  214. 

Egger  (M.).  I,  179. 

Emi-krocle.  On  lui  rapporte  l'image 
de  la  sphère  dont  le  centre  est 
partout.  T,  19. 

Enoch  (le  livre  d'),  11,83,  360. 

Epictète.  Citations  prises  de  ses  En- 
tretiens. 1, 118,  notes;  II,  114,  no- 
tes. —  Du  Manuel.  I,  73,  notes.  — 
Fragment.  I,  64,  notes. 

Esdras  (le  IVe  livre  d').  II,  361. 

Etemare  (l'abbé  d').  Son  témoignage 
sur  YEntrelien  de  Pascal  avec 
M.  de  Saci .  I,  cxxi. 

Eutychès.  Son  hérésie.  II,  18,  notes. 

Faugère(M.  Prosper).  Son  édition  des 
Pensées  de  Pascal.  II,  xcviu.  Cf. 
I,  21,  etc.  —  Son  édition  des  Let- 
tres, opuscules  et  mémoires  des 
sœurs  et  de  la  nièce  de  Pascal. 

I,  lxxi,  notes.  —  A  publié  le  Tes- 
tament de  Pascal.  I,  lxxxi,  notes. 

—  Son  Eloge  de   Pascal.  I,  xliv, 
notes.  —  Voir  encore  I,  125. 

Fayette  (La)  Voy.  La  Fayette. 
Fénelon.   Citation    de    sa   Lettre    à 
Cévêque  d'Arras.   II,  47,  54,  213. 

—  De  sa  Lettre  à  l'académie  fran- 
çaise. II,  144. 

Fiurelli  (Tiberio),  <>u  Scaramouche. 

II,  164,  notes. 

Fléchier.  Anecdote  sur  Pascal  dans 
ses  Mémoires  sur  les  Grands-Jours 
d'Auvergne.  I,  civ. 

Fleury  (l'abbé).  I,  218. 

Floquet  (M.).  Cité  sur  la  question, 
si  Pascal  a  imité  Rossuet,  I,  125. 

Flottes  (l'abbé).  Ses  Etudes  sur  l'as- 
cal.  I,  xliv,  notes.  —  Ses  Etudes 
sur  saint  Augustin.  II,  313,  note. 

Flourens  (M).  Cité  sur  l'autopsie  de 
Pascal.  I,  cxii,  notes. 

Fludd  (Robert),  alchimiste.  II,  8 
notes. 

Fom  aine.  Est  la  source  pour  VEntre- 
tien  de  Pascal  avec  M.  de  Saci. 
I,  exxi.  —  Cité.  11,211,  217. 

Fontanes.  Son  jugement  sur  Pascal. 
I,  xlii  et  135. 

Fontenelle.  Cité.  7,,  lvst,  note.  — 
Ses  Entretiens  sur  la  pluralité 
des  mondes.  I,  15.  —  Son  His- 
toire d^s  Oracles.  II,  45.  —  Sa 
Digression  sur  les  anciens  et  les 
modernes.  Il,  275. 

Forton  (Jacques),  dit  frère  Saint- 
Ange.  I,  lxx,  notes. 


TABLE   DES   NOMS   PROPRES 


85 


Franck  (M.).  Son  article  Pascal  dans 
le  Dictionnaire  des  sciences  philo- 
sophiques. I,  vin,  notes. 

Fin  initie  II.  Cite  sur  le  système  de 
Copernic.  11    131. 

Gal.vhn  (Pierre).  II,  37. 

Gai. ii. ii'.  A  donne  aux  hommes  un 
sentiment  plus  vif  de  l'infini.  I, 
46.  —  Sentiments  de  Pascal  sur 
l'opinion  de  Galilée.  II,  129-130, 

Gandar.  1,  219. 

Gakcin  de  Tassy.  II,  360. 

Godefroy  (M.  Frédéric).  T,  54,  notes. 

Gonod  (B.).  Ses  Recherches  de  la  mai- 
son où  Pascal  est  né,  etc.  1,  lxiii, 
notes. 

Gournay  (MMe  de).  Pascal  lui  a  pris 
l'image  de  la  sphère  dont  le  cen- 
tre est  partout.  1, 17. 

Gréard.  I,  221. 

Grotius.  Sou  livre  de  Véritable  reli- 
gionis  christianse  cité.  I,  155,  no- 
tes, 199,  notes;  II,  43,  notes,  58 
et  60,  notes,  148,  etc.  —  Prouve 
Dieu  par  le  vide.  I,  155,  notes. 

Guerrier  (le  Père).  I,  xcx. 

Giuzot  (M.).  Voy.  Saint-Évremond. 

Hamon.  Son  livre  sur  lePsaumecxv  m. 

I,  lxxvii,  notes. 

Hélinard.  Rapportait  à  Empédocle 
l'image  de  la  sphère  dont  le  cen- 
tre est  partout.  I,  19. 

Hénoch.  Voy.  Enoch. 

Hermès  Trismégiste.  I,  17. 

Héron  d'Alexandrie.  II,  272,  notes. 

Hobbes,  1,  220. 

Homère.  Mal  connu  de  Pascal.  I,  203. 

Horace.  Opposé  à  Pascal.  I,  89. 

Hugo  (M.  Victor).  Son  Booz  endormi. 

II,  221. 

Humboldt  (Alexandre  de).  II,  104, 
notes,  131. 

Isaie.  Passage  d'où  est  sortie  la  doc- 
trine du  Dieu  qui  aveugle.  11,52. 

Jacqueline  Pascal.  Lettre  de  Pascal 
à  son  sujet.  I,  lxxxiv,  notes.  — 
Lettre  d'elle  à  M.  Perier.  lxxxiii, 
notes.  —  Son  Mystère  de  Jésusy 
lxxxvii,  notes.  —  Sa  lettre  à  la 
sœur  Angélique.  II,  133.  —  Let- 
tre à  Mme  Perier  sur  la  conver- 
sion de  son  frère.  II,  319.  —  Sa 
mort.  I,  ex.  —  Voir  aussi  I,  112. 

Jansknius.  Réflexions  sur  sadoctrine. 
1,  cxv. 

Jehovah.  L'amour  de  Jehovah  n'est 
pas  ce  que  nous  appelons  amour 
de  Dieu.  I,  178. 

Joubert  (Joseph).  I,  99,  notes. 

Juvénal.  Cité.  I,  179.  —  Rapproché 
de  Pascal.  I,  218. 

Kant.  Sa  doctrine  en  germe  dans 
une  phrase  de  Pascal.  I,  159.  — 
Ses  antinomies.  II,  147  et  310. 

La   Bruyère.   Son   témoignage   sur 


Pascal.  I,  xl.  —  Pensées  qu'il  a 
prises  de  lui.  I,  34,  notes;  44, 
notes;  76,  notes;  II,  265.  —  Au- 
tres, où  il  le  contredit.  I,  84, 
n  tes;  II,  141.  — Rapproché  de 
Pascal.  I,  15,  no,  94,  147. 

La  Chaise  (M.  de).  Ses  Discours  à 
l'occasion  des  Pensées  de  Pascal. 
I.  i.xxiv,  notes. 

La  Fayette  (M111*  de).  Ce  qu'elle  pen- 
sait de  Pascal.  I,  zzxix. 

Lauiïre  (M.).  Edition  complète  de 
Pascal  publiée  par  lui.  ic,  notes. 

Lamartine  (M.  de).  Vers  où  il  s'ins- 
pire de  Pascal.  1,  xxxv,  note.  — 
Autres  citations.  I,  9,  notes;  II, 
320. 

La  Motqe  le  Vayer.  Son  livre  De 
la  vertu  des  Païens.  II,  132. 

Laplace.  —  Sa  critique  d'un  calcul 
de  Pascal.  I,  160-162. 

Le  Clerc  (M.  Victor).  Cité  sur  la 
sphère  dont  le  centre  est  par- 
tout. I,  18.  —  Sur  les  mots  Spon- 
gia  solis.  I,  43,  notes.  —  Sur  la 
question  de  l'amour  de  Dieu.  I, 
219.  —  Sur  un  passage  où  Pascal 
rend  hommage  à  Montaigne.  II, 
305,  notes.  —  Son  édition  de  Mon- 
taigne. I,  IV. 

Lélut  (M.).  Son  livre  De  l'Amulette 
de  Pascal.  I,  cvm. 

Lescoeur  (M.  Léon).  Son  livre  De  la 
méthode  philosophique  de  Pascal. 
I,  xliv, notes. 

Letronne.  Cité  sur  la  question  de 
l'amour  de  Dieu.  1, 179. 

Locke.  I,  160,  note,  et  163,  note. 

Louis  XIV.  I,  56,  67. 

Lucrèce.  Cité.  I,  15,  56. 

Luynf.s  (le  duc  de).  II,  327,  notes, 
350,  note. 

Mahomet.  Cité.  II,  45. 

Maistre  (De).  Voy.  De  Maistre. 

Malherbe.  Ses  beautés  poétiques.  I, 
410. 

Malebranche.  î,  cvm.  —  Cité.  II, 
130. 

Manilius.  I,  37,  notes. 

Martin  (M.  Henri).  Son  chapitre  sur 
Pascal  dans  son  Histoire  de  France. 
I,  xliv,  note. 

Martin  (Raymond).  Voy.  Raymond 
Martin  . 

Martini  (le  Père).  II,  108,  notes,  137. 

Maynard(M.  l'abbé).  Ses  travaux  sur 
Pascal.  I,  xliv,  note.  —  Cité  au 
sujet  de  la  montre  de  Pascal.  It 
98,  notes. 

Méré.  Ses  rapports  avec  Pascal.  I, 
civ.  —  Critique  une  idée  de  Pas- 
cal.1,16. — Souvenirs  de  Méré  dans 
Pascal.  Sur  l'honnête  homme.  I, 
74,  notes.  —  Sur  les  périphra- 
ses. 1, 102,  notes.  —  Sur  les  répé- 


86 


TABLE   DES   NOMS   PROPRES 


titions.  I,  103,  notes.  —  Qu'il  ne 
faut  pas  écrire  en  auteur.  I,  105, 
notes.  —  Sur  l'esprit  de  finesse. 

I,  107.  —  Que  l'éloquence  est  une 
peinture.  II,  123,  notes.  —  Qu'il 
ne  faut  pas  se  laisser  deviner,  II, 
15  i,  notes.  —  Ne  prend  pas  de 
parti  sur  le  système  du  monde. 

II,  129.  —  N'était  pas  géomètre. 
II,  289,  noie. 

Mersenne  (le  Père).  I,  x,  lxvi,  note. 

Michelet  (M.).  Cité  sur  les  deux  in- 
finis. I,  16. 

Mirandole  (De  la).  Voy.  Pic. 

Miton.  Ses  rapports  avec  Pascal.  I, 
cv. 

Moigno  (M.  l'abbé).  Sur  la  question 
du  nombre  infini.  I,  192. 

Molets  (Des).  Voy.  Des  Molets. 

Molière.  Son  Don  Juan  rapproché  de 
Pascal.  I,  146. 

Molina.  Sa  doctrine.  I,  cxv. 

Molinoir  (Auguste).  1,  219. 

Monaierqué  (L.  J.  N.).  Cité  sur  les 
carrosses  à  cinq  sous.  I,  lxxx, 
note. 

Montaigne.  Etablit  sa  religion  sur 
son  pyrrhonisme.  I,  xi.  —  Les 
souvenirs  de  Montaigne  sont  trop 
multipliés  dans  Pascal  pour  qu'il 
soit  possible  de  les  recueillir  dans 
cette  Table.  Voir  I,  39,  notes,  etc. 

Montesquieu.  Rapproché  de  Pascal. 
I,  111  et  215.  —  S'est  trompé 
sur  un  verset  de  la  Bible.  II,  13, 
note.  —  Son  mot  sur  l'opposition 
du  judaïsme  au  christianisme.  I, 
215. 

Morel.  Il,  301. 

Mothe  (La).  Voy.  La  Mothe  le  Vayer. 

Nestorius.  Son  hérésie.  II,  18,  notes. 

Nicole.  Dit  que  fhérésie  de  son 
temps  est  l'athéisme.  I,  x,  167.  — 
A  publié  les  Discours  sur  la  con- 
dition des  Grands.  I,  xcvi  et  II, 
348.  —  Son  jugement  sur  Pascal. 
I,  xl  et  57.  —  Ses  idées  sur  la 
justice  de  Dieu.  I,  58.  —  Voir 
encore  II,  53  et  360. 

Nisard  (M.).  Son  chapitre  sur  Pas- 
cal. 1,  xliii.  —  Son  jugement  sur 
la  Prière  pour  la  maladie.  II, 
233. 

Nodier  (Charles).  I,  n. 

Noël  (le  Père).  Sa  définition  de  la 
lumière.  II,  283,  notes. 

Pascal  (Biaise).  Sa  foi.  I,  ix.  —  Son 
pyrrhonisme.  xm.  —  Sa  thèse, 
xvu-xxx.  —  Comparé  à  Descartes 
et  à  Bossuet.  xxx-xxxm.  —  In- 
fluence de  son  génie,  xxxiy.  — 
Sa  rhétorique,  xxxvi.  —  Son  ima- 
gination, xxxvm.  —  Son  manus- 
crit, lv,  note.  —  Aventure  qui 
Jm  arriva  quand  il  avait  un  an. 


en.  —  Fait  la  cour  à  une  dame 
d'Auvergne,  civ. —  Mémento  qa'il 
portait  sur  lui.  cvi.  —  Accident 
qu'il  éprouve  au  pont  de  Neuilly. 
cvn.  —  Hallucination  habituelle 
qu'on  dit  qu'il  ressentait,  cxu.  — 
Ce  qu'il  dit  des  Provinciales,  étant 
prêt  de  mourir,  cxi.  —  Son  au- 
topsie, cxn.  —  Renvois  aux  Pro- 
vinciales. 1,  46;  II,  53,77;  notes, 
85,  92,  notes,  117  et  118,  notes, 
129,  136,  347.  —  Vers  qu'on  lui 
attribue,  I,  111. —  Cité  sur  Yopi- 
nion  de  Copernic.  II,  129.  —  Ses 
sentiments  sur  la  philosophie  de 
Descartes.  II,  148.  —  Son  dédain 
des  sciences  historiques.  II,  177. 

—  Voy.  Galilée. 

Pascal  (Etienne),  père  de  Pascal.  I, 
Lxm,  notes. 

Pascal  (Gilberte).  Voy.  Perier  (M»'). 

Pascal  (Jacqueline).  Voy.  Jacqueline 
Pascal. 

Paul  (Saint).  Explication  de  son  jan- 
sénisme. I,  cxvi.  —  N'est  pas  un 
témoin.  II,  44. 

Pennes  (Mme  Des).  Voy.  Des  Pennes. 

Perier  (Mm°).  I,  lxiii,  note;  lxxi, 
notes,  et  eu. 

Perier  (Etienne),  auteur  de  la  Pré- 
face de  l'édition  de  Port-Royal. 

I,  xlvii,  note. 

Pbiuer  (Marguerite).  Miracle  dont 
elle  est  l'objet.  I,  cvm.  —  Ses 
Mémoires  cités.  I  ,  en ,  exi  , 
note,  etc. 

Perrault  (Nicolas),  docteur  de  Sor- 
bonne,  frère  de  Claude  et  de 
Charles  Perrault.  Cite.  II,  100. 

Pétrone.  Phrase  de  lui  citée  par 
Pascal.  I,  105,  note.  —  Voy.  Saint- 
Evremond. 

Pic  de  la  Mirandole.  I,  19. 

Pilate.  Traité  favorablement  dans 
les  Evangiles.  II,  44. 

Piobert  (M.  le  général).  Son  expli- 
cation d'un  fragment  de  Pascal. 

II,  103,  note. 

Platon.  Semble  demander  une  révé- 
lation. I,  xi.  —  Rapproché  de 
Pascal.  1, 129-130,  145,  153,  note; 
II,  144,  234.  —  Cité  sur  la  ques- 
tion de  l'amour  de  Dieu.  1,  219. 

Plaute.  Cité.  I,  219. 

Plotin.  Cité,  I,  218. 

Plutarque.  Rapproché  de  Pascal.  I„ 
35,  notes;  II,  217. 

Pope.  Rapproché  de  Pascal.  I,  135. 

Port-Royal  (Messieurs  de).  I,  134. — 

—  Leur  édition  des  Pensées.  I, 
xcv,  13;  55,  157,  etc.  —  Leur 
Epigrammatum  delectus.  I,  86, 
notes. 

Postel  (Guillaume).  Sa  République 
des  Turcs.  II,  272,  notes. 


TABLE    DES   NOMS    PROPRES 


87 


Alévost-Paradol.  I,  210. 
Quintilien.  Opposé  à  Port-Royal.  Il, 

217. 

Rabelais.  Cite  à  propos  de  l'image 
de  la  sphère  dont  le  centre  est 
partout.  1,  17.  --  Souvenirs  de 
Rabelais  dans  Pascal.  I,  33,  notes 
106,  notes. 

Racan.  Vers  cités.   II,  213. 

Racine.  Citations  de  son  Histoire  de 
Port-Royal.  I,  i.xxxv,  notes,  exi, 
cxi.  —  Son  cantique  sur  la  Sa- 
.  I,  100. 

Racine  (Louis).  Cité.  I,  217;  II,  53, 
135. 

Ravaisson  (M.).  II,  218. 

Raymond  Martin.  Son  Pugio  fidei.  II, 
8,  notes,  et  37. 

Raymond  Sebond.  Voy.  Sebond. 

Renan  (M.).  II,  220.  —  Sa  traduction 
de  Job.  IL  169,  notes,  218,  etc. 

Reuchun  (Jean).  De  arte  cabbalistica. 
II,  8,  noirs. 

Reuchlin  (M.  le  docteur).  I,  xlv, 
notes. 

Rigault  (Hippolyte).   II,  274,  notes. 

Roannez  (Le  duc  de).  Prononcez  Roa- 
nais.  I,lxxvui,  notes.  —  Sa  liaison 
avec  Pascal.  I,  civ.  Sa  part  dans 
la  première  édition  des  Pensées. 
xcvi.  —  La  concierge  de  sa  mai- 
son veut  poignarder  Pascal.  II, 
340,  notes. 

Roannez  (Mlle  de).  II,  327  et  329,  no- 
tes 343-345. 

Rousseau  (Jean-Jacques).  Sa  grande 
objection  contre  la  révélation.  I, 
xvm.  —  Trace  le  plan  d'une  cri- 
tique des  religions.  I,  xxi.  —  Rap- 
proché de  Pascal.  I,  93. 

Sablé  (Mme  De).  II,  140. 

Saci  (Le  Maître  de).  I,  cxxur,  cxxix, 
cxxxv,  cxxxvi;  II,  217,  et  333,  334, 
notes. 

Saint-Ange  (Frère).  Voy.  Forton. 

Saint-Cyran  (Du  Vergier  de  Hau- 
ranne,  abbé  de).  Prend  la  défense 
de  Charron.  I,  xi.  —  Cité  sur  le 
petit  nombre  des  élus.  II,  54.  — 
Sur  la  sainteté  du  prêtre.  II,  146. 

Sainte-Beuve  (M.).  —  Ses  études  sur 
Pascal  dans  son  Port-Royal.  T. 
xliv.  —  Cité.  II,  65,  133,  145,  249, 
etc.  —  Sur  l'Entretien  avec  Saci. 
I,  cxxi,  cxxxvm,  note. 


Sainte  Marthe  (M.  Dr).  î,  lxxxviii, 
notes. 

Saint-Evrbmond.  Mot  sur  Yhonnéle 
homme  à  propos  de  Pétrone.  I,  74, 
note. 

Saint-Hilaire  (M.  Barthélémy).  M, 
314. 

Sauiun  (Jacques).  Cité.  1,  166:  II,  53. 

Scudkiu  fM»«  I)k).  II.  218,  219. 

Scudéri  (Mme  De).  I,  xxxix,  note. 

Sebond  (Raymond).  Citation  de  sa 
Thr'oloffie  naturelle.  I,  130.  —  A 
entrepris  de  prouver  La  Trinité 
par  des  raisons  naturelles.  I,  167. 

Sénèque.  Cité  sur  l'amour  de  Dieu.  I, 
219.  —  Pressent  l'avenir  de  la 
science  {Questions  naturelles.  VII, 
xxix,  3  et  suiv.).  Il,  276. 

Sévigné  (Mmc  De).  Ce  qu'elle  pensait 
de  Pascal.  I,  xxxix.  —  Mot  de  Pas- 
cal qu'elle  relève.  II,  127.  —  Citée 
sur  Cléobuline.  II,  217.  —  Sur 
Messieurs  de  Port-Royal.  I,xxxix; 
II,  300,  note. 

Singlin  (Antoine).  I,  lxxxiv,  note 
cxxiu;  II,  349,  notes. 

Spinoza.  Son  traité  théologico-poli- 
tique.  I,  ix. 

Strauss  (le  docteur  de).  II,  12. 

Swammerdam.  I,  17.  Voy.  Galilée. 

Tacite.  Sur  les  miracles  de  Vespasien. 
11,  126,  notes. 

Taine  (M.).  I,  135. 

Thomas  d'Aquin.  Cité.  II,  158,  notes. 
284,  notes. 

Thurot.  II,  363. 

TlMÉE   DE   LOCRES.   I,  16. 

Utrecu  (le  Recueil  d') .  I.  ex. 
Vauvknargues.  Son  témoignage  sur 
Pascal.  I,  xl. 

VlLLEMAIN    (M.).  I,   XLII,   164. 

Vincent  de  Beauvais.  I,  18. 

Vinet  (Alexandre).  I,  xliv,  note,  et 
102,  notes. 

Voltaire.  Ses  Remarques  sur  les 
Pensées  de  Pascal.  I,  xl,  xli,  216; 
1, 139,  notes.  —  Son  Commentaire 
sur  Corneille.  I,  xli,  note.  —  Prend 
contre  Pascal  la  parti  de  l'huma- 
nité. 1,  29.  —  Vers  ci  Lés.  I,  108; 
II,  2  7.  —  Sa  critique  d'une  pen- 
sée de  Pascal.  I,  203. 

Xénophon.  I,  62,  notes. 


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